EMPIRE, NATION ET IDÉOLOGIE MILITARISTE CHEZ VIOLLET-LE-DUC
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Sommaire >> English abstract Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Résumé Martin Bressani professeur agrégé, école d’architecture, université McGill, Montréal (Canada) Expert en fortification, inspecteur général de l’administration et grand promoteur du mythe du Moyen Âge français, Viollet-le-Duc défend une idée de l’Empire et de la nation dont le château de Pierrefonds reconstruit, avec son musée d’armes anciennes, est une des ma- térialisations les plus concrètes. Le célèbre Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, avant tout ouvrage de bâtisseur, se mesure aussi à l’aune de l’idéologie militariste du Second Empire. Commencée quelques mois seulement après la proclamation de l’Empire, le 2 décembre 1852, et alors que Viollet-le-Duc est nommé inspecteur général des édifices diocésains, la rédaction du Dictionnaire raisonné doit être envisagée comme le reflet des points de vue et des représentations du nouveau régime de Napoléon III, régime qui incarne le patriotisme et la grandeur militaire française. Dans cette perspective, l’auteur de la communication analyse, alors que s’amorce l’année 1853, les événements et les activités ou publications de Viollet-le-Duc à la même époque.
Contents >> Résumé Empire, nation, and militarist ideology in Viollet-le-Duc works abstract Martin Bressani professor, school of architecture, McGill University, Montreal (Canada) Expert in fortification, chief government inspector, and great promoter of the myth of the French Middle Ages, Viollet-le-Duc defended an idea of empire and the nation of which the re- constructed château de Pierrefonds, with its museum of antique weapons, is one of the most concrete materialisations. The renowned Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle (Analytical Dictionary of French Architecture from the Eleventh to the Sixteenth Century), first and foremost a builder’s work, may also be judged using the yardstick of the militaristic ideology of the Second Empire. Started only a few months after the proclamation of the empire on 2 December 1852, and when Viollet-le-Duc was appointed chief inspector of diocesan buildings, the compiling of the Dictionnaire raisonné should be viewed as the reflection of the points of view and representations of the new government of Napoleon III, a government that embodied French patriotism and military might. From this viewpoint, the author of this paper analyses the events of the beginning of 1853 as well as the activities and publications of Viollet-le-Duc at the time.
Sommaire >> Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani professeur agrégé, école d’architecture, Université McGill de Montréal (Canada) Il est rarement souligné que Viollet-le-Duc entreprend la rédaction de son Dictionnaire raison- né de l’architecture française du xie au xvie siècle au début du Second Empire. Voici quelques jalons de ce grand travail : en janvier 1853, Viollet-le-Duc interrompt, sans préavis, les livrai- sons de son long article sur l’origine de l’art de bâtir en France qui paraissait dans la Revue générale de l’architecture de César Daly depuis le début de 18521 ; en mars, il est nommé inspecteur général des édifices diocésains ; un mois plus tard, le 30 avril 1853, une annonce de prépublication du Dictionnaire raisonné est insérée dans le Feuilleton de la librairie2 (fig. 1) ; enfin, au début de juin, paraît la première livraison du célèbre ouvrage, à peine six mois après la proclamation de l’empire3. Idéologie et principes à l’œuvre dans les écrits de Viollet-le-Duc Plusieurs événements ont certainement influé sur la décision de Viollet-le-Duc de publier son dictionnaire, dont sa nomination au poste d’inspecteur général, déterminante pour sa carrière. Mais on ne peut douter qu’un des buts du projet était aussi d’attirer l’attention de la nouvelle cour impériale. L’ouvrage était apte à plaire à l’empereur, archéologue amateur. D’autant que près du quart du premier volume du Dictionnaire raisonné porte sur l’architecture militaire, sujet favori de Napoléon III, qui avait lui-même déjà publié plusieurs ouvrages sur l’artillerie et son histoire4. Cette partie du Dictionnaire raisonné fera d’ailleurs l’objet d’une publication dis- tincte, plus luxueuse et légèrement augmentée, qui paraît au début de décembre 1854 (fig. 2), au moment précis où le siège de Sébastopol évolue vers un conflit armé majeur. L’Essai sur l’architecture militaire est en effet un hommage à l’esprit militaire de la France, cette nation qui, écrit