Les marchés de faune et le - COVID-19 - Humane Society International

 
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Les marchés
de faune et le
 COVID-19
                     AVRIL 2020

        H U M A N E S O C I E T Y I N T E R N AT I O N A L
              1 2 5 5 2 3 RD S T. N W S T E . 4 5 0
           WASHINGTON, D.C. 20037 USA

              C I TAT I O N R ECO M M A N D É E :

  Humane Society International. (2020). Wildlife
  Markets and COVID-19. Washington, D.C.

                   LES MARCHÉS DE FAUNE ET LE COVID-19
Résumé
    Ronald Orenstein, Ph.D., LL.B.                     L'émergence et la propagation mondiale de la pandémie de
    Ronald Orenstein est un zoologiste ca-    COVID-19 ont eu un effet considérable sur la santé humaine et l'éco-
    nadien, avocat, défenseur de la nature    nomie mondiale. Comprendre les raisons de l’apparition de cette
    dévoué et auteur de onze livres sur la
    science et la nature. Le Dr Orenstein     maladie devrait être une préoccupation majeure pour les gouverne-
    est consultant pour Humane Society        ments du monde entier. Identifier et adresser la source du COVID-19
    International (HSI), membre du conseil
    d'administration du Species Survival      peut s’avérer crucial pour prévenir une prochaine pandémie.
    Network (SSN) et membre des Grou-                  Le COVID-19 est causé par un virus, le SARS-CoV-2, proba-
    pes de spécialistes sur le commerce des
    oiseaux chanteurs d'Asie, des tortues     blement issu de chauves-souris. Il est cependant peu probable
    d'eau douce et des tortues terrestres     que les chauves-souris soient directement responsables de l'in-
    et des calaos de la Commission de Sau-
    vegarde des Espèces de l'UICN. Il est     fection humaine. Sa transmission vers l'homme, par le biais d'une
    inscrit en tant qu'observateur aux réu-   espèce hôte intermédiaire encore non identifiée, est liée à la vente
    nions de la Convention sur le commer-
    ce international des espèces menacées     d'animaux sauvages destinés à la consommation humaine sur un
    d'extinction (CITES) depuis plus de       marché de faune sauvage en Chine. Le SRAS-CoV, un coronavirus
    trente ans.
                                              très similaire responsable des épidémies du Syndrome respiratoire
                                              aigu sévère (SRAS) entre 2002 et 2004, ayant provoqué 774 décès
                                              humains, provenait également de chauves-souris et est connu pour
                                              avoir été transmis à l'homme par contact sur un autre marché d'ani-
                                              maux sauvages chinois par le biais d’une espèce hôte intermédiaire,
                                              la civette palmiste à masque (Paguma larvata). Si les marchés de
                                              faune sauvage, qui avaient été temporairement fermés après l'épidé-
                                              mie de SRAS, étaient restés clos, la pandémie de COVID-19 n'aurait
                                              peut-être jamais eu lieu.
                                                       Les maladies d'origine animale (zoonoses) représentent
                                              environ 73% de toutes les maladies infectieuses émergentes affec-
                                              tant les humains. Les marchés de faune sauvage du type lié au
                                              SRAS et au COVID-19, dans lesquels de nombreuses espèces d'ani-
                                              maux sauvages sont rassemblées dans des conditions insalubres et
                                              génératrices de stress, et où les animaux sont fréquemment abat-
                                              tus sur place, créent des circonstances idéales pour la propaga-
                                              tion des zoonoses. Celles-ci comprennent notamment des maladies
                                              causées par les coronavirus transmis à l'homme par le biais d'une
                                              large variété d'espèces hôtes intermédiaires. Le développement de
                                              marchés urbains de faune sauvage à grande échelle en Chine est un
                                              phénomène récent. Des marchés similaires apparaissent dans d'au-
                                              tres pays d'Asie orientale, et la vente de viande sauvage, comprenant
                                              des risques de maladie semblables, est répandue dans de nombreu-
                                              ses autres parties du monde.
                                                       La Chine a déjà rendu une décision interdisant la vente d'ani-
                                              maux sauvages destinés à la consommation humaine, bien que les
                                              termes de cette décision restent ambigus. Humane Society Interna-
                                              tional incite tous les pays disposant de marchés de faune sauvage (y

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compris ceux commercialisant des animaux          Introduction
sauvages vivants ou certaines de leurs parties
à des fins alimentaires, en tant qu’animaux                 L'émergence et la propagation
de compagnie ou à d'autres fins) à inter-         mondiale1 d'une nouvelle et dangereuse
dire définitivement ou à limiter fortement le     maladie respiratoire, le COVID-19, a eu un
commerce, le transport et la consommation         effet considérable sur la santé humaine2
d'animaux sauvages. Toute interdiction ou         et l'économie mondiale.3            Comprendre
limitation du commerce des espèces sauva-         comment cette maladie, désormais quali-
ges devrait, sur la base des preuves énumérées    fiée de pandémie par l'Organisation mondi-
dans ce Livre blanc, inclure la fermeture         ale de la santé, est apparue pour la première
permanente des marchés de faune sauvage,          fois devrait être une préoccupation majeure
en particulier ceux qui vendent des mammi-        pour les gouvernements du monde entier.
fères et des oiseaux sauvages (y compris ceux     Identifier et traiter la source du COVID-19
d'élevage, tels que les animaux à fourrure ou     n’est peut-être plus utile pour empêcher sa
les animaux élevés en captivité), car ceux-       propagation, mais peut s’avérer cruciale pour
-ci concentrent les principales sources des       prévenir la prochaine pandémie. A la lumière
coronavirus et d'autres agents pathogènes         des leçons que nous pouvons tirer de l'his-
transmissibles à l'homme. Cette interdiction      toire récente, si nous n'agissons pas, la ques-
devrait également s'appliquer à l'importa-        tion n’est pas de savoir si une autre pandémie
tion, à l'exportation et au transport intérieur   similaire émergera, mais quand.4
d'animaux sauvages vivants ou de viande                     La cause du COVID-19 est une infec-
provenant d'animaux sauvages destinés à la        tion par un coronavirus.5 L'émergence du vi-
vente sur les marchés de faune sauvage.           rus a été liée à la vente d'animaux sauvages
						                                            destinés à la consommation humaine sur un
Les interdictions sur les marchés de faune        marché de faune sauvage en Chine. Il ne s'agit
sauvage peuvent être prises immédiate-            pas d'une première pour ce genre de mala-
ment et devraient être adoptées par tous les      dies. Il y a dix-huit ans, en 2002, le Syndrome
gouvernements concernés dans le cadre de          respiratoire aigu sévère (SRAS) s'est répan-
leur stratégie visant à réduire la probabilité    du dans le monde. Le SRAS a également été
d'émergence de nouvelles maladies pandé-          causé par un coronavirus étroitement lié au
miques. Nous recommandons également               SARS-CoV-26 — apparu pour la première fois
que ces interdictions soient accompagnées         sur des marchés de faune sauvage en Chine.
d'un soutien, y compris technique et finan-       Il est possible que le COVID-19 ait émergé car
cier si nécessaire, à destination des commer-     les conclusions tirées du SRAS n'ont pas été
çants quittant les marchés, ainsi que de          prises en compte.
campagnes d'éducation du public adaptées à                  Si les mesures qui auraient dû être
chaque pays pour réduire la demande d'ani-        prises à l’échelle mondiale en 2002 ne sont
maux sauvages vendus à des fins alimentai-        pas prises dès maintenant, et si les marchés
res. Nous présentons des éléments probants        de faune sauvage du type de ceux qui ont
d'enquête qui montrent que les acheteurs          probablement été la source du SRAS et du
en Chine et ailleurs sont déjà susceptibles de    COVID-19 ne sont pas régulés (et, comme
répondre favorablement à de telles initiatives.   nous le soutenons ici, définitivement fermés)
                                                  par les gouvernements du monde, l'émer-

