Complications hépatiques des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques Liver injury following allogeneic hematopoietic stem cell ...
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Réanimation 13 (2004) 399–406 www.elsevier.com/locate/reaurg Mise au point Complications hépatiques des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques Liver injury following allogeneic hematopoietic stem cell transplantation R. Guièze, J.P. Jouet, I. Yakoub-Agha * Service des maladies du sang, UAM d’allogreffes de cellules souches hématopoïétiques, hôpital Huriez, CHRU, 59037 Lille, France Reçu et accepté le 26 juin 2004 Résumé Les complications hépatiques constituent une part importante de la morbidité et de la mortalité de la greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques. La prise en charge de ces complications est souvent difficile en raison du manque de spécificité des symptômes. Les étiologies principales sont de nature iatrogène, infectieuse ou immunologique. L’hyperbilirubinémie constitue le principal symptôme, difficilement interprétable lorsqu’elle est isolée. Les complications hépatiques faisant suite à l’autogreffe de cellules souches hématopoïéti- ques étant celles observées après un traitement intensif de façon générale, ne sont pas abordées dans cet article. © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Liver dysfunction is one of the major complications following allogeneic stem cell transplantation and results in high morbidity and mortality. Management of patients with hepatic complications is problematic due to lack of specific symptoms and confounding variables occurring in allogeneic stem cell patients. The differential diagnosis for presenting symptoms includes toxicity secondary to conditioning regimens, medication-related symptoms, graft-versus-host disease, sinusoidal obstruction syndrome, and hepatic infections such as cytome- galovirus infection. Hyperbilirubinemia is the most common, but non-specific, presenting symptom, the diagnosis being especially difficult to make when there is no other organ involvement. This review is centered on the major clinical presentations and reasons for referral of hepatic abnormalities during hematopoietic stem cell transplantation: (i) positive hepatic viral markers, (ii) abnormal liver function tests, and (iii) hepatomegaly and liver failure with its complications. © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques ; Complications hépatiques Keywords: Allogeneic stem cell transplantation; Liver injury 1. Introduction Malgré l’extension des indications notamment aux sujets plus âgés avec l’allogreffe à conditionnement atténué (non La greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) a myéloablatif), l’importante morbidité et mortalité relatives à permis d’importants progrès dans le traitement des hémopa- la greffe demeurent un facteur limitant. thies principalement malignes et apparaît souvent indispen- On distingue deux grands types de greffe de CSH qui sable pour envisager une véritable guérison. Ses indications diffèrent par leur principe et par la nature de leurs complica- se sont étendues à la plupart des pathologies hématologiques tions : ainsi qu’à certaines tumeurs solides. • l’autogreffe consiste en une intensification thérapeutique * Auteur correspondant. suivi d’un support de CSH autologues issues de la moelle Adresse e-mail : i-yakoub-agha@chru-lille.fr (I. Yakoub-Agha). osseuse ou du sang périphérique. L’apport du greffon, 1624-0693/$ - see front matter © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2004.06.005
