Droit au logement Le journal de l'Asloca no 233 FÉVRIER 2018 - Logement: les politiques communales
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Droit au logement Le journal de l’Asloca no 233 FÉVRIER 2018 Dossier Logement: les politiques communales – Neuchâtel Détente artificielle – Vos droits Nuisances sonores et bail résilié
SOMMAIRE ÉDITO 10 HENRIETTE SCHAFFTER Rédactrice en chef Droit au logement LE MESSAGE DE L’ASLOCA p. 3 Au cours du mois d’octobre de l’année passée, SUISSE on a appris par les médias que la Ville de Assemblée des délégués suisses p. 4 Pully allait résilier les baux de ses 14 apparte- ments protégés. Les locataires, âgés de VOS DROITS 70 à 96 ans, étaient priés de retrouver un Nuisances sonores: congé déclaré nul p. 5 logement, sans qu’aucune solution ne leur DOSSIER soit proposée. Politique du logement communale p. 6-9 Au final, Pully est revenue en arrière, sous VAUD la pression médiatique notamment. L’état des lieux sur tablette p. 10 C’est cette histoire qui est à l’origine du dos- sier de ce numéro. Quelle est la politique du FRIBOURG logement des villes en Suisse romande? 12 Modifications unilatérales du bail p. 11 Que font-elles pour améliorer la situation des TRANSJURA moins privilégiés? Quel est le rôle exact dédié Logements d’utilité publique: aux communes dans ce domaine? postulat accepté p.12 Nous avons voulu faire un tour d’horizon de GENÈVE quelques mesures utilisées dans les com- 75 ans de l’ASLOCA Genève p.13 munes de moyenne importance qui per- NEUCHÂTEL mettent de lutter, un peu, contre la pénurie Boudry: peut mieux faire p.14 de logements à loyer abordable. Des mesures qui protègent parfois les moins CONSULTATIONS DE L’ASLOCA p. 15 bien lotis. Il faut toutefois bien avouer que NEWS p. 16 tous les citoyens romands ne sont pas logés à la même enseigne, puisque certaines villes se montrent très actives tandis que d’autres laissent simplement faire les promoteurs ou les propriétaires immobiliers. Dans les pages des sections, vous trouverez l’exemple de la Ville de Boudry, qui n’a vrai- semblablement pas su prendre les mesures adéquates, et celui du canton du Jura, dont le Parlement vient d’accepter un postulat visant à créer une véritable politique du logement, cantonale cette fois-ci. Au menu de ce numéro également, un compte-rendu des 75 ans de l’ASLOCA 14 Genève ainsi qu’un résumé des décisions prises lors de l’assemblée des délégués suisses de l’ASLOCA à Bienne. Bonne lecture! Henriette Schaffter Couverture: Quartier des Libellules à Vernier. Ville de Vernier ©Serge Honthaas Rédactrice en chef Droit au logement n° 233 février 2018 2
LE MESSAGE DE L’ASLOCA par CARLO SOMMARUGA Président de l’ASLOCA Suisse E n ce début de 2018, en matière de droit du bail, tous les yeux Toutefois, pour maintenir les sénateurs du Conseil des Etats dans le se tournent vers le Conseil des Etats! En effet, d’ici au début du camp de la raison et de la paix du logement, il faut leur dire une chose printemps, la Commission des affaires juridiques du Conseil simple: N’AUTORISEZ PAS LES LOYERS ABUSIFS! des Etats examinera l’initiative parlementaire de Hans Egloff, conseiller national UDC, président de l’association suisse La légalisation des loyers abusifs est bien l’enjeu de l’actuelle ba- alémanique des propriétaires, laquelle vise à réduire le droit des loca- taille parlementaire et des suivantes. taires à la contestation du loyer initial. Déjà que seule une infime partie des locataires use de ce droit, l’indécence des milieux immobiliers va Chaque locataire, dans son canton, dans son agglomération, peut dire jusqu’à vouloir rendre plus difficile l’exercice de la contestation du loyer haut et fort N’AUTORISEZ PAS LES LOYERS ABUSIFS en signant la lettre initial pour ceux qui, avec courage, l’utilisent. ouverte sur le site de l’ASLOCA: http://www.asloca.ch/lettre-ouverte/. Faites circuler cette adresse sur les réseaux sociaux et par mail auprès La bataille au Conseil des Etats est importante. En effet, si, depuis le de vos amis. début de la législature fédérale 2015-2019, le lobby immobilier dispose au Conseil national d’une majorité automatique en faveur des intérêts Votre engagement et votre détermination seront essentiels pour des bailleurs, tel n’est pas le cas au Conseil des Etats. Ce conseil se po- convaincre le Conseil des Etats et sa Commission des affaires juridiques sitionne comme le conseil de la raison. C’est dans ce cénacle, et plus de nous suivre sur la voie de la raison et de la paix du logement. particulièrement au sein de sa Commission des affaires juridiques, que la raison peut prévaloir sur l’approche idéologique et totalement désé- Par cette lettre l’ASLOCA fait passer un message aux parlementaires: quilibrée de la Commission des affaires juridiques du Conseil national. si vous laissez passer cette réforme, les locataires sont prêts, en ordre de bataille, pour lancer et faire aboutir les référendums nécessaires. Les Ce n’est pas gagné. Et de loin, comme le montre la remise en question sénateurs devront ainsi se poser la question s’il se justifie d’entamer du droit du locataire de sous-louer en cours de traitement. Ainsi, si dans une révision du droit du bail qui aboutira à une confrontation sociale et un premier temps cette attaque contre les droits des locataires avait été politique dans la rue, sur les réseaux sociaux et dans les urnes quelques rejetée par la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats, mois avant les élections fédérales, et cela pour une revendication favo- dans un deuxième temps, suite à l’insistance du Conseil national, elle risant celles et ceux des bailleurs qui veulent simplement lier pieds et a cédé, ouvrant une première brèche dans le travail de sape du lobby mains des locataires en réduisant les possibilités de combattre les loyers immobilier contre le droit du bail actuel. abusifs. Par chance, les locataires comptent quelques amis au Conseil des Nous comptons sur le Conseil des Etats, mais pour y arriver nous Etats. Ces élus, préoccupés du sort des locataires, s’activent aussi. Ainsi, comptons surtout sur nos forces ! C’est-à-dire chacun et chacune d’entre le conseiller aux Etats neuchâtelois Didier Berberat a déposé, lors de vous. la dernière session de décembre 2017, une initiative parlementaire vi- sant à renforcer la lutte contre les abus en facilitant la contestation du loyer initial. Elle va dans le sens diamétralement opposé à celle de Hans Egloff. Le sénateur socialiste neuchâtelois a compris que la contestation du loyer initial par un locataire a un impact pour l’ensemble des loca- taires. L’objectif constitutionnel de la lutte contre les abus n’en serait que mieux mis en œuvre. LETTRE AUX SÉNATEURS Droit au logement n° 233 février 2018 3
