DOSSIER PEDAGOGIQUE - Théâtre Montansier
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DOSSIER PEDAGOGIQUE NOTRE-DAME DE PARIS Au théâtre Montansier Représentations scolaires : lundi 15 avril à 14h mardi 16 avril à 10h & 14h Représentation tout public : mercredi 17 avril à 20h30 Informations & réservations : 01 39 20 16 00 / www.theatremontansier.com Théâtre Montansier : 13, rue des Réservoirs 78 000 Versailles
DISTRIBUTION Auteur : Victor Hugo Adaptation : Paul Stebbings Mise en scène : Gaspard Legendre Musique : John Kenny Chorégraphies : Eric Tessier-Lavigne Production Grantly Marshall Avec : Caroline Aïn : Esmeralda, la Femme, une Gargouille Thierry Jennaud : Frollo, le Juge, un Soldat, une Gargouille Gaspard Legendre : Phoebus, le Roi des Mendiants, l’Official, une Gargouille Aurélien Mallard : Quasimodo, le Soldat, le Tortionnaire Marwenna Spagnol : Fleur de Lys, la Femme Aveugle, le Bourreau, la Prostituée, un Garde Royal, une Gargouille Durée : 1h40 Recommandations Soyez présents 30 minutes avant le début de la représentation, le placement de tous les groupes ne peut se faire en 5 minutes ! Le placement est effectué par les ouvreurs, d’après un plan établi au préalable selon l’ordre de réservation. Nous demandons aux groupes scolaires de respecter ce placement. En salle, nous demandons également aux professeurs d’avoir l’amabilité de se disperser dans leur groupe de manière à encadrer leurs élèves et à assurer le bon déroulement de la représentation.
NOTE D’INTENTION SUR LA MISE EN SCENE La pièce s’ouvre sur une façade. Façade de Notre-Dame et superficialité de la société : téléphones et cannes à selfie envahissent l’espace historique représenté par une gravure, sans se préoccuper de la profondeur ni de l’histoire du lieu. Comme dans un rêve le public est ensuite plongé en 1482 : invités par les gargouilles, les spectateurs entrent de manière presque voyeuriste dans cette maison de poupée : la cathédrale s’ouvre sous leurs yeux et leur offre le parcours de vie des personnages. L’écriture de Victor Hugo dépeint un univers complexe et puissant que nous avons cherché à recréer sans perdre de vue les destins individuels. La relation père-fils Frollo/Quasimodo, le désir de Phoebus ou l’étau qui se resserre sur la gitane Esmeralda. Plusieurs sociétés se mêlent, s’opposent, se répondent : Fleur de Lys, qui évolue dans un monde déconnecté et qui tourne autour telle une danseuse en porcelaine dans une boîte ; la cour qui témoigne d’une mécanique huilée et d’une justice approximative ; l’Eglise, et son représentant Frollo tiraillé entre le ciel et la terre, ou encore le monde des gitans, des mendiants, qui s’extraient physiquement de scène à la recherche d’une communication directe avec le spectateur… Les gargouilles sont là, telles une trinité enchantée et évoluent dans l’espace pour nous conter l’histoire. Elles définissent l’action et le lieu pour permettre au spectateur d’en tirer chaque fil. La cathédrale Notre-Dame est au centre de la pièce et semble avoir une vie propre. Elle représente le rouage fatal dans lequel chaque personnage est entraîné malgré lui au sein de cette société naissante et titubante. Les tours pivotent et se déconstruisent, représentant l’avancée de l’intrigue et le monde qui rétrécit autour des personnages. La mise en scène physique privilégie l’action et met au centre la dramaturgie de l’auteur. L’écriture de Victor Hugo est intemporelle et c’est là toute la force de cette pièce aujourd’hui : on se moque de savoir de quels pays est originaire Esmeralda ou à quelle église appartient Claude Frollo. C’est un drame romantique, visuel, vertigineux, viscéral et intemporel que nous partageons aujourd’hui. (Source dossier de présentation Notre-Dame de Paris, ADG Europe)
NOTE D’ADAPTATION C’est sans doute le roman le plus connu de la littérature française et pour une raison simple : le livre explore la condition humaine avec clarté et empathie. Comme toujours chez Victor Hugo, nous retrouvons dans la narration un grand sens de la justice sociale et morale, en plus d’une histoire merveilleusement contée et d’un divertissement presque cinématographique. Les personnages principaux du roman sont passés depuis du domaine de la littérature à celui du mythe : qui n’a jamais entendu parler du bossu Quasimodo et de son amour impossible pour la belle Esmeralda ? A l’opposé de ces figures tragiques, domine la figure du Diable et de l’hypocrisie : Frollo le prêtre, assoiffé de désir pour la bohémienne qu’il méprise. Le drame ne se situe pas tant à Paris, qu’il n’est celui de Paris