400 R. Guièze et al. / Réanimation 13 (2004) 399–406 Tableau 1 Chronologie des complications hépatiques survenant au cours des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques prélevé le plus souvent en situation de maladie résiduelle plusieurs pathologies se manifester simultanément, infection faible, permet de réduire la période d’aplasie. Cette greffe virale et maladie du greffon contre l’hôte par exemple (Ta- est dépourvue d’effet thérapeutique immunologique. Par bleau 1). conséquent, les complications de l’autogreffe sont celles de la chimiothérapie intensive et/ou de l’irradiation corpo- relle totale (ICT) ; 2. Réalisation pratique d’une allogreffe de SCH • l’allogreffe consiste en un conditionnement suivi de la réinjection de CSH médullaires ou périphériques issues Le conditionnement standard ou myéloablatif a été conçu d’un donneur le plus souvent familial (fratrie) ou d’un à l’origine pour assurer une « vacuité » médullaire, un effet donneur volontaire non apparenté. Le principe de traite- immunosuppresseur antirejet, et le cas échéant une réduction ment antitumoral associe l’intensification thérapeutique tumorale. Il consiste généralement en l’association d’une ou liée au conditionnement à une immunothérapie adoptive plusieurs drogues cytotoxiques avec ou sans ICT. Les cyto- souvent appelée effet allogénique (GVL ou graft-vs- toxiques les plus souvent utilisés sont le cyclophosphamide leukemia des anglo-saxons). L’allogreffe à conditionne- (Endoxan®) à la dose de 120–200 mg/kg sur deux à quatre ment atténué permet d’éviter une partie des complications jours et le busulfan (Myleran®) à la dose de 12–16 mg/kg sur aiguës toxiques. L’effet allogénique est préservé et assure quatre jours. L’ICT est délivrée à la dose de 10–12 grays. Le à lui seul l’efficacité antitumorale. conditionnement atténué ou non myéloabaltif a pour but Les complications post-allogreffes de CSH sont fréquen- d’assurer uniquement un effet immunosuppresseur antirejet tes. Elles peuvent survenir dés le début du conditionnement entraînant, de ce fait, très peu de complications directes liées et sont d’étiologies très diverses : toxiques, immunologiques à la chimiothérapie. Les protocoles souvent utilisés font ou infectieuses. Des complications à plus long terme sont appel à la fludarabine (Fludara® ) à la dose de 25–30 mg/m2 également observées. La prise en charge en unité de réanima- par jour pendant trois à cinq jours associée soit au busulfan à tion de ces malades s’avère parfois indispensable. la dose de 4–8 mg/kg en deux à quatre jours soit à l’ICT Les complications hépatiques rencontrées à la suite d’une délivrée à la dose de 1 à 2 grays. Dans les deux types de allogreffe de CSH gardent une place particulière en raison de conditionnement le sérum antilymphocytaire peut être admi- la pauvreté des symptômes cliniques et de la quasi- nistré en même temps, notamment en cas d’incompatibilité impossibilité de confirmer un diagnostic sans le recours à la HLA (mismatch) entre donneur et receveur. biopsie hépatique chez un malade fragilisé présentant le plus La greffe proprement dite se fait, à j0, par perfusion souvent des troubles majeurs d’hémostase. De plus la grande intraveineuse lente des CSH allogéniques prélevées le jour diversité étiologique induit des orientations thérapeutiques même chez le donneur soit par ponctions de l’os iliaque soit parfois opposées. Enfin, il n’est pas rare de voir deux ou par cytaphérèse après mobilisation à l’aide de facteurs de
R. Guièze et al. / Réanimation 13 (2004) 399–406 401 croissance hématopoïétiques (G-CSF). Dans quelques cas le par la meilleure connaissance des facteurs prédisposant (trai- sang placentaire cryoconservé peut constituer la source de tements antérieurs, maladies sous-jacentes telle que les leu- CSH. cémies aiguës myéloïdes, hépatite C...) et la suppression de Une prévention de la maladie du greffon contre l’hôte certains médicaments potentiellement toxiques de l’arsenal (graft-vs-host disease, GVHD) est assurée par la thérapeutique. Il est à noter que le SOS est rare après allo- ciclosporine-A à la dose de 2–5 mg/kg par jour à partir de j1 greffes à conditionnement atténué [9]. associée au méthotrexate à la dose de 10–15 mg/m2 aux jours +1, +3, +6 et rarement +11. Ce dernier traitement peut être 3.3. Les médicaments impliqués remplacé par le mycophénolate mofetil (Cellcept®) ou la corticothérapie. Le