SUISSE ASSEMBLÉE NATIONALE 2017 CARLO SOMMARUGA Président de l’ASLOCA Suisse L’heure est à la mobilisation! L’assemblée nationale 2017 de l’ASLOCA a notamment adopté une résolution contre le démantèlement de la protection des locataires. C ’est près d’une centaine de délégués bail que le Parlement pourrait produire et l’ac- montré la volonté de renforcer progressivement qui ont convergé de toute la Suisse tion envers les parlementaires. Compte tenu de les structures, mais sans rythme effréné. C’est à notre assemblée annuelle le 18 ces échéances politiques, il a été souligné l’im- ainsi que déjà en 2018 il y aura mise en place novembre dernier. Non pas à Berne portance de disposer de moyens financiers pour de rencontres d’échange entre responsables de comme les années passées, mais à mener les diverses campagnes. Au-delà du tré- sections et de séminaires thématiques. L’amé- Bienne. Dans les locaux mêmes où en janvier sor de guerre que l’ASLOCA Suisse constitue pro- lioration de la capacité de communiquer au ni- 2015 nous fêtions les 100 ans de la naissance gressivement, vu les coûts des campagnes poli- veau Internet et réseaux sociaux de toutes les du mouvement des locataires. Toutefois, l’am- tiques, il a été rappelé aux sections de l’ASLOCA régions linguistiques est aussi souhaitée. Cela biance cette fois n’était pas à la fête, mais stu- l’engagement qu’elles avaient pris l’année pas- est en lien avec la capacité de mobiliser autour dieuse, préoccupée et concentrée sur la néces- sée de provisionner dans leurs comptes les frais de nos actions et surtout de nos campagnes. saire prochaine mobilisation. de campagnes futures. En résumé, l’AG 2017 s’est inscrite dans le pro- Une présentation du secrétaire général, Un point encore a été abordé avec les dé- cessus de mise en ordre de bataille et de mobi- disponible pour ceux qui la désirent, a mon- légués. Celui du développement associatif de lisation de l’ASLOCA. Que les adversaires des tré comment d’une part la détente du marché l’ASLOCA Suisse. La consultation interne a locataires se le tiennent pour dit! dont se fait l’écho ces derniers mois la presse RÉSOLUTION reste illusoire pour la majorité des locataires. Les chiffres montrent, d’une part, que dans les villes et agglomérations, là où vit la majorité des locataires, la pénurie de logements et sin- gulièrement de logements à loyer abordable est toujours présente et, d’autre part, que les rende- Non au démantèlement de la ments sur les immeubles locatifs annoncés par protection des locataires les investisseurs restent fixés à des taux élevés, bien en dessus de la limite légale. Le lobby immobilier attaque frontalement la protection des locataires. Ses représentants par- Les délégués ont pris connaissance avec lementaires ont tiré d’abord sur la sous-location, en voulant la restreindre alors qu’elle n’a préoccupation du détail des attaques au Par- jamais posé de problèmes, puis sur la contestation du loyer initial en limitant fortement sa lement depuis le début de la législature, mais portée, alors qu’elle est indispensable pour lutter contre les loyers initiaux abusifs. Ils s’en surtout des trois dernières initiatives parle- prennent désormais au cœur même du droit du bail, en poussant l’application des loyers du mentaires déposées, qui visent rien de moins marché et en voulant légaliser des rendements abusifs au regard du droit actuel. que d’abandonner le loyer fondé sur les coûts pour privilégier le loyer fondé sur le marché. Le niveau des loyers est au plus haut niveau jamais atteint en Suisse. La charge des coûts Celle de Hans Egloff, UDC zurichois, visant à d’habitation continue de peser de manière disproportionnée sur les budgets des ménages. faciliter l’usage de la méthode des loyers com- Dans les agglomérations, les personnes seules, les familles qui cherchent un toit font face paratifs du quartier ou de la localité, celle d’Oli- à des hausses insupportables: les prix locatifs ont augmenté de 60% en moyenne depuis vier Feller, PLR vaudois, visant à augmenter le 2000, beaucoup plus dans certaines régions. Dans une telle situation, abolir ou réduire la taux de rendement admissible et celle de Da- protection des loyers actuelle serait socialement irresponsable et une erreur sur le plan éco- niel Faessler, PDC appenzellois, en faveur des nomique. Au nom de tous les locataires de ce pays, l’ASLOCA n’acceptera pas un démantèle- loyers du marché. ment de leurs droits. Si nécessaire, l’Association suisse des locataires lancera le référendum Par une résolution (ci-contre), les délégués contre les décisions hostiles du Parlement fédéral. ont clairement indiqué que tout démantèlement du droit du bail fera l’objet d’un référendum de Elle appelle le Conseil fédéral et le Parlement à œuvrer pour la paix du logement et la justice l’ASLOCA. Mais ils ont surtout appelé le Conseil en faveur des locataires. Ainsi, l’ASLOCA appelle concrètement tant le Conseil national que le fédéral et le Parlement à œuvrer pour la paix Conseil des Etats à prendre leurs responsabilités à l’égard de la majorité locataire du pays et à du logement et la justice des locataires. Notre • maintenir le droit actuel de sous-louer vice-président Balthasar Glättli a, quant à lui, • réaffirmer le droit complet de contester un loyer initial abusif présenté les résultats intermédiaires de notre • refuser de faire bondir les loyers pour des rendements excessifs groupe de travail campagnes politiques en re- • combattre la primauté des loyers du marché, afin que notre droit du bail continue à se baser lation avec l’initiative populaire «Davantage de sur des loyers calculés sur les coûts logements abordables», les futurs référendums • refuser d’alléger les prescriptions en faveur des bailleurs sans prendre parallèlement des contre les révisions scandaleuses du droit du mesures favorables aux locataires. Droit au logement n° 233 février 2018 4