Viollet-le-Duc dans ses pages, « est belliqueuse par instinct5 ». Viollet-le-Duc y salue au passage Napoléon III, dont il cite avec éloge le grand ouvrage historique sur l’artillerie6. Le très beau livre de Viollet-le-Duc était réellement conçu comme un traité d’architecture militaire, utile à l’enseignement des officiers de l’armée du Second Empire ainsi que le suggère la vi- gnette de la page de titre7. Rappelons qu’à peu près à la même époque Viollet-le-Duc donnait lui-même des conférences aux militaires sur le sujet8. Le Second Empire ne fut jamais une dictature militaire, mais l’armée y prit une forte importance symbolique. Né d’un coup d’État, le régime de Napoléon III maintiendra toujours l’armée à l’avant-scène de ses représentations (fig. 3). Lors des processions, les généraux prenaient place 1. Viollet-le-Duc, Eugène, « Essai sur l’origine et les développements de l’art de bâtir en France, depuis la chute de l’Empire romain jusqu’au xvie siècle », Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 19, 1852, col. 35-42, 74-81, 134-146, 242-253, 343-352 ; vol. 11, 1853, col. 8-16. La dernière livraison se termine avec la formule habituelle : « La suite prochainement. » D’ailleurs Viollet-le-Duc était encore loin d’atteindre son objectif de couvrir la période jusqu’au xvie siècle. 2. Feuilleton du journal de la librairie, n° 18, 30 avril 1853, p. 194. 3. Bibliographie de la France, n° 25, 16 juin 1853, p. 410. 4. Bonaparte, Louis Napoléon, Manuel d’artillerie à l’usage des officiers d’artillerie de la République helvétique, Zurich, 1 836 ; Étu- des sur le passé et l’avenir de l’artillerie, 2 vol., Paris, 1846-1851 ; Histoire du canon dans les armées modernes, Paris, 1848. Études sur le passé et l’avenir de l’artillerie est l’ouvrage le plus important. Dans sa version finale, terminée en 1871 par Favé à partir des notes de l’empereur, il aura six volumes. 5. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, volume I, Paris, 1854, p. 399 ou dans Essai sur l’architecture militaire, Paris, 1854, p. 139. 6. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné, vol. 1, p. 344-345 ; Essai sur l’architecture militaire, Paris, 1854, p. 32. 7. Un fait que souligne l’ami de Viollet-le-Duc, John Henry Parker, dans la préface de l’édition anglaise de l’Essai sur l’architecture militaire ; voir Viollet-le-Duc, Eugène, Military Architecture, translated from the French of E. Viollet-le-Duc by M. Macdermott, Lon- don, 1879, p. iii-vi. La première édition de cette traduction paraît en 1860. 8. Du moins d’après Massillon Rouvet dans Viollet-le-Duc et Alphand au siège de Paris, Paris, 1892, p. 24.
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani Figure 1 Figure 2 Fig. 1. Annonce de « Bance, Éditeur » pour le Fig. 2. Page de titre, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du Essai sur l’architecture militaire au Moyen âge, onzième au seizième siècle par M. Viollet-le-Duc, (Paris, Bance, 1854). Collection de l’auteur. Feuilleton du journal de la librairie, n° 18, 30 avril 1853, p. 194, McGill University Libraries. devant les évêques, préfets et procureurs généraux9. Durant tout le régime, pompes et parades militaires atteignirent une ampleur sans précédent, le château de Pierrefonds constituant l’une des manifestations les plus spectaculaires – et les plus permanentes – de cet appareil festif guerrier. Sans aucune expérience militaire, l’empereur n’en portait pas moins l’uniforme dans toutes les cérémonies publiques, se posant en chef suprême de l’armée, symbole de l’unité na- tionale. Des simulacres de batailles reproduisant les vraies campagnes militaires de Napoléon III à travers le monde étaient mis en scène à Paris, sorte de pantomimes de la guerre qui avait une fonction quasi rituelle dans l’imaginaire national (fig. 4). L’armée était en somme l’image même d’une nation unifiée et œuvrant de concert. Viollet-le-Duc a vite exploité l’occasion, d’autant que cette idéologie autoritaire et militariste était proche de ses convictions. 9. Voir l’excellent travail de Matthew Truesdell, Spectacular Politics. Louis-Napoléon Bonaparte and the Fête impériale, 1849-1870, Oxford, New York, 1997, p. 136-155. Voir aussi, Price Roger, The French Second Empire. An Anatomy of Political Power, Cambridge, 2001, p. 37 et 407 ; Raoul Girardet, La Société militaire en France, Paris, 1953, p. 24-26 ; Comte Fleury et Sonolet Louis, La Société du Second Empire d’après les mémoires contemporains et des documents nouveaux, Paris, 1911 et Jean-Jacques Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau, La France, la Nation, la Guerre : 1850-1920, Paris, 1995.
