CAP'ÉCO LE TRIMESTRIEL - APRÈS-CRISE : LE COMMERCE À LA RELANCE - CCI Vienne
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CAP’ÉCO LE TRIMESTRIEL DE L’ÉCONOMIE DANS LA VIENNE APRÈS-CRISE : LE COMMERCE À LA RELANCE CAHIER DE LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE - Jeudi 24 juin 2021 - N° 23.344 - Ne peut être vendu séparément - 86
actus en bref point chaud en vue DOMALYS INNOVE Turbulences sur la ligne Poitiers-Lyon Quel avenir post-Covid L’entreprise de Fontaine-le-Comte vient de se voir attribuer une pour l’aéroport de Poitiers ? subvention de 191.000 € de la Région Nouvelle-Aquitaine pour mener à bien son nouveau projet. Celui-ci vise à développer, pour les personnels soignants, une solution technologique d’assistance au transfert non traumatisante, peu encombrante et à coût réduit, afin de pouvoir équiper les chambres des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et des hôpitaux, (Photo NR, Mathieu Herduin) ou le domicile du patient, en tenant compte du confort biomécanique du patient. Projet en collaboration avec l’équipe robotique biomécanique Sport et Santé de l’université de Poitiers. SOS DATA SE DÉVELOPPE La start-up poitevine, créée en 2007 L et spécialisée dans l’expertise de es entrepreneurs du Poitou pourront-ils syndicat à l’exploitant Sealar, en revoyant les matériel informatique, le cloud, les durablement compter sur l’aéroport de objectifs de fréquentation à la baisse. hébergements…, a intégré en avril le groupe national Factoria. SOS Data, qui Poitiers-Biard ? La question se posait déjà Il a également fait voter par le comité syndical emploie actuellement douze personnes, avant la crise du Covid. L’obligation de service une aide exceptionnelle de 170.625 € (sur un permet à Factoria d’améliorer sa public qui assure le financement de la ligne La total de 700.000 € de fonds publics) à Chalair présence sur le territoire français. Rochelle-Poitiers-Lyon - avec les participations pour sauver la ligne vers Lyon jusqu’en octobre de l’État et de la Région - arrivera en effet à prochain. Au total, la petite compagnie française MARIE SURGELÉS SÉDUIT La branche traiteur du groupe LDC échéance fin 2023. n’a transporté que 5.706 passagers en 2020 sur (dont fait partie Marie Surgelés, au Elle se pose avec encore plus d’incertitude cette ligne, soit près de quatre fois moins qu’au siège, à Mirebeau) enregistre, pour depuis un an. Le trafic aérien s’est effondré et cours de l’année précédente. Les rotations n’ont l’exercice 2020-2021, une progression une majorité écologiste opposée à ce mode de pour le moment pas retrouvé le niveau prévu des ventes portée par la consommation transport a pris le contrôle de la communauté dans le cadre de l’obligation de service public. à domicile. Sur l’exercice, l’activité du urbaine de Grand Poitiers, actionnaire Sur fond de tensions – et même de procédure pôle s’élève à 655,1 M€, en progression minoritaire du syndicat mixte de l’aéroport. en justice ! –, entre les deux collectivités qui de 1,6 %, avec des volumes vendus en Le conseil départemental de la Vienne, pilotent le syndicat mixte, l’aéroport de Poitiers hausse de 2,4 %. actionnaire majoritaire, est tout de même traverse cette zone de turbulences de manière parvenu à imposer une particulièrement chaotique. révision du contrat de Baptiste Bize délégation qui lie le elles recrutent il reste KRAMP ODET TRIQUET (Photo archives NR-CP, Patrick Lavaud) Spécialiste Président du matériel agricole Depuis 2012, à la tête de la Caisse Son siège est à Loudun et régionale du Crédit Agricole de il a enregistré, en 2020, un Touraine et Poitou, Odet Triquet a chiffre d’affaires en hausse de été réélu pour deux ans dans ses 20 %. Pour faire face, Kramp a fonctions en mars. Âgé de 59 ans, décidé d’embaucher, dans un il est exploitant agricole à Blanzay. premier temps, en intérim de Il est administrateur du Crédit longue durée. Depuis la mi-avril, agricole depuis 1997. 