VOS DROITS DÉCISION DU TRIBUNAL FÉDÉRAL FRANÇOIS ZUTTER Avocat répondant ASLOCA Genève Plaintes des voisins: pas toujours fondées! Le Tribunal fédéral confirme* les décisions genevoises ayant constaté la nullité d’un congé en raison de plaintes de voisins pour nuisances. E n date du 5 novembre 2014, la pro- 1. une violation du devoir de diligence incom- Le recours de la bailleresse au TF a été déclaré priétaire avait résilié le bail d’un bant au locataire; irrecevable, dans la mesure où ses griefs couple de locataires habitant dans 2. un avertissement écrit préalable du bailleur; n’étaient pas pertinents. leur appartement depuis 2008. Un 3. la persistance du locataire à ne pas respec- Elle a été condamnée à verser 5550.- francs de courrier de mise en demeure avait été ter son devoir en relation avec le manquement frais judiciaires et une indemnité de 6500.- adressé aux locataires en juillet 2014 à la suite évoqué par le bailleur dans sa protestation; francs pour les frais d’avocat des locataires, de plaintes de voisins à propos de diverses nui- 4. le caractère insupportable du maintien du sans compter les honoraires de son propre sances sonores et tapages nocturnes: disputes, contrat pour le bailleur; avocat! utilisation d’une perceuse, d’un marteau, dé- 5. le respect d’un préavis de trente jours pour Cela devrait inciter les bailleurs à ne pas rési- placement de meubles, prises de bains tard la fin d’un mois. lier à la légère le bail des locataires. dans la nuit. Si l’une des conditions n’est pas réalisée, le Les locataires ont contesté le congé en expli- congé est nul, inefficace selon la terminologie * Arrêt du TF du 4 septembre 2017, cause 4A_2/2017 quant qu’ils étaient accusés à tort. Ainsi, par du Tribunal fédéral (TF). exemple, des voisins s’étaient plaints de leur bruit alors qu’ils étaient en séjour en Valais. En l’espèce, la bailleresse n’a pas réussi à Ils ont proposé une médiation avec le voisin démontrer que certaines nuisances avaient qui les accusait principalement, mais celui-ci persisté après la mise en demeure. Les autres a refusé. Il faut préciser que les relations avec ne revêtaient pas la gravité nécessaire pour lui étaient bonnes jusqu’au décès du frère de rendre le maintien du bail insupportable. celui-ci en 2012. Des nuisances qui ne justifient pas une résiliation Le Tribunal des baux et loyers a déclaré inef- ficace, donc nul, le congé par jugement du 29 avril 2016, décision confirmée par la Cour de justice le 14 novembre 2016. Les juges ont estimé que, si les nuisances so- nores et les désagréments causés par les loca- taires étaient établis, en revanche, en raison d’une surenchère certaine et du rôle particu- lièrement troublant joué par le voisin, il ne pouvait être retenu qu’ils revêtaient la gravité nécessaire exigée par l’art. 257f al. 3 CO pour rendre le maintien du contrat insupportable et justifier un congé pour justes motifs. Cet article prescrit que, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer de respect envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat, soit moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d’un mois pour un bail d’habitation ou commercial. Selon la jurisprudence, cette résiliation très sé- vère suppose la réalisation de cinq conditions cumulatives: Droit au logement n° 233 février 2018 5
DOSSIER POLITIQUE DU LOGEMENT HENRIETTE SCHAFFTER Rédactrice en chef Droit au logement QUELS OUTILS POUR LES COMMUNES? L La hausse des coûts es communes de taille moyenne, ayant environ entre 15 000 et 50 000 son propre foncier, la ville octroie des droits de superficie à taux préférentiel à des maîtres du logement ne habitants, sont aujourd’hui confron- d’ouvrage d’utilité publique, à la condition touche plus seule- tées à une hausse des loyers continue. Promouvoir les logements à prix abor- que ceux-ci réalisent essentiellement des lo- gements d’utilité publique, à loyer modéré, ment les grandes dable devrait donc être un de leurs objectifs, abordable et protégé. Les autorités engagent afin de maintenir l’attrait à long terme de la toujours des négociations directes avec les in- villes comme commune, notamment pour les familles, ain- vestisseurs et les maîtres d’ouvrage concernés Genève, Lausanne si que le bon fonctionnement de la vie locale. Elles disposent pour cela de certains outils, pour y intégrer des exigences complémentaires (aménagements extérieurs, équipements com- et Zurich, mais mais sont aussi limitées par plusieurs données munautaires, etc.). De plus, sur les terrains en de base: le droit du bail relève de la Confédéra- également des tion et la législation relative à l’aménagement mains privées, la commune négocie auprès des promoteurs la mise à disposition de la popula- communes de taille du territoire et à la construction relève sur- tion de 25%, en moyenne, de logements d’uti- tout des cantons. Les facteurs influençant les lité publique, en échange de droits à bâtir sup- moyenne. Certaines loyers et les prix sont multiples et ne peuvent plémentaires. La Municipalité de Nyon a été d’entre elles ont une pas vraiment être maîtrisés à l’échelle de la commune: par exemple pression des investis- une des premières en Suisse à fixer des quotas de logements à loyer abordable par quartiers, tradition en ma- sements, politique