médicament le plus impliqué est le cyclophosphamide La politique de prévention anti-infectieuse varie d’un cen- [5]. Son métabolisme est très variable selon les patients. Une tre à l’autre mais comprend généralement une décontamina- production en excès de métabolites toxiques (notamment tion intestinale, une prévention antifongique et une préven- l’acroléine) favoriserait le développement de SOS [10–13]. tion antivirale. La prévention contre le Pneumocystis carinii Certains auteurs incriminent également le busulfan qui pour- et la toxoplasmose est faite après la sortie d’aplasie. rait être impliqué en agissant sur le métabolisme du cyclo- phosphamide [14] auquel il est parfois associé. L’ICT est toxique en agissant en synergie avec le cyclophosphamide 3. La maladie veino-occlusive du foie [15]. ou syndrome d’obstruction sinusoïdale 3.4. Les symptômes 3.1. Les mécanismes de constitution Les symptômes débutent classiquement dans les deux Le terme classique de maladie veino-occlusive (MVO) a premières semaines après la réinjection mais peuvent être été initialement utilisé pour désigner un syndrome hépatique plus tardifs notamment en cas d’utilisation du busulfan [16]. correspondant à un aspect histologique de fibrose obturante, La triade clinique associe une hyperbilirubinémie, une réten- par un mécanisme non thrombotique des veinules hépatiques tion hydrosodée responsable d’une prise de poids rapide après ingestion de certains toxiques [1]. Il a par la suite été (supérieure à 5 %) et une hépatomégalie douloureuse. relié à un syndrome clinique associant hépatomégalie dou- D’autres symptômes peuvent être observés tels que l’ascite, loureuse, ictère et prise de poids survenant après un traite- l’inefficacité transfusionnelle des plaquettes et à un stade ment myéloablatif. Il est désormais remplacé par le terme de plus avancé une encéphalopathie [17]. Une élévation des syndrome d’obstruction sinusoïdale (SOS). En effet, l’at- transaminases est habituelle mais un taux très élevé serait de teinte initiale siège au niveau des sinusoïdes du foie plutôt mauvais pronostic. qu’au niveau des veinules hépatiques. Les cellules endothéliales des sinusoïdes, plus sensibles à 3.5. Les données radiologiques la toxicité des conditionnements que les hépatocytes, s’altè- rent avec une perte de leur fenêtrage. Des ouvertures appa- Bien que les modifications morphologiques retrouvées raissent au sein de l’endothélium, entraînant une extravasa- par l’imagerie soient tardives et non spécifiques, l’échogra- tion des hématies vers l’espace de Disse. Les débris phie, le scanner et l’imagerie par résonance magnétique cellulaires sont responsables de l’obstruction de la lumière permettent d’éliminer certains diagnostics différentiels et des sinusoïdes [2]. Des mécanismes biochimiques de déplé- confirment l’hépatomégalie, l’ascite, voire une splénoméga- tion en glutathion au niveau des cellules endothéliales des lie, signes indirects du SOS. sinusoïdes semblent également impliqués [3]. Le mécanisme L’échographie couplée au doppler des vaisseaux hépati- thrombotique jadis évoqué ne serait alors qu’un épiphéno- ques peut en outre retrouver certains arguments en faveur mène et l’atteinte parenchymateuse serait probablement liée d’un SOS : épaississement de la paroi de la vésicule biliaire, à l’hypertension portale elle-même secondaire à l’obstruc- visualisation de la veine paraombilicale, augmentation du tion des espaces sinusoïdes. diamètre de la veine porte, thrombose porte, ralentissement ou inversion du flux portal, indice de congestion augmenté et 3.2. L’incidence augmentation de l’indice de résistance au flux artériel hépa- tique [18–20]. L’incidence du SOS, de l’ordre de 15 % au cours des allogreffes à conditionnement standard, varie toutefois de 0 à 3.6. La biopsie hépatique 50 % selon les séries [4–8]. Cette variation s’explique par la difficulté diagnostique induite par la non-spécificité des La biopsie hépatique, seul outil diagnostique de certitude, symptômes cliniques et par l’hétérogénéité des moyens dia- peut être réalisée par voie transcutanée ou laparoscopique. gnostiques utilisés dans chaque étude. La fréquence du SOS En cas de troubles de l’hémostase la voie transjugulaire doit serait actuellement en nette diminution en partie expliquée être préférée. Outre l’obtention d’une biopsie avec un moin-
