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Document generated on 12/14/2021 7:57 p.m. Lien social et Politiques Des politiques temporelles au Québec : une greffe possible en milieu municipal ? Time policies in Quebec : Could they take root at the municipal level ? Nicole Brais Temporalités. Le temps : un enjeu social et politique Article abstract Number 54, Fall 2005 The issues of work-family balance in Quebec have not been framed in terms of the articulation of different temporalities. However, the Quebec government URI: https://id.erudit.org/iderudit/012866ar recently thought about setting up municipal departments of time in order to DOI: https://doi.org/10.7202/012866ar support working parents. Will Quebec municipalities respond to this call ? This article begins by recalling the conditions under which time policies emerged and spread in Europe and describes the context of work and family life in See table of contents Quebec. It then analyses the place devoted to concerted action around time use at the local level. It looks on the one hand at claims made to municipal authorities by the women’s and family movements and on the other hand Publisher(s) municipal family policies adopted in the last decade. It concludes by pointing to the current limits to municipal action in this area. Lien social et Politiques ISSN 1204-3206 (print) 1703-9665 (digital) Explore this journal Cite this article Brais, N. (2005). Des politiques temporelles au Québec : une greffe possible en milieu municipal ? Lien social et Politiques, (54), 135–150. https://doi.org/10.7202/012866ar Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2005 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 135 Des politiques temporelles au Québec : une greffe possible en milieu municipal ? Nicole Brais La question des temps sociaux, de On constate donc deux amorces La question de l’articulation des leur désynchronisation et de leur très différentes. L’action de l’Italie temps sociaux par une action concer- resynchronisation fait timidement tire son origine d’une mobilisation tée sur l’espace et le temps est d’une son entrée dans le débat public au de la société civile, alors qu’au grande complexité. Il ne fait pas de Québec 1. Lors d’une consultation † Québec, l’État incite à une réflexion doute que l’Europe, mais plus parti- menée à l’automne 2004 sur une culièrement l’Italie et la France, ont qui, si elle découle de plusieurs éventuelle politique sur la « concilia- pris une avance considérable en ce † constats largement partagés quant tion travail-famille » 2, le gouverne- domaine tant sur le plan de la † † aux conflits temporels vécus par les ment de cette province suggérait aux réflexion que sur ceux de la méthode parents travailleurs, ne fait écho à et de l’action. Il s’agit moins ici de instances locales et régionales d’agir aucune demande sociale forte et dans ce domaine (MESF, 2004b), réagir à ce qui se fait là-bas que de structurée en faveur d’une interven- suggérer des pistes pour expliquer inspiré en cela par certains pays tion locale sur l’articulation des dif- ce décalage apparent entre le d’Europe où on discute politiques férents temps de la vie quotidienne. Québec et l’Europe. Les deux pre- temporelles depuis plusieurs années Dans ce contexte, peut-on penser mières sections de cet article servent déjà. Les ouvrages maintenant que, malgré ces apparences, la réor- de mise en contexte : la première † consacrés aux expériences locales et rappelle brièvement les conditions régionales s’inscrivant dans cette ganisation spatiale et temporelle des villes pour les besoins des parents d’émergence des politiques tempo- approche (Certu, 2001; Boulin et al., relles en Europe et les actions qui en 2002; Boulin et Mückenberger, travailleurs constitue un enjeu social découlent tandis que la seconde pré- 2002; Boulin, 2003) en attribuent la suffisamment campé au Québec pour sente, pour le Québec, les évolutions maternité aux Italiennes qui, les pre- que les élues et élus locaux répon- récentes dans les secteurs de l’em- mières, se sont mobilisées dans le dent à l’invitation qui leur est faite ? † ploi (des femmes, principalement), but de faire modifier une organisa- Les instances locales et régionales, des programmes de soutien aux tion temporelle locale jugée incom- mais plus précisément les municipa- parents travailleurs et des services patible avec leur réalité de mères lités, ont-elles à ce jour manifesté commerciaux. Les trois sections sui- travailleuses. certaines sensibilités à cet égard ? † vantes analysent : le degré de péné- † Lien social et Politiques—RIAC, 54, Temporalités. Le temps : un enjeu social et politique. Automne 2005, pages 135 à 150.
