Droit au logement Le journal de l'Asloca no 244 MARS 2020 - A qui sont les logements suisses?
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Droit au logement Le journal de l’Asloca no 244 MARS 2020 Dossier A qui sont les logements suisses? – Initiative de l’ASLOCA Villes et Suisse romande avec nous – Genève Elections le 15 mars
SOMMAIRE ÉDITO 10 HENRIETTE SCHAFFTER Rédactrice en chef Droit au logement LE MESSAGE DE L’ASLOCA p.3 Vous habitez un appartement depuis vingt ans. Vous payez votre loyer tous les mois. Mais sa- SUISSE Résultat de la votation sur l’initiative vez-vous à qui appartient ce logement? A qui va «Davantage de logements abordables» p.4 cet argent? On connaît parfois très bien le propriétaire, qui VOS DROITS Une annulation de congé confirmée habite juste à côté. Mais il devient de plus en plus par le Tribunal fédéral p.5 courant que ce propriétaire soit une société immobilière qui possède l’équivalent de la totalité DOSSIER L’essor des sociétés immobilières et les d’une ville suisse. droits de l’homme face au logement p.6-9 Cette déshumanisation du logement est dénoncée par la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur 11-13 VAUD le logement convenable, que certains ont vue dans Représentation des locataires: des mandats à repourvoir p.10 le film «Push», projeté dans le cadre de la cam- pagne pour la votation du 9 février. Cette dernière GENÈVE estime que chacun d’entre nous peut contribuer à Elections communales genevoises p.11-13 remettre la question du logement dans le domaine FRIBOURG des droits de l’homme. C’est ce que fait l’ASLOCA Une barrière et des pots de depuis longtemps... fleurs litigieux p.14 CONSULTATIONS DE L’ASLOCA p.15 Nous revenons évidemment également sur la votation du 9 février, avec une analyse du REVUE DE PRESSE p.16 président de l’ASLOCA Suisse et une revue de presse en fin de journal. A Genève, ce n’est pas fini. Il est maintenant temps de voter pour les exécutifs et législatifs commu- naux. Des résultats des élections des 15 mars et 2 avril dépendront la future politique du logement des communes genevoises, là où les défis sont très nombreux. Alors n’oubliez pas de voter et faire voter pour les candidats soutenus par l’ASLOCA, qui sauront vous défendre! Bonne lecture! Henriette Schaffter 14 Rédactrice en chef Couverture: Avenue Calas à Genève @Demir Sönmez Droit au logement n° 244 mars 2020 2
LE MESSAGE DE L’ASLOCA par CARLO SOMMARUGA Président de l’ASLOCA Suisse I l y a dix ans nous avons refondé l’ASLOCA Suisse. L’objectif était défensifs pour s’opposer au démantèlement du droit du bail que la droite que notre organisation devienne bien plus qu’un excellent service bourgeoise et nationaliste en cheville avec les milieux immobiliers or- national de conseil juridique aux locataires. Nous voulions en faire ganise au Parlement. une force sociale et politique nationale forte qui compte et qui Le résultat du 9 février est donc un signal politique très clair au Par- puisse imposer dans l’agenda politique les intérêts des locataires, lement et au Conseil fédéral. L’ASLOCA Suisse est un acteur social et soit les intérêts de la grande majorité des habitantes et habitants de ce politique qu’il faut prendre en considération. Il apparaît opportun de pays. Avec l’initiative «Davantage de logements abordables», malgré mettre un terme au démantèlement du droit du bail. l’échec dans les urnes, nous avons fait la démonstration que nous avons atteint cet objectif. Plus immédiatement, il nous faut prendre au mot le Conseil fédéral, la majorité parlementaire et les milieux immobiliers. En effet, tout au long Tout d’abord, nous nous sommes prouvé notre capacité à nous réunir au- de la campagne, ils ont reconnu que nombre d’habitantes et habitants tour d’une proposition et à collecter en une année seulement les 100 000 de notre pays payaient leur logement trop cher, qu’ils étaient favorables signatures nécessaires pour le dépôt d’une initiative. Ensuite, notre fa- à la création de logements d’utilité publique et que le seul instrument culté de débat interne et d’organisation au niveau national a fortement efficace était le fonds de roulement en faveur des maîtres d’ouvrage progressé. Nous avons construit et mené une incroyable campagne de d’utilité publique. Alors, nous les invitons à nous suivre et à doubler votation. En effet, grâce à cette campagne, nous avons pu, d’une part, dans les plus brefs délais l’alimentation du fonds de roulement pour les casser le discours fallacieux des milieux immobiliers sur la baisse des prochains dix ans. Cela fera passer le coût annuel de 25 à 50 millions de loyers et, d’autre part, imposer la problématique de la nécessité de lo- francs, ce qui est possible car le conseiller fédéral Guy Parmelin recon- gements abordables pour toutes et tous. En Suisse alémanique comme naissait sur le plateau de l’émission «Infrarouge» que la Confédération en Suisse romande, tous les acteurs politiques, le conseiller fédéral Guy avait même les 120 millions de francs qu’aurait prétendument coûté Parmelin en tête, ont dû progressivement reconnaître la nécessité de notre initiative! logements abordables. Notre organisation doit partir de ces importants acquis pour renforcer encore sa structure et affronter les nouveaux com- Toujours au niveau national, il nous faudra revenir avec insistance et bats qu’implique la défense des locataires de ce pays. convaincre une majorité politique que l’assainissement énergétique des immeubles qui vise à la diminution des émissions CO₂ est un objectif Certes, vous me direz que notre initiative n’a pas passé la rampe. Mais, devant être porté par l’ensemble du pays. Ce n’est donc pas aux seuls avec 43% des votants, toutes les grandes villes et cinq cantons derrière locataires de supporter le coût de cette opération. C’est à l’ensemble de nous, c’est un résultat extrêmement solide. Cette capacité à mobiliser la collectivité et aux propriétaires. des segments importants de l’électorat, dont plus de 50% en Suisse romande, révèle deux choses. D’une part, que nous devons affiner nos Alors ensemble plus forts et avec force vers les nouveaux combats! stratégies pour faire adopter une initiative par le peuple et les cantons. D’autre part, nous avons la force de mener à bien des référendums AVEC FORCE VERS DE NOUVEAUX COMBATS! Droit au logement n° 244 mars 2020 3
