Changement climatique - Après les paroles des actes
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Béatrice Bowald Changement climatique – Après les paroles des actes Une impulsion dans une perspective d’éthique sociale Commission nationale suisse Justice et Paix, sur mandat de la Conférence des évêques suisses En collaboration avec oeku Eglise et environnement: Kurt Zaugg-Ott et Kurt Aufdereggen Traduction: Martine Besse Berne 2009
5 Table des matières Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 1. Les changements climatiques nous concernent tous – les changements climatiques anthropiques et leurs conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 1.1 Les constats sur les changements climatiques anthropiques 1.2 Pronostics sur les conséquences des changements climatiques dans le monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15 1.3 Les conséquences pour la Suisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16 1.4 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18 2. Prendre ses responsabilités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 2.1 Nos bases d’existence menacées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 2.2 La justice et la solidarité face aux changements climatiques . . . . . . 21 2.2.1 Stratégies: la réduction des émissions et l’adaptation . . . . . . 21 2.2.2 Une répartition équitable des charges. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 2.3 Un appel à agir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 3. Pour une politique climatique responsable en Suisse . . . . . . . . . . . 26 3.1 Les bases légales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 3.2 La part de la Suisse aux émissions de gaz à effet de serre dans le monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Digression 1: L’empreinte écologique de la Suisse Digression 2: L’objectif de la sociéte à 2000 watts 3.3 Le coût des changements climatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 3.4 La pomme de discorde: les objectifs de réduction . . . . . . . . . . . . . . . 33 Digression 3: L’approche des droits au développement dans un monde-serre (Greenhouse Development Rights GDR) 3.5 Conclusions pour une politique climatique responsable en Suisse . . 34 4. Les Eglises ont aussi des obligations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 4.1 Faire prendre conscience du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 4.2 Avancer en donnant l’exemple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 4.3 Engagement politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 4.4 Spiritualité de la Création . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
7 Avant-propos A la lecture de cette publication de la Commission épiscopale Justice et Paix, on ne devrait pas tarder à s’interroger sur le rapport entre la foi chrétienne et le changement climatique reconnu aujourd’hui comme fait établi. Nous pou- vons répondre à cette question si nous réfléchissons à l’attitude chrétienne face aux bases naturelles de notre monde que nous considérons et reconnais- sons dans la foi, comme création de Dieu. La foi chrétienne a la conviction qu’une véritable responsabilité envers la créa- tion ne peut être saisie qu’à la lumière de son créateur. Si nous voyons le mon- de comme création de Dieu, nous avons comme êtres humains la responsabi- lité d’en être les gardiens et de collaborer librement à l’œuvre de Dieu, afin que les dons de la création soient mis en valeur et non pas asservis ou détruits par l’homme. Car partout où nous faisons un usage de la nature en désaccord avec celui qui nous l’a confiée, elle est très vite exploitée et réduite en esclavage. Le pape Benoît XVI l’a souligné dans des paroles très claires: «L’usage brutal de la création s’opère là où il n’y a pas de Dieu, où la matière n’est plus que maté- riau à nos yeux, où nous sommes nous-mêmes les instances suprêmes, quand tout nous appartient et que nous pouvons le consommer pour notre profit.» Pour faire croître un nouveau respect de la création, il est indispensable que, nous les humains, nous nous considérions comme des créatures de Dieu, des créatures interdépendantes, afin de nous reconnaître dans la perspective de la sauvegarde de la création: «Mea res agitur». L’être humain ne succombera pas à la folie de la toute-puissance, se soumettra avec révérence à la mesure de Dieu et approchera toute la création avec crainte et respect, uniquement s’il admet qu’il n’est pas la mesure de toute chose, qu’il n’est pas tout-puissant, omnis- cient et omnipotent. Reconnaître que nous sommes des humains, et que des humains, s’avère l’attitude la plus humaine et le fondement d’une sauvegarde de la création véritablement humaine. «Nous le savons en effet: la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement» (Rm 8,22). Ce que Paul avait déjà perçu dans sa conscience de chrétien, nous le ressentons et l’entendons aujourd’hui au sens propre: la création gémit – et elle attend des humains qui puissent la voir sous l’angle de Dieu et changent leur «way of life». Une part essentielle de ce «gémis- sement» de la création est l’apparition de ce nous appelons aujourd’hui le changement climatique. Ce phénomène est imputable de manière sûre aux émissions des Etats industrialisés et touche le plus fortement les pays défavori- sés de notre terre.