fiscale, croissance des re- non seulement pour combattre la grande pénu- venus, préférences individuelles et croissance rie, mais également pour promouvoir la mixité tière de logement démographique. En outre, le marché suisse du socio-économique. communal, tandis logement est très majoritairement en mains privées: la part des pouvoirs publics est de 2% Nyon précurseuse que d’autres sont et celle des coopératives d’habitation de 5%. La LPPPL (loi sur la préservation et la promo- Au niveau de ces dernières, il existe une grande tion du parc locatif) vaudoise, acceptée par le totalement dépour- différence entre la Suisse romande, qui affiche peuple en février 2017, devrait inciter les villes vues d’expérience un taux de 4% de logements au sein de coo- à favoriser les constructions de logements à pératives et Zurich par exemple, ville dans la- loyer abordable, répondant aux besoins aigus dans ce domaine. quelle celles-ci possèdent 25% des logements. de la population, pour mieux lutter contre la Tour d’horizon de Outils sous-utilisés pénurie. Tout cela est encore trop récent pour qu’il y ait des effets concrets, mais la balle est quelques communes Les cantons et la Confédération gardent donc désormais dans le camp des communes. un rôle important, mais les communes ont Bien avant que la LPPPL les légalise, la Ville de de Suisse romande. aussi leur mot à dire et peuvent intervenir sur Nyon avait déjà introduit et défini la notion de le marché du logement avec plusieurs instru- logements «à loyer abordable» par une direc- ments, et non pas uniquement par la propriété tive municipale. La construction par des pro- immobilière: il existe des outils, parfois même moteurs privés d’un quartier de 14 bâtiments inscrits dans la loi, mais qui ne sont malheu- sur une grande parcelle située côté Jura de l’hô- reusement pas toujours utilisés. pital est un des succès de cette politique du lo- A Zurich, chaque fois que la ville peut acquérir gement. D’ici à fin 2018, le quartier Jardins du un terrain, elle le cède en droit de superficie Couchant, proche de divers équipements pu- aux coopératives, qui sont des partenaires. blics et commerciaux, peu éloigné du centre- En Suisse romande, ce n’est pas si évident. Il ville et de la gare, sortira de terre. Il accueillera y a cependant des villes qui ont développé de environ 900 habitants et permettra la création véritables stratégies à cet égard. A Nyon, sur d’une centaine d’emplois, de logements à loyer Droit au logement n° 233 février 2018 6
abordable et équipements d’utilité publique. «Bien sûr, pour que le projet voie le jour, les au- torités ont dû s’impliquer fortement, en négo- ciant dès la genèse du projet avec les différents promoteurs et propriétaires qui se sont succé- dé», explique Stéphanie Schmutz, conseillère municipale à Nyon. Les partenaires ont travaillé barres de logements, qui seront disponibles en autorités est même d’atteindre un taux de 20% avec l’objectif premier de satisfaire les besoins 2021. C’est le projet des Roches-Brunes, qui se de coopératives. Bienne a, par contre, très peu des ménages qui s’attendent à trouver dans leur composera de 66 logements à prix préféren- de logements qu’elle gère elle-même et c’est quartier les infrastructures nécessaires à la vie tiel (—10% par rapport au prix du marché). souvent uniquement de façon temporaire. familiale et professionnelle, telles que crèche, Des réflexions sont en cours pour développer Pour Silvia Steidle, directrice des Finances de commerces et transports publics. deux nouveaux quartiers d’habitation, dont le la ville, la plupart des coopératives biennoises quartier éco-responsable des Potences, d’une entretiennent bien leurs bâtiments et sont oc- Exemple bullois capacité potentielle de quelque 500 apparte- cupées par des familles de la classe moyenne. Depuis quelques années, Bulle est la ville de ments. Là aussi, la Ville devrait mettre à dis- Selon elle, il n’y a aujourd’hui pas de pénurie Suisse connaissant la plus grande augmenta- position des terrains auprès d’investisseurs de logements abordables, mais «on ne sait pas tion de population. Le Conseil communal a axé privés, mais malheureusement pas auprès de ce qui peut arriver à long terme». Elle complète: ses efforts sur l’aménagement du territoire et coopératives. «Il faut maintenir la mixité des appartements. la construction d’écoles et la Ville s’est séparée La chance à Bienne, c’est qu’il reste des terrains de bâtiments dont elle avait la propriété afin Le cas de Bienne libres en mains communales et qu’ils pourront de financer et de permettre la réalisation d’in- Les autorités de la ville de Bienne et les re- être utilisés. C’est le cas du stade du Gurzelen, frastructures. Bulle a vu se construire énor- présentants des coopératives de construction situé en pleine ville, sur lequel un projet im- mément de logements ces dernières années, de logements d’utilité publique ont signé une portant devrait voir le jour.» Mais Silvia Steidle même si elle n’est pas en situation de pénurie. charte en 2014, qui détermine les conditions craint cependant que les coopératives ne soient L’offre dépasse largement la demande et la qui doivent permettre, via un développement davantage prisées par les Biennois suisses alé- commune n’a donc pas encore senti le besoin à long terme des coopératives d’habitation, maniques et que les francophones aient moins d’établir une véritable politique du logement. d’améliorer l’attractivité de Bienne sur le «l’esprit coopérative», ce qui pourrait entraîner Elle a néanmoins octroyé des droits de su- plan immobilier. Actuellement, 31 coopéra- à terme une germanisation de la population. perficie à des coopératives d’habitation afin tives d’habitation biennoises gèrent environ En conclusion, toutes les villes ne connaissent de favoriser l’existence de logements à loyer 4500 appartements, en majorité à loyer modé- actuellement pas les mêmes soucis, mais elles modéré. “La chance de Bienne, c’est qu’il