Stage dans le cadre du LIFE Prairies bocagères en Fagne-Famenne et Calestienne
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Université catholique de Louvain Faculté d'ingénierie biologique, agronomique et environnementale Stage dans le cadre du LIFE Prairies bocagères en Fagne- Famenne et Calestienne Marie Lanotte, BIRL1345 Maître de stage : Thibault Goret, Namur (Belgique) Juin 2014
Remerciements Je tiens à remercier mon maitre de stage, Thibault Goret, pour son enthousiasme, son dynamisme, sa disponibilité et ses solutions originales à tout problème. Je remercie l'équipe de Natagora pour leur accueil dans les bureaux à Namur et pour la bonne ambiance qui y régnait. En particulier, Pierrette Nyssen, responsable du groupe de travail Plecotus ainsi que tous les membres du groupe pour leurs multiples conseils, leur grande disponibilité et le partage de leurs connaissances sur le sujet. Mes remerciements également à l'asbl Jeunes et Nature pour l'organisation du camp thématique chauves-souris, aux responsables et participants de ce camp pour l'excellente ambiance et l'entraide mutuelle. Finalement, je tiens à remercier ma maman pour son aide dans la rédaction de ce rapport. La photo de couverture représente un paysage bocager de Revogne (M. Lanotte, Juillet 2013) 2
Table des matières Remerciements ....................................................................................................................................... 2 1. Mots-clés et nombre de caractères..................................................................................................... 4 2. Activités prestées ................................................................................................................................ 5 3. Introduction ......................................................................................................................................... 7 4. Description du contexte ...................................................................................................................... 8 4.1. Présentation des projets LIFE ....................................................................................................... 8 4.2. LIFE Prairies bocagères ................................................................................................................. 9 4.2.1. But ......................................................................................................................................... 9 4.2.2. Organisation .......................................................................................................................... 9 4.2.3. Partenaires .......................................................................................................................... 10 4.3. Contexte physique ...................................................................................................................... 11 4.4. Contexte socio-économique....................................................................................................... 12 5. Analyse du fonctionnement .............................................................................................................. 13 5.1. Organisation globale .................................................................................................................. 13 5.2. Contraintes ................................................................................................................................. 13 5.2.1. Humaines ............................................................................................................................. 13 5.2.2. Temporelles ......................................................................................................................... 13 5.2.3. Suivi ..................................................................................................................................... 14 5.2.4. Naturelles: géographiques, climatiques .............................................................................. 14 5.2.5. Matérielles........................................................................................................................... 14 5.2.6. Financement ........................................................................................................................ 15 5.3. Développement d'une contrainte, contrainte humaine ............................................................ 15 6. Approfondissement d'une thématique: la protection des chauves-souris ....................................... 17 6.1. Biologie ....................................................................................................................................... 17 6.2. Services éco systémiques ........................................................................................................... 18 6.3. Menaces ..................................................................................................................................... 18 6.4. Solutions ..................................................................................................................................... 19 6.5. Suivi ............................................................................................................................................ 20 7. Conclusion ......................................................................................................................................... 22 8. Résumé .............................................................................................................................................. 23 9. Références bibliographiques ............................................................................................................. 24 Annexes ................................................................................................................................................. 26 3