8 Pour toutes ces raisons, je recommande avec plaisir les points de vue d’éthi- que sociale développés ici. Dans un esprit de responsabilité chrétienne envers la création, Justice et Paix plaide en faveur d’un changement de mentalité dans les pays industrialisés, en particulier d’une politique climatique responsable en Suisse. Si nous chrétiens veillons, dans notre contexte de vie immédiat, à adop- ter des comportements respectueux du climat, nous pourrons soutenir de ma- nière crédible les efforts éthiques et politiques nécessaires pour nous adapter au changement climatique. Car il nous incombe à tous de veiller à préserver les bases de notre existence, non seulement pour notre temps, mais aussi pour les générations futures. Au nom des évêques suisses, je tiens à exprimer ici ma reconnaissance pour la contribution importante de Justice et Paix par cette pu- blication. J’espère que ses propositions constructives tomberont sur un terrain fertile. Soleure, fête de saint François d’Assise 2008 + Kurt Koch Président de la Conférence des évêques suisses
9 Introduction «Par la façon dont nous vivons et exploitons les ressources, nous hypothé- quons massivement notre avenir. Une réorientation complète est nécessai- re afin de donner la chance et la priorité à un développement durable, com- patible avec l’avenir et le climat.»1 «Parmi les préoccupations majeures en Suisse, on trouve les changements climatiques, dont les signes sont maintenant bien visibles dans notre pays, avec les incertitudes qui leur sont liées, ainsi que l’utilisation des ressour- ces. Le principal défi pour les prochaines années sera la gestion durable de ces ressources, car notre mode de vie et nos habitudes de consommation annulent les progrès réalisés en matière de protection de l’environnement.»2 Ces dernières années, les voix mettant en garde contre l’impact très étendu des changements climatiques se sont multipliées. Ces deux citations en témoi- gnent. Il en ressort que la situation doit être considérée comme très sérieuse. Il ne s’agit en aucun cas d’une stratégie populiste visant à faire peur. Un large pa- nel de scientifiques renommés focalisent leur attention sur les changements cli- matiques. Sur la base des constats établis selon des méthodes scientifiques, ils parviennent aux conclusions suivantes: – Le réchauffement du climat est un fait. – Il est en grande partie causé par les humains. – Si les changements climatiques se poursuivent et que le réchauffement global de la planète continue de progresser sans frein, cela aura un fort impact sur l’être humain et la nature. Malgré ce constat, les Etats et les sociétés ont du mal à adapter de manière ap- propriée leur mode de vie et d’exploitation des ressources. Pourtant, l’enjeu n’est rien moins que «la capacité de la société moderne de faire face à l’ave- nir»3. Les Eglises observent ce phénomène avec inquiétude depuis un certain temps déjà. Leur engagement en faveur de «la justice, la paix et la sauvegarde de la création» est une réponse. Mais la nécessité d’agir reste grande, même au sein des Eglises. 1 Die deutschen Bischöfe – Kommission für gesellschaftliche und soziale Fragen/Kommission Weltkirche: Der Klimawandel, no 34 (souligné dans le texte original). 2 OFEV/OFS: Environnement Suisse 2007, p. 7. 3 Markus Vogt: Natürliche Ressourcen und intergenerationelle Gerechtigkeit, p. 142.
10 La préoccupation de la sauvegarde de la création et la sollicitude envers les êtres humains qui vivent sur la «face cachée» de la planète et sont les premiers à subir les effets des changements climatiques, ont poussé la Conférence des évêques suisses à donner mandat à la Commission nationale Justice et Paix de se pencher de manière plus approfondie sur le phénomène des changements climatiques. Justice et Paix aborde la question sous un angle éthique, dans un souci de jus- tice. Concrètement, cela signifie que nous nous occuperons dans un premier temps des effets des changements climatiques. Dans un second temps, nous tenterons de clarifier les principes qui devraient inspirer nos actes. Un princi- pe important est l’option pour les pauvres, c’est-à-dire l’impératif de tenir compte de leur situation en toute circonstance. Dans un troisième et un qua- trième temps, nous tirerons les conséquences pratiques pour le monde politi- que et les Eglises. Notre propos est d’offrir des points de repère sous un angle éthique. Au plan politique, cela concerne par exemple la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’ampleur de cette mesure et la manière dont elle peut être mise en œuvre à l’échelle planétaire. Pour les Eglises, nous fournissons des repères sur ce que nous jugeons nécessaire de faire et à quel niveau. L’objectif est de mo- tiver les responsables politiques et ecclésiaux à entreprendre les démarches né- cessaires en faveur d’un développement équitable, compatible avec le climat. Nous souhaitons aussi encourager les chrétiens à s’investir au sein de l’Eglise comme des membres responsables. Au plan politique, nous souhaitons les in- viter à défendre les réformes nécessaires comme citoyens responsables, tout en apportant aussi leur contribution au niveau personnel. Nous espérons ain- si que les paroles soient vraiment suivies par des actes. Kurt Zaugg-Ott et Kurt Aufdereggen, collaborateurs d’oeku Eglise et environ- nement, ont apporté une contribution essentielle à cette publication, en for- mulant la version provisoire des différentes parties et en suivant l’évolution du texte d’un bout à l’autre. Nous les remercions ici vivement pour leur travail. Nos remerciements vont aussi à Markus Brun de l’Action de Carême, Geert van Dok de Caritas Suisse, Hans Halter, professeur émérite, Patrick Hofstetter du WWF ainsi que Otto Schäfer, de la FEPS, membre du comité d’oeku. Ils ont relu le texte en entier ou certains passages et ont contribué à le clarifier grâce à leurs utiles commentaires.
