Denis Martin - Galerie Convergences

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Denis Martin - Galerie Convergences
Denis Martin

   Galerie Convergences 2021
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Denis Martin - Galerie Convergences
Denis Martin - Galerie Convergences
Denis Martin

À ma mère, Lucienne

                      Galerie Convergences 2021
Denis Martin - Galerie Convergences
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 21 x 15,5 cm

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Denis Martin - Galerie Convergences
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 21 x 15 cm

                                                                     5
Denis Martin - Galerie Convergences
D.M. 21
    On ne sait jamais vraiment sur quoi reposent les affections immédiates, instantanées,
    qu’il nous arrive d’éprouver pour l’œuvre d’un artiste, ou ce qu’il nous en laisse deviner.
    Et je soupçonne, si on le savait, que ce « mouvement vers » perdrait aussitôt de son élan,
    que les remous intimes qu’il provoque – jusqu’au saisissement, parfois – n’auraient pas
    la même intensité. Un émoi sans titre, pour reprendre celui que Denis Martin donne
    systématiquement à chacun de ses travaux, quel qu’en soit le support.

    Voici maintenant près d’une vingtaine d’années que m’accompagne une petite huile sur
    papier acquise en son temps, alors que j’ignorais tout de son auteur, dans une galerie
    sur cour de la rue Vieille-du-Temple. Et dont le mystère, chaque fois que mon regard
    se pose (et se repose) sur elle, demeure entier – même si le mot « mystère » n’est sans
    doute pas le plus approprié. Car rien ne devrait être moins mystérieux. C’est la matière
    qui s’exprime là, au moins autant que la couleur. Et ce que le peintre donne à voir,
    c’est le point d’équilibre, d’une force et d’une fragilité extrêmes, que leur rencontre
    permet chaque fois d’atteindre, et qui semble tenir à parts égales du tourment et de son
    exorcisme, de la conjuration de l’un par l’autre ou d’un pacte noué entre eux.

    « Prison montrée n’est plus une prison », pour citer un poète qui fut également peintre
    et dessinateur – et quel. Combat mené n’est plus combat. Paix dans les brisements
    plutôt, pour reprendre le titre d’un recueil, cette fois, du même Henri Michaux. S’il y a des
    tempêtes miniatures dans chacun des travaux de Denis, on y perçoit aussi bien le calme
    qui les suit. Des arêtes de lumière rédiment la noirceur qui les entoure et les assiège.
    On peut y voir, selon le cas, des herbes folles ou des bourrasques, des formes ramassées
    sur elles-mêmes ou flottant entre deux eaux, des éclaboussures ou des étamines, des
    embarcations immobiles et des corps qui chutent ; on peut aussi croire reconnaître, ici et
    là, un lit ou une simple chaise, une aile, un œil ou un rostre, ou encore l’équivalent d’une
    croix éponyme sur une fosse commune.

    Il s’agit, dans tous les cas, des épisodes d’une lutte à l’issue par nature incertaine, et qui
    procède elle-même d’une attention aiguë, douloureuse, au réel et à ses épiphanies. À
    ceci près que les traces laissées, et désormais fixées, disent assez (à mi-voix, sur le ton de
    la confidence) que la lutte est à la fois sans fin et maintenant consommée, et qu’il nous
    appartient de rebaptiser certaines défaites, celles-là mêmes que la peinture de Denis
    Martin s’attache, et parvient, à rendre obsolètes.
                                                                            Gilles Ortlieb

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Denis Martin - Galerie Convergences
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 29 x 22 cm

                                                                     7
Denis Martin - Galerie Convergences
Sans titre.
    Caséine, crayon et huile sur papier,
                     2020 – 13 x 13 cm

                                            Sans titre.
                                            Caséine, crayon et huile sur papier,
                                            2020 – 17 x 9 cm

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Denis Martin - Galerie Convergences
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 33 x 23 cm
                                                                     9
Denis Martin - Galerie Convergences
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 13 x 9,5 cm

     Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 15 x 17 cm

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Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 22 x 17,5 cm

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Denis Martin – Frêle esquif
                                                            « Le poète s’accroche à son mot,
                                                           rien qu’à son unique mot, comme
                                                          un homme qui se noie à un espar. » 1
                                                                                 Virginia Woolf

          Frayant avec le fond gris clair tourmenté qui recouvre la feuille, un fil de fusain faseye
     jusqu’à faire giter l’épaisse masse sombre posée sous lui. À l’aplomb, une autre ligne, coup
     de fouet celle-ci, en désigne le profil, depuis le plat-bord jusqu’à l’étrave, tandis qu’un sillage
     noir s’écoulant du bas-côté se disperse dans l’écume du papier. Vague silhouette voguant
     sans voiles ni vents ni flots et voguant cependant, brisant lames, telle serait la nef amenuie,
     de souvenirs extenuée, où viendrait se résumer tout un pan de l’art de Denis Martin.