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani Fig. 3. « Louis Napoléon » tiré de L’Illustration, vol. 19, n° 481, supplément, mai 1852, p. 324. Bibliothèque de l’Université Laval (Canada). Figure 3
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani Figure 4 Fig. 4. «Fête du 15 Août, pantomime militaire au Champ-de-Mars, siège de Silistrie», tiré de L’Illustration, vol. 17, n°. 599, 19 août 1854, p. 116. Bibliothèque de l’Université Laval (Canada). Afin de bien saisir, à l’occasion de l’anniversaire de la commande du château de Pierre- fonds, comment une idéologie militariste, proprement bonapartiste, s’implante dans la pensée de Viollet-le-Duc, je proposerai ici une analyse, partielle, de deux ouvrages com- plétés au cours de l’année 1852, période cruciale entre le coup d’État de décembre 1851 et la déclaration de l’empire de novembre 1852. Nous considérerons d’abord l’article mentionné plus haut sur l’origine de l’art de bâtir en France paru en feuilleton dans la Revue générale durant toute cette période ; et ensuite, la cérémonie du Te Deum qui se déroula à l’église de Notre-Dame en janvier 1852 et dont Jean-Baptiste Lassus et Viollet- le-Duc composèrent le décor. Bien que souvent négligé par les historiens, l’article de la Revue générale est très révélateur (fig. 5). Commencé en janvier 1852, ce long essai historique est le deuxième texte d’importan- ce de Viollet-le-Duc, une révision de son article des Annales archéologiques paru entre 1844 et 1847. Il innove à plus d’un égard. Premièrement, Viollet-le-Duc y expose pour la première fois son interprétation libérale et laïque de l’architecture gothique, interprétation à laquelle il est a priori associé mais qui n’apparaît nulle part avant cette date. En fait, l’Essai constitue son premier texte de philosophie historique10. L’évolution du titre entre l’article des Annales archéologiques et celui de la Revue générale est très révélatrice : le « De la construction des édifices religieux en France » de 1844 devient « Essai sur l’origine de l’art de bâtir » en 1852 ; d’un traité sur la construction, on glisse vers un essai sur ses origines historiques. Je me pencherai plus longuement aujourd’hui sur un deuxième trait saillant de l’article de 1852, qui offre à Viollet-le-Duc la première occasion de célébrer la venue imminente du nou- veau régime impérial. Le message principal de l’Essai sur l’origine de bâtir en France est que la guerre, bien qu’in- tolérable à plusieurs égards, est un moteur historique essentiel, en supposant bien sûr que l’énergie qu’elle dégage soit bien canalisée. L’organisation sociale qui forme l’aboutissement 10. Auparavant, Viollet-le-Duc omettait délibérément toute spéculation sur les causes historiques. Dans les Annales archéologi- ques, par exemple, il avait pris la peine de souligner qu’il laissait « à d’autres le soin de trouver pourquoi et comment […] » ; Viollet- le-Duc, « De la construction », Annales archéologiques, t. 2, 1845, p. 71.
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani du Moyen Âge, nous dit Viollet-le-Duc, est le produit de longues années d’anarchie et de guerre, convulsions inévitables à l’enfantement d’une nouvelle société. Cet état de désor- dre remonte aux invasions barbares. Non seulement les invasions massives et répétées ont détruit l’Empire romain apparemment inébranlable, mais la société féodale qui en émerge institue la guerre comme « l’état normal de toute la société11 ». Une telle situation de constant défi « fait naître le courage et le sentiment de la responsabilité individuelle12 ». « Sans l’invasion des barbares, résume Viollet-le-Duc, jamais le christianisme n’aurait pu changer le cours de la civilisation13. » C’est cet état guerrier qui fut « la cause la plus active du développement in- tellectuel au Moyen Âge14 ». Viollet-le-Duc ne fait pas l’apologie de la guerre en soi, mais il essaie de démontrer comment une société martiale instaure l’habitude d’un « état permanent de révolte contre la matière » et « la prépondérance de la science15 » : « Si sauvage ou si primitif que soit un état social, du moment qu’une force le constitue, il s’élève immédiatement une force opposée qui lui fait contrepoids. La féodalité, abstraitement parlant, est un gouvernement intolérable ; mais la féodalité établit l’antagonisme, le besoin et l’habitude de lutter chaque jour car des popula- tions élevées dans ce milieu devaient être singulièrement aptes à vaincre toutes les difficultés, à les surmonter, à se constituer en corps, à développer tous les moyens dont elles pouvaient disposer, en ne comptant que sur elles-mêmes16. » Le principe dynamique d’action/réaction, énoncé ici pour la première fois, est capital dans l’œuvre et la pensée de Viollet-le-Duc : tout effort vital ne paraît qu’une réaction à une force qui l’oppose, conception quasi guerrière du monde qui s’inspire, notamment, des écrits de Prosper Mérimée. En 1852, l’idée d’un fondement négatif à tout acte créatif pousse Viollet-le-Duc à souligner l’opposition entre le roman et le gothique, division tra- ditionnelle mais qu’il avait entièrement négligée dans ses écrits antérieurs. Viollet-le-Duc oppose ainsi l’architecture de la féodalité, née du sol, à l’architecture gothique née au sein de nouvelles associations urbaines. Pour illustrer cette thèse, il fait graver trois planches par Penel pour offrir la preuve graphique que l’architecture romane suit plus étroitement la nature géologique du sol que les divisions politiques de la société féodale (fig. 6-7). L’art gothique, par contraste, est indissociable de l’unification politique associée à l’émer- gence des communes et à l’essor de la monarchie. C’est un art nouveau, produit « de ce mouvement laïque vers l’art de bâtir17 ». Mais ce mouvement laïque et démocratique n’aurait jamais vu le jour, selon Viollet-le-Duc, si la féodalité n’avait établi « l’habitude de lutter chaque jour ». En architecture, son premier champ d’expérimentation, précise Viol- let-le-Duc, fut la construction de ces châteaux féodaux qui parsemèrent rapidement tout le royaume de France. Cette ode à la force comme prélude à la paix était évidemment un thème de la plus grande actualité en janvier 1852, à peine un mois après le coup d’État opéré par Louis Napoléon. Le discours officiel légitimait ce déploiement de force comme nécessaire pour abolir le dé- sordre et rétablir l’unité. L’idée s’accordait parfaitement avec les principes fondamentaux du bonapartisme : le retour à l’ordre pour vaincre l’anarchie, la force comme prélude à la liberté, l’État autoritaire comme forme populaire de gouvernement. Le triomphe sans précédent de Louis Napoléon au plébiscite des 20 et 21 décembre confirmait que la violence du coup d’État n’était effectivement qu’une convulsion nécessaire pour instaurer l’unité ainsi qu’une véritable représentation populaire. 11. Viollet-le-Duc, Eugène « Essai sur l’origine et les développements de l’art de bâtir en France… », Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 19, 1852, col. 141. 12. Ibid., col. 142. 13. Ibid., col. 38. 14. Ibid., col. 142. 15. Ibid., col. 246. 16. Ibid., col. 346. 17. Ibid., col. 352.