11 1 Les changements climatiques nous concernent tous – les changements climatiques anthropiques et leurs conséquences 1.1 Les constats concernant les changements climatiques anthropiques «Les changements climatiques ont lieu à l’échelle de toute la planète et leurs répercussions ont un impact sur toutes les économies; les perspectives sont sombres pour l’avenir.»4 Cette déclaration du Groupe d’experts intergouvernemental de l’ONU sur l’évolution du climat (GIEC) citée par l’Office fédéral allemand de l’environ- nement montre bien une chose: les changements climatiques sont un fait éta- bli et ont des conséquences graves pour l’ensemble de la planète. Il est donc bel et bien urgent d’agir. D’autant plus qu’une part considérable des change- ments climatiques sont, d’après le GIEC, anthropiques, c’est-à-dire provoqués par les activités humaines. Il ne s’agit pas de peindre les choses en noir, mais les constats du GIEC doivent être pris très au sérieux. Cet organe réunit des centaines de scientifiques du monde entier qui étudient depuis plusieurs dé- cennies les changements climatiques et ont une compréhension de plus en plus précise des liens entre les émissions de gaz à effet de serre et leur impact sur le climat. L’influence de la concentration de CO2 sur le réchauffement climatique est con- sidérée aujourd’hui comme une donnée sûre. Le graphique suivant atteste que la concentration de CO2 a augmenté massivement depuis 1850. Elle est due au développement industriel. De l’avis très largement partagé par les scientifiques, la concentration de CO2 ne devrait pas dépasser 450 ppm5. C’est aussi l’objectif de la convention-cadre sur le climat; nous y reviendrons plus loin. 4 Umweltbundesamt: «Klimaänderungen, deren Auswirkungen und was für den Klimaschutz zu tun ist», p. 1. Il s’agit d’une publication de l’autorité centrale allemande préposée à l’environne- ment. 5 La concentration des gaz à effet de serre est indiquée par l’unité «ppm», abréviation de «parts per million», autrement dit par le nombre de molécules de gaz à effet de serre par million de molécu- les d’air.
12 Concentration de CO2 dans les 8000 000 ans passés et les 100 ans à venir concentration de CO2 en ppm (parties par million) 700 état en 2100 selon le scénario de référence (business as usual) 600 500 état en 2100 selon le scénario optimiste 400 état en 2007 état en 1850 300 200 100 800 700 600 500 400 300 200 100 0 axe de temps (par 1000 ans) EPICA/IPDC/Universität Bern Graphique tiré de: Office fédéral de l’environnement: Magazine ENVIRONNEMENT 3/08. Le défi climatique, p. 20. Les variations naturelles ne suffisent plus à expliquer l’augmentation constante de la température mondiale moyen- ne depuis 1970 environ. L’écart toujours plus grand par rapport à la moyenne de la première moitié du XXe siècle ne peut être dû qu’à des effets anthro- piques. Graphique tiré de: Office fédéral de l’environnement: Magazine ENVIRONNEMENT 3/08. Le défi climatique, p. 22.
13 A l’échelle de la planète, ce sont surtout la production d’énergie (notamment les centrales à charbon), l’industrie, la déforestation et, à parts presque égales, l’agriculture et le trafic routier qui sont à l’origine des émissions de gaz à effet de serre. En Suisse, l’émission des gaz à effet de serre est due en premier lieu aux bâtiments, en second lieu au trafic routier et, pour une proportion plus fai- ble, à l’industrie et à l’agriculture. Déchets et eaux usées 2.8 % Sources des émissions de gaz à effet de serre dans Déforestation 17.4% Production le monde (2004) d‘énergie 25.9 % Agriculture 13.5% Trafic 13.1 % Maisons et Industrie 19.4% bureaux 7.9 % GIEC Sources des émissions de Déchets et eaux usées 6.2% Production d‘énergie 2.7 % gaz à effet de serre en Trafic Agriculture 11% Suisse (2006) 30.1% Industrie 18.6% Maisons et bureaux 31.4% OFEV Graphique tiré de: Office fédéral de l’environnement: Magazine ENVIRONNEMENT 3/08. Le défi climatique, p. 21. Il ne s’agit pas seulement de savoir quels secteurs génèrent le plus d’émissions de gaz à effet de serre mais aussi à quels Etats elles sont imputables. Les changements climatiques actuels doivent être mis principalement sur le compte des pays industrialisés occidentaux. Ils sont liés au fait que les gaz à effet de serre se maintiennent longtemps dans l’atmosphère. Si l’on étudie le passé, on sait ainsi aujourd’hui à qui incombe la responsabilité. Cette réparti- tion va cependant se modifier à brève et à moyenne échéance. Car le dévelop- pement économique de pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil, accroît les émissions de CO2 dans le monde et modifie la proportion des parts. Les graphiques suivants l’illustrent bien:
14 Emissions de CO2 cumulées liées à l’énergie 1990–1999 Russie Japon Canada 13.7% 3.7% 2.3 % Australie Chine, Inde et pays 1.1% en développement d‘Asie 12.2 % Pays en Amérique du Sud et Amérique centrale Europe développement 3.8 % 21% 27.7% Moyen-Orient Etats-Unis 2.6 % 30.3% Afrique 2.5 % Emissions de CO2 cumulées liées à l’énergie 1992–2004 Canada Australie 2.3% 1.4% Chine (y compris Hong-Kong) Japon 13.6 % 4.9% Pays en développement d‘Asie 4.6 % Russie 7% Inde Pays en 3.9 % développement 30.5% Amérique du Sud et Amérique centrale Europe 4% 18.9% Etats-Unis Moyen-Orient 23.7 % 4.4 % Afrique 3.6 % Graphiques tirés de: Germanwatch: Globaler Klimawandel: Ursachen, Folgen, globale Hand- lungsmöglichkeiten, p. 12.
