CONCOURS BLANC - PEI TERMINALE CORRIGÉ - Épreuve de Questions Contemporaines Durée : 3 heures - Corrigé sujet

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CONCOURS BLANC - PEI TERMINALE
           CORRIGÉ

     Épreuve de Questions Contemporaines

                  Durée : 3 heures

Vous traiterez, au choix, l’un des deux sujets proposés.

                       Sujet 1 :
         Secret, transparence et démocratie.

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Secret transparence et démocratie

Analyse du sujet :

Il s’agit contrairement à celui sur la révolution, d’un sujet plus difficile, au libellé plus inattendu pour
des élèves de terminale. La difficulté de ce type de sujet réside dans l’articulation entre les termes du
sujet qui doit être organisée à partir d’une problématique claire.

Dans un premier temps il est donc nécessaire de revenir sur les termes du sujet

Le secret nous l’avons vu dans le cadrage est avant tout un fait social. C’est le fait de priver
volontairement autrui de l’accès à une information qui pourrait, devrait, le concerner. Il y a toujours
deux côtés, asymétriques, dans un secret : celui de la personne ou de l’organisation qui se réserve
l’information, et celui de la personne qui est privée d’un accès à l’information. La notion de secret
renvoie donc à une inégalité, qui oblige à réfléchir à sa justification. Le terme reste cependant
univoque le secret étant aussi le gage de l’intimité et l’assurance de la nécessaire discrétion.

La notion de transparence est définie au sens propre comme la propriété qu’à un corps de laisser
passer les rayons lumineux, de laisser voir ce qui se trouve derrière. Au sens figuré la transparence
renvoie au droit à savoir et donc à l’accès public à l’information. Ce sujet implicite dans la pensée de
Rousseau « la transparence est la vertu des belles âmes » est aussi présent dans la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce n’est pourtant qu’à partir des années 2000 que la
transparence devient une notion de plus en plus employée en droit, particulièrement dans les
démocraties contemporaines. En témoignent par exemple récemment en France les lois du 11 octobre
2013 relative à la transparence de la vie publique, créant la Haute autorité pour la transparence de la
vie publique (HATVP), du 9 décembre 2016 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et
à la modernisation de la vie économique, ainsi que les lois organique et ordinaire du 15 septembre
2017 pour la confiance dans la vie publique, qui complètent les missions de la HATVP notamment. Le
terme reste lui aussi univoque, la transparence étant trop fréquemment associée à l’idée de vérité.

La notion de démocratie, enfin renvoie à un système politique qui peut connaître de nombreuses
variation (Cf. corrigé sujet 2) mais on peut identifier au moins deux éléments clés, l’un qui ne fait aucun
débat réel, celui de la souveraineté populaire : on est en démocratie si c’est le peuple, c’est à dire un
ensemble d’égaux en droits qu’on appelle des citoyens, qui décide de la conduite de la cité, de l’État.
Le deuxième élément, plus débattu, sera la référence à un certain nombre de principes moraux, de
valeurs, qu’on concrétise par des droits et libertés fortement protégés. Bien entendu, on ne peut pas
exclure les définitions plus abouties, mais à condition d’avoir ces deux éléments premiers : on pourra
parler d’un régime qui protège ces droits par des dispositifs comme la séparation des pouvoirs,
l’équilibre des pouvoirs et contre-pouvoirs.

La difficulté du sujet tient à l’articulation à faire pour les élèves entre les termes du sujet. Nous ne
sommes pas ici dans un plan dialectique ni même dans un sujet à proprement parler analytique, c’est
donc à l’élève d’examiner la nature des liens existants entre les trois termes du sujet et d’identifier des
sources de questionnements. Il faudra donc analyser, « tester » les tensions entre les termes du sujet.