même et particulièrement de la cathédrale Notre-Dame. Le bâtiment est un personnage central de l’histoire et Hugo écrit une élégie à ce qu’il voit comme une beauté déclinante de la ville emblématique, une beauté à la merci de la modernité. Le livre et la pièce explorent de nombreux thèmes et idées encore plus d’actualité aujourd’hui qu’à l’époque : quel lien entre la religion et la morale ? Quelle est la puissance du fondamentalisme religieux ? Quels liens entretiennent l’Amour et la sexualité ? Comment réagissons-nous face aux minorités et à ceux que nous pensons étrangers à notre culture ? Comment pouvons-nous aimer le passé et ne pas y rester enfermé ? Comment pouvons-nous conserver notre culture et faire face à l’arrivée de la technique et de la modernité ? Enfin : comment pouvons-nous juger de la beauté et reconnaître la beauté intérieure de quelque chose de supposément laid et difforme – sommes-nous toujours aujourd’hui esclaves des apparences ? (Source : dossier de présentation Notre-Dame de Paris, ADG Europe)
NOTRE-DAME DE PARIS – Résumé « Notre-Dame de Paris propose une réflexion sur l’Histoire appréhendée dans une perspective romantique, c’est-à-dire envisageant le devenir historique comme une évolution globalement positive d’inévitables crises, et dont l’un des aspects essentiels est l’avènement du peuple comme acteur essentiel de l’Histoire. La révolution de 1830, qui assène un coup fatal à la monarchie absolue, a en effet renforcé chez Hugo la philosophie romantique de l’Histoire et la conscience de l’importance du peuple dans la marche des temps 1. » L’histoire commence lorsqu’une femme en haillons vient déposer un nouveau-né sur le parvis de Notre-Dame de Paris. L’archidiacre de la cathédrale, Claude Frollo entend le bébé pleurer. Il descend de l’une des tours de la cathédrale et vient sauver l’enfant. Bien que ce dernier soit malformé, Frollo l’adopte et le nomme Quasimodo. L’histoire se déroule vingt-cinq ans plus tard, en 1482, quand Quasimodo à vingt-cinq ans. Sonneur des cloches de Notre-Dame, cette occupation le rend sourd. Ce sont trois gargouilles qui racontent et commentent l’histoire. Notre-Dame de Paris, c’est l’histoire de plusieurs protagonistes : Frollo, Quasimodo, Esmeralda, le Roi des Mendiants, Phoebus et Fleur de Lys. L’histoire débute le jour de l’élection du Pape des Fous : élire l’homme le plus laid de Paris. Quasimodo est élu malgré lui. La relation qu’entretiennent Frollo et Quasimodo fait de ce dernier un serviteur plus qu’un fils de Frollo. Il se voit contraint de kidnapper Esmeralda sur ordre de Frollo. Cette dernière est sauvée de justesse par le capitaine Phoebus de la garde royale. Quasimodo est condamné au pilori et à trente coups de fouets pour cet enlèvement raté. Esmeralda ne supportant pas cette souffrance sur la place publique vient lui offrir de l’eau. Frollo, qui vient chercher Quasimodo, propose à Esmeralda de l’accompagner mais elle refuse. Phoebus est fiancé à la noble Fleur de Lys par avarice et non par amour. Fleur de Lys se rend compte que son fiancé est sous l’attirance d’Esmeralda et elle tente de les éloigner. Phoebus donne rendez-vous le lendemain matin à Esmeralda. Frollo attaque Phoebus, mais le cri de la bohémienne empêche le coup fatal. Le prêtre s’enfuit, laissant Esmeralda évanouit et Phoebus blessé. Pour se sauver Phoebus fait croire à la tenancière de la maison, une femme aveugle, qu’il est le fantôme de Phoebus et fait accuser Esmeralda du meurtre de sa propre personne. Il se réfugie ensuite chez sa fiancée, Esmeralda elle est arrêtée par la Garde Royale et emmenée devant la cour. Suite aux séances de torture, Esmeralda confesse être une sorcière et avoir assassiné Phoebus. Quasimodo la sauve de l’échafaud et l’emmène dans la cathédrale pour qu’elle y trouve refuge selon la loi du sanctuaire. Frollo tente de convaincre Esmeralda de s’abandonner à lui, Quasimodo la sauve une nouvelle fois. Entre temps, le Roi a ordonné à ses troupes de passer outre la loi du sanctuaire et de capturer Esmeralda. Phoebus est à la tête de l’attaque. Quasimodo protège l’église pendant que Frollo et Esmeralda fuient par un passage souterrain. Frollo dénonce Esmeralda à la garde quand cette dernière refuse une fois de plus de partir avec lui. Elle est exécutée sur la place publique. Du haut de la tour, Frollo observe la scène. Quasimodo le jette de la tour et vient rejoindre Esmeralda. (source : dossier de présentation Notre-Dame de Paris d’ADG Europe) 1 HUGO Victor, Notre-Dame de Paris, présentation par Marieke Stein, Flammarion, Paris, 2009.