15 Comme nous l’avons déjà dit, la concentration de CO2 s’accompagne d’un ré- chauffement du climat. Au XXe siècle, la température moyenne mondiale a augmenté d’environ 0,6 °C. En Suisse, le réchauffement s’élève, selon les ré- gions, à environ 1,5 °C, ce qui représente plus du double de la moyenne du réchauffement mondial. Cela signifie que la Suisse fait partie des régions parti- culièrement affectées par les changements climatiques. Sa situation privilégiée sous des latitudes modérées contribue toutefois à ce que les conséquences ne soient vraisemblablement pas encore très graves à moyen terme pour notre pays (voir plus loin). Selon les estimations, la hausse de la température moyen- ne mondiale d’ici à 2100 devrait se situer entre +2 et +4,5 °C voire davantage.6 Mais il faudrait éviter absolument que la hausse de la température dépasse 2 °C par rapport au niveau pré-industriel. De nombreux spécialistes et l’UE considè- rent en effet ce niveau comme un seuil: s’il était dépassé, les dommages dus aux changements climatiques auraient des conséquences dramatiques. 1.2 Pronostics sur les conséquences des changements climatiques dans le monde Si l’on ne parvient pas à atténuer les changements climatiques et à développer la capacité d’adaptation de l’être humain et de l’environnement par des mesu- res concrètes, les scientifiques s’attendent, pour le XXIe siècle, à des répercus- sions importantes sur la société humaine et les écosystèmes. En effet, même si le réchauffement reste inférieur à 1,5 °C, il faut s’attendre comparativement à la moyenne des années 1980–1999 à des répercussions mondiales importantes 7: – Des préjudices pour la santé dus aux fortes chaleurs, à la malnutrition, aux maladies diarrhéiques et infectieuses. – Une augmentation des dommages en raison des inondations et des tem- pêtes. – Une pénurie d’eau aggravée touchant jusqu’à 1,7 milliard de personnes. – Jusqu’à 30 millions de personnes supplémentaires menacées par la faim. – La perte de couleur des coraux. 6 Cf. GIEC: Résumé à l’intention des décideurs. 2007, p. 12. 7 Cf. pour les explications suivantes: Umweltbundesamt: Klimaänderungen, deren Auswirkungen und was für den Klimaschutz zu tun ist, p. 6ss; OcC: Le climat change – que faire?, p. 24; GIEC: Résumé à l’intention des décideurs. 2007. Impacts, adaptation, vulnérabilité, pp. 24–33.
16 Si le réchauffement dépasse 1,5 °C, les conséquences s’aggravent. Le nombre des personnes touchées s’accroît et d’autres conséquences apparaissent, com- me la perte de la diversité biologique. Les populations qui vivent dans des régions affectées par la pauvreté et consi- dérées comme à haut risque sont particulièrement menacées par les change- ments climatiques, notamment en raison du danger accru de sécheresse ou d’inondation. Ces populations n’ont que des possibilités très limitées de s’adapter au changement. Elles sont fortement dépendantes de ressources très sensibles au climat, comme l’approvisionnement en eau et en produits alimen- taires. D’ici à la fin du siècle, plusieurs millions de personnes supplémentaires seront menacées par des inondations dans les régions fortement peuplées de très basse altitude, en raison de la hausse du niveau des océans. Ce danger con- cerne particulièrement des pays pauvres déjà menacés par d’autres risques comme les tempêtes tropicales et l’affaissement local des côtes. Cette évolu- tion affectera en majorité les populations des grands deltas d’Asie et d’Afrique. Les petites îles sont elles aussi très vulnérables. Selon la situation, les gens se- ront contraints de chercher ailleurs un endroit pour vivre. On s’attend donc à un nombre important de réfugiés dits climatiques. Il faut noter cependant que les mouvements migratoires resteront surtout localisés dans les régions affectées. Les Etats concernés devront donc supporter un fardeau supplémen- taire.8 1.3 Les conséquences pour la Suisse Les changements prévisibles pour la Suisse restent comparativement gérables. Telle est l’opinion de l’Organe consultatif sur les changements climatiques (OcCC) institué par le Conseil fédéral. Son rapport examine les changements climatiques et leurs conséquences pour la Suisse d’ici à 2050. Le réchauffement du climat continuera à se poursuivre sans ralentissement jusqu’en 2050. Même si des mesures de réduction des émissions sont appliquées dans le monde, elles n’auront un impact déterminant qu’à plus long terme.9 Si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites massivement au cours des prochai- 8 Davantage de précisions dans: Caritas Suisse: L’Europe risque-t-elle d’être prise d’assaut? Prise de position de Caritas Suisse sur les réfugiés climatiques. 9 «La durée de séjour moyenne du dioxyde de carbone dans l’atmosphère est de 100 ans. Cela si- gnifie que même si l’humanité stoppait d’un coup toutes les émissions de gaz à effet de serre, il faudrait attendre encore 50 ou 60 ans jusqu’à ce que la concentration diminue vraiment. Chaque molécule de dioxyde de carbone que nous rejetons aujourd’hui dans l’atmosphère influencera le climat ces 100 prochaines années. Attendre que la hausse de la température ne soit plus suppor- table serait totalement irresponsable. Nous devons agir par précaution et par prévention.» (Die deutschen Bischöfe – Kommission für gesellschaftliche und soziale Fragen/Kommission Welt- kirche: Der Klimawandel, no 29.)