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Proposition de plan détaillé

1 - La transparence est un gage de démocratie

1.1 En assimilant la transparence à la vérité, la démocratie condamne le secret considéré comme
    contraire à ses valeurs

      •   La vérité est considérée comme une vertu supérieure. Comme le rappelle J.D Bredin1 les
          grandes influences religieuses, morales, intellectuelles qui se sont exercées sur nous ont exalté
          la vérité. La tradition juive, la pensée grecque, le discours romain se sont nourris d’elle. Lae
          terme même de lumière, dans la civilisation des lumières fait référence à la transparence, à la
          raison, à la connaissance et s’oppose à ce qui relève du sombre de « l’obscurantisme » : des
          préjugés, des superstitions et in fine des mensonges. L’esprit révolutionnaire, exalte aussi à sa
          manière la vérité. Dans son discours du 8 thermidor – qui précéda de deux jours sa mise à mort
          –, Robespierre se confondait avec la vérité : « J’ai promis de laisser un testament redoutable
          aux oppresseurs du peuple… Je leur lègue la vérité terrible, et la mort ! » Et si l’esprit laïque
          s’est évidemment refusé à toute vérité dominatrice, il a porté aussi, quoique tout autrement,
          une recherche de vérité, de la vérité explorée par l’esprit critique, et même par le chemin du
          doute, l’obstinée recherche de ce qui peut être la vérité, ou l’absence de vérité, le refus des
          apparences, des préjugés, des vérités proclamées et imposées. La transparence par opposition
          au dissimulé, au secret est alors considérée comme le gage de la vérité et parant de la
          démocratie. Le secret étant assimilé à la manipulation et à l’oppression.

      •   Les élèves pourront ici revenir sur le secret comme mode de manipulation de l’opinion et
          d’exercice du pouvoir avec des références classiques mais utiles à Machiavel ou d’autres tirés
          de régimes totalitaires plus contemporain.

1.2 La transparence devient donc un impératif qui pèse sur les pouvoirs publics

      •   En faisant du mensonge l’ennemi de la démocratie, le droit français a progressivement érigé
          la vérité en vertu, qu’il s’agisse de la bonne foi qui préside à l’exécution des conventions, du
          serment que prête le témoin jurant de « dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité », le
          droit comme le discours politique exaltent la vérité et condamnent la dissimulation assimilée
          au mensonge qui est punit en droit.

      •   Le combat contemporain, conduit au nom de la transparence, trouve sans aucun doute des
          justifications démocratiques. La démocratie repose en effet sur l’accès à l’information et
          l’égalité entre les citoyens dans cet accès. Il a éclairé la vie publique et politique. Il a percé les
          mystères de la corruption et constitue indéniablement un garde-fou, face à la méfiance de
          citoyens toujours prompts à penser que de nombreuses informations restent cachées. De

1
    https://www.persee.fr/doc/mat_0769-3206_2000_num_58_1_404255

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nombreux exemples liés au contexte actuel de crise sanitaire et de l’information publique
        (vaccins, masques notamment peuvent être ici mobilisés).

    •   Il se traduit dans de nombreux textes juridiques qui à la fois obligent à la transparence et
        permettent l’accès aux informations : accès à son dossier administratif ou médical,
        transparence dans l’attribution de marchés publics, d’emplois publics. En témoignent par
        exemple récemment en France les lois du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie
        publique, créant la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), du 9
        décembre 2016 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation
        de la vie économique, ainsi que les lois organique et ordinaire du 15 septembre 2017 pour la
        confiance dans la vie publique, qui complètent les missions de la HATVP notamment.

2   La démocratie se doit préserver des secrets :

2.1 Le secret protège le citoyen

    •   La transparence, enfin, doit être conciliée avec le respect des secrets nécessaires à la
        protection des intérêts fondamentaux légitimes de l’État ou à la sérénité du processus de
        décision publique. Tel est le sens, par exemple, du secret des délibérations du Gouvernement,
        en tant qu’il protège en particulier l’élaboration des décisions gouvernementales, ou encore
        des secrets en matière de monnaie et de crédit, de sécurité et de défense nationales ou de
        relations internationales. Il faut se garder d’une vision trop univoque, irénique ou maléfique,
        de la puissance publique : celle-ci est au service de l’intérêt général et il est donc des secrets
        qui doivent être protégés dans l’intérêt non des décideurs publics, mais de la collectivité dans
        son ensemble. Tout l’enjeu – et la difficulté – sont à cet égard de délimiter de manière crédible
        les espaces de confidentialité, pour qu’ils ne couvrent pas des actes ou des pratiques
        inavouables et ne soient pas abusivement opposés à la représentation nationale, aux citoyens
        ou à la justice.

