Education familiale, division du travail éducatif et coéducation - Fse1719
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ENPJJ-FSE 2017-2019 Module 7 La famille au cœur de l’action éducative Education familiale, division du travail éducatif et coéducation Delphine Bruggeman Service de la recherche et de la documentation, ENPJJ Ismahan Sakhri Flocco Educatrice à l’UEMO de Sarcelles
Préambule Quelques thèmes de mémoires d’éducateur.rice.s de la PJJ soutenus depuis 2015: • La relation parents-professionnels dans la prise en charge au quotidien en UEHC • L’influence des parents dans la qualité de la prise en charge éducative • Le lien familial au cœur de la problématique de placement • La famille face à l’incarcération de son enfant • Le placement familial à la PJJ • Sans la famille, le travail éducatif n’a pas de sens • Coéducation : enjeux et réalités • La restauration du lien familial aux fins d’une implication des parents dans la prise en charge pénale du mineur en hébergement • Le travail avec les familles en milieu ouvert • Co-éducation et autorité parentale • Le travail avec les familles dans le cadre d’un placement à domicile • Famille éducative et équipe d’accueil? Quelle articulation dans la prise en charge? • Le travail « avec » les familles dans la prise en charge des mineurs placés au sein d’une UEHC. La coéducation à l’épreuve du terrain • L’accompagnement éducatif auprès du mineur et de sa famille dans un contexte de violences conjugales
Plan Introduction/rappels : la place de la famille et des parents dans la justice pénale des mineurs • 1- La famille, objet de recherches en Sciences de l’éducation • 2- De l’éducation à la co-éducation : de quoi parle-t-on? • 3- Intervention d’Ismahan Sakhri Flocco : « L’accompagnement éducatif des familles monoparentales »
Introduction : La place des familles et des parents dans la justice pénale des mineurs Référence : Le Guide Parents, famille et professionnels dans le cadre judiciaire (2001, 2010, 2015) Intervention éducative dans le cadre judiciaire et implication des familles/parents • De la coexistence à l’implication parentale dans les textes : ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante; lois du 5 mars 2007 relatives à la protection de l’enfance et à la prévention de la délinquance • Sollicitation forte des parents : Circulaire du 2 février 2010 relative à l’action d’éducation dans un cadre pénal et Circulaire du 31 décembre 2010 relative à la mesure judiciaire d’investigation éducative
Introduction : La place des familles et des parents dans la justice pénale des mineurs • La place des parents aux différents stades de la procédure « Aider les parents à aider les enfants peut permettre de signifier à chacun sa place » (L.-H. Choquet et G. Le Jan, 2013) « La manière dont la place des parents, des détenteurs de l’autorité parentale et de la famille va être pensée et organisée apparaît fondamentale pour que le temps de l’action d’éducation dans le cadre pénal soit un temps qui répare, améliore, autant que faire se peut, les situations » • Temps judiciaire et temps éducatif
Introduction : La place des familles et des parents dans la justice pénale des mineurs • Les obstacles au travail avec les parents - Les représentations réciproques - La rivalité parents/professionnels (mécanismes de comparaison, qui décide quoi et pourquoi?) • Les points de vigilance : - Les rôles respectifs à clarifier - La continuité du lien familial (Bouregba, 2002) - L’adolescence et ses négociations - Les compétences parentales/familiales (ne pas oublier la fratrie!) - Les dynamiques entre parents (les REAAP : réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents)
Introduction : La place des familles et des parents dans la justice pénale des mineurs • Conclusion : La famille/la parentalité, leviers de l’intervention éducative dans un cadre judiciaire pénal ? Oui, mais il n’en demeure pas moins la nécessité d’évaluer la nocivité des parents sur leur enfant et de maîtriser la mise à distance provisoire ou prolongée en fonction de leurs relations • Prolongements : - Qui aide-t-on quand on cherche à aider les parents? - La démarche sociologique pour comprendre la famille (M. Mohamed) : ressources familiales ; climat familial ; supervision ; autorité éducative - Prendre en compte le jugement des enfants à l’égard de leurs parents (M. Mohamed) : délégitimation commisérative/délégitimation morale
Première partie : La famille, objet de recherches en Sciences de l’éducation 1- Ajustements sémantiques • La famille : une construction sociale « (…) nous admettons tacitement que la réalité à laquelle nous accordons le nom de famille, et que nous rangeons dans la catégorie des vraies familles, est une famille réelle » (Bourdieu, 1993) • Les parents : une réalité biologique mais pas seulement, une notion dynamique qui s’inscrit dans un réseau de relations • La parentalité : la fonction d’être parents telle qu’elle s’exerce dans la vie quotidienne
