CAUSES COMMUNES - Inégalités - PS Ville de Genève
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CAUSES COMMUNES BIMESTRIEL DES SOCIALISTES VILLE DE GENÈVE Inégalités JUIN - JUILLET 2017 44
2 ÉDITORIAL ÉDITORIAL LES INÉGALITÉS : CHIENDENT DE LA DÉMOCRATIE COMITÉ DE RÉDACTION CAUSES COMMUNES Elles sont partout, elles sont Les inégalités sont polymorphes. Elles tra- Ecris-nous, rejoins le comité de rédaction versent les classes sociales. Elles découlent du journal ! D’autres numéros suivront. invisibles, font partie d’un du genre, des revenus, de l’habitat, de héritage, ou découlent des l’éducation, de l’origine, de l’âge, de la santé Assez des inégalités ! etc… Elles sont aussi inégalement réparties nouvelles technologies. Elles et assumées. Certains courants politiques Dans ce numéro et dans la ligne éditoriale collent à notre peau ou à font porter aux minorités le poids des iné- du Causes Communes, nous voulions réflé- notre genre. Parfois elles galités, rendent responsable des inégalités chir aux enjeux actuels liés aux inégalités. ceux qui les subissent le plus fortement. La finalité étant de nous outiller en vue s’immiscent, parfois elles Aux inégalités s’ajoute alors l’injustice. d’actions au Conseil municipal, dans la brandissent le poing. Elles Face à cela notre résolution d’agir et notre rue, pour des actions coups de poing, des indignation grandit. Nous vivons en Suisse articles dans la presse locale. s’imposent par habitude ou dans un merveilleux pays, et à Genève dans sortent des urnes. Elles un des lieux les plus prospère du monde. Les inégalités ne tombent pas du ciel, ne s’insinuent dans le silence Comment expliquer tant d’inégalités chez sont pas un fait génétique. Elles ne dé- nous aujourd’hui ? coulent d’aucune fatalité, mais de choix ou la fatalité, avancent à bas politiques et d’une structure sociale à mo- bruit ou par coups d’éclats. Et un, et deux et trois numéros deler. Elles sont le produit de rapports de Elles, ce sont les inégalités, classe, de genres, de pouvoirs, mais aussi Il était impossible, dans ce numéro de d’égoïsmes ou de peurs. Le travail qui est chiendent de notre société. Causes Communes, de lister toutes les devant nous est immense camarade, et inégalités et d’en faire le tour. Nous avons nous n’avons pas le choix. Nous avons face Les inégalités sont partout. Bien dévelop- souhaité, à tout le moins, les évoquer, com- à nous deux espaces : celui de l’étouffe- pées ou en germe. Une fois qu’elles ont mencer une cartographie et faire état des ment par le chiendent ou celui de nouvelles pris racine, il est ardu de les arracher. Une inégalités dans notre société, pour ne pas façons de faire société. Nous avons choisi fois qu’on les a arrachées, elles repoussent. nous laisser bercer par l’air du temps qui l’engagement, la lutte, et cela nous rend Il n’est pas facile de les identifier, de bien les creuse et tend toujours à les justifier en fort-e-s. les circonscrire avant de s’y attaquer. Mais faisant injustement porter la responsabi- ne nous décourageons pas. Elles sont aus- lité à d’autres. En les considérant comme si un formidable moteur de solidarité et une fatalité. d’entraide. Et si c’est un travail de jardinier constant, de soin et de résolution, que de Ce numéro n’est pas exhaustif, mais il vise s’y attaquer, c’est aussi une grande satis- avant tout à nous mobiliser dans notre faction quand on les fait reculer. lutte contre les inégalités. Nous avons besoin de toi camarade pour le compléter. CAUSES Coordination rédactionnelle : Sylvain Thévoz. Comité rédactionnel : Jorge Gajardo, Caroline Marti, Virginie Studemann, Patricia Vatré. COMMUNES Ont collaboré à ce numéro : Janine Berberat, Olivia Bessat, Aude Bumbacher, Grégoire Carasso, Antoine Chollet, Jacqueline Cramer, Alessandro De Filippo, Julien Dubouchet, BIMESTRIEL ÉDITÉ PAR LE PARTI SOCIALISTE DE LA VILLE DE GENÈVE Ayari Félix, Pascal Holenweg, Irinia Ionita, Simone Irminger, Sami Kanaan, Matthias 15, rue des Voisins Lecoq, Pierre Ruel, Jean-Pierre Tabin, Albert Rodrik, Sandrine Salerno, Pauline Savelieff, 1205 Genève Joël Varone, Claudia Villaman. www.ps-geneve.ch Illustration : Aloys Lolo, Fabrice Clavien (page 5). Un journal 100% pensé, conçu et réalisé à Genève ! Maquette et mise en page : Atelier supercocotte. Envie de soutenir le Causes Communes : abonnez-vous ! Impression : Imprimerie Nationale, Genève. Envoyez vos coordonnées à psvg@ps-geneve.ch Finance d’inscription : 20.-/année Tirage : 3000 exemplaires sur papier recyclé. CCP : 12-12713-8 Les avis et opinions tenus par les invité-e-s n’engagent pas le comité de rédaction.