SUISSE VOTATION DU 9 FÉVRIER CARLO SOMMARUGA Président de l’ASLOCA Suisse Screening d’une campagne Un échec, mais des satisfactions et une mobilisation pour l’avenir! L e vote populaire a eu lieu. Malheureu- financière par un renforcement de notre struc- lisatrice de l’initiative, ce qui était et est tou- sement, alors que les premiers son- ture nationale et des forces de campagne dans jours faux. dages à six semaines de la votation les sections, comme un engagement accru de donnaient notre initiative «Davantage nos 220 000 membres à travers la Suisse qui Des éléments de satisfaction de logements abordables» gagnante à sont notre réelle richesse. Cela dit, nous avons quelques éléments de sa- 66%, le peuple suisse l’a finalement refusée tisfaction. Au niveau national, 43% des votants, par 57% des voix. Une presse otage du non soit largement plus que l’électorat de gauche, et Comme d’habitude, le pouvoir de l’argent a in- cinq cantons ont approuvé une politique plus Campagne immobilière massive fluencé le débat et placé les intérêts des inves- offensive en faveur du logement d’utilité pu- Ce bon écho initial au sein de la population a tisseurs au-dessus des droits fondamentaux, blique. C’est un signal fort. Par ailleurs, toutes certainement contribué à ce que les milieux im- ici le droit fondamental à un logement abor- les plus grandes villes de Suisse, à l’exception @dr mobiliers injectent rapidement plusieurs mil- dable pour toutes et tous. L’influence n’a pas de Lugano, qui est aujourd’hui une commune lions de francs dans la campagne. Les moyens seulement été directe par la campagne massive regroupant une part importante d’arrière-pays de communication directe ont été nombreux d’annonces et le tout-ménage national. Mais villageois, ont soutenu l’initiative. Cela montre et massifs. Leur tout-ménage mensonger dis- aussi indirecte. En effet, le groupe de presse que le problème de la disponibilité et l’accès tribué en millions d’exemplaires à travers toute Tamedia, qui contrôle la Tribune de Genève, à un logement abordable n’est pas une fiction, la Suisse, les affiches, leurs publicités dans la 24 heures, Le Matin Dimanche, 20 minutes, mais un besoin reconnu dans toute la Suisse. presse et sur tous les supports imaginables, Bilan, le Tages-Anzeiger, la Basler Zeitung, la Le débat porte uniquement sur les moyens de comme les panneaux dans les transports pu- Berner Zeitung, Der Bund et 20 Minuten et répondre à ce besoin. blics, dans toutes les gares et parfois à tous les SonntagsZeitung, comme les autres groupes arrêts de tram et de bus, inondaient l’espace de presse écrite, qui ont un urgent besoin des Un beau succès romand public. Certes, la campagne de l’ASLOCA Suisse annonces des milieux immobiliers dans leurs Au niveau romand, le panorama politique a été bien pensée, correctement organisée pages et ne peuvent donc que les caresser dans est bien différent et réjouissant, dès lors que, et portée par les sections, mais il nous était le sens du poil, se sont clairement positionnés selon les calculs de la Radio Télévision Suisse, ce impossible de régater financièrement. Nous contre notre initiative, relayant les fake news sont 50,4% des votantes et votants romands qui devrons à l’avenir compenser cette asymétrie des milieux immobiliers sur la volonté centra- ont accepté l’initiative. Plus encore, quatre des six cantons romands ont soutenu nos revendica- tions. Et si le canton de Fribourg n’a pas rejoint ce quartette, c’est que, comme dans les régions péri- phériques de Suisse alémanique, dans la Singine, région germanophone du canton de Fribourg, le très fort rejet a fait basculer le canton vers le non. Renforcer le fonds de roulement Dès lors, si nos adversaires sont loyaux et de bonne foi, ils doivent aujourd’hui soutenir notre demande de doubler le crédit-cadre en faveur du logement d’utilité publique et le faire passer de 250 à 500 millions de francs sur dix ans, soit 50 millions par année. Cela permet- trait de faire passer le nombre de logements d’utilité publique de 1500-1800 à 3000-3600 logements par année. Notre initiative en visait 5000. Le plus impor- tant, après ce vote, c’est de rester mobilisés, car la droite immobilière, tant nationaliste que bourgeoise, s’attaque actuellement au déman- @ASLOCA tèlement du droit du bail et plus précisément aux droits des locataires. Droit au logement n° 244 mars 2020 4
VOS DROITS CONGÉ ÉCONOMIQUE ANNULÉ PIERRE STASTNY Avocat répondant ASLOCA Genève Un congé économique annulé! Un locataire a réussi à faire annuler le congé qui lui avait été adressé, notamment parce que la vente de la villa qu’il occupe en partie pouvait très bien se faire en sa présence. L e Tribunal fédéral a récemment fédéral, à protéger le locataire contre d’éventuels dit, à quelles conditions). Il s’ensuit que la rési- confirmé l’annulation d’une résilia- abus. Un congé n’est ainsi pas contraire aux liation du bail ne paraît pas objectivement néces- tion de bail donnée au motif que le règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation saire à la réalisation du projet de vente, si bien propriétaire souhaitait vendre le lo- entraîne des conséquences pénibles pour le loca- que le congé doit être annulé. gement libre de son locataire dans le taire, ou que l’intérêt du locataire au maintien du but d’en tirer un meilleur prix. Cette décision bail paraît plus important que celui du bailleur à Le congé économique peut aussi être rappelle que ce type de congé n’est pas auto- ce que ce contrat prenne fin. disproportionné matiquement valable, @dr et qu’il peut s’avérer Les inconvénients particulièrement graves que disproportionné.