ENSEIGNEMENTS DE L'EXPERIENCE DU METRO LEGER DE TUNIS
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ENSEIGNEMENTS DE L’EXPERIENCE DU METRO LEGER DE TUNIS Confrontation avec les expériences de Alger et Casablanca Séminaire organisé par l’INRETS Avec un financement de la Banque mondiale Accueilli à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, à Aix en Provence Ce séminaire vient compléter et achever l’étude d’évaluation a posteriori du métro léger de Tunis, réalisée conjointement par Inrets et Smlt, dont le rapport a été publié en avril 2000 Inrets, adresse………..
Enseignements de l’expérience du métro léger de Tunis 4 Plan du rapport Partie 1 Synthèse des travaux I L’expérience du métro léger de Tunis page II Le cas d’Alger III Le cas de Casablanca IV Résumé synthétique des débats IV-1 le besoin d’une planification à long terme …compléter V Les comparaisons entre les trois villes, Alger, Casablanca, Tunis VI Conclusion Partie 2 Communications écrites Titre … par T Zhiri Titre … par M Chouiki Annexes 4
Compte-rendu des travaux du séminaire Enseignements de l’expérience du métro léger de Tunis Préambule Ce compte-rendu est composé de plusieurs types d’éléments qui se complètent. On y présente une synthèse des interventions des participants au cours du débat collectif qui a eu lieu selon l’ordre du jour figurant en annexe. Les interventions sont elles-mêmes de deux ordres, soit des exposés oraux préparés sur un thème convenu à l’avance, soit des interventions participant à la discussion. Ceci constitue la première partie. Un autre apport essentiel est constitué de textes écrits que deux participants ont eu la gentillesse et l’opportunité de préparer pour ce séminaire. Ces textes figurent dans la deuxième partie. La responsabilité de la rédaction des synthèses, avec ses éventuelles erreurs d’interprétation ou maladresses, incombe à l’auteur de ce compte-rendu, organisateur du séminaire. On ne reproduit pas ici les interventions introductives des membres de l’équipe d’évaluation à posteriori du métro léger de Tunis puisque ces interventions consistaient en une présentation des éléments du rapport Inrets/Smlt, auquel il convient de se référer si nécessaire. 5
Partie 1 – Synthèse des travaux
I- L’expérience du métro léger de Tunis L’expérience du métro léger de Tunis a été résumée et synthétisée à travers un exposé principal de S Belaid, co-responsable de l’étude d’évaluation pour le compte de la Smlt, suivi d’exposés complémentaires de H Abid et M Chabbi, experts associés à l’étude d’évaluation. Le contenu de ces exposés se trouve dans le rapport Inrets/Smlt publié en avril 2000. Ces exposés ont été complétés par une intervention de A Baltagi, qui avait participé à la précédente phase d’évaluation du métro léger conduite par Inrets/Smlt en 1994. I-1 Résumé de l’intervention de A BALTAGI Eclairage par quelques éléments d’histoire du métro léger de Tunis A l’origine du projet de métro se trouve une prise de conscience du développement urbain de la ville. Les premières études de 1969 sur le schéma de voirie et les lignes de bus ont révélé le problème de la circulation. En 1975 le premier plan de circulation admettait le trafic de transit et la préoccupation était d’accroître l’offre de stationnement. On évoquait également le besoin de voirie dédiée aux TC. En fait la voirie dans la partie centrale était relativement étroite, et l’on pourrait faire le lien avec les tramways qui l’empruntaient au début du siècle. La période 1976-80 est une période fiévreuse où les politiciens voulaient aller vite et poussaient à la réalisation de projets. La première étude du métro, antérieure, prévoyait un souterrain de 2 km dans le centre, mais ce projet a été abandonné car trop coûteux (d’autant plus coûteux que le sous-sol est très peu favorable) et l’on craignait les nuisances des travaux du chantier. Le projet alternatif a donc été conçu à partir de 1975, pour un appel d’offre à échéance de 1978. On sait que Siemens a été choisi et que les travaux de construction ont commencé en 1981. Mais le problème de la traversée centrale de la ville s’est de nouveau posé, et cela a été une phase d’aventure avec de nombreuses modifications d’options pour le centre, ainsi que de modifications de tracé, tout ceci sur la période 1981-87. Pendant un temps on a même renoncé à un réseau intégré traversant le centre, se contentant d’une modeste voie de service traversant l’Avenue Bourguiba, avec des lignes nord et sud disjointes et sans connexion. La ligne sud a d’ailleurs été mise en service sur la base d’un tel schéma, avant que le changement de pouvoir politique en 1987 permette de trancher et de relancer le projet sur une base plus saine. La mise en place du métro obligeait à revoir la place de la voiture particulière au centre, et l’on a procédé à l’actualisation du plan de circulation en 1985, avec l’approbation de la Municipalité qui a joué le jeu. L’option d’introduction de poches a été retenue et cette option a été étendue au fur et à mesure que le projet de réseau de métro se précisait. Le Ministère de l’Equipement a voulu réfléchir à une redéfinition de la voirie primaire sur ces bases, et en 1988 l’ensemble du plan de circulation a pu être confirmé, à partir d’une base concertée. Il s’agit donc de l’histoire d’un apprentissage sur le terrain, avec une maturation qui s’est faite non pas tellement à travers les études, mais à travers les travaux réalisés et ajustés progressivement. Le projet a été fédérateur de nombreux acteurs au bout du compte, avec un contexte institutionnel qui a évolué (la disparition du District en est l’expression la plus évidente) et est appelé de nouveau à évoluer avec la mise en place souhaitable d’une forme d’autorité organisatrice qui demeure soumise à discussion.