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4 PERSPECTIVE POLITIQUE DE L’ÉGALITÉ ANTOINE CHOLLET CENTRE WALRAS PARETO, UNIVERSITÉ DE LAUSANNE L’égalité figure parmi les L’égalité : des inégalités limitées rage au sort des différentes magistratures et des membres des jurys ou de la rotation concepts de philosophie Cette incertitude sur la définition de l’éga- rapide des charges. On connaît peut-être politique les plus disputés. lité hante toutes les discussions à son sujet, moins les avertissements des penseurs de selon que l’on tienne l’égalité pour natu- l’époque contre les effets délétères qu’en- Aristote écrivait déjà que relle ou instituée. Dans la modernité, c’est traînent des disparités de fortune trop im- ce qui est égal et inégal la première solution qui a eu les faveurs portantes. Ils savent déjà que l’égalité poli- est source de difficultés de la plupart des philosophes politiques, tique suppose, non pas une parfaite égalité que l’on songe à Hobbes, Spinoza ou Rous- de ressources, objectif illusoire, mais des (aporia), la question donnant seau. L’égalité est alors assimilée à l’état de inégalités économiques limitées. du même coup matière à nature, la société venant par la suite insti- tuer des hiérarchies, par ailleurs justes ou Quoique l’imaginaire politique athé- philosophie politique. Malgré injustes. Dans ce cadre, seule l’égalité des nien nous soit aujourd’hui étranger, il ces difficultés, les pensées de droits peut être demandée, non une égalité n’en conserve pas moins un certain réa- la démocratie ont toujours réelle. Au XXe siècle, cet argument réap- lisme. Ainsi, nous pensons toujours l’éga- paraît par exemple chez John Rawls, qui lité à partir des inégalités, en considérant réservé une place centrale spécifie que ce ne sont que les libertés fon- d’abord, pour prendre quelques exemples, à l’égalité, aux côtés de la damentales qui doivent être égales pour la concentration des richesses, les discri- tous les membres d’une société juste. Une minations envers les femmes ou envers les liberté ou de la souveraineté société juste peut, et même doit être iné- minorités sexuelles ou racialisées, avant populaire par exemple. galitaire, mais sous certaines conditions, à d’imaginer des moyens de les limiter. Que commencer par celle qu’on nomme géné- la revendication d’égalité repose sur des ralement « l’égalité des chances », parfois déclarations des droits datant de la fin du Il y a deux manières principales de consi- rebaptisée « équité ». XVIIIe siècle et postulant une égalité ori- dérer l’égalité, qui correspondent elles- ginelle ne fait pas pour autant disparaître mêmes à deux moments historiques et à La leçon athénienne nous rappelle au cette antécédence, théorique sinon histo- deux imaginaires politiques distincts. La contraire que l’égalité n’est ni première ni rique, de l’inégalité sur l’égalité. première, grecque et démocratique, as- formelle. L’égalité politique ne vise nulle- signe aux institutions de la collectivité la ment la similitude de toutes et tous, voire L’égalité n’est pas l’équivalent de la tâche de former des individus égaux, qui leur interchangeabilité, mais une égale justice jouissent des mêmes droits et libertés. possibilité de participation aux affaires La seconde, moderne et libérale, postule communes, qui s’accompagne d’institu- L’égalité vient également subvertir d’autres l’égalité et demande aux institutions de la tions permettant de garantir l’effectivité notions centrales de la pensée politique, reconnaître, comme le fait la Déclaration de cette participation. On connaît les infi- à commencer par celle de justice, cette d’Indépendance américaine de 1776 ou la nis raffinements de la constitution des « Rossinante efflanquée » dont se gaussait Déclaration des droits de l’homme et du Athéniens pour s’approcher de cet idéal, Rosa Luxemburg, qui sert depuis longtemps citoyen de 1789 en France. qu’il s’agisse de l’égalité de parole à l’as- de refuge aux philosophes soucieux de semblée, du « salaire ecclésiastique », du ti- séparer la pensée politique des rapports
5 politiques eux-mêmes. Or, contrairement peut-être le mieux montré est Tocqueville Bibliographie sommaire à ce qu’une partie de la philosophie dans sa description de la démocratie améri- politique avance, égalité et justice ne sont caine. Pour lui, l’égalisation des conditions Étienne Balibar, La proposition de l’égali- nullement équivalentes, et peut-être sont- est au fondement de la société démocra- berté, Paris, PUF, 2010. elles même contradictoires sur certains tique qui émerge aux États-Unis, ce qui se aspects tout à fait fondamentaux. Depuis traduit par une horizontalité des rapports Norberto Bobbio, Droite et Gauche, Paris, Platon qui, dans La République, en fait entre individus alors inconnue en Europe. Le Seuil, 1996. son objet premier, la justice a toujours Les développements possibles d’une telle été définie en terme de vérité et hors de égalisation inquiètent en même temps Cornelius Castoriadis, C., Les carrefours du toute délibération politique. Elle cherche l’aristocrate : c’est en effet chez Tocque- labyrinthe, Paris, Le Seuil, 1986. à ordonner la société selon des critères ville que l’on trouve l’une des premières qui lui sont extérieurs, et qui peuvent occurrences modernes de l’équivalence Jason C. Myers, The Politics of Equality. An relever de la philosophie, de la religion, du entre égalité et servitude, la multitude Introduction, Londres 2010. droit, de l’éthique, par exemple. L’égalité indifférenciée se plaçant sous la protec- est au contraire un concept politique de tion d’un « pouvoir immense et tutélaire » Jacques Rancière, La mésentente. Politique part en part, sans transcendance, comme (De la démocratie en Amérique II, livre IV, et philosophie, Paris, Galilée, 1995. l’a souligné Cornelius Castoriadis. C’est chap. 6). Si l’auteur a souvent été embri- pourquoi elle est souvent considérée gadé par les contempteurs de l’égalité, on a avec circonspection, sinon avec méfiance, moins remarqué cependant qu’un tel déve- par les philosophes, les juristes ou les loppement ne constituait pas pour lui une spécialistes de l’éthique. fatalité. De toutes les valeurs censées fonder la dé- L’égalité entretient un rapport plus com- mocratie, l’égalité est assurément la plus pliqué avec la notion de liberté. Qu’on les contentieuse, la moins uniformément ad- considère comme opposées, selon l’opi- mise, la plus combattue aussi. Si personne nion conservatrice habituelle, ou qu’on les n’argumente sérieusement en faveur de tienne pour intimement articulées, voire l’injustice, de l’arbitraire ou de la tyran- coextensives l’une à l’autre comme le fait nie, on rencontre en revanche quantité de Étienne Balibar avec son concept d’éga- personnes défendant les vertus de l’inéga- liberté, leur rapport est dans tous les cas lité, que celle-ci soit justifiée par la concur- problématique. Norberto Bobbio conce- rence, par le mérite, par la performance vait d’ailleurs celui-ci comme un marqueur ou par la « culture ». Or, comme l’écrivait distinctif de la droite et de la gauche, la Rousseau dans Du contrat social, « c’est première opposant les deux concepts, la précisément parce que la force des choses seconde les tenant pour complémentaires. tend toujours à détruire l’égalité que la L’égalité se trouve toujours au cœur des force de la législation doit toujours tendre théories de la démocratie. Celui qui l’a à la maintenir » (Livre II, chap. 11).