@ dr Le congé économique pour vendre la fin du contrat entraînerait pour le locataire, en n’est pas automatiquement valable raison de sa situation personnelle particulière, Situation du locataire à prendre La jurisprudence fédérale a certes admis parfois ont aussi amené la Cour genevoise à casser le en considération la validité du congé signifié dans le but de favori- congé, ce à quoi le Tribunal fédéral ne trouve rien Le locataire, beau-frère du bailleur, était une per- ser une vente. Encore faut-il que la présence d’un à redire, à juste titre. sonne handicapée qui vivait depuis près de vingt locataire soit effectivement de nature à rendre Cette décision est bienvenue à une époque où les ans dans un appartement situé dans une villa une vente plus difficile, ce qui ne va pas automa- ventes immobilières de biens loués sont légion et qui comprenait deux logements. L’assurance- tiquement de soi. C’est ce que rappelle utilement que les acquisitions sont souvent faites par des invalidité avait financé d’importants travaux la décision, à savoir que le Tribunal fédéral n’a investisseurs en quête de placements sûrs, et pas d’adaptation de cette habitation, à hauteur d’en- jamais admis de manière abstraite que la vente par des personnes désireuses de vivre dans le lo- viron 57 000 francs. Le bailleur avait, quant à lui, d’un appartement libre d’occupant se fait tou- gement acheté, disposées ainsi à payer plus cher hérité du bien et souhaitait vendre la villa, l’autre jours à de meilleures conditions: tout dépend du un bien libre. Et, même en pareil cas, la résiliation appartement sis dans cette dernière étant vide. cas d’espèce. Or, ici, il n’a pas été démontré que économique peut être annulée si la situation par- Il avait d’abord envisagé de louer celui-ci à une la libération de l’appartement permettrait effecti- ticulière du locataire le commande. personne que son beau-frère pourrait proposer, vement de vendre la villa à un prix plus élevé, et puis de charger une régie d’administrer la villa, il a même été retenu que la vente serait possible (Arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 2019, cause et avait d’ailleurs informé son beau-frère de ces aussi sans résilier le bail (sans qu’on sache, cela 4A_485/2018). intentions, avant de se rétracter. Il avait finale- ment résilié le bail pour son échéance. Ce congé a été contesté par le locataire devant la juridiction des baux et loyers genevoise. Les deux instances cantonales ont annulé la résiliation et le bailleur a recouru au Tribunal fédéral. Rappel des principes en matière de protection du locataire contre les congés En vertu de l’art. 271 al. 1 du Code des obligations (CO), la résiliation d’un bail d’habitation ou de locaux commerciaux est annulable lorsqu’elle contrevient aux règles de la bonne foi. Cette dis- position protège le locataire contre le congé chi- canier qui ne répond à aucun intérêt objectif, sé- rieux et digne de protection, et dont le motif n’est qu’un prétexte. Le locataire est aussi protégé en cas de disproportion importante des intérêts en présence, lorsque le bailleur use de son droit de @Jehan Khodl manière inutilement rigoureuse, ou qu’il adopte une attitude contradictoire. L’art. 271 al. 1 CO ne supprime pas le droit du bailleur de résilier le contrat, mais vise uniquement, selon le Tribunal Droit au logement n° 244 mars 2020 5
DOSSIER ESSOR DES SOCIÉTÉS IMMOBILIÈRES CHRISTOPHER YOUNG Sociologue À QUI APPARTIENNENT NOS LOGEMENTS? Q A qui appartient ui est propriétaire de votre logement? particuliers. La proportion a fortement baissé S’agit-il d’un privé ou d’une grande en vingt ans. Elle représentait encore plus de l’appartement société cotée en bourse? Rares sont 57% en 2000. Le marché locatif a connu ain- que vous louez? les locataires qui peuvent répondre à cette question. Ils n’ont de contacts si un transfert de propriété – qui en sont donc les bénéficiaires? Ni les pouvoirs publics ni les Le savez-vous? qu’avec leur régie ou gérance, et l’information coopératives n’ont sensiblement augmenté leur ne leur est pas toujours utile directement. Mais part du gâteau depuis 2000. En 2017, ils pos- Vous avez deux il est intéressant de savoir, dans une vision gé- sédaient respectivement 4% et 8% des habita- «chances» sur cinq nérale, à qui sont les habitations de Suisse. tions louées. D’autres acteurs montent en puis- sance sur le marché. Ce sont les entreprises ou qu’il appartienne à Les particuliers, propriétaires en déclin départements d’entreprises qui exploitent des une grande société Il arrive que la propriétaire de votre apparte- ment soit une vieille dame qui habite à l’étage du biens immobiliers: sociétés anonymes, fonds, assurances, banques et caisses de pension. immobilière comme dessus. Selon l’Office fédéral de la statistique, Appelons-les sociétés immobilières pour sim- 47% des logements loués appartiennent à des plifier. une caisse de pen- sion, une assurance ou une banque. La propriété est en effet de plus concentrée en Suisse: quelques grandes sociétés immobilières possèdent les 39% des logements loués. Tour d’horizon. @Alamy Le groupe UBS possède 30 550 logements, ce qui correspond au total des logements de la ville de Bienne. Droit au logement n° 244 mars 2020 6
Ils possèdent l'équivalent de villes entières Valeur de l'immobilier Nombre de Autant de logements d'habitation logements que les villes de... (en milliards de CHF) non Swiss Life 35 000 2 x la ville de Sion communiqué Groupe UBS 10 30 550 Bienne Groupe Pensimo 5,7 13 173 Lancy Caisse de 5 13 100 Nyon pensions Migros Groupe CS 3,1 8 749 Sierre Sources: : OFS et rapports d’activité. non BVK 4 900 Villars-sur-Glâne communiqué Groupe ZKB - 4,7 4 640 Porrentruy Swisscanto Ces chiffres se fondent sur les rapports d’activité et reposent parfois sur des estimations. Certaines entreprises peuvent ne pas avoir été listées ou les chiffres réels être plus élevés que ceux indiqués. Le boom des immobilières cement et des fondations sous gestion. C’est de pension et banques sont en pleine expansion. Entre 2000 et 2017, la part des logements l’équivalent de l’ensemble des habitations de Elles acquièrent des immeubles et les trans- loués appartenant à des sociétés immobilières Bienne. UBS posséderait ainsi la dixième ville forment en objets de placement, en vue d’en est passée de 29% à 39% environ. En chiffres de Suisse si tous les appartements qu’elle gère tirer un rendement maximal. Conséquences: absolus, elles ont acquis 300 000 apparte- ou détient s’y trouvaient. des baux sont résiliés et les loyers grimpent. ments de plus en dix-huit ans. Mais quelles L’offensive de ces sociétés explique pourquoi sont-elles ? Plusieurs d’entre elles font partie Stop aux loyers qui grimpent les loyers n’ont cessé de grimper depuis 1985. du paysage, comme