          Quoiqu’elle s’apparente aux autres embarcations qu’il peint (comme elles gréées de lacs
     détachés de leur base profonde, comme si le dessin n’échappait à la peinture qu’en refusant
     de faire le poids avec elle), elle en diffère par son allure et sa position. D’abord, parce que
     le peintre a, pour ainsi dire, arraisonné ses autres bateaux, réduisant leur mouvement à
     l’indéfinition de leurs contours qui leur confère cette densité mêlée d’instabilité caractéristique
     des photographies anciennes sur lesquelles la lumière et le temps tardaient à se déposer.
     Ensuite parce que leur arraisonnement les installe entre deux eaux qu’ils partagent, leurs
     masses se situant chaque fois à la limite de deux plages chromatiques comparables en dépit
     de leurs disparités de tonalités et de superficies.

          Dans ces conditions, leur position intermédiaire résulte moins d’un principe
     compositionnel a priori que d’un travail a posteriori, au cours duquel, avec une négligence
     méticuleuse, Denis Martin laisse reposer sur le sol taché de son atelier des feuilles de papiers,
     la plupart coréens, que l’on dit nuageux en raison de leur irrégularité. Ils s’y imprègnent
     de salissures et d’éclats avant que le peintre n’entreprenne de les embuer d’huile et de les
     couvrir de pigments. À l’embu du papier succède l’estompe des couleurs dont il tire une
     patine qui les absorbe sans les engloutir intégralement. Là encore, Denis Martin compose
     moins son coloris qu’il ne l’implique, suivant une méthode où l’enduit induit ses propres
     dessous colorés 2.

          En dépit de ses nouveaux reliefs et de ses accidents, le lit ainsi obtenu conserve une
     certaine homogénéité d’aspect, ou à tout le moins une planéité qui rappelle encore le papier

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Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 68 x 57 cm

                                                                     13
à l’origine de l’élaboration. C’est à ce stade qu’intervient ce qu’on pourrait provisoirement
     désigner du nom de « figure ». Non qu’elle soit systématiquement identifiable comme telle,
     mais parce que, soit par empâtement, soit par rehaut, la blancheur de la caséine rompt
     l’obscurité de la gamme et en indique une possible cime. L’élément ainsi marqué prend, vis-
     à-vis de son champ d’apparition, la valeur d’un repère.

           Chez Denis Martin, la « figure », pourtant, se distingue difficilement du fond qui, de
     tous côtés, mord sur elle. Indistinction qui a valeur de signal, en tant qu’elle se présente
     comme l’indice rétrospectif d’un processus d’écrasement spatial au cours duquel le peintre
     substitue à l’espace représenté, réputé perspectif, une série d’écrasis. Leur succession
     institue progressivement un lieu pictural qui se révèle pour partie étranger à la notion même
     de « figuration ». Dans une certaine mesure, on pourrait même soupçonner Denis Martin de
     chercher à épuiser ce qu’il y a de notionnel dans la figure. En lui ôtant sa profondeur et
     en effrangeant ses limites, il la met à nu, retranchant d’elle tout ce qui la rend lisible une
     fois détourée, une fois munie de ce glacis protecteur qui certes garantit son intelligibilité,
     mais dont, à l’usage, la nécessité picturale s’avère inférieure à celle de l’entremêlement, y
     compris s’agissant de recevoir des éléments extérieurs à la peinture ; on y reviendra. D’où
     l’aspect paradoxalement dépouillé des accumulations sur lesquelles le peintre fonde sa
     pratique, et la vulnérabilité des « figures » qu’il y insère – d’où, aussi, la versatilité de leur
     statut iconographique.

          En forçant quelque peu le trait, on pourrait soutenir que, sous le rapport à la
     ressemblance, l’allégeance d’une figure est toujours double. Ou bien elle ressemble à l’objet
     qu’elle imite, en sorte que l’on peut, à travers elle, l’identifier, voire illustrer, par l’entremise
     de symboles et d’allégories, des idées sans équivalents plastiques ; ou bien, au contraire,
     elle a la peinture pour semblance, et alors la trajectoire de reconnaissance qu’elle initie
     ramène immanquablement celui qui l’emprunte à son point de départ, c’est-à-dire au fait
     pictural qu’établit la figure avant de figurer autre chose que ce fait-là. L’habitude veut qu’un
     tel parcours relève du domaine de l’abstraction, quand l’expérience enseigne, comme chez
     Denis Martin, qu’il est le plus souvent semé d’allusions à consonances figuratives.