17 nes années, il se pourrait que les conséquences du réchauffement soient nette- ment plus fortes durant la seconde moitié du siècle que ce que prévoit le rap- port.10 Le rapport de l’OcCC part du principe que le réchauffement d’ici à 2050 attein- dra en Suisse environ 2 °C en automne, en hiver et au printemps et presque 3 °C en été. Pour les précipitations, il faut escompter une augmentation d’en- viron 10% en hiver et une diminution d’environ 20% en été. Des précipita- tions extrêmement abondantes accompagnées de crues et de laves torrentiel- les (coulées de gravier et de boue en haute-montagne) devraient être en aug- mentation, particulièrement en hiver. Les fortes chaleurs devraient être plus fréquentes en été. Quant aux vagues de froid en hiver, elles devraient se raré- fier. – On utilisera moins d’énergie pour se chauffer en hiver, mais davantage pour la climatisation en été. – La réduction du débit et la diminution de l’effet de rafraîchissement des cours d’eau, particulièrement en été, auront un impact négatif sur l’éner- gie hydraulique et l’énergie nucléaire. D’ici à 2050, il faut s’attendre à un recul de la production annuelle de plusieurs pour-cent. – Les ressources hydrologiques importantes par rapport aux autres pays diminueront nettement en été et en automne, de manière très marquée durant les périodes sèches. Comme les besoins d’irrigation seront accrus dans l’agriculture, il y aura une situation concurrentielle entre les écosys- tèmes, les régions et les consommateurs (par ex. entre l’agriculture et la production d’énergie). – Le potentiel destructeur des crues, des laves torrentielles et des glisse- ments de terrain continuera de s’amplifier. – Les étés plus chauds rendront les destinations touristiques de notre pays plus attractives, en particulier au bord des lacs et dans les Alpes. En hiver, la limite des chutes de neige s’élevant, les domaines skiables des Préalpes ne pourront plus guère être rentables. La diminution de la garantie d’enneigement et le recul des glaciers auront un fort impact sur l’attractivité des régions touristiques alpines. En 2050, la plupart des glaciers de petite taille auront disparu. – Pour l’agriculture suisse, un réchauffement modéré devrait, de manière générale, avoir des effets positifs. Comme la période de végétation sera plus longue, les rendements agricoles pourraient être meilleurs, à condi- tion qu’il y ait suffisamment d’eau et que la qualité du sol soit suffisante. Si le réchauffement se situe entre 2 et 3 °C, les désavantages prévaudront. 10 Cf. OcCC: Les changements climatiques et la Suisse en 2050, p. 5ss.
18 1.4 Conclusions En raison de la longue durée de résidence du dioxyde de carbone dans l’atmos- phère, le réchauffement climatique se poursuivra dans un premier temps sans ralentissement. Néanmoins, les mesures visant à protéger le climat doivent être appliquées le plus vite possible à l’échelle de la planète pour éviter que les con- séquences au-delà de 2050 ne soient catastrophiques et irréversibles. Il est essentiel de le rappeler, car la Suisse fait partie, à court et à moyen terme, des régions qui tirent aussi profit des changements climatiques. Qui donc ne sou- haiterait pas vivre dans un climat méditerranéen? Pour les régions plus pau- vres, les conséquences du réchauffement sont graves aujourd’hui déjà et les possibilités de ces pays de s’adapter aux changements sont extrêmement min- ces. Il en résulte une situation paradoxale: ceux qui doivent agir n’auront pas, du moins à court terme, à subir de dommages importants; ils pourraient mê- me tirer bénéfice du réchauffement climatique. Mais ce sont eux aussi qui sont, jusqu’à présent, les principaux responsables des changements climatiques. Le GIEC ne précise pas comment il faudrait répartir entre les Etats la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il relève cependant que la justice au niveau mondial est un objectif important. Ce but figure aussi dans la conven- tion-cadre sur le climat. L’Office de l’environnement allemand défend le point de vue suivant: en réduisant leurs propres émissions de 80% (c’est-à-dire en re- trouvant un niveau équivalant à 20% des valeurs de 1990), les Etats industria- lisés devraient, en raison de leur large marge d’action économique, contri- buer d’ici à 2050, à une réduction mondiale moyenne des émissions de 50% par rapport aux valeurs de 1990.11 D’après les constats les plus récents, l’ob- jectif de réduction global ne suffirait pas à limiter le réchauffement du climat à 2 °C. Cela signifie en clair que l’exigence de réduire les émissions a un caractè- re plus qu’urgent. 11 Cf. Umweltbundesamt: Klimaänderungen, deren Auswirkungen und was für den Klimaschutz zu tun ist, p. 11.
19 2 Prendre ses responsabilités «Les changements climatiques […] sont principalement la conséquence d’un modèle d’économie et de civilisation très gourmand en énergie, générateur d’une aisance matérielle que seule une minorité de l’humanité peut s’offrir aujourd’hui.»12 Les changements climatiques touchent à des questions fondamentales. Ils font apparaître que des relations essentielles par lesquelles les êtres humains sont liés ont été déséquilibrées. Il s’agit d’abord du rapport de l’être humain à la nature. Les émissions provoquées par l’homme entraînent des bouleverse- ments dans la nature en un laps de temps beaucoup plus court et à une échel- le beaucoup plus vaste que cela ne se produit en suivant les processus naturels. Il s’agit ensuite des rapports des humains entre eux. Comme le relève la cita- tion, cela touche aujourd’hui déjà les relations entre les humains, car les chan- gements climatiques infligent actuellement des dommages à un grand nombre de personnes. A l’avenir, la situation s’aggravera. Les plus affectés ne seront pas ceux qui sont à l’origine des bouleversements, mais ceux qui y ont le moins contribué. Les femmes et les enfants, ainsi que les personnes âgées, sont les maillons les plus vulnérables. Une injustice est donc infligée aux personnes qui vivent dans la pauvreté, par- ticulièrement dans l’hémisphère sud. Ce ne sont pas seulement les conditions de vie de ces personnes qui sont massivement touchées, mais aussi celles des générations futures qui se détérioreront de manière marquante. La question des relations des humains entre eux s’applique ainsi aux circonstances actuel- les comme à celles que connaîtront les générations futures. 2.1 Nos bases d’existence menacées Si les changements climatiques anthropiques se poursuivent au même rythme, l’être humain compromet ses propres bases d’existence et celles de très nom- breuses espèces animales et végétales. L’être humain ne nuit donc pas seule- ment à lui-même et aux générations à venir; il inflige aussi à la terre des dom- mages en partie irréparables. Les conséquences des changements climatiques nous rappellent que la condi- tion humaine ne peut pas être appréhendée en dehors de liens et de rapports d’interdépendance. La liberté humaine ne peut exister que si elle restaure le lien avec la terre comme base de son existence. Les phénomènes naturels, 12 Johannes Müller: Klimawandel als ethische Herausforderung, p. 392 (souligné dans l’original).