les compagnies d’assu- Les chiffres le montrent: sociétés anonymes, Les victimes en sont les locataires. rances Swiss Life et Zurich. Quant aux groupes fondations, compagnies d’assurances, caisses bancaires UBS, Credit Suisse et ZKB (Banque Cantonale de Zurich), ils ont la main sur des logis innombrables via leurs fonds immobi- Les grandes sociétés immobilières, des propriétaires liers. Plus en retrait, les sociétés anonymes de l’immobilier réalisent la totalité de leurs gains comme les autres? dans ce domaine. Citons Allreal ou Mobimo. Nous en avions parlé dans le numéro 242 de Droit au logement: il y a eu plusieurs cas problé- Beaucoup se sont fondées ou sont entrées en matiques de congés collectifs l’année dernière en Suisse. Swiss Life, Credit Suisse et Wincasa bourse après 2000. Parmi les géants du sec- résiliaient des baux dans leurs immeubles afin de réaliser des rénovations. A Zurich, le Credit teur, on trouve aussi les caisses de pension et Suisse donnait ainsi leur congé aux locataires de 240 appartements. Suite à la mobilisation de les fondations de placement, par exemple Pen- ces derniers, les résiliations ont été mises en attente et la procédure judiciaire suit son cours. simo, BVK ou la Caisse de pensions de Migros. Aucune nouvelle décision n’a été communiquée depuis octobre 2019. A Lausanne, les locataires de 160 appartements appartenant à Wincasa, qui avaient également reçu leur résiliation pour L’équivalent de toute une ville à soi fin janvier 2019, se sont aussi mobilisés. Le dossier est dans les mains des autorités cantonales. Les sociétés immobilières ont accumulé une fortune considérable. Elles possèdent des Philippe Thalmann, professeur d’économie du logement à l’EPFL, estime que «les données ré- dizaines de milliers de logements pour des va- centes sur les propriétaires des logements locatifs sont imparfaites. Elles reposent sur un échan- leurs en milliards de francs. SwissLife est en tillon de quelque 6400 logements, donc il est délicat de les comparer au recensement exhaustif tête avec quelque 35 000 logements répartis de 2000. Néanmoins, il ne fait pas de doute que les propriétaires institutionnels ont beaucoup dans plus de 1250 immeubles. Son revenu im- construit et que certains d’entre eux détiennent des parcs de logements considérables. Leur but mobilier s’élève à plus de 23 milliards. Il faut est évidemment lucratif, mais c’est aussi le cas pour la grande majorité des propriétaires privés noter que l’actionnaire principal de Swiss Life de logements loués. Il est plausible que la gestion immobilière des propriétaires institutionnels est le gérant de fortune américain BlackRock, soit plus «active» que celle des privés, ce qui n’est pas forcément en défaveur des locataires, car connu pour son agressivité en vue de profits. cela peut aussi signifier des bâtiments et logements mieux entretenus». Le Groupe UBS détient plus de 30 000 ap- Henriette Schaffter partements en Suisse via des fonds de pla- Droit au logement n° 244 mars 2020 7
DOSSIER ESSOR DES SOCIÉTÉS IMMOBILIÈRES «Il s’agit d’une marchandisation de l’immobilier» Quelques questions à Patrick Rérat, professeur à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne, à propos de l’essor des sociétés immobilières. P our Patrick Rérat, on constate une caisses de pension et des assurances est de baisse de la proportion de particu- dégager du profit pour financer des retraites, liers et à une «montée en puissance» des prestations à leurs assurés, etc. Les fonds des investisseurs institutionnels. d’investissement cotés en bourse suivent aus- Toutefois, il ne s’agit pas à son sens si cette logique de rendement et perçoivent de la conséquence d’un énorme transfert de l’immobilier comme un produit financier. propriété. Pour cela, il juge utile de regarder en Les plus-values servent à rétribuer les action- fonction de l’époque de construction. La part naires. Il s’agit là d’une marchandisation de des particuliers dans les logements construits l’immobilier. Les grands investisseurs sont avant 1946, entre 1946 et 1980, entre 1980 également localisés en premier lieu dans les et 2000, diminue. Il y a un effet de transfert grands centres urbains. Ils ont tendance ainsi (rachat) mais qui est assez limité en volume. à drainer des revenus des autres régions. Si les investisseurs institutionnels montent Une question qui reste ouverte pour moi serait en puissance, c’est surtout le fait de nouvelles de déterminer si les propriétaires particuliers constructions. Ils possèdent plus de 4 loge- protègent réellement davantage les locataires. ments locatifs sur 10 construits après 2000. Cela mériterait d’être approfondi à mon sens, Patrick Rérat, professeur spécialisé en urbanisme durable mais je n’ai pas d’éléments tirés de mes re- Pourquoi la concentration de la propriété, et développement territorial. cherches. avec des sociétés immobilières qui pos- sèdent l’équivalent de villes suisses en peut aussi mentionner les grands groupes de Quels sont les moyens à disposition pour appartements, a-t-elle augmenté ces der- construction qui vont monter des projets et les éviter que cela n’empire encore? nières années? Qu’est-ce qui a permis cette vendre clés en main à de grands investisseurs; Favoriser les maîtres d’ouvrage d’utilité pu- évolution? - la situation de pénurie sur le marché du loge- blique comme les coopératives. Il y a égale- Il y a pour cela plusieurs raisons: ment a incité à la construction de grands pro- ment des débats sur la promotion de la maîtrise - les institutionnels s’étaient quelque peu dé- jets (ex. répondre à la demande); d’ouvrage habitante (donc par les habitants) en tournés de l’immobilier dans les années 1990. - les taux hypothécaires historiquement bas et France, en Suisse, etc. C’est le cas par exemple L’éclatement de la bulle immobilière et une l’introduction de taux négatifs rendent les in- de la densification douce de la zone villa (créa- conjoncture faible contrastaient avec les pers- vestissements dans l’immobilier d’autant plus tion de logements par des petites opérations pectives de rendement des investissements en intéressants; menées par les propriétaires). bourse. La baisse des actions en 2002 a inci- - ces investisseurs sont capables de lever des té les