Enseignements de l’expérience du métro léger de Tunis 4 Durant les années 90, suite au succès rencontré par le métro, s’est introduite une politique de développement du réseau par extension de lignes. De nombreux projets ont été examinés, peu ont été retenus. Mais il faut voir qu’à l’origine le projet de métro a été conçu sur une base de substitution aux lignes d’autobus, sans réelle vision à long terme. Cette approche se manifeste dans les demandes des responsables politiques en faveur de prolongations de ligne, qui sont des solutions à la marge sans vision d’ensemble. Les limites du système sont apparues peu à peu et ont permis de renvoyer à une réflexion plus globale au sein de l’étude PDRT. Du point de vue institutionnel, il apparaît la nécessité d’un appui , voire d’une complicité et en tout cas d’une volonté politique pour mener à bien ce type de projet. Cet appui a été fort au début, à la fin des années 70, puis il s’est relaché pour reprendre en 1987 à l’occasion du changement de Président. Les communes se sont situées en retrait du projet, ne réagissant que tardivement aux propositions de tracé. Elles étaient faibles techniquement et financièrement, et ne pouvaient que peser de manière négative comme le montre l’absurdité de la desserte de l’Ariana. Le tracé initial devait desservir l’ensemble de la commune par un passage au centre, mais les élus ont voulu rejeter le projet à sa périphérie, en dehors du centre, diminuant ainsi l’accessibilité de cette zone par le métro. La Municipalité de Tunis a joué le jeu, mais pas complètement, notamment sur la maîtrise du stationnement qui laissait à désirer. En fait il y avait bien la tendance à accepter ce qui venait du pouvoir central. Un autre partenaire était le Ministère de l’Equipement, gèrant notamment la voirie périphérique. Il a manifesté au début une faible adhésion au projet de métro, comme en témoigne la bataille pour la traversée de la Voie X, pour laquelle était suggéré un passage souterrain, mais qui finalement a bien pu se faire au niveau du sol moyennant la mise en place de feux appropriés. Le Ministère a revu sa position ensuite, intégrant les conséquences du métro et du plan de circulation. Le District a joué un rôle de pilotage du projet, poussé par la Banque mondiale. Outil de coordination et de pilotage du processus de planification, il devait articuler les niveaux techniques et politiques du dossier. Au début du projet il n’y avait qu’un seul gouvernorat d’impliqué mais il a été ensuite divisé en trois gouvernorats, avec une complexification du jeu d’alliance des communes, tant et si bien que le District était un peu coincé pour jouer son rôle. Il n’avait plus l’autorité pour faire passer les décisions, qui remontaient en fait à l’entourage du Président ou au Président lui-même. Il est d’ailleurs étrange que l’on revienne aujourd’hui à un fonctionnement analogue recherchant l’appui décisionnel au plus haut niveau sur chaque dossier. Le déséquilibre apporté par l’absence de pouvoir de l’Agence Urbaine qui est devenue un appendice du Ministère de l’Equipement, est ainsi flagrant dans ce contexte institutionnel. I-2 Questionnements sur les exposés du cas de Tunis Un certain nombre de questionnements ont été exprimés sur l’expérience rapportée du métro léger de Tunis. Elles mettent en évidence des questions de compréhension, mais aussi des interrogations sur certaines insuffisances éventuelles de l’évaluation a posteriori ou encore sur la portée de cette expérience. On en résume ici les plus importantes. 4
5 Partie 1 – Synthèse des travaux *Besoin d’éclaircissement sur les notions utilisées et leur mode de calcul : voyages ? voyageurs ? déplacements ? taux de charge ? Il faut effectivement distinguer l’unité déplacement qui correspond à une origine et une destination finale, qui est utilisée dans les analyses de mobilité mais ne correspond pas aux données manipulées par les opérateurs. Pour ceux-ci la notion de voyageurs est utilisée pour désigner chaque personne utilisant un titre de transport pour effectuer un déplacement à bord de ses véhicules. Cette notion est alors directement liée aux titres de transport émis. La notion de voyage est plus restrictive, elle concerne le fait pour un usager de faire un trajet à bord d’un véhicule. Autrement dit, un déplacement peut faire appel à plusieurs modes d’opérateurs différents (bus Snt et métro Smlt), et donc comptabilisés par chacun des opérateurs, et il peut faire appel à plusieurs voyages à bord de véhicules différents d’un même opérateur (plusieurs métros en correspondance). La cohérence entre ces données dépend de la précision de connaissance des taux de correspondance. Elle est en fait souvent délicate, car on a deux sources et deux logiques : une source technique d’exploitation qui porte sur le trafic de chaque ligne, et une source administrative et financière à partir des titres en circulation. Pour cette dernière les estimations reposent sur les statistiques de ventes de tickets de détail, et sur les hypothèses de mobilité moyenne pour les détenteurs de titres à vue, cartes d’abonnement : des biais d’estimation peuvent exister sur ce point, et ont été décelés dans le cas du trafic du métro. Mais un autre phénomène interfère, mal connu, c’est celui de la fraude des passagers voyageant sans titre : ils échappent aux statistiques de trafic voyageurs , mais participent bien au trafic enregistré sur les lignes. Quant au taux de charge, c’est classiquement le ratio des passagers-kilomètres sur les places- kilomètres offertes. Il est estimé à partir de comptages montée-descente effectués dans toutes les stations (les derniers comptages ont été faits en novembre 1999). Il est proche de 100% à l’heure de pointe sur les tronçons d’accès au centre-ville, alors qu’il est beaucoup plus faible en heure creuse. Le taux de charge moyen sur le réseau est estimé à 72% en 1998-99. Ce taux a été amélioré ces dernières années par une mesure d’exploitation consistant à passer de rames doubles en heure de pointe à des rames simples en heure creuse. *Raisons du choix de l’option métro léger à Tunis, en référence au choix actuel de Casablanca pour un métro lourd Les raisons du choix d’un métro léger à Tunis sont assez simples dans leur logique, même si le processus décisionnel a été complexe. La contrainte économique et la capacité limitée de financement qui caractérisaient la Tunisie à l’époque du lancement du projet ont pesé très fort pour faire basculer le projet vers cette option d’un métro au sol. Il faut rappeler que la période du début des années 80 n’était guère favorable du point de vue économique, et que par ailleurs la Banque mondiale n’était pas du tout favorable à un tel investissement. Des arguments techniques venaient renforcer ces raisons économiques et financières, dans la mesure où le sous-sol n’offrait que des difficultés pour la construction de tunnel. *Economies d’échelle dans l’acquisition du matériel roulant ? Le poste matériel roulant est un poste important dans l’investissement métro. La première commande de matériel avait pu bénéficier de conditions avantageuses de prix dans la mesure où le constructeur Siemens se situait dans le cadre d’un appel d’offre international, pour une commande groupée de rames pour laquelle un effet d’échelle pouvait diminuer les coûts unitaires. Lors de la commande complémentaire de matériel effectuée en 1996, le prix unitaire de la rame est apparu bien plus élevé, multiplié par près de cinq en Dinars Tunisiens courants, et par 2,2 en DM courants, le prix moyen d’une rame passant de 1,38 M DM lors du premier 5
Enseignements de l’expérience du métro léger de Tunis 6 marché en 1980, à 3,05 M DM pour le dernier achat en 1996. L’essentiel de cette augmentation est imputable à l’inflation en Allemagne et à la dérive du taux de change du Dinar entre les deux périodes considérées. Mais on estime que le caractère plus limité et captif de ce nouveau marché a sans doute conduit aussi à des prix relativement plus élevés. On notera que quelques améliorations techniques ont été introduites par ailleurs dans les nouveaux matériels acquis. *Dépassement de coût par rapport au budget initial ? Cette question est classique pour tout projet d’investissement de cette ampleur. Elle avait été traitée dans le rapport d’évaluation de 1994, où l’on avait mis en évidence les dépassements importants, exprimés en DT courants (la prise en compte de l’inflation diminuerait l’ampleur de ces écarts) sur certains postes tels que : *voie et équipements (152%) *bâtiments (314%) *Coordination, études (274%) *Déviation de réseaux (292%) *Travaux complémentaires (1000%) Les aléas décisionnels du métro ont contribué à ces dépassements, aux côtés des autres facteurs tels que la dérive des prix internationaux et la dévaluation du Dinar. Mais on note aussi des dépenses supplémentaires non programmées, concernant certains aménagements de stations ou la construction du dépôt. *Appréciation du tarif du métro : est-ce élevé ? Le tarif du métro est le même que pour les autobus de la Snt. Pour apprécier si ce coût est élevé par rapport au pouvoir d’achat des tunisois, des analyses spécifiques seraient nécessaires, que l’enquête-ménage de 1994 n’a pas permis de réaliser. On remarque néanmoins que le tarif moyen des tickets se situe à 288 millimes en 1998, mais que le trajet avec un abonnement mensuel coûte en moyenne 160 millimes, tandis qu’un abonnement scolaire fait passer ce coût moyen à seulement 26 millimes en raison de la très forte réduction tarifaire sur les abonnements scolaires, compensée par l’Etat. Ceci est à mettre en rapport avec le niveau des revenus inférieurs, de l’ordre de 150 DT par mois (le SMIG se situe autour de 200 DT par mois), alors que l’abonnement annuel se situe à 205 DT. Des analyses spécifiques seraient nécessaires pour traiter la dimension sociale de l’usage du métro. Elles n’ont été abordées dans le cadre de l’évaluation du métro qu’à travers les enquêtes auprès des usagers, qui indiquaient leur profil socio-professionnel, et à travers une analyse globale du profil socio-économique des quartiers desservis. *Importance des coûts d’amortissement de l’infrastructure et des coûts financiers ? La mise en avant d’indicateurs favorables de couverture des coûts par les recettes (114% des charges directes d’exploitation, 91% des charges comprenant l’amortissement du matériel) tend effectivement à occulter le poids des charges financières : leur intégration fait baisser le taux de couverture à 64,5%. Sans se livrer à une analyse financière complexe, il faut retenir que l’endettement impliqué par le financement international d’un tel projet se paie et qu’il faut aussi en tenir compte, même si cela ne peut constituer un critère absolu de choix. *Niveau de mobilité et répartition modale 6