402 R. Guièze et al. / Réanimation 13 (2004) 399–406 dre risque hémorragique, cette dernière technique permet en Les défaillances viscérales associées peuvent nécessiter l’hé- effet une mesure de la pression veineuse des veines sus- modialyse et la ventilation assistée [5]. hépatiques (fortement spécifique d’un SOS si elle est supé- rieure à 10 mmHg) [21,22]. Les premières modifications 3.10. Le traitement spécifique histologiques surviennent six à huit jours après le début du conditionnement. L’importance des lésions des cellules sinu- Les traitements spécifiques sont à ce jour incomplètement soïdales et des hépatocytes périveinulaires est un facteur satisfaisants et se classent en deux catégories : pronostique. L’obstruction capillaire et l’élévation de la pres- • le traitement thrombolytique : l’association d’héparine à sion sinusoïdale, l’ischémie et la fragmentation des cordons dose isocoagulante et d’activateur tissulaire du plasmino- d’hépatocytes sont à l’origine d’un détachement de blocs gène permet la réduction de moitié du taux de bilirubiné- d’hépatocytes qui peuvent soit refluer dans le système porte mie en dix jours dans 30 % des cas mais avec un risque soit emboliser des veines centrales. Deux semaines après le hémorragique non négligeable [23] ; début des symptômes, des dépôts de matrice extracellulaire • le défibrotide est un polydésoxyribonucléotide simple s’observent dans les sinusoïdes et les espaces sous- brin avec des propriétés anti-ischémique, antithromboti- endothéliaux. Dans les stades plus tardifs au-delà de 50 jours, que et thrombolytique. Une résolution complète des une collagénisation extensive des sinusoïdes et des veinules symptômes a été observée dans 30–60 % des SOS modé- apparaît. rés ou sévères avec une toxicité jugée acceptable [24]. • La prise en charge de SOS gravissimes varie selon les 3.7. L’évolution auteurs entre des mesures purement palliatives jusqu’à la greffe hépatique. Un shunt portosystémique transjugu- Dans la majorité des cas les symptômes régressent en laire intrahépatique a également été proposé dans des deux à trois semaines sous traitement symptomatique. rares cas. Ailleurs, l’évolution peut se faire vers une défaillance multi- viscérale. Les atteintes les plus fréquentes sont rénale (syn- 4. Toxicité hépatique iatrogène drome hépatorénal) et pulmonaire (maladie veino-oclusive pulmonaire, pneumopathie interstitielle et hémorragie). Il Une perturbation du bilan hépatique peut être due à une peut également survenir des hémorragies digestives et une hépatotoxicité directe de certains traitements utilisés dans le insuffisance cardiaque. Il n’existe pas de classification pro- contexte de la greffe de CSH. Les médicaments incriminés nostique réellement utile en pratique. Il est très difficile a sont principalement : priori de prévoir l’évolution de la maladie. Toutefois, le taux • le méthotrexate qui peut être responsable d’un élévation de bilirubine, l’importance de la prise de poids et le degré transitoire des transaminases ; d’inefficacité transfusionnelle en plaquettes semblent être les • certains immunosuppresseurs en situation de surdosage principaux facteurs pronostiques. La mortalité globale varie (tacrolimus, ciclosporine) qui peuvent entraîner des pa- entre 20 et 50 % selon les séries et selon la gravité de la thologies biliaires et pancréatiques ; maladie [5]. • les corticoïdes qui sont responsables de stéatose hépati- que, 3.8. Le traitement prophylactique • les sulfamides qui sont associés à des hépatites cholésta- tiques ; Il n’y a pas d’attitude consensuelle concernant un traite- • les traitements anti-infectieux ; ment prophylactique. La