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 136 LIEN SOCIAL ET POLITIQUES—RIAC, 54 les changements dans la structure des port à l’analyse des phénomènes temps libres. La recherche de nou- temporels territoriaux (Guez, 2002). Des politiques temporelles au Québec : une greffe possible en milieu municipal ? velles articulations est présentée comme un enjeu d’égalité, plus par- Les expériences italiennes ont été reprises, sous différentes formes et ticulièrement d’égalité entre les terminologies (maison, agence ou sexes. bureau des temps), dans plusieurs On accorde généralement à l’Italie pays européens, notamment en la maternité des politiques tempo- France, en Allemagne, aux Pays-Bas relles urbaines, sous l’impulsion de et en Finlande. Quoique de manière groupes de femmes appuyés par les variable d’un pays à l’autre, on note syndicats (Bonfiglioli, 2001; Boulin une mobilisation des acteurs sui- et Mückenberger, 2002; Martinet, vants : les citoyennes et citoyens, les 136 † 2004). Les mères italiennes, nom- élues et élus ainsi que les administra- breuses à poursuivre leur activité tions publiques locales, les syndi- tration de la réflexion sur une action professionnelle pendant la période cats, les agences gouvernementales locale en faveur des temps en consi- de maternité active, ont été confron- et les milieux universitaires (Certu, dérant deux mouvements sociaux, tées à l’absence de coordination tem- 2001; Hervé, 2001; Boulin et celui des femmes et celui des porelle entre les différents services Mückenberger, 2002). Les entre- familles; la réceptivité des municipa- auxquels elles avaient recours. Dès prises semblent moins nombreuses à lités à cet égard sur la base de leurs le milieu des années 1980, les s’engager. Un réseau européen, politiques familiales; et, enfin, les femmes parlementaires membres du Eurexcter, a été créé, dont un des limites des pouvoirs municipaux à Parti communiste soumettent un pro- objectifs est de diffuser les politiques partir de l’exemple des heures d’ou- jet de loi en 27 articles pour agir sur temporelles en Europe 4. Ce réseau † verture de commerces, un débat qui a les temps de travail, le partage des s’appuie sur des écoles d’excellence animé le Québec à l’automne 2004. tâches entre les hommes et les territoriale implantées d’abord en La conclusion suggère quelques femmes et les temps de la ville Allemagne, en France et en Italie et, conditions jugées nécessaires pour (Boulin, 2003). Depuis, deux lois ont plus tard, en Espagne et en Irlande permettre aux villes québécoises de été adoptées, en 1990 et en 2000 : la † (Conseil national des transports, se mettre à l’heure des femmes et des première donne aux maires la res- 2001). familles. ponsabilité de la gestion de tous les Les projets entrepris dans le cadre horaires publics sur leur territoire de politiques dites temporelles pour- Les politiques temporelles en tandis que la seconde prévoit que les suivent divers objectifs qui ne sont Europe : un bref survol villes de plus de 30 000 habitants se pas mutuellement exclusifs : faciliter † dotent d’une structure pour promou- Selon Boulin et al. (2002), la l’organisation de la vie quotidienne voir un équilibre entre les différents réflexion sur l’articulation des temps soit pour les citoyennes et citoyens, temps (Martinet, 2004). C’est donc sociaux s’est imposée en Europe 3 soit pour les employés; régler certains † en Italie qu’ont été implantés les pre- sous l’effet conjugué des phéno- problèmes urbains liés à la congestion miers bureaux des temps et qu’on a mènes suivants : la mondialisation de automobile dans des secteurs particu- † créé le concept de tables quadrangu- liers, à la sur- ou sous-utilisation de l’économie, le mouvement d’indivi- laires. Celles-ci regroupent, pour des services ou d’équipements publics, à dualisation des modes de vie, l’en- fins d’analyse, de négociation et la sécurité dans les espaces publics, trée massive des femmes dans le d’action, les acteurs concernés par etc.; créer ou renforcer les conditions salariat, le développement de la une intervention concertée sur les propices au lien et à l’échange dans flexibilité du temps de travail et de la temps : les administrations publiques, un contexte d’individualisation des † crise des modes anciens de synchro- les syndicats, les entreprises ainsi rythmes urbains en se préoccupant nisation par le travail, le développe- que les citoyennes et citoyens. Enfin, des temps hors-travail. ment de nouveaux types de mobilités on doit également aux universités multiformes, les transformations de italiennes le développement de la Très concrètement, plusieurs pro- la vie privée et de la famille et, enfin, chronocartographie servant de sup- jets visent un ajustement des heures
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 137 des services publics : services admi- † vers de la vie quotidienne et de l’es- 2004 pour les familles biparentales, nistratifs, services de garde ou ser- pace local, malgré que les désynchro- et de 39,7 % à 68,1 % pendant la † † vices scolaires. Dans plusieurs cas, il nisations soient la résultante de même période chez les femmes s’agit d’ajuster l’offre aux nouvelles grandes tendances macro-sociales. cheffes de famille. Ce taux augmente réalités de travail des gens qui C’est en effet dans cette vie quoti- avec l’âge des enfants, atteignant, en consomment ces services ou, à l’in- dienne et dans l’espace où elle s’ins- 2004, 82,5 % chez les mères biparen- † verse, de tenir compte des crit que les individus, mais plus tales et 85,2 % chez les mères mono- † contraintes du personnel dispensant particulièrement les femmes au sein parentales ayant des enfants de 6 à ces services. Ainsi, les horaires des des familles, gèrent les dysfonctions 15 ans. services scolaires et des services de découlant des effets croisés des déci- garde font l’objet d’un nombre Dans un nombre croissant de sions prises par des systèmes d’ac- important d’initiatives. En effet, dans familles, les deux parents sont en teurs parallèles. Les femmes, comme plusieurs pays, notamment en emploi. En 2004, on dénombrait 137 principales responsables de la « ges- † Allemagne et aux Pays-Bas, les 510 500 familles biparentales comp- tion ordinaire de la vie en deux » † horaires de ces services ne couvrent tant une mère de 25 à 44 ans et au (Haicault, 1984), ont donc fait de la pas la totalité des heures de travail moins un enfant de moins de 16 ans. synchronisation des temps sociaux des parents. Les