                                  LES MARCHÉS DE FAUNE ET LE COVID-19                               2
gence future d'une autre maladie fondée sur                       CoV-2 provenait presque certainement de
    un coronavirus est une certitude.                                 chauves-souris.13 Les questions concer-
                                                                      nant la source exacte du virus et la voie par
    L'émergence du COVID-19                                           laquelle il a été transmis à l'homme pour la
                                                                      première fois n'ont cependant pas été en-
             Le COVID-19 a été signalé pour la                        tièrement résolues.14 Le virus, ou une forme
    première fois, alors que quatre cas de pneu-                      de celui-ci, pourrait avoir circulé à travers la
    monie restaient inexpliqués, le 29 décembre                       population humaine avant que les premiers
    2019 dans la ville de Wuhan, province du Hu-                      cas aient été signalés. Certains patients, qui
    bei, en Chine.7 Au 31 décembre, le nombre                         avaient apparemment contracté la maladie
    de cas identifiés était passé à 27. La plupart                    début décembre15 n'avaient aucun lien con-
    des patients étaient des travailleurs d'étal                      nu avec le marché de Wuhan.16 L'infection
    sur le marché de gros de fruits de mer de                         humaine initiale pourrait s'être produite
    Huanan (sud de la Chine), dans lequel une                         ailleurs, en novembre ou même plus tôt.17
    section aurait vendu, en plus de fruits de mer                    Cependant, le marché a presque certaine-
    et d'autres produits, « des animaux tels que                      ment joué un rôle dans la transmission ul-
    des oiseaux (poulets, faisans), des chauves-                      térieure de la maladie, même si, comme
    souris, des hérissons, des marmottes, des                         cela a été suggéré18, elle pourrait avoir été
    grenouilles tigres et des serpents, ainsi que                     contractée pour la première fois par une
    des organes de lapins et d'autres animaux. »                      victime humaine par l'intermédiaire d'un an-
    8
       L'autorité municipale de Wuhan a fermé le                      imal porteur du virus à un autre endroit.19
    marché le 1er janvier 2020 et il n’a, à ce jour,                            Comme dans le cas du SRAS (voir
    pas été réouvert.                                                 la section suivante), le virus n'a peut-être
             Le 7 janvier 2020, le Centre chinois                     pas été transmis directement des chauves-
    pour le contrôle et la prévention des mal-                        souris aux humains. Fin décembre, la plupart
    adies (CDC Chine) a officiellement annon-                         des chauves-souris de la région de Wuhan
    cé que la cause de l'épidémie avait été at-                       auraient dû hiberner. Aucune chauve-souris
    tribuée à un nouveau coronavirus.9 Le 26                          n'était vendue à l'époque sur le marché de
    janvier, le CDC Chine a en outre annoncé10                        Wuhan (on ne sait pas si les chauves-souris
    qu'il avait isolé le nouveau virus (alors ap-                     y étaient vendues plus tôt dans l'année). Le
    pelé 2019-nCoV mais désormais renommé                             virus est étroitement lié aux coronavirus
    SARS-CoV-2) à partir de 33 des 585 échan-                         trouvés chez les chauves-souris (et en par-
    tillons environnementaux prélevés le 1er et                       ticulier à celui du Bat/Yunnan/RaTG13 CoV,
    le 12 janvier sur le marché de Wuhan. Trente                      un virus détecté dans la province de Yunnan,
    et un des 33 échantillons positifs ont été                        en Chine, chez la chauve-souris Rhinolophe
    prélevés à l'extrémité ouest du marché, où                        fer à cheval intermédiaire (Rhinolophus af-
    étaient concentrés les stands de vente d'an-                      finis)20). Cependant, ce virus ne leur est pas
    imaux sauvages.                                                   identique. Cela suggère que le SARS-CoV-2
             Malgré certains avis contraires11 (y                     est un nouveau virus qui est apparu lors d'un
    compris des théories du complot extrav-                           événement de recombinaison, c'est-à-dire
    agantes et discréditées12 suggérant que                           un échange de matériel génétique entre un
    le virus était une arme biologique), des                          virus de chauve-souris et un virus similaire
    études génétiques ont montré que le SARS-                         issu d'une autre espèce animale. Les événe-