DECORS Il est le terrain de jeu de nos cinq acteurs. Grâce aux connaissances techniques et à l’inventivité de Joerg Besser, à la juxtaposition de structures modernes, de créations et de peintures artisanales, cette maison de poupée, cathédrale en construction, où les destins se croisent et se confondent a pu prendre vie. COSTUMES De nombreux dessins de préparation ont été nécessaires aux différentes étapes de travail de la confection ces costumes d’époque. « Pour « Notre dame de Paris » il a fallu adapter d’anciens costumes à la période charnière que choisit Victor Hugo soit 1482. En France plusieurs duchés se disputent la couronne et créer ainsi différents styles soit de renaissance italienne pour les ducs de Bourgogne ou du gothique anglais pour Charles le Témeraire. De plus la physicalité et le réalisme social que Gaspard Legendre met en valeur dans cette mise en scène, ont réclamé une intelligence et une humilité des choix de matière et d’adaptation scénique. Le but a été donc de plonger le spectateur dans la profondeur d’une époque, des sentiments hugoliens. » Quelques inspirations de travail :
CONTEXTE HISTORIQUE – XIXe siècle Le XIXe siècle vit à l’ombre du souvenir de 1789 et se vit comme une querelle sans fin entre Modernes et Anciens. Le XIXe siècle est marqué par une profonde instabilité politique. L’Europe est secouée par plusieurs révolutions et en France le pouvoir politique change tous les vingt ans. Le XIXe siècle est le siècle du mouvement, de le Révolution Industrielle, des grands auteurs français, de la naissance de la République, et des grandes conquêtes. La frise ci-dessous reprend l’ensemble des grands événements qui marquent cette période historique autant politiques, sociaux qu’artistiques : (source du schéma : Clara Martinez http://www.frisechronos.fr/Archive/Divers/205b953b-6247-4f1e-b785-ee4fb4a7c8f3.pdf)
VICTOR HUGO - Auteur Victor Hugo est considéré avec Molière, comme l’un des plus grands artistes français. Parvenant à écrire dans tous les genres avec talent, il se donne pour objectif : « Je veux être Chateaubriand ou rien ». Père du romantisme français, l’écriture est un second souffle. Il né à Besançon en 1802 et meurt à Paris en 1885. Très jeune, il fonde la revue Le Conservateur littéraire où il y expose dans ses écrits ses idées monarchistes et catholiques. Il commence à fréquenter les salons et se rapproche peu à peu du romantisme dont il devient le chef de file. Bien que ses écrits connaissent un rapide succès, sa vie personnelle est marquée par des périodes sombres : la séparation de ses parents, la mort de sa fille Léopoldine qui décède accidentellement. La mort de Léopoldine, morte noyée, lui inspire le célèbre poème « Demain, dès l’aube… » publié dans Les Contemplations en 1856 : Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. Suite à la mort de Léopoldine, Victor Hugo se plonge dans la politique et devient le principal opposant de Napoléon III qu’il baptise Napoléon le Petit. Un conflit politique et personnel oppose ses deux grandes figures du XIXe. En plus de ses engagements politiques, Victor Hugo est reconnu unanimement pour son talent de poète, romancier et dramaturge. Ses écrits sont l’occasion de développer un nouveau mouvement littéraire : la préface de Cromwell en 1827, la pièce d’Hernani en 1830 et Ruy Blas en 1838 sont le lieu de théorisation du drame romantique. La plume de Victor Hugo plaît pour sa capacité à diversifier le style, la forme, mais surtout pour sa richesse linguistique et sa langue concrète. Dans ses écrits, il associe différents concepts : humanité, évolution, peuple et révolution. Ses écrits sont influencés par les révolutions et les prises de pouvoir du peuple. Enfant de la Révolution, il se positionne dans la continuité de cette période et met « un bonnet rouge au vieux dictionnaire2 ». 2 HUGO Victor, « Réponse à un acte d’accusation », Les Contemplations, Paris, 1856.