1. Mots-clés et nombre de caractères Conservation de la nature Restauration de prairies LIFE Prairies bocagères Chauves-souris Cartographie Nombre de caractères (espaces compris): 52 822 4
2. Activités prestées Mon stage s'est divisé en trois grandes parties. La première consistait à repérer, sur base d’images satellites, la présence de Fig. 1: Couche du réseau de haies haies dans une zone de 5 km de rayon autour des quatre colonies de chauves- par ArcGIS, colonie de Revogne souris visées par le projet LIFE Prairies bocagères (Région de Fagne-Famenne et (M. Lanotte) Calestienne). Les projets LIFE sont des instruments pour la protection et conservation de la nature, financés par la Commission Européenne. Le projet LIFE Prairies bocagères a pour but la restauration de prairies bocagères1 en Fagne-Famenne et Calestienne. Ce travail cartographique consistait à préparer le terrain pour la suite du projet. Ensuite, il s'agissait de redessiner ces haies sur une nouvelle couche en système SIG (Système d’Information Géographique), grâce au logiciel ArcGIS (Fig. 1). Une "couche" en SIG peut s'assimiler à un "calque" sur lequel on dessine la présence d’éléments du paysage tel que des haies ou d'autres informations jugées utiles pour le projet (réserves naturelles, sites Natura2000, ...). Elle est indépendante des images satellites mais se superpose à celles-ci. Pour réaliser ce travail, une définition détaillée de la notion "haies" a dû être précisée. Nous avons adopté la suivante: un alignement d'arbres ou d'arbustes indigènes2, de moins de 20 m de large, de plus de 20 m de long et dont l’espacement entre deux individus ligneux est de maximum de 5 m. Ensuite, pour chaque colonie, j’ai sélectionné un certain nombre de zones à vérifier sur le terrain. Les zones visées sont celles concernées par le projet LIFE (Fig. 4), ou des zones de connexion entre deux massifs forestiers. Enfin, après vérification sur le terrain, les corrections ont été reportées sur la couche SIG. Pour la fin de mon stage, j'ai rejoint un camp Jeunes et Nature (asbl) sur la thématique des chauves- souris. Ce camp alternait des formations théoriques sur la biologie des chauves-souris en journée, des captures de ces chauves-souris à différents endroits en soirée (trajets en vélo) et des mesures morphologiques de ces animaux. Semaine 1: du 10/07/2013 au 12/07/2013 o Mercredi 10: Familiarisation avec le logiciel ArcGis 10. Début de la cartographie du réseau de haies de la colonie de Couvin. o Jeudi 11: Cartographie du réseau de haies de la colonie de Couvin. o Vendredi 12: Vérification sur le terrain du travail réalisé par ordinateur sur la colonie de Couvin. Les principales sources d'erreurs proviennent des lisières, qui répondent aux critères de haies, à des haies d'origine non indigène et à des interruptions de plus de 5 mètres du réseau de haies, qui n'ont pas été détectées à l'échelle utilisée pour la cartographie par ordinateur. Changement de position d'un capteur SM2 près de la colonie de Revogne. Le SM2 est un appareil qui enregistre les ultrasons des chauves-souris lors de leur passage. Semaine 2: du 15/07/2013 au 19/07/2013 o Lundi 15: Correction du réseau de haies de la colonie de Couvin suite à la visite sur le terrain. Cartographie du réseau de haies de la colonie de Vaucelles. Le projet LIFE n'intervenant qu'en Belgique, la partie du cercle de 5 km de rayon située en France ne devait pas être cartographiée. o Mardi 16: Le matin, vérification sur le terrain du travail réalisé par ordinateur sur la colonie de Vaucelles. L'après-midi, changement de position d'un capteur SM2 près de la colonie de Revogne. 1 "On appelle bocage une région où les champs et les prés sont enclos par des levées de terre portant des haies ou des arbres marquant les limites de parcelles de tailles et de formes différentes, à l'habitat dispersé en fermes et hameaux." (Futura sciences) 2 Les espèces exotiques (tuya, laurier,…) sont exclues de cette définition 5
o Mercredi 17: Correction du réseau de haies de la colonie de Vaucelles suite à la vérification sur le terrain. Encodage de fiches ornithologiques. Il s'agit d'anciennes fiches (depuis les années 70) qui n'ont pas encore été encodées dans la base de données AVES (association de protection des oiseaux). o Jeudi 18: Cartographie du réseau de haies des colonies de Rochefort et de Revogne. o Vendredi 19: Vérification sur le terrain du travail réalisé par ordinateur sur la colonie de Rochefort. Semaine 3: du 22/07/2013 au 26/07/2013 o Mardi 23: Correction du réseau de haies de la colonie de Rochefort suite à la vérification sur le terrain. Cartographie du réseau de haies de la colonie de Revogne. o Du mercredi 24 au vendredi 26: Vérification sur le terrain du travail réalisé par ordinateur sur la colonie de Revogne. o Jeudi 25: Visite d'une prairie maigre de fauche avec bande refuge pollinisateurs (MAE 9 : Mesures agri-environnent). Il y a eu un malentendu avec l'agriculteur, qui a fauché toute la prairie (sauf la bande refuge), alors que le responsable du projet LIFE voulait moissonner des graines sur la moitié. Discussion avec le conservateur des réserves de la région, puis l'agriculteur pour trouver des alternatives. Récolte de graines de rhinanthes (Rhinanthus minor) à Behotte (près de Rochefort). Le rhinanthe est une plante hémiparasite qui est utilisée dans le cadre du projet LIFE Prairies bocagères pour appauvrir les prairies au niveau nutriments et permettre le retour des dicotylées et donc augmenter la biodiversité. Semaine 4: du 29/07/2013 au 04/08/2013 o Du lundi 29 au mercredi 31: Statistiques sur les différentes colonies. Il s'agissait de calculer la fiabilité du travail réalisé par ordinateur, la densité du réseau de haies, la surface des zones boisées, leur proportion par rayon de 5 km,... Pour chaque colonie, il a fallu ajouter quelques couches, par exemple une couche dédiée aux zones boisées. o Jeudi 1: Vérification de la présence de colonies connues de chauves-souris dans des combles (église de Gemmenich, abbaye de