70 intérimaires (30 caristes et 40 préparateurs de commande) sont en il investit recrutement. EMIL FREY Véhicules reconditionnés KEVIN WENDLE Ouvert il y a un peu moins Propriétaire d’hôtel d’un an sur le site de l’ancienne Kevin Wendle, producteur Coop Atlantique, à Ingrandes, américain de films et nouveau le pôle de reconditionnement propriétaire du château de (Photo © Emil Frey) de véhicules d’occasion Curzay, a recruté, le 1er mai, la d’Emil Frey France poursuit directrice générale du futur Hôtel sa croissance. Cent trente- Esencia France, qui doit ouvrir neuf salariés sont déjà en ses portes l’an prochain, après poste et cinquante nouveaux d’importants travaux. Il s’agit sont prévus pour la rentrée 2021. À cette date, d’une professionnelle belge de l’entreprise pourrait adopter les 3 x 8. l’hôtellerie, Mariana Closset. AIGLE Bottes rapatriées il part Le fabricant de bottes Aigle a décidé de GÉRARD PERRIN rapatrier des fabrications Directeur des finances sur son usine française Premier directeur départemental d’Ingrandes, à l’image des finances publiques de la du modèle pour enfants Vienne (poste issu de la fusion des Lilly Pop, personnalisable, fonctions de directeur des impôts (Doc © Aigle) actuellement fabriqué en et de trésorier-payeur général), Europe de l’Est. À la clef, Gérard Perrin, nommé en 2016, quatre-vingts nouveaux a pris sa retraite le 1er mai dernier. emplois pourraient être Son successeur est en cours de créés d’ici à 2023. recrutement. 2 I JUIN 2021 I 86 I CAP’ÉCO
l’enquête Claude Lafond, président de la CCI : « La qualité va primer sur la quantité. » (Photo NR, Mathieu Herduin) Les commerçants à la relance Les blessures de la pandémie seront longues à cicatriser. Mais la crise a aussi renforcé les logiques de service et accéléré le déploiement des outils numériques. D es terrasses de café et des boutiques qui rouvrent, des restaurants Robert Dejonghe a saisi cette opportunité pour renforcer son dispositif. et des sites de loisirs qui leur emboîtent le pas… Ce mois de juin a Gérant un fonds de plus de cinquante mille livres, dont douze mille rela- un goût de reprise après l’arrêt forcé d’une grande partie de l’ac- tifs à la gastronomie, l’œnologie et la tabagie, du 16e siècle à nos jours, tivité commerciale, en raison de la pandémie. Commerçants et chalands il les vend depuis longtemps via des sites généralistes d’hébergement. sont au rendez-vous. Plaisir des retrouvailles. Président de la Chambre La crise l’a décidé à créer son propre site marchand pour son enseigne de commerce et d’industrie de la Vienne, Claude Lafond les apprécie phare, Le Festin de Babette. Une nécessité à ses yeux : « C’est une boutique à leur juste valeur : « Ce n’est pas extraordinaire, mais ça va mieux. Ça ouverte 24 h sur 24. Maintenant, c’est obligatoire. On expédie partout : veut dire que la guérison est en cours. » Elle prendra des mois, estime-t-il, en Russie, aux États-Unis, au Japon… » Les aides dont il a bénéficié ont misant sur une amélioration progressive jusqu’en fin d’année : « Je pense financé 50 % de son investissement. qu’à l’aube de 2022, on va passer des fêtes de À Poitiers, le groupe Lassale renforce aussi Noël agréables. » sa stratégie numérique pour ses sept maga- Claude Lafond estime toutefois que la pan- démie laissera une empreinte durable : « On « Le mode de vie sins de prêt-à-porter et de chaussures. « On a déjà beaucoup développé le digital. Mais ne consomme plus de la même façon. On ne peut pas arrêter l’économie d’un pays pendant a changé. » on en est qu’au début », résume Isabelle Guillerm-Lassale. Facebook, Instagram, Lin- quinze mois sans qu’il y ait des conséquences kedIn… Le groupe est très présent sur les sur la façon de dépenser l’argent. » À l’avenir, « la qualité va primer sur la réseaux sociaux, avec des contenus ciblés en fonction des clientèles de quantité », estime-t-il. Logique où le service fera plus que jamais la dif- particuliers ou de