Contemporain d’Eugène Delacroix, d’Alfred Musset, tous ces auteurs sont marqués par cette époque de changement qu’est le XIXe. Des questions demeurent et traversent les œuvres : qui sommes- nous ? quel avenir avons-nous ? quelle est notre identité ? La Révolution française fait éclater le modèle de l’Ancien Régime qui existe depuis des siècles, laissant le peuple français face à des questionnements, des possibilités qu’il n’aurait jamais espérées. L’éclatement des repères donne naissance à ces générations d’artistes incertains, remplis d’espoir et paradoxalement de nostalgie des temps passés. « Il leur restait donc le présent, l'esprit du siècle, ange du crépuscule, qui n'est ni la nuit ni le jour ; ils le trouvèrent assis sur un sac de chaux plein d'ossements, serré dans le manteau des égoïstes, et grelottant d'un froid terrible. L'angoisse de la mort leur entra dans l'âme à la vue de ce spectre moitié momie et moitié fœtus ; ils s'en approchèrent comme le voyageur à qui l'on montre à Strasbourg la fille d'un vieux comte de Saawerden, embaumée dans sa parure de fiancée. Ce squelette enfantin fait frémir, car ses mains fluettes et livides portent l'anneau des épousées, et sa tête tombe en poussière au milieu des fleurs d'oranger3. » Victor Hugo en plus d’être un politicien, artiste et chef de file, montre à ses camarades la mission de l’artiste dans son poème « Fonction du poète » qui ouvre le recueil Les Rayons et Les Ombres publié en 1840. Il s’adresse tout autant à ses amis qu’au peuple qui doit trouver en l’artiste ce guide de la société : « Peuple ! Ecoutez le poète ! Ecoutez le rêveur sacré ! ». On peut retrouver ici l’ensemble du poème. Député de Paris pendant la Deuxième République, il choisit l’exile lorsque Louis-Napoélon Bonaparte arrive au pouvoir le 2 décembre 1851 jusqu’à la chute du régime en 1870. Les œuvres que nous avons à l’esprit quand nous évoquons Victor Hugo sont principalement : Les Misérables, Notre- Dame de Paris, Les Contemplations et Hernani, bien que son œuvre ne se limite pas à ces dernières. 3 MUSSET Alfred, Confessions d’un enfant du siècle, Gallimard, 1836.
Victor Hugo et Napoléon III – Une histoire politique et personnelle Après le coup d’Etat de 1851, Victor Hugo se dresse contre Napoléon III. Un combat politique… et personnel. Le 11 décembre 1851 au soir, à la gare du Nord, qui n’est encore, dans le langage du temps, qu’un « embarcadère » de chemin de fer (à seulement deux voies), un voyageur monte dans le train pour Bruxelles. De taille moyenne, le visage encadré de cheveux longs tombants, il a dans sa poche un passeport au nom de Jacques-Firmin Lanvin, ouvrier imprimeur. Ce n’est pas sa véritable identité, ni son vrai métier. Cet homme au « front monumental », aux « prunelles d’aigle », comme le décrit son ami Théophile Gautier, c’est Victor Hugo. Il s’en va. Il fuit le coup d’Etat perpétré neuf jours plus tôt, le 2 décembre, par Louis-Napoléon Bonaparte, qui de légitime président de l’éphémère IIe République – elle n’a duré que quatre ans, neuf mois et huit jours – s’apprête à devenir, par la force des armes, l’empereur Napoléon III. Hugo a alors 50 ans et un passé impressionnant. Académicien français depuis dix ans, pair de France par la grâce du roi Louis-Philippe, il a été élu maire du 8e arrondissement de Paris en 1848, puis député l’année suivante. C’est à la fois un écrivain à succès et une personnalité politique en vue. Auteur inspiré, empli de lyrisme épique mais aussi de compassion, il émeut le cœur du public tant avec ses poèmes, Odes et ballades, Les Feuilles d’automne, qu’avec ses romans, Le Dernier Jour d’un condamné – livre de combat contre la peine capitale – ou encore Notre-Dame de Paris, qui montre en Quasimodo, monstre poignant, la coexistence du sublime et du grotesque, c’est-à-dire la beauté qui se cache sous la laideur. Ses pièces de théâtre, Cromwell, Hernani ou encore Ruy Blas, ont également contribué à faire de Victor Hugo la figure de proue du romantisme français. Un homme qui désire briser les traditions convenues de l’art dramatique, ouvrir la littérature à la liberté, comme il le résume en trois vers