DES ÉCOLES PLUS SÛRES - UN DROIT POUR TOUTES LES FILLES - HALTE À LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES - Amnesty International

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DES ÉCOLES PLUS SÛRES - UN DROIT POUR TOUTES LES FILLES - HALTE À LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES - Amnesty International
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                                                                                                                   DES ÉCOLES
                                                                                                                   PLUS SÛRES
                                                                                                                   UN DROIT POUR TOUTES LES FILLES
DES ÉCOLES PLUS SÛRES – UN DROIT POUR TOUTES LES FILLES

                                                                                                                        HALTE À LA VIOLENCE
                                                                                                                        CONTRE LES FEMMES
AMNESTY INTERNATIONAL
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     DES ÉCOLES PLUS SÛRES : Un droit pour toutes les filles
     Halte à la violence contre les femmes

     L’édition originale en langue         Tous droits de reproduction réservés.     Amnesty International est un
     anglaise de cet ouvrage a été         Cette publication ne peut faire           mouvement mondial regroupant
     publiée en 2008 par                   l’objet, en tout ou en partie, d’aucune   2 200 000 personnes, réparties dans
     AMNESTY INTERNATIONAL                 forme de reproduction, d’archivage        plus de 150 pays et territoires, qui
     PUBLICATIONS                          ou de transmission, quels que soient      défendent les droits humains.
     Secrétariat International             les moyens utilisés (électroniques,       La vision d’Amnesty International est
     Peter Benenson House                  mécaniques, par photocopie, par           celle d’un monde où chacun peut se
     1 Easton Street                       enregistrement ou autres), sans           prévaloir de tous les droits énoncés
     Londres WC1X 0DW                      l’accord préalable des éditeurs.          dans la Déclaration universelle des
     Royaume-Uni                                                                     droits de l’homme et dans d’autres
     www.amnesty.org                       Photo de couverture :                     textes internationaux. Nous faisons
                                           Fillette franchissant victorieusement     des recherches sur la situation des
     © Amnesty International               la ligne d’arrivée, lors d’une course     droits humains, nous les défendons et
     Publications 2008                     organisée à Dacca, la capitale du         nous nous mobilisons pour mettre fin
                                           Bangladesh.                               aux violations de ces droits. Amnesty
     Index AI : ACT 77/001/2008            © 2004 Roobon/The Hunger Project-         International est indépen-dante de
                                           Bangladesh, avec la permission de         tout gouvernement, de toute
     © Les Éditions francophones           Photoshare                                idéologie politique, de tout intérêt
     d’Amnesty International (EFAI)                                                  économique et de toute religion.
     pour la version en langue française                                             Notre action est en grande partie
                                                                                     financée par les dons et les
     ISBN : 978287 666 16                                                            cotisations de nos membres.
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                   Cette synthèse s’appuie sur des informations
                   recueillies par Amnesty International et par de
                   nombreuses autres organisations travaillant sur
                   ce sujet dans le monde. Elle n’aurait pas pu être
                   élaborée sans la générosité, les compétences
                   et les connaissances d'un grand nombre
                   d'organisations et de personnes militant dans
                   le mouvement pour le respect des droits des
                   femmes. Amnesty International aimerait
                   remercier en particulier Alison Symington,
                   de Toronto (Canada), chercheuse spécialisée
                   dans les droits humains et analyste politique.

                   Ce document est dédié à toutes les jeunes
                   filles d’âge scolaire, dans l’espoir que nous
                   puissions ensemble avancer vers un monde où
                   plus aucune fille ne verra son droit fondamental
                   à l'éducation considéré comme facultatif, sans
                   importance ou conditionné par des contingences
                   économiques.

                                                                       © Craig Cozart
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                                 DES ÉCOLES PLUS SÛRES
                               Un droit pour toutes les filles

                                           AMNESTY INTERNATIONAL
                                                  éditions francophones
                                                         ÉFAI
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                                                            Monkeybiz, une association de
                                                            femmes sud-africaines qui
                                                            assure un revenu à ses membres,
                                                            a fabriqué ces broches pour la
                                                            campagne Halte à la violence
                                                            contre les femmes.

                                                                                              © AI
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                   TABLE DES MATIÈRES

                   Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
                                 L’éducation est un droit humain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
                                 Inégalité et passivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
                                 Le moment d’agir est venu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

                   1 • Recenser les violences, réduire les effets néfastes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
                                 Lésions physiques et autres conséquences graves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
                                 Exploitation et sévices sexuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
                                 Préjudice affectif et psychologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
                                 Un obstacle à la prévention du sida . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

                   2 • Pour des écoles plus sûres : quels sont les dangers ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
                                 Le trajet jusqu’à l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
                                 En danger à l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
                                 La violence utilisée comme châtiment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
                                 Les écoles situées dans des zones de conflit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
                                 Le cyberespace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

                   3 • Les facteurs de risque en matière de violence et d’exclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
                                 Comportements discriminatoires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
                                 L’escalade de la violence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
                                 Les frais de scolarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

                   4 • Une inexcusable passivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

                   5 • Normes internationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
                                 Objectifs du millénaire pour le développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

                   6 • Six mesures pour mettre fin à la violence contre les filles dans les écoles . . . . . . 62

                                                                                                                                                                          Amnesty International                   1
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     2        Des écoles plus sûres : un droit pour toutes les filles
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                                                                                           Lorsqu’une fillette ou une jeune fille prend ses affaires pour aller à l'école, le matin,
                                                                                           elle se réjouit de retrouver ses camarades de classe, d’acquérir des connaissances,
© 2004 Roobon/The Hunger Project-Bangladesh, avec la permission de Photoshare

                                                                                           de découvrir le monde sous la conduite d’enseignants attentifs et d’aller se
                                                                                           dépenser sur un terrain de sport. Mais est-ce bien toujours le cas ? N’y a-t-il pas
                                                                                           aussi des filles qui partent le matin la peur au ventre, craignant les humiliations et
                                                                                           les violences, ou, simplement, espérant que la journée ne sera pas trop dure ?