Val-Dieu). Cependant, les températures étaient trop élevées et toutes les chauves-souris s'étaient cachées dans des recoins, ou étaient trop agitées pour pouvoir les compter. Leur présence est toutefois attestée car le sol était recouvert de ‘guano’ (excréments des chauves-souris). o Vendredi 2: Début du camp "chauve-souris" près de Beauraing. Présentation du protocole de capture, du projet LIFE et de l’association Plecotus. Exercice de montage et démontage de filets pour capturer les chauves-souris. Capture de chauves-souris dans une étable. o Samedi 3: Présentation d'un film sur les chauves-souris (Forget). Repérage des endroits de capture pour le soir. Capture de chauves-souris dans les bois de Revogne, dans le rayon de 5 km de la colonie. o Dimanche 4: Formation sur les sons émis par les chauves-souris. Capture dans une réserve naturelle (réserve naturelle du Grand Quarti, commune de Beauraing et de Houyet). Capture d'une femelle de grand rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum, espèce très rare) et pose d'un émetteur sur celle-ci. Semaine 5: du 05/08/2013 au 07/08/2013 o Lundi 5: Recherche de l’individu grand rhinolophe dans les environs de l’endroit de capture. Nous ne l'avons pas trouvé. Comptage en émergence dans la colonie de Rochefort, pour déterminer leurs points d’entrée et de sortie de la maison. Capture à Lam-soul. o Mardi 6: Gestion dans la réserve de Behotte, dégagement de mares favorables au triton crêté (Triturus cristatus) (une des six espèces visées par le projet LIFE Prairies bocagères). Il s'agit de couper tous les arbres autour et jusque dans la mare et d'enlever les branches. En soirée, capture de chauves-souris dans une ferme, à Hour. o Mercredi 7: Capture dans une ferme, à Etrave. 6
3. Introduction Mon stage s'est déroulé en Belgique, dans le cadre du projet LIFE Prairies bocagères. Les projets LIFE sont des projets pour la restauration et la conservation de la nature, soutenus financièrement par la Commission Européenne dans le cadre des réseaux Natura2000 (Directives "Oiseaux" (79/409/CEE) et 'Habitats' (92/43/CEE)). Un projet LIFE est conçu à l'initiative de quelques partenaires (asbl, DEMNA,…) qui doivent ensuite monter leur projet et faire la demande de financement auprès du fonds LIFE. Le projet LIFE Prairies bocagères vise à restaurer la qualité des prairies bocagères de Fagne-Famenne et Calestienne (Sud du Sillon Sambre-et-Meuse). Ces prairies bocagères, habitats prioritaires Natura2000 abritent plusieurs espèces en danger d'extinction et font l'objet de protection dans le cadre de Natura2000. Parmi ces espèces, les chauves-souris représentent un groupe particulièrement vulnérable. Mon stage consistait à cartographier le réseau de haies des sites à restaurer ainsi que vérifier la présence de chauves-souris sur le terrain. La première partie de ce travail se déroulait principalement dans les bureaux de Natagora avec quelques visites de vérification sur les sites potentiels. Pour la seconde partie, de recensements de ces espèces, j'ai rejoint un camp organisé par Jeunes et Nature (asbl) à Rochefort. Etant sensibilisée aux problèmes de conservation de la nature et la gestion des milieux, je voulais profiter de mon stage pour voir ce qui se faisait en pratique. Je souhaitais faire de la gestion de milieux semi-naturels, de préférence par pâturage. J'ai donc envoyé mon CV et ma lettre de motivation à de nombreuses personnes en Europe, sans obtenir de réponse positive. Ayant déjà rencontré Thibault Goret, je me suis ensuite adressée à lui, sachant qu'il était devenu le responsable d'un projet de restauration dans le cadre d'un LIFE. Il m'a accueillie chaleureusement. J'ai pu ainsi m'intégrer pendant un mois dans le projet LIFE Prairies bocagères. Je n'ai pas eu de difficulté à trouver les informations globales qui m'étaient nécessaires. Par contre, pour trouver des références scientifiques et des rapports d'activités, la tâche s'est avérée plus ardue car, d'une part, un tel projet est très appliqué, et d'autre part il n'a débuté qu'au printemps 2012. Ce rapport de stage se centre donc sur ce projet LIFE Prairies bocagères. Il est divisé en trois grandes parties. Une première partie décrit le contexte général, l'explication des projets LIFE et leurs finalités, du projet LIFE Prairies bocagères avec ses objectifs, son organisation, ses principaux acteurs et les sites visés. La deuxième partie se focalise sur le fonctionnement du projet et ses contraintes. Finalement, la dernière partie concerne la biologie des chauves-souris, et le suivi de leurs populations. 7
4. Description du contexte 4.1. Présentation des projets LIFE La majorité des informations reprises dans ces paragraphes est issue du site (http://ec.europa.eu/environment/life/index.htm). Sauf indication contraire, les références concernent ce site web. Le terme "LIFE" signifie "L'Instrument Financier pour l'Environnement". Il s'agit d'un programme par lequel l'Union Européenne soutient des projets de conservation de la nature et environnementaux au sein de ses Etats membres, pour répondre aux recommandations du réseau Natura2000. Ces projets LIFE s'intéressent soit à des espèces prioritaires (Directive CEE, "oiseaux",...) (chauves- souris, moule perlière,...) soit des habitats prioritaires (tourbières, prairies bocagères,...). Le réseau Natura2000 est formé de sites européens qui concrétisent la mise en œuvre des Directives européennes 'Oiseaux' (79/409/CEE) de 1979 et 'Habitats' (92/43/CEE) de 1992. Ces directives visent à protéger un ensemble de sites et d'espèces considérés prioritaires à l'échelle européenne. Le but du réseau Natura2000 est de contribuer à la conservation de la Fig. 2: Réseau Natura2000 en Wallonie biodiversité sur tout le territoire, sans négliger le côté MRW/DGRNE/CRNFB - 03.02.2004 (http://biodiversite.wallonie.be) socio-économique. Ainsi, l'exploitation de ces sites n'est pas interdite. Les Etats membres sont tenus de rendre un rapport sur l'état de la conservation des espèces