7 Partie 1 – Synthèse des travaux Les données de mobilité et de répartition modale figurent dans le rapport d’évaluation. Les estimations faites sur des bases soumises au jeu de la contestation et de la recherche de cohérence entre données, ont abouti à une mobilité moyenne de 1,29 déplacements par personne par jour en 1998, contre 1,14 en 1994. La répartition modale serait de 48% pour les modes individuels et de 52% pour les transports collectifs. Malgré une masse d’études importante, ces données sont encore mal assurées en raison de la complexité de ces estimations et de leur nécessaire prise en compte dynamique. Les projections à l’horizon 2016 réalisées dans le cadre de l’étude du PDRT se situent dans le cadre de trois scenarios. Dans le cas le plus favorable aux transports collectifs, supposant de forts investissements dans le réseau ferroviaire régional, la répartition modale serait maintenue à 50% pour les transports collectifs, contre 35% dans le scenario le moins favorable aux transports collectifs. Le scenario intermédiaire, considéré comme le plus souhaitable, aboutirait à une part minoritaire des transports collectifs de 42,5%. *Transport du pauvre ? Quel transfert des usagers de la voiture ? La clientèle du métro couvre à la fois des catégories sociales démunies qualifiées de pauvres, et des classes moyennes supérieures qui ont accès à l’automobile. Il semble cependant que l’attraction du métro auprès des automobilistes ait tendance à s’épuiser au fur et à mesure que le système métro approche de la saturation. On avait en effet enregistré lors des ouvertures des premières lignes un transfert modal d’usagers se déplaçant auparavant en voiture particulière. Cette question soulève en fait un débat (voir plus loin). *Nuisances du métro et perception par les riverains ? Les nuisances du métro paraissent relativement faibles par comparaison avec les autres modes, mais leur perception laisse apparaître chez certains riverains des critiques vis à vis du métro, notamment en matière de bruit, ou d’effets de coupure dans certaines zones. Le point le plus délicat concerne la sécurité pour les piétons et les automobilistes dès lors que le métro est au sol, dans un espace partagé. Il y a toujours des accidents, mais le métro de Tunis ne semble pas enregistrer des statistiques plus mauvaises que les réseaux européens analogues. A l’origine on était confronté avant l’ouverture du métro à des craintes majeures exprimées à l’encontre de la sécurité du métro, craintes largement relayées dans la presse. *Ecarts entre prévisions de trafic et réalisations ? Ce type de comparaison est difficile à établir et à interpréter a posteriori dans la mesure où de nombreux paramètres évoluent différemment du cadre de prévision, soit par modification du projet soit par modification de son environnement. Cette analyse n’a pas été faite dans le cas du métro de Tunis et on peut le regretter. On peut simplement dire que le trafic enregistré tend à être plus faible que celui qui était prévu, et pourtant on s’approche de la saturation dans les gares centrales. En fait les prévisions tendent à être atteintes sur une période plus longue que prévu, car le trafic semble continuer d’augmenter d’année en année. La vitesse commerciale qui était prévue au moment de la conception du projet (de l’ordre de 23 km/h) est également plus faible que celle enregistrée : selon les lignes la vitesse moyenne se situe dans la fourchette de 15 à 20 km/h. II- Le cas d’Alger II-1 La situation des transports à Alger (sur la base de l’exposé de H Saddedine) 7
Enseignements de l’expérience du métro léger de Tunis 8 La Willaya d’Alger regroupe 57 communes, dont 12 communes pour Alger-centre. La population est estimée à 2,5 millions d’habitants, dont 30% dans le centre. La densité moyenne est de 32 habitants/ha mais elle atteint 200 dans l’hypercentre. L’offre de transport collectif est composée de bus, train suburbain, minibus et taxis collectifs. La SNTF exploite deux lignes de banlieue, avec 55 000 voyageurs/jour. L’entreprise d’autobus ETUSA était auparavant une entreprise publique, puis elle est devenue un Epic en 1988, pour se transformer en Entreprise Publique Autonome en 1998, ce qui lui donne un statut de recherche de profit. Elle exploite actuellement un réseau de 53 lignes ainsi que des services spécialisés de ramassage. Son parc de véhicules est théoriquement de 360 unités, avec 161 véhicules disponibles (87 pour lignes régulières, 74 pour ramassage employés) Une autre entreprise privée fonctionne, Transurb, avec un parc de 38 véhicules. Elle assure par ailleurs la gestion de gares routières. Les opérateurs privés ont été reconnus par la loi 88-17 de libéralisation du marché qui a impulsé un développement important des exploitants artisanaux, au point que l’on comptait en 1998 environ 4 000 opérateurs privés (1230 véhicules de plus de 20 places, 2650 véhicules de 9 à 20 places, fourgonnettes aménagées) Au total la capacité estimée est de 113 600 places, soit l ‘équivalent d’un parc de 1136 bus standard, soit encore un taux de 0,6 véhicule pour 1000 habitants. Si l’on intègre les véhicules de compte propre, estimés à 700 unités, on atteint 152 500 places offertes. On estime par ailleurs le parc de taxis à 12 000 unités, dont le tiers fonctionne en taxi collectif. Les données de motorisation et de mobilité sont difficiles à reconstituer, les statistiques issues de l’enquête-ménage de 1990 étant maintenant très anciennes. On estime cependant que la mobilité globale a légèrement progressé, passant de 1,9 en 1990 à 2 déplacements/jour en 1998, mais avec une forte inflexion en faveur des déplacements motorisés (passant de 0,6 à 1 déplacement/jour). La répartition modale serait la suivante : TC : 50% VP : 40% Taxi : 10% L’essentiel des déplacements TC est réalisé par les minibus exploités par les artisans suite à la libéralisation qualifiée de sauvage, qui rappelle d’ailleurs la situation à Santiago dans les années 70-80 durant la période Pinochet. La population serait plutôt satisfaite globalement de cette situation, avec