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani Figure 6 Figure 7 Figure 5 Fig. 5. Page titre de l’article d’Eugène Viollet-le-Duc, «Essai sur l’origine…», Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 10, 1852, col. 35-36. Collection de l’auteur. Fig. 6 et 7. Eugène Viollet-le-Duc, dessinateur ; F. Penel, graveur ; « Division de la France, par styles » et « Division géologique de la France », planches 10 et 11, Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 10, 1852. Collection de l’auteur.
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani Mise à part l’idée générale du lien entre force et démocratie, d’autres aspects de l’essai de Viollet-le-Duc démontrent son intention d’utiliser l’histoire du Moyen Âge pour inter- préter les événements contemporains. L’article ouvre d’ailleurs sur un parallèle entre la volonté de changement du xiie siècle et l’ère industrielle moderne. Certaines allusions, bien que transparentes à l’époque, sont plus difficiles à saisir aujourd’hui. Le thème de « l’inva- sion des barbares » qui court tout au long de l’article est particulièrement important, ces invasions étant une métaphore couramment employée à l’époque pour désigner la masse révolutionnaire contemporaine. Dans l’introduction à son ouvrage Le Peuple (1846), Mi- chelet en souligne la popularité, tournant le caractère péjoratif de la comparaison en une affirmation positive de la vitalité du peuple : « Souvent aujourd’hui l’on compare l’ascension du peuple, son progrès, à l’invasion des Barbares. Le mot me plaît, je l’accepte… Barba- res ! Oui, c’est-à-dire pleins d’une sève nouvelle, vivante et rajeunissante18. » Mais selon François Furet, la métaphore fut surtout en usage après les événements de juin 1848, la brutale révolte ouvrière étant envisagée comme le retour des barbares contre la civilisa- tion19. Montalembert, par exemple, écrit : « La voilà cette invasion des barbares que l’on nous annonçait ! Nous n’y échapperons pas plus que l’Empire romain n’y a échappé20. » Exactement au même moment, Viollet-le-Duc décrivait à l’identique les émeutes de juin : « Ce sont des invasions de barbares venant du dedans, la lutte ne finira que quand la civilisation aura repoussé jusqu’au dernier de ces monstres21… » Cette phrase en dit long sur ses opinions politiques en 1848. La référence aux invasions barbares dans un texte qui porte sur l’histoire de la chute de l’Em- pire romain n’est évidemment pas significative en soi. Mais Viollet-le-Duc s’arrange pour que les liens avec la politique de son temps soient incontournables. Premièrement, il institue les invasions comme principe universel, un agent historique semblable aux révolutions du xixe siè- cle. Ensuite, et c’est ce qui est le plus pertinent pour la situation en 1852, il insiste tout au long de l’essai sur le fait que seule l’émergence d’un chef représentatif peut stabiliser et rendre productives les populations barbares. Autrement dit, pour que la masse populaire chaotique se transforme en un corps politique stable, elle doit pouvoir s’incarner dans un chef. Cette thèse autoritaire est reprise subrepticement tout au long de l’article. Au premier chapitre, Viollet-le-Duc affirme que c’est l’invasion des Barbares qui « a forcé les chefs de la nouvelle religion à prendre le bâton de pasteur pour instruire et diriger ces troupes d’hommes neufs ». Et il ajoute : « Ce n’était pas avec les lettres et la philosophie anti- ques que l’on pouvait agir sur ces sauvages22 », transposition sur la scène historique de la petite guerre qu’il mène contre l’hégémonie de l’Académie des beaux-arts. Plus loin dans le même chapitre, Viollet-le-Duc présente Charlemagne comme le chef modèle : « Charlemagne, pendant toute la durée de son règne, avait fait des efforts surhumains pour établir l’unité gouvernementale ; […] il avait tenté de restaurer cet empire d’Occident. Conquêtes, chartes, règlements administratifs, il avait tout mis en œuvre pour sauver une civilisation qui sombrait23. » Mais, continue Viollet-le-Duc, Charlemagne fut incapable d’instaurer une unité durable puisque sa représentativité était fausse. Viollet-le-Duc fait alors une référence explicite à son siècle : « Nous ne voulons pas diminuer l’importance de ce grand personnage, ni contester l’efficacité de ses efforts ; toutefois il nous paraît qu’un homme, fût-il Alexandre, César, Charlemagne ou Napoléon, n’arrive à ce degré d’influence que parce qu’il est l’expression, le résumé des idées de son siècle. L’homme de génie est précisément celui qui comprend le mieux les besoins, les désirs, les tendan- ces de son temps, qui les devance et les développe, et donne une direction à ces désirs 18. Michelet, Jules, Le Peuple, Paris, 1846, p. 72. 19. J’ai consulté la traduction anglaise : François Furet, Revolutionary France 1770-1880, Oxford, 1992, p. 405. 20. Montalembert, Charles de, lettre à Xavier de Mérode du 28 juin 1848 citée dans Montalembert Charles de, Journal intime inédit, t. 4, 1844-1848, Paris, 2004, p. 550, n. 1. 21. Viollet-le-Duc, Eugène, « Lettre à son père, 30 juin 1848 » dans Lettres inédites de Viollet-le-Duc recueillies et annotées par son fils, Paris, 1902, p. 11-12. 22. Viollet-le-Duc, Eugène, « Essai sur l’origine », ibid., col. 38. 23. Ibid.