professionnels. Il se prépare à ouvrir un site marchand férence. Directeur du développement et de la performance à la CCI 86, à l’horizon 2022. Il aura vocation à être à la fois une vitrine numérique Philippe Prioux souligne que, pour beaucoup, ce service passe par une et un vecteur de e-commerce. Mais là n’est pas le seul enseignement appropriation des outils digitaux : « Les commerçants ont maintenant de la crise, souligne Isabelle Guillerm-Lassalle. Son groupe privilégie l’obligation d’avoir une approche multicanal et presque l’obligation d’être désormais une offre plus respectueuse de l’environnement et plus locale. logisticiens. » Une évolution bien engagée, estime-t-il : « En terme de Stratégie qui va de pair avec une politique de ressources humaines dont maturité numérique, on a gagné quatre ou cinq ans. » De la CCI à la Région, un des axes majeurs est le bien-être au travail. les institutions se sont mobilisées à cet effet : « On a accompagné. Pour Le président de la CCI estime que beaucoup de lignes ont ainsi bougé : le financement, il y a eu des aides. » « Le mode de vie a changé. » l Libraire installé depuis quinze ans à La Cité de l’Écrit, à Montmorillon, Alain Defaye Textes : Baptiste Bize, Vincent Buche, Alain Defaye, Alain Grimperelle, Delphine Léger, Jean-François Rullier Photos : NR, CP, sauf mention contraire Secrétariat de rédaction : Agnès Aurousseau Réalisation : Service des Thématiques NR PAO : Christophe Garnier La Nouvelle République du Centre-Ouest 1 ter rue du Moulin-à-Vent, BP 10119, 86003 Poitiers Cedex, tél. 05.49.60.36.36, fax 05.49.60.36.60 Directeur de la publication, président du Directoire Olivier Saint-Cricq Directeur de la rédaction Christophe Hérigault Rédactrice en chef Chantal Pétillat Responsable Thématiques Johan Guillermin — Régie publicitaire NR Communication Poitiers : 05.49.62.68.16 Origine principale du papier : France. Taux de fibres recyclées : supérieur Imprimerie La Nouvelle République - Tours - CPPAP 0525 C 87037 - ISSN 2260-6858 ou égal à 50 % / Eutrophisation (pâte et papier) : Ptot inférieur ou égal à 10-31-3409 0.014 kg/tonne. Centre-Presse redaction@centre-presse.fr Directeur de la publication Olivier Saint-Cricq - CPPAP 0520 C 86526 - ISSN 1144-4134 JUIN 2021 I 86 I CAP’ÉCO I 3
l’enquête Se mettre au surf à L’Isle-Jourdain La petite boutique de déco du village s’est lancée dans l’e-commerce à la faveur du confinement. Une initiative originale qui n’est pas à la portée de tous. D écidément, Corinne Rousseau ne Corinne, qui n’est pas totalement novice craint aucun défi. Voici dix ans, en matière d’informatique, se forme avec cette employée de commerce décide des professionnels pour savoir piloter son de reprendre une boutique de décoration site au quotidien : entrer les photos des pro- intérieure au cœur de ce village charmant duits, leur prix, gérer les commandes et les mais loin de tout, son village. Contre toute expéditions, le stock commun au magasin attente, la petite Boutique de Lauryne et au site, répondre aux commentaires… réussit à se créer une clientèle, locale mais À la fin du premier confinement, le site est fidèle. opérationnel. Les premiers résultats, sans Laquelle clientèle se retrouve bien désem- être phénoménaux, sont encourageants : parée quand, dès le premier confinement, des ventes ont déjà eu lieu aux quatre coins Corinne Rousseau se voit contrainte de de la France, et de plus en plus de clients fermer. Sa chance : elle a un mari informati- habituels du magasin vont sur le site pour cien, lui-même chef d’entreprise à Poitiers, faire leur première sélection de produits. qui se fait fort de créer un site commerçant. Pour la première année de fonctionnement, Un site capable de fonctionner et de retrou- Corinne table sur une augmentation de 5 % ver une partie du chiffre d’affaires envolé. de son chiffre d’affaires normal, l’objectif « C’est facile de dire aux gens : allez sur- à moyen terme étant d’atteindre les 20 %. fer sur internet ! Mais ici, à L’Isle-Jourdain, Avec ces nouvelles perspectives, la jeune beaucoup de gens n’ont pas l’habitude », femme se prend à rêver d’élargir sa gamme constate Michel Rousseau. L’idée, lar- de produits. Depuis peu, la Boutique de gement encouragée par la CCI et par la Lauryne commercialise des jouets pour la Région, est de créer un site durable, qui ne petite enfance. Pourquoi ne pas y adjoindre sera pas qu’une parenthèse dans l’histoire demain des vêtements ? de la boutique. À L’Isle-Jourdain est peut-être en train de Ce site devra permettre de faire du chiffre naître un nouveau concept de commerce Corinne Rousseau dans sa petite boutique : sans le Covid, cette idée de d’affaires en plus, après la réouverture du rural. À suivre. e-commerce n’aurait peut-être pas vu le jour. (Photo NR-CP) magasin. Si Michel s’attelle à la création, Vincent Buche Astuces et coup de pouce Le magasin Astuces de cuisine, à Poitiers, a joué à fond la carte du call & collect, ce qui lui a valu de passer en ouverture du 13 Heures de TF1 ! Succès garanti. À l’heure de faire un premier bilan net, elle avait déjà misé à fond sur les de la crise sanitaire, Anne-Laure réseaux sociaux, inventant un système de Kermel est loin de se lamen- bien à elle de call & collect (1) : « Tous les ter. Comme tous ses collègues spéciali- jours ou presque, avec Anne-Claire (son sés dans le petit matériel de cuisine, sa unique employée), on proposait une boutique Astuces de cuisine, au cœur recette. Les gens nous appelaient pour de Poitiers, a bénéficié à fond du retour avoir le matériel pour la faire. » aux fourneaux des Français confinés ou Ensuite, les gens venaient chercher leur en télétravail. Avec, en plus, un coup produit au magasin ou se le faisaient de pouce inattendu. Anne-Laure de livrer. Le magasin a rouvert comme tout Kermel raconte : « C’était au mois de le monde le 19 mai, mais le système de novembre, au milieu du deuxième confi- livraison, naguère marginal, perdure : nement. J’ai reçu un coup de fil affolé de « C’est entré dans les mœurs. » la CCI : ils avaient sur les bras une équipe L’étape suivante, c’est un site web à part de TF1 qui cherchait des témoignages de entière, sur lequel les clients, où qu’ils commerçants et tout était fermé ! » soient, pourront faire leur choix avant Le lendemain, Astuces de cuisine faisait de commander ou venir en magasin. « Il l’ouverture du 13 Heures de Jean-Pierre faut que le site soit prêt à la mi-octobre Pernaud : « Une demi-heure après la fin juste avant les fêtes », annonce Anne- du journal, j’avais déjà trois commandes Laure de Kermel, qui reconnaît que, de l’autre bout de la France ! » Cet sans le Covid, « je serais restée dans mon épisode inattendu a fait comprendre petit plan-plan à moi ». Ce qui n’em- à Anne-Laure, patronne de la petite pêche pas d’être bien content d’en voir boutique poitevine depuis quatre ans, la fin. l’importance d’être vu. Dès le premier V. B. Anne-Laure et Anne-Claire : leurs démos sur les réseaux sociaux ont entraîné pas confinement, à défaut de site inter- (1) Appelez et venez chercher. mal de ventes de matériel. (Photo NR-CP) 4 I JUIN 2021 I 86 I CAP’ÉCO
l’enquête Marie-Pierre Godard, toujours à l’écoute Pour la coprésidente de l’association des commerçants non sédentaires de la Vienne, les marchés répondent à l’appétence des consommateurs pour les circuits courts. E lle baigne depuis l’enfance dans l’ambiance des circuits courts et les marchés captent de incomparable des marchés et des foires. nouveaux clients, mais la crise sanitaire a cha- « Pendant les vacances, j’adorais les faire huté l’activité. « Chaque confinement a été com- avec mes parents qui vendaient des articles de pliqué. Les fournisseurs ont été compréhensifs et mercerie. C’était trop de plaisir, avec cette convi- les aides de l’État nous ont aidés à affronter ces vialité qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. » Dès difficultés, mais