                                                                                           L’école reflète la société en général. Les formes de violence dont sont victimes les
                                                                                           femmes au quotidien (qu'elles soient physiques, sexuelles ou psychologiques) se
                                                                                           retrouvent dans la vie quotidienne des filles qui fréquentent des établissements
                                                                                           scolaires.

                                                                                           Tous les jours, des fillettes se font agresser sur le chemin de l’école. D’autres sont         « Les violences faites aux
                                                                                           bousculées dans la cour de leur établissement, reçoivent des coups, des moqueries,             femmes par des hommes
                                                                                           des injures, ou sont humiliées à cause de rumeurs colportées à leur propos, entre              continuent de faire plus de
                                                                                           autres, sur les téléphones mobiles ou sur Internet. Certaines sont menacées de                 victimes que la guerre. »
                                                                                           sévices sexuels par des condisciples ; d’autres se voient promettre de bonnes notes
                                                                                                                                                                                          Millennium Project,
                                                                                           par des enseignants, en échange de faveurs sexuelles. On a même signalé des cas                2007 State of the Future 1
                                                                                           de viols dans la salle des professeurs. Certaines reçoivent des coups de bâton ou se
                                                                                           voient infliger d’autres châtiments corporels sous prétexte de discipline.

                                                                                           Là où la guerre fait rage, des fillettes et des jeunes filles sont capturées par des
                                                                                           groupes armés ; d'autres sont blessées ou tuées lors d'attaques lancées contre leur
                                                                                           établissement scolaire ou sur le trajet qui conduit à celui-ci. Les filles qui vivent
                                                                                           dans des camps de réfugiés ou de personnes déplacées risquent encore plus que
                                                                                           les autres d’être soumises à des sévices sexuels et d’être exploitées.

                                                                                           Tous les enfants en âge d’être scolarisés, garçons et filles, peuvent être victimes de
                                                                                           la violence – une violence qui porte atteinte à leurs droits les plus fondamentaux.
                                                                                           Les filles sont toutefois plus exposées à certaines formes de violence, comme le
                                                                                           harcèlement ou les agressions à caractère sexuel, qui nuisent à leur estime d’elles-
                                                                                           mêmes et compromettent leurs chances de succès dans leurs études, ainsi que leur
                                                                                           santé et leur bonheur à long terme.

                                                                                                                                                                                       Amnesty International           3
DES ÉCOLES PLUS SÛRES - UN DROIT POUR TOUTES LES FILLES - HALTE À LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES - Amnesty International
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                                           Certaines filles sont plus directement menacées que d’autres par la violence
                                           à l’école, du fait de leur identité propre. Les lesbiennes, par exemple, sont victimes
                                           à la fois du sexisme et de l’homophobie. Elles subissent plus souvent que leurs
                                           camarades hétérosexuelles des actes de harcèlement sexuel et des menaces à
                                           caractère sexuel. Les jeunes handicapées, quant à elles, doivent faire face à la fois
                                           au sexisme et à des discriminations liées à leur handicap. Elles sont la cible de
                                           moqueries, de sévices physiques et de violences sexuelles. Les taux d’agression
                                           sont plus élevés pour les jeunes handicapées, et les violences dont elles sont
                                           victimes sont souvent particulièrement graves2.

                                           Certaines filles sont particulièrement exposées à des abus en raison d’autres
                                           éléments constitutifs de leur identité (elles peuvent être, par exemple, immigrées,
                                           orphelines, réfugiées, ou encore séropositives au VIH, ou appartenir à telle ou telle
                                           caste, ethnie ou minorité) ; ces aspects déterminent parfois la nature des violences
                                           qu’elles risquent de subir.

         Les fillettes et jeunes filles    Les violences infligées à une fillette ou à une jeune fille par ses camarades d’école
           ont toutes le droit d’être      constituent la forme la plus extrême de toute une série de comportements, qui
                 scolarisées dans un       commencent souvent par des injures et des gestes menaçants. Lorsque les détenteurs
                  environnement sûr.       de l’autorité s’abstiennent de réagir face à ces manifestations agressives relativement
                                           bénignes, celles-ci sont fréquemment suivies d’actes de violence. La violence subie
                                           aux mains d’enseignants ou d'autres adultes est quant à elle l'aboutissement d'un
                                           autre type de conduite portée à son paroxysme : l'abus de pouvoir. Les professeurs,
                                           et les adultes en général, exercent un pouvoir colossal sur la vie des enfants – un
                                           pouvoir dont ils font parfois mauvais usage.

                                           L’éducation est un droit humain
                                           La privation du droit à l’éducation est souvent associée à des atteintes à d'autres
                                           droits humains. Ainsi, si le droit d'une fillette à disposer d’un logement décent est
                                           bafoué (par exemple à la suite d’une expulsion), elle risque d'être déscolarisée.
                                           Celles dont le droit à jouir de la meilleure santé possible n’est pas respecté (qui ne
                                           reçoivent pas, par exemple, les médicaments dont elles auraient absolument
                                           besoin) auront du mal à poursuivre leurs études dans de bonnes conditions. Si les
                                           filles ne reçoivent aucune protection face aux violences physiques, psychologiques
                                           et sexuelles, cela constitue une atteinte à leur droit de ne pas subir de violences
                                           qui les empêche aussi d’exercer librement leur droit à l'éducation. Les fillettes et
                                           les jeunes filles victimes de violences disent avoir des difficultés d'apprentissage,