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani et à ces tendances qui sans lui fussent restées (sic) à l’état de germe. Aussi n’est-ce qu’à la suite des époques de confusion, alors que des populations entières sont dans l’enfan- tement, qu’apparaissent ces grandes figures dont le rôle consiste à diriger vers un seul point les idées de tous24. » Il était irrésistible à l’époque de faire l’association entre « ces grandes figures » représentatives du peuple et le monarque récemment élu, Louis Napoléon Bonaparte. Rappelons que Louis Napoléon est le premier chef de gouvernement européen élu par suffrage universel masculin, un « César plébiscité25 » selon l’heureuse expression d’Eric Hobsbawm. Son ascension fulgu- rante était entièrement liée à une symbolique d’unification nationale, le futur empereur étant perçu par l’opinion générale comme, enfin, le vrai représentant de la nation après les « faux » régimes des Bourbons et de Louis-Philippe. Joignant autorité et représentativité, Louis Napo- léon est l’image parfaite de cet « homme de génie » qui, selon Viollet-le-Duc, comprend « les besoins, les désirs, les tendances de son temps ». Il est bien sûr difficile aujourd’hui de concevoir Napoléon III comme étant représentatif de qui ou de quoi que ce soit, puisqu’il a été détruit dans l’opinion non seulement par la misérable défaite de 1870 mais surtout par les critiques dévastatrices de deux parmi les plus célèbres figures du siècle, Victor Hugo et Karl Marx. On sous-estime donc facilement la puissance de rassemblement de Louis Napoléon durant les dernières années de la Deuxième République. Il était perçu par l’opinion publique comme l’incarnation même du patriotisme. L’extraordinaire suite d’événements qui le porta sur le trône à la fin de 1852 demeurerait inexplicable si on ne prenait en compte l’aura patriotique qui entoure son nom. Neveu du grand Napoléon, seul descendant de la dynastie des Bonaparte, Louis Napoléon utilise adroitement les sentiments nationalistes associés à la mémoire glorieuse de l’armée du Premier Empire. D’où son choix du 2 décembre pour le coup d’État et la proclamation de l’empire : cette date est celle du couronnement de Napoléon en 1804, mais aussi et surtout, de la victoire d’Austerlitz en 1805. Pour la grande majorité des Fran- çais du milieu du xixe siècle, l’avènement du Second Empire ressuscite le Premier. C’est un fait historique d’une importance symbolique extraordinaire et qui sera souligné par des festivités spectaculaires, les plus importants rassemblements populaires du siècle selon Alain Corbin26. Il serait étonnant que Viollet-le-Duc ait subi l’emprise du mythe napoléonien, fruit d’une manœuvre politique qui touchera surtout les classes populaires et rurales. Par contre, il ne fait aucun doute que les principes du bonapartisme reflètent sa pensée politique. La promesse d’une réconciliation des divisions nationales internes grâce à un r égime autoritaire et centralisateur est un leitmotiv du Dictionnaire raisonné. Viollet-le-Duc entretenait aussi une croyance presque religieuse dans le principe des nationalités, base d’une Sainte-Alliance européenne qu’avait prônée Louis Napoléon dans ses Idées napoléoniennes, en 1839. Afin de bien saisir la force de cette symbolique unificatrice dans l’œuvre de Viollet-le-Duc du début des années 1850, je propose d’examiner le décor pour la cérémonie du Te Deum donnée à Notre-Dame, le 1er janvier 1852, en l’honneur du prince-président Louis Napoléon, célébration du plébiscite de décembre, sorte de couronnement impérial et mort rituelle de la Deuxième République avant la lettre (fig. 8). Lassus et Viollet-le-Duc, qui ont travaillé ensemble au projet, n’avaient évidemment pas d’autre choix que de créer un spectacle de propagande pour le nouveau régime, ce programme étant au centre même de la commande soumise aux architectes par le duc de Morny juste avant Noël 185127. Mais, à en juger par la force et l’originalité de leur travail, on voit qu’ils ont pris à cœur les idéaux qu’ils avaient à exprimer. Pour cette raison, et bien qu’aucun document 24. Ibid. 25. Hobsbawm, Eric J., L’Ère du capital, Paris, 1978, p. 146. 26. Corbin, Alain, « Traces et silences des sens : propositions pour une histoire impossible », Revue européenne d’histoire, 1995, vol. 2, p. 125. 27. Archives nationales, F21 721.