          Pour autant, ce problème catégorique ne concerne pas directement la peinture,
     seulement l’interprétation qui s’est donnée pour tâche d’en rendre compte en cherchant
     à discerner sous l’objet pictural le sujet qui lui préexisterait. En se cramponnant à cette

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Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 54 x 76 cm

                                                                     15
prééminence du sujet, fût-ce pour la contester, pareille opération d’élucidation tourne
     ordinairement à la confusion en surestimant l’intention de l’artiste – sa subjectivité – au
     détriment de la puissance formatrice de la peinture elle-même – de son objectivité formelle.
     Afin d’embrasser ces deux dimensions de l’acte de peindre sans les réduire à un face-à-face
     ou à une alternative, peut-être vaut-il de recourir à un tiers terme : celui de motif.

           Là où le sujet réclame une forme sous laquelle, tout bien pesé, la matière pourrait
     s’effacer et passer par perte à son seul profit à lui, le lien étroit qu’à l’inverse le motif
     entretient avec la matérialité n’atteint son plein développement qu’au moment où la forme
     menace précisément de se diluer dans leur mélange. Aussi le risque de dilution est-il inhérent
     au motif en ce que celui-ci est foncièrement impur, ménageant toujours à la matière sa
     part d’espace, quelquefois même une vacance, apparaissant aux yeux du peintre sous les
     dehors d’un potentiel réservoir de formes. Car s’il arrive qu’un motif l’obsède, c’est moins, en
     définitive, par les sujets qu’il est susceptible de contenir que par les possibilités de peinture
     qu’il contient effectivement.

           Dire, par conséquent, de Denis Martin qu’il a pris des bateaux pour sujets ou soutenir,
     à l’opposé, qu’ils ne sont pas le sujet de sa peinture, c’est, dans les deux cas, n’indiquer
     qu’une seule des dimensions qu’en tant que motifs ils déploient. Ni figuratifs, ni abstraits,
     pas même informes, sauf à considérer qu’ils dérivent de leurs formes initiales, les bateaux
     de Denis Martin reproduisent les structures muables de l’imaginaire. À travers eux, les trois
     modalités de l’image que pourraient être le vu, le visible et l’imprévisible 3, s’articulent en
     effet à la triple temporalité de l’imagination : celles du souvenir, de l’actuel et du virtuel. Pris
     dans les rets de la transformation picturale, le motif tout à la fois refigure son modèle, se
     figure matériellement, et préfigure les autres motifs contenus en lui.

           Cette faculté d’appariement du divers qui est, pour la peinture, de l’ordre de l’évidence,
     pose à l’écriture une difficulté qu’elle ne surmonte qu’en essayant d’atteler malgré tout ce
     qu’elle doit séparer. Témoin de cette tentative, un court texte du poète Mathieu Bénézet,
     intitulé « Le rêve blanc de Denis Martin », où il décrit plusieurs de ses motifs antérieurs
     comme « des personnages-fleurs-squelettes » 4. De fait, les figures qui peuplent l’univers du
     peintre depuis une vingtaine d’années, qu’elles soient ou non animées, possèdent chacune
     quelque chose de floral et de spectral tout à la fois ; et réciproquement : ses fleurs pourraient
     être des têtes, ses crânes des bourgeons, ses barques des carcasses. Mais si la chaîne de

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Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 57 x 76 cm

                                                                     17
mots choisis par Mathieu Bénézet consonne bel et bien avec l’œuvre de Denis Martin, elle a
     ceci d’intrigant qu’en parallèle elle résonne aussi avec un autre texte, et que cette résonance
     met au jour la densité historique blottie dans le jeu des motifs qu’il met en œuvre.