dans Les Contemplations : « Et sur l’Académie, aïeule et douairière, / […] Je fis souffler un vent révolutionnaire. /Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire. » C’est ce même esprit de rébellion qui l’anime en tant qu’élu de la nation. Son discours fleuve contre la misère et l’égoïsme des nantis, prononcé le 9 juillet 1849 à l’Assemblée, scandalise la majorité de ses collègues, les conservateurs du parti de l’Ordre, mais connaît un retentissement considérable… Bref, Hugo, en cette fin de l’année 1851, est un homme qui compte et qu’on écoute. Du moins parfois. Car concernant Louis-Napoléon Bonaparte, le moins qu’on puisse dire est qu’il est loin d’être en phase avec le peuple. L'appel à la résistance armée de Victor Hugo Les Français se préparent à approuver massivement, lors de deux plébiscites, non seulement le coup d’Etat du prince-président mais aussi le rétablissement de l’empire. Victor Hugo, lui, au soir du 2 décembre 1851, a signé un appel virulent à la résistance armée – « charger son fusil et se tenir prêt » – qui n’a rencontré aucun écho. Devant l’échec, il a hésité, se cachant à demi, songeant à se constituer prisonnier pour embarrasser de son éminente personne les nouvelles autorités. Le commissaire auquel il a voulu se livrer, fin politique, lui aurait fait cette réponse admirable : « M. Hugo, je ne vous arrête pas car je n’arrête que les gens dangereux. » Pour finir, devançant le bannissement décrété contre lui ainsi que contre une soixantaine d’autres députés, le poète a choisi de partir pour un exil qui va durer vingt ans, d’abord à Bruxelles, puis à Jersey, puis à Guernesey. Dans le train qui le mène vers la Belgique, il emporte dans ses bagages la puissance éruptive de son talent, ses fulgurances de visionnaire, ses grands projets pleins d’humanité et les livres qu’il lui reste à écrire – et qui compteront parmi les plus importants, comme La Légende des siècles ou Les Misérables. Il emporte aussi l’amertume du vaincu et une haine monumentale, car rien ne l’apaisera, envers « l’usurpateur » qui s’est emparé du pouvoir.
Hugo, en rafale, pour se décharger de sa fureur, va consacrer trois livres à Louis-Napoléon Bonaparte. D’abord, Napoléon le Petit, pamphlet jeté sur le papier dès son arrivée à Bruxelles, puis, l’année suivante Les Châtiments, « une somme véhémente et sombre », « une grêle de vers indignés », selon les mots de l’écrivain Jean des Cars, auteur de plusieurs livres sur la période. Enfin, L’Histoire d’un crime, qui ne trouvant pas d’éditeur ne sera publié qu’après la chute du Second Empire, en 1877. Cette trilogie vengeresse constitue en effet une charge fort violente et parfois basse. La filiation même de Louis-Napoléon, qui ne serait pas un authentique Bonaparte, y est mise en cause. Hugo voit en lui « l’enfant du hasard […] dont le nom est un vol, et la naissance un faux. » Il brosse, dans Napoléon le Petit, un portrait cruel : « Louis Bonaparte est un homme de moyenne taille, froid, pâle, lent, qui a l’air de n’être pas tout à fait réveillé. […] Il a la moustache épaisse et l’œil éteint. […] C’est un personnage vulgaire, puéril, théâtral et vain. […] Il aime la gloriole, le pompon, l’aigrette, la broderie, les paillettes […], les grands mots, les grands titres, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. En sa qualité de parent de la bataille d’Austerlitz, il s’habille en général. » Plus loin dans le même texte : « Cet homme ment comme les autres hommes respirent. » Au fil de son inspiration déchaînée, le poète qualifie son ennemi de « misérable », de « nain immonde », de « pourceau dans le cloaque », son entourage de « cour de parvenus » … Est-il l’inventeur du sobriquet « Nabot-Léon » ? Les historiens n’en sont pas sûrs, mais il n’a de cesse en tout cas de célébrer la gloire de l’oncle, Napoléon Ier, le « grand », pour mieux rabaisser le neveu, le « petit ». Dans L’Expiation, un des poèmes des Châtiments – dont le vers le plus connu est « Waterloo ! Waterloo ! morne plaine ! » –, Victor Hugo assène que le plus terrible châtiment infligé par Dieu à la dynastie des Bonaparte est… de lui avoir donné Louis-Napoléon