20 comme les sécheresses ou les inondations, nous le rappellent douloureuse- ment. En termes théologiques, l’être humain s’inscrit dans «une communauté de toutes les créatures liées entre elles par leur destin»13. Sa réalité est d’être une créature parmi les autres. En même temps, l’être humain a, en vertu de Gn 2, 15, une mission particulière: il doit prendre soin de la création, puisque le Créateur l’a créé à son image.14 La pure et simple exploitation de la nature con- tredit cette mission et porte préjudice à la fois à la terre et à l’être humain. Com- me le montrent les conséquences, l’être humain ne met pas à mal «impuné- ment», au sens biblique du terme, la création qui l’entoure. A l’époque moder- ne, ces conséquences ne résultent pas d’une attitude individuelle, mais plutôt des effets cumulatifs d’un mode de vie et d’un système économique qui infli- gent à l’environnement des dommages importants et peut-être irréversibles. On comprend alors mieux pourquoi, – le principe de précaution est si impor- tant comme mécanisme de compensation, car il prend en compte «les liens étroits de tous les domaines de la réalité»15. «La responsabilité préventive est le prix que la civilisation moderne doit payer pour l’extension de ses marges de liberté dans le projet des temps modernes, si l’on veut que ce dernier réussisse pour le bien de l’humanité et ne se retourne pas contre elle. Plus nous hésiterons à payer ce prix, plus la facture écologique, sociale et économique des changements climatiques sera élevée.»16 Il ne s’agit pas seulement de la facture dont nous devons nous acquitter, de gré ou de force. La menace qui pèse sur les bases de notre existence, en raison des changements climatiques, réduit les possibilités du développement humain aujourd’hui déjà et touche les conditions de vie des générations futures. Cette situation contredit l’égalité fondamentale de tous les humains créés à l’image de Dieu. Elle est indigne de l’être humain et constitue en outre un mépris de la valeur intrinsèque et inaliénable de la nature, de la terre créée par Dieu. Pour atténuer à court terme les conséquences pour l’homme et la nature, et les évi- ter entièrement à long terme, il est indispensable de suivre le principe du 13 Für eine Zukunft in Solidarität und Gerechtigkeit. Wort des Rates der Evangelischen Kirche in Deutschland und der Deutschen Bischofskonferenz zur wirtschaftlichen und sozialen Lage in Deutschland, no 123. 14 ibid.Et Es ist nicht zu spät für eine Antwort auf den Klimawandel. Ein Appell des Ratsvorsitzen- den der Evangelischen Kirche in Deutschland, Bischof Wolfgang Huber, p. 14. 15 Für eine Zukunft in Solidarität und Gerechtigkeit. Wort des Rates der Evangelischen Kirche in Deutschland und der Deutschen Bischofskonferenz zur wirtschaftlichen und sozialen Lage in Deutschland, no 124. 16 Markus Vogt: Solidaritätspotentiale der Kirchen für Klimaschutz, p. 331.
21 développement durable. Celui-ci préconise un développement qui soit accep- table à la fois sous l’angle social, écologique et économique. 2.2 La justice et la solidarité face aux changements climatiques L’humanité tout entière est concernée par les changements climatiques. Dans ce sens, nous sommes tous dans la même barque. L’éthicien Hans-Joachim Höhn parle de «solidarité forcée»17. Mais en même temps, tous ne sont pas tou- chés avec le même degré de gravité. Ce fait est d’autant plus dérangeant que les populations les plus durement touchées, sont celles qui ont le moins con- tribué à provoquer les changements climatiques. Il faut donc une répartition égale des charges et une solidarité à titre de compensation. Cette exigence n’est pas seulement un impératif face à son prochain, mais une nécessité pour la paix dans le monde. Il s’agit de se demander alors ce qu’il faut faire. Il convient en particulier de s’intéresser à l’équité la démarche. Il restera ensuite à clarifier qui doit assumer telle ou telle part. Que peut-on considérer comme juste et plus particulière- ment comme juste pour les humains? 2.2.1 Les stratégies: la réduction des émissions et l’adaptation La situation exige deux stratégies. Il faut évidemment d’une part réduire mas- sivement les émissions, ce que l’on désigne dans le jargon spécialisé par «miti- gation» (atténuation). On vise alors les causes. Il s’agit en outre, de s’ajuster aux changements climatiques, on parle alors d’«adaptation». Cela signifie prendre des mesures pour limiter les dommages et tirer le meilleur parti possible des conditions nouvelles. La nécessité de con- tenir la hausse de la température implique obligatoirement de mettre l’accent sur la réduction des émissions. Ce ne sont pas seulement des raisons écologi- ques qui l’exigent, mais aussi des réflexions économiques. Car les coûts de la lutte contre les causes seront sans doute inférieurs à plus long terme, à ceux gé- nérés par les conséquences du réchauffement.18 Le changement climatique en- traînera inévitablement des coûts. La question du prix à payer dépend de la volonté politique d’introduire résolument les réformes nécessaires, même si cela demande un changement du mode de vie et du mode d’exploitation éco- nomique. (Ceci, bien que le modèle occidental aie une valeur normative et serve de référence aux nations qui aspirent à un développement économique.) 17 Hans-Joachim Höhn: Die «andere» Globalisierung, p. 7. 18 Cf. pour davantage de précisions à ce sujet le chapitre 3.3.