3                                H U M A N E S O C I E T Y I N T E R N AT I O N A L
ments de recombinaison se produisent             sition commune pour la propagation du
fréquemment avec les coronavirus21, et le        COVID-19 aux humains.29 L'événement de
même processus s'est probablement pro-           recombinaison n'aurait vraisemblablement
duit au cours de l'évolution du SRAS.22 Le       pas pu avoir lieu si le coronavirus initial
virus recombinant a probablement atteint         de chauve-souris n’avait pas eu d’occasion
l'homme par transmission à partir de la          d’infecter les espèces intermédiaires, qu’il
deuxième espèce, qui a d'abord été infectée      s’agisse d’un pangolin ou d’une autre es-
par le coronavirus de chauve-souris et qui a     pèce. Sa meilleure occasion de recombinai-
ensuite servi de source intermédiaire pour       son se trouverait dans les conditions d'en-
infecter l'humain.23                             tassement et d'insalubrité, telles que celles
        Cette source intermédiaire n'a pas       du marché de Wuhan, qui prévalent là où les
été identifiée. Il a été suggéré qu'il s'agis-   animaux sauvages sont abattus et vendus.
sait peut-être d'un pangolin (Manis sp.),24      (Cela aurait pu se produire, que les chauves-
bien que les preuves scientifiques à ce sujet    souris aient été effectivement vendues ou
soient encore contestées.25 Les pangolins        qu'elles soient entrées seules sur le marché
sont les mammifères les plus trafiqués au        et y aient déféqué30). Même si le nouveau
monde et ont été introduits illégalement à       coronavirus recombinant est originaire d'ail-
plusieurs reprises en Chine où ils sont ap-      leurs, il a été amplifié et propagé au sein du
préciés pour leur chair et leur vertus mé-       marché de Wuhan.31 IIl était certainement
dicinales supposées. Des coronavirus liés        présent à l'extrémité ouest du marché, quel
au SARS-CoV-2 ont été identifiés parmi des       que soit le moyen par lequel il y est arrivé,
pangolins javanais (Manis javanica) intro-       au début de l'année 2020.
duits en contrebande et saisis dans le sud de
la Chine.26 Une étude27 des séquences d'ac-      Les conclusions tirées du SRAS
ides aminés des protéines S du coronavirus
(les protéines qui forment les pointes dis-              Nous avons encore beaucoup à ap-
tinctives en forme de couronne à la surface      prendre sur l'origine et la propagation du
du virus et qui sont apparemment essenti-        COVID-19. Cependant, la meilleure façon
elles pour la transmission entre les espèces)    de comprendre le risque qu'une pandémie
a montré que les protéines S du nouveau          similaire se reproduise pourrait être de con-
virus sont extrêmement similaires à celles       sidérer le cas du SRAS, bien mieux étudié
des coronavirus trouvés chez les pangolins.      et extrêmement similaire. Le SRAS, « la
Cependant, il n'est pas encore sûr que les       première pandémie majeure connue causée
pangolins soient des hôtes intermédiaires        par un coronavirus »32, a causé 774 décès33
du SARS-CoV-2 ou des porteurs naturels           et coûté à l'économie mondiale plus de 50
d'un coronavirus étroitement apparenté. Il       milliards de dollars en 2003 seulement.34
n'est pas non plus sûr que le coronavirus du     Comme l'a observé une étude du New En-
pangolin, quelle que soit son origine, puisse    gland Journal of Medicine, « Les parallèles
être transmissible à l'homme.28                  entre les deux virus du SRAS sont frap-
        Quelle que soit la voie précise de la    pants, notamment l'émergence à partir de
transmission, il ne fait aucun doute que le      chauves-souris venant infecter les animaux
marché de Wuhan a joué un rôle important,        vendus sur les marchés d'animaux vivants,
voire primordial, en tant que zone d'expo-       permettant un accès viral direct à des foules

                                LES MARCHÉS DE FAUNE ET LE COVID-19                               4
humaines, et augmentant ainsi de façon ex-                       et les transmettre à de nouveaux hôtes, y
    ponentielle les opportunités de commuta-                         compris humains, ce qui est d'une impor-
    tion d'hôte. »35                                                 tance cruciale du point de vue de la santé
             Comme le COVID-19, le SRAS a été                        publique. »39
    détecté pour la première fois chez un pa-                                 En réponse, les autorités chinoises
    tient souffrant d'une forme inhabituelle de                      ont imposé "une interdiction temporaire de
    pneumonie. Dans ce cas précis, il s'agissait                     la chasse, de la vente, du transport et de l'ex-
    d'un homme de 45 ans provenant de Fos-                           portation de tous les animaux sauvages dans
    han, province du Guangdong, en Chine,                            le sud de la Chine et ont également mis en
    ayant développé des symptômes le 16 no-                          quarantaine toutes les civettes élevées pour
    vembre 2002. Selon une étude datant de                           la consommation humaine dans de nom-
    200436 : « Une forte proportion (9/23, 39%)                      breuses fermes de civettes de la région"40
    des premiers cas travaillaient au contact de                     TLe gouvernement chinois aurait confisqué
    la nourriture… Sur les neuf premiers cas des                     838 500 animaux sauvages sur les marchés
    travailleurs manipulant de la nourriture, sept                   du Guangdong.41 L'interdiction a toutefois
    étaient des cuisiniers travaillant dans des                      été levée en août 2003, pour être suivie par
    restaurants du canton (où plusieurs espèces                      une nouvelle flambée de SRAS en décem-
    d'animaux étaient abattus sur les lieux), l'un                   bre 2003 et en janvier 2004. En réponse, les
    était un acheteur de produits de marché                          autorités provinciales du Guangdong ont à
    pour un restaurant et l'autre un vendeur de                      nouveau fermé les marchés42 (mais encore
    serpents sur un marché de produits (où une                       une fois temporairement) et ont mené un
    variété d'animaux vivants étaient proposés à                     abattage de civettes palmistes ainsi que d’au-
    la vente). »                                                     tres animaux de ferme et d’animaux destinés
             On a réalisé très tôt37 que le SRAS                     au marché.43 Cependant, les chercheurs
    était causé par un nouveau coronavirus,                          n'ont pas réussi par la suite à détecter le
    plus tard nommé SARS-CoV. Il a fallu plus                        coronavirus dans les populations de civettes
    de temps pour déterminer que le virus était                      sauvages ou d'élevage.44 Cet échec suggère
    d'origine animale38, presque certainement                        que les civettes, comme les pangolins45 im-
    propagé par le biais d’un marché d'animaux                       pliqués dans la propagation du COVID-19,
    vivants. Une équipe de chercheurs prélevant                      n'étaient que des hôtes intermédiaires du
    des échantillons sur un marché d'animaux                         virus et avaient probablement été infectées
    vivants à Shenzhen en avril / mai 2003 a isolé                   soit durant le transport, soit après leur mise
    des virus similaires au SRAS-COV provenant                       sur le marché. Comme mentionné ci-des-
    de six civettes palmistes à masque (Pagu-                        sus, le virus de la civette est probablement
    ma larvata), d'un chien viverrin (Nyctereu-                      issu d'une recombinaison, un événement qui
    tes procyonoides) et d'un blaireau-furet de                      peut s'être produit en 199546 ou plus tard.47
    Chine (Melogale moschata). Sur le marché,                        Les chercheurs qui ont identifié le virus chez
    on a découvert que cinq marchands de                             les civettes du marché animalier de Xinyu-
    civettes sur dix possédaient des anticorps                       an dans le Guangdong ont remarqué « Il
    contre le virus. Les chercheurs ont con-                         semble que les civettes palmistes soient ex-
    clu que « les marchés fournissent un lieu                        trêmement sensibles au SRAS-CoV et que le
    propice pour amplifier les virus animaux de                      marché animalier de Xinyuan était probable-
    type SCoV [c.-à-d. virus de type SRAS-CoV]                       ment la source d'infection, où le virus a été