comme héritier ! Pourquoi tant de haine ? L’étonnant de l’histoire est que les deux hommes ont d’abord été, sinon amis, du moins alliés. Elus tous les deux députés de l’Assemblée constituante en avril 1848, ils se rencontrent à de multiples reprises. Comme Hugo le rapporte dans Choses vues (un recueil de notes et de mémoires publiées en 1887), ils se croisent notamment chez Odilon Barrot, président du Conseil, rue de la Tour d’Auvergne, à Paris. L’écrivain juge alors Louis-Napoléon « distingué et intelligent ». Lors de la campagne électorale de 1848, il soutient sa candidature à la présidence de la République, menant une vigoureuse campagne en sa faveur dans L’Evénement, le journal qu’il avait fondé avec ses fils Charles et François-Victor. Une fois le prince élu, Victor Hugo compte parmi les premiers invités à l’Elysée. Il trouve « le grand salon affreux, les gravures et les tableaux du choix le plus misérable, la cuisine exécrable ». Cela n’empêche pas Hugo de devenir ensuite, quelque temps, une sorte de conseiller officieux que le chef de l’Etat reçoit en fin de journée dans son palais pour de discrets entretiens – ce qu’on appellera plus tard, sous la Ve République, un « visiteur du soir ». Est-ce, comme on le lit souvent, parce qu’il brigue le ministère de l’Instruction publique et que Louis-Napoléon le lui refuse, que leur entente vole bientôt en éclats ? C’est possible, même si Hugo n’en dit rien lui-même. « Les questions d’enseignement étaient l’une de ses préoccupations majeures, souligne Éric Anceau, historien spécialiste du Second Empire. Il est probable qu’elles soient un point de discorde, voire à l’origine de la rupture. » Le prince-président, en effet, pour s’attacher l’électorat catholique, confie le ministère au comte Alfred de Falloux, lequel, par la loi portant son nom, ouvre en grand l’enseignement au clergé… Victor Hugo, défenseur d’une école laïque, est furieux. Au chapitre des griefs, il y a aussi, surtout, le « crime » de Louis-Napoléon Bonaparte, le coup d’Etat du 2 décembre 1851. Qu’il faut replacer dans son contexte. La Chambre des députés était aux mains d’une majorité monarchiste puissante et active, hostile au suffrage universel comme aux institutions républicaines. Le jeune philosophe communiste Karl Marx – il a alors 33 ans – observateur avisé des événements, voyait venir pour la France, imminente, «la dictature de l’Assemblée ». Et l’écrivaine George Sand constatait : « Nous n’étions vraiment plus en République, nous étions gouvernés
par une oligarchie, et je ne tiens pas plus à l’oligarchie qu’à l’empire. Je crois que j’aime encore mieux l’empire. » Tel devait être l’état d’esprit de bien des citoyens. Ce constat, le grand historien Pierre Milza le fait aussi dans une biographie qu’il a consacrée à l’empereur et qui fait aujourd’hui référence : « Une majorité de Français n’a pas désapprouvé Louis- Napoléon et en était même satisfaite. » En outre, le coup d’Etat a été relativement peu sanglant – 300 à 400 victimes, auxquelles il faut ajouter 23 tués parmi les forces de l’ordre. On avait compté 5 000 morts sur les barricades ouvrières de juin 1848. Louis-Napoléon Bonaparte a toujours déploré, par la suite, l’atteinte à la légalité dont il s’est rendu coupable, et les violences qui l’ont accompagné. Mais il a pu se prévaloir aussi d’avoir, par son action, sauvé ce qui pouvait l’être des idéaux de 1789. Victor Hugo, dans un registre plus étroit, s’est fait, lui, le strict défenseur de la Constitution violée, le gardien intraitable et outré du temple institutionnel. C’était en somme l’affrontement de deux légitimités. Ce qui frappe, quand on compare la pensée des deux hommes, c’est la proximité de leurs idées politiques. Victor Hugo a un parcours sinueux. Il a été monarchiste comme sa mère, bonapartiste comme son père – qui fut général de Napoléon Ier –, puis républicain conservateur, puis de plus en plus libéral, puis socialiste, puis révolutionnaire… Un incessant glissement de la droite vers la gauche. Quand il part pour l’exil, il est devenu le progressiste de combat dont il laissera l’image dans l’Histoire, avec ses engagements