prévention du SOS passe par une • la nutrition parentérale ; meilleure sélection des patients à risque et par l’évitement • les facteurs de croissance. des drogues réputées toxiques. L’héparine à dose isocoagu- Cependant ces toxicités restent rares et ne dispensent pas lante en IV continue permettrait de réduire l’incidence des de la recherche d’autres causes. L’alimentation parentérale SOS non sévères. D’autres médicaments auraient un intérêt est classiquement impliquée dans une élévation modérée de potentiel tels que l’acide ursodésoxycholique per os et la la bilirubine et des transaminases. Elle entraîne par ailleurs prostaglandine E1 en IV continue dont la toxicité (éruption des lésions de stéatose et de choléstase et peut être responsa- cutanée, douleur des extrémités, rétention hydrosodée et hy- ble d’un sludge ou de lithiase vésiculaire. L’arrêt de l’ali- potension) est suffisamment importante pour ne pas être mentation, la diminution de l’apport lipidique ou le rempla- recommandée de façon systématique. cement par une alimentation entérale s’avèrent parfois nécessaires. 3.9. Le traitement symptomatique La prise en charge des symptômes de rétention hydroso- 5. Infections bactériennes dée et de l’ascite s’effectue par les diurétiques et le régime désodé strict. Les ponctions d’ascite peuvent soulager le La choléstase liée à un sepsis n’est pas rare dans les patient notamment sur le plan ventilatoire souvent précaire. semaines suivant la greffe. Ce trouble correspond à la consé-
R. Guièze et al. / Réanimation 13 (2004) 399–406 403 quence hépatique, d’endotoxines bactériennes, directement au niveau de l’ampoule de Vater. En général, l’antigénémie ou via des cytokines [25]. Le diagnostic doit être évoqué en CMV est positive. La PCR sur matériel biopsique est peu cas d’élévation modérée de la bilirubine chez un patient contributive en raison de la dissémination de l’infection. fébrile. Les lésions histologiques sont habituellement mini- Seule la biopsie hépatique avec FISH peut confirmer le mes mais dans les cas de sepsis prolongés on retrouve une diagnostic. La prise en charge thérapeutique étant celle de dilatation et une stase des canalicules biliaires. Cette entité l’infection disséminée, par gancyclovir. En cas de résistance, est souvent concomitante d’une maladie de greffon contre le foscarnet est indiqué. l’hôte. Un traitement antibiotique adapté permet souvent l’amélioration de la choléstase liée au sepsis. 6.4. Human herpes virus HHV6 ou HHV8 La réactivation virale dans les six semaines après la greffe 6. Infections virales entraîne un tableau associant fièvre, rash, hépatite voire même encéphalite ou pneumopathie [31,32]. La prophylaxie 6.1. Herpes simplex virus (HSV) par acyclovir est inefficace. Le gancyclovir et le foscarnet ont été utilisés avec succès dans quelques cas. L’incidence des hépatites à HSV est faible en raison d’une prophylaxie primaire par acyclovir chez les patients greffés; 6.5. Adénovirus cependant des cas d’hépatites fulminantes à HSV2 sont dé- crits même sous prophylaxie [26]. L’hépatite à HSV se Les infections à adénovirus sont particulièrement graves manifeste par un syndrome fébrile et des douleurs abdomi- et sont responsables de pneumopathie interstitielle, d’entéro- nales associées à des lésions herpétiques cutanéomuqueuses colite hémorragique, de myocardite, de cystite hémorragi- qui peuvent cependant manquer [27]. L’élévation rapide des que, d’atteintes rénales, de méningoencéphalites et d’hépa- transaminases s’associe progressivement à un ictère et à des tite fulminante. La nécrose hépatocellulaire entraîne une troubles de la coagulation. L’imagerie hépatique montre des augmentation rapide des transaminases suivie par des trou- abcès non spécifiques et la biopsie hépatique retrouve des bles de la coagulation et une encéphalopathie. L’évolution foyers de nécrose parenchymateuse entourés d’hépatocytes peut être rapidement fatale. La biopsie hépatique réalisée de contenant des inclusions nucléaires