et des habitats tous les 6 ans à la Communauté Européenne, le but étant d'améliorer cet état. En Wallonie, 240 sites couvrant 220 000 hectares font partie de ce réseau. Ce réseau s'étend sur tous types de sols, avec des caractéristiques hydrologiques, géologiques, pédologiques et climatiques diversifiées (Fig. 2). En Wallonie, les projets LIFE "Nature et biodiversité" représentent un investissement de 211 millions d'euros depuis 1992. La durée moyenne de ces projets varie entre 36 et 96 mois. Les projets LIFE "politiques et gouvernances de l'environnement" ont une durée moyenne de 24 à 48 mois. Depuis 1992, les programmes LIFE ont cofinancé quelque 3954 projets de protection de l'environnement en Europe, soit une contribution d'environ 3,1 milliards d'euros. Dans ces projets LIFE, l'Union Européenne contribue financièrement à 50%, ou 75% dans certains cas; les régions, asbl, ou autres partenaires interviennent pour le reste. Fig. 3: Historique du programme LIFE Depuis 1992, quatre cycles de LIFE (http://ec.europa.eu/environment/life/index.htm) ont été complétés: LIFE I de 1992 à 1995; LIFE II de 1996 à 1999; LIFE III de 2000 à 2006 et LIFE + de 2007 à 2013 (Fig. 3). En décembre 2013, le budget pour la période 2014-2020 a été établi à 3,4 milliards d'euros. Ce nouveau programme couvre 3 priorités: 1) Environnement et rendements des ressources exploitées, 2) Nature et biodiversité, 3) Gouvernance environnementale, information et communication vis-à-vis du grand public. 8
En Région wallonne, ce sont 160 projets qui ont été cofinancés par l'Union Européenne depuis 1992, pour un total de 170 millions d'euros sur 396 millions. Parmi ces projets LIFE, 91 concernent l'axe 1 pour les politiques et gouvernances de l'environnement, 67 l'axe 2 pour la conservation de la nature et 2 l'axe 3 pour la communication. Sept projets LIFE sont en cours. Il s'agit des LIFE Herbages, Prairies bocagères, Ardennes Liégeoises, ELIA-RTE, Lomme, Papillons et Hélianthème. Les projets LIFE cherchent à acquérir ou rétablir des milieux particuliers. Il y a donc une grande diversité de sites concernés, avec leurs caractéristiques propres. Les projets LIFE concentrent leurs actions sur les réserves déjà reconnues ou des sites faisant partie du réseau Natura2000, en encourageant les agriculteurs et propriétaires des alentours à y participer et à reprendre la gestion à la fin du projet. 4.2. LIFE Prairies bocagères La majorité des informations reprises dans ces paragraphes est issue du site (http://www.lifeprairiesbocageres.eu). Sauf indication contraire, les références concernent ce site web. 4.2.1. But Le projet LIFE Prairies bocagères (2012-2019) a pour but la restauration des prairies bocagères de Fagne-Famenne et de Calestienne (Fig. 4). Les réseaux de haies dans les bocages ont eu de nombreux rôles au cours du temps: délimiter et protéger l'espace agricole en conservant les sols, améliorer la productivité (notamment par l'apport de matière organique), qualité des eaux (freiner la vitesse d'écoulement et favoriser son infiltration dans le sol), filtrage des nitrates et dégradations des substances actives, faire office de brise-vents, favoriser la biodiversité,… (Liagre, F.) Vaucelles Revogne s Fig. 4: Les régions concernées par le LIFE Prairies bocagères. (D’après http://www.lifeprairiesbocageres.eu (à droite) et http://commons.wikimedia.org/wiki/File:R%C3%A9gions_naturelles_de_Belgique.jpg (à gauche)) Le projet concerne 150 hectares de prairies. Son but est d'établir un réseau de prairies à haute valeur biologique où se retrouveront les éléments nécessaires à la survie de six espèces menacées: le triton crêté (Triturus cristatus, amphibien), la pie-grièche écorcheur (Lanius collurio, oiseau), l'agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale, libellule) et trois espèces de chauves-souris: le murin à oreilles échancrées (Myotise marginatus), le petit rhinolophe (Rhinolophus hipposideros) et le grand rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum). La restauration de trois habitats prioritaires est également visée par ce projet LIFE: prairies maigres de fauche, prairies humides du Molinion et mégaphorbaies. 4.2.2. Organisation Ce projet a été initié en association avec Natagora et Virelles-Nature et est cofinancé par la Commission Européenne à hauteur de 50 %. 9
Le responsable de ce projet est Thibault Goret. Après ses études de bioingénieur, il a été pendant plusieurs années conseiller MAE (mesures agro-environnementales) à l'UCL pour la région de Fagne- Famenne. Il a ensuite été gérant d'une ferme biologique en Andalousie. Il est rentré en Belgique lorsque le poste de responsable du projet LIFE Prairies bocagères lui a été proposé (comm. pers.). Une équipe formée de trois équivalents plein temps est engagée pour la durée de ce projet. De nombreux bénévoles, Natagora et plus particulièrement les régionales et commissions de gestion locales de Famenne et d'Entre-Sambre-et-Meuse, ont déjà et auront un rôle important à jouer dans ce projet. Comme trois des espèces visées par le projet LIFE sont des chauves-souris, une bonne coopération est nécessaire avec Plecotus, le groupe thématique sur les chauves-souris de Natagora. Celui-ci aide et participe à la collecte de données, ainsi qu'à leur analyse. C'est dans ce cadre qu'un camp dédié aux chauves-souris a été organisé en août 2013 pour les jeunes (asbl Jeunes et Nature). Mon travail pendant les premières semaines consistait à repérer le réseau de haies dans un rayon de cinq kilomètres autour des colonies de chauves-souris connues. En effet, les chauves-souris se déplacent le long de haies ou d'autres éléments linéaires du paysage pour chasser. Pour le petit rhinolophe, un espace vide (interruption du réseau de haies) de 5 mètres dans une haie est un obstacle suffisant pour qu'il n'aille pas plus loin et néglige un terrain de chasse peut-être intéressant. Il est donc important de connaitre les réseaux de haies pour pouvoir déduire les routes utilisées par les chauves-souris, et permettre au projet LIFE d'augmenter le potentiel d'accueil par la restauration et plantation de haies. De plus, des enregistreurs d'ultra-sons ont été placés à différents endroits dans ces zones pour déterminer leur fréquentation par les chauves-souris. L'analyse des enregistrements permet de déterminer quelle espèce était présente à quel endroit et à quel moment. Au cours de mon stage, un enregistrement d'un petit rhinolophe a été réalisé près d'un arbre au milieu d'une prairie, à beaucoup plus de cinq mètres d'une haie. La distance de cinq mètres n'est pas absolue, les conditions climatiques influencent les distances parcourues. De même, d'autres éléments du paysage, les bords d'un champ de maïs, par exemple, peuvent être utilisés comme route de vol (Site Plecotus). Ces observations permettent donc de mieux connaître ces espèces menacées. 