5                               H U M A N E S O C I E T Y I N T E R N AT I O N A L
amplifié, a circulé, a été excrété par les voi-     ment, que « le risque de contagion humaine
es respiratoires et intestinales des civettes       et d'émergence d'une maladie similaire au
palmistes, puis a été disséminé pour provo-         SRAS est possible ».51
quer des maladies sporadiques chez l'hom-                    Ce n'était en aucun cas le premier
me », et ont conclu que : « lorsqu’un virus         avertissement qu'une nouvelle maladie à
comme le SRAS-CoV arrive sur un marché              coronavirus pouvait émerger à tout mo-
d'animaux, la majorité des civettes palm-           ment. Cependant, bien que les fermetures
istes, sinon la totalité, sera infectée et le vi-   de marchés « aient effectivement mis fin »52
rus évoluera rapidement chez les animaux            tà l'épidémie de SRAS, le commerce a refait
pour provoquer des maladies. »48                    surface et les animaux connus pour être por-
         TLa chasse au porteur initial (l'es-       teurs de coronavirus, tels que les civettes,
pèce réservoir) s'est ensuite étendue à la          ont continué à être élevés et vendus sur
nature, où un virus lié au SRAS-CoV a été           les marchés de faune sauvage.53 Au cours
découvert chez des chauve-souris rousses            des années qui se sont écoulées depuis la
chinoises en fer à cheval (Rhinolophus sini-        première épidémie de SRAS, de nombreus-
cus) à Hong Kong.49 Depuis lors, d'autres           es équipes de chercheurs ont averti que le
preuves50 ont confirmé que les chauves-             contrôle ou l'arrêt de la vente d'animaux sau-
souris, et en particulier les chauves-souris        vages sur les marchés surpeuplés était es-
en fer à cheval (Rhinolophidae), étaient            sentiel pour prévenir une autre épidémie de
les hôtes d'origine du SRAS-CoV. L’acide            type SRAS. Les auteurs d'une étude datant
aminé le plus proche des virus humains et           de 200754 sur le SRAS ont conclu que « La
de civettes a été trouvé chez le Grand rhi-         présence d'un grand réservoir de virus de
nolophe fer à cheval (R. ferrumequinum).            type SRAS-CoV chez les chauves-souris en
Une étude de cinq ans sur plusieurs espèces         fer à cheval, ainsi que la culture consistant
de chauves-souris en fer à cheval installées        à manger des mammifères exotiques dans
dans une seule grotte de la province de Yun-        le sud de la Chine, constituent une bombe
nan, en Chine, a permis d’identifier tous les       à retardement. La possibilité d'une réappa-
éléments constitutifs du virus du SRAS dans         rition du SRAS et d'autres nouveaux virus
des écouvillons anaux et à l’aide d’échan-          provenant d'animaux ou de laboratoires et,
tillons de matières fécales prélevés sur les        par conséquent, la nécessité d'être préparé
chauves-souris dans la grotte. L'étude, pub-        ne doivent pas être ignorés. »
liée en 2017, a conclu que « bien que nous                   Aujourd'hui, alors que COVID-19
ne puissions pas exclure la possibilité que         continue de se propager dans le monde,
des pools de gènes similaires de SRAS-CoV           les conséquences de l'ignorance face à ces
[coronavirus liés au SRAS] existent ailleurs,       avertissements sont devenues évidentes.
nous avons fourni suffisamment de preuves
pour conclure que le SRAS-CoV provenait             Les chauves-souris et les mala-
très probablement de chauves-souris en fer          dies associées
à cheval via des événements de recombinai-
son parmi les SRAS-CoV existants. » Obser-                  L'ampleur du problème soulevé
vant que d'autres formes de virus circulaient       par le COVID-19 va bien au-delà du cas de
également parmi les chauves-souris de la ré-        quelques marchés de faune sauvage dans
gion, les auteurs ont prévenu, prophétique-         un pays.55 Le SRAS et le COVID-19 ne sont