           Dans sa célèbre préface au catalogue de l’exposition Alberto Giacometti qui s’est tenue
     en 1948 à la galerie Pierre Matisse de New York, Jean-Paul Sartre paraît hésiter à définir
     d’un mot ces sculptures d’un genre nouveau quoique très ancien qu’avec ses contemporains
     il découvre. S’il comprend qu’« à ces corps-ci, quelque chose est arrivé », il ne sait pas quoi,
     « sortent-ils d’un miroir concave, d’une fontaine de Jouvence ou d’un camp de déportés ? »,
     se demande le philosophe, qui poursuit sans conclure : « Au premier regard, nous croyons
     avoir affaire aux martyrs décharnés de Buchenwald. Mais l’instant d’après nous avons
     changé d’avis : ces natures fines et déliées montent au ciel, nous surprenons tout un envol
     d’Ascensions, d’Assomptions ; elles dansent, ce sont des danses, elles sont faites de la même
     matière raréfiée que ces corps glorieux qu’on nous promet. Et quand nous sommes encore à
     contempler cet élan mystique, voici que ces corps émaciés s’épanouissent, nous n’avons plus
     sous les yeux que des fleurs terrestres. » 5

           Des corps, donc, qui sont des spectres qui sont des fleurs qui sont des figures de plâtre
     et de métal comme les « personnages-fleurs-squelettes » de Denis Martin sont de papier, de
     toile, d’huile, de fusain et de caséine… par associations d’idées, de souvenirs et imbrications
     de matériaux.

          Envisagée sous l’angle de l’histoire des formes, cette logique agrégative aurait dû
     amener le peintre sur le terrain de l’allégorie, et révéler sa propension à la mélancolie. Le
     mélancolique d’autrefois était ce contemplatif que ses méditations conduisaient à échafauder
     des figures pleines d’imagination 6. Dans ce cas, pareil artiste aurait imaginé, par exemple,
     une figure humaine tenant dans une main un bouquet et dans l’autre un crâne, si bien
     qu’en la regardant chacun aurait saisi sans difficulté qu’il avait affaire à une vanité de type
     memento mori. La mémoire qu’évoque Denis Martin, de même que le type de mort(s) qu’elle
     convoque, sont plus difficiles à saisir. Ses motifs manquent d’un verbe qui opérerait, autour
     de la figure, une claire répartition de ses attributs afin de les distinguer les uns des autres,
     et de rendre aisément discernable, sous le souvenir, sa signification.

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Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 57 x 73 cm

                                                                     19
Sans titres.
     Caséine, crayon et huile sur toile,
              2020/2021 – 65 x 54 cm

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Or son imaginaire à lui n’est pas allégorique, il n’en a pas la plénitude de sens ; il est
     allusif, et comme troué d’allusions. C’est pourquoi la mélancolie perceptible dans l’œuvre
     de Denis Martin est d’une teneur mémorielle autre que celle d’avant – d’avant les camps.
     Aussi l’éveil d’un sens sinon supérieur, du moins extérieur à l’œuvre, ne constitue-t-il pas son
     prolongement naturel, mais fait au contraire retomber sur elle tout le poids d’une mémoire
     historique par laquelle, pour peu qu’on s’en souvienne, dans l’imaginaire d’aujourd’hui, la
     fleur voisine nécessairement avec le déporté puisqu’il n’est pas de mot pour les discerner.

           Par quoi on comprend, d’une part, que l’épuisement de la notion de figure procède de
     celui de la notion d’allégorie, transformant du même coup celle de mélancolie, et que, d’autre
     part, cet épuisement résulte d’une certaine conscience historique, qu’elle en est l’agent
     trouvant littéralement dans l’œuvre sa matérialisation. De là la physionomie éminemment
     allusive et – jusqu’à un certain point – commémorative, de la peinture de Denis Martin.

          Un point, cela dit, qui n’a pas vocation à être fixé, mais qui, en réalité, s’appréhenderait
     plutôt sous l’espèce d’une ligne, pour ne pas dire une lignée, que Denis Martin remonte en
     compagnie d’autres peintres de l’allusion et de la commémoration, dont Zoran Music et
     Miklos Bokor pourraient être quelques-uns des principaux jalons. Leurs passés respectifs (le
     premier fut déporté à Dachau sous un prétexte politique, le second à Auschwitz-Birkenau
     parce qu’il était né Juif) ont laissé, sur leurs œuvres postérieures, une empreinte évidemment
     profonde, ce qui ne signifie pas qu’elle y paraisse de manière évidente.