tout n’est pas redevenu normal. » 1986, Marie-Pierre Godard s’est engagée à son Au téléphone, elle s’est efforcée de rassurer tour dans cette voie. « J’étais très jeune. Moi, j’ai certains adhérents « déprimés ». La profession choisi la lingerie. » reste plus soudée que jamais. « Les collègues La passion ne l’a jamais quittée depuis et, au de l’alimentaire ont été soulagés quand les non volant du véhicule magasin à son effigie, cette essentiels comme moi sont revenus. Pour eux, sans habitante d’Adriers, épouse d’un agriculteur, tous les produits, ce n’était pas un vrai marché. » sillonne sans relâche les routes du sud du dépar- « Pour être plus fort, il faut se grouper, conti- tement, de Gençay aux Hérolles, en passant par nue encore Marie-France Godard. L’association Civray, L’Isle-Jourdain ou Chauvigny, et aussi travaille avec les commerçants de beaucoup de de l’Indre et de la Haute-Vienne. communes, et également les FAE (1). » Annulée « Chaque marché, chaque foire, a sa particularité en 2020, l’animation Marché en fête, qui impul- et son authenticité, estime celle qui copréside, se une vraie dynamique, va reprendre avec, au avec Julien Gaillard, l’association des commer- final, une voiture à gagner par tirage au sort. çants non sédentaires de la Vienne (cent dix « En 2019, dix mille personnes avaient participé. » adhérents). Les clients font une confiance aveugle Enfin, la création d’une page Facebook contri- à des professionnels proches d’eux et de chez eux, buera à coup sûr à améliorer encore la visibilité et qui vendent des produits de qualité. On est à leur des marchés. écoute, c’est là l’essence même du commerçant de Jean-François Rullier Marie-Pierre Godard compte sur la création d’une page marché. » Facebook pour améliorer la visibilité des marchés. Les consommateurs sont devenus des adeptes (1) Fédérations des acteurs économiques. (Photo NR-CP, Mathieu Herduin) JUIN 2021 I 86 I CAP’ÉCO I 5
l’enquête L’Ucial de Valence-en-Poitou se serre les coudes Le tissu économique des territoires est fragilisé par la crise sanitaire et le consommer local plus que jamais à l’ordre du jour pour remonter la pente. O n a pris le premier confinement de nement a été très mal vécu par ses troupes. Au plein fouet. C’est durant cette tempête point d’organiser une manifestation de soutien sanitaire que Thomas Raveau s’est aux commerçants, sous forme d’un défilé de retrouvé président de l’Ucial (1) de Valence- voitures dans les rues de Couhé en novembre, en-Poitou, commune nouvelle réunissant « contre la fermeture administrative des maga- Couhé, Ceaux-en-Couhé, Chatillon, Payré et sins alors que les investissements pour le pro- Vaux. « La zone économique s’étend aussi à tocole sanitaire après le premier confinement Brux, Champagné-le-Sec et Rom dans les Deux- avaient entraîné un surcoût non pris en charge ». Sèvres », précise le responsable de l’Imprime- Pas question de baisser la garde dans l’adver- rie Raveau, à Couhé, laquelle a vu son chiffre sité, et le lien entre les adhérents est entre- d’affaires chuter « de 80 à 85 % » durant la tenu par une page Facebook et un groupe crise du Covid-19, qui a fragilisé les petites WhatsApp. Formation au numérique, accom- entreprises de nos campagnes. « Avec l’an- pagnement des projets d’installation, aide à nulation des manifestations et des événements, la conception d’une carte touristique, pas-de- plus besoin d’affiches, de flyers, de banderoles…, porte à préserver dans le bourg de Couhé pour précise l’entrepreneur. On s’est diversifié en un équilibre commercial, relance d’un marché ouvrant une papeterie accessible sur internet et à Couhé… Les projets déjà réalisés et les idées une activité de flocage publicitaire sur véhicule. pour le futur nourrissent l’espoir d’une reprise. C’est très apprécié, car les gens se tournent vers « On redoute ce qui va se passer en 2022 avec la le local. » crainte d’être abandonnés, appréhende cepen- Voilà pour son cas personnel. Au niveau de dant Thomas Raveau. On va faire en sorte que ça l’Ucial, « tout le monde a joué le jeu durant la n’arrive pas et, pour cela, il faut faire travailler pandémie. On a mis des choses en place avec un les commerçants et artisans locaux. » groupement d’achats pour le gel, les gants et les J.