                                  LES MARCHÉS DE FAUNE ET LE COVID-19                                6
que deux exemples de zoonoses56 — des                            fécales des chauves-souris (excrementum
    maladies qui ont été transmises à l'hom-                         vespertilionis 夜明砂) sont utilisées en mé-
    me à partir d'autres espèces animales. Il a                      decine traditionnelle chinoise… Les popu-
    été estimé57 que les zoonoses représentent                       lations chinoises et manadonaises de Mal-
    58% de tous les agents pathogènes humains                        aisie et d'Indonésie considèrent la viande de
    connus et 73% de toutes les maladies infec-                      chauve-souris [comme] une spécialité gas-
    tieuses émergentes affectant les humains, y                      tronomique. De nombreux Chinois croient
    compris des maladies graves comme le VIH/                        également que la consommation de vian-
    sida et la fièvre hémorragique Ebola.58 Une                      de de chauve-souris peut soigner l'asthme,
    enquête de 2008 a noté que « les agents                          les maladies rénales et le mal-être général.
    pathogènes associés à la faune sauvage                           »63 Une enquête mondiale sur la viande de
    commercialisée illégalement comprennent                          brousse de chauves-souris a indiqué, en ce
    toute la gamme des origines taxonomiques,                        qui concerne la consommation de chauves-
    affectent la plupart des taxons de vertébrés                     souris en Chine, que « dans certaines ré-
    et peuvent franchir les barrières des es-                        gions, les chauves-souris sont rarement
    pèces affectant les animaux sauvages, les an-                    consommées et toujours moins que la vian-
    imaux domestiques (par exemple, la maladie                       de de brousse d'autres espèces. Cependant,
    de Newcastle) et les humains (par exemple,                       dans le sud de la Chine, la viande de chauve-
    la psittacose, la salmonellose, les infections                   souris est commercialisée localement et ré-
    rétrovirales). »59                                               gionalement, et apparaît sur certains menus
             Les chauves-souris ont été identi-                      de restaurants dans les provinces du Guang-
    fiées60 comme étant la source d'un large                         dong et du Guangxi, en particulier dans le
    éventail de zoonoses. Les chauves-souris                         comté de Wuming. Des chauves-souris ont
    sont considérées comme des mets délicats                         été vues sur les marchés lors d'une opéra-
    ou ayant une valeur médicinale dans un cer-                      tion de repérage liée à l'épidémie de SRAS
    tain nombre de pays, en particulier en Asie de                   en 2003. »64
    l'Est et du Sud-Est, dans les îles du Pacifique                           ILes chauves-souris de la plupart des
    et en Afrique subsaharienne, y compris                           18 familles de chauves-souris existantes sont
    à Madagascar.61 Au Ghana, les roussettes                         particulièrement connues pour abriter un
    paillées africaines (Eidolon helvum) sont                        large éventail de coronavirus.65 IDans des
    chassées en grand nombre (plus de 128 000                        études effectuées sur le terrain, des corona-
    par an dans le sud du pays seulement) bien                       virus ont été trouvés dans des échantillons
    qu'elles soient des hôtes potentiels pour un                     fécaux et respiratoires de chauves-souris
    certain nombre d'agents pathogènes, dont le                      du genre Miniopterus, bien que les chauves-
    virus Ebola.62 Les premiers chercheurs ayant                     souris elles-mêmes soient asymptoma-
    isolé des coronavirus de type SRAS chez des                      tiques.66 Une étude de treize espèces de
    chauves-souris en fer à cheval provenant de                      chauves-souris à Hong Kong a détecté huit
    Chine ont observé que les chauves-souris                         coronavirus différents dans des écouvillons
    sont un « réservoir de virus zoonotiques                         anaux, mais pas dans des écouvillons naso-
    émergents, comprenant le virus de la rage, le                    pharyngés.67 Une étude de 201768 a identi-
    lyssavirus, les virus Hendra et Nipah, le virus                  fié les chauves-souris « comme étant les
    de l'encéphalite de Saint-Louis et des cham-                     principaux réservoirs évolutifs et moteurs
    pignons comme Histoplasma… Les matières                          écologiques de la diversité des CoV ». C'est

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en partie parce que les chauves-souris, avec      et intentionnelle », un chercheur basé à
plus de 900 espèces, sont elles-mêmes très        Wuhan préoccupé par l'image négative des
diversifiées. Des coronavirus de chauves-         chauves-souris en Chine après l'épidémie
souris ont été identifiés sur tous les conti-     de COVID-19 a averti que « la nécessité
nents sauf en Antarctique, où les chauves-        d'éduquer le public sur les chauves-souris,
souris ne sont pas présentes.69                   y compris sur leurs impacts positifs et néga-
         BLes chauves-souris sont la source       tifs, est urgent et vital pour leur conserva-
présumée de quatre des coronavirus hu-            tion. »78
mains connus, dont le HCoV-229E, l'un des                  De tels points de vue, en outre, ig-
virus responsables du rhume.70 En plus du         norent les résultats selon lesquels pour
SRAS et du COVID-19, les chauves-souris           les trois épidémies liées au coronavirus au
semblent avoir été la source d'origine du         cours de ce siècle - le SRAS, le MERS et le
syndrome respiratoire du Moyen-Orient             COVID-19 - l'infection a probablement été
(MERS),71 une maladie liée à un coronavirus       transmise à l'homme par une espèce in-
qui a émergé au Moyen-Orient en 2012. On          termédiaire; l'hôte intermédiaire était un
pense que le MERS s'est propagé à l'homme         mammifère distinct et lointainement ap-
par infection intermédiaire de dromadaires        parenté dans chaque cas; nous ne savons
domestiques présents dans la Corne de l'Af-       pas quand et comment l'infection des es-
rique,72 plutôt que par le biais de marchés       pèces intermédiaires s'est produite; et les
de faune sauvage proposant à la vente de          chauves-souris auraient pu transférer le vi-
multiples espèces.                                rus sans être vendues sur les marchés eux-
         Il semble que le simple fait d'in-       mêmes. Toute mesure prise à l’encontre des
terdire la vente et la consommation de            marchés de faune sauvage qui ne s'applique
chauves-souris suffirait à prévenir de nou-       pas à toutes les espèces de mammifères et
velles épidémies. Il y a déjà eu des appels       d'oiseaux y étant commercialisées (ces tax-
mal avisés pour éliminer les populations de       ons étant les hôtes connus des coronavirus)
chauves-souris à la suite du COVID-19, et il      risque de passer à côté de l'hôte intermédi-
est nécessaire de s'y opposer. Par ailleurs, le   aire potentiel générateur d'une prochaine
rôle critique que jouent les chauves-souris       épidémie.
sur l'écosystème devraient faire partie des                Tous les virus ne sont pas égaux
programmes d'éducation publique.73 Les            quand il s'agit de s'adapter à un large éven-
chauves-souris jouent un rôle écologique          tail d'espèces hôtes (c'est-à-dire d'avoir une
important,74 en particulier dans les forêts       plasticité élevée à l'égard de l'hôte). Cette
tropicales,75 et sont essentielles à la pol-      adaptabilité est probablement nécessaire
linisation de cultures telles que le durion.76    pour qu'un virus passe d'une chauve-souris
Les chauves-souris sont d'importants régu-        ou d'autres espèces réservoirs à un hôte
lateurs d'insectes ravageurs et leur apport       intermédiaire. Une étude de 201579 a révélé
pour l'agriculture étasunienne seule a été        que les virus à forte plasticité à l'égard de
estimé à 22,9 milliards USD par an.77 Notant      l'hôte étaient plus susceptibles d'être trans-
que « l'exagération des caractéristiques          missibles d'un humain à l'autre, et que les
négatives associées aux chauves-souris sans       virus transmis à l'homme à partir d'endroits
égard pour leurs impacts positifs pourrait fi-    rassemblant différentes espèces d'animaux
nalement conduire à leur élimination inutile      soumis à une forte promiscuité étaient plus