            Ce paradoxe se vérifie y compris lorsqu’en 1969, avec la série Nous ne sommes pas les
     derniers, Zoran Music reprit ses dessins de cadavres réalisés au moment de la Libération qui
     l’avaient alors frappé « en raison de leur espèce de beauté, de beauté tragique » 7, comme
     s’il les avait toujours regardés en peintre – comme des motifs. En comparaison, l’œuvre de
     Miklos Bokor est certainement plus allusive, lui qui recommandait, pour peindre, d’« abdiquer
     de soi-même, abdiquer de tout vouloir ; se rendre ouvert, disponible, n’être qu’une caisse
     de résonances » 8 à même « d’exprimer le rapport des hommes à leur temps » – à ce temps
     marqué du fait qu’« il s’est passé à Auschwitz quelque chose qui reste tapi dans la société
     comme une béance, une blessure qui ne se referme pas. » À cet égard, concluait Miklos
     Bokor, « il n’y a eu que Giacometti pour donner une image, tenter une définition de l’homme
     déchiré, de l’homme amoindri de notre siècle. » 9

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Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 57 x 76 cm

                                                                     23
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Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 57 x 76 cm

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Une image, toutefois, qui dit aussi quelque chose de sa grandeur, comme si, en
     recherchant l’échelle de représentation appropriée à la figure humaine, Giacometti était
     parvenu à doter ses figures d’une forme dont la justesse les rend effectivement mesurables à
     leur époque, là où lui ne cherchait apparemment qu’à les mesurer à leur espace 10. Une partie
     de l’indécision sémantique dans laquelle se tenait Sartre découle de cette contradiction entre
     les moyens et les fins. Contradiction que l’identification d’un sujet ou celle de son absence
     permet certes de résoudre, mais pas nécessairement de comprendre comment une œuvre
     déliée de son temps lui revient, fût-ce sur ce mode allusif où le motif d’une histoire passée
     s’accorde au présent de la matière.

           Sa présence avant toute autre considération confère à la matière la primauté d’une
     donnée immédiate de l’art à laquelle Denis Martin n’envisage certainement pas de déroger.
     Elle serait, en quelque sorte, son premier « sujet » à partir duquel un motif émerge pour la
     continuer en s’y incorporant jusqu’à quelquefois s’y enfouir. Ce travail d’ensevelissement,
     néanmoins, ne vise pas tant à celer un motif comme on défend un sujet qu’à le préserver,
     à sauvegarder ses harmoniques passées et ses affinités à venir, dans l’éventualité, par
     exemple, où les temps s’obscurcissant, les rivages s’éloignant, ne reste à vue qu’un frêle
     esquif pour espar.
                                                                       Paul Bernard-Nouraud

     1 /	WOOLF, Virginia, « Lettre à un jeune poète », 1931, in L’Art du roman [1979], tr. de l’anglais par R. Celli, Paris, Seuil, coll. « Points
           Signatures », 2009, p. 200.
     2 /	Cf. ESCOUBAS, Éliane, « Enduire-induire ou la physionomie de la peinture. À propos des peintures “noir sur noir” de Pierre Soulages »,
           in L’Espace pictural [1995], Paris, Les Belles Lettres, coll. « encre marine », 2011.
     3 /	Cf. BENHAMOU, Maurice, Le Visible et l’imprévisible. Essai, Paris, L’Harmattan, coll. « Espaces littéraires », 2006.
     4 /	BENEZET, Mathieu, « Le rêve blanc de Denis Martin », Le Préau des collines n° 13, 1er mai 2012, p. 3.
     5 /	SARTRE, Jean-Paul, « La recherche de l’absolu », 1948, in Situations, III, lendemains de guerre, Paris, NRF Gallimard, 1949, p. 302-
           303.
     6 /	Cf. sur ce point : KLIBANSKY, Raymond, PANOFSKY, Erwin, SAXL, Fritz, Saturne et la Mélancolie. Études historiques et philosophiques :
           nature, religion, médecine et art [1924-1964], tr. de l’anglais et d’autres langues par F. Durand-Bogaert et L. Évrard, Paris, Gallimard,
           coll. « Bibliothèque illustrée des histoires », 1989.
     7 /	PEPIATT, Michael, Zoran Music. Entretiens 1988-1998, Paris, L’Échoppe, 2000, p. 13.
     8 /	« Dans l’atelier de Miklos Bokor. Entretien avec Yves Bonnefoy », 1996, in Miklos Bokor, Paris, galerie Lambert Rouland, 1998, p. 9.
     9 /	Ibid., p. 13.
     10 /	Nulle part, dans ses écrits ou ses propos, Alberto Giacometti n’évoque explicitement les sources historiques de son œuvre postérieur
           à 1945, seules des allusions plus ou moins voilées permettent d’en soupçonner la prégnance. Soupçons auxquels la plupart de ses
           commentateurs n’ont pas donné suite, sinon sur un mode purement biographique, y compris quelqu’un comme Yves Bonnefoy dans
           l’ample monographie qu’il lui a consacré et dont certaines observations sont communes à celles qu’à l’occasion de nombreuses
           expositions il formula à propos de l’œuvre de Bokor. Cf. GIACOMETTI, Alberto, Écrits [1990], Paris, Hermann, coll. « Savoir : sur
           l’art », 2004 ; et BONNEFOY, Yves, Alberto Giacometti. Biographie d’une œuvre [1991], Paris, Flammarion, coll. « Les grandes
           monographies », 2012.