une offre accrue par rapport à celle d’il y a dix ans, mais on relève de nombreux effets pervers, résumés ainsi : instabilité de l’offre et incertitude sur les itinéraires , faible sécurité, mauvaises conditions de confort, participation à la congestion… autant d’éléments qui mériteraient cependant une analyse plus détaillée. Il semble que l’objectif de satisfaction de mobilité soit passé derrière un autre objectif qui est celui de création d’emplois, notamment pour les jeunes. Le système artisanal avec des véhicules de petite capacité permet en effet de nombreux emplois, plus qu’un système à base d’autobus en raisonnant à capacité équivalente. Le problème est de savoir comment revenir à une situation que l’on pourrait qualifier de normale. L’orientation actuellement envisagée est d’inciter, ou de contraindre au regroupement des artisans, notamment à travers des mécanismes fiscaux. Cette politique se 8
9 Partie 1 – Synthèse des travaux ferait contre l'avis de la Banque mondiale qui est plutôt favorable à la situation actuelle relevant d’un schéma libéral. Il n’y a pas de Plan de circulation comme à Tunis, notamment pour éviter le trafic de transit dans le centre. Le plan étudié par le Beture dans le passé n’a pas été réalisé. Le contexte d’insécurité civile a contraint les autorités à interdire le stationnement sur voirie sur certains axes centraux. L’idée d’un TCSP à base de mode intermédiaire routier a émergé en 1997, mais elle demeure soumise à un projet de plan de circulation et au contrôle de l’usage de la voiture. En fait le travail de la police est défaillant pour faire respecter la réglementation et en amont se pose la question de l’éducation/sensibilisation de la population. D’importants efforts d’investissements routiers ont été réalisés dans les années 80 (rocade sud en particulier) mais ces efforts n’ont pas été relayés par les communes pour la voirie de desserte, ce qui pose des problèmes. Comme souvent, les communes n’ont que peu de moyens pour assurer leurs missions. Elles sont en fait très endettées et ne se sentent pas concernées par le transport. Un aspect particulier tient au transport étudiant : ceux-ci bénéficient de transports spécialisés, assurés par des transporteurs sur la base de contrats avec l’Office National des Œuvres Universitaires qui dégage des moyens financiers conséquents à cette fin.. On observe en fait une opposition entre Ministère de l’Equipement et Ministère de l’Intérieur, occasionnant un problème institutionnel qui était renforcé jusque récemment par la pouvoir acquis par le Gouverneur d’Alger, considéré comme un Etat dans l’Etat. Les autorisations de transport sont délivrées par la Direction des Transports du Gouvernorat. La destitution du Gouverneur début 2000 change ce contexte institutionnel et conduit à geler certains projets comme celui de site propre pour bus. Elle aboutit en fait à la nécessité de reconstituer une instance de coordination. II-2 Le projet de métro à Alger (sur la base de l’intervention de A MATOUK) La première étude d’un projet de métro qui a été identifiée date de 1930. Puis intervient en 1959 une étude de la RATP à l’occasion du démantèlement du réseau de tramway. Cette étude est oubliée jusqu’en 1972, période durant laquelle se déroule l’étude Buchanan de schéma directeur de transport pour le Comedor. Il n’y a pas de proposition de métro proprement dit mais plutôt celle d’un RER : on propose d’utiliser l’axe de l’autoroute à l’est vers l’aéroport pour introduire ce RER sur le terre-plein central. L’autoroute a été réalisée mais le RER repoussé à plus tard. En 1980 la Sofretu revient avec une proposition d’étude de métro, gratuite pour l’Algérie. Le contexte des retrouvailles franco-algériennes en 1982, et d’une conjoncture économique favorable pour l’Algérie grâce au second choc pétrolier qui a mis le cours du baril de pétrole à 40 USD, conduisent à l’engagement du processus du métro avec des travaux de reconnaissance du sous-sol : creusement de galeries de reconnaissance. Les études préconisent une réorientation du projet selon une orientation sud-ouest, supposant une modification du Plan d’Urbanisme. Une galerie de 1500 m est percée à cette époque. Mais en 1985 on enregistre la chute des cours du pétrole, et l’on se rend compte que le projet de métro coûte cher (estimation de 6 milliards de dinars à l’époque), de sorte que le projet est gelé. Mais il fallait entretenir la galerie à cause de risques d’effondrement, pomper les infiltrations d’eau, de sorte qu’un dispositif minimum devait être maintenu autour du projet. 9
Enseignements de l’expérience du métro léger de Tunis10 Dans la période suivante 1987-89, des réflexions sont menées pour examiner d’autres variantes susceptibles de diminuer le coût du projet. Le transfert de la gare centrale vers l’aéroport conduit à envisager la récupération de l’infrastructure ferroviaire qui serait laissée libre. On s’oriente alors vers une variante de tracé, et on prend l’option d’une réalisation des travaux par une entreprise nationale. Les stations importantes sont conçues dans ce cadre avec l’aménagement de la station de la Grande Poste au centre. L’entreprise de travaux publics mobilisée n’a cependant aucune expérience de ce type de chantier, ce qui occasionne des difficultés et délais supplémentaires. En 1990, l’Assemblée Nationale Populaire exige que la desserte ferroviaire parvienne jusqu’au centre-ville, de sorte qu’il faut revenir à un projet de métro en souterrain. Pendant la période 1992-98 les travaux ont été bloqués en raison de l’interdiction d’usage d’explosifs ainsi que du travail de nuit, pour des