1- Ajustements sémantiques • L’éducation familiale désigne: - l’action d’éduquer et de socialiser les enfants - l’activité socio-éducative conduite par les intervenants sociaux en direction des parents et des enfants - une discipline de formation et de recherche universitaire • Le travail éducatif parental : un processus multidimensionnel et contextualisé qui renvoie aux tâches pratiques, cognitives et affectives que supposent les activités d’éducation mises en œuvre au quotidien, et dans la durée (autre terme = parentage) • Le travail éducatif de la famille : prend en compte la fratrie à laquelle nous reconnaissons des compétences éducatives
2- La famille, objet interdisciplinaire Comment étudie-t-on la famille en fonction des disciplines? Sociologie, droit, anthropologie... 3- La famille dans les sciences de l’éducation : objets et démarches de recherche - Processus éducatifs en situation familiale : la parentalité, les représentations et pratiques éducatives familiales, éducation familiale et scolarisation, etc. - Les interventions socio-éducatives en direction des enfants et des familles : les actions d’aide et de soutien à la famille, la suppléance familiale, le devenir des jeunes à l’issue d’interventions socio-éducatives, etc. - Les relations entre instances éducatives : les relations entre les processus éducatifs au sein de la famille et à l’école, les relations entre les parents et les professionnels, les partenariats entre les intervenants sociaux, etc. Comment étudier le travail éducatif des familles? Aspects méthodologiques de l’accès au « terrain », éthique du chercheur (impact émotionnel de ses questions et « juste distance »)
4. L’éducation familiale (en tant que discipline scientifique) - Contexte : Emerge en France à la fin des années 1980 : étude des processus éducatifs au sein des groupes familiaux. L’éducation n’est pas l’apanage exclusif de l’école, l’éducation familiale devient un domaine de recherche autonome. - Deux ouvrages importants : Comment les mères enseignent à leur enfant (J-P Pourtois, 1979) : à partir de nombreuses observations, le chercheur révèle l’existence de stratégies éducatives identifiables et évaluables chez les mères Education familiale. Panorama des recherches internationales (P. Durning, 1988)
4. L’éducation familiale (en tant que discipline scientifique) - Enjeux : - Décrire et analyser les attitudes, pratiques, comportements éducatifs, attentes, rôles, besoins, motivations, projets, etc. des parents et tenter de comprendre leurs effets sur le développement de l’enfant. - Perspectives interactionnistes et écosystémiques nécessaires pour appréhender les réalités de la vie familiale dans sa complexité et sa dynamique. - La complexité de la démarche nécessite un questionnement autour : - de la tentation du jugement des pratiques éducatives - de l’objectivité du regard (décrire l’acteur tel qu’il est et non tel qu’il devrait être) - de la difficile neutralité du fait de nos propres références éducatives et culturelles
Deuxième partie : de l’éducation à la coéducation, de quoi parle-t-on? 1- Evolution des relations entre parents-professionnels Un contexte socio-historique, une évolution des relations entre parents et professionnels, d’abord à l’école, puis dans l’ensemble des institutions éducatives (années 70-80) Parents destinataires ou objets de prescriptions et d’injonctions diverses et parents partenaires (M. Guigue, 2010) Conditions du partenariat (D. Zay, 1995) : • L’engagement dans une action commune négociée • Des intérêts communs • L’égalité de statut entre les partenaires • Le partage des tâches
1- Evolution des relations parents-professionnels Développement des recherches écosystémiques (U. Bronfenbrenner, 1979) et en éducation familiale Jusque dans les années 70 : dans le champ de l’éducation spécialisée : la prise en charge consiste en la séparation de l’enfant d’avec son milieu familial, pour le protéger des carences parentales Depuis le milieu des années 70 : valorisation du maintien des liens avec les familles, notamment grâce à l’influence des recherches (Cf. le documentaire « Les enfants volés d’Angleterre » de Stéphanie Thomas et Pierre Chassagneux)