4.2.3. Partenaires La Commission Européenne finance 50% de ce projet. Le partenaire local principal est Natagora, qui fournit également les locaux et du matériel nécessaire. Le dernier partenaire est Virelles-Nature, qui aura la responsabilité de développer des outils de communication, comme la réalisation d'un film et d'un module didactique de découverte des prairies bocagères à l'aquascope de Virelles. Ces deux partenaires financent les autres 50% du projet, notamment grâce à des sponsors, dont l'Arboretum Wespelaar, IKEA et la fondation Laperre. Une campagne d'appel aux dons de particuliers a également été organisée. "L’asbl Virelles-Nature est une filiale de plusieurs associations majeures de protection de la nature que sont le WWF,NATAGORA, AVES, RNOB."3 Finalement, de nombreux bénévoles de Natagora, plus particulièrement des régionales et commissions de gestion locale des réserves de Famenne et Entre Sambre-et-Meuse, soutiennent ce projet et y apportent une aide technique non négligeable. Natagora Natagora est une asbl issue du rapprochement en juin 2003 de deux autres asbl, AVES et Réserves Naturelles et Ornithologiques de Belgique RNOB. Son but est de préserver le patrimoine naturel, plus précisément en Région wallonne et Région bruxelloise. Elle concentre ses efforts sur l'arrêt de la dégradation de la biodiversité et la restauration et la gestion de milieux particuliers (en équilibre avec les activités humaines). (Site Natagora) 3 http://www.aquascope.be/divers/partenaires1.html 10
Une des activités principales de Natagora est la sensibilisation et l'éducation du public. Pour ce faire, Natagora organise de nombreuses conférences, stages, formations,... pour tout public, des enfants aux adultes. De nombreux camps sont par exemple organisés pour les jeunes en été. L'asbl Natagora est organisée en plusieurs groupes. Le premier représente les groupes de travail, essentiellement portés par l'action des volontaires. Le second concerne les commissions de gestion, qui s'occupent des réserves naturelles avec un double but: la gestion de la réserve et l'extension du réseau de sites protégés par Natagora. Enfin, un dernier groupe rassemble les jeunes entre 12 et 25 ans. Les principaux groupes thématiques sont les suivants: Raînne (batraciens et reptiles), Plecotus (Chauves-souris) et plusieurs groupes de travail: Poissons, Mammifères non volants, Orthoptères (insectes). D'autre part, le centre ornithologique Aves étudie les oiseaux, il comprend notamment, pour les espèces en danger, un groupe de travail pour les hirondelles et un autre pour les busards. A ce jour, Natagora possède 130 réserves naturelles, recouvrant 4300 hectares. Natagora agit également auprès des propriétaires et agriculteurs, sur une surface de plusieurs milliers d'hectares lors de programmes de restauration. Environ 150 agriculteurs wallons travaillent et réalisent une production, sur plus de 500 hectares de prairies en réserves naturelles Natagora. Les réserves naturelles sont gérées grâce à un plan de gestion établi pour chaque site. Ces sites sont choisis pour leurs intérêts biologiques par rapport à la préservation de la nature. Il s'agit de milieux prioritaires, type pelouses sèches, prés maigres, prairies humides, tourbières,... En rétablissant les conditions d'équilibre dans ces systèmes, des espèces sensibles plus rares peuvent survivre dans ces milieux et s'y développer. Le statut de réserve assure une protection forte et durable pour des espèces animales et végétales en danger ainsi que pour les habitats car ces réserves permettent la protection des derniers noyaux de population de ces espèces contre l'exploitation intensive et l'urbanisation rapide. Plecotus Le groupe Plecotus est le groupe de travail de Natagora dédié aux chauves-souris. Il est également membre de l'ONG internationale BatLife Europe. Le groupe Plecotus s'intéresse à l'observation, l'étude, la protection des chauves-souris, ainsi que la sensibilisation et des activités d'éducation du public. En plus de cela, il a mis en place le service "SOS chauves-souris", qui permet aux particuliers de demander des conseils ou de signaler la présence d'une colonie de chauves-souris chez eux. (Site Plecotus) Lors du camp thématique organisé dans le cadre du projet LIFE et ouvert aux adolescents, des intervenants de ce groupe nous ont fourni de nombreuses informations sur la vie de ces mammifères volants. Nous avons également pratiqué le montage et démontage des filets servant à capturer les chauves-souris. Notre rôle, en tant que stagiaires, était de placer les filets, repérer et signaler les chauves-souris piégées et globalement, assister les personnes manipulant les chauves-souris. Seules les personnes habilitées (vaccinées contre la rage, maladie toujours présente chez ces animaux) et ayant une autorisation (du DNF) peuvent manipuler les individus (mesures poids, taille, sexe,...). 4.3. Contexte physique Les colonies de chauves-souris que j'ai observées se situent à Revogne, Rochefort, Couvin et Vaucelles, toutes incluses dans la région de Fagne-Famenne et de la Calestienne, dans la zone délimitée pour le projet LIFE Prairies bocagères (Fig. 3). La région de Fagne-Famenne dont l’altitude est comprise entre 140 et 300 m, est composée essentiellement de terrains schisteux. La Fagne se situe à l'Ouest de la Meuse, et la Famenne à l'Est, entre le Plateau du Condroz et le Plateau ardennais. Les vallées sont traversées par des cours d'eau, dont la Lesse en Famenne. Cette région est formée de roches schisteuses et schisto-gréseuses, qui génèrent des sols argileux compacts, souvent superficiels, de mauvaise qualité. 11