motifs de sécurité. Au bout du compte on se retrouve en 2000 avec un chantier qui n’a guère évolué depuis une dizaine d’années : on dispose d’un tunnel de 3 km dans la partie centrale, et d’un atelier construit en bout de ligne à l’est de la ville. Les hypothèses de mobilité établies en 1982 pour justifier le niveau de trafic attendu étaient de 0,8 déplacements/personne/jour en 1982 et de 1,1 en 1987, alors que l’enquête-ménage de 1990 a révélé un taux de mobilité de seulement 0,6. L’hypothèse de répartition modale était de 58% en faveur des TC, plus favorable que ce qui a été observé par la suite. Les options technologiques ont été l’occasion d’une certaine pagaille, les études d’APS proposant un roulement pneumatique par opposition au roulement fer sur fer. L’appel d’offre de 1985 a enregistré peu de propositions concurrentes pour une technologie qui paraissait faire l’objet d’un monopole français. Pour élargir l’appel à la concurrence et faire diminuer les coûts il fallait revenir à l’option fer/fer, ce qui supposait de refaire les études et notamment revoir le profil en long de la ligne. Cela a coûté cher finalement et a révélé un manque de maturité technique pour la gestion de ce projet. Le contexte politique a détérioré la situation du projet, de sorte que les milieux techniques ont joué le jeu des politiciens en développant une stratégie de l’irréversibilité du projet de métro : on a avancé le projet par les deux bouts, tunnel au centre et atelier/dépot en périphérie. La consigne des responsables à l’époque était de continuer le projet malgré son blocage officiel. C’est ainsi qu’ont été construits 3,3 km de tunnel, 6 stations en souterrain, l’atelier en bout de ligne, ainsi que le siège du métro, presque achevé et qui attire certaines convoitises de la part d’autres institutions. L’ensemble de ces travaux a pu être financé par des dotations budgétaires annuelles de 1 milliard Dinars par an. Les entrepsises algériennes impliquées ont mis plusieurs années à acquérir la compétence de ce chantier, mais elles constituent maintenant un lobby pour la poursuite du projet. Elles ont d’ailleurs trouvé d’autres marchés d’application des techniques acquises, avec des chantiers de tunnel routier. Le chantier s’est heurté au cours de ces années à l’absence de priorité affichée en faveur du projet : des arrêtés d’expropriation étaient par exemple pris, mais personne n’était là pour les faire exécuter. De même le manque de collaboration des autorités s’est révélé pour le traitement des réseaux divers touchés par le chantier du métro. Les nuisances du chantier ont pesé sur les populations riveraines, ce qui a fait l’objet de nombreuses plaisanteries dans la population ou dans les médias, pour un projet de si longue durée : 18 ans depuis la première galerie creusée devant la Grande Poste ! De même la 10
11 Partie 1 – Synthèse des travaux crédibilité devant les bailleurs de fond paraît bien entamée et l’on se demande finalement si un tel projet intéresse vraiment les autorités ou la population. Le coût estimé du projet jusqu’en 2000 est de l’ordre de 7,5 Md Dinars courants, soit l’équivalent de 25 Md Dinars valeur 98, ou encore 2,5Md FF 98. L’estimation pour l’achèvement des travaux de génie civil (achèvement de 4 km de tunnel, aménagement de stations) est actuellement de 13 Md de Dinars. Pour réduire le coût du projet on pourrait sans doute se contenter d’une ligne de 9 km, en renonçant au tronçon prévu au nord du centre. Le coût total du projet serait alors de 70 Md Dinars, et il passerait à 100 Md Dinars pour la l’ensemble de la ligne de 12 km. De tels montants d’investissement font peur dans un contexte financier difficile. Le bilan est alors un constat que le dossier a été géré avec trop de précipitation. Les autorités souhaitent maintenant un point de vue indépendant sur ce dossier. C’est pourquoi une consultation vient d’être lancée pour cerner l’évaluation économique et financière du projet avec ses éventuelles variantes. Les termes de référence comprennent les questions suivantes : Faut-il achever le projet ? Quelles sont les mesures à prendre, notamment d’un point de vue institutionnel ? Quel est le schéma optimal de participation du secteur privé ? Y a-t-il des solutions d’émergence du métro en surface, avec éventuellement reconsidération du changement de gabarit ? Le réseau semble finalement avoir été conçu selon un schéma parisien, avec des interstations de 500 m, qui constituent un luxe dans le contexte algérois, d’autant plus que l’on est face à une tendance lourde au désengagement de l’Etat. Le problème financier qui se pose actuellement demeure insoluble si l’on considère que le tarif d’équilibre estimé (hors amortissement) se situerait à 20 DA, représentant le double du tarif actuellement pratiqué dans les TC. Il convient alors de rechercher des solutions faisant preuve de créativité, et de se livrer à un calcul socio-économique explicitant ce que l’on gagne et ce que l’on perd dans chaque solution imaginée. III- Le cas de Casablanca III-1 La situation des transports à Casablanca Sur la base principalement de l’intervention de T Zhiri, dont le texte figure en annexe, on résume ici quelques traits de la situation à Casablanca. Si la population est estimée à 2,7 millions d’habitants, certains estiment supérieur ce montant. De plus de nombreuses personnes viennent en transit quotidiennement, de l’ordre de 300 000 personnes au moins, ce qui indique la taille de la question des transports dans cette agglomération. La vie économique est structurée historiquement par le port et ses activités liées. L’autre pole d’activité est apparu dans les années 80 avec le développement de zones industrielles près des quartiers populaires, à l’est de l’agglomération. Le développement des besoins de déplacements dans l’agglomération a été solutionné dans cette dernière période paradoxalement par des projets interurbains : la rocade autoroutière d’évitement de Casablanca est devenue par l’usage un périphérique assurant la liaison 11