reste des Sion: pas de politique active La Ville de Sion n’a jamais mené à propre- terrains libres en mains communales et qu’ils ment parlé de politique active directe du logement. Il y a quelques années, le Conseil pourront être utilisés si besoin” général a d’ailleurs refusé un postulat pour une politique du logement active. La Ville fait ré, soit environ 16% de tout le parc immobi- doivent toutes veiller à éviter des situations dif- confiance aux acteurs privés pour répondre lier sur territoire communal. Ces coopératives ficiles pour leurs habitants, en mettant tous les aux besoins de la population et elle stimule d’habitation jouent un rôle très important pour atouts de leur côté pour prévenir une hausse l’intérêt de ces acteurs privés par la mise à proposer des logements abordables à Bienne importante des loyers. La situation en Suisse disposition de terrain et l’octroi de droits de et le Conseil municipal était donc d’avis que la romande est certes disparate, il n’empêche que superficie. Sion a accordé un droit de super- prolongation des contrats de droit de superficie l’observation du marché du logement ne suffit ficie sur des terrains à l’est de la ville pour la avec les coopératives d’habitation représentait plus et qu’il faut désormais agir également au construction d’un parking, ainsi que de trois une chance unique pour Bienne. L’objectif des niveau communal. Droit au logement n° 233 février 2018 7
DOSSIER POLITIQUE DU LOGEMENT Vernier axe sur le «vivre-ensemble» Quelques questions à Thierry Apothéloz, conseiller administratif de la ville de Vernier. Comment encouragez-vous la construction de vie dans les quartiers, comme ce fut le cas d’immeubles à loyer modéré? pour le projet Nouvelles Libellules il y a de cela Comme déjà dit, en assurant aux Fondations deux ans, et qui a démontré que l’ambiance les meilleures conditions de financement. et l’atmosphère qui règnent dans un quartier Nous développons également des structures sont parfois aussi importantes que le prix effec- de démocratie participative depuis de nom- tif des loyers. Les gens accordent en effet une breuses années, tels que les «contrats de grande importance à leur qualité de vie globale quartier», qui améliorent considérablement le dans leur quartier d’habitation. vivre-ensemble et la cohésion sociale. Les Nouvelles Libellules sont un projet nova- Y a-t-il encore un manque de ce genre d’ap- teur. Pourriez-vous en dire quelques mots? partements dans votre commune? Le quartier des Libellules est le quartier le La pénurie qui affecte le marché du logement plus précarisé du canton de Genève et depuis touche certainement toutes les catégories de longtemps, il subit une mauvaise image, no- logement. Il convient cela étant de souligner tamment médiatique. Il était primordial pour que Vernier abrite de nombreux logements à moi d’y redonner un dynamisme. Ainsi, avec loyer bas que ce soit dans ses quartiers du Li- la Fondation propriétaire Emile-Dupont et gnon, des Avanchets ou encore des Libellules. l’aide de la Confédération, du canton, de la Le logement est une priorité pour la Ville de Ville de Vernier et des fonds privés, nous avons Vernier. Ma fonction de président de l’Associa- réalisé un programme de transformation du tion des communes genevoises m’a amené à quartier: réhabilitation complète des apparte- @Magali Girardin créer un Fonds intercommunal du développe- ments, création de lieux de rencontre, réamé- ment urbain (FIDU), qui soutient la construc- nagement de l’extérieur par la création de ter- tion de logements et d’équipements publics, et rains de sports, de parcs et de jeux d’enfants. qui a été voté à l’unanimité des communes et Nous avons déplacé le parking pour pouvoir du Parlement genevois. créer de petites constructions accueillant des Quelles mesures concrètes ont été prises ces activités à destination des habitants. Ce dernier dernières années par votre commune? Peut-on qualifier votre politique foncière point est fondamental, car il permet de propo- Même si la politique du logement relève tra- d’active? ser du service public au cœur d’un quartier ditionnellement d’une politique cantonale Oui, certainement, dans les limites de nos populaire. (aménagement du territoire, autorisations moyens communaux relativement faibles. de construire, etc.), la politique communale Mais nous n’avons pas hésité dans le passé à La Confédération en fait-elle assez en ma- de Vernier est centrée sur trois aspects: une faire usage du droit de préemption conféré par tière de politique du logement selon vous? politique immobilière par la construction et le droit cantonal, y compris pour faire réaliser La politique de la Confédération est notoire- l’exploitation de logements via nos fondations des logements en mains d’une fondation sans ment insuffisante en la matière. Elle devrait communales (env. 250 logements, et 100 sup- but lucratif en lieu et place de simples loge- intervenir par des appuis financiers notam- plémentaires dans un proche avenir), une po- ments à loyer modéré subventionné, en mains ment pour aider au démarrage de projets en litique foncière d’acquisition et de remise de privées. Il s’agit d’un cas phare qui a fait l’ob- aidant les collectivités publiques à acquérir du terrain en faveur du maître d’ouvrage d’utilité jet d’un arrêt du Tribunal fédéral (ATF du 24 foncier. La surveillance sur le marché, en parti- publique et une action sociale active auprès novembre 2008, 1C_30/2008). La Ville vient culier dans les régions où sévit la pénurie, n’est d’habitants. Cette dernière se caractérise no- aussi récemment de proposer à une coopéra- pas satisfaisante dans le régime actuel du Code tamment par un accompagnement social pour tive de développer un projet sur un terrain lui des obligations. les personnes qui connaissent des difficultés appartenant. Propos recueillis en termes de logement (recherche, paiement par Henriette Schaffter du loyer, etc.). Nous avons aussi édité, en col- Arrivez-vous parfois à convaincre des in- laboration avec le Rassemblement pour une vestisseurs de modifier leurs intentions de politique sociale du logement (RPSL), une bro- construction afin que les loyers soient plus chure d’information aux locataires sur leurs adaptés à la population de votre commune? droits et leurs devoirs en matière de droit du Les marges de manœuvre des communes sont bail, une matière relativement complexe à trai- limitées, les loyers en zone de développement ter quand on n’est pas juriste. C’était une pre- étant contrôlés par l’Etat. Mais nous travail- mière à Genève. lons aussi beaucoup, en parallèle, à la qualité Droit au logement n° 233 février 2018 8