     4            Des écoles plus sûres : un droit pour toutes les filles
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            Le droit à l’éducation est inscrit dans de multiples normes et traités LE DROIT À L'ÉDUCATION
            internationaux en matière de droits humains, et notamment dans la DANS LE DROIT INTERNATIONAL
            Déclaration universelle des droits de l’homme, dans le Pacte
            international relatif aux droits écono-miques, sociaux et culturels, dans la Convention relative aux
            droits de l’enfant, dans la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine
            de l'enseigne-ment et dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
            à l’égard des femmes. Plusieurs traités régionaux relatifs aux droits humains garantissent
            également le droit à l’éducation.
            En vertu du droit international relatif aux droits humains, les États doivent veiller, de manière
            prioritaire, à ce que l’enseignement primaire soit obligatoire et gratuit pour tout enfant en âge
            d’être scolarisé. Ils doivent par ailleurs développer l'accès à l'enseignement secondaire, technique,
            professionnel et supérieur. Le contenu de cet enseignement doit en outre être conforme aux
            principes des droits humains. Cela signifie qu’il doit, entre autres, encourager la diversité, la
            tolérance et l’égalité entre les sexes, et combattre la ségrégation, les préjugés et la discrimination.

           ont une vision d'elles-mêmes dévalorisante et en viennent parfois à abandonner
           purement et simplement leurs études. Or, une fois qu’elles ont quitté le système
           scolaire, c'est généralement pour ne plus y revenir.Les familles sont souvent
           obligées d’acquitter des frais de scolarité, alors même que le droit international
           prévoit la gratuité de l’enseignement primaire. Cette pratique illégale empêche
           totalement ou partiellement la scolarisation, même primaire, de nombreuses filles
           dont les parents ont de faibles moyens. Lorsque l’accès à l’éducation est
           conditionné au paiement de frais de scolarité, les familles choisissent, parmi leurs
           enfants, ceux qu’elles souhaitent envoyer en priorité à l'école. La sélection se fait
           alors systématiquement au détriment des filles. Aux termes du droit international,
           tout enfant doit avoir accès, au minimum, à un enseignement primaire gratuit. Cela
           signifie que cet enseignement doit lui être dispensé sans qu’aucune condition
           financière (frais de scolarité, de transport ou d'examen, ou toute autre charge
           indirecte) ne fasse obstacle.

           Le droit international oblige par ailleurs les États à œuvrer à la mise en place d’un
           enseignement secondaire gratuit. Or, cela n’empêche pas de nombreux
           établissements scolaires dans différents pays de faire payer leurs élèves. Ces frais
           constituent un obstacle insurmontable pour de nombreux enfants. De plus, lorsque
           l'argent manque dans une famille, une fille risque davantage qu'un garçon d'être
           privée de scolarité. La violence à laquelle sont confrontées les fillettes et les jeunes
           filles au cours de leurs études constitue une atteinte à leurs droits les plus
           élémentaires : droit de vivre dans la dignité et la sécurité, droit de ne subir aucune
           forme de violence, droit à l'éducation. La violence contre les filles est toujours
           injustifiable. Et elle n’est jamais inéluctable.

                                                                                                      Amnesty International   5
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                                       Inégalité et passivité
                                       La violence contre les filles à l’école est un phénomène universel, qui prend
                                       différentes formes et est plus ou moins répandu selon les endroits. Pourquoi les
                                       filles sont-elles visées ? L’origine de ce problème est à rechercher dans des cultures
                                       marquées par la domination masculine, qui tolèrent les violences liées au genre et
                                       traitent les femmes et les filles comme des êtres inférieurs, moins dignes que les
                                       hommes de bénéficier d'une éducation et de jouir des autres droits de la personne
                                       humaine. L’inégalité des sexes, la violence généralisée au sein de la société,
                                       l’incapacité à contraindre les auteurs d'abus à rendre compte de leurs actes et le
                                       refus d'appliquer certaines lois ou certaines politiques sont autant de facteurs qui
                                       y contribuent.

                                       Si la violence peut frapper les garçons comme les filles dans les établissements
                                       scolaires, l’inégalité entre les sexes agit au détriment des femmes et des fillettes,
                                       qui subissent davantage ce fléau, aussi bien à l'école que dans la société en
                                       général. Un peu partout dans le monde, les hommes continuent d’avoir plus de
                                       pouvoir et de jouir de plus de privilèges que les femmes, tout en exerçant un rôle

                « La violence contre les enfants a des coûts incalculables pour
                les générations présentes et futures et elle porte atteinte au
                développement humain. Nous reconnaissons que toutes les formes
                de violence sont liées à des rôles et inégalités sexistes
                profondément ancrés, et que les violations des droits de l’enfant
                sont liées au statut de la femme. »
                Déclaration africaine sur la violence contre les filles, 2006 3

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           dominant sur elles, dans leur existence quotidienne. La violence est un moyen de
           contrôle et de maintien du rapport de forces.

           Les établissements scolaires se caractérisent par des relations de pouvoir
           asymétriques : on s’attend à ce que les enseignants contrôlent les comportements
           de leurs élèves, à ce que l'administration élabore le règlement et distribue les
           sanctions, à ce que les élèves les plus âgés donnent l’exemple aux plus jeunes. Il
           est facile à des enseignants ou à des membres du personnel peu scrupuleux, voire
           aux élèves les plus anciens, de profiter de ces statuts et de ces rôles inégaux.

           Certains stéréotypes renforcent les inégalités entre sexes à l’école. La participation
           à certaines corvées, comme le ménage, peut par exemple être attendue des filles,
           mais pas des garçons. Certains enseignants vont excuser les bagarres entre garçons
           ou ne pas prêter attention aux railleries qu’ils infligent aux filles, tout en exigeant
           des filles qu’elles fassent preuve de réserve et de discrétion. Certaines conceptions
           profondément enracinées de la sexualité et des comportements sexuels mènent
           à une relative tolérance de l'emploi de la force chez les hommes et les jeunes garçons,
           alors que l'on attend des femmes et des jeunes filles qu'elles restent passives 4.