22 2.2.2 Une répartition équitable des charges Qui doit donc participer à la réduction des émissions et aux mesures d’adap- tation et dans quelles proportions? Quelle peut être la répartition équitable des charges? Il faut prendre en compte plusieurs aspects: – La conviction que l’être humain crée à l’image de Dieu possède une digni- té intrinsèque fait que nous sommes tous fondamentalement égaux. Appli- qué à l’utilisation des ressources naturelles et à l’émission de polluants, ce principe signifie que tous les êtres humains sur terre ont les mêmes droits. Cette conviction première entraîne l’exigence d’une justice participative. Concrètement, tous les humains doivent avoir la possibilité de prendre part à ce qui est considéré comme une vie digne. Les pays moins dévelop- pés doivent pouvoir participer dans des proportions égales à l’échange de biens, d’informations, etc. – La conception, essentielle pour les chrétiens, de l’être humain créé à l’image de Dieu et de sa condition de créature parmi d’autres, implique de se montrer solidaires avec les victimes actuelles et futures des change- ments climatiques. – Pour les dommages déjà survenus et à venir, il s’agit d’appliquer le princi- pe du pollueur-payeur. Il faut en outre veiller à ce que les préjudices res- tent limités. – Il faut prendre en compte aussi le rapport de l’être humain à la nature. Les mesures envisagées doivent également satisfaire le critère de la protection du climat et de l’environnement. Nous ne pouvons, nous les humains, qu’assumer ensemble la responsabilité de notre terre, mais, dans la pratique et pour des raisons de justice, nous de- vons porter une part de responsabilité différente. Cette idée se retrouve dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992. Le préambule la formule ainsi: «conscients que le caractère planétaire des changements climatiques re- quiert de tous les pays qu’ils coopèrent le plus possible et participent à une action internationale, efficace et appropriée, selon leurs responsabilités communes mais différenciées, leurs capacités respectives et leur situation sociale et économique».
23 A propos de la différenciation des responsabilités, nous pouvons noter ce qui suit: – Les nations industrialisées occidentales sont les principales responsables des changements climatiques créés par l’homme.19 Selon le principe du pollueur-payeur elles sont responsables au premier chef de prendre des mesures de réduction des émissions et d’adaptation aux changements cli- matiques. – Pour la réduction des émissions, les pays industrialisés sont tenus de four- nir une prestation plus importante que les pays moins développés. Ils ne doivent pas seulement prendre en compte les émissions intérieures mais également les gaz à effet de serre dits «gris», à savoir les émissions occa- sionnées à l’étranger lors de la fabrication de biens importés. Selon les indications de l’Alliance pour le climat, leur part représente pour la Suisse, environ 40% de la totalité de ses émissions.20 – Pour l’adaptation aux changements climatiques, il s’agit principalement de soutenir les pays les plus gravement affectés aujourd’hui déjà. – Grâce à leurs moyens financiers et à leur savoir-faire, les pays industrialisés ont en outre l’obligation d’aider les pays moins avancés à se développer en ménageant le climat et l’environnement. – Les pays émergents, dont le développement économique est en plein essor, ne peuvent pas esquiver leur responsabilité. Même si leur consom- mation par personne en gaz à effet de serre est encore beaucoup plus fai- ble que celle des pays industrialisés occidentaux, ils participent au- jourd’hui déjà pour une part considérable à la consommation mondiale. Selon le principe du pollueur-payeur, ces pays sont tenus de poser les bases d’un développement social et économique respectueux du climat et de l’environnement. Cela concerne spécialement les investissements effec- tués dans la phase initiale qui déterminent pour une longue durée le type d’approvisionnement en énergie. 2.3 Un appel à agir Au vu des conséquences considérables des changements climatiques, une modification de cap et une réorientation du mode de vie et d’exploitation sont urgentes. La longue durée de persistance des gaz à effet de serre dans l’atmo- sphère et la lourdeur des systèmes politiques nous donnent une idée de l’am- 19 Cette notion figure aussi dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements clima- tiques, puisqu’il est dit que les émissions antérieures et actuelles des gaz à effets de serre sont dues principalement aux pays développés. 20 Cf. le Programme pour la protection du climat publié par l’Alliance pour le climat, p. 6.