problèmes de Dans près de 70 % de ces familles une question d’égalité entre les sexes. † congestion urbaine conduisent à des (356 200 familles), les deux parents En faisant d’elle un enjeu public, les interventions sur les flux dans la sont en emploi. Cette proportion Italiennes se sont écartées des straté- ville, notamment des modifications n’était que de 30,6 % en 1976, soit gies individuelles déployées dans la † aux horaires des principaux « pres- 180 600 familles sur un total de † sphère privée pour tenter de concilier cripteurs temporels » comme les 590 000 familles. Toutefois, même si † ce qui est difficilement conciliable, en campus, les hôpitaux, les entreprises, on observe une forte augmentation raison notamment des contraintes interventions menées en étroite col- du travail à temps plein chez les spatio-temporelles posées par l’orga- laboration avec les agences de trans- mères, encore aujourd’hui, une pro- nisation actuelle de l’espace urbain. port collectif. Enfin, les projets liés portion importante travaille à temps au temps hors-travail s’inscrivent Quelques éléments du contexte partiel : en 1976, 81,5 % des mères † † parfois dans des objectifs de revitali- québécois dont le plus jeune enfant avait moins sation urbaine : réaménagement † de 6 ans et 69,6 % de celles dont le † d’une place publique, à Pezzaro, en Les grandes tendances évoquées plus jeune enfant avait entre 6 et 15 Italie, par exemple. D’autres initia- pour expliquer le développement de ans travaillaient à temps partiel; ces tives sont davantage à caractère cul- politiques temporelles en Europe proportions, en 2004, sont respecti- turel et visent une extension des sont, on s’en doute, également à vement de 42,2 % et de 39,5 %. Plus † † plages d’animation urbaine, comme l’œuvre au Québec. Cette section du quart (26,2 %) des femmes de 15 † la nuit des arts, à Helsinki, en présente un bref survol des évolu- ans et plus travaillant à temps partiel, Finlande. On observe d’ailleurs un tions récentes dans quelques-uns des en 2002, en faisaient un choix per- fort intérêt pour les temps et rythmes domaines pertinents, de manière à sonnel alors qu’un peu plus de 15 % † de nuit : ainsi, la Maison du temps et † camper le contexte dans lequel s’en- évoquaient les soins aux enfants ou de la mobilité de Belfort, en France, gage ici la discussion sur l’articula- d’autres obligations personnelles ou mène actuellement une enquête tion des temps sociaux. familiales pour justifier leur temps internationale sur les mobilités à partiel. cette période de la journée, et un La participation des femmes québécoises au salariat Il n’est donc pas étonnant d’obser- livre vient d’être publié sur l’activité ver, comme ailleurs, une répartition urbaine nocturne (Gwiazdzinski, Au Québec 5, le taux d’activité des du temps contraint (temps profession- 2005). † femmes de 25 à 44 ans avec enfants nel et temps domestique) différenciée On constate donc que la préoccu- d’âge préscolaire (5 ans et moins) a selon les sexes. En 1998, la moyenne pation pour la synchronisation des considérablement augmenté depuis du temps quotidien contraint chez les temps, telle qu’elle s’est développée le milieu des années 1970 : il est † hommes de 15 ans et plus avec d’abord en Italie, s’ancre dans l’uni- passé de 29,5 % en 1976 à 79,1 % en † † conjointe était de 7,3 heures, répar-
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 138 LIEN SOCIAL ET POLITIQUES—RIAC, 54 de la femme, 2000). Le travail à sont trois fois plus nombreuses dans temps partiel a légèrement augmenté cette situation en 2002 comparative- Des politiques temporelles au Québec : une greffe possible en milieu municipal ? en 2000 (27,9 %); les données, limi- † ment à 1976. Ce phénomène touche tées ici aux femmes travailleuses davantage les professions du savoir, autonomes en entreprises constituées où le personnel est soumis à des ou non constituées en société, témoi- situations de « contrainte de résul- † gnent également d’une légère pro- tats » (Lapointe, 2005). † gression, de 6,9 % à 7,3 %, entre † † 1996 et 2001 8. Par ailleurs, les † Les congés parentaux parents de jeunes enfants seraient plus nombreux à travailler selon des Diverses mesures ont été progres- horaires inhabituels. Marcil-Gratton sivement mises en place par le 138 et Le Bourdais évaluent que dans Canada et le Québec pour répondre à 52 % des familles avec jeunes † l’augmentation de la participation enfants, au moins un des parents a un des femmes au marché du travail ties ainsi : temps professionnel, † salarié durant la phase de maternité horaire de travail atypique, c’est-à- 4,9 heures; temps domestique, 2,4 heures. active 9. Parmi ces mesures, celles dire travaille le soir, la nuit ou la fin † Chez les femmes, le temps contraint qui concernent la prise en charge des de semaine et cette réalité est plus est un peu plus long, soit 7,7 heures soins aux enfants sont particulière- accentuée dans les familles où la par jour. Dans leur cas, 3,7 heures ment pertinentes pour le sujet discuté mère a moins de trente ans (MESF, sont consacrées au temps profession- ici. Il s’agit des congés parentaux et 2003). Une enquête auprès des nel et 4,0 heures au temps domes- des services de garde à l’enfance. parents avec enfants de 12 ans et tique. Le temps libre présente Les premiers déterminent la période moins indique que dans 66,4 % des † également des différences : les † pendant laquelle les mères et les cas, les deux parents ou la personne hommes bénéficient en moyenne de pères peuvent prendre eux-mêmes en en situation monoparentale tra- 6,1 heures, les femmes de 5,4 heures. charge à temps plein les soins de vaillent selon des horaires réguliers; dans 25,4 % des familles, un des l’enfant tout en conservant une partie L’augmentation du travail atypique † de leurs revenus. Les deuxièmes per- deux parents travaille selon un Au Québec, entre 1976 et 1995, la horaire irrégulier; et enfin, dans mettent le retour en emploi en orga- croissance de l’emploi a été marquée 8,0 % des familles, les heures de tra- † nisant la prise en charge des enfants par une forte augmentation du travail vail sont irrégulières pour les deux par une personne autre que les dit atypique 6. Le travail à temps par- † conjoints ou la personne en situation parents. tiel et le travail autonome représen- monoparentale (Bureau de la statis- En 1971, le Canada a intégré à son taient 16,7 % des emplois en 1976, et tique du Québec, 1999). programme d’assurance-chômage, † 