intangibles, l’abolition de la peine de mort, le rejet du pouvoir absolu, la liberté d’expression, la lutte contre la misère, l’éducation gratuite et obligatoire… Louis-Napoléon, lui, est bonapartiste de nature, pourrait-on dire. S’il adhère aux principes juridiques et sociaux de la Révolution, il estime qu’ils doivent « être complétés par un pouvoir politique fort » – mais, dans le même temps, attentif au sort des humbles. Dans son livre Extinction du paupérisme, publié en 1844 alors qu’il est détenu au fort de Ham, dans la Somme, pour avoir déjà tenté un coup d’Etat, le futur monarque se montre lui aussi « de gauche ». Napoléon III, l'empereur socialiste ? Certains historiens, plus tard, n’hésiteront pas à le qualifier d’« empereur socialiste », au sens du socialisme saint-simonien qui prône l’effacement de la lutte des classes et non pas, comme les marxistes, son exacerbation révolutionnaire. Reste que Napoléon III ne s’est pas contenté d’écrire. Détenteur du pouvoir, il a agi pour les pauvres. On lui doit la reconnaissance du droit de grève en mai 1864, les premiers embryons de syndicats en 1868, les caisses de retraite, les assurances contre les accidents du travail, l’assistance judiciaire gratuite, le libre accès de filles à l’instruction publique, l’instauration des «fourneaux économiques», ces soupes populaires qui serviront jusqu’à 1 200 000 repas par an, sans oublier l’assainissement des villes, notamment Paris, où le choléra tuait encore 5 000 personnes en 1853, avant les grands travaux d’Haussmann. Tout cela, se dit-on, aurait dû rapprocher le poète et l’empereur, concourir à leur réconciliation, entre hommes de bonne volonté. Il n’en a rien été. Hugo a gardé sa colère. Il n’a jamais cessé de vitupérer l’usurpateur du 2 décembre 1850, quoi que celui-ci fasse. Quand, en 1859, après avoir déjà fait gracier nombre de ses opposants, Napoléon III décrète une amnistie générale, l’écrivain la rejette avec hauteur : « La liberté est partie, je rentrerai quand la liberté rentrera. » Et c’est bien ce qu’il fera, ne revenant en France qu’en 1870, après que Louis-Napoléon, écrasé par l’armée prussienne à Sedan, dut partir à son tour en exil en Angleterre. Jean des Cars, peu indulgent envers Hugo, estime qu’il n’avait de fait aucun intérêt à rentrer plus tôt, que son statut de proscrit, de « victime de la tyrannie », en assurant son succès littéraire, lui rapportait des fortunes en droits d’auteur. Ce dernier point est exact, mais il existe peut-être aussi une
dimension psychologique à la haine inexpiable de l’écrivain envers l’empereur. Géant de la littérature, Victor Hugo a été aussi un homme compliqué, centré sur lui-même, orgueilleux, En se confrontant au premier des Français, Hugo se hisse à sa hauteur d’une vanité extrême. Sa devise, « Ego Hugo », « Moi Hugo », l’exprime assez clairement. A Hauteville House, sa demeure de Guernesey, l’exilé génial appose partout, maniaque, l’initiale de son prénom. La cheminée de la salle à manger qu’il dessine lui-même forme un gigantesque H (initiale de son nom) en saillie sur le mur. Son fils Charles décrit l’endroit comme un « véritable autographe de trois étages ». Le poète alors a-t-il été jaloux de l’empereur ? Le personnage ne pouvait laisser le romancier indifférent : prince, conspirateur, aventurier, protecteur des arts et de l’industrie, grand séducteur de femmes, modernisateur de la France, général à la tête de ses troupes à Magenta, à Solférino… Louis-Napoléon Bonaparte, si extraordinairement romantique, aurait pu être le héros d’un roman de Victor Hugo. « L’entêtement de l’écrivain était peut-être pour lui une façon de se grandir, observe encore l’historien Éric Anceau. En se confrontant au premier des Français, il se hissait à sa hauteur et ne pouvait monter plus haut. » Hugo, indiscutablement, a été un adversaire terrible. Par ses pamphlets, qui entraient en France sous le manteau, parfois cachés dit-on dans des bustes de l’empereur, et qui faisaient rire dans les salons de l’opposition libérale, il a contribué à populariser une image durablement négative du régime. Injustice ? Dans un ouvrage paru en 2008, Coup