    •   Il existe de ce point de vue de nombreux domaines qui sont préservés par le secret : le cas du
        secret défense et de son importance développé dans le cadrage peut ici être repris. Il existe
        en effet un droit au secret, reconnu d’ailleurs en terme législatif puisque l’article 296 du traité
        de l’Union européenne admet que « aucun État membre n’est tenu de fournir des
        renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa
        sécurité ». Le secret est ici défini comme protecteur face aux menaces qui peuvent peser sur
        un État.

    •   L’actualité de la crise sanitaire rappelle aussi l’existence de tension entre le respect du droit
        au secret médical et l’impératif de protection de l’ensemble de la population. Avec les outils
        d’aujourd’hui, le secret médical voit de nouvelles questions se poser : d’un côté on peut être
        tentés par des outils d’une précision inédite, qui pourraient aider à lutter contre certaines
        maladies. D’un autre côté, ces outils reposent sur la violation potentiellement grave et
        systématique de la vie privée. L’équilibre entre vie privée, secret médical et santé publique est

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donc plus que jamais une question complexe. La question d’un passeport médical permettant
       à certains d’accéder à des biens ou services.

2.2 La démocratie repose aussi sur une vision de l’homme et de sa liberté.

   •   Comme on a pu parler de tyrannie de la majorité il convient d’être attentif à un risque de
       despotisme de la transparence. La transparence n’est pas nécessairement vertueuse, elle peut
       même s’opposer à la nécessaire intimité qui est contraire à la transparence. Le développement
       des technologies de la communication, du numérique rendent beaucoup plus difficiles le
       respect du secret et constituent une menace. L’expression de soi et le partage d’une forme
       d’intimité auparavant réservée à un cercle très restreint voire gardée secrète sont ainsi
       devenus des éléments clés du lien social chez nos contemporains.

   •   Au-delà des seuls droits des citoyens, la démocratie doit aussi assurer le respect de l’homme
       et de sa liberté. Celle-ci en effet doit, tant qu’elle ne nuit pas à autrui, être un principe
       fondamental qui doit guider l’action publique en démocratie. La transparence n’est pas,
       toujours vertueuse et peut être aussi inquisitoire. La publication sans le consentement de la
       personne de son image ou la citation de ses propos peut aller à l’encontre du respect de la vie
       privée. Les sociétés totalitaires reposent en effet sur le contrôle de la vie privée. De nombreux
       exemples peuvent ici être mobilisés tirés de la littérature (1984 bien sûr) du cinéma
       (Bienvenue à Gattaca), de l’histoire (régimes totalitaires) et les risques de social ranking déjà
       expérimentés en chine. (Cf série Black Mirror par exemple).

   •   Le numérique vient redéfinir la question du secret tant au niveau individuel que collectif. Les
       informations concernant les citoyens sont collectées par des opérateurs privés et publics sans
       que ces derniers aient livré explicitement leur consentement ni aient réellement conscience
       de l’usage qui en est fait. Cette ultra-transparence vient modifier également le processus de
       socialisation des individus, implicitement incités par les plateformes du numérique à livrer leur
       intimité sur les réseaux. Les mouvements de défense des libertés individuelles voient dans ces
       évolutions un danger à même de menacer la démocratie. Les technologies du numérique
       portent en elles la fin des secrets. Seuls les citoyens et à travers eux les pouvoirs publics sont
       en mesure de réguler leur utilisation pour garantir une liberté essentielle : le droit à la vie
       privée et au secret.

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