La Coopérative Le Corbusier à La Chaux-de-Fonds. @David Marchon «La maîtrise foncière permet de stabiliser le marché» A La Chaux-de-Fonds, la situation est quelque peu surtout à l’urbanisme et à l’architecture mais peu différente de l’arc lémanique. Premièrement, la ville aux conditions de location futures. «Il n’y a pas sortira de l’état de pénurie, en cours depuis quelques d’intervention de la commune en matière de fixation années, début 2018. Le marché y est plutôt détendu. de loyers, on laisse les promoteurs libres», explique Ville de La Chaux-de-Fonds©Charlène Mamie Et, historiquement, les loyers chaux-de-fonniers le conseiller communal. La Ville accompagne les sont assez bas. promoteurs dans les démarches administratives, Théo Huguenin-Elie, conseiller communal chargé leur facilite tout le processus afin de mettre tous de l’Urbanisme, des Bâtiments et des Affaires les atouts de leur côté pour que les projets se extérieures, explique: «Dans notre commune, les réalisent. Elle veille également à ce que la mixité coopératives sont traditionnellement fortes. Elles de fonction soit respectée, c’est-à-dire qu’il n’y ait constituent 5% du parc immobilier». Ces coopéra- pas que des logements, mais aussi de l’activité. Ces tives, notamment les Cités de l’Est, celle de quatre prochaines années, quatre cents logements Le Corbusier ou encore celle de la Renouvelle, devraient être construits à La Chaux-de-Fonds. Il y a offrent des appartements aux loyers environ 30% notamment un grand projet en pleine ville, qui est en genres de logements et quels types de loyers faut-il?» moins élevés que ceux du marché. Et c’est même cours de réalisation (rue de la Serre, voir couverture explique Théo Huguenin-Elie. Il ajoute: «Ce levier-là plus dans le cas des anciennes coopératives. En de ce numéro). permet de stabiliser le marché. On rénove principa- outre, elles utilisent leurs avoirs pour entretenir les Pour Théo Huguenin-Elie, il existe un troisième lement des appartements non pas en haut standing bâtiments ou soutenir d’autres coopératives, afin que levier, non des moindres: la maîtrise foncière. mais en milieu de gamme.» Enfin, pour le conseiller d’autres personnes puissent bénéficier des mêmes La Chaux-de-Fonds possède des terrains qu’elle communal, la Confédération est suffisamment conditions avantageuses. pourrait choisir de vendre au plus offrant ou, au active au niveau des coopératives, mais la nouvelle contraire, céder le terrain en droit de superficie LAT (loi sur l’aménagement du territoire) engendre Politique communale dynamique ou même construire elle-même des immeubles. un marché plus tendu et les prix augmentent, ce Théo Huguenin-Elie estime qu’il y a trois leviers sur «Cette maîtrise foncière fait de la Ville un acteur du qui est une conséquence très dommageable pour la lesquels la commune peut influencer le marché du logement. Elle décide qui vient construire, en n’ou- population. logement. Premièrement, la Ville gère son propre bliant pas de définir auparavant ses besoins: quels Henriette Schaffter parc immobilier, à savoir 750 logements purement communaux. Par contre, la gérance communale ne privilégie pas les bas revenus lorsqu’elle attribue des appartements, car «elle ne veut pas créer de “A la Chaux-de-Fonds, il y a une longue ghettoïsation et veut au contraire favoriser la mixité sociale». expérience dans la réalisation de logements à Deuxième levier: lorsque des promoteurs souhaitent prix avantageux, dans le cadre des coopératives investir à La Chaux-de-Fonds, la Ville négocie les conditions-cadres des projets privés, qui touchent d’habitation” Droit au logement n° 233 février 2018 9
VAUD ÉTAT DES LIEUX DE SORTIE RENAUD JACCARD Juriste ASLOCA Vaud Les nouvelles technologies ont leurs limites Les états des lieux se font de plus en plus souvent au moyen d’une tablette électro- nique. Cette façon de faire soulève plusieurs questions et il faut y trouver des réponses. A la prise de possession ou à la resti- électronique dont il n’est pas propriétaire et sion figurant sur la tablette. Si tel n’est pas le tution d’un objet loué, les Règles et dont il n’a pas le contrôle nous semble accen- cas, la non-immédiateté de la remise du pro- Usages locatifs du canton de Vaud tuer la perte de maîtrise du locataire sur l’as- cès-verbal fait également perdre le caractère (RULV) prévoient, aux articles 1 et pect contradictoire de l’état des lieux. contradictoire à l’état des lieux. Là encore, un 37, qu’un état des lieux d’entrée, locataire se trouvant dans cette situation ne respectivement de sortie, est dressé en deux Le problème de la signature électronique doit à notre sens pas signer et écrire sans tarder exemplaires, signé sur place par les parties et Plus problématique à notre sens est la question au bailleur les raisons de son refus. immédiatement remis à chacune d’elles. La des signatures et de la remise de la copie du Le changement étant sans doute inéluctable, plupart des locataires ont déjà pris connais- procès-verbal. La valeur légale des signatures une solution simple, afin de conserver les sance de ces copies carbone sur papier coloré, apposées directement sur la tablette est dou- avantages de lisibilité de ce nouveau système, bien souvent illisibles, mais faisant néanmoins teuse. Après signatures, le procès-verbal