           Lorsqu’il n’existe pas de mécanismes permettant de signaler, de surveiller et de
           sanctionner les actes de violence perpétrés à l'école contre des filles, et que            L'éducation n'est pas
           l’impunité est la règle, les violences liées au genre ont tendance à se multiplier.        seulement un droit en tant
           Et lorsqu’une fille dénonce un cas de violence, et notamment de violence sexuelle,         que tel : c'est aussi le moyen
           c’est trop souvent son attitude à elle qui est jugée, plutôt que l’acte commis par         de jouir d'autres droits.
           l'agresseur présumé. Une fille qui se plaint d’avoir été victime de sévices est parfois
                                                                                                      Lorsque des filles ne peuvent
           accusée d’en être elle-même responsable, par une conduite jugée légère ou une
                                                                                                      pas être scolarisées,
           tenue considérée comme provocante, ou parce qu’elle se trouvait à un endroit où
                                                                                                      abandonnent leurs études ou
           elle n’aurait pas dû être. D’autres sont tournées en ridicule ou traitées de
                                                                                                      ne peuvent pas participer
           menteuses par des condisciples qu’elles prenaient encore récemment pour leurs
           amis. Elles peuvent se heurter à l’indifférence de l’administration ou être
                                                                                                      réellement aux cours, les
           encouragées par leurs parents à se taire.                                                  perspectives qu'ouvre
                                                                                                      l'éducation leur sont
           De toute évidence, une victime hésitera à signaler les sévices dont elle a fait l'objet    nécessairement bouchées.
           si elle craint de subir de nouveaux abus, d'être ridiculisée ou de ne susciter aucune
           réaction. Et tant que les auteurs d’actes criminels pourront se croire libres d’agir en
           toute impunité, les pratiques violentes se perpétueront.

                                                                                                     Amnesty International         7
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      Fillettes mayas du
      Guatémala jouant dans un
      centre pédagogique géré
      par l’organisation non
      gouvernementale Save the
      Children. Ces enfants
      travaillent dans la journée
      comme domestiques et se
      retrouvent au centre le soir.
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                                                           © Stuart Freedman
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                                            Lorsque les pouvoirs publics sont confrontés au phénomène de la violence contre
                                            les filles, leur réaction est souvent d'imposer à ces dernières des règles de compor-
                                            tement plus strictes, leur dictant ce qu'elles doivent faire pour « se protéger » : avoir
                                            une tenue « décente », ne jamais se déplacer seule, rester chez elles, etc. Dans le
                                            pire des cas, il arrive que des filles soient elles-mêmes sanctionnées, sous prétexte
                                            de les « protéger ». Ainsi, la mutilation génitale est parfois présentée comme une
                                            manière de préserver la vertu des jeunes filles, en leur ôtant tout désir d'exprimer
                                            leur sexualité. Certaines familles, persuadées de rétablir ainsi leur honneur bafoué,
                                            n’hésitent pas à punir, voire à tuer des adolescentes victimes de sévices.

          La violence contre les filles     L’État a pourtant l’obligation, à laquelle il ne peut se soustraire, d'empêcher que les
     est à la fois le symptôme et la        femmes et les fillettes ne soient victimes de violences et, lorsqu'elles le sont, de
                                            tout faire pour traiter le problème. Il est aussi tenu de veiller à ce que tous et toutes
               conséquence du vaste
                                            aient accès à l’enseignement primaire et à ce que l’enseignement secondaire soit
      problème de l'inégalité entre         ouvert aux élèves des deux sexes sans distinction. Si les filles ont peur de se rendre
      hommes et femmes, qu'il est           à l'école à cause du climat qui règne dans les établissements, ces obligations ne
          indispensable de combattre        sauraient être remplies.

             dans tous les domaines.
                                            Les États ont le devoir de veiller à ce qu’aucun de leurs agents, y compris ceux qui
                                            appartiennent au corps enseignant et à l’administration, ne commettent de
                                            violences, à ce que des mesures appropriées soient prises pour empêcher les actes
                                            de violence et dissuader ceux qui seraient tentés de s'y livrer, et à ce que les
                                            victimes d'éventuelles violations reçoivent réparation. Aucun pays ne peut se
                                            soustraire à ces obligations sous prétexte qu'il ne dispose pas de moyens suffisants.
                                            Lorsque les pouvoirs publics ne font rien pour que cesse la violence à l'école, c'est
                                            qu'ils n'en ont pas la volonté politique.

                                            Le moment d’agir est venu
                                            Le présent rapport traite de la violence dans les établissements scolaires et de ses
                                            conséquences sur le droit des filles à l’éducation. Il est fondé sur des informations
                                            directement reçues par Amnesty International, ainsi que sur des données recueillies
                                            par d’autres organisations non gouvernementales (ONG), par les Nations unies
                                            (ONU) et par divers chercheurs. S’il ne constitue qu'un aperçu de la situation,
                                            il permet d'appréhender toute l'ampleur du phénomène et l'urgence d'agir pour
                                            y mettre fin.

     10            Des écoles plus sûres : un droit pour toutes les filles
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           Ce document s’intéresse particulièrement à la manière dont la violence entrave la
           scolarisation des filles, en raison de l’ampleur des souffrances qu’elle provoque.
           Le rapport souligne qu’il est urgent de mener des actions efficaces sur cette
           question. Deux autres raisons expliquent que l’on s’y intéresse aujourd’hui.

           La première, c’est que les cas de violence contre les fillettes et les jeunes filles sont
           très peu signalés. La situation à Haïti n'a rien d'exceptionnel. Les personnes
           interrogées par Amnesty International estimaient toutes que la violence était très
           répandue dans les écoles. Mais il était impossible d’obtenir des données précises
           à ce sujet. C’est un sujet tabou. Très peu de cas sont officiellement signalés. Les
           châtiments corporels sont interdits dans les écoles haïtiennes. Pourtant, leur
           existence était fréquemment évoquée lors des entretiens. Les enfants, semble-t-il,
           sont parfois fouettés ou frappés à coups de câble électrique, ou encore contraints
           de rester agenouillés en plein soleil. Les personnes interrogées parlent également
           de privation de nourriture, de sévices sexuels infligés à des jeunes filles par des
           enseignants ou des membres du personnel administratif, d'insultes et de violences
           morales. Selon plusieurs ONG locales, élèves et professeurs rejettent les filles
           victimes de violences sexuelles, et celles-ci sont souvent obligées de changer
           d'école pour échapper à l'opprobre dont elles sont l'objet.