6 LUTTER POUR QUE CESSE L’ÉGALITÉ DES CHANCES VIRGINIE STUDEMANN Trop, c’est trop. Trop d’égalité « vise moins à réduire l’inégalité des posi- Nous voulons l’égalité : l’égalité de résultat, tions sociales qu’à lutter contre les discri- l’égalité des places, des positions sociales, des chances dans la bouche minations qui font obstacle à la réalisation l’égalité formelle et l’égalité réelle. Et pour de socialistes qu’ils ou elles du mérite permettant à chacun d’accéder à cela, devons nous interroger sur notre rap- des positions inégales au terme d’une com- port à l’égalitarisme, sur notre acceptation se prétendent réformistes, pétition équitable dans laquelle des indivi- des inégalités, celles que nous jugeons mo- sociaux démocrates ou à dus égaux s’affrontent pour occuper des ralement justes et injustes. gauche de la gauche. Pourtant, places sociales hiérarchisées. » Le langage, véhicule d’une pensée plusieurs voix se sont déjà L’égalité des chances ne combat pas dominante levées pour attirer l’attention les inégalités sociales réelles, elle les sur ce concept plus que rend justes Il y a des modes et, à travers elles, une pensée dominante. Le vocabulaire, les douteux. En prétendant donner les mêmes cartes au expressions en sont à la fois les illustra- départ, elle justifie qu’il y ait un-e gagnant- tions, les marqueurs mais également les Francois Dubet lors d’un échange organisé e et un-e perdant-e à la fin, et tout au long, véhicules. En politique, comme ailleurs, par Charles Beer en 2009 nous avait aler- de la partie. Voulons-nous vraiment des les contraintes de communication nous té sur l’utilisation de ce concept. L’égalité gagnants et des perdants ? Souhaitons- apprennent à faire court, à faire choc, à des chances nous renvoie évidemment à la nous récompenser le mérite ? Accepter le utiliser ces termes qui permettent une Théorie de la justice de John Rawls et aux principe de la compétition entre des indivi- identification immédiate. Chaque électrice travaux de Amartya Sen. Les termes éga- dus ? Les critiques et l’échec des politiques et électeur doit y trouver son compte mais lité des chances sont utilisés depuis long- d’égalité des chances pour réduire les iné- chaque citoyen-ne, chaque militant-e y temps en politique. A droite, on admettait galités sociales ont conduit certain-e-s à puise sa culture politique. Utiliser certains l’idée de corriger des inégalités de départ édulcorer leur discours en opposant l’éga- mots plutôt que d’autres, c’est transmettre sans remettre en cause l’ensemble du lité des chances méritocratique à une éga- une vision du monde. C’est à ce titre que système. A gauche, sans doute parce que lité des chances soutenable. Mais pourquoi nous avons la responsabilité de la banalisa- cela permettait de s’attaquer à une par- conserver un tel concept ? tion et de la disparition de certains termes. tie du problème, une sorte de première étape. Mais comment peut-on encore Nous ne voulons pas des chances Et si nous reprenions nos mots, nos outils prôner l’égalité des chances à gauche, au- mais des droits historiques pour parler et pour penser, en jourd’hui ? Après les nombreux travaux en intégrant les nouvelles idées, les nouvelles sociologie, en économie sur les inégalités Nous ne voulons pas mériter un salaire analyses ? Et si nous recommencions à (et ce, dès les années 60) ? Il suffit de relire parce que nous nous serions bien battu-e- penser les inégalités en terme de classes le discours sur l’égalité des chances de Sar- s dans la compétition d’une école perfor- sociales, de domination ? Et si le premier kozy, président, à Palaiseau en 2008 pour mante, d’un système de formation visant combat contre les inégalités était une ouvrir les yeux. l’excellence. Nous ne voulons pas consi- lutte idéologique pour penser l’égalité, un dérer nos origines, nos appartenances, combat dont les mots seraient les armes ? L’égalité des chances, c’est l’égalité d’avoir nos convictions comme des malchances les mêmes chances d’occuper des positions de départ qu’il faudrait corriger. Nous ne sociales en fonction d’un principe mérito- voulons pas l’égalité de départ, nous vou- cratique. C’est une égalité de départ qui lons combattre les inégalités tout au long supprimerait les effets d’héritage. Cela de la vie.