investisseurs institutionnels à revenir à fonds importants, de faire face à l’augmenta- Qui peut engager ces moyens? l’immobilier pour diversifier leurs placements tion des prix du foncier, de réaliser de grandes Les pouvoirs publics, par une politique fon- (l’immobilier étant plus stable que la bourse); opérations (par exemple régénération de friches cière active (ex. achat de terrain, mise à dispo- - l’apparition de nouveaux acteurs que sont les industrielles), ce que les particuliers ne sont pas sition pour droit de superficie pour les maîtres fonds d’investissement immobilier. Certains en mesure de faire. d’ouvrage d’utilité publique). investisseurs (y compris des particuliers) pri- Propos recueillis par Henriette Schaffter vilégient l’achat de parts de fonds immobiliers Quels sont les risques d’une trop grande plutôt qu’un investissement direct dans la concentration de la propriété immobilière? pierre. Ils cherchent la sécurité du placement @Jean-Marc Ferre Les acteurs institutionnels, comme les pro- tout en évitant la gestion de biens immobiliers priétaires particuliers d’ailleurs, fonctionnent (vue comme chronophage et coûteuse). On sur une logique de rendement. L’objectif des @BirdLife Suisse Droit au logement n° 244 mars 2020 8
@Demir Sönmez Manifestation suisse pour le droit au logement. Les citoyens peuvent agir contre la spéculation immobilière! «Le logement fait partie des droits de l’homme, ce n’est pas seulement un bien» P our Leilani Farha, rapporteuse l’homme, et veut revendiquer à nouveau ce tuent des réparations minimes et augmentent spéciale des Nations Unies sur le droit», a-t-elle déclaré. ensuite les loyers à un taux que les locataires logement convenable et figure cen- ne peuvent se permettre. trale du film «Push», le logement Le logement, vecteur d’humanisation? est la plus grande problématique Kate Gilmore, haut-commissaire adjointe Logement abordable et sécurité du XXIe siècle. La rapporteuse spéciale des des Nations Unies aux droits de l’homme, «Cela ne profite pas aux locataires, dont les Nations Unies sur le logement convenable affirme que les villes peuvent déshumani- revenus restent relativement stables. C’est un affirme qu’il existe une véritable crise mon- ser les citoyens, et que le logement peut soit problème qui relève des droits de l’homme, car diale du logement. Cette crise, alimentée par y contribuer, soit inverser la tendance. Elle le droit au logement est évidemment lié à la les spéculations financières, rend les loyers et appelle à une urbanisation intentionnelle vi- sécurité et à l’accès à une habitation abordable l’accès à la propriété hors de portée de beau- sant à éliminer les inégalités et la discrimina- pour ceux qui essaient de vivre dans ce loge- coup, surtout dans les villes. tion, une priorité pour les responsables dans ment.» Les conséquences sont dramatiques. le domaine du logement. «Un changement Les gens se retrouvent loin de leur lieu de tra- Le logement, un actif majeur doit se produire: il faut s’éloigner du vail et de leurs réseaux sociaux. Les familles «Dans le nouveau modèle financiarisé, le loge- concept du logement en tant qu’instrument sont expulsées car elles ne peuvent pas payer ment n’est pas considéré comme un foyer ou de planification urbaine et réaliser que le lo- leur loyer ou rembourser leur hypothèque. Et un lieu où les familles grandissent, où l’on se gement est un droit fondamental car il permet beaucoup d’entre eux se retrouvent à la rue. crée des souvenirs. Le logement est un actif. d’humaniser et de rendre la dignité à des per- Le nombre de sans-abri a nettement augmenté C’est un moyen de placer ses capitaux», dé- sonnes dans le monde entier», a déclaré Mme dans la plupart des pays. Selon Leilani Farha, clare-t-elle. Gilmore lors du lancement du programme chacun peut contribuer afin que la question Pour faire face à cette situation, Leilani Farha, The Shift à Barcelone en novembre 2017. du logement relève à nouveau du domaine en collaboration avec le Haut-Commissariat des droits de l’homme. Par exemple, ceux qui des Nations Unies aux droits de l’homme et Le logement comme source de revenus cotisent à une caisse de retraite peuvent véri- l’organisation «Cités et gouvernements locaux Selon Leilani Farha, le logement est un bien, fier où vont leurs cotisations et indiquer clai- unis, un réseau mondial de villes», a lancé et les fonds de pension et les institutions fi- rement s’ils ne veulent pas que cet argent soit l’initiative The Shift, qu’elle définit comme nancières y investissent de plus en plus pour investi dans des transactions immobilières ai- un mouvement destiné à revendiquer le droit accroître leurs profits. L’immobilier résiden- dant à privatiser le parc de logements sociaux fondamental au logement et à le mettre en tiel représente le plus gros marché du monde, ou entraînant des loyers inabordables et des application. Dans le cadre de cette initiative, avec une valeur de 163 billions de dollars amé- évictions. plusieurs gouvernements locaux, ONG et ricains, soit trois fois le produit intérieur brut «C’est déjà le cas en ce qui concerne les ques- particuliers travaillent ensemble pour faire mondial. Le logement est un moyen de placer tions environnementales... où nous deman- évoluer le discours actuel sur le logement en et de faire fructifier les capitaux des action- dons aux caisses de retraite de ne pas investir tant que moyen de placer des capitaux et de naires. Comment ces capitaux augmentent-ils? dans des projets qui nuisent à l’environnement, réaliser des profits, et pour faire en sorte que C’est grâce à la montée des prix et des loyers, ajoute-t-elle. La même chose est possible pour le logement redevienne un droit fondamental. explique Mme Farha. Elle souligne que cer- le logement.» «Nous essayons de construire un mouve- taines sociétés financières se lancent dans ce ment mondial multipartite où chacun défend qu’elles considèrent comme des zones «sous- Source: Haut-Commissariat des Nations Unies l’idée que le logement fait partie des droits de évaluées», y achètent des logements, effec- aux droits de l’homme - avril 2019. Droit au logement n° 244 mars 2020 9