29,3 % en 1995. Si l’emploi total a financé par les employeurs et les tra- † Le nombre moyen d’heures tra- connu une croissance de 25 % durant vailleurs, un programme de congés † vaillées sur une base annuelle a légè- la même période, le travail atypique rement diminué depuis les 25 de maternité. Jusqu’en 2001, ce pro- a augmenté quant à lui de 135 %. † dernières années : au Québec, il est gramme, accessible uniquement aux Déjà, en 1995, on estimait que le † passé de 1845 heures à 1720 heures, femmes ayant droit à l’assurance- nombre d’emplois atypiques se diminution attribuable aux phéno- chômage 10, leur versait 55 % de leur † † situait entre 900 000 et 1 150 000, mènes mentionnés plus haut. salaire pour une période de 25 c’est-à-dire entre 29 % et 36 % de † † Cependant, on assiste également à semaines (15 semaines de congé de l’emploi total au Québec 7. † une augmentation du nombre de per- maternité et 10 semaines de congé Cette évolution a touché les sonnes travaillant 50 heures et plus parental). Depuis quatre ans, le congé femmes. Entre 1976 et 1996, le tra- par semaine. En 2002, on dénombre parental peut aller jusqu’à 50 vail à temps partiel a doublé chez 400 000 personnes travaillant des semaines (15 semaines à la mère et elles, passant de 13,6 % à 26,8 %, et † † heures excessives, soit un tiers de 35 semaines partageables entre les le travail autonome a triplé, passant plus qu’en 1976. L’accroissement est conjoints). Le niveau des prestations de 3,4 % à 10,3 % (Conseil du statut † † considérable chez les femmes, qui demeure le même, soit 55 % du †
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 139 revenu assurable, plafonné à 39 000 missibilité et en augmentant le La consolidation des services de dollars par année. Pour les fins d’ad- niveau des prestations. Il offre diffé- garde ne s’inscrit de manière expli- missibilité, on exige 600 heures de rentes possibilités aux parents quant cite dans les priorités de la politique travail durant la période de référence. à la durée du congé et vise un enga- familiale québécoise qu’à partir de gement plus grand des pères durant 1997. Plusieurs mesures sont alors Le Québec, quant à lui, a adopté la première année de vie de l’enfant. prises pour favoriser le développe- une politique familiale explicite à la fin des années 1980, ce qui le dis- On peut penser que ces modifica- ment des enfants : passage de la † tingue des autres provinces cana- tions auront un impact à la hausse sur maternelle de temps partiel à temps diennes et des États-Unis (Dandurand la participation au programme, et à la complet pour les enfants de cinq ans et Saint-Pierre, 2000). Des change- baisse sur la demande de services de à partir de septembre 1997; services ments importants y ont été apportés garde pour poupons. éducatifs à mi-temps et services de en 1997 : on vise un meilleur soutien † garde gratuits pour les enfants de 139 à l’articulation famille-emploi, Les services de garde quatre ans en milieu défavorisé; mise notamment par la création d’un pro- Si l’histoire des services de garde en place, étalée sur cinq ans, de ser- gramme québécois de congés remonte au milieu du 19e siècle au vices de garde à frais minimes 11 pour † parentaux plus généreux que le pro- Québec, la progression rapide des les enfants dont les parents sont en gramme fédéral. Au terme de près de emploi ou aux études. La politique femmes sur le marché de l’emploi à dix ans de négociations, les deux crée les centres de la petite enfance partir des années 1970 a nécessité ordres de gouvernement en sont des ajustements importants dans sur la base du réseau existant, celui venus à un accord et le programme l’offre de services collectifs à la des garderies sans but lucratif gérées québécois doit entrer en vigueur en petite enfance. Le développement de par les parents utilisateurs : ces janvier 2006. Il accordera de 70 % à † † 75 % du revenu assurable pour le † ces services s’est accéléré depuis centres doivent intégrer plusieurs congé de maternité, selon la durée sept ans. modes de garde 12 et ont un rôle de † retenue, soit 18 ou 15 semaines. Les dépistage et d’intervention (Lalonde- — Les services de garde à la petite parents pourront également se parta- Graton, 2002). enfance ger un congé parental de 25 semaines L’objectif du gouvernement du à 75 % du revenu assurable ou de 32 † L’histoire des services de garde Québec est d’offrir au total 200 000 semaines réparties entre 7 semaines à montre que les actuels centres de la places en services de garde en 2006 70 % du revenu et 25 semaines à † petite enfance (qui, au Québec, 55 % du revenu. Pour le calcul des † accueillent les enfants jusqu’à l’âge pour les enfants de moins de cinq ans prestations, le revenu maximum de 4 ans) sont le fruit de plus de (Ministère de la Famille, des Aînés et assurable sera de 56 000 dollars. trente ans de pressions exercées de la Condition féminine, 2005). En Deux nouveautés sont ajoutées, soit d’une part par des groupes de 2004, on comptait 179 755 places un congé, réservé au père, de 5 ou 3 citoyennes et citoyens et, d’autre offertes par 996 centres de la petite semaines à 70 % ou 75 % du revenu † † part, par le réseau d’organismes sans enfance (68 274 places en installa- et l’admissibilité des travailleuses et but lucratif à la base du développe- tion et 82 044 places en milieu fami- travailleurs autonomes. Enfin, les ment des garderies à partir du début lial) et 501 garderies 13 totalisant † exigences d’admissibilité sont dimi- des années 1970. Ces pressions 29 437 places. L’offre de service nuées : il suffit d’avoir cumulé 2000 † avaient comme principaux objectifs régie a triplé entre 1997 et 2004, en dollars de revenu lié à l’activité pro- de rendre le service accessible à grande partie grâce à l’augmentation fessionnelle pendant la période de toutes les familles qui en ont besoin des places en milieu familial 14. La † référence. part des dépenses publiques consa- ainsi que d’obtenir de l’État un Au palier fédéral, les change- financement adéquat et stable pour, crée aux services de garde à la petite ments apportés touchent principale- notamment, améliorer la qualité du enfance a quadruplé entre 1992 et ment la durée du congé parental. Au service et les conditions de travail 2001, passant de 0,4 % à 1,6 % des † † Québec, le programme prévu pour des éducatrices (Lalonde-Graton, dépenses totales, soit près de 790 2006 va plus loin en élargissant l’ad- 2002). millions de dollars en 2000-2001.