                                 LES MARCHÉS DE FAUNE ET LE COVID-19                               8
susceptibles d'avoir une plasticité élevée                       le sud de la Chine,82 les marchés de faune
    à l'égard de l'hôte. En d'autres termes, les                     sauvage à grande échelle du type impliqué
    types de virus transmis aux humains sur un                       dans la propagation du SRAS et du COVID-19
    marché commercialisant de multiples es-                          sont un phénomène relativement récent.
    pèces sont plus susceptibles de pouvoir in-                      Les marchés de faune se sont rapidement
    fecter d'autres humains que les virus prove-                     développés dans les années 1990, à mesure
    nant d'autres sources.                                           que la Chine s’enrichissait.83 Ils se destinent,
             De fait, des hôtes intermédiaires                       selon une enquête publiée en 2008, prin-
    peuvent s'avérer nécessaires pour réussir la                     cipalement à une clientèle urbaine jeune,
    transmission d'au moins certains coronavi-                       instruite et nouvellement aisée, percevant
    rus de chauve-souris à l'homme. Une étude                        l'utilisation d’animaux sauvages comme un
    de 2008 a suggéré que les coronavirus asso-                      symbole de statut s'inscrivant dans le cad-
    ciés au SRAS chez les chauves-souris ne se-                      re d'un mode de vie à la mode. Plus de 50%
    raient pas capables d’infecter directement                       des consommateurs d'animaux sauvages
    les humains, mais pourraient nécessiter une                      interrogés pour cette étude « ont déclaré
    mutation de la protéine spiculaire chez un                       consommer des animaux sauvages parce
    hôte intermédiaire avant de pouvoir inter-                       qu'ils trouvaient le goût délicieux. Ceux qui
    agir avec les enzymes réceptrices présentes                      ont gouté à des animaux sauvages parce
    dans les tissus humains.80                                       qu'ils les considéraient rares représentent
             Plus récemment, d'autres corona-                        23,3% des personnes interrogées, tandis
    virus de chauve-souris ont été identifiés                        que 20,9% des personnes ont indiqué avoir
    comme étant capables d'infecter des cel-                         consommé des animaux sauvages par curi-
    lules humaines.81 Cependant, il semblerait                       osité. Ceux qui ont consommé des animaux
    que cette capacité varie parmi les coronavi-                     sauvages à des fins nutritionnelles et alimen-
    rus de chauve-souris, et l'identité d'un futur                   taires représentaient 19,3% des sondés. »
    hôte intermédiaire pour un nouveau coro-                                   Une autre étude datant de 2008 a
    navirus est impossible à prévoir. Le contrôle                    observé que « La faune sauvage est chère
    devrait donc se concentrer principalement                        (30 $ US le kg, contre 1 $ US pour le poulet),
    sur les endroits susceptibles de regrouper                       et il est prouvé que la demande et la consom-
    la plus grande variété d'espèces hôtes inter-                    mation ont augmenté ces dernières années
    médiaires potentielles et là où il y a le plus                   à mesure que les conditions économiques
    de chances qu’un virus soit transmis à des                       en Chine se sont améliorées. Pourquoi les
    humains par l'intermédiaire d'espèces por-                       gens mangent-ils les animaux sauvages ? Ha-
    teuses. Les marchés commercialisant de                           bituellement, ils les consomment pour leurs
    multiples espèces sauvages correspondent                         bienfaits perçus en faveur de la santé. Par
    exactement à cette description.                                  exemple, Paguma larvata est généralement
                                                                     consommée en hiver lorsque les fruits frais
    Les marchés de faune sauvage                                     sont rares car il est considéré que manger
                                                                     cet animal (également connu sous le nom
           Bien qu'il y ait une longue tradition                     de civette palmiste à masque ou pagume
    de consommation d'animaux sauvages dans                          ou civette masquée) offrirait les mêmes

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bienfaits pour la santé que de manger des         dent des animaux morts et vivants à l'air
fruits. Sur les marchés, la viande de P. larva-   libre et où le sang et d'autres fluides cor-
ta capturée à l'état sauvage est proposée à       porels provenant de différentes espèces
un prix plus élevé, les consommateurs croy-       animales représentent une source excep-
ant qu'elle est meilleure pour la santé et a      tionnelle de propagation de maladies infec-
meilleur goût que son homologue d'élevage         tieuses et de franchissement de la barrière
nourrie aux céréales. » 84                        des espèces par des agents pathogènes. »86
         Une enquête réalisée en 2014 sur         Un observateur visitant le marché de faune
les marchés de sept villes des provinces du       de la ville de Foshan en mars 2015 a observé
Guangdong et du Guanxi a documenté les            que « tous les animaux étaient mélangés sur
ventes de plus de 7 000 individus provenant       chaque étal. Il y avait du sang et des excré-
de 97 espèces animales. Les chercheurs            ments partout. Certains animaux avaient l'air
qui ont identifié pour la première fois les       malade, à l'exception des chèvres. … Il sem-
coronavirus dans les civettes palmistes           ble que les magasins se spécialisaient dans
au marché animalier de Xinyuan ont rap-           la plus grande variété possible. Les tortues
porté que « la biodiversité zoologique du         et les serpents étaient mélangés avec de
marché animalier de Xinyuan était grande,         la volaille, des sangliers, des porcs, des
comprenant des ânes vivants, des veaux,           civettes, des ragondins, des rats de bambou,
des chèvres, des moutons, des porcelets,          des rats ordinaires (qui avaient l'air particu-
des visons d'Amérique, des chiens viver-          lièrement malades). … Il y avait 6 civettes sur
rins, des renards d'élevage, des blaireaux à      le marché. Une se trouvait sur un étal avec
gorge blanche, des porcs-épics, des ragon-        des poulets, des canards, des cochons, des
dins, des cochons d'Inde, des lapins et des       chats et des serpents. Sa fourrure avait l'air
oiseaux. Les animaux étaient présentés dans       emmêlé et sale. »87
de petites cages grillagées et empilées les                Il n'est pas étonnant que les auteurs
unes sur les autres, favorisant fortement la      d'une étude sur le SARS-CoV-2 aient con-
transmission de tous les agents pathogènes        clu que « les marchés d'animaux vivants,
présents. Le mélange d'animaux sauvages           comme en Chine, pourraient permettre
et d'animaux domestiques provenant de di-         aux animaux porteurs du CoV de le trans-
verses espèces et origines géographiques a        mettre aux humains, agiraient comme des
probablement augmenté la probabilité de           lieux essentiels pour répandre de nouveaux
transmission d'agents pathogènes. » 85            agents pathogènes zoonotiques88 et qu’ils
         Le risque de transmission de mal-        représenteraient un risque élevé pour la
adies infectieuses sur un tel marché, déjà        santé publique lors d'une épidémie. »89
élevé en raison du stress important fragil-                Les marchés des autres pays asi-
isant le système immunitaire des animaux          atiques posent des problèmes similaires.
et en raison du nombre d'espèces détenues         Selon une revue de 2005, les marchés de
à proximité les unes des autres, est encore       faune sauvage asiatiques « concentrent un
accru par des conditions souvent non hy-          mélange d'animaux domestiques, d'animaux
giéniques. Les marchés de faune sauvage «         sauvages des alentours et de plus loin, et
sont traditionnellement des lieux qui ven-        de personnes. Le plus souvent, la stérilisa-