VAUD MANDATS À REPOURVOIR ANNE BAEHLER BECH Secrétaire générale ASLOCA Vaud Devenez assesseur en commission de conciliation ou au tribunal L’ASLOCA Vaud recherche des personnes compétentes en droit du bail et intéressées à représenter des locataires auprès de diverses autorités. Des séminaires de formation continue et un répertoire de résumés de jugements sont proposés aux assesseurs. L es commissions de conciliation en ma- son activité dans tout le canton. Les audiences Cette fonction est accessible à toute personne tière de baux à loyer sont les autorités sont décentralisées et se tiennent dans le chef- majeure, de moins de 75 ans et de nationalité vaudoises de première instance qui lieu des quatre arrondissements judiciaires du suisse. S’il n’est pas indispensable de disposer doivent être saisies par les parties lors canton, soit Nyon, Yverdon, Lausanne et Vevey. d’une formation juridique complète pour exer- d’un litige portant sur un bail à loyer. Ce tribunal, spécialisé dans les litiges liés aux cer cette charge, une très bonne connaissance Il existe une commission de conciliation dans contrats de bail, est composé de présidents qui du droit du bail et de sa jurisprudence est ce- chaque district. Les audiences se tiennent dans sont des juges nommés par le Tribunal canto- pendant exigée. le chef-lieu de chaque district. Chaque com- nal et de juges assesseurs, représentatifs des Neuf postes sont actuellement vacants. L’ASLOCA mission est formée du préfet qui préside et de organisations de locataires et des milieux de Vaud recherche ainsi: deux assesseurs issus l’un des milieux repré- propriétaires. Ainsi, lorsque le Tbx tient au- — 1 juge assesseur représentant les locataires sentatifs des locataires et l’autre des bailleurs. dience, il est constitué de trois personnes, soit pour l’arrondissement de l’Est (district d’Aigle, Les assesseurs sont nommés par district par le d’un président et de deux juges assesseurs, Riviera–Pays-d’Enhaut, Lavaux-Oron); Conseil d’Etat et doivent pour ce faire y vivre ou l’un représentant les locataires, l’autre les pro- — 2 juges assesseurs représentant les locataires y travailler sur proposition de l’ASLOCA et des priétaires. Les juges assesseurs sont nommés pour l’arrondissement de Lausanne (district de organisations des bailleurs. par le Tribunal cantonal sur proposition des Lausanne et de l’Ouest lausannois); organisations de locataires et de propriétaires. — 2 juges assesseurs représentant les locataires S’engager comme assesseur... Les juges assesseurs sont nommés par arron- pour l’arrondissement de La Côte (districts de La charge d’assesseur est une activité sans dissement judiciaire et doivent pour ce faire y Nyon et de Morges); horaire fixe et très variable car elle dépend du vivre ou y travailler. — 2 juges assesseurs représentant les locataires nombre de causes déposées devant la commis- pour l’arrondissement de la Broye et Nord sion. Elle peut représenter une ou deux jour- ... ou comme juge assesseur vaudois (districts de Broye–Vully, Gros-de- nées par mois et est rémunérée par indemnités. La charge de juge assesseur est une activité Vaud et Jura–Nord vaudois). Dite activité implique la participation à des sans horaire fixe et très variable car elle dé- audiences et à des délibérations ainsi que l’exa- pend du nombre de causes déposées devant Le rôle principal des assesseurs en commission men et la préparation de dossiers à consulter sur le tribunal. Elle peut représenter une ou deux et des juges assesseurs représentant les loca- place ou par voie de circulation. Cette fonction est journées par mois et est rémunérée par indem- taires consiste à mettre en évidence pendant accessible à toute personne majeure, de moins nités. Dite activité implique la participation l’audience et la délibération les intérêts de la de 70 ans, de nationalité suisse ou détentrice à des audiences et à des délibérations ainsi partie locataire, en particulier lorsque celle- d’un permis C. Cette charge demande des que l’examen et la préparation de dossiers à ci n’est pas assistée par un mandataire. Tous connaissances du droit du bail et de sa jurispru- consulter sur place ou par voie de circulation. doivent savoir se conformer aux règles de la dence. bonne foi dans l’appréciation des faits et l’in- Cinq postes sont à repourvoir. L’ASLOCA Vaud terprétation du droit du bail. L’ASLOCA Vaud recherche ainsi: organise régulièrement pour ses assesseurs — 2 assesseurs représentant les locataires pour des séminaires gratuits de formation continue la Commission de conciliation du district de la et propose également un répertoire de résumés Riviera–Pays-d’Enhaut (Vevey); de jugements, en ligne sur Internet, portant sur — 2 assesseurs représentant les locataires pour le droit du bail (fiches juridiques) et accessible la Commission de conciliation du district du par abonnement. Jura–Nord vaudois (Yverdon); — 1 assesseur représentant les locataires pour la Commission de conciliation du district de Vous êtes intéressé par l’exercice de l’une l’Ouest lausannois (Renens). de ces deux fonctions et répondez aux exi- gences mentionnées ci-dessus? Alors n’hésitez Le Tribunal des baux (Tbx) représente le tribu- @ARC-Sieber pas et proposez sans délai votre candidature nal de première instance compétent pour juger par courriel, en y joignant votre CV, à l’adresse des litiges relatifs aux baux à loyer. Il exerce Le Tribunal cantonal vaudois. suivante: asloca-vd@bluewin.ch. Droit au logement n° 244 mars 2020 10