d’Etat à l’Elysée, l’académicien Alain Decaux, s’adressant à Hugo par-delà la tombe, a cette réflexion profonde : « Avec l’infini respect que je vous porte, j’affirme que la haine vous va mal […], mais, cher grand homme, les historiens ont travaillé. Ils ne vous ont pas donné raison. Ils en sont, depuis une vingtaine d’années, non pas à réhabiliter Napoléon III, mais à donner de sa personne une figure conforme à l’Histoire. » Il aura fallu plus d’un siècle pour que l’empereur apparaisse tel qu’en lui-même, débarrassé de la légende noire dont l’avait affublé son impitoyable adversaire. (source : article de Pierre Antilogus, publié le 18 janvier 2018 sur GEO https://www.geo.fr/histoire/victor-hugo-et-napoleon-iii-pourquoi-tant-de-haine-193048)
GASPARD LEGENDRE– Metteur en scène Gaspard Legendre est comédien, metteur en scène et voix au théâtre, comme au cinéma, en France et à Londres. Metteur en scène de Les Von Trümp (G. Ippolito), Fairy Tale Heart (P. Ridley), Trois Putes (J. Bodart), My Favourite Summer (N. Lane) et Le Malade Imaginaire (Molière) au théâtre et de six courts métrages au cinéma. Initialement formé en conservatoire à Paris, il complète sa formation à Londres (LAMDA), puis New-York (Musical Course à Broadway). Au cinéma, il a joué entre autres sous la direction de Pierre Schoeller (Un Peuple et son Roi), J-D Verhaeghe (L’Abolition), L. Heynemann (L’Assassin), P. Béranger (Les Affaires sont les affaires), est premier rôle de Just Like Kids du norvégien T. Iversen, sélectionné en compétition au TIFF, Rooibos (T. Semet) et du docu-fiction Lutèce 3D (O. Lemaître)… En tant que comédien, il travaille aussi sur de nombreuses productions théâtrales (Le Pilote dans Le Petit Prince, tournée mondiale, Le Bourgeois Gentilhomme, tournée Europe, Dave dans Mon Eté préféré, Arlequin dans Arlequin Serviteur de Deux maîtres, Biff dans Mort d’un Commis Voyageur, Tom dans La Ménagerie de Verre). (source : www.gaspardlegendre.com) PAUL STEBBINGS – Directeur artistique Paul Stebbings est directeur artistique de TNT Theatre Britain et de American Drama Group Europe, associés pour former « la compagnie de tournée la plus populaire au monde » (télévision nationale chinoise) – proposant sur l’année plus de représentation et dans de plus nombreux pays que n’importe quelle autre compagnie. Paul Stebbings a été diplômé avec la plus haute mention du département théâtre de l’Université de Bristol. Il a été formé à la méthode de théâtre physique de Grotowski en Angleterre et en Pologne et fonde la compagnie TNT en 1980. En 1983, il s’associe au producteur Grantly Marshall – American Drama Group Europe. Tant auteur et comédien que metteur en scène, il travaille beaucoup pour le théâtre musical. Il est régulièrement metteur en scène dans l’un des plus grands théâtres de Chine : The Shanghai Dramatic Arts Center et aussi pour la compagnie Teatro Espressivo de Costa Rica en Amérique du Sud. Il a mis en scène des acteurs professionnels en russe, en allemand, en italien, en grec et dirige régulièrement en mandarin et en espagnol. Parmi les travaux divers de Paul Stebbings nous trouvons des créations, adaptées de romans de manière radicale, de nombreuses pièces de Shakespeare, toujours présentes dans le répertoire de la compagnie. Il a reçu de nombreuses distinctions aussi diverses qu’au Festival d’Edinburgh, à la Biennale de Münich, à Singapour et en Iran. Il a reçu la médaille de l’ordre excellentissime de l’Empire Britannique en 2014 à Buckingham Palace, pour sa contribution à la culture du Royaume-Uni. (source : dossier de présentation de Notre-Dame de Paris d’ADG Europe)
Pour aller plus loin : Notre-Dame de Paris, du film d’horreur au conte pour enfant en passant par le théâtre et la comédie musicale : un roman qui s’adapte à tous les genres artistiques. Etude du romantisme.
Pour toute demande d’information et de réservation, n’hésitez pas à contacter Marie Nicolardot à mnicolardot@theatremontansier.com ou au 01 39 20 16 03 01 39 20 16 00 / www.theatremontansier.com Théâtre Montansier : 13, rue des Réservoirs 78 000 Versailles
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