-F. R. Thomas Raveau, qui dirige une imprimerie à Couhé, est président de masques, des informations pour donner des clés (1) Union commerciale, industrielle, artisanale l’Ucial de Valence-en-Poitou. (Photo NR) à ceux qui étaient un peu perdus… » Le reconfi- et profession libérale. 8 I JUIN 2021 I 86 I CAP’ÉCO
l’enquête Saint-Savin : le Cérasus en route vers les étoiles En gestation depuis près de dix ans, le Cérasus, restaurant gastronomique situé dans le logis de l’abbé à Saint-Savin, a ouvert ses portes le 9 juin. I l aura fallu près de dix ans pour que l’ou- Thibaud Piroux, qui a fait entre autres ses verture d’un restaurant dans l’ancien logis armes chez les chefs étoilés Philippe Etchebest, de l’abbé, jouxtant l’abbaye de Saint-Savin, Éric Guérin et Richard Toix, se concentre classée au patrimoine mondial de l’Unesco, désormais sur ses fourneaux saint-savinois. voie le jour. Porté par Jean-Marie Rousse, le « J’ai cette chance que Fanny et Lilian Bacquet maire de la commune décédé en août dernier, me laissent carte blanche. Je m’oriente donc le projet avait connu de nombreux soubre- vers une cuisine gastronomique qui se veut res- sauts, dont le dernier a été la crise du Covid-19. ponsable, en utilisant uniquement des produits D’abord imaginé à l’été 2020, puis au pre- locaux dans un rayon de quarante kilomètres mier trimestre 2021, c’est finalement après autour de l’établissement afin de valoriser le trois confinements qu’a eu lieu l’ouverture du travail des producteurs du territoire. Nous ne Cérasus, le 9 juin dernier. Aux manettes de proposons ainsi pas de produits de la mer, mais ce restaurant gastronomique Lilian et Fanny uniquement du poisson de rivière. Je m’inscris Bacquet – également propriétaires de l’Hô- dans cette envie de consommer plus respon- tel de France, autre établissement saint-sa- sable, d’avoir une nouvelle approche de ce qu’il vinois –, et qui ont choisi de mettre derrière y a dans nos assiettes. Et puis, il est temps d’arrê- les fourneaux le jeune chef Thibaud Piroux. ter de voir la Vienne comme un parent pauvre de « Après une phase d’inquiétude, où nous étions la gastronomie. » Un « schéma » dont Thibaud un peu dans l’incertitude quant à l’aboutisse- Piroux espère sortir en visant une étoile au ment du projet, ces derniers mois ont finalement Michelin. « Peut-être pas la première année, il été constructifs, indique ce dernier. Nous avons faut prendre le temps, roder les équipes, fidéliser choisi de tenir le cap et de peaufiner encore plus la clientèle, mais si elle doit arriver, elle arrive- cette ouverture, en travaillant la déco de la ra. » À Saint-Savin, l’histoire est (toujours) salle, le matériel ou encore la vaisselle. Ça nous en marche… a aussi permis de tenir psychologiquement, Delphine Léger Aux manettes du Cérasus, Fanny Bacquet et le chef Thibaud Piroux dans une période qui n’était pas facile à gérer, (à droite) sont épaulés par leur maître d’hôtel Jean Khou. où nous avions beaucoup de questions. » (Photo cor. NR, Martine Dubreuil) « Il faut se réinventer tout le temps » Pour Éric Boutron, coprésident de la FAE de Châtellerault, la communication numérique est aujourd’hui indispensable pour les commerçants. Comment les commerçants châtelle- Quels enseignements faut-il tirer de raudais s’y sont-ils pris pour résister à cette crise ? la crise ? Il faut se réinventer tout le temps. Les com- En premier, c’est le click and collect qui a merçants qui ont appris a utiliser le digi- été mis en place de manière individuelle tal sont maintenant convaincus qu’ils ont par les commerçants. Après, d’autres com- besoin d’être présents visuellement sur