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 140 LIEN SOCIAL ET POLITIQUES—RIAC, 54 du niveau préscolaire et primaire ont enfants par leur famille, des voisins, fréquenté le service de garde de leur etc.). L’été, les programmes vacances- Des politiques temporelles au Québec : une greffe possible en milieu municipal ? école. En 1997-1998, 45 % des † été, de terrains de jeux ou de camps écoles (923 établissements) offraient de jour coordonnés et financés, cette un tel service. Cette proportion a fois, par les municipalités offrent un grimpé à 68 % en 2002-2003 (1534 † choix privilégié par les parents établissements). Un an plus tard, ce (Bureau de la statistique du Québec, nombre était de 1582 écoles. 1999). Les villes peuvent offrir elles- L’enquête de 1999 du Bureau de la mêmes les services ou encore soute- statistique rapporte que l’augmenta- nir financièrement les organismes tion du nombre de places en milieu sans but lucratif (centres communau- scolaire fait partie des principaux taires, corporations de loisirs) qui 140 besoins exprimés par les parents. En s’en chargent. L’offre de services est 2001, selon la Fédération des com- extrêmement variable sur le terri- missions scolaires du Québec, l’ac- toire et, en général, elle ne couvre — Les services de garde en milieu cessibilité s’est considérablement pas toute la période des vacances scolaire améliorée : en 1998, 78 % des parents † † estivales : en effet, les jeunes étu- † Les services de garde en milieu disaient avoir accès à un service de diantes et étudiants qui forment la scolaire sont financés par le minis- garde en milieu scolaire; trois ans main-d’œuvre de ces programmes tère de l’Éducation, et leur dévelop- plus tard, la proportion était de d’été retournent en classe (au niveau pement est sous la responsabilité des 90,9 % (Fédération des commissions † collégial) plus tôt que la clientèle commissions scolaires. Celles-ci ne scolaires du Québec, 2003, 2004). desservie (niveau primaire). Ces pro- sont soumises à aucune obligation, à grammes étant très décentralisés, il Les services de garde en milieu moins qu’une demande soit faite par est difficile d’en dresser un portrait scolaire accueillent les enfants le conseil d’établissement d’une exhaustif. Les récents développe- durant l’année scolaire : leurs activi- † école primaire 15. En général, ces ser- ments de la politique familiale du tés sont financées 200 jours par † vices accueillent les enfants le matin gouvernement du Québec ne tien- année, ce qui ne comprend pas les avant le début des classes (à 7 h, nent aucun compte de la garde esti- périodes de vacances en cours d’an- dans certains cas dès 6 h), le midi et vale des enfants d’âge scolaire. Les née (vacances de Noël, par exemple). après la fin des classes (jusqu’à Il est laissé à la discrétion de chaque municipalités ont déjà reçu un sou- 18 h). Depuis 1998, les parents dont service d’ouvrir à ces occasions, et tien financier, mais pendant quelques les enfants fréquentent régulièrement ceux qui le font fonctionnent sans années seulement. le service paient des tarifs quotidiens subvention : ils sont alors dans l’obli- équivalents à ceux des services de † — Les services de garde à horaires gation de faire payer la totalité des garde préscolaire. Les coûts absorbés non usuels frais par les parents, frais qui peu- par le ministère de l’Éducation ont vent atteindre 15-20 dollars par jour L’offre de garde à horaires non augmenté de 417 % en cinq ans, par enfant. usuels demeure très faible et a eu † atteignant 185 millions de dollars en tendance à diminuer entre 1998 et 2002-2003 (Fédération des commis- — Les services de garde en dehors 2001. Elle est surtout le fait de la sions scolaires du Québec, 2003). du calendrier scolaire garde en milieu familial, où 28,9 % † L’offre a augmenté progressive- En dehors du calendrier scolaire des responsables offrent de la garde ment depuis vingt ans, mais la crois- (c’est-à-dire durant les vacances de de soir, 17,1 % de la garde de nuit et † sance a été particulièrement rapide Noël, la semaine de relâche de mars, 21,3 % de la garde de fin de † depuis l’instauration des nouveaux les vacances estivales), l’offre de semaine en 2001. Ces proportions tarifs. En 1978-1979, 5000 enfants services de garde est très aléatoire et sont nettement plus faibles en ins- étaient accueillis dans ces services; les parents d’enfants d’âge scolaire tallation (CPE), où l’offre ne en 1997-1998, on en comptait 92 564 (5 à 12 ans) doivent avoir recours à dépasse pas 2,3 % (garde de soir) et † et, en 2003-2004, 232 000. En 2002- diverses stratégies (prendre eux- en garderie, où, pour la même 2003, on évalue que 39 % des enfants † mêmes des vacances, faire garder les période, elle est de 5,3 % (MESF, †
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 141 2003). L’adaptation des heures de ouvrir tous les jours de 8 h à 22 h ou L’articulation des temps sociaux services aux horaires de travail est 23 h, moyennant certaines restric- au niveau local : un enjeu social le principal besoin exprimé par les tions dans le nombre d’employés en clairement énoncé ? parents, toujours selon l’enquête du service après 18 h. L’interdiction Bureau de la statistique du Québec Il ne fait donc pas de doute qu’au d’ouvrir le dimanche a également été (1999). Une dizaine de projets- Québec, comme ailleurs, les trans- levée en 1990. Les normes du travail, pilotes ont été expérimentés au formations dans l’organisation du qui s’appliquent aux travailleuses et travail et la poursuite de l’activité Québec en 2000-2001 et évalués par travailleurs non syndiqués (nom- professionnelle chez les mères, mal- le ministère de la Famille et de breux dans le secteur commercial), gré la récente consolidation des pro- l’Enfance (2002a). n’imposent pas de fortes contraintes grammes et des mesures de soutien, On note donc que des efforts aux employeurs, qui disposent ainsi posent des défis importants en importants ont été consentis pour d’une bonne marge de manœuvre termes d’organisation sociale, spa- 141 