La zone de la Calestienne se situe au Sud de la Fagne-Famenne (Fig. 5). Elle s'étend sur une bande d'environ 10 km de large et 130 km de long. Elle a un relief marqué et forme un plateau calcaire, ne subsistant le plus souvent que sous forme de tiennes (buttes allongées) avec quelques zones schisto-gréseuses. De nombreux phénomènes karstiques y prennent place. L'altitude est légèrement plus élevée qu'en Fagne-Famenne puisqu'elle varie entre 200 et 350 mètres. Elle est formée de nombreuses vallées encaissées, parcourues par des cours d'eau, l'Eau Blanche et l'Eau Noire, avec leurs affluents. (Site biodiversité Wallonie) Fig. 5: Région Fagne-Famenne et Calestienne (http://www.acasecondaire.be/olloy/) 4.4. Contexte socio-économique La Fagne-Famenne et la Calestienne sont situées loin de tout grand centre urbain. Le camp militaire de Marche-en-Famenne est toutefois à prendre en compte au niveau offre d'emplois et population locale. Les sols présentent de fortes contraintes pour l'agriculture, les zones agricoles sont principalement des prairies. La région de Fagne-Famenne est vouée à l'élevage (45% de sa surface) et à l'occupation par des bois et forêts (plus de 50 %), qui sont essentiellement des taillis-sous-futaie de chênes. Elle est constituée essentiellement d'argiles gonflants, ce qui empêche les cultures, en effet, le sol est trop sec en été et trop humide en hiver. (C. Billen) Les principales activités économiques en Calestienne se limitent à quelques brasseries ainsi que la carrière de la Boverie, gérée par Lhoist Industrie, pour extraire le calcaire (chaux). Cette multinationale est actuellement en conflit avec la brasserie de Rochefort pour l'approfondissement de la carrière. L'abbaye de Rochefort s'inquiète de la qualité de l'eau pour le brassage de la bière suite à l'approfondissement (172 m) de la carrière, tandis que Lhoist Industrie assure que la qualité restera identique. (Site Carrière de la Boverie). Ces deux régions présentent un des plus haut taux de chômage en Belgique: environ 13 % à Marche- en-Famenne, contre une moyenne nationale d'environ 9%. La ville de Chimay a un taux de chômage proche 19 % (L'avenir). Le taux de chômage est moindre à Marche-en-Famenne sans doute par la présence du camp militaire. 12
5. Analyse du fonctionnement 5.1. Organisation globale Comme tout projet LIFE, le projet LIFE Prairies bocagères est parti du constat que les milieux bocagers étaient en mauvais état de conservation. En effet, les nombreux amendements apportés à ces prairies, arbres et haies détruits, ainsi que les mares et autres éléments aquatiques asséchés ont modifié l'équilibre de ces prairies bocagères. (T. Goret, comm. pers.) Les terrains sur lesquels se déroulent les projets LIFE, ou les activités des groupes thématiques d'asbl telles que Natagora sont variés. Les projets LIFE cherchent à acquérir ou rétablir des milieux particuliers (listés dans Natura2000), tandis que les groupes de travail (par exemple Plecotus), sont actifs aux endroits où sont présentes leurs espèces d'étude. Natagora a donc une grande diversité de sites de travail, avec des caractéristiques différentes et propres à chaque lieu. Les projets LIFE vont concentrer leurs actions sur les réserves existantes et sur des sites potentiellement restaurables à acheter ou à louer aux propriétaires. Leur mise en œuvre et leur réussite à long terme requiert une série d'étapes. Le projet LIFE Prairies bocagères a commencé en 2012 et se terminera en 2019. Il comporte plusieurs objectifs. Premièrement, il faut préparer, c'est-à-dire inventorier l'état actuel des habitats et des espèces, ainsi qu'étudier les techniques de restauration possibles, pour pouvoir ensuite appliquer les plus efficaces à la restauration. Cette étude se fait grâce à des essais sur le terrain. Un an après le début de ce projet, cette étape est presque atteinte. Le deuxième objectif consiste à protéger ces sites en leur attribuant le statut de réserve naturelle. Le troisième objectif est la restauration des sites. Pour cela, des interventions manuelles et/ou mécaniques sont nécessaires (Fig. 6). Le quatrième objectif est la gestion de ces réserves, pour le maintien d'un bon état de conservation à long terme. Une association avec les agriculteurs est alors nécessaire, car ils effectueront cette gestion, tout en en retirant une production économiquement viable. Le dernier objectif consiste à sensibiliser le public local de l'intérêt de leur région, ainsi que les agriculteurs et les gestionnaires, à la conservation de la nature et aux services qui lui sont associés. Le projet consiste à mettre en place un Fig. 6: Dégagement d'une mare lors du stage avec les système de suivi des espèces et des habitats pendant, mais participants du camp Jeunes et Nature également après le projet. (T. Goret). (http://www.lifeprairiesbocageres.eu) 5.2. Contraintes 5.2.1. Humaines Comme le bon fonctionnement du projet se base essentiellement sur les bénévoles, une des contraintes les plus importantes est humaine. Elle comprend l'inexpérience des gens amenés à diriger ces projets ainsi que la disponibilité et la "bonne volonté" des bénévoles pour faire avancer ce projet. Cette contrainte sera développée plus en détail par la suite. 5.2.2. Temporelles Les personnes employées lors de ces projets sont toutes sur contrats temporaires. La plupart d'entre elles ne sont pas des spécialistes du sujet particulier du LIFE et doivent donc se former en même temps. Les projets LIFE se déroulent sur des durées relativement courtes en termes de restauration de milieux, ce qui signifie que les délais sont parfois courts pour mener à bien la réalisation de l'entièreté du projet. Le LIFE Prairies bocagères a une durée de 7 ans, ce qui est plus long que les LIFE précédents, qui avaient plutôt une durée de 5 ans (Site European Commission). 13