JUSTICE SOCIALE 7 HEUREUX LES PAUVRES, ILS SOUFFRIRONT MOINS LONGTEMPS JULIEN DUBOUCHET, MEMBRE DU COMITÉ DIRECTEUR DU PSG Il en va de la santé comme Lutter contre les inégalités trop souvent tenté de seulement agir, et qui relèvent du niveau comportemental. du reste, les mauvaises S’il est impossible de résumer ici la richesse Il en va même d’une forme de cynisme à nouvelles ont tendance à des travaux menés et les nombreux promouvoir le bon-manger, le bien-bouger défis méthodologiques qu’ils soulèvent, et le pas-fumer à ceux qui n’y ont pas voler en escadrille. C’est donc quelques éléments méritent toutefois accès, matériellement parfois mais surtout sans grande surprise que d’être déjà relevés, qui dessinent les psychologiquement – parce que l’adhésion l’on trouvera, globalement, contours d’une lutte véritable contre les au principe de responsabilité individuelle inégalités sociales de santé. est fonction de sa propre réussite, c’est plus de souffrances et de en ce sens une valeur de vainqueur – leur maladies à mesure que l’on Il y a d’abord la forte persistance de faisant porter au passage la culpabilité de conséquences liées à la condition la cherté du système de santé. descend l’échelle du statut prénatale – beaucoup se joue déjà avant socio-économique et que l’on la naissance, et l’on ne parle pas ici de Tous ces éléments disqualifient une vi- observera que la pauvreté génétique – qui rappelle la nécessité sion du monde atomiste et réhabilitent d’une stratégie de long terme. une approche globale de la santé dans le est défavorable à la santé, cadre général de la justice sociale, dont la et symétriquement que les Il y a ensuite le fait que les conditions ligne de force est de générer de l’égalité matérielles, si l’on excepte la privation des conditions, desquelles découleront la maladies obèrent les chances des ressources vitales, n’impactent déségrégation, le retour de la confiance, de réussite sociale. qu’indirectement l’état de santé des le recours aux soins et la sensibilité à de populations. Autrement dit, la pauvreté plus sains modes de vie. Egalité des condi- L’ironique bonne nouvelle vers laquelle relative est ici plus déterminante que tions qui passe par des politiques, outre de pointe le titre est qu’à ces conditions de la pauvreté nominale, qui rappelle la (re)distribution financière, d’accessibilité santé péjorées est assez logiquement as- nécessité de penser la santé dans une aux ressources (proximité et gratuité) et sociée une moindre longévité. Si les iné- perspective plus large d’égalité. qui ne saurait se contenter du miroir aux galités sociales de santé sont aujourd’hui alouettes de l’égalité des chances. très bien documentées, encore faut-il en Enfin, relevons l’amélioration de la saisir la dynamique, condition indispen- qualité des soins qui profite plus, sable à l’élaboration de politiques visant proportionnellement, à ceux qui en ont 1 Goldberg et alii, 2002, « Les déterminants le moins besoin - selon la logique de sociaux de la santé : apports récents de leur réduction – à supposer que l’on en ait l’épidémiologie sociale et des sciences sociales de la volonté – ce dont on pourrait douter au l’effet Pygmalion, ou la métaphore du la santé », Sciences sociales et santé, vol 20, 75- regard de leur récent accroissement. Et là, parapente de Frank Lepage, qui veut 128. force est de constater que l’identification que l’ascenseur social creuse les écarts. 2 Voir par exemple O’Campo et alii, 2015.« The de ce que l’on appelle communément les Et qui rappelle que le salut ne viendra neighbourhood Effects on Health and Well- déterminants sociaux de la santé n’est pas pas du seul progrès technologique. Being (NEHW) study », Health and Place, vol. 31, chose aisée1. A la nature déjà fort complexe 65-74. de ce qui cause un état morbide en termes purement médicaux, il faut ajouter l’intri- Le cynisme de la responsabilisation cation de différents niveaux d’analyse qui individuelle vont des caractéristiques physiologiques des individus à l’organisation sociale dans Tous ces éléments pointent ainsi vers son ensemble, en passant par les compor- l’insuffisance du modèle de la responsabilité tements (ou modes de vie) et l’environne- individuelle véhiculé à travers les facteurs ment résidentiel (neighborhood effect)2. de risque, variables sur lesquelles on est
8 RÉGULARISER ET SI ON L’APPELAIT …PAPYRUS ? ENTRETIEN CLAUDIA VILLAMAN Rencontre avec Alessandro De socialement, que ce soit à travers des en- nelles auprès de notre permanence. Parmi tretiens individuels ou des séances d’infor- ces personnes, il y a celles qui sont sans Filippo coordinateur du Collec- mations destinées aux migrant-e-s et aux statut légal. J’insiste sur le terme de sans tif de soutien aux sans-papiers institutions (écoles, lieux de soins). statut légal car celui de sans papiers est souvent compris comme étant péjoratif depuis 2009 et engagé depuis Quelles sont les origines du Collectif des et de plus, cela crée une confusion avec les plus de dix dans la défense des sans-papiers ? demandeurs d’asile. Sans-papiers serait droits des requérants d’asile quelqu’un sans d’identité ou qui aurait une Le Collectif se crée en 2001 pour répondre à identité cachée. Dans notre cas les identi- et des migrants à Genève. Il a une nécessité dans notre canton mais aussi tés ne sont pas cachées, il y a des passe- participé activement aux dis- dans toute la Suisse. Nous savions qu’une ports en cours de validité. Ce qui manque forte population de sans-papiers qui vivait c’est l’autorisation de séjour, le permis de cussions et aux négociations et travaillait à Genève n’avait aucune possi- travail, c’est la raison pour laquelle nous avec les autorités pour mettre bilité d’être régularisée n’étant pas ressor- préférons le terme de « sans statut légal » sur pied l’Opération Papyrus. tissante de la communauté européenne. ou « sans autorisation de séjour ». Cette