                                 LES MARCHÉS DE FAUNE ET LE COVID-19                                10
tion et l'hygiène sont très médiocres voire                      au SRAS et au COVID-19) représente une
     inexistantes, et les personnes comme les an-                     menace sérieuse pour la santé humaine à
     imaux sont soumis à une énorme quantité                          l'échelle mondiale. C'est pourquoi Humane
     de stress, réduisant de fait l'immuno-com-                       Society International soutient l'interdiction
     pétence. Les personnes qui manipulent                            ou une limitation stricte de tout commerce,
     des oiseaux vivants sur les marchés et en                        transport et consommation d'animaux sau-
     abattent d'autres sans aucune protection                         vages et que ce document recommande
     personnelle, vivent, mangent et dorment                          que les gouvernements du monde entier
     souvent dans leurs magasins parmi leurs                          prennent des mesures immédiates afin de
     animaux à vendre. Cela constitue un en-                          fermer, à l’intérieur de leurs frontières, les
     vironnement propice à la mutation des                            marchés d'animaux sauvages vendant des
     agents pathogènes et au franchissement                           mammifères et des oiseaux sauvages, prin-
     de la barrière des espèces. »90 Les marchés                      cipales sources de coronavirus et d’autres
     d'oiseaux sauvages au Vietnam ont été im-                        pathogènes transmissibles aux humains.
     pliqués dans la propagation du virus de l'in-                    Cette interdiction devrait également s'ap-
     fluenza aviaire hautement pathogène (HPAI                        pliquer à l'importation, à l'exportation et au
     H5N1).91 Des enquêtes menées entre 2010                          transport intérieur d'animaux sauvages ou
     et 2013 sur sept marchés de faune sauvage                        de viande d'animaux sauvages destinés à la
     en République démocratique populaire du                          vente sur les marchés de faune.
     Laos, où les marchés de faune sont apparus                                La fermeture des marchés de faune
     pour la première fois dans les années 1980,                      sauvage n'est pas la seule mesure à prendre
     ont identifié des mammifères en vente con-                       pour empêcher qu'une autre zoonose ne se
     nus pour être capables d'héberger 36 agents                      transforme en pandémie mondiale.95 Les
     pathogènes zoonotiques.92 Une analyse de                         praticiens médicaux et vétérinaires ont été
     la littérature récente utilisant les données                     invités à adopter une approche unique con-
     de l'enquête TRAFFIC issues de restaurants                       sidérant la santé humaine et la santé animale
     proposant de la viande d'animaux sauvages,                       comme un seul et identique sujet.96 Des ap-
     d’étals en bordure de route et de marchés                        pels à contrôler le commerce intérieur et
     en Malaisie,93 51 agents pathogènes zoo-                         international massif d'animaux sauvages à
     notiques (16 virus, 19 bactéries et 16 para-                     des fins alimentaires et médicinales ont été
     sites) pouvant être hébergés par des es-                         lancés depuis l'émergence du SRAS et même
     pèces sauvages proposées à la vente.                             plus tôt.97 Récemment, John Scanlon, an-
                                                                      cien secrétaire général de la Convention sur
     Une interdiction nécessaire                                      le commerce international des espèces de
                                                                      faune et de flore sauvages menacées d'ex-
              Si le SRAS, le COVID-19, d'autres zoo-                  tinction (CITES), a appelé98 à réaliser un
     noses, et les avertissements que les épidé-                      nouvel accord mondial sur la criminalité liée
     miologistes émettent depuis des années94                         aux espèces sauvages considéré comme une
     nous ont appris quelque chose, c'est bien                        étape essentielle pour empêcher la propa-
     que l'existence de marchés de faune sau-                         gation de futures zoonoses, telles que VIH/
     vage sous leur forme actuelle (en particu-                       sida, Ebola, SRAS, MERS et COVID-19.
     lier les grands marchés insalubres offrant                                Aussi importantes ces mesures
     à la vente de multiples espèces associées                        soient-elles, aucune d'entre elles ne peut