26
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 57 x 76 cm

                                                                     27
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 28 x 38,5 cm

28
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 57 x 76 cm

                                                                     29
Sans titre. Huile sur bois, 2021 – 19 x 24 cm

     Sans titre. Huile sur bois, 2021 – 28 x 20 cm

30
Sans titre. Huile sur toile, 2021 – 46 x 27 cm
                                                 31
Sans titre. Huile sur toile, 2018 – 89 x 130 cm

32
Sans titre. Huile sur toile, 2018 – 130 x 89 cm

                                                  33
Sans titres. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 18 x 14 cm

34
Sans titres. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 18 x 14 cm

                                                                      35
Sans titres. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 18 x 14 cm

36
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 56 x 74 cm

                                                                     37
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 30 x 21,5 cm

38
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 33 x 25 cm

                                                                     39
Sans titre.
                                Caséine, crayon
                                et huile sur papier,
                                2020 – 28 x 17 cm

                  Sans titre.
           Caséine, crayon
        et huile sur papier,
     2020 – 28,5 x 19,5 cm

40
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 12 x 22,5 cm

                                                                       41
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2021 – 36 x 27,5 cm
Sans titre. Huile sur toile, 2020 – 146 x 97 cm
                                                  43
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 20 x 30 cm

44
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 23,5 x 33 cm

                                                                       45
Sans titre. Caséine, crayon et huile sur papier, 2020 – 24 x 16 cm

46
Sans titre. Huile sur toile, 2019 – 50 x 65 cm

                                                 47
Sans titre. Huile sur toile, 2018 – 30 x 24 cm

48
Sans titre. Huile sur toile, 2017 – 65 x 92 cm

                                                 49
Sans titre. Huile sur toile, 2017 – 89 x 130 cm

50
Denis Martin. Né à Boulogne-Billancourt le 2 juillet 1964

        expositions personnelles
        1992      Galerie Perrine Masselin, Paris
        1998      L’Art dans les Chapelles, chapelle de Moustoir Remungol, Morbihan
                  Exposition à la galerie Sabine Puget, Paris
                  Cahier, préface, Colette Brunschwig
        1999      Galerie J.-E. Bernard, Avignon
        2000      Galerie Art / Espace, Thonon-les-Bains
        2001      Galerie Sabine Puget, Paris
                  Cahier d’Itzhak Goldberg
        2004      Galerie Vieille du Temple, Paris
        2006      Galerie Art / Espace avec Sophie Melon, sculpteur
2007	Galerie Vieille du Temple, Paris, plaquette, textes, Philippe Crépin, Guy de Malherbe
2011	« Art à La Guerche », exposition dans les greniers et la prison du Château de La
      Guerche, Touraine
      Galerie Guigon, Paris, catalogue, textes, Martin Decrouy, Mathieu Bénézet
2013  Galerie des Arts et Lettres, Vevey, Suisse
2019  Galerie Nicolas Deman, Paris, catalogue, textes, Anne Manoli, Pierre Edouard
      Verhoogen Gallery, Anvers, Belgique
2021  Galerie Convergences, Paris, catalogue, textes, Gilles Ortlieb, Paul Bernard-Nouraud