est @dr serait que les bailleurs se munissent d’une office de preuve de l’état des locaux constaté prétendument «verrouillé», mais le locataire imprimante portable et que des copies papier par les parties. doit se contenter des dires du bailleur puisqu’il puissent ainsi être signées à la main et remises Or, sous l’impulsion des grandes régies immo- n’a aucun moyen réel de s’en assurer. Enfin, immédiatement aux parties. Il n’est pas exclu bilières, on voit depuis quelque temps se mul- une copie est envoyée directement aux parties que l’ASLOCA Vaud s’approche des milieux tiplier les états des lieux dressés sur tablette par courrier électronique. Le locataire ne se immobiliers dans le but de clarifier la pratique électronique. Gageons que ce support devien- fait donc remettre de copie immédiatement, avant que les tribunaux n’examinent la ques- dra la norme d’ici quelques années car le pro- tel que prévu par les RULV, que s’il a un moyen tion. cédé est séduisant: copie parfaitement claire de relever sa boîte e-mail séance tenante et de et lisible et possibilité d’inclure des photos contrôler la conformité de l’envoi avec la ver- liées à un dégât ou autre poste litigieux sont ses principaux atouts. Néanmoins, comme de nombreux autres domaines passés aux «nou- L’ASLOCA Vaud recherche des juges assesseurs pour velles technologies», cette pratique soulève un le Tribunal des baux certain nombre de questions. Six postes sont actuellement vacants. L’ASLOCA Vaud recherche ainsi: Point de vue du locataire bafoué? Rappelons tout d’abord que les états des lieux • 3 juges assesseurs représentant les locataires pour l’arrondissement de l’Est (districts d’Aigle, de sont contradictoires. Ainsi, en version papier, Riviera-Pays-d’Enhaut et de Lavaux-Oron); le locataire qui estime que des annotations ne • 1 juge assesseur représentant les locataires pour l’arrondissement de Lausanne (districts de Lau- correspondent pas à la réalité devrait pouvoir sanne et de l’Ouest lausannois); mentionner par écrit ses réserves avant de si- • 1 juge assesseur représentant les locataires pour l’arrondissement de La Côte (districts de Nyon gner. Or, à notre connaissance, la plupart des et de Morges); programmes utilisés ne laissent pas la possi- • 1 juge assesseur représentant les locataires pour l’arrondissement de la Broye et Nord vaudois bilité au locataire d’annoter des postes. Tout (districts de Broye-Vully, Gros-de-Vaud et Jura-Nord vaudois). au plus peut-il éventuellement le faire dans un champ de remarques générales en fin de docu- Les juges assesseurs sont nommés par arrondissement judiciaire et doivent pour ce faire y vivre ou y travail- ment. Dans le cas où le locataire est empêché ler. Il n’est donc ainsi pas possible d’être nommé juge assesseur dans un arrondissement judiciaire dans le- de donner son point de vue, nous lui conseil- quel on n’a pas d’attache. L’activité de juge assesseur est une activité sans horaire fixe et très variable car elle lons de ne pas signer et d’immédiatement dépend du nombre de causes déposées devant le Tribunal. Elle représente en moyenne une à deux journées écrire au bailleur les raisons qui l’ont incité à par mois et est rémunérée par indemnités. Cette activité implique la participation à des audiences et à des ne pas signer le procès-verbal, en indiquant les délibérations ainsi que l’examen et la préparation de dossiers à consulter sur place ou par voie de circulation. défauts qu’il considère devoir y figurer dans le La fonction est accessible à toute personne majeure, de moins de 75 ans et de nationalité suisse. S’il n’est cas de l’état des lieux d’entrée, ou des défauts pas indispensable de disposer d’une formation juridique complète pour exercer cette charge, une bonne dont il se défend d’être responsable dans le cas connaissance du droit du bail et de sa jurisprudence est cependant exigée. de l’état des lieux de sortie. Même en version papier, le procès-verbal est rédigé par le bail- Vous êtes intéressé-e par l’exercice d’une telle charge et répondez aux exigences mentionnées leur et il se peut que le locataire soit empêché ci-dessus. Alors n’hésitez pas et proposez sans délai votre candidature par courriel, en y joignant de s’exprimer. Toutefois, le transfert à un objet votre CV, à l’adresse suivante: asloca-vd@bluewin.ch. Anne Baehler, secrétaire générale Droit au logement n° 233 février 2018 10
FRIBOURG MODIFICATIONS UNILATÉRALES DU BAIL MAUDE ROY GIGON Avocate ASLOCA Fribourg Attention aux diverses modifications du bail Les augmentations de loyer ne sont pas les seules modifications du bail qui méritent d’être examinées de près et contestées par les locataires. I l faut être attentif à toute adaptation du formulaire officiel agréé par le canton. Il lui avec beaucoup de précision. Si le bailleur ne bail, en particulier s’agissant de l’établis- faut par ailleurs patienter jusqu’à la prochaine respecte pas ces exigences, la modification ne sement du décompte des charges. Une échéance contractuelle pour appliquer une pourra pas déployer ses effets comme souhaité. locataire du canton de Fribourg en a fait telle adaptation (impossible de l’appliquer l’expérience: interpellée par une augmen- immédiatement et encore moins rétroactive- Réagir à temps tation conséquente de sa participation aux ment!). Le bailleur doit en outre veiller à ce Le locataire qui reçoit une annonce de modifi- frais de chauffage, elle s’est renseignée auprès que cette annonce de modification parvienne à cation de bail doit avoir le réflexe de faire vé- de l’ASLOCA. Il s’est avéré que la clé de répar- son locataire dix jours au moins avant le début rifier celle-ci sans tarder auprès de l’ASLOCA, tition avait été modifiée et que sa quote-part du délai de résiliation. De plus, le formulaire le délai de contestation auprès de l’autorité de s’en trouvait nettement augmentée (plus de officiel agréé par le canton doit être complété conciliation n’étant que de 30 jours. 