les merçants ont fait de la pub sur les réseaux réseaux sociaux. sociaux. On a aussi une vraie solidarité qui s’est mise en place entre Grand Châtelle- Les commerçants fonctionnent-ils rault, la FAE, les commerçants, les clients et autrement aujourd’hui ? les entreprises. Tous les acteurs du bassin Le click and collect, c’est quelque chose qui économique du Châtelleraudais se sont va être abandonné. Sinon, ils élargissent unis pour que tout le monde puisse sur- leur gamme de produits, c’est-à-dire que, vivre à ça. aujourd’hui, il y a des commerçants qui ont cerné une demande au niveau de la De votre côté, quelle aide avez-vous clientèle et qui créent une deuxième acti- apportée aux commerçants ? vité. On a aussi la réalisation de différentes Nous, on a fait une action sur la réactualisa- manifestations sur du digital par d’autres tion de leur page Google. On leur a refait une commerçants. formation sur Google my business qui leur a permis de recommuniquer, de se redy- Comment se présente l’après-crise ? namiser, de remonter dans les recherches Châtellerault change d’image. On a plein Google. On leur a tout mis à jour, avec une d’enseignes qui sont en train d’ouvrir. On a vision 360° de la boutique, et on leur a expli- une gamme qui s’élargit avec une multipli- qué comment répondre aux avis. Ça leur a cation des produits et on a encore d’autres permis de se mettre sur l’outil du digital. projets qui sont là. Des locaux vides, il y en Avec Grand Châtellerault, on a aussi par- a de moins en moins. Tous les commerçants ticipé à la mise en place un drive fermier. qui ont rouvert vont aussi super bien ! Éric Boutron est coprésident de la FAE (Fédération des acteurs Propos recueillis par Alain Grimperelle économiques) de Châtellerault. (Photo NR-CP) JUIN 2021 I 86 I CAP’ÉCO I 9
La voici aujourd’hui installée sur la place principale de Civray, connue de tous, et, notamment, de ses amis commerçants. bio express 1969 : naissance à Carazinho, dans le sud du Brésil. 1990 : installation au Royaume-Uni. Juillet 2007 : arrivée en France, dans (Photo NR-CP, Vincent Buche) la région de Couhé. 2016 : fondation d’Efficien Translations, à Civray. 2018 : élection à la présidence de la FAE. 19 janvier 2021 : obtient la nationalité française. 10 I JUIN 2021 I 86 I CAP’ÉCO
le portrait Eloisa Thomas Du sud du Brésil au sud de la Vienne : itinéraire d’une présidente Par Vincent Buche C ette mère de famille, installée depuis trois ans à banales de lettres et de communication, qu’elle ne mène Civray comme traductrice quadrilingue et assis- d’ailleurs pas à leur terme. L’air de l’Europe lui manque. tante en démarches administratives et commer- Voici Eloisa qui, à 21 ans, s’installe au Royaume-Uni ciales, a été propulsée, un peu malgré elle, à la tête de la où elle apprend de front la langue anglaise et le yoga. Fédération des acteurs économiques (FAE) du Civrai- Devenue plus britannique que les Anglais eux-mêmes, sien : « J’étais installée, à l’époque, dans l’arrière-salle la jeune Brésilienne et le père de ses deux fils décident d’un café, rue du Commerce. Un jour, je suis allée voir d’acquérir une résidence secondaire sur le continent. mon voisin brocanteur, Paul Priou, l’ancien président C’est le choix de la France qui l’emporte, et particu- Durement de la FAE, pour lui demander pourquoi c’était si calme lièrement un village des Deux-Sèvres où Eloisa et ses dans le commerce civraisien. Il m’a répondu : “ Si tu veux deux fils finissent par s’installer définitivement en 2007. frappés par la relancer l’association, je suis d’accord, mais il faut que tu prennes la présidence ! ” » Dépourvue de diplômes, mais ayant appris le français en cours intensifs, Eloisa multiplie les emplois éphémères crise sanitaire Eloisa hésite un peu : elle vient à peine de lancer Efficien dans les entreprises du Civraisien, où elle tente de valo- Les commerçants et artisans de Civray Translations, elle sort tout juste d’années difficiles