population était donc soumise à la Alessandro de Filippo nous loi sur les étrangers très restrictive en ma- Quelle est ton analyse sur l’évolution des raconte le travail de longue tière de permis. Il fallait trouver des solu- demandes de régularisation ces cinq der- tions à cette situation alarmante. Si cette nières années ? haleine mené pendant des population de travailleuses et travailleurs années pour lutter contre les sans statut vivait ici, c’est que cela corres- Il faut distinguer deux choses ; d’abord, les inégalités. pondait à un réel besoin économique. demandes au Collectif sont en constante augmentation. Mais cela ne veut pas dire Plusieurs services d’entraide juridique, de que la population sans statut légal aug- Claudia Villaman : Depuis l’annonce du défense de migrants et des syndicats déci- mente. En effet, depuis 2005, les premières projet Papyrus, on a beaucoup parlé du rôle dèrent de s’unir pour mettre sur pied ce demandes de régularisation adressées au du Collectif des sans-papiers, je voudrais collectif afin de s’occuper des droits des Canton ont reçu un accueil relativement que tu nous le présentes. migrants sans statut légal et, in fine, mener favorable mais une fin de non-recevoir au la revendication de base de l’association, à niveau fédéral. Il y a donc un moratoire non Alessandro de Filippo : Le Collectif est une savoir : la régularisation des personnes qui officiel dans notre canton sur la question association faîtière, composée de membres vivent et travaillent à Genève. des expulsions qui a contribué à une stabili- individuels et de membres collectifs : syn- sation depuis 2005/2006. Les employeurs dicats, œuvres d’entraide, services juri- Comment toutes ces travailleuses et ces ont parallèlement la possibilité, même diques, associations de migrants, partis travailleurs arrivent au Collectif ? l’obligation, de déclarer leurs employés aux politiques, tous actifs dans la défense des assurances sociales ce qui a favorisé une droits des migrants et particulièrement La majorité des demandes nous par- stabilité sur le marché du travail. des sans-papiers. viennent par des institutions et des pro- fessionnels qui sont directement en Ensuite, effectivement, ces cinq dernières En tant qu’association faîtière nous avons contact avec ces personnes. Par exemple, années on observe une modification de la un rôle d’intermédiaires et d’interlocu- les travailleurs hors murs, les assistants provenance des personnes sans statut lé- teurs auprès des autorités, locales. Son sociaux, les conseillers d’orientation. Aux- gal. Une grande majorité travaille, comme autre tâche est d’informer et d’orienter quels s’ajoutent les démarches person- avant, dans le secteur de l’économie do-
9 mestique : aides ménagères, personnel Passons maintenant aux origines de l’opé- Aujourd’hui l’Opération Papyrus a été ren- de maison, gardes d’enfants, accompa- ration Papyrus... due publique. Qu’est-ce qui a changé ? Quel gnant-e-s pour les personnes âgées ou les regard portes-tu sur le futur du projet ? personnes malades. Dans ce secteur, une En juin 2010 le syndicat SIT a convoqué partie importante travaille à temps par- une Assemblée générale des travailleuses Il faut bien distinguer l’intention du projet tiel et une minorité vit et travaille, à plein et des travailleurs sans statut légal à la et ce qui se passe maintenant. Il est trop temps, chez l’employeur. À Genève, les per- salle du Faubourg suite à la campagne na- tôt pour en tirer ne serait-ce qu’un bilan sonnes travaillant dans ce secteur sont des tionale « Aucun enfant n’est illégal », qui intermédiaire. Il y a encore trop peu de femmes originaires d’Amérique Latine (Bo- soulevait entre autres, la question de l’ac- dossiers et aucun n’a encore été traité. livie et Brésil surtout) et des Philippines. La cès à l’apprentissage dual pour les jeunes Nous ne pouvons pas nous prononcer sur question de la communauté philippine est sans statut légal. Lors de cette Assemblée des premiers résultats. en partie liée à la Genève Internationale. une résolution a été votée afin de deman- Une partie de ces employées a obtenu, à der aux autorités cantonales de relancer Pour commencer, il faut préciser que l’Opé- un certain moment, un statut légal. Elles le processus de régularisation collective ration Papyrus se déroule dans le cadre ont eu des cartes de légitimation en tant qui avait déjà été demandé une première légal actuel, celui de la Loi sur les Etran- qu’employées de représentations diploma- fois en 2005 mais qui était un peu tombé gers (LEtr) et plus précisément l’Art. 30 tiques ou d’organisations internationales. aux oubliettes. Le Collectif a repris à son de cette loi qui définit l’octroi du permis compte cette demande de régularisation et humanitaire pour cas de rigueur. Dans la Cependant, depuis 2010, il y a de nouvelles relancé les autorités cantonales sur cette procédure ordinaire prévue par la Loi, il n’y provenances. La Mongolie d’une part, le problématique. avait pas de critères objectifs, seulement Salvador et le Honduras d’autre part, en des éléments thématiques et génériques. lien avec la situation d’extrême violence de Le Conseil d’Etat prit une position de On parlait de bonne intégration, de durée ces deux pays. principe favorable à la régularisation après de séjour, d’autonomie financière, d’impos- examen au cas par cas. En 2011, faisant sibilité de réintégration dans le pays d’ori- Parallèlement, nous avons constaté une suite à notre relance, le Conseil d’Etat a gine, sans que ces critères soient formelle- augmentation des arrivées depuis l’Es- nommé un groupe d’experts sous l’égide ment définis et objectivés. Ainsi, il y avait pagne, en lien avec la crise dans ce pays. du Département de Justice et Police de une grande marge de manœuvre laissée Pour ces personnes, le cadre légal de la libre l’époque. Ce groupe comprenait d’un côté aux autorités examinatrices, que