           Par ailleurs, les Objectifs du millénaire pour le développement relatifs à l’éducation       L’éducation fait partie des
           ne soulignent pas à quel point il est important de mettre un terme à la violence             droits humains. Les
           contre les filles. Ces Objectifs du millénaire pour le développement constituent des
                                                                                                        gouvernements ont le devoir
           buts majeurs que se sont fixés en l’an 2000 plus de 190 gouvernements dont
                                                                                                        de garantir un cadre sûr, dont
           l’objectif est d’éliminer la pauvreté. Ce document préconise entre autres l’accès
           universel à l’enseignement primaire et l’égalité des sexes. Il mesure cependant les          la violence est exclue.
           progrès accomplis au nombre de filles scolarisées sans chercher à agir contre la
           violence et la discrimination qui nuisent à la qualité des études suivies par les filles
           et empêchent même parfois toute scolarisation.

           La présente étude s'inscrit dans le cadre plus large du programme d’action mis en
           place par Amnesty International à l’occasion de sa campagne Halte à la violence
           contre les femmes. Elle sera suivie par une série d’analyses de la situation pays par
           pays et par des actions ciblées.

           Un grand nombre de jeunes filles, de groupes de femmes et d’organisations de
           défense des droits humains interviennent déjà, au niveau local, sur cette question.

                                                                                                       Amnesty International          11
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      Groupe d’élèves de Porto-
      Novo, participant avec
      Amnesty International Bénin
      au lancement de la
      campagne Halte à la
      violence contre les
      femmes, en 2004.
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                                                            © AI
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                                   Ainsi, en 2005, un groupe de jeunes filles de Sotouboua, au Togo, a créé Arc-en-ciel,
                                   une association d’entraide qui œuvre contre le harcèlement sexuel à l’école et contre
                                   la propagation du virus VIH et du sida, et met à la disposition des jeunes filles et
                                   femmes une structure au sein de laquelle elles pourront apprendre à défendre leurs
                                   intérêts 5. Le Comité international de secours envoie des assistantes scolaires dans les
                                   classes des écoles pour réfugiés d’Afrique occidentale. Elles sont chargées
                                   d'empêcher, dans toute la mesure du possible, que les élèves ne soient victimes de
                                   sévices ou ne soient exploitées, et de faire en sorte que le cadre scolaire soit plus
                                   accueillant pour les filles 6.

                                     On peut également citer l’exemple du Programme H, au Brésil et au Mexique, qui
                                   encourage les jeunes hommes à remettre en question les préjugés traditionnellement
                                   attachés à la notion de virilité, et qui fait la promotion d’une bonne hygiène et de
                                   l’égalité des genres 7. Le Forum for African Women Educationalists (FAWE), ONG
                                   panafricaine de promotion de l’éducation des filles et des femmes en Afrique
                                   subsaharienne, organise des programmes dont le but est d’augmenter le nombre de
                                   fillettes scolarisées, d’aider ces enfants à rester à l’école, et d’améliorer le niveau de
                                   l’éducation dispensée aux filles 8.

                                   Amnesty International constate que, dans le monde entier, des jeunes filles se
                                   montrent déterminées à faire valoir leur droit à l’éducation. Nous nous félicitons de
                                   toutes ces initiatives originales et dynamiques, qui visent à protéger les filles de la
                                   violence et à aider celles qui en sont victimes, mais nous exigeons également des États
                                   qu’ils prennent immédiatement des mesures pour s’acquitter de leurs engagements
                                   internationaux et donner enfin à toutes les fillettes et jeunes filles la possibilité de
                                   fréquenter des écoles sûres.

     14       Des écoles plus sûres : un droit pour toutes les filles
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           1 • RECENSER LES VIOLENCES,
           RÉDUIRE LES EFFETS NÉFASTES
           Lorsqu’une jeune fille est victime de violences à l’école, ou qu’elle craint de l’être,
           ses résultats scolaires risquent fort de s’en ressentir. Peut-être lui sera-t-il difficile
           de se concentrer sur ses études, peut-être ne percevra-t-elle plus le travail scolaire
           comme une priorité. Cette baisse de niveau sera encore plus prononcée si la jeune
           fille est forcée d’être régulièrement en contact avec la personne qui la fait souffrir.

           La violence à l’intérieur et aux abords des établissements scolaires est un                  Des études montrent que les
           phénomène constaté partout dans le monde. Nombreuses sont les filles qui finissent           femmes qui ont été victimes
           par considérer que les brimades, les plaisanteries et les gestes à connotation
                                                                                                        d’une agression sexuelle
           sexuelle, les punitions abusives ou même les actes sexuels imposés sont le prix
           qu'elles doivent payer pour faire des études.
                                                                                                        risquent plus que les autres
                                                                                                        d’être de nouveau agressées.
           Ces violences paraissent banales, mais elles sont gravement préjudiciables.                  Pas moins de 60 p. cent des
           La violence contre les filles dans les écoles et aux alentours constitue un obstacle         femmes dont la première
           qui empêche les victimes de jouir pleinement de leur droit à l'éducation. Elle porte
                                                                                                        expérience sexuelle a eu lieu
           atteinte à leur vision d’elles-mêmes, compromet leurs résultats scolaires et a des
           effets aussi bien immédiats qu’à long terme sur leur santé physique et mentale,              sous la contrainte sont plus
           ainsi que sur leur indépendance socioéconomique.                                             tard victimes d’autres
                                                                                                        violences sexuelles 9.
           Une personne qui n’a pu mener à bien ses études en subira les conséquences sa
           vie durant. Dans le cas particulier des jeunes filles, celles qui ont un faible niveau
           d’instruction ont moins de chances de parvenir à l’indépendance financière.
           La probabilité est forte qu’elles se marient très jeunes, avec toutes les
           conséquences que cela peut avoir en termes de santé et d'équilibre affectif. Elles
           sont beaucoup plus exposées au danger d’être infectées par le VIH ou de mourir en
           accouchant. Elles auront plus de mal à se faire une place dans la société et à faire
           valoir leurs droits.