sur riser sa parfaite connaissance des langues. Pour faire n’ont pas été moins affectés que leurs le plan familial et elle se demande bien comment elle va bouillir la marmite, elle donne aussi des cours de yoga. collègues poitevins par la crise sanitaire être acceptée, elle qui vient de si loin et qui n’est même Entre deux contrats, profitant des droits à formation que nous connaissons depuis plus d’un pas française (ce n’est que le 19 janvier dernier qu’elle qu’elle a acquis, Eloisa passe et obtient un BTS de ges- an. Vice-président de la FAE, Paul Priou a obtenu la double nationalité, quatorze ans après son tion, l’année où son fils aîné décroche le bac : elle a note que les commerçants spécialisés arrivée en France). compris l’importance que les diplômes revêtent en dans l’alimentaire reconnaissent avoir Mais Eloisa Thomas a un sacré atout dans son jeu : elle a France et elle met un point d’honneur à en avoir un. plutôt mieux travaillé : la clientèle appris à surmonter les difficultés, elle que sa vie aventu- Dès lors, la mère de famille va pouvoir s’atteler à son locale semble avoir retrouvé le chemin reuse a amené à sillonner l’Europe. Née dans une famille ultime projet : créer sa propre entreprise de traduction des commerces de proximité. S’il a dû laisser sa boutique de brocante aisée de la petite ville de Carazinho, dans l’État du Rio et d’assistance administrative au service des entreprises fermée, et renoncer aux foires et Grande do Sul, Eloisa Simon dos Santos – qui tient une du secteur, mais aussi des nombreux ressortissants marchés, tous annulés, Paul Priou avoue partie de son nom d’un aïeul qui a fait la campagne de britanniques, souvent perdus face à la complexité de avoir réussi à travailler malgré tout : Russie avec Napoléon, avant de s’exiler en Amérique – l’administration française. « Les gens étaient contents de se faire s’avère très tôt une danseuse prometteuse. La voici aujourd’hui installée sur la place principale plaisir, en dépensant pour de beaux de Civray, connue de tous, et notamment de ses amis objets l’argent qu’ils ne pouvaient pas commerçants. Avec eux, elle a mis en place – ou relan- dispenser ailleurs. » cé – différentes activités : un festival annuel de street art, Bilan beaucoup plus sombre, en Son premier diplôme le marché nocturne d’été (qu’elle espère pouvoir redé- revanche, pour la jeune photographe Émilie Brunet, contrainte de fermer son marrer cette année), le marché de Noël ou le calendrier est un diplôme français de la FAE, dans lequel posaient quelques messieurs studio, privée de photos de mariages ou de nouveau-nés qui constituent le fort dénudés, photographiés par Émilie Brunet, photo- gros de son chiffre d’affaires habituel. graphe professionnelle et membre de l’association. En Tous espèrent le retour de jours À 17 ans, elle part poursuivre ses études en Allemagne. 2021, ce sera au tour des dames de poser. Il va encore fal- meilleurs et que le retour vers les Un accident la contraint à renoncer à sa passion et loir les convaincre, mais la tâche n’est pas pour effrayer professionnels de proximité survive à rentrer au Brésil pour commencer des études plus madame la Présidente. l au Covid. 35 C’est, à ce jour, le nombre d’adhérents 3 C’est, à ce jour, le nombre de festivals 5 C’est le nombre de langues que parle de la Fédération des acteurs de street art organisés à Civray sous Eloisa Simon dos Santos Thomas. Si elle économiques Dynamisme du l’impulsion de la nouvelle association : il reconnaît avoir beaucoup perdu de son Civraisien. Il reste encore de nombreux s’agit d’offrir la rue et, chaque année, un allemand, la traductrice-interprète est commerçants, artisans et prestataires mur à décorer à l’association poitevine aussi à l’aise en anglais, en français ou de service à convaincre. Pictav’Art. en espagnol que dans sa langue natale, le portugais. JUIN 2021 I 86 I CAP’ÉCO I 11
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