Ensemble fortifié : secteur fortifié des Alpes-Maritimes - Inventaire Général du ...

 
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Ensemble fortifié : secteur fortifié des Alpes-Maritimes - Inventaire Général du ...
Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alpes-Maritimes
      Alpes-Maritimes
      près de Frontière France-Italie

      ensemble fortifié : secteur fortifié des Alpes-Maritimes

      Références du dossier
      Numéro de dossier : IA06000021
      Date de l'enquête initiale : 1996
      Date(s) de rédaction : 1997
      Cadre de l'étude : enquête thématique régionale architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
      Degré d'étude : étudié

      Désignation
      Dénomination : ensemble fortifié
      Appellation : secteur fortifié des Alpes-Maritimes
      Parties constituantes non étudiées : redoute

      Compléments de localisation
      oeuvre située en partie sur la commune Bollène-Vésubie (La), oeuvre située en partie sur la commune Breil-sur-Roya,
      oeuvre située en partie sur la commune Castillon, oeuvre située en partie sur la commune Isola, oeuvre située en partie
      sur la commune Lantosque, oeuvre située en partie sur la commune Peille, oeuvre située en partie sur la commune
      Péone, oeuvre située en partie sur la commune Rimplas, oeuvre située en partie sur la commune Roquebillière, oeuvre
      située en partie sur la commune Saint-Martin-Vésubie, oeuvre située en partie sur la commune Sospel, oeuvre située en
      partie sur la commune Utelle, oeuvre située en partie sur la commune Valdeblore
      Milieu d'implantation : isolé
      Références cadastrales :

      Historique
      Depuis le Moyen-Age, l'habitat se constitue en villages fermés et perchés pour faire face aux agressions. Le secteur des
      Alpes-Maritimes est le théâtre des conflits opposant le royaume de France au duché de Savoie dont il fait partie. Il fait
      l'objet d'une campagne de fortifications lancée par le duc Emmanuel-Philibert au 16e siècle. Il est occupé à plusieurs
      reprises par les troupes de Louis XIV, entre le 17e et le 18e siècle, dans la lutte entre la France et le duc Victor-Amédée
      II. Le comté de Nice est évacué en 1713. La région voit se succéder différents conflits jusqu'au début du 19e siècle.
      Après son rattachement à la France, en 1860, des études d'organisations sont conduites, mais sans aboutir. Après 1870,
      les relations entre l'Italie et la France sont tendues. Constatant les efforts d'organisations que les Italiens effectuent sur
      leurs régions frontalières, le comité de défense, dont le secrétaire est le général Séré de Rivières, décide en 1882 de
      renforcer le dispositif défensif. Divers ouvrages sont construits : forts, chiuses. Face à la crise dite de l'obus-torpille, à
      partir de 1885, il faut mettre les nouveaux forts sous roc ou sous carapace de béton ; l'artillerie est dispersée ou mise
      sous cuirassement. Le dispositif militaire est poussé plus loin et plus haut vers la frontière, en même temps qu'est mise en
      place une infrastructure logistique. La ceinture de Nice est complétée par une série de batteries d'intervalles. En 1926, le
      comité de défense des frontières envisage le renforcement du sud-est. Des ouvrages modernes sont créés selon les normes
      définies par la Commission d'Organisation des Régions Frontalières. Plus de vingt-quatre ouvrages d'avant-poste sont
      installés. Cette organisation se révèle efficace lors de l'offensive italienne de juin 1940. Les ouvrages, après la Libération,
      font l'objet de travaux de remise en état. En 1964, la fortification est abandonnée.
      Période(s) principale(s) : 2e moitié 19e siècle, 1ère moitié 20e siècle

      Description

      Eléments descriptifs
      Matériau(x) du gros-oeuvre, mise en oeuvre et revêtement : béton, béton armé ; pierre, moellon ; pierre, pierre de taille

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       Statut, intérêt et protection
       Statut de la propriété : propriété publique