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani Fig. 8. «Vue intérieure de Notre-Dame pendant la cérémonie du 1er Janvier (Te Deum). – Dessin de Clerget» tiré de L’Illustration, vol. 19, n° 464, 17 janvier 1852, p. 37. Bibliothèque de l’Université Laval (Canada). Figure 8
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani ne permette de l’affirmer avec certitude, je suis enclin à penser que Viollet-le-Duc, et non Lassus, en a été le principal concepteur. C’est d’ailleurs Viollet-le-Duc qui fait la descrip- tion détaillée de la cérémonie dans les pages de la Revue générale sans faire aucune mention de son associé28. (Pour simplifier, je ne parlerai ici que de Viollet-le-Duc mais il ne faut pas y voir de ma part la volonté d’évincer Lassus.) La fête du Te Deum, janvier 1852, ou la mise en scène de l’unité d’une nation. Le décor est élaboré avec grande maîtrise et célérité : commencé le 24 décembre, il était fin prêt le 1er janvier, grâce à un travail acharné de six jours et six nuits par une équipe d’ouvriers entièrement régie par Viollet-le-Duc selon une organisation quasi militaire. Bien que le budget alloué au spectacle ait été plutôt généreux – 125 000 francs pour la décoration seulement –, le manque de temps a écorné la somptuosité du décor, par comparaison avec les cérémo- nies préparées par Percier et Fontaine ou Hittorff dans les premières décennies du siècle, ou encore avec celles que prépareront Lassus et Viollet-le-Duc plus tard dans le Second Empire. Mais le Te Deum de janvier 1852 était particulièrement efficace précisément du fait de son dépouillement et de son unité. Comme toujours dans ces fêtes à portée nationale, tout est affaire de représentation : dans ce cas-ci, il s’agit de rien de moins que de façonner le spectacle visuel de la nation dans son entier. Dans sa description de la Revue générale – insérée à peine quelques pages avant la première livraison de son « Essai sur l’origine de l’art de bâtir » –, Viollet-le-Duc s’étend sur les difficultés qu’il a eues à monter un spectacle représentatif. Il se plaint entre autres de l’« uni- formité d’habits » dans la société moderne, qui limite considérablement la force d’expression dans le cérémonial29. Il a donc dû élaborer un code visuel nouveau où l’effet sensoriel global primait sur l’ornementation vestimentaire et iconographique particulière, impliquant une déva- luation de l’élément individuel au profit de l’ensemble. Pour bien juger de la cérémonie, la description de Viollet-le-Duc et la magnifique gravure de Gaucherel qui l’accompagne constituent les meilleurs guides (fig. 9). La disposition gé- nérale était d’une grande simplicité. Sur l’axe central, à la croisée du transept, était placé, isolé, le prie-Dieu de Louis Napoléon, en velours cramoisi ; au-dessus, un dais colossal, du même velours rouge, était suspendu à la voûte ; l’auditoire était réparti autour de ce noyau central sur des tribunes en gradins, à l’exception du corps militaire, placé debout au centre de la nef, derrière le prince-président, son chef. Des gradins occupant toute la profondeur de chacun des bras du transept accueillaient les différents corps gouver- nementaux. Le long des bas-côtés, deux rangées parallèles de tribunes regroupaient les représentants des régions de France et, au fond, les femmes. Tout en haut, dans les galeries du premier étage de l’église, d’autres gradins étaient installés pour le grand public. L’ordre adopté était à peu près inversement proportionnel entre hauteur et hié- rarchie : ceux qui se trouvaient le plus bas dans l’église, donc au plus près du niveau de Louis Napoléon, constituaient le plus haut grade dans la hiérarchie. À certains égards, le schéma organisationnel adopté par Viollet-le-Duc suit la tradition impériale ou monarchique établie par les Menus Plaisirs sous le Premier Empire et la Restauration : on y retrouve les mêmes structures en gradins le long de la nef répartis- sant les différents corps d’état autour d’un foyer central autel ou trône – spécialement construit pour l’occasion. La cérémonie de 1852, cependant, se distingue nettement par la spatialité et le dégagement de l’ensemble. Si on compare, par exemple, avec le décor pour le baptême du duc de Bordeaux en mai 1821 – cérémonie à laquelle fait allusion Viollet-le-Duc, précédent le plus proche dans son organisation –, les différences sont très 28. Viollet-le-Duc, Eugène, « Cérémonies publiques accomplies dans l’église Notre-Dame de Paris. Te Deum chanté le 1er janvier 1852 », Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 10, 1852, col. 3-12. 29. Ibid., col. 9-10.