GENÈVE ÉLECTIONS COMMUNALES GENEVOISES ALBERTO VELASCO Président ASLOCA Genève Votez et faites voter pour les candidat-e-s soutenu-e-s par l’ASLOCA! Le 15 mars prochain, les Genevois éliront leurs représentants au sein des exécutifs et déli- bératifs communaux. Ce scrutin est important pour la défense des intérêts des locataires. L’ASLOCA vous invite à soutenir des personnes des logements abordables pour toutes les caté- des projets de logements non spéculatifs et actives au sein de son comité et qui par leur gories de la population, peut véritablement et abordables. Que ce soit dans les délibératifs action font avancer la cause des locataires. concrètement se réaliser au niveau communal, au niveau des principes, dans les exécutifs au En effet, si les lois régissant les droits des lo- par le biais de la maîtrise foncière et de la mise niveau des réalisations, ou à la tête des fonda- cataires et la politique sociale du logement se à disposition de logements d’utilité publique. tions communales pour le logement, les repré- décident aux niveaux fédéral et cantonal, la Ainsi, les locataires doivent pouvoir compter sentant-e-s de l’ASLOCA s’engagent concrète- mise en œuvre d’une politique progressiste du sur des élu-e-s communaux qui défendent ment dans les communes pour la réalisation logement, non spéculative, permettant d’offrir leurs intérêts et sont capables de développer de davantage de logements abordables. CAR ONE OUG X E «Faciliter l’intégration «Gouverner, c’est d’abord loger et renforcer le vivre ensemble» son peuple» L’importance d’une politique du logement axée sur la mixité est essentielle Se loger dans de bonnes conditions est un besoin humain fondamental. afin de faciliter l’intégration, de lutter contre l’exclusion et de renforcer le Face à la pénurie endémique qui frappe le canton de Genève et qui per- vivre ensemble. Il est également indispensable que les communes puissent met la spéculation immobilière, il est impératif de favoriser les maîtres accompagner les développements annoncés et en être des acteurs d’ouvrage sans but lucratif, qui offrent des logements abordables pour (+12 000 Carougeois-es à terme). Penser ce développement dans son en- toutes les catégories de la population, avec des rendements limités et des semble, construire des logements abordables, garantir une mixité, créer loyers fondés sur les coûts. Cette politique sociale du logement, déve- des équipements publics, des lieux de vie, tout en préservant la qualité des loppée à Onex grâce à la Fondation communale, la FIVO, permet d’offrir espaces publics et des espaces verts, est le rôle que je souhaite donner à des loyers abordables, de qualité, avec des loyers plus bas que ceux du Carouge. La politique d’acquisition de la Commune menée depuis plu- privé, sans peser sur le budget communal. Depuis 2014, la FIVO a, par sieurs années a déjà permis l’achat par la Fondation immobilière d’une deux fois, baissé certains de ses loyers et a pu presque doubler son offre parcelle qui permettra la création de nombreux logements abordables. de logements en autofinancement. Il est un devoir pour les communes Carouge a également acquis une parcelle qui sera dévolue aux coopératives. de mettre tout en œuvre pour sortir un maximum de logements des lo- giques spéculatives et de les pérenniser dans un système public où la Stéphanie Lammar, membre du Comité de l’ASLOCA et de l’Associa- cohésion sociale prime les logiques du profit. tion des locataires de Carouge, conseillère administrative PS à Carouge chargée notamment des constructions et du logement, membre (voix Carole-Anne Kast, vice-présidente de l’ASLOCA, conseillère adminis- consultative) de la Fondation immobilière de la Ville de Carouge et de la trative PS à Onex, présidente de la Fondation immobilière de la Ville Fondation du Vieux-Carouge, candidate au Conseil administratif. d’Onex (FIVO), candidate au Conseil administratif. Droit au logement n° 244 mars 2020 11
GENÈVE ÉLECTIONS COMMUNALES VILL E DE GENEVOISES GEN ÈVE CHRISTIAN DANDRÈS Avocat ASLOCA Genève Politique du logement à Genève: quelques propositions d’améliorations Le parc social de la Ville doit être renforcé et l’ASLOCA développe actuellement un projet d’initiative qui y contribuerait. La récolte de signatures pourrait intervenir cet automne. L a Ville de Genève dispose d’un parc de atteindre les objectifs environnementaux pour les logements. Il s’agit d’opérations purement logements abordables. Constitué au fil lesquels elle s’est engagée et par respect pour spéculatives qui n’améliorent en rien la situa- des décennies, il compte aujourd’hui les locataires qui ont droit à un cadre de vie de tion sur le marché locatif et se répercutent sur environ 5300 appartements. Ceux-ci qualité. Ces travaux doivent être effectués sans les loyers. L’ASLOCA envisage dès lors de lancer sont affectés aux besoins de celles majoration du loyer. L’essentiel des logements une initiative cantonale pour étendre la possi- et ceux qui, nombreux à Genève, sont exclus de la Ville a été construit il y a plusieurs décen- bilité de préempter des immeubles locatifs, à du marché locatif privé. L’attribution des nies et est aujourd’hui amorti. un prix non spéculatif. logements et le calcul des loyers sont régis par Ce projet d’initiative sera soumis à l’Assem- le Règlement fixant les conditions de location Augmenter le nombre de logements blée générale de l’ASLOCA avec, pour objectif, des logements à caractère social. hors spéculation d’entamer la récolte de signatures en automne. Après dix ans de mise en œuvre de ce Il faut également lutter contre la spéculation L’ASLOCA invite la population et les candidats règlement, il est temps de faire un bilan et et augmenter le nombre de logements à dis- aux élections municipales à s’approprier ces de profiter du débat ouvert avec les élections position de la Ville de Genève pour mener sa propositions et à les mettre en œuvre. municipales du 15 mars pour proposer des politique du logement. Les transactions im- améliorations de la manière dont la Ville de mobilières vont bon train et surenchérissent Genève mène sa politique du logement. Feuille de route à disposition «Le droit au logement dans un environnement L’ASLOCA et l’Association de locataires de la Gérance immobilière municipale (ALGIM), membre de l’ASLOCA, ont rédigé une feuille de route pour les candidats et les futurs élus de qualité» municipaux (consultable sur www.asloca.ch/ Candidat au Conseil administratif, geneve). Ces propositions peuvent se résumer Ville de Genève ainsi: — le parc social de la Ville de Genève doit Les collectivités publiques jouent un rôle clé être renforcé. L’ASLOCA demande au Conseil pour garantir le droit au logement. La Ville administratif de ne plus extraire des loge- de Genève, par la maîtrise du sol et son parc ments du parc social, comme il l’a fait durant immobilier, favorise l’accès à des logements les dernières législatures, et de réintégrer abordables, les projets coopératifs et sociaux et ceux qui l’auraient été, pour autant que les lo- lutte ainsi contre la spéculation immobilière. cataires en place répondent aux