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être mise en place immédiatement ou avoir        « éradiquer complètement le commerce
un effet immédiat. L'étape la plus efficace      des espèces sauvages ».100 Une lettre ou-
qui peut être prise dès maintenant, dans         verte d'un « groupe de 19 chercheurs émi-
tous les domaines et dans tous les pays con-     nents de l'Académie chinoise des sciences,
cernés du monde, est de fermer les marchés       de l'Institut de virologie de Wuhan et des
qui vendent des animaux sauvages, en par-        meilleures universités du pays »,101 pub-
ticulier des mammifères ou des oiseaux           liée dans le sillage du COVID-19, a appelé
pouvant être infectés par des coronavirus,       le gouvernement chinois à interdire « la
utilisés à des fins alimentaires, médicales ou   consommation illégale d'animaux sauvages.
à toute autre fin, qu’ils soient capturés dans   »102 Des chercheurs chinois ont appelé leur
la nature ou qu'ils proviennent de l'élevage.    gouvernement à « saisir cette opportunité
         La fermeture des marchés est une        et à interdire définitivement la consomma-
stratégie réputée efficace. En 2013, des ex-     tion d'espèces sauvages »,103 à combler les
perts en maladies respiratoires en Chine ont     lacunes des lois existantes, à augmenter les
observé, en référence à la recrudescence du      sanctions envers les activités illégales, et à
SRAS à la fin de 2003, que « l’engagement        fournir un soutien financier « pour faciliter
important du gouvernement du Guangdong           la transformation de l'industrie de l'élevage
contre l'élevage, la vente, l'abattage et le     d'animaux sauvages requise par l'interdic-
transport d'animaux sauvages s'est avéré         tion et faciliter la transition de la production
efficace pour la répression des marchés de       de médecine traditionnelle chinoise. »104
faune et la limitation de la propagation du               Le 4 février 2020, le Comité perma-
SRAS. Malheureusement, après la rémission        nent de la treizième Assemblée nationale
des épidémies, les marchés de faune sau-         populaire a promulgué une décision pour
vage ont repris leur essor, une conséquence      l’« Interdiction Totale du Commerce Illégal
possible du manque de gouvernance ul-            d'Espèces Sauvages et l’Élimination de l'Hab-
térieure et d'une connaissance réduite en        itude Malsaine de Consommer de Manière
matière de santé publique. »99 Notant que        Indiscriminée de la Viande d'Animaux Sau-
« la pathogénicité potentielle des mutants       vages », et ce pour une durée indéfinie.105
du SRAS-CoV résultant de la recombinaison        ACette décision interdit entre autres « la
des gènes ne doit pas être sous-estimée »,       chasse, le commerce ou le transport de
ils ont recommandé que « les marchés de          viande d'animaux sauvages terrestres qui
faune, en collaboration avec le personnel        grandissent et se reproduisent naturelle-
impliqué dans la transaction, l'abattage et le   ment à l’état sauvage », et décrète que « les
transport, soient rendus illégaux et fassent     locaux commerciaux et les opérations illé-
l'objet de sanctions ou de sérieux avertisse-    gales doivent être fermés, scellés ou ordon-
ments. Il est fortement recommandé que           nés de fermeture conformément à la loi. »
les lois soient appliquées régulièrement et      Certains ont critiqué106 le fait que la portée
strictement contrôlées. »                        de l'interdiction ne soit pas toujours claire.
         Certains des appels les plus forts      Nous pensons que l’interdiction devrait être
visant à éliminer les marchés de faune           élargie pour inclure tous les mammifères et
provenaient et proviennent toujours d'ex-        oiseaux potentiellement porteurs de coro-
perts chinois en maladies infectieuses.          navirus, y compris ceux actuellement exclus
Une étude récente a notamment appelé à           comme le « bétail ». À l'heure actuelle, les

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animaux exemptés comprennent même le                            les tentatives visant à établir des marchés
     chien viverrin, une des espèces connues                         efficacement réglementés ont échoué dans
     pour avoir été porteuse du virus SRAS.                          le passé. L'un des plus grands, sinon le plus
              La mise en vigueur de l'interdiction                   grand, marchés de gros de faune sauvage en
     demeure un problème. Selon des infor-                           Chine a été transféré de Guangzhou à Taip-
     mations récentes, dans certaines villes, les                    ing en 2006, financé par « le Département
     marchés de faune sont toujours en activi-                       des forêts de la ville de Guangzhou, le Bu-
     té ou ont réouvert malgré l'interdiction.107                    reau des forêts de la ville de Conghua et la
     Cependant, cette décision est la bienvenue                      Station forestière du canton de Taiping avec
     et, à notre avis, nécessaire. Nous exhortons                    un investissement de 30 millions de Renmin-
     le gouvernement chinois à combler tous                          bi… Le nouveau marché avait pour but de
     les vides juridiques que la décision pourrait                   permettre la vente en gros d'animaux sau-
     contenir d'une part, et à rendre l'interdic-                    vages autorisés, soumise à des inspections
     tion permanente d'autre part. L'exemple                         et des contrôles stricts. » Malgré ces con-
     du SRAS, qui est réapparu après la levée de                     ditions, le marché serait devenu « un carre-
     l'interdiction des marchés de faune sauvage,                    four majeur du commerce illégal d'espèces
     devrait constituer une preuve décisive que                      sauvages », faisant l’objet de raids et de fer-
     les fermetures temporaires ne suffiront pas.                    metures répétés.110
     Néanmoins, nous exhortons tous les au-                                   La conception et la mise en place de
     tres gouvernements à suivre l’exemple de la                     réglementations vraiment efficaces prend-
     Chine en interdisant tous les marchés d'ani-                    raient du temps, et pourraient s'avérer in-
     maux sauvages, et à le faire de manière per-                    efficaces pour prévenir une maladie n'ayant
     manente.                                                        pas encore émergé. Leur application per-
              Des avertissements ont été émis in-                    manente nécessiterait un investissement
     diquant que la fermeture des marchés légaux                     considérable de temps et de ressources et,
     ne mettra pas fin au commerce et le mènera                      comme le suggère fortement l'expérience
     plutôt vers la clandestinité.108 Ces aver-                      du marché de Taiping, serait probablement
     tissements ignorent le fait qu'une grande                       infructueuse. Si nous voulons éviter d'être
     partie du commerce est déjà clandestin et                       rattrapé par l'émergence d'une nouvelle pan-
     que l'interdiction des marchés de faune le                      démie, une interdiction immédiate est donc
     réduira certainement.109 Toutes les espèces                     une première étape essentielle. Des mesures
     de pangolins, par exemple, sont inscrites à                     efficaces à long terme, adaptées aux réalités
     l'Annexe I de la CITES, prohibant tout trans-                   socio-économiques et culturelles de chaque
     fert transfrontalier de pangolins destinés à                    pays, peuvent être mises en place ultérieure-
     être vendus légalement ou illégalement sur                      ment (en gardant à l'esprit, par exemple, que
     les marchés, et ce dans tous les pays, ou                       les marchés de viande de brousse en Afrique
     presque (en prenant en compte le fait que                       ne sont pas identiques aux marchés de faune
     quelques pays, comme la Corée du Nord, ne                       sauvage en Chine,111 nécessitant potentielle-
     sont pas signataires de la CITES).                              ment une approche différente).
              Les critiques soutiennent qu'il                                 La fermeture des marchés entrain-
     faudrait se centrer sur une meilleure régle-                    era sans aucun doute des répercussions
     mentation, dont l'imposition de normes                          économiques sur les commerçants, beau-
     d'hygiène et d'autres mesures. Cependant,                       coup ne disposant probablement pas d’au-

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