expositions collectives
1993    Galerie L. et H. de Menthon, Paris avec Morio Matsui et Gervais
1994    Galerie L. et H. de Menthon, Paris
        Salon de Montrouge
        Château de Reville, (Cotentin)
        SIAC Strasbourg / Galerie Jacob
1995		  Small is beautiful II, galerie Jacob, Paris
1996		  Au hasard le rouge, galerie Jacob, Paris
		Galerie L. et H. de Menthon, Paris
		SIAC Strasbourg, galerie L. et H. de Menthon
		Les trente ans de la galerie Jacob, Paris
		      Suites II, galerie Sabine Puget, Paris
1998		Espaces Commines, galerie Sabine Puget, Paris
1999		Galerie Sabine Puget, Paris
		AAF, Londres, galerie Sabine Puget, Paris
		Galerie La Teinturerie, Paris
2000		  Paroles données, exercice sur l’autoportrait, galerie Sabine Puget, Paris
2001		  Le silence aussi se regarde, galerie Sabine Puget, Paris
		      Elle avait un Lys… galerie A. Bourgeois, Les Urbanistes, Fougères
		Art Paris, galeries Sabine Puget, Paris et Art / Espace, Thonon les Bains
		Salon d’Angers, triptyque, Commissaire d’exposition, Lydia Harambourg
2002		  Au-delà du corps, Aixe-sur-Vienne
		      Libre Choix, galerie Sabine Puget, Paris
        Galerie Vieille du Temple, Paris
		Art Paris, galerie Sabine Puget, Paris
2003		Galerie Vieille du Temple, Paris
		Art Paris, galerie Vieille du Temple, Paris
2004		  Le corps et l’altérité, avec Guy de Malherbe et Philippe Hélénon
        au Centre Culturel Français de Budapest, Hongrie
2005		  Au-delà du corps, Aixe-sur-Vienne
		START Strasbourg, galerie Vieille du Temple, Paris

                                                                                              51
2006		Mémoires d’absence, galerie Sabine Puget, Château Barras avec Marcel Robelin
     		    Des Paysages, galerie Vieille du Temple, Paris
     		Abbaye D’Auberive
     2007		Si c’était un homme, galerie Sabine Puget, Château Barras
     2008		Les 20 ans de la galerie Vieille du Temple, Paris
     		    L’Art devant soi, galerie Sabine Puget, Château Barras
     2009		Le dessin à l’œuvre, galerie Vieille du Temple, Paris
     2010		Galerie Art-Espace, Thonon-les-Bains
     		Galerie Olivier Nouvellet, Paris, Carte Blanche à Lydia Harambourg
     		Galerie Pome Turbil, Lyon
     2011		Salon du dessin, galerie Vieille du Temple, Paris
     		Galerie Olivier Nouvellet, Paris, Autour de la revue Le Préau des Collines, N° 12
     		“à Propos Mohammed Khaïr-Eddine”
     2012		Galerie Guigon, Autour de la revue du Préau des Collines, N° 13
           “à Propos de Denis Martin”
           Exposition collective, galerie Guigon
     2013		Galerie Guigon, Paris
     2014		Galerie Guigon, “Olympia et Cie”, Paris
     2015		Galerie Guigon, “Noir et Rouge”, Paris
     		Les Ateliers “OBLIK”, Clichy
     2016		Galerie Guigon, Paris
           Les Ateliers “OBLIK”, Clichy
     		Le Préau des Collines, “Atelier”
     2017		Galerie Guigon, “Anniversaire 20 ans”
           Galerie Olivier Nouvellet, “Hommage à Denise Renard”, Paris
           L’Art dans les Chapelles, rétrospective galerie Jean Fournier, Paris
           Galerie Nicolas Deman, avec Anne Manoli, Paris
     2018		Galerie Nicolas Deman, avec Anne Manoli et Michel Potage, Paris
           Galerie Point Rouge, Saint-Rémy-de-Provence
     2019		Galerie Nicolas Deman, accrochage de groupe, Paris
     		Galerie Convergences, Paris
     2020		Galerie Convergences, Paris
     2021		Galerie Convergences,“Cabinet d’amateur”, Paris

     critiques et publications
     Lydia Harambourg, La Gazette de l’Hôtel Drouot, Denis Martin, 27 novembre 1998
     Daphné Tesson, Le quotidien du Médecin, Denis Martin, 20 novembre 1998
     Philippe Laroudie, Le Vaucluse Matin, La peinture comme trace mnésique, 19 avril 2000
     Le Dauphiné, Spiritualité Monochrome, 23 novembre 2000
     Laurent Boudier, Télérama (Sortir) galerie Sabine Puget, Paroles données:
     exercice sur l’autoportrait
     Jerôme Cassou, Paris Première, Le silence aussi se regarde, février 2001
     Anne Kerner, Les états multiples de l’être, Denis Martin, novembre 2001
     Olivier Delavallade, La Vie, (Les essentiels) Figure en pointillé, 15 novembre 2001
     Pascal Orellana, Indices Humains, Denis Martin, décembre 2001
     Olivier Cena, Télérama, La dictature de Bécassine, décembre 2001
     Itzhak Goldberg, Indices Humains, Préface 2001
     Martine Arnault Tran, Cimaise, Au-delà du corps, juin 2003