24 pleur des efforts politiques nécessaires. Malgré tout, «il n’ y a (encore) aucune raison de céder à la résignation ou au fatalisme», comme l’affirme l’évêque Wolfgang Huber, président du Conseil de l’Eglise évangélique d’Allemagne. Il estime «possible d’amorcer maintenant un tournant concernant la production des émissions.»21 Mais ce tournant devrait impérativement s’opérer avant 2020. En Suisse, l’Organe consultatif sur les changements climatiques et le Mémo «Repenser l’énergie» publié par des chercheurs et les Académies suisses des sciences se prononcent également en faveur de mesures concrètes.22 Les rai- sons économiques et le facteur temps montrent que ce changement de cap est indiqué et faisable et qu’il serait gérable financièrement. Une fois l’urgence d’agir reconnue, il faut se demander qui doit jouer un rôle actif. – La politique est interpellée en premier lieu. C’est elle qui doit poser les ja- lons nécessaires pour amorcer les réformes indispensables et les soutenir. Chaque Etat est interpellé en fonction de ses responsabilités et de ses capa- cités; mais la communauté internationale dans son ensemble a des obliga- tions à tenir. Lors de la négociation d’autres réglementations, il s’agira de respecter le principe de la justice de la procédure. Concrètement, cela signifie que les Etats les moins développés devraient pouvoir participer aux négociations sur un pied d’égalité. – L’économie et en particulier les entreprises sont également des acteurs im- portants. Dans le sens des principes de la responsabilité sociale de l’entre- prise (RSE), elles doivent assumer la responsabilité de leurs activités sans attendre que des normes légales les y contraignent. Le fait d’endosser sa responsabilité sociale se rapporte au domaine de l’entreprise elle-même, aux produits et aux prestations fournis, comme aux conditions sociales et écologiques. Des études montrent qu’une exploitation économique dura- ble est possible et qu’elle vaut la peine. Conjointement, la politique est tenue de contraindre l’économie/les entreprises en introduisant des régle- mentations pour encourager un développement durable, respectueux du climat. Les incitations doivent être conçues de manière à ce que l’écono- mie s’adapte aux nouvelles conditions et se montre innovante, ce qui, à long terme, s’avère aussi rentable économiquement. – En tant qu’institutions sociales, les Eglises ont elles aussi une mission par- ticulière. La foi en la création est une composante de leur identité et appel- 21 Es ist nicht zu spät für eine Antwort auf den Klimawandel. Ein Appell des Ratsvorsitzenden der Evangelischen Kirche in Deutschland, Bischof Wolfgang Huber, p. 9s. 22 Cf. OcCC: Les changements climatiques et la Suisse en 2050, p. 7, 163; Mémo «Repenser l’éner- gie», publié par les Académies suisses des sciences, p. 45s.
25 le une attitude qui soit en adéquation dans la pratique. Nous nous propo- sons d’expliquer au chapitre 4 ce que cela signifie pour les Eglises en Suisse. – L’engagement dépend finalement toujours de personnes de bonne volonté. Il faut des gens qui essaient véritablement de répondre aux défis des chan- gements climatiques en tant que citoyens, une autre contribution dont il ne faut pas sous-estimer l’importance consiste à soutenir les projets politi- ques pertinents. Nous sommes enfin tous appelés à adopter individuelle- ment un mode de vie compatible avec la protection du climat.
26 3 Pour une politique climatique responsable en Suisse 3.1 Les bases légales Dans sa Constitution, la Suisse se déclare disposée à oeuvrer au profit d’un dé- veloppement durable (Cst. art. 7323) et à se mobiliser en faveur d’un monde pacifique et juste (Cst. art. 224). Cet engagement s’est déjà exprimé antérieure- ment par la signature de la Convention sur le climat (précisément: Conven- tion-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques). Celle-ci a pour but de «parvenir à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’at- mosphère à un niveau qui empêche que le bouleversement du système clima- tique anthropique ne soit dangereux.»25 A la suite de la Convention sur le cli- mat, la Suisse s’est également mobilisée en faveur du Protocole de Kyoto (1997) qui fixe des objectifs concrets et contraignants concernant la réduction du CO2: d’ici à 2012, les émissions de gaz à effet de serre générées par l’homme devraient être abaissées en moyenne de 5,2% au-dessous du niveau de 1990. Comme le note la Convention sur le climat, les responsabilités sont différen- ciées pour les pays pauvres et les pays nantis. Pour l’UE et la Suisse, il est pré- vu de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 8%, tandis que les pays pauvres (dont faisaient partie en 1997, à côté de tous les pays en développe- ment, des pays émergents comme la Chine et l’Inde) n’ont pas d’obligation de réduction. La loi sur le CO2 entrée en vigueur le 1er mai 2000 sert à appliquer les engage- ments du Protocole de Kyoto. Elle demande que les émissions de CO2 soient réduites d’ici à 2010 de 10%26 par rapport à 1990. L’accent est mis principale- ment sur des mesures volontaires coordonnées par le programme SuisseEner- gie27 de la Confédération. 23 «La Confédération et les cantons oeuvrent à l’établissement d’un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l’être humain.» 24 «Elle s’engage en faveur de la conservation durable des ressources naturelles et en faveur d’un or- dre international juste et pacifique.» 25 Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 1992. Seuls les principes de base ont été définis à ce moment-là. Une concrétisation incluant des objectifs chiffrés dans le sens d’un cadre contraignant a suivi lors de l’adoption du Protocole de Kyoto et de l’approba- tion du 4e rapport du GIEC qui bénéficie d’un appui scientifique très large. 26 Cette norme correspond à la réduction de 8% des émissions de gaz à effet de serre que demande le Protocole de Kyoto; en plus des émissions de CO2 auxquelles s’applique la loi sur le CO2, celui- ci prend en compte d’autres gaz à effet de serre. 27 La brochure suivante offre un aperçu des activités: SuisseEnergie: le programme de partenariat pour l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables: www.suisseenergie.ch.
Vous pouvez aussi lire