ce soit au circulation des personnes s’applique. C’est- des responsables des administrations niveau cantonal ou fédéral. à-dire qu’elles ont un droit à un permis de cantonales concernées et de l’autre les travail, pour autant qu’elles trouvent un associations : le Collectif, le Centre de Ce qu’il y a de fondamentalement nouveau emploi, que l’employeur fasse la demande Contact Suisses-Immigrés, le Centre Social avec l’Opération Papyrus, c’est que les cri- formelle de permis et qu’elles puissent Protestant et le syndicat SIT. Ce groupe tères de régularisation ont été objectivés. justifier d’un logement. Pour celles et ceux d’expert était chargé de faire un état des Aujourd’hui, ces critères ont été annoncés qui ont un permis de séjour en Espagne lieux et de proposer des pistes pour la publiquement et nous pouvons donner une mais une nationalité non européenne, elles suite, tout en restant dans le cadre légal réponse claire aux personnes sans statut, peuvent venir en Suisse pour une période du moment. Les travaux du groupe ont que ce soit sur la durée du séjour, sur les de trois mois mais n’obtiendront pas un continué jusqu’à ce jour. conditions d’autonomie financière ou d’in- permis de travail. tégration. En résumé, il y a trois grands en- sembles de critères. La durée de séjour pré- alable, cinq ans pour les personnes qui ont un enfant scolarisé, dix ans pour toutes les
10 autres. Les critères économiques, pouvoir Mais de son côté l’employeur peut ren- gens, il n’est pas clair qu’une personne qui prouver l’existence d’un ou plusieurs em- voyer son employé-e au moment où celui- fait le ménage deux heures par semaine est plois, ne pas être en poursuites et ne pas ci l’annonce aux autorités ? une ou un employé et qu’en tant qu’em- être à l’assistance publique. Les critères ployeur ils ont des obligations. Le message d’intégration, avoir pour chaque adulte la Oui c’est un risque. Nous avons plusieurs s’adresse à cette partie de la population qui certification d’un niveau A2 en français, cas de figure, celui de l’employeur qui dé- n’a pas forcément déclaré son employé-e une attestation de scolarisation pour les clare et qui paye correctement. Exemple : pour éviter les démarches administratives, enfants scolarisés et un extrait du casier l’utilisation de Chèque service par une par crainte ou par ignorance. judiciaire vierge. Les strictes condamna- famille qui a une aide à domicile. Cet em- tions pour séjour illégal évidemment ne ployeur est en règle car il a déclaré son Quelles suites pour l’Opération Papyrus ? comptent pas. À partir de là, il y a toute employé aux assurances sociales et il paye une liste de documents et attestations à le salaire minimum par rapport au contrat L’Opération Papyrus a débuté en février présenter aux autorités comme preuves de type de travail cantonal. Après, il y a les si- 2017 et se déroulera jusqu’à fin 2018. Par réalisation de ces critères. tuations intermédiaires qui risquent d’être la suite il y aura une évaluation des résul- majoritaires, où l’employeur a déjà déclaré tats. Il ne faut pas oublier que c’est un pro- L’autre grande nouveauté est liée à la ques- ou est prêt à se mettre en règle pour décla- jet pilote pour la Suisse, nous aurons donc tion de l’emploi et du rapport employeur- rer son employé aux assurances sociales. une évaluation aussi au niveau fédéral afin employé. Dans la procédure ordinaire, il Dans ces cas de figure, il sera important de voir si c’est transposable à d’autres était indispensable d’avoir l’appui du ou d’expliquer le processus et de rassurer les cantons ou pas. Il est impossible à l’heure des employeurs pour faire une demande de employeurs respectant les normes en vi- actuelle de prévoir le nombre de personnes régularisation. Maintenant, même si l’em- gueur. Enfin, les situations de l’employeur qui pourront être régularisées via l’Opéra- ployeur ne soutient pas la demande de ré- qui sous-paye son employé et qui ne l’a tion Papyrus. Il est encore trop tôt et l’ob- gularisation, il est possible pour l’employé- jamais déclaré aux assurances sociales et tention des nombreux documents et attes- e candidat-e à la régularisation d’annoncer qui ne veut rien savoir. L’employé se re- tations nécessaires au dépôt d’un dossier son emploi et donc son employeur et son trouve ainsi dans une situation à risque. prend du temps. revenu, via un formulaire spécifique des- Annoncer son emploi et employeur en tiné à l’OCIRT (Office Cantonal de l’Inspec- sachant qu’une fois qu’il aura son permis Dans ce contexte quel avenir pour le tion et des Relations du Travail). Ainsi cela il y aura un contrôle via courrier adressé Collectif de soutien aux sans-papiers ? délie le lien de dépendance de l’employé à à son employeur. Ce qui pourrait mettre l’employeur. en péril son rapport de travail. Pourtant, Beaucoup de personnes ne rentrent si l’employé-e ne déclare pas son emploi, pas dans ces critères de régularisations L’autre volet important de Papyrus est son revenu annoncé risquera alors d’être mentionnés plus haut, que ce soit parce celui de l’assainissement des secteurs considéré insuffisant pour pouvoir déposer qu’ils n’ont pas assez d’années de séjour, économiques concernés, principalement une demande de régularisation. C’est une parce qu’ils ne peuvent pas prouver un celui lié à l’économie domestique. Quand situation délicate mais il ne faut pas oublier revenu suffisant, parce qu’il y a ce rapport l’employé-e annonce son emploi, son les conséquences pour les travailleuses et ambivalent avec les employeurs. Cette employeur et son revenu, une fois et travailleurs n’ayant jamais été déclarés aux réalité pour ces travailleuses et travailleurs j’insiste fortement là-dessus, seulement assurances sociales. Il y a à Genève, des sans statut légal va continuer à exister une fois que le permis est obtenu il y sans-papiers qui travaillent depuis quinze au-delà du projet Papyrus. Le Collectif