52
Philippe Legrain, TGV Magazine, Passage à l’âme, juillet 2004
Zurban, N° 201 (Les galeries sélectionnées par l’œil)
Lydia Harambourg, La Gazette de l’Hôtel Drouot, La figuration allusive de Denis Martin, mai 2004
Frédéric Vossier, Artension, Au-delà du corps, juin-juillet 2005
Lydia Harambourg, La Gazette de l’Hôtel Drouot, Mémoires d’absence, juin 2006
Béatrice Comte, Figaro Magazine, Saisir ce qui se dérobe, juin 2006
Béatrice Comte, Figaro Magazine, octobre 2006
Le Dauphiné, Sophie Melon et Denis Martin, novembre 2006
Marie-Paule Curtil, Le Messager, Au-delà des apparences, novembre 2006
Sabine Puget, Du côté de l’obscur, Septembre 2007, Dans l’atelier, Edition de la galerie Sabine Puget
DVD Réalisé par Josseline Minet, production de la galerie Sabine Puget, septembre 2007
Philippe Crépin, préface de la plaquette éditée par la galerie Vieille du Temple, novembre 2007
Guy de Malherbe, préface de la plaquette éditée par la galerie Vieille du Temple, novembre 2007
Lydia Harambourg, La Gazette de l’Hôtel Drouot, L’Homme debout, décembre 2007
Jacques Desage, Miroir de l’Art, janvier 2008
Texte d’éric Duquesne, Lumières de Nuit 2008
Philippe Legrain, TGV Magazine, Traits de caractère, mai 2009
Revue Préau des collines, N° 9, Lettre à M.B.
Revue Préau des collines, N° 10, L’atelier de Jean Paul Michel, Silhouettes Cendrées,
texte de Mathieu Bénézet
Revue Préau des collines, N° 11, à propos de Pierre Bergounioux
Revue Préau des collines, N° 12, à propos de Mohammed Khaïr- Eddine, Denis Martin,
texte de Jacques Le Scanff
Martin De Crouy, Sans compromis, octobre 2011 catalogue
Mathieu Bénézet, Silhouettes cendrées, octobre 2011 catalogue
Lydia Harambourg, La Gazette de l’Hôtel Drouot
Revue Préau des Collines, N° 13, à propos de Denis Martin, textes de Mathieu Bénézet,
Jean Philippe Abril, Sabine Puget, Jacques Le Scanff, 2012
Le Livre Pauvre Rigaudon, d’Henri Droguet
Texte de Charlotte Thoraval, « La place du temps » 2015
Catalogue pour la Direction des Affaires Culturelles de la Ville de Paris, octobre 2018
Catalogue galerie Nicolas Deman, textes d’Anne Manoli « Caput Mortuum et Gris de Payne »
(octobre 2018) et de Pierre édouard « Pour Denis Martin » (janvier 2019)
Catalogue galerie Convergences, textes de Gilles Ortlieb « D.M.21 » (Août 2021)
et de Paul Bernard-Nouraud « Denis Martin-Frêle esquif » (septembre 2021)
Cadillac, texte de Gilles Ortlieb, livre d’artiste, éditions Fata Morgana, à paraître

écrits
« Lettre à M.B. », revue Préau des collines, N° 9
« Aller au charbon », texte sur le peintre Damien Daufresne, Revue Préau des collines, N° 13
« De natura rerum », texte pour le catalogue de l’exposition d’Anne Manoli, galerie Mézières,
Auvers-sur-Oise
« S’abstraire », introduction à l’exposition « S’abstraire » galerie Point Rouge, Saint-Rémy-de-Provence
« Éclat d’Âme », préface pour le catalogue de l’exposition de Stéphane Fromm, galerie Convergences,
Paris

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Photographies artiste
et atelier, droits réservés :
Richard Müller, Marcela D'Ortenzio
et galerie Convergences.

Textes : Gilles Ortlieb
et Paul Bernard-Nouraud.

Graphisme : Luc-Marie Bouët.

Le catalogue est publié
par la galerie Convergences
à l’occasion de l’exposition
Denis Martin, du 15 octobre
au 13 novembre 2021.

Galerie Convergences
22, rue des Coutures-Saint-Gervais
75003 Paris
06 24 54 03 09
graisvalerie@yahoo.fr
www.galerieconvergences.com

© Galerie Convergences, Paris 2021

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Galerie
Convergences
10,00 e
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