légèrement basophiles. façon précoce et lue par un anatomopathologiste averti, de- Le diagnostic de certitude fera appel à l’immunohistochimie vrait permettre un diagnostic de certitude. L’immunohisto- et l’étude par hybridation in situ (FISH) [28]. Un traitement chimie et la culture virale sont essentielles pour l’identifica- rapide par acyclovir à fortes doses doit être entrepris avant tion du virus. En l’absence de biopsie, la recherche du virus d’avoir le résultat de la biopsie. En l’absence de traitement doit être pratiquée sur plusieurs sites avant de confirmer le l’évolution est fatale. diagnostic : PCR sur prélèvement de sang total, culture et examen direct sur prélèvement de gorge, selles et urines. La 6.2. Virus du zona et de la varicelle (VZV) prise en charge thérapeutique nécessite le recours au cidofo- vir, dont la toxicité rénale peut être réduite par le probénécid. Les infections à VZV sont fréquentes et peuvent survenir La ribavirine peut également être utilisée mais d’efficacité dans les 18 mois suivant la greffe notamment en cas de moindre notamment en cas d’insuffisance hépatocellulaire. prolongation du traitement immunosuppresseur en raison d’une maladie du greffon contre l’hôte chronique. L’atteinte 6.6. Virus de l’hépatite B peut correspondre à une hépatite sévère isolée ou associée à une extension polyviscérale [29,30]. La biopsie hépatique L’hépatite B peut survenir soit par réactivation d’une révèle une nécrose hépatocellulaire avec des cellules géantes infection latente ou active avant greffe soit par infection de multinucléées comportant des inclusions nucléaires ; l’im- novo acquise en postgreffe ou transmise par le donneur. La munohistochimie et le FISH confirment le diagnostic. La pratique de sérologies systématiques avant la greffe chez le recherche du génome viral par PCR (polymerase chain reac- donneur et chez le receveur, la surveillance étroite des sujets tion) sur sang ou sur biopsie hépatique permet un diagnostic à risque voire l’instauration d’un traitement prophylactique rapide. Le traitement par acyclovir à fortes doses jusqu’à par lamivudine [33], rendent exceptionnelle la survenue résolution clinique doit débuter rapidement avant même la d’une hépatite B non anticipée. En période postgreffe immé- confirmation diagnostique. diate, chez les patients très immunodéprimés la réplication virale peut être très importante sans cytolyse majeure réali- 6.3. Cytomégalovirus (CMV) sant un tableau de grande réplication virale intracellulaire dite hépatite choléstatique fibrosante, responsable de graves L’hépatite à CMV n’est pratiquement jamais isolée et dysfonctions hépatiques. Une exacerbation de la cytolyse est s’inscrit dans le contexte d’une infection disséminée. Le observée lors de la reconstitution immune et la diminution tableau clinicobiologique est peu informatif. Par ailleurs, une des immunosuppresseurs. La réalisation d’une biopsie hépa- entérite à CMV peut se compliquer d’une obstruction biliaire tique est alors quasi-obligatoire.
404 R. Guièze et al. / Réanimation 13 (2004) 399–406 Tableau 2 Classification clinique de la maladie du greffon contre l’hôte (GVHD) présentant les stades de gravité par organe (A) et les grades cliniques (B) A: Stade Peau Foie + Rash maculopapuleux < 25 % de la surface corporelle Bilirubine 17 à 50 µmol/L Diarrhée > 500 ml/24 heures ++ Rash maculopapuleux < 50 % de la surface corporelle Bilirubine 50 à 100 µmol/L Diarrhée > 1000 ml/24 heures +++ Érythrodermie généralisée Bilirubine 100 à 250 µmol/L Diarrhée > 1500 ml/24 heures ++++ Bulles et desquamation Bilirubine > 250 µmol/L Douleurs abdominales avec ou sans iléus B: Grade Atteinte cutanée Atteinte hépatique Atteinte digestive État général I + à ++ 0 0 0 II + à +++ + et/ou + Atteinte discrète III ++ à +++ ++ à ++++ et/ou ++ à +++ Atteinte marquée IV Atteinte organique grave (++ à ++++) avec retentissement sévère sur l’état général Atteinte sévère 6.7. Virus de l’hépatite C dence de cette pathologie est difficile à