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani Fig. 9. Léon Gaucherel, dessinateur et graveur, « Décoration de l’Église de Notre-Dame à l’occasion du Te Deum du 1er janvier 1852 », planche 3, Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 10, 1852. Collection de l’auteur. Figure 9
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani Figure 10 Fig. 10. « Décoration extérieure de Notre-Dame pour la cérémonie du 1er janvier 1852 » tiré de L’Illustration, vol. 19, 3 janvier 1852, p. 1. Bibliothèque de l’Université Laval (Canada). marquées : alors qu’en 1821 les tribunes sont comprimées le long de la nef pour que les spectateurs puissent bien suivre la procession entre le trône au milieu et l’autel au bout, en 1852 les gradins emplissent les bas-côtés et le transept dans toute leur profondeur, la nef étant elle-même occupée par le corps militaire. Le but recherché en 1852 n’est pas tant que les spectateurs puissent tous voir la cérémonie, mais qu’ils soient groupés en un ensemble clair. Ainsi, le dispositif théâtral de 1821 est remplacé par un schéma symbolique : la nation tout entière se distribue selon une configuration cruciforme, avec Louis Napoléon à sa tête. Afin d’accentuer la clarté de l’ensemble – et d’assurer la préé- minence du prince-président –, Viollet-le-Duc bloque la zone du chœur, l’autel avec son baldaquin gothique formant alors un écran qui délimite spatialement la cérémonie. Bien que fermé à la circulation, le chœur n’en demeure pas moins visuellement accessible. Viollet-le-Duc l’exploite magnifiquement en y plaçant des centaines de
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani lustres et de girandoles, transformant le chœur, selon ses propres mots, « en un vaste foyer de lumière 30 ». Afin de renforcer l’aspect spectral, Viollet-le-Duc dissimule cinq cents musiciens et chanteurs dans le triforium du chœur, de sorte que lumière, chant et musique confondus semblent provenir de la même source. La division chœur/nef, entre l’ici et le là-bas, loin de rompre l’unité de la cérémonie, ne fait que la renforcer : à l’ouest tous les corps de la nation avec l’archevêque et Louis Napoléon en tête ; à l’est, comme une sorte d’ultime destination, le sanctuaire illuminé. Un dessin anonyme lithographié par Cluget donne une très bonne idée de l’effet lumineux (fig. 11). Contrairement au baptême du duc d’Orléans, organisé autour de la procession, le Te Deum de 1852 se dirige vers une destination future, sorte de « chemin de lumière » semblable à celui de Vézelay. En suggérant une fusion mystique à venir, le dispositif vise à créer chez les participants un sentiment d’unité morale. Cette composante religieuse de la cérémonie est évidemment liée à la dimension politique, le Te Deum ayant pour but premier de bénir la nouvelle mission conférée par le peuple français à Louis Napoléon. La cérémonie s’achève d’ailleurs sur une prière assez peu orthodoxe, le Domine salvum fac Ludovicum Napoleonem, qui ne manquera pas de soulever quelques protestations dans le clergé31. De plus, c’est le chiffre de Louis Napoléon qui domine la cé- rémonie, davantage que les emblèmes républicains, en une impérialisation de la République qui avait débuté dès janvier 185132. Les initiales LN entourées de lauriers constellent la nef et confèrent déjà au prince-président le statut de monarque. Le programme iconographique qui se déploie à l’extérieur de l’église avait déjà préparé le spectateur à ce couronnement (fig. 10). Viollet-le-Duc fait fixer sur chacune des tours de l’église deux immenses toiles de plus de quatre mètres de hauteur représentant, à gauche, Charlemagne et saint Louis, à droite, Louis XIV et Napoléon Ier, un dispositif qu’il reprendra avec Lassus pour le mariage de l’empereur l’année suivante. De Charlemagne à Napoléon, en passant par l’interlude monarchique, on suit un panorama dynastique tel que l’avait déjà établi Napoléon le Grand, en 1804. À en juger par la gravure parue en page titre de L’Illustration, le 3 janvier 1852, seuls Charlemagne et Napoléon semblent prendre part à la cérémonie qui se déroule à leurs pieds, saint Louis et Louis XIV regardant ailleurs. Aux portes latérales de la cathédrale, Viollet-le-Duc a fait tendre des tapisseries des Gobelins représentant, à gauche, des scènes de l’Ancien Testament, et, à droite, du Nouveau. Le message est clair : Charlemagne est à l’Ancien Testament ce que Napoléon est au Nouveau. La superposition du religieux au politique montre ainsi la forme d’une destinée historique. À l’intérieur, le spectacle transforme en un drame unifié le message annoncé à l’extérieur. Tout l’appareil iconographique disparaît. Seules les initiales NL demeurent, accompa- gnées d’un choix de musiques à connotation historique. Cela suffit amplement à évoquer la mystique napoléonienne dans une représentation dominée par le chant, la musique, la lumière, la couleur, et l’échelle plutôt que par une iconographie complexe. Je regrette de ne pouvoir faire, faute d’informations, une analyse plus minutieuse du programme musi- cal ; je souligne cependant ce chant venu du lointain, émanant du sanctuaire. Cette spa- tialisation de la musique, où le proche et le lointain s’entrelacent, crée en effet une sorte de fantasmagorie acoustique. Le spectacle fait surgir à la fois l’image d’un passé mythi- que et d’un futur glorieux. La cathédrale, laissée relativement dénudée par Viollet-le-Duc, est enfin débarrassée de son caractère troubadour : la totalité et la sublimité du spectacle s’opposent à tout art de genre. Le Moyen Âge intègre ainsi la vie de la nation d’une façon qui apparaît immédiate et réelle : toute nostalgie s’efface devant l’obligation collective. Au centre de ce spectacle total, dans son uniforme militaire, tourné vers le sanctuaire 30. Viollet-le-Duc, Eugène, ibid., col. 9-10. 31. C’est le cas de Mgr Jacques Baillès, évêque de Luçon, qui refusa d’utiliser la formule prescrite. Voir Jean Maurain, La Politique ecclésiastique du Second Empire, Paris, 1930, p. 12-13. 32. Dalisson, Rémi, Les Trois Couleurs, Marianne et l’Empereur. Fêtes libérales et politiques symboliques en France 1815-1870, Paris, 2004, p. 215-217.