60% d’augmentation entre Dans le cas mentionné ci- son ancienne et la nou- dessus, la bailleresse n’avait pas velle quote-part!). Les frais correctement annoncé le chan- de chauffage eux-mêmes gement de clé de répartition, ni avaient en outre grande- l’introduction d’un chauffage ment augmenté, cela suite à à distance. La locataire a donc l’introduction d’un système pu exiger que son décompte soit de chauffage à distance. La corrigé et établi avec l’ancienne bailleresse n’avait pourtant clé de répartition. Les frais de rien signalé de tout cela à chauffage supplémentaires dé- cette locataire avant de lui coulant du nouveau système de envoyer son décompte. chauffage ont en outre dû être retirés du décompte. Tout cela Quelques obligations a conduit à une importante di- du bailleur minution des charges dues par Les règles sur le bail à loyer cette locataire qui a obtenu une prévoient toute une série ristourne alors qu’elle se voyait d’exigences que le bailleur initialement réclamer plus de doit rigoureusement res- 2000 francs de supplément! pecter pour pouvoir mettre en place une modification défavorable au locataire. C’est notamment le cas lors de changement de clé de ré- En cas de doute sur vos partition conduisant à une décomptes de charges, augmentation de la quote- n’hésitez pas à prendre contact part du locataire. C’est avec votre section, afin de proté- également le cas lorsque ger vos droits. le bailleur passe d’un sys- tème de production de cha- leur interne à l’immeuble à un système de chauffage à distance, car les frais qui peuvent être facturés au lo- @Demir Sönmez cataire sont plus larges dans ce deuxième cas. Le changement de mode de chauffage, Pour espérer modifier le s’il est en défaveur du locataire, doit bail en défaveur du loca- être annoncé selon des règles strictes. Ici un chauffage à distance dans un quartier taire, le bailleur doit en faire d’habitation. l’annonce par le biais d’un Henriette Schaffter Droit au logement n° 233 février 2018 11
TRANSJURA LOGEMENTS D’UTILITÉ PUBLIQUE JOSIANE DAEPP Membre du comité ASLOCA TransJura Des mesures d’encouragement indispensables Les logements d’utilité publique restent denrée rare dans le canton du Jura et une politique active du logement digne de ce nom fait toujours défaut. L a motion que j’ai déposée fin mai sence sur le marché d’une offre suffisante de Quelques communes jurassiennes ont 2017 en tant que députée au Parle- logements à loyer modéré. Pour cela, il faut certes compris au cours des dernières décen- ment jurassien demandait la création encourager les maîtres d’ouvrage d’utilité pu- nies qu’il était nécessaire de donner un coup de nouveaux outils encourageant la blique, à savoir les coopératives d’habitation de pouce à ces organismes pour leur permettre construction de logements d’utilité issues de milieux très divers, les fondations de concrétiser leurs projets et ont utilisé ce publique. Cette motion a été transformée en et les sociétés immobilières à but non lucra- genre d’outils. Mais leurs intentions, inscrites postulat et acceptée lors de la séance du Parle- tif, qui mettent sur le marché des logements dans leur plan d’aménagement local, restent ment du 22 novembre. Je relevais dans le texte dont les loyers sont en moyenne de 20% meil- malheureusement souvent des vœux pieux. que les effets de la loi fédérale encourageant la leur marché que ceux des autres prestataires, La construction s’axe encore principalement construction et l’accession à la propriété de lo- sans compter les abaissements inhérents aux sur des appartements en PPE ou livrés aux gements (LCAP) prendront fin le 31 décembre subventions auxquelles certains locataires mains de promoteurs. On constate d’ailleurs 2024 et que le décret cantonal y relatif serait peuvent prétendre. A part l’accès à certains de nombreux appartements inoccupés dans caduc à la même date. Il existe certes une loi fonds mis à disposition par la Confédération, ces immeubles, en raison de prix beaucoup datant de 1988, avec toute une série d’instru- les maîtres d’ouvrage ne peuvent actuellement trop élevés pour les Jurassiens. ments à disposition, mais elle n’est quasi pas plus compter que sur eux-mêmes. Parmi les appliquée. outils utiles pour les soutenir, il y a la souscrip- Coopératives touchées de plein fouet tion de parts sociales, respectivement de parti- Il faut aussi se rendre compte des effets qu’en- Soutenir les maîtres d’ouvrage cipation au capital de fondations ou de sociétés gendrera la fin de l’aide fédérale en 2022. La d’utilité publique anonymes sans but lucratif, le cautionnement Société coopérative delémontaine d’habita- La mission du canton en matière de logement, d’emprunts hypothécaires et la facilitation des tion, par exemple, devra augmenter ses loyers c’est stipulé dans la loi, est de garantir la pré- amortissements au plan fiscal. d’environ 25%. Quelles en seront les consé- quences pour les locataires qui ne pourront pas payer ces augmentations? Retrouver un appartement moins cher? Mission quasi im- possible puisque les coopératives pratiquent des loyers d’environ 15-20% inférieurs à la moyenne. Ces citoyens se retrouveront donc confrontés à de graves problèmes de budget, avec le risque majeur de devoir s’approcher de l’aide sociale. Le canton du Jura connaît déjà une pauvreté croissante, qui se situe au-des- sus de la moyenne suisse. Des actes! Donc, même si la loi cantonale concernant l’amélioration du marché du logement indique des instruments que l’Etat et les communes peuvent utiliser, cela ne semble pas suffisant. Les députés attendent maintenant du gouver- nement qu’il fasse réellement preuve de volon- té politique et passe de la parole aux actes dans ce domaine, ce qui devrait être le cas grâce à ce postulat. @ Agence BIST La Société coopérative delémontaine d’habitation (CHD) a été fondée il y a une vingtaine d’années sous l’impulsion de la commune de Delémont. Droit au logement n° 233 février 2018 12
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