établir car elle est souvent imbriquée à d’autres étiologies (infectieuses ou toxi- L’infection peut consister en une progression d’une hépa- ques) mais semble survenir dans près d’un cas sur deux. On tite antérieure à la greffe ou d’une infection acquise après la distingue deux types de GVHD, aiguë survenant avant le greffe, transmise possiblement par le greffon ou les multiples j100 et chronique survenant au-delà de cette date. Avec transfusions. Une augmentation de la cytolyse peut s’obser- l’utilisation de conditionnement atténué cette limite est sou- ver entre les jours j60 et j120. Là encore la distinction entre vent moins nette. La forme chronique succède souvent à la une poussée d’hépatite ou de GVH hépatique est très difficile forme aiguë mais peut se présenter de novo dans 20 à 30 % à faire. L’intérêt des traitements antiviraux reste à définir. des cas. Dans la GVHD chronique, l’atteinte hépatique est souvent présente et s’inscrit dans une maladie extensive 6.8. Les échovirus, parvovirus et le virus de l’hépatite G pluriviscérale. Les échovirus, parvovirus et le virus de l’hépatite G sont rarement responsables d’hépatites postgreffes. 8.1. La GVHD aiguë hépatique Elle débute classiquement à la prise de greffe vers j15 et 7. Les infections fongiques est souvent associée à une atteinte cutanée et ou digestive. Les candidoses constituent la cause la plus fréquente d’in- Elle se manifeste sur le plan biologique par une hyperbiliru- fections fongiques hépatiques. Néanmoins, depuis l’utilisa- binémie associée à une augmentation des phosphatases alca- tion d’une prophylaxie par fluconazole, l’incidence de cette lines et une cytolyse hépatique. Il n’y a généralement pas de affection est fortement réduite. La prévalence étudiée sur des signes francs d’insuffisance hépatocellulaire. autopsies a permis de retrouver 14 % d’infections chez les La biopsie hépatique n’apparaît pas nécessaire en pré- patients sans prophylaxie contre 0 % chez les patients avec sence de documentation clinique évidente ou histologique une prophylaxie [34]. Des infections à Candida krusei et extrahépatique. Dans les cas où il existe d’autres causes Torulopsis glabrata sont cependant décrites. Le tableau cli- possibles de perturbations du bilan hépatique cette dernière nicobiologique associe une fièvre, notamment persistante retrouve une infiltration lymphocytaire des canaux biliaires sous antibiothérapie ou récidivante à la sortie d’aplasie, une avec un pléiomorphisme nucléaire et une marginalisation des hépatomégalie sensible, une splénomégalie et une augmen- cellules épithéliales. L’infiltrat inflammatoire peut être mo- tation des phosphatases alcalines et de la bilirubinémie. déré dans le cas de ces patients pancytopéniques et sous L’imagerie hépatique retrouve des nodules et parfois une traitements immunosuppresseurs [21]. miliaire. Le traitement consiste en une antifongithérapie de La sévérité de la GVHD aiguë peut être classée en fonc- type amphtéricine-B, caspofungine ou voriconazole seule ou tion du nombre d’organes atteints et du degré d’atteinte de en association. La reconstitution d’une granulopoïése effi- chaque organe (Tableau 2). cace est un facteur primordial dans la guérison. L’asper- La prise en charge thérapeutique rapide consiste en l’ins- gillose hépatique est très rare et s’associe la plupart du temps tauration ou la majoration d’un traitement immunosuppres- avec une atteinte extrahépatique. seur, le plus souvent une corticothérapie à la posologie de 2 mg/kg par jour. D’autres immunosuppresseurs peuvent être 8. La maladie du greffon contre l’hôte (GVHD) indiqués seul ou en association (sérum antilymphocytaire, hépatique mycophénolate–mofétil...). L’attitude thérapeutique doit être adaptée à chaque patient et décidée de façon collégiale. Il s’agit d’une étiologie fréquente de perturbation du bilan Malgré le traitement l’atteinte hépatique au cours d’une hépatique dans le contexte de l’allogreffe de CSH. L’inci- GVHD aiguë reste de mauvais pronostic.