a un contrôle de la part des autorités ou vingt ans et dont les employeurs n’ont a un rôle moteur dans ce processus de compétentes auprès de l’employeur. rien déclaré durant toutes ces années. Que régularisation et il continuera à exister devient une femme de septante ans qui a aussi parce qu’il traite de problématiques Si ce dernier respecte les normes en travaillé plus de vingt ans dans l’économie plus larges que la régularisation, comme vigueur à savoir, la déclaration de son domestique, non déclarée ? Que se passe- l’accès à la formation, à la scolarisation, employé-e aux assurances sociales et le ra-t-il pour elle ? la santé, aux assurances sociales ou au payement du salaire minimum, il n’y aura système judiciaire. pas de problème pour l’employeur. Mais J’en arrive à la campagne d’information si à travers cette annonce de l’emploi, il lancée récemment par les autorités sur s’avère que l’employeur, ne déclare pas son l’autre volet de cette opération « STOP employé aux assurances sociales et paye TRAVAIL AU NOIR ». Son but est de sensi- moins que le salaire minimum, dans ce cas biliser les employeurs et de leur montrer le contrôle de la part des autorités aura des quelles sont les conséquences pour leurs conséquences pour l’employeur. employé-e-s s’ils ne les déclarent pas aux assurances sociales. Pour beaucoup de
SYNDICALISME 11 LA FIN DU TRAVAIL, PAS POUR DEMAIN ! JOËL VARONE, SECRÉTAIRE SYNDICAL De nos jours, il paraît volon- aussi présente. Par contre, il faut remon- pas là pour le salarié qui devra entamer de ter peut-être aux décennies de la naissance longues procédures aux prud’hommes… tiers passéiste de parler de du mouvement ouvrier pour retrouver une Pour se retrouver dans bien des situations syndicalisme, de lutte de tra- aussi faible organisation du monde du tra- à entamer des démarches à l’Office des vail. Des décennies de réformes et de dis- faillites et poursuites quand l’employeur se vailleuses et de travailleurs. A cours néolibéraux l’ont marquée. refuse à respecter le jugement. Et lorsque chaque progrès technologique, l’entreprise se met en faillite et que le le même discours est servi : le Fonction publique patron ouvre une nouvelle entreprise… le salarié se retrouve à nouveau face à travail deviendrait une activi- Le même raisonnement vaut pour les sala- l’Etat de droit et la sacrosainte liberté té bientôt obsolète, superflue. rié-e-s de la fonction publique, présentés économique. péjorativement comme des fonction- Et comme sans travailleurs, naires ruinant les salariés-contribuables. Mobilisation et travail collectif les syndicats n’ont plus de La fonction publique est présentée comme sens… Parallèlement, tout le tentaculaire, surdimensionnée, privilégiée. Que le lecteur assidu et bien au fait de ces Il se trouve que cette même fonction pu- réalités excuse cette longue tirade. Mais débat sur la robotisation et les blique contribue pour près de 20% du PIB évoquer les cascades de sous-traitances caisses enregistreuses tend à cantonal, qu’elle a contribué à maintenir le rendant illusoires l’application de la res- PIB cantonal durant la crise de 2008 alors ponsabilité solidaire dans le secteur de la faire passer le travail, non plus que le secteur bancaire s’écroulait. C’est construction, parler de la privatisation des comme un facteur producteur cette même fonction publique qui emploie services de nettoyages du secteur public, de richesse, mais comme un nos infirmières et infirmiers dans les HUG, des faillites en cascade dans le secteur de nos enseignant-e-s dans les écoles, nos soi- la restauration, du dumping salarial dans coût, qu’il faudrait ou non sou- gnant-e-s dans les EMS… autant d’activités le commerce de détail et les transports ou tenir comme moindre directement utiles. Mais, pour les tenants encore du développement du travail inté- de la novlangue, quand l’Etat emploie, il est rimaire (encouragé par l’Office cantonal de mal social. tentaculaire et, quand ses activités sont l’emploi) ne fait pas sens si nous perdons de privatisées, on dit que les entreprises pri- vue la réalité globale du marché du travail. vées créent de l’emploi et que le marché Ce serait penser que des solutions secto- Salariat est dynamique… rielles ou ponctuelles pourraient résoudre les problèmes du salariat. Ce serait croire L’exercice de novlangue n’est pas innocent Conditions de travail ou faire croire qu’il suffirait d’apporter des car les faits sont têtus : la réalité du sala- correctifs, de l’extérieur, par en haut. riat n’a jamais été aussi présente et impor- Au passage, silence radio sur la dégradation tante qu’aujourd’hui. Peu de personnes des conditions de travail du personnel Non. Le monde du travail est en crise. Le adultes échappent au salariat et la Suisse (précarité accrue face au licenciement, syndicalisme est en crise. Mais la solution est un des pays européen où la durée effec- salaire plus bas, horaires plus flexibles,…). ne pourra passer que par la reconstitution tive du temps de travail est la plus longue Il est vrai qu’en Suisse, nous avons réussi lente et patiente de résistances à l’inté- (et ce n’est pas le projet du Conseiller fédé- le tour de force de faire croire que nous rieur des entreprises. Bien entendu, dans ral Berset qui va l’améliorer en repoussant vivons dans une démocratie directe. Mais cette perspective, toute amélioration de l’âge de la retraite). En d’autres termes : que peut bien signifier une démocratie type législatif de la position des travailleurs les patrons ont besoin de toujours plus directe quand elle s’arrête à la porte des et travailleuses est la bienvenue et peut de main-d’œuvre mais entendent pouvoir entreprises ? Quand elle ne s’applique servir. Que ce soit l’arrivée de l’Inspection profiter de chaque évolution technolo- pas sur la majeure partie de notre temps paritaire des entreprises (IPE) l’année der- gique pour déstructurer toujours plus les éveillé ? En Suisse, la dictature patronale nière, le projet de révision du règlement collectifs de travail, affaiblir les résistances et actionnariale (appelons un chat un sur les marchés publics à venir ou encore collectives. chat) s’est parée d’un beau nom : la liberté la proposition de la CGAS d’établir un re- économique. Une liberté bien réglementée, gistre cantonal des salaires avec obligation C’est un fait que l’arrivée de l’électricité a qu’on voudrait nous faire croire loin de pour les entreprises de déclarer les salaires bouleversé la nature des emplois entre la tout arbitraire, car reposant sur l’Etat à l’OCIRT. Cependant, ces outils ne seront fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. de droit. Mais, à nouveau, que peut bien que des tigres de papier si l’on ne parvient Elle n’en a pas pour autant supprimé la réa- signifier un Etat de droit quand les droits pas, dans les entreprises, sur les lieux de lité salariale. Il en était de même pour l’arri- des travailleurs se résument à quelques travail, à recréer du collectif, à recréer une vée des machines quelques décennies plus articles ? Un salarié commet un délit pénal réalité syndicale. tôt, ou encore de l’informatique quelques s’il vole des marchandises pour quelques décennies plus tard… Au fur et à mesure francs chez son patron. La police peut être des évolutions technologiques, la réalité appelée et intervenir sur le champ. Mais du monde du travail s’est indéniablement quand le patron ne paie pas les salaires, il tertiarisée, fragmentée mais n’a de loin pas n’y a aucun délit pénal ! La police ne sera disparu. Au contraire elle n’a jamais été
12 COMBATTRE COMBATTRE LES INÉGALITÉS, C’EST RÉALISER L’IDÉAL SOCIALISTE POUR L’ÉGALITÉ SANDRINE SALERNO, CONSEILLÈRE ADMINISTRATIVE L’égalité est au cœur de notre sein de l’administration et auprès du grand d’injustice. Nous oublions aussi trop sou- public. Dès le départ, mon objectif a été de vent les formes économiques, sociales et histoire, au cœur des raisons promouvoir une société durable, où chaque culturelles de discrimination. Combien pour lesquelles des camarades individu peut vivre et s’épanouir, quel que n’ont pas « réussi » un entretien profes- soit son origine, son sexe ou son orienta- sionnel parce que les codes sociaux atten- adhèrent au parti. L’égalité, tion sexuelle. dus leur faisaient défaut ? Parce qu’il leur c’est le fondement de notre manquait la bonne tenue vestimentaire, le engagement, l’objectif qui nous Un des axes de lutte contre les inégali- bon langage ou carnet d’adresse ? Il n’y a tés est la lutte contre les discriminations. pas non plus d’égalité sans une juste répar- rassemble et qui guide nos Chaque jour, ce service stratégique met tition et redistribution des richesses. Dans combats. en œuvre des actions concrètes pour dé- un monde marchand, il n’y a pas d’égalité construire les stéréotypes, combattre les sans disposer d’un revenu qui garantit des discriminations et permettre à la popu- conditions de vie dignes, l’accès aux soins, à lation, à toute la population, de jouir plei- la santé, au logement, à la formation. Pour atteindre cet objectif, nous devons nement de ses droits. Au fil des ans, nous nous battre pour les droits ; à la fois pour avons développé des projets forts, rassem- Pour lutter contre les inégalités nous de- défendre et protéger les droits existants, bleurs, comme « Genève, sa Gueule » qui vons, en tant que socialistes, nous battre mais aussi pour en acquérir de nouveaux. déconstruit les préjugés en lien avec l’ori- pour redonner du sens collectif, rappeler Je pense bien sûr aux droits politiques pour gine ou la campagne d’affichage annuelle que les inégalités et les discriminations les personnes étrangères au niveau canto- contre l’homophobie et la transphobie qui nous concernent toutes et tous. Surtout, nal. Mais également à la reconnaissance s’attaque à ces tabous. Nous avons égale- nous devons nous rappeler que égalité si- des droits fondamentaux des personnes de ment mis en place des politiques publiques gnifie solidarité et qu’elle est le fondement deuxième génération – les droits sociaux, essentielles, qui sont aujourd’hui portées de la justice sociale. Contribuer à réaliser économiques et culturels - et de celles de par l’ensemble des services de l’adminis- l’égalité dans les faits, voilà ce qui guide troisième génération (les droits collectifs). tration municipale. Nous travaillons enfin mon action politique au quotidien. Enfin, pour que l’égalité devienne réelle, main dans la main avec les associations tangible, pour la concrétiser dans les faits, qui nous permettent d’être en prise di- nous devons agir pour que chacun-e puisse recte avec le terrain et les besoins. C’est exercer les droits souvent acquis de haute ensemble que nous bâtissons une Genève lutte. C’est notre responsabilité d’élu-e-s fière et riche de sa diversité. socialistes, en particulier au niveau exécu- tif. Un engagement global contre toutes les inégalités Des politiques publiques pour assurer les droits de la population Les inégalités sont le produit de plusieurs facteurs et elles sont d’autant plus vio- Consciente de cette responsabilité, je me lentes qu’elles se cumulent. L’action pu- suis battue, dès mon entrée au Conseil ad- blique doit en tenir compte et dévelop- ministratif de la Ville en 2007, pour mettre per, en plus des actions spécifiques, des en place les outils et politiques qui rendent politiques transversales et une approche possibles l’exercice par la population de globale de la cohésion sociale. Outre l’ho- ses droits essentiels. J’ai ainsi développé, mophobie, la xénophobie, le sexisme ou au fil des ans, le service Agenda 21 – Ville le racisme, des caractéristiques comme le durable (A21), qui défend et promeut des handicap ou l’âge sont également sources valeurs d’égalité et de diversité, à la fois au
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