• La théorie de Bronfenbrenner repose sur une idée centrale : l’environnement, au sens large, influence le développement de l’enfant. « L’écologie du développement humain implique l’étude scientifique de l’accommodation progressive et mutuelle entre un être humain qui grandit et les changements des propriétés des milieux dans lesquels la personne vit, étant donné que ce processus est influencé par les relations entre ces milieux et les contextes qui les englobent » • L’éducation dans la famille y est appréhendée dans la complexité des différents systèmes et de leurs interrelations. • Les personnes ne sont pas figées dans un environnement, elles peuvent connaître des changements appelés « transitions écologiques » : elles font partie du développement humain. • Une multiplicité de causes peut contribuer à façonner la trajectoire d’un individu : facteurs individuels, familiaux, socio-environnementaux, institutionnels… • D’où la nécessité d’avoir une lecture et une analyse multifactorielle des situations: l’exemple du modèle d’analyse écosystémique (Bronfenbrenner, The ecology of Human Development, 1979)
2- Comment caractériser les relations qui existent entre les parents et les professionnels ? Trois types de situations, des degrés de coopération distincts : • Parents et professionnels sont co-éducateurs des enfants/jeunes : ils travaillent ensemble, l’action éducative du professionnel est spécifique et complémentaire de celle des parents • Les parents peuvent également être l’objet d’interventions sociales et éducatives : soit pour eux-mêmes, soit pour leur(s) enfant(s); le professionnel apporte un soutien mais le parent reste chargé de l’éducation familiale de ses enfants • Les professionnels suppléent les parents : ils assurent une partie des activités habituellement mises en œuvre par les parents
L’émergence de discours sur la co-éducation ( dans les années 90) Contexte : une communauté éducative plus large, un rôle de partenaire reconnu… • La co-éducation permet de penser l’articulation des savoirs des parents à ceux des professionnels (C. Sellenet, 2006) • La co-éducation (comme l’interculturel) ne se décrète pas, c’est une conception des relations entre parents et professionnels qui nécessite des efforts de part et d’autre pour définir des objectifs, des finalités et des moyens (C. Sellenet, 2006) • La co-éducation instaure un rapport d’équilibre entre les parties, ce que ne permettent pas des notions voisines (P. Durning, 1999), par exemple : - La collaboration n’est que la mise en commun des ressources et des savoir-faire des personnes, mais sans partage de la décision - La coopération est le partage des responsabilités et des tâches - La co-éducation est plus précise, met l’accent sur la nature de la tâche susceptible d’être partagée
3- Obstacles à la démarche de co-éducation : • La dissymétrie des positions des professionnels et des parents dans leurs relations • La limitation de l’autorité parentale dans le cas de placement • La complexité des dispositifs institutionnels, la multiplicité des intervenants sociaux = obstacle pour les parents ET pour les professionnels par rapport au partage des compétences et aussi aux rivalités entre instances et professionnels • Les caractéristiques socioéconomiques et socioculturelles des familles d’enfants pris en charge • L’attitude réservée voire hostile des familles à l’égard des professionnels
4- Perspectives critiques (L. Ott, 2004) • Ambiguïté du partenariat associant les familles et le travail social « Si les familles sont à présent encouragées et soutenues, ce n’est pas pour inventer les solutions aux problèmes qu’elles rencontrent mais pour accompagner les solutions qui leur sont proposées, par des institutions qui gardent pour elles les fonctions d’ingénierie et d’expertise ». • Le non sens du travail social actuel consiste à sur-responsabiliser et à isoler des cellules familiales en crise En focalisant ces actions éducatives sur la parentalité, le travailleur social tend « à replier davantage encore la cellule familiale sur elle-même, au risque d’augmenter l’isolement et la solitude de tout le groupe (…) » « On a tellement mal jugé les familles qui ne s’occupaient pas de leurs enfants et les confiaient à n’importe qui, que de nombreux parents isolés préfèrent aujourd’hui laisser leurs enfants enfermés seuls chez eux, de peur que leurs problèmes éducatifs se sachent. (…) Personne ne supporte de se voir taxé de « démissionnaire » et, du coup, de plus en plus nombreuses sont les familles qui n’exercent leur autorité que dans le refus : refus que l’enfant aille voir des amis, refus de confier l’enfant aux parents d’un camarade, refus d’envoyer l’enfant au centre… » • Finalités du travail social ? Le travailleur social qui co-produit, avec les personnes qu’il accompagne, les normes, valeurs et finalités de son métier…
Troisième partie : c’est une professionnelle qui le dit… Ismahan Sakhri Flocco Educatrice, UEMO «L’accompagnement éducatif des familles monoparentales » (Mémoire soutenu en juin 2017)
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