Les autorités se sont rendues compte lors des LIFE précédents (LIFE I, II et III) que le temps laissé pour compléter ces projets était fort court et donc les programmes LIFE + (de 2007 à 2013) ont pris ce facteur en compte et ont augmenté la durée de certains projets (par exemple le LIFE Papillons). 5.2.3. Suivi Comme les projets LIFE sont limités dans le temps, il n'est pas possible de faire un suivi à long terme dans le cadre du projet en lui-même. Ce suivi doit donc être assuré par les particuliers qui ont participé au LIFE et par les scientifiques du SPW (DEMNA). Des problèmes de financement apparaissent également à long terme, car les contrats avec les co-financeurs et donateurs sont terminés. Pour moi, ce suivi post LIFE est un des points qu'il faudrait améliorer, pour que les LIFE puissent avoir un impact plus important sur le long terme. Des moyens humains et financiers devraient être dégagés par la Région wallonne. Il y a très peu de suivis sur les actions prises durant les LIFE, ou sur ce qui a bien fonctionné. Ce qui veut dire que si un autre projet (pas spécialement dans le cadre d'un LIFE) commence sur la même thématique, les acteurs recommencent sans profiter de l'expérience acquise. Je pense pourtant qu'il ne serait pas trop contraignant de garder un compte-rendu de tout ce qui a été fait, pour pouvoir servir de guidelines aux suivants et organiser des rencontres "partage d'expertise". 5.2.4. Naturelles: géographiques, climatiques Les bureaux mis à disposition par Natagora se situent à Namur tout près de la gare. Par contre, une grande partie du travail se fait sur le terrain, qui n'est pas toujours accessible par les transports en commun. Ces sites se trouvent dans des réserves, ou non, comme pour la reconnaissance de prairies qui vont être achetées par le projet LIFE, ... Les contraintes climatiques sont très importantes, notamment pour tout ce qui concerne les récoltes. Les agriculteurs faisant partie du projet LIFE Prairies bocagères doivent réaliser une fauche tardive (Fig. 7), après le15 juillet, et ce, pour permettre aux plantes herbacées de compléter leur cycle de reproduction. Cette année, à cause du long hiver, les fauches tardives ont été particulièrement propices aux agriculteurs, qui, en fin de compte, ont eu des Fig. 7: Fauche tardive avec bande résultats similaires à ceux des autres agriculteurs qui ne pratiquent pas de refuge fauche tardive. Bien sûr, ces fauches n'ont pas rempli leur rôle, vu que toutes (http://www.lifeprairiesbocageres.eu) les plantes n'ont pas pu compléter leur cycle de développement. Des bandes refuges sont également demandées des agriculteurs. Il s'agit de laisser des bandes de 2 mètres de large le long de prairies, non fauchées. Ces bandes refuges permettent aux insectes, principalement, de continuer à trouver de la nourriture même si le reste de la parcelle est fauché. J'ai ainsi pu observer que ces bandes accueillent des quantités élevées de papillons. 5.2.5. Matérielles Comme les actions de l'asbl Natagora et du projet LIFE sont réparties sur une zone de superficie étendue, et que différentes personnes travaillent à différents endroits en même temps, la disponibilité du matériel pose parfois problème. De plus, lors d'activités comme le dégagement d'une mare, ce sont les mêmes outils, mais en grand nombre, qui sont nécessaires. Des bénévoles gardent alors chez eux tout un stock de matériel: sécateurs, bêches,... que les membres du projet LIFE, ou plus globalement de Natagora, peuvent venir emprunter quand ils en ont besoin. Les locaux dans lesquels travaillent les personnes du projet LIFE ainsi que les ordinateurs sont prêtés par Natagora pour la durée du projet. Lors du camp "chauves-souris", nous nous déplacions entre les différents endroits à vélo. Les membres de Plecotus qui nous accompagnaient pour les captures prenaient le matériel nécessaire dans leur voiture. Il y a eu quelques soucis matériels sur les vélos. Mais pour les régler, nous 14
dépendions de ces personnes motorisées car personne au camp ne disposait d'une voiture pour emmener les vélos en réparation. Cette contrainte nous a parfois fait perdre beaucoup de temps. 5.2.6. Financement Le LIFE Prairies bocagères rassemble une somme de 4,12 millions d'euros, dont 50% proviennent de l'Union Européenne. Natagora rassemble 2,057 millions d'euros et Virelles rassemble 2,500 euros. La majorité de cet argent contribue à l'achat de terrains à restaurer (41,26%) et au frais de personnel (34,65%). Le reste du budget est utilisé pour l'achat de matériel, etc. (Voir annexe 4 pour détails). A chacune des actions est associée une part financière pour le personnel, la subsistance, l'aide extérieure si nécessaire, les infrastructures, l'équipement, l'achat ou la location des terres, et autres couts. La répartition du budget du projet entre postes financiers est bien établie ainsi que la planification des dépenses, ce qui me semble important pour un projet de cette ampleur. 