Enseignements de l’expérience du métro léger de Tunis12 interquartiers. Mais le problème de congestion se pose de façon récurrente, ainsi que celui du stationnement en centre-ville. Le systèmes de transports collectifs est constitué d’autobus de l’entreprise publique RATC et des entreprises privées, mais aussi de taxis collectifs en nombre important. L’usage de la voiture est développé comme en témoigne la congestion de la voirie. On estime le parc d’automobiles en circulation à Casablanca de l’ordre de 400 000 véhicules, mais les statistiques précises manquent pour cerner ce phénomène. Cela signifierait un taux de motorisation de l’ordre de 130 voitures pour 1000 habitants. L’organisation des transports collectifs semble défaillante, et la prise en compte de l’usager plutôt absente des préoccupations des responsables de la Communauté Urbaine. Les élus locaux ne sont pas formés pour comprendre les problèmes de gestion de transport et les préoccupations de certains semblent peu avouables lorsqu’ils interviennent sur le secteur. Les réticences exprimées par la CU pour assurer le financement de la Régie témoignent de ce désintérêt et de cette incompréhension. Le Ministère des transport n’est quant à lui pas compétent dans le périmètre urbain. L’ouverture au secteur privé s’est faite en 1985, à la date anniversaire du discours royal annonçant cette ouverture. Cela s’est fait dans une certaine confusion dans la mesure où les banques ont refusé d’accorder des crédits en fonction du risque de déficit qu’elles jugeaient trop élevé pour les entreprises. Seuls les projets auto-financés ont pu émerger, avec des moyens en matériel roulant peu adaptés car il s’agissait de chassis camion ou d’autocars transformés pour un service urbain. Le suivi de l’activité de ces entreprises a été compromis, les statistiques officielles étant arrangées pour échapper aux taxes sur les bénéfices ou simplement sur le chiffre d’affaires. Une taxe de 10% devait être payée pour assurer une péréquation avec la RATC dont les tarifs étaient bloqués à un niveau inférieur pour des raisons sociales. Le cahier des charges imposait l’exclusivité de places assises, mais on a vite dérapé vers l’acceptation de personnes debout à l’heure de pointe. Les transporteurs ont refusé de payer la redevance, ce qui a occasionné une épreuve de force avec les autorités ces dernières années. Des modifications de desserte ont été introduites, soit par extension soit par abandon de lignes. Enfin le parc n’a pu être maintenu au niveau d’origine par manque de politique d’entretien et de renouvellement des véhicules. Cette crise a en fait bénéficié au développement anarchique des taxis collectifs qui s’adressent à la même clientèle que les autobus privés. On estime qu’il y a de l’ordre de 5000 taxis (mercedes 6 places) en activité dans l’agglomération. Les autorisations d’exploitation sont accordées par la Willaya, et non la CU, ce qui complique la coordination institutionnelle. Leur fonctionnement est traditionnel en interurbain, mais ils ont recadré leur activité sur les déplacements domicile-travail impliquant des travailleurs résidant dans les communes périphériques. Leur caractère adaptatif les a ensuite focalisé davantage pour certaines dessertes urbaines. Ils transporteraient finalement davantage de personnes que les bus de la RATC et autant que les bus privés. Leur tarif est légèrement supérieur à celui de ces derniers (3 à 5 Dinars contre 2,8 Dinars). Cette dynamique touche également les taxis compteur, qui se mettent occasionnellement à une exploitation en taxi collectif pour un tarif modéré de 3 Dinars. Finalement l’absence de plan de circulation pèse également sur l’organisation d’ensemble des transports, qui souffre d’une faible visibilité par les élus, mal armés pour gérer ce secteur. Il semble que l’on dérive vers une certaine anarchie du secteur, avec moins de maîtrise par les pouvoirs publics. Il y a des signes de développement du transport clandestin, qui peut prendre plusieurs formes, des particuliers menant cette activité permanente ou plus occasionnelle pour 12
13 Partie 1 – Synthèse des travaux compléter leurs revenus. On évoque même dans cette logique l’apparition de taxis-motos. Finalement les observateurs estiment que l’usager a l’embarras du choix du mode, ce qui est plutôt bien pour lui, mais à quel coût ? L’absence de données statistiques fiables et d’enquêtes récentes disponibles complète les difficultés d’appréciation du secteur. C’est dans ce contexte incertain que se développe le projet de métro. III-2 Le projet de métro à Casablanca En complément à la communication de T Zhiri, plusieurs éléments d’information et de débat ont été apportés sur le projet de métro à Casablanca, notamment de la part de M Chadali. En termes d’information et d’études, une mission française (Etau) avait été envoyée par la CFD en 1997 pour positionner la faisabilité du projet de métro. Cette étude avait recensé l’état de la planification du secteur, et la connaissance que l’on en avait. Elle avait recommandé l’établissement d’un plan de transport à l’échelle de l’agglomération, ainsi que la réalisation d’une enquête-ménages, points de passage obligés pour apprécier l’insertion du projet de métro