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc Martin Bressani éblouissant et suivi de son état-major, Louis Napoléon apparaît prêt à aller de l’avant. La cérémonie entière est un prélude, l’amorce d’une fusion spirituelle qu’amènera la restau- ration de l’Empire. Le chemin de lumière est celui d’une destinée patriotique et sacrée, cette union sacrée que Viollet-le-Duc évoquera lui-même au front durant la guerre franco- prussienne de 187033. La fusion et la complémentarité des arts au sein de la cathédrale en est l’« annonciation ». La restauration de l’Empire français et la restauration des cathédrales de France font désor- mais partie du même programme. Le temps, dirait Walter Benjamin, s’arrête de façon fantas- magorique dans le subterfuge d’un archaïsme absolu34. Viollet-le-Duc écrit l’année suivante dans sa préface du Dictionnaire raisonné que ce qui « constitue les nationalités, c’est le lien qui unit étroitement les différentes périodes de leur existence35 ». L’histoire, sous forme de dictionnaire, n’est en effet plus récit mais langage, c’est-à-dire l’« âme du pays36 ». Cette âme qui resurgit, palpable, dans les fêtes impériales ou, de façon plus réelle et souvent moins glo- rieuse, dans les tranchées. 33. Massillon Rouvet, Viollet-le-Duc et Alphand, p. 140. 34. Voir les chapitres « Louis-Philippe ou l’intérieur » et « Baudelaire ou les rues de Paris » dans Walter Benjamin, Paris, capitale du xixe siècle, consulté le 28 mai 2007 à l’adresse http://classiques.uqac.ca/classiques/benjamin_walter/paris_capitale_19e_siecle/paris_capitale.html 35. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné, vol. 1, chap. iii. 36. Ibid., chap. iv.
Sommaire Sommaire English contents below Sous la direction de Christophe Vallet, président du Centre des monuments nationaux Christophe Vallet, Ouverture du colloque président du Centre des monuments nationaux Président de séance : Bruno Foucart, L’exposition Viollet-le-Duc au Grand Palais à Paris (1979-1980) docteur ès lettres, professeur honoraire Résumé Abstract de l’université Paris-IV, commissaire général de l’exposition Viollet-le-Duc, Paris, 1980 Jean Mesqui, Le château du xve siècle. L’œuvre de Louis d’Orléans à Pierrefonds docteur ès lettres, ingénieur général Résumé Abstract texte non communiqué des Ponts et Chaussées Jean-Paul Midant, docteur en histoire, Le château de Pierrefonds reconstruit : résidence ou musée ? maître-assistant à l’École nationale supérieure Résumé Abstract d’architecture de Paris-Belleville Nicolas Faucherre, professeur d’histoire de l’art Le parc du château de Pierrefonds, un projet singulier à l’université de Nantes (Loire-Atlantique) Résumé Abstract texte non communiqué Étienne Poncelet, architecte en chef et inspecteur Un château reconstruit dans les années 1860 (la leçon d’architecture) général des monuments historiques Résumé Abstract Jean-Pierre Reverseau, Le cabinet d’armes de Napoléon III à Pierrefonds conservateur général du patrimoine, Résumé Abstract directeur adjoint du musée de l’Armée, Paris Martin Bressani, Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc professeur agrégé, école d’architecture, Résumé Abstract université McGill, Montréal (Canada) Laurent Baridon, docteur en histoire, professeur Une « histoire naturelle à part » : à l’université Pierre-Mendès-France, Grenoble (Isère) la sculpture d’invention du château de Pierrefonds Résumé Abstract
Sommaire Président de séance : Jean-Michel Leniaud Le chantier de Pierrefonds, œuvre d’État : professeur à l’École nationale des chartes, directeur nation et spécificités locales d’études à l’École pratique des hautes études, Paris Résumé Abstract Aron Vinegar, Assistant Professor, La photographie panoramique département d’histoire de l’art, et la restauration du château de Pierrefonds Ohio State University, Columbus (États-Unis) Résumé Abstract Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec, Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu et du camp de Saint-Pierre, docteur en archéologie, chercheur associé et le dessein archéologique de Napoléon III à l’UMR 5140, Lattes (Hérault) Résumé Abstract Arnaud Timbert, docteur en histoire Les illustrations du Dictionnaire raisonné : de l’art médiéval, maître de conférences le cas de la cathédrale de Noyon et des églises de l’Oise à l’université Lille-III-Charles-de-Gaulle (Nord) Résumé Abstract Présidente de séance : Marie-Paule Arnauld, Présentation générale des archives publiques conservatrice générale du patrimoine, concernant l’œuvre de Viollet-le-Duc directrice du musée des Monuments français, Paris Résumé Abstract Jean-Daniel Pariset, conservateur général Les archives Viollet-le-Duc à la Médiathèque du patrimoine, directeur de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine de l’architecture et du patrimoine, Paris Résumé Abstract Bruno Ricard, Le fonds d’archives du château de Pierrefonds conservateur en chef du patrimoine, conservé aux archives départementales de l’Oise directeur des archives départementales de l’Oise Résumé Abstract Michel Clément, Clôture du colloque directeur de l’Architecture et de Patrimoine au ministère de la Culture
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