5.3. Développement d'une contrainte, contrainte humaine Le projet LIFE se base sur un partenariat avec des bénévoles, le groupe Plecotus, des agriculteurs et l'asbl Jeunes et Nature (pour les camps). Le projet est dirigé par un chef de projet. Pour le LIFE Prairies bocagères, il s'agit de Thibault Goret. Les chefs de projet sont des personnes très engagées, motivées, enthousiastes, mais qui n'ont souvent aucune ou très peu de connaissances sur la thématique du projet et plus précisément sur les techniques de restauration à mettre en œuvre. Les bénévoles ne sont pas non plus spécialement formés pour ces projets. Ces projets LIFE reposent donc sur un très faible effectif en personnel, qui doit être formé en un court laps de temps à des tâches nouvelles. Dans ce cas, par contre, T. Goret, ayant été conseiller MAE durant plusieurs années, puis agriculteur, les difficultés sont moindres. Le LIFE Prairies bocagères repose ainsi beaucoup sur le groupe Plecotus pour tout ce qui concerne l'expertise chauves-souris. Le projet LIFE compte également sur des bénévoles. Ceux-ci sont un atout du projet LIFE, car ils habitent dans le territoire et peuvent donc rapidement être sur place comme représentants du LIFE lors de problèmes, ou pour les actions de gestion (dégagement ou creusement de mares,...). Ils offrent également une grande diversité de compétences. Il faut tout de même prendre en compte qu'il s'agit de bénévoles, et non de professionnels, avec des expertises variables. Le projet compte également beaucoup sur leur bonne volonté, et bien sûr, leur disponibilité. Il faut donc bien cerner le problème auquel le LIFE est confronté pour pouvoir envoyer le bénévole le plus apte à le résoudre. Par exemple, j'ai rencontré un bénévole garagiste, très bricoleur, passionné par les chauves-souris. Il avait un enregistreur de sons de chauves-souris à sa disposition mais ne s'en sortait pas pour le traitement des données. Par contre, en une après-midi, il a amélioré un détecteur en lui ajoutant une lanière pour le porter plus facilement, et surtout ne pas le perdre lors de traques de chauve-souris, qui sont parfois assez hasardeuses. Une chose essentielle entre tous les acteurs pour permettre le bon fonctionnement du projet est la communication, entre le bureau et les volontaires, mais également avec les agriculteurs et acteurs de terrain. Un autre exemple que j'ai rencontré durant mon stage est celui d'un agriculteur possédant une prairie de haute valeur biologique, faisant partie du projet LIFE. Mon maître de stage voulait faire moissonner cette prairie (par l'entreprise ECOSEM) pour récolter le mélange de graines et pouvoir sursemer une autre prairie de faible valeur biologique en restauration, située à quelques kilomètres. Il y a eu un malentendu entre lui et l'agriculteur car ce dernier a fauché la prairie, pensant que le chef de projet comptait juste récupérer quelques ballots (une autre technique utilisée pour ramener des graines dans une prairie). Pour finir, il a été décidé, avec le conservateur de la réserve, de récupérer une partie des ballots de cette prairie et de faire une moisson de graines sur une partie des zones refuges de cette même prairie. 15
Vu le nombre de volontaires et bénévoles présents, la main d'œuvre lors des actions de gestion est rarement un problème. Par contre, l'encadrement par des personnes compétentes, peut l'être. Dans le cadre du camp sur les chauves-souris, il fallait deux personnes aptes à manipuler les chauves- souris chaque soir, pour pouvoir former deux groupes de capture à deux endroits différents. Tout le monde ne peut manipuler les chauves-souris, car ce sont les seuls animaux en Belgique encore vecteurs de rage. Il faut donc être vacciné pour pouvoir manier ces mammifères en toute sécurité. De plus, il faut savoir comment les manœuvrer. Finalement, une autorisation délivrée par le DNF (Division Nature et Forêts) sur avis du Conseil Supérieur wallon de la Conservation de la Nature est nécessaire pour pouvoir les capturer, déplacer des colonies ou poser un émetteur. Le projet LIFE se base donc énormément sur le volontariat des personnes et leur disponibilité. Je ne pense pas que ce soit un système de fonctionnement optimal. Une équipe plus étoffée de personnes choisies pour leurs compétences et rémunérées rendrait leur implication plus prévisible. Cependant, les projets LIFE comportent toujours un volet sensibilisation du public et le fait de motiver les habitants de la région rend ce projet participatif et permet d'impliquer les acteurs locaux dans ces enjeux environnementaux (et sociétaux). Dans le cadre du camp, nous nous rendions d'un endroit à l'autre en vélo, sauf une nuit où le site était trop éloigné (environ 35 km) et on nous y a emmenés en voiture, mais cela posait le problème d'avoir assez de voitures pour emmener tout le monde en plus du matériel. Donc ce n'est pas tout d'avoir des bénévoles, il faut également pouvoir fournir le matériel et les moyens de transport si nécessaire. Je ne trouve pas normal qu'un pays riche comme la Belgique se repose autant sur les bénévoles pour la conservation de la nature. Etant donné que l'Union Européenne finance les projets LIFE à environ 50%, il me semble que la Région wallonne pourrait faire plus d'efforts pour ne pas baser la conservation de la nature en grande partie sur des bénévoles. Pour moi, les aides financières que peuvent recevoir les agriculteurs par le biais des MAE ne sont pas suffisantes, la Région wallonne pourrait faire plus, par exemple, mieux rémunérer du personnel qualifié, encadrer des volontaires locaux (avec rémunération minimale), engager des moyens humains et financiers pour le suivi à long terme de ces actions de restauration. Et il serait utile de proposer une politique de conservation de la nature en précisant des objectifs de restauration et de gestion en termes d'habitats et espèces prioritaires, surfaces, budget, etc. Néanmoins, je comprends l'importance des bénévoles, que ce soit pour la réalisation de projets ou simplement pour le fait que des gens se soucient assez de la nature et sa conservation pour y consacrer une partie de leur temps. Je trouve que cette participation est une bonne idée, car cela permet une plus grande sensibilisation des gens s'ils sont directement impliqués dans les projets. De plus, je ne pense pas que ces projets seraient réalisables, que ce soit sur la durée du projet ou sur le long terme, sans l'action de ces bénévoles. Malgré ces limites, je ne doute pas que ce projet LIFE puisse réaliser ses objectifs et réellement permette de restaurer ces prairies bocagères. 16
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