augmenter l’offre de services de dans la gestion de leur main- tiale et temporelle. Le temps — le garde à l’enfance. Il est encore tôt d’œuvre 17. † manque de temps, la faible maîtrise pour mesurer l’impact de ces sur l’organisation de son temps, le mesures, notamment sur la participa- En résumé, on constate que les sentiment d’essoufflement, etc. — tion des femmes au marché du tra- conditions d’organisation quoti- est au cœur des préoccupations des vail. On note toutefois que dienne des familles québécoises ont parents travailleurs (Tremblay, 2000; l’adaptation des services de garde à beaucoup évolué depuis le milieu Conseil de la famille et de l’enfance, la diversification des horaires de tra- des années 1970 avec l’augmenta- 2001; MESF, 2004a). Les enquêtes vail demeure faible et que certains tion de la participation des mères de sur les mesures de soutien en milieu aspects de l’organisation des parents, de travail font ressortir les préfé- jeunes enfants au marché de l’em- notamment la garde des enfants rences des parents pour des mesures ploi. L’offre de soutien collectif a d’âge scolaire pendant les vacances de gestion temporelle : horaires été lente à s’ajuster et ce n’est qu’à † scolaires, n’ont pas fait l’objet d’une flexibles, compression de la semaine attention suffisante de la part du gou- partir du milieu des années 1990 que l’État fait de la « conciliation de travail, banque de temps, congés vernement provincial. † pour raisons familiales, par exemple travail-famille » une priorité. Le † (Tremblay, 2000; Tremblay et Les heures d’ouverture des prolongement du congé parental et Amherdt, 2000; Tremblay et commerces le travail à temps partiel, encore Vaillancourt-Laflamme, 2000). important chez les mères de jeunes Une des différences encore évi- enfants, peuvent réduire les conflits L’articulation famille-emploi fait dentes entre l’Europe et l’Amérique spatio-temporels en donnant plus de l’objet de nombreux travaux de du Nord sur le plan temporel réside flexibilité aux parents dans la ges- recherche, tant en milieu scientifique dans la très grande libéralisation des tion de leurs activités. Ils évitent que de la part de ministères, et fait heures de commerce de ce côté-ci de cependant de s’interroger sur l’orga- surface en campagne électorale, mais l’Atlantique. nisation temporelle en privilégiant l’essentiel des travaux, des discus- Les services commerciaux ont tou- des stratégies d’accommodement sions et des mesures proposées jours fonctionné en continu, sans fer- demeure cantonné, sauf exception, à dans la sphère privée. On voit mer le midi, permettant aux une approche ciblant l’organisation d’ailleurs que les ajustements à la travailleuses et travailleurs de faire du travail et l’offre des services per- diversification des horaires de travail des emplettes à proximité du bureau, mettant aux femmes de demeurer en sont beaucoup plus lents. Par emploi. On ne peut pas dire que la par exemple. Depuis longtemps, les magasins sont ouverts jusqu’à 21 h le ailleurs, on constate que le secteur synchronisation des temps sociaux jeudi et le vendredi, et jusqu’à 17 h le commercial offre beaucoup de lati- ait, à ce jour, émergé comme un samedi. La loi provinciale régissant tude temporelle aux consommatrices enjeu important, du moins pas en des les heures d’ouverture des com- et consommateurs, ce qui n’est pas termes semblables à ce qui est merces a été modifiée en 1990 16. † sans conséquence pour la main- observé en Europe, soit articulé sous Depuis, les commerces peuvent d’œuvre de ce secteur d’activité. la forme d’une demande sociale en
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 142 LIEN SOCIAL ET POLITIQUES—RIAC, 54 liale, harcèlement sexuel, etc.), ques- palités et Programme femmes et ville tions relevant des niveaux provincial de la Ville de Montréal, 1997, Des politiques temporelles au Québec : une greffe possible en milieu municipal ? et fédéral 19. L’atteinte de l’autonomie † 2004) 21. † économique des femmes par leur insertion dans le marché du travail a Le sentiment d’insécurité est sou- donc été une des priorités du mouve- vent lié à la configuration des lieux ment des femmes. Cependant, en publics et à leur désertion le soir. La grande partie en raison de la réparti- faible participation des femmes à tion des responsabilités entre les l’espace public est souvent expliquée divers ordres de gouvernement, le par le cumul des tâches et les conflits mouvement n’a pas fait du niveau d’horaires. L’analyse différenciée politique local son terrain privilégié selon les sexes peut permettre, en 142 d’action et de revendication. recueillant des données ventilées et en intégrant les différences de condi- Le mouvement des femmes n’est tion entre les femmes et les hommes, faveur de politiques temporelles pas pour autant absent de la scène de mettre au jour la variabilité des urbaines 18. † locale. Il a mis sur pied un important impacts de l’organisation spatiale et réseau de services s’adressant aux temporelle des villes selon les sexes. Les femmes étant les principales femmes : centres de femmes, centres † Ces thèmes sont donc porteurs d’une personnes concernées par les effets de santé, centres d’hébergement pour réflexion sur l’articulation des temps de la division sexuelle du travail, de femmes victimes de violence, sociaux, mais celle-ci ne s’est pas l’espace et du temps, et les familles centres multiculturels, librairies encore exprimée sous la forme d’une étant perçues actuellement comme féministes, etc. La sécurité urbaine, revendication structurée en faveur les grandes victimes de la difficile et plus récemment, la représentation d’une politique explicite. articulation entre sphère profession- politique des femmes au sein des ins- nelle et sphère familiale, voyons si, tances politiques locales et régio- Le mouvement familial au Québec, le mouvement des nales de même que l’application de femmes et le mouvement familial Ce deuxième mouvement a fait de l’analyse différenciée selon les sexes sont porteurs d’un discours sur la l’adoption