dans le système de transport. Cette approche correspondait à la logique et à l’expérience d’experts de transport, mais elle s’est heurtée aux réticences voire à l’opposition brutale de certains responsables politiques, notamment à la Communauté Urbaine. Ceux-ci estimaient que l’on avait fait trop d ‘études dans le passé sur ce projet de métro, dont on ne voyait pas de réalisation cela faisait déjà 15 ans d’études. Rappelons les principales études passées de transport à Casablanca : L’étude Transroute en 1975 a été la seule étude globale, portant davantage sur la circulation que sur les transports collectifs. Les mesures à court terme d’organisation de la circulation (mise de rues à sens unique, stationnement payant) ont été mal reçues (notamment par le Palais, ou certains commerçants) et non appliquées, ce qui a jeté le discrédit pour longtemps sur l’opportunité de réaliser des études en ce domaine. L’étude Sofretu de 1983 confirmait les options antérieures du tracé de métro, s’inscrivant dans l’axe de plus forte demande (nord-sud) et non selon l’axe de développement urbain est- ouest prévu au schéma directeur d’urbanisme. Plus récemment dans les années 90, la Jica (Coopération Japonaise) actualisait la proposition japonaise de projet de monorail sur le tracé déjà identifié, tandis que le groupement Bouygues, en partenariat avec Systra et Alstom, précisait le projet de 1983 et le promouvait auprès des autorités marocaines et des autorités françaises sollicitées pour le financement. On sait que le groupe Bouygues est très présent au Maroc, et qu’il a déjà réalisé de grands projets dont la Grande Mosquée de Casablanca est l’exemple le plus illustre. D’autres propositions internationales (autrichienne, canadienne…)sont parvenues durant ces dernières années aux autorités marocaines, qui essaient naturellement de tirer parti de la compétition internationale sur ce projet. Il fallait donc maintenant, selon les responsables de la Communauté Urbaine, tenter de réaliser le projet et non réengager une nouvelle vague d’études de planification qui prendrait des années pour un résultat incertain. On sait d’ailleurs que le même discours était tenu en France par le groupe Bouygues qui proposait la réalisation du projet et sollicitait le financement français. On avait besoin d’études d’avant projet, mais pas d’étude amont de planification ou même d’évaluation d’alternatives de tracé ou d’options technologiques. 13
Enseignements de l’expérience du métro léger de Tunis14 Les responsables estiment que l’axe prioritaire de transport collectif a bien été identifié, en fonction de la densité de population desservie (autour de 900 000 habitants) et de l’intensité des déplacements. Il s’agit donc de faire le métro qui constituera de fait l’épine dorsale du réseau de transport collectif qui pourra être restructuré ensuite, dans un plan de transport à établir plus tard. Les études en sont maintenant à l’APD, et un appel d’offre devrait être lancé à l’été 2000. Les points soumis à discussion et à expertise concernent essentiellement la prévision du trafic (il s’agit de confirmer les prévisions établies par le groupement), et le type d’infrastructure, sachant que l’option a été clairement prise d’éviter l’interférence des aléas de circulation, et donc d’éviter un système au sol : le métro devra être aérien ou souterrain. Des difficultés peuvent venir de l’interférence avec d’autres infrastructures, notamment un projet de ligne ferroviaire transversale qui pourrait constituer une desserte suburbaine s’intégrant au réseau de métro. Dans le cadre de l’étude dite de faisabilité financée finalement par la France, avec un don de 30 MF, pour préciser les caractéristiques du projet de métro, des enquêtes de mobilité ont été menées, dans le rayon de desserte de la ligne projetée. Les résultats de ces enquêtes ne sont pas disponibles, du moins officiellement, ce qui accrédite d’ailleurs le caractère stratégique de telles données pour la conception (non pas tellement technique mais financière) et la justification potentielle du projet. On relève juste que sur l’axe projeté du métro, le partage modal est actuellement de 15% pour la voiture et 85% pour les transports collectifs, ces derniers se partageant en trois parts à peu près égales entre Ratc (dont un tiers d’étudiants), bus privés et taxis collectifs. Le financement d’un tel projet est au centre des discussions auxquelles se heurte une éventuelle décision. Il est affirmé que le Ministère des Finances marocain ne pourra rien accorder à ce projet, et que finalement c’est aux offreurs de technologies de convaincre de la viabilité des projets qu’ils proposent. On est alors au centre du débat et des éventuels malentendus qui peuvent entourer ce type de projet qui a peu de chance de voir le jour et d’assurer correctement sa fonction s’il n’est pas porté et défendu par des acteurs marocains. On perçoit à cette occasion que l’on doit faire appel à de nouvelles compétences de type ingéniérie financière, qui viennent seconder les compétences plus classiques de planification et d’ingéniérie des transports. Il faudrait éviter qu’il y ait une sorte de substitution entre ces compétences car l’approche financière ne peut négliger une appréhension correcte des systèmes de transport, avec toutes les interdépendances qui s’y manifestent. L’exemple du financement de la rocade autoroutière à péage Theo à Lyon, qui s’est heurtée à une forte opposition d’une partie de la population est révélateur de ces interdépendances qui avaient été négligées par les promoteurs du projet. 14
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