           Les relations que peuvent avoir les enfants entre eux et avec les adultes déterminent
           celles qu’ils auront plus tard, lorsqu’ils auront grandi. Si la société impose dès
           l’école des définitions rigides de la féminité et de la masculinité qui se traduisent
           par des moqueries, des actes de harcèlement ou des violences, les lesbiennes,

                                                                                                        Amnesty International          15
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                                       les gays et les personnes bisexuelles et transgenres risquent fort, dans le contexte
                                       scolaire, de ne pas pouvoir exprimer leur véritable identité. Si les premières
                                       expériences sexuelles d’une jeune fille se font sous la contrainte, elle risque
                                       davantage de connaître la violence dans sa vie d’adulte 10.

                                       À terme, les sociétés qui ne font rien contre les violences infligées aux filles
                                       subissent les conséquences de leur passivité. Le niveau scolaire de leurs élèves est
                                       bas, et la discrimination entre hommes et femmes y atteint un degré élevé.

                                                                                      par des
                          M., une mère de famil le renco ntrée en Macé doine
                                                                                 qu’au cune de
                          délég ués d’Am nesty Inter natio nal, a recon nu
                                                                               : « Je ne veux
                          ses trois filles adole scent es n'éta it scola risée
                                                                                   qu’ell es ne
                          pas qu’ell es aillen t à l’écol e en ville… J’ai peur
                                                                                  qu’ell es se
                          soien t pas en sécur ité si elles sorten t. J’ai peur
                                                                                ité. »
                          fassen t enlev er et qu’ell es perde nt leur virgin

                                       Lésions physiques et autres conséquences graves
                                       Un nombre croissant d’éléments, recueillis dans le monde entier, indiquent que les
                                       violences liées au genre qui touchent les femmes et les fillettes peuvent entraîner
                                       la mort, par homicide, par suicide, ou des suites du sida 11.

                                       Les filles qui sont victimes de violences subissent des blessures diverses, de
                                       l'ecchymose à la fracture, ou des incapacités graves. Dans les cas les plus extrêmes,
                                       elles perdent la vie. La violence a également des effets durables sur la santé, qui
                                       peuvent prendre la forme, par exemple, de douleurs chroniques ou de troubles
                                       gastro-intestinaux 12.

                                       Selon un rapport publié par l’ONU en 2006 sur la violence à l’égard des enfants,
                                       plusieurs études, menées dans le monde entier, insistent toutes sur la gravité des
                                       conséquences de ce phénomène. Ainsi :

     16       Des écoles plus sûres : un droit pour toutes les filles
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            « La tolérance de la violence contre les enfants est un
           obstacle important à la santé et au développement en Europe.
           Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser cette violence
           s’installer sans rien faire ; nous devons agir immédiatement pour
           changer les conditions qui font que les enfants en sont
           victimes. »
           Marc Danzon, directeur régional pour l’Europe, Organisation mondiale de la santé 13

              Une étude réalisée en Europe montre que, parmi les enfants souffrant de
           dépression, le point commun le plus fréquemment relevé est l’infliction de châti-
           ments corporels dans le passé.

              Une autre étude, menée au Cameroun, indique que les punitions corporelles,
           à la maison et à l’école, inhibent la socialisation de ceux qui en étaient victimes,
           qui ont tendance à devenir passifs et excessivement prudents, craignent d'exprimer
           leurs idées et leurs sentiments et, dans certains cas, se livrent à des violences
           psychologiques sur d’autres.

              Les victimes et les auteurs de brimades ont fréquemment de moins bonnes
           notes que leurs camarades.

              Selon une étude réalisée au Népal, 14 p. cent des élèves qui abandonnaient
           leurs études en cours de route le faisaient par peur de leur professeur.

              Plusieurs travaux de recherche menés en Afrique du Sud montrent que les
           élèves qui se plaignent d’être victimes de violences sexuelles se heurtent ensuite
           à une telle hostilité qu’elles doivent arrêter l’école pendant quelque temps, changer
           d’établissement ou même mettre un terme à leurs études.

              Plusieurs études réalisées dans des pays d’Afrique, d’Asie et des Antilles
           soulignent que les jeunes filles qui se retrouvent enceintes à la suite d’agressions
           sexuelles ou de rapports forcés sont souvent contraintes de quitter l’école 14.

                                                                                                   Amnesty International   17
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                                       Quand une fille subit une bastonnade punitive, quand un camarade l’agresse
                                       sexuellement, quand elle est la cible d’une projection d'acide, elle endure une
                                       souffrance incontestable et inacceptable. Quels que soient les sévices subis, qu’ils
                                       soient le fait d’autres élèves ou d’adultes, leur gravité ne peut toutefois pas
                                       s’évaluer uniquement à l’intensité de la douleur physique infligée. Il est plus facile
                                       de mesurer la longueur d’une cicatrice sur le corps d'un enfant que d’apprécier les
                                       autres traces, bien plus durables, que la violence a pu laisser en portant atteinte
                                       à son équilibre mental et au sentiment qu’il a de son intégrité.

                    Dans certains pays d’Asie du Sud, des filles ont été la cible
                    de jets d'acide. Ces agressions sont perpétrées dans des
                    contextes divers : différends familiaux ou fonciers, conflits
                    liés au montant de la dot, vengeance d’un prétendant
                    éconduit, etc. Selon la Fondation pour les victimes des
                    agressions à l’acide, une ONG du Bangladesh, 27 p. cent
                    des attaques à l’acide recensées dans ce pays visaient des
                    mineures, et plusieurs actes de ce type auraient eu lieu
                    dans des écoles                 15 .