d’une politique familiale (ou l’approche intégrée de l’égalité) question et, le cas échéant, s’ils provinciale son principal cheval de par ces instances ont fait l’objet de considèrent les villes comme des bataille (Lemieux et Comeau, 2002). nombreuses actions de la part des interlocutrices en ce domaine. Mais la Fédération des unions des groupes locaux et des regroupements régionaux de groupes de femmes, familles, une des fédérations très Le mouvement des femmes engagée dans cette action, a eu très tôt actions visant cette fois-ci davantage Les principaux enjeux du mouve- le niveau politique local (Brais et le souci de faire reconnaître le rôle ment depuis le début des années Frohn, 2002) 20. La brochure produite † des municipalités comme respon- 1970 ont trait à la participation des à l’intention des municipalités par la sables des milieux de vie. Elle en a femmes au marché de l’emploi Fédération canadienne des munici- fait une priorité d’action, créant un (équité en emploi, congés de mater- palités et la Ville de Montréal, Une comité permanent à cette fin en 1990. nité, services de garde, accès aux ville à la mesure des femmes, rend En 2001, ce dernier, le Carrefour métiers non traditionnels, etc.), à la compte des dossiers de nature locale action municipale et famille, s’est santé (droit à l’avortement, santé défendus par le mouvement des constitué en organisme autonome reproductive, etc.), aux inégalités femmes du Québec, du Canada et pour continuer à promouvoir une économiques (équité salariale, per- d’ailleurs dans le monde. On peut action municipale en faveur des ception des pensions alimentaires, noter que les politiques temporelles familles et s’assurer que le gouverne- patrimoine familial, normes mini- ont fait leur entrée dans la seconde ment provincial soutienne les munici- males de travail, programmes d’aide édition (2004), qui expose les actions palités prêtes à agir en ce sens. Il sociale, allocations familiales, etc.) de Paris et de Rennes, en France, suggère à ces dernières, entre autres ainsi qu’à la violence à l’endroit des ainsi que de Prato, en Italie choses, d’adopter une politique fami- femmes (violence conjugale et fami- (Fédération canadienne des munici- liale. L’élaboration de la première
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 143 vague de ces politiques, dans les ment s’adressant aux municipalités, familiales municipales adoptées années 1990, n’a pas bénéficié d’un il invite celles-ci à considérer l’orga- avant le Plan concerté 25. Le double † support financier. À partir de 2002, nisation du milieu de vie en lien avec emploi dans les familles et la prise en dans le cadre du Plan concerté pour la concordance des temps sociaux et charge des aînés par leurs enfants les familles, dont un des trois axes familiaux (Carrefour action munici- sont mentionnés dans les réalités cible l’adaptation des milieux de vie pale et famille, 2005). sociologiques par 34 % et 16 % des † † aux besoins des familles, les munici- 50 politiques analysées. Onze poli- Le palier municipal est donc palités ont pu recevoir du finance- tiques identifient clairement cette considéré depuis longtemps comme ment de l’État pour faire cet exercice question comme une problématique un acteur important du soutien aux (Ministère de la Famille et de à considérer. Cette préoccupation familles par le mouvement familial. l’Enfance, 2002b). À ce jour, 160 semble ensuite être intégrée à la L’accent mis sur le rôle des munici- municipalités ou municipalités régio- fonction « augmenter l’accessibilité » palités dans le domaine de l’articula- † † nales de comté (MRC) 22 ont adopté † préconisée par plusieurs villes : celle- 143 tion famille-travail s’est intensifié au † une politique familiale (sur plus de ci arrive au troisième rang des fonc- fil des ans. Le discours, au cours de 1100 municipalités et 86 MRC). tions retenues par les villes, mais la dernière année, a fait référence de Cependant, si on tient compte de la seulement trois politiques la classent manière très explicite au besoin taille des municipalités, on évalue en au premier rang et quatre autres, au d’une action locale concertée sur les 2003 que les politiques familiales second rang. temps. Mais on en demeure encore déjà adoptées ou en voie de l’être aux balbutiements. La très grande majorité des axes rejoignent plus des deux tiers de la population du Québec (Ministère de d’intervention retenus sont formulés L’articulation des temps en respectant les domaines d’inter- la Famille et de l’Enfance, 2003). sociaux : une préoccupation vention municipaux. Le domaine des Le Carrefour a fait la promotion municipale ? loisirs et de la culture demeure le d’une action municipale en soutien à grand privilégié des politiques fami- À l’été 2004, dans son document l’articulation famille-emploi dès le liales (47 politiques). Près de la moi- de consultation, le gouvernement du milieu des années 1990 23, mais son † tié des politiques mentionnent Québec identifiait trois lieux d’inter- guide d’accompagnement de 2002 à également les services de garde, un vention pour agir sur l’articulation l’intention des municipalités dési- secteur pourtant négligé par les muni- des activités professionnelles et reuses d’élaborer une politique fami- cipalités 26. Dans trois domaines, la familiales : le milieu familial, le † † liale ne fait pas explicitement fonction d’accessibilité est retenue : milieu du travail et le milieu de vie. † référence à ces questions d’articula- les loisirs et la culture, l’habitation et La section traitant du milieu de vie tion des temps (Carrefour action les transports. Cette préoccupation interpellait directement les instances municipale et famille, 2002) 24. Ses † pour l’accessibilité diminue toutefois locales et régionales sur la question interventions se sont accentuées dans au niveau des objectifs formulés; elle de la désynchronisation des horaires les dernières années : il a adopté, lors † passe alors au 6e et dernier rang. De (MESF, 2004b). Un an plus tard, le de la Conférence nord-américaine