exigences du La Ville de Genève doit également favoriser le règlement. Il ne faut pas faire payer à ces lo- développement de projets de qualité et écolo- cataires les conséquences du choix du Conseil giques. Les quartiers qui souffrent le plus des nuisances environnementales (pollution, bruit, administratif; canicule, circulation) concentrent les revenus les plus modestes, les plus fortes densités et l’ab- — les locataires doivent être protégés et le sence d’espaces verts. règlement appliqué avec discernement et hu- En développant des projets de qualité qui tiennent compte de l’environnement, la Ville peut favo- manité. Ils doivent être entendus avant toute riser la participation des locataires et renforcer la solidarité et les liens entre les habitant-e-s. En modification substantielle du bail ou tout rénovant son parc immobilier, en favorisant les énergies renouvelables et l’usage de matériaux congé. Les locataires âgés et ceux qui ont vécu moins polluants, la Ville peut innover et lutter contre la crise climatique. durant deux décennies au moins dans leur La politique du logement est aujourd’hui un élément central des politiques sociale et environ- appartement doivent être protégés contre les nementale. La Ville doit user de son droit de préemption afin d’acquérir des terrains et des im- congés. Des rocades doivent être favorisées en meubles, elle doit favoriser les projets qui garantissent des loyers abordables dans un environ- lieu et place des résiliations de bail qui ont été nement de qualité. dénoncées par l’ASLOCA et l’ALGIM; — la Ville doit entretenir ses immeubles pour Alfonso Gomez, membre du comité de l’ASLOCA, conseiller municipal Les Verts. Droit au logement n° 244 mars 2020 12
VILL E DE GEN ÈVE «Il faut interdire à la Ville de congédier des personnes âgées» Interview de Maria Perez, candidate à l’élection au Conseil administratif de la Ville de Genève. M aria Perez, conseillère munici- familles, en cas de séparation ou de chômage, pale en Ville de Genève, s’est sont prises à la gorge. Il fallait aussi assurer illustrée dans la défense des une meilleure protection contre les congés. Le intérêts des locataires. Alors droit du bail est trop peu protecteur. Je me suis qu’elle se présente pour l’élec- battue pour que la Ville, à majorité de gauche, tion au Conseil administratif de la Ville de accorde à ses locataires ce que les milieux im- rd@ Genève (liste 5, Parti du Travail), Droit au mobiliers refusent, aux Chambres fédérales, à logement revient avec elle sur une décennie tous les locataires de Suisse. d’engagement. Avant d’entrer au Conseil municipal, Maria Tu fus l’une des premières à réagir au Perez a fait parler d’elle avec le Mouvement Conseil municipal lorsque l’Exécutif a com- 804, qui a marqué le début des années 2000 mencé à contourner l’esprit du règlement avec une pétition de plus de 100 000 signa- fixant les conditions de location des loge- moins équivalente à ses locataires. Il faut in- tures pour sauver la culture populaire en ville. ments à caractère social. terdire à la Ville de congédier des personnes Soutenue par Christian Grobet, elle fut élue au Peu après l’adoption de ce règlement, le âgées. Pour favoriser une meilleure utilisation Conseil municipal en 2007. Depuis lors, elle Conseil administratif a appliqué ces règles des logements, il faut préférer le dialogue et s’engage avec pugnacité en faveur des loca- sans discernement. Des personnes âgées ont inciter à faire des rocades. Il faut aussi que les taires et du service public. reçu des congés alors qu’elles vivaient dans loyers soient calculés sur une base favorable leurs logements depuis des décennies. Indi- aux locataires et transparente. Il est plus que Comment t’es-tu engagée dans le débat sur gnée par ce revirement scandaleux, j’ai tiré la temps d’utiliser le revenu déterminant unifié le logement? sonnette d’alarme. Pour bloquer cette dérive, (RDU). L’Etat le calcule automatiquement. Cela J’avais préparé un projet de règlement que j’ai déposé, avec d’autres collègues comme simplifierait la vie des locataires. Enfin, la Ville j’avais déposé au Conseil municipal avec l’aide Brigitte Studer, des textes qui sont encore en doit assurer un entretien convenable de ses lo- de Christian Grobet. Alors que la crise du lo- discussion au Conseil municipal. gements, parfois vétustes et mal entretenus. gement faisait rage depuis plusieurs années, Mettre des logements à disposition n’est pas il fallait que la Ville puisse pleinement jouer Quelles pratiques la Gérance immobilière charité. Les locataires ont droit à de bonnes son rôle de bailleur social. Mon projet visait municipale doit-elle adopter? conditions de vie. à adapter le loyer aux évolutions du revenu L’ASLOCA a obtenu des règles de protection Propos recueillis par Christian Dandrès des locataires, pour qu’il ne représente jamais pour les logements sociaux du canton de une charge trop importante. Bon nombre de Genève. La Ville doit offrir une protection au «Il faut renforcer la politique publique du logement pour tous et non au profit de quelques-uns» Candidat au Conseil municipal, Ville de de Genève Se loger à Genève coûte trop cher, surtout pour les revenus modestes et la classe moyenne. Le taux de vacance est extrêmement faible, à 0,54%. La demande explose et le marché est dominé par des acteurs à la recherche du profit maximum. Les Genevois-es renoncent au centre à cause des loyers exorbitants. La Ville de Genève doit réagir et agir concrètement pour proposer plus de logements abordables. Actif au Comité de l’ASLOCA Genève et à la Commis- sion du logement, je veux m’engager davantage: construction d’immeubles, développement des coopératives, rénovation des immeubles délaissés, préemption sur des immeubles en vente, changement des pratiques de la Gérance immobilière municipale, habitat intergénérationnel, soutien à la Fondation de la Ville de Genève pour le logement social et enfin lutte contre les îlots urbains de chaleur. Il faut renforcer la politique publique du logement pour tous et non au profit de quelques-uns. Olivier Gurtner, membre du Comité ASLOCA, conseiller municipal PS et président de la Commission du logement. Droit au logement n° 244 mars 2020 13
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