                                       Exploitation et sévices sexuels
                                           « L’an dernier, j'avais peur de mon professeur. Il voulait absolument que j'aie
                                           des rapports sexuels avec lui. […] J’en ai parlé à mes parents, mais ils n’ont
                                           rien fait contre mon professeur. Ils ne l'ont même pas dit au directeur. Ils ont
                                           peur des enseignants. Ils s’estiment inférieurs à eux. Maintenant, quand je suis
                                           à l’école, j’ai peur, et je manque souvent les cours. »
                                           Témoignage d’une jeune Béninoise, cité par B. Wilbe, dans Making School Safe
                                           for Girls : Combating Gender-Based Violence in Benin.

     18       Des écoles plus sûres : un droit pour toutes les filles
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                                                            Deux élèves d’une école
                                                            élémentaire de Philadelphie
                                                            rentrant chez elles. La
                                                            multiplication des incidents
                                                            impliquant des armes à feu dans
                                                            les établissements scolaires
                                                            américains a entraîné un certain
                                                            nombre de mesures de sécurité
                                                            faisant appel à des technologies
                                                            avancées, d'une efficacité et
                                                            d'une légalité contestables, sans
                                                            qu’aucune initiative visant à
                                                            traiter systématiquement les
                                                            causes profondes du problème
                                                            de la violence dans les écoles
                                                            n'ait été mise en œuvre.

                                                                                                ©AP Mark Stehle/AP/PA Photos
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                                       Le harcèlement sexuel à l'école est une réalité dans de nombreux pays du monde.
                                       Une étude réalisée aux États-Unis révèle ainsi que 83 p. cent des élèves du
                                       secondaire (âgées de douze à seize ans environ) scolarisées dans le public disent
                                       avoir été victimes de harcèlement sexuel, sous une forme ou une autre 16. Selon une
                                       autre étude, menée en 2006 auprès de filles scolarisées au Malawi, 50 p. cent
                                       d'entre elles disaient avoir subi des attouchements sexuels « sans leur
                                       consentement, soit par leurs enseignants soit par leurs condisciples masculins 17».
                                       Le harcèlement sexuel à l’école est également répandu en Amérique latine,
                                       notamment en République dominicaine, au Honduras, au Guatemala, au Mexique,
                                       au Nicaragua et au Panama 18.

                                       Selon un rapport des Nations unies de 2006 sur la violence à l’égard des enfants,
                                       le phénomène « est particulièrement courant, voire extrême, dans les endroits où
                                       d’autres formes de violence scolaire sont également prévalentes 19 ».

                                       Lorsqu’une très jeune fille est contrainte à avoir des rapports sexuels, les lésions
                                       causées par cette activité sexuelle forcée entraînent parfois des complications
                                       diverses (fistules, infections génitales hautes ou autres troubles gynécologiques).
                                       La violence sexuelle peut entraîner toutes sortes de conséquences : infections

              Selon l’organisation non gouvernementale Plan Togo, le
              harcèlement sexuel des filles scolarisées par les enseignants est
              tellement répandu au Togo qu'il a donné naissance à un véritable
              argot spécialisé. Ainsi, l’expression « notes sexuellement transmises »
              désigne des bonnes notes qui seraient dues aux relations sexuelles
              d’une élève avec son enseignant. On appelle parfois « cahier de
              roulement » une élève présumée avoir eu des relations avec plusieurs
              enseignants. Les lettres BF (marque de savon connue au Togo) sont
              censées signifier « bordelle fatiguée », formule désignant une jeune
              fille qui serait épuisée par ses multiples rapports sexuels avec des
              enseignants            20.

     20       Des écoles plus sûres : un droit pour toutes les filles
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           La Cour constitutionnelle de Colombie a estimé que le
           fait d’exclure contre son gré du cycle scolaire normal
           une jeune fille enceinte constituait une forme de
           punition, qui portait atteinte à ses droits :
           « Faire de la grossesse, dans le cadre du règlement
           scolaire, un motif de punition constitue une violation
           des droits fondamentaux à l’égalité, au respect de la
           vie privée, au libre épanouissement de la personnalité
           et à l'éducation             21. »

           sexuellement transmissibles, y compris le sida, grossesse non désirée, dysfonc-
           tionnement sexuel, douleurs pelviennes chroniques, avortements à risques, etc 22.

           Les grossesses chez les très jeunes filles, qu’elles soient ou non désirées, peuvent
           résulter de violences liées au genre. Dans le monde entier, il arrive que des filles
           scolarisées soient enceintes sans le vouloir. Le responsable est parfois un
           enseignant, ou un garçon plus âgé, ou un prétendu protecteur qui a donné argent
           ou cadeaux à la jeune fille en échange de ses faveurs. Malgré l'existence dans
           certaines régions de politiques visant à permettre aux jeunes mères de reprendre
           leurs études après la naissance de leur enfant, ces grossesses marquent le plus
           souvent la fin définitive de la scolarisation de la jeune fille, qui voit ainsi s'éloigner
           ses espoirs d'indépendance socioéconomique.

           Les grossesses non désirées peuvent avoir de graves répercussions : avortements à
           risque, suicides, réactions brutales des familles, qui peuvent aller du rejet au
           meurtre, en passant par l'ostracisme. Un avortement pratiqué dans de mauvaises
           conditions pour mettre fin à une grossesse non désirée peut lui aussi nuire
           gravement à la santé de l’adolescente et même mettre sa vie en danger.

           Selon Margaret Sitta, ministre de l’Éducation et de la Formation professionnelle de
           Tanzanie, entre 2003 et 2006, plus de 14 000 filles scolarisées dans le primaire
           ou dans le secondaire ont été exclues de leur établissement parce qu’elles étaient

                                                                                                        Amnesty International   21
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                                        enceintes. Selon elle, la pauvreté mettait certaines jeunes filles à la merci
                                        d’hommes sans scrupules ; le viol, le manque d’attention parentale, les mariages
                                        précoces et les distances à parcourir pour se rendre à l’école étaient, a-t-elle
                                        précisé, autant de facteurs de grossesses non désirées 23.