R. Guièze et al. / Réanimation 13 (2004) 399–406 405 8.2. La GVHD hépatique chronique suites de greffes d’organes ou de cellules souches hémato- poïétiques ou après un traitement par 6-thioguanine ou chi- Les signes de cholestase sont plus importants que dans la miothérapie intensive. Elle serait secondaire aux lésions vas- GVHD aiguë. La présentation peut également être celle culaires intrahépatiques. Contrairement au SOS (cf. supra), d’une hépatite cytolytique subaiguë lors l’interruption du la maladie se déclare en principe après j100 même si l’at- traitement immunosuppresseur. Dans ce dernier contexte no- teinte histologique semble précéder et être plus fréquente que tamment il convient de réaliser une biopsie hépatique afin l’atteinte clinique. L’imagerie a peu d’intérêt mais retrouve d’éliminer une éventuelle infection virale. Il est rare qu’une parfois de multiples lésions de petite taille. La biopsie montre GVH hépatique chronique soit à l’origine d’un transfert du des nodules de régénération hépatocellulaire sur une trame malade dans une unité de soins intensifs. Le traitement fait réticulinique sans fibrose significative. Un traitement de dé- souvent appel aux immunosuppresseurs au long cours. compression portale peut quelquefois s’avérer nécessaire. 10.2. Le syndrome de coma–hyperammoniémie 9. Causes malignes idiopathique 9.1. Prolifération lymphoïde liée à l’EBV (Ebstein Barr L’association d’un coma et d’une hyperammoniémie, virus) sans dysfonction hépatique en rapport, est décrite chez les L’incidence de cette complication est de l’ordre de 1 %. patients recevant de fortes doses de chimiothérapie. Le taux Toutefois, ce pourcentage peut aller jusqu’au 25 % en cas de d’ammoniémie excède 200 µmol/L sans perturbation du bi- greffe en situation de mismatch HLA, déplétion lymphocy- lan hépatique. Ce syndrome est rare mais corrélé à une forte taire T du greffon ou après l’emploi du sérum antilymphocy- mortalité [37]. Un traitement précoce permet d’éviter une taire. La réplication EBV peut entraîner dans ce contexte une issue fatale. La diminution des apports exogènes en azote, le prolifération lymphoïde tumorale. Cette pathologie survient contrôle des saignements digestifs et la diminution de l’am- habituellement dans la première année suivant la greffe avec moniémie par hémodialyse ou des traitements chélateurs un pic d’incidence entre deux et trois mois. Fièvre, anorexie, sont les principales mesures à prendre. douleurs abdominales et adénopathies disséminées sont les principaux symptômes cliniques. L’évolution est rapide avec 11. La surcharge martiale atteinte multiviscérale et décès en quelques jours en l’ab- sence de traitement. L’atteinte hépatique existe dans 50 % La surcharge martiale est principalement secondaire aux des cas et se manifeste par une importante hépatosplénomé- polytransfusions. Elle est responsable d’une hémosidérose galie associée à une augmentation des phosphatases alcali- hépatique et semble toucher près de 90 % des survivants à nes. D’autres anomalies biologiques peuvent être constatées long terme. Les conséquences de cette pathologie ne sont pas notamment une élévation des LDH, hypergammaglobuliné- clairement établies mais elle est susceptible d’évoluer vers mie poly- puis oligoclonale et bien entendu une charge virale une cirrhose et un hépatocarcinome dans un second temps. EBV très importante par PCR quantitative. Le diagnostic Les saignées et les traitements chélateurs constituent les définitif est histologique. Le traitement est très difficile et principales armes thérapeutiques. doit être entrepris le plus rapidement possible. L’efficacité des antiviraux et de la chimiothérapie antitumorale est très limitée voire absente. Seuls deux traitements sont à l’heure 12. Conclusion actuelle efficaces : la réinjection des lymphocytes du donneur et l’immunothérapie par anticorps anti-CD20 (rituximab) Les complications propres à la greffe constituent la pre- [35,36]. La réinjection prophylactique des lymphocytes cy- mière cause de mortalité des patients ayant subi une allo- totoxiques spécifiques (CTL) anti-EBV est à l’étude. greffe de cellules souches hématopoiétiques. Les pathologies hépatiques occupent une part importante de ces complica- 9.2. La récidive tumorale tions. Une meilleure reconnaissance et une meilleure prise en En fonction de la pathologie sous-jacente ayant justifié la charge de celles-ci restent un objectif important. greffe, essentiellement les lymphomes où l’éventualité d’une récidive tumorale est possible y compris en phase précoce. Références 10. Causes rares [1] Bras G, Jelliffe DB, Stuart KL. 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