plus, en considérant comme un tout ministère de la Famille, des Aînés et sur la famille, en mai 2003, une la notion d’accessibilité (générale, de la Condition féminine (2005) déclaration sur l’importance du financière, temporelle et spatiale), réitère sa volonté d’adopter une poli- temps pour les familles et s’est pro- l’analyse ne permet pas de mesurer la tique sur la « conciliation travail- † noncé à l’automne 2004 en faveur de part allouée à chacune de ces dimen- famille » et d’y associer les † l’implantation de bureaux des temps, sions particulières. municipalités. En l’absence d’une dans la foulée de la consultation qué- mobilisation sociale ferme, quelle bécoise sur une politique sur la On voit donc que les villes respec- sensibilité les municipalités manifes- « conciliation travail-famille ». À tent l’approche préconisée par le tent-elles à cet égard, notamment † † cette même occasion, il recomman- Carrefour action municipale, qui dans leur politique familiale ? † dait l’organisation d’un grand chan- accompagne alors les municipalités tier québécois sur les temps sociaux La conciliation travail-famille dans leur démarche : une approche † (Carrefour action municipale et n’est pas totalement absente de la articulée en fonction de leurs champs famille, 2004). Dans un récent docu- première génération de politiques d’intervention les plus directement
MEP LSP 54 corrigée 2/3/06 10:49 AM Page 144 LIEN SOCIAL ET POLITIQUES—RIAC, 54 enjeu par Québec, Longueuil et secteurs sont gérés de manière Gatineau et inscrits comme axes déconcentrée par d’autres instances Des politiques temporelles au Québec : une greffe possible en milieu municipal ? d’intervention dans la politique de (commissions scolaires, agence de Québec et le projet de Longueuil. développement des réseaux locaux Québec et Longueuil mentionnent des services de santé et des services toutefois qu’une meilleure articula- sociaux, par exemple) (Hamel, tion des temps sociaux ne peut être 2001). Les revenus municipaux pro- atteinte qu’en étroite concertation viennent dans une très large propor- avec les autres acteurs locaux tion de la taxe foncière et les villes concernés, notamment dans les n’engagent que 10% à 15 % des † domaines de l’éducation, de la santé dépenses publiques totales. Le peu et des services sociaux ainsi que des d’empressement des municipalités 144 services de garde. québécoises à réagir aux proposi- tions du gouvernement provincial On peut se réjouir de cette ouver- peut-il s’expliquer par leur pouvoir concernés (habitation, loisirs et cul- ture plus explicite à une action sur très restreint quand il s’agit de syn- ture, sécurité publique, urbanisme, les temps sociaux dans l’optique chroniser les temps ? L’exemple sui- † environnement, transport, soutien d’un soutien à l’organisation de la vant illustre les limites auxquelles aux organismes communautaires, vie quotidienne des familles. elles sont rapidement confrontées et services de garde) et, par le fait Cependant, la réponse très modeste met en évidence le besoin d’articula- même, à la structure administrative des municipalités à l’invitation qui tion d’abord entre les deux paliers très verticale des villes, ce qui ne leur était faite de réagir au projet de politiques. favorise pas l’appréhension de pro- politique sur la « conciliation travail- † blématiques transversales, comme famille » du gouvernement du † Le débat sur les heures celles de l’articulation famille- Québec, à l’automne 2004, relativise d’ouverture des commerces emploi ou des temps sociaux. cette percée : seules trois villes ont † soumis un mémoire. L’Union des À l’automne 2004, Cadillac- L’analyse de la deuxième généra- Fairview, un important propriétaire municipalités du Québec et la tion sera à faire lorsque les villes de centres commerciaux surtout Fédération québécoise des municipa- actuellement financées auront com- implanté dans la région montréa- lités, les deux unions provinciales plété leur démarche. Cependant, laise, décide d’appliquer à leur plein représentant le monde municipal, l’étude sommaire des politiques potentiel les heures de commerce n’ont pas soumis de mémoire, mais familiales adoptées ou des projets permises par la loi depuis 1990 30 et ont finalement accepté de venir dis- † présentement soumis à la consulta- d’ouvrir tous les soirs de la semaine cuter avec le ministre. La réponse a tion publique par quelques grandes jusqu’à 21 h. La réaction est vive de par contre été plus forte de la part des villes (Sherbrooke, Trois-Rivières, la part des commerçants indépen- conférences régionales des élus Gatineau, Québec et Longueuil) 27 † dants qui ne voient pas d’avantages à (CRE) 28, interpellées comme éven- † laisse entrevoir une évolution. Les prolonger les heures d’ouverture au tuelles coordonnatrices des actions villes de Trois-Rivières, Sherbrooke, détriment de la rentabilité de leur locales et régionales dans le champ Longueuil et Québec optent pour une commerce, de leur qualité de vie et de l’articulation emploi-famille 29. † approche articulée en termes d’en- de celle de leurs employés. Seules jeux (accessibilité, sentiment d’ap- Les politiques temporelles : les les grandes chaînes, selon eux, peu- partenance, sécurité, information, municipalités québécoises ont- vent bénéficier d’une telle mesure, participation citoyenne, soutien à ce que tend à démontrer une étude elles le pouvoir d’intervenir ? l’organisation quotidienne, etc.), récente 31. La très grande majorité des † s’éloignant du modèle dominant jus- Contrairement à ce qu’on observe lectrices et lecteurs qui se sont expri- qu’à maintenant. Les problèmes de ailleurs au Canada et dans le monde més dans les quotidiens québécois synchronisation des temps de la vie occidental, au Québec l’éducation, la ont réagi de manière négative, au quotidienne sont abordés de manière santé et les services sociaux sont de nom de la qualité de vie des très explicite, considérés comme un juridiction provinciale, même si ces familles 32. †
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