                                        Le mariage précoce crée évidemment les conditions d’une activité sexuelle
    Dans le cadre d'une
    campagne nationale visant à         prématurée, qui constitue une forme de violence sexuelle. De plus, cette pratique
    scolariser davantage de             entraîne souvent l'arrêt des études de la jeune mariée. En cela, elle constitue une
    fillettes et de jeunes filles des   forme de violence contre les jeunes filles, qui a des conséquences sur l'exercice de
    zones rurales et des milieux        leur droit à l'éducation 24.
    défavorisés, une enseignante
    cherche à convaincre une
    adolescente d’un quartier
    pauvre de Van, dans l’est de
    la Turquie, qu’elle doit aller à
    l’école. Traditionnellement,
    les filles sont astreintes à des
    corvées et à des tâches dont
    les garçons sont exemptés,
    ce qui limite leurs possibilités
    de fréquenter un
    établissement scolaire.

                                                                                                                               ©AP Photo/Burhan Ozbilici
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           Préjudice affectif et psychologique
           Les victimes de violences perpétrées dans le cadre scolaire souffrent de nombreuses
           séquelles affectives et comportementales, allant de l’insomnie aux tentatives de
           suicide, en passant par la perte d’appétit, la dépression, les angoisses, le désespoir,
           la dépréciation de soi, l’agressivité, l’alcoolisme, la toxicomanie ou encore des
           activités sexuelles à haut risque. La dépression est l’une des conséquences les plus
           fréquentes de la violence sexuelle et physique exercée contre les filles.

                       Une étude réalisée en 2005 en Jamaïque révèle que
                       66 p. cent des hommes et 49 p. cent des femmes étaient
                       d’accord avec la phrase « Lorsque des femmes et des
                       jeunes filles se font violer, ce sont parfois elles qui
                       l'ont cherché        25   ».

           Quand les enseignants insultent des élèves, ces derniers peuvent se sentir dévalo-
           risés 26. La discrimination pratiquée par certains professeurs à l’égard des filles,
           qu’ils considèrent comme moins intelligentes ou moins dynamiques que les
           garçons, peut avoir le même effet.

           Un obstacle à la prévention du sida
           L’éducation est un élément déterminant dans la lutte contre la propagation du VIH
           et du sida. Lorsque la violence force une jeune fille à abandonner ou à négliger ses
           études, elle l’empêche d’acquérir des connaissances qui pourraient lui permettre
           d’être moins vulnérable à une éventuelle infection par le VIH. L’accès à un
           enseignement de qualité est essentiel pour que la femme, une fois adulte, jouisse
           d’une véritable indépendance économique et soit donc mieux armée pour négocier
           les termes de sa vie sexuelle, notamment en évitant les pratiques à risque.

           Tout être humain a le droit d’aspirer au meilleur état de santé possible. Ce droit
           comprend notamment le droit à l'éducation et à l'information en matière de santé.
           Dans les établissements scolaires, les enfants et adolescents peuvent bénéficier

                                                                                                     Amnesty International   23
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                                                  Moment de détente pour trois adolescentes, après un rituel de passage
                                                  alternatif, organisé dans un foyer pour jeunes filles fuyant les mutilations
                                                  génitales et le mariage forcé, dans le sud de la vallée du Rift, au Kenya.
                                                  La violence est l’une des causes principales de l'échec scolaire chez les
                                                                                                                                 ©Paula Allen

                                                  filles. Cette situation a de nombreuses conséquences : faible scolarisation,
                                                  taux élevé d’abandon scolaire, mariages et grossesses précoces, maladies
                                                  sexuellement transmissibles, etc. Décembre 2005.
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                                            d’une information sur la santé. De plus, grâce à l’enseignement général que l’on y
                                            dispense, ils comprennent mieux et peuvent mettre en pratique les notions qui leur
                                            sont transmises. En privant les enfants de leur droit à l’éducation, on compromet
                                            donc leur droit à la santé.

      La Campagne mondiale pour             En outre, si les filles scolarisées courent un risque d’agressions sexuelles dans leur
              l’éducation estime que,       établissement ou à proximité, elles sont exposées au danger de l’infection par le
                                            VIH. Dans les pays où le taux d’infection par le VIH est élevé et où la violence
          chaque année, 700 000 cas
                                            sexuelle est un phénomène endémique, les femmes risquent d’être contaminées
           nouveaux d’infection par le      à la suite d'un viol. Les jeunes filles sont particulièrement vulnérables. Dans un
          VIH pourraient être évités si     contexte de violence, il y a peu de chances pour que des mesures de prévention
     l’enseignement primaire était          soient prises. Les pressions et la contrainte s’exerceront plus facilement lorsque la

                             universel.     différence d'âge entre une jeune fille et son « partenaire » est importante (élève plus
                                            âgé, enseignant, « protecteur » adulte 27 ).

                                            Une fillette contrainte à avoir des rapports sexuels peut ensuite souffrir de nom-
                                            breuses complications gynécologiques.

                                            Les jeunes filles séropositives risquent d’être exclues de l’école ou de faire l’objet
                                            de réactions de rejet, d'actes de harcèlement, voire d’agression au sein de leur
                                            établissement. Enfin, dans les familles où quelqu’un est malade du sida, ce sont
                                            généralement les filles qui restent à la maison pour en prendre soin.

                                            De nombreux conflits armés sont marqués par une généralisation de la violence
                                            sexuelle contre les femmes et les fillettes, ce qui entraîne une forte propagation du
                                            VIH. Ainsi, 70 p. cent des 250 000 à 500 000 femmes et fillettes qui ont survécu
                                            après avoir été violées ou avoir subi d’autres violences sexuelles lors du génocide
                                            commis en 1994 au Rwanda sont aujourd’hui séropositives au VIH ou malades du
                                            sida 28.

     26            Des écoles plus sûres : un droit pour toutes les filles
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