       Présentation

       Considérations générales

       Géographie
       A partir de l'ensemble Enchastraye-pic des Trois Evêques (environ 2900 m) la crête maîtresse des Alpes du Sud s'oriente
       au sud-est, et longtemps jalonnée par des sommets dépassant les 3000 m (Clapier, Genas, Tenibre) s'abaisse jusqu'à 1871
       m au col de Tende, avant de s'infléchir, à l'est de ce dernier, pour s'orienter plein sud et tomber sur la Méditerranée entre
       Menton et Vintimille.
       Au nord, un contrefort s'embranchant sur l'Enchastraye s'oriente au sud-ouest, puis à l'ouest par la cime de la Bonette et
       le mont Pelat, dominant une zone montagneuse compacte, difficile et compliquée. Ce contrefort, franchi d'est en ouest
       par les cols de Restefond, d'Allos et de la Cayolle, passages difficiles, ouverts tardivement à la circulation (Restefond,
       rarement avant le 1er juillet et après le 15 septembre) constitue la limite naturelle entre le théâtre d'opérations des Alpes-
       Maritimes et celui de l'Ubaye.
       L'orographie est constituée par une série de petites rivières ou fleuves côtiers, aux crues parfois dévastatrices, orientés
       sensiblement nord-sud et se jetant soit directement dans la mer (Roya) soit dans le Var - près de la mer - (Vésubie, Tinée,
       Haut-Var).
       On notera que du fait de leur orientation, ces cours d'eau ne constituent pas, à proprement parler, des pénétrantes par rapport
       à la frontière politique : par contre, leurs affluents ont déterminé, dans les crêtes, des vallons (Molières, La Guerche)
       venant échancrer les crêtes en une quantité de cols secondaires de plus en plus propices au passage de l'infanterie au fur
       et à mesure qu'on se rapproche de la mer.
       On notera l'importance particulière, d'un point de vue militaire, de la trouée de la Bévéra (affluent rive gauche de la Roya),
       à Sospel, échancrure d'une crête secondaire, où aboutissent la route du Piémont venant du col de Tende, par la Roya, et
       celle, moins importante, d'Olivetta Saint Michèle.
       Conditionné par l'orographie, le système de communications a, de la sorte, longtemps favorisé la pénétration du pays du
       sud vers le nord, par des vallées qui sont restées longtemps des impasses, les grandes traversées se sont limitées, dans
       le sens est-ouest, à la voie littorale, puis à la vallée du Var, et enfin, dans le sens nord-sud, à la route du Piémont par
       le col de Tende.

       Politique
       Jusqu'en 1860, à l'exception des périodes d'occupation liées aux grands conflits européens, la frontière orientale de la
       France était constituée par le Var. Entité politique, le comté de Nice relevait de la Maison de Savoie et a longtemps
       constitué un des grands objectifs des visées expansionnistes françaises.
       En 1713, au traité d'Utrecht qui clôturait la longue guerre de succession d'Espagne, on procéda à une régularisation de la
       frontière politique en ramenant celle-ci à la crête topographique : nous cédâmes nos possessions du versant oriental des
       Alpes, en contrepartie de quoi nous obtenions la possession de l'Ubaye.
       Mais cette opération n'affecta pas les Alpes-Maritimes, sinon indirectement, en ce sens que la possession du col de Larche
       nous donnait une fenêtre sur le Piémont et la possibilité de tourner la région de Nice par la vallée de la Stura.
       La situation resta en l'état jusqu'en 1860 : en contrepartie de l'intervention française en Italie, contre l'Autriche, Napoléon
       III avait obtenu d'abord à l'entrevue de Plombières puis au traité officiel secret avec Victor Emmanuel, la cession à la
       France de la Savoie et du comté de Nice.
       La victoire acquise et la paix revenue, les Italiens manifestèrent de nettes réticences à exécuter leurs engagements et,
       par esprit de conciliation, Napoléon III consentit à un tracé de la nouvelle frontière militairement désavantageux pour la
       France, sous prétexte de laisser à Victor Emmanuel la disposition de ses terrains de chasse favoris : l'organisation ultérieure
       de notre système défensif devait s'en trouver compliquée.
       A la fin de la deuxième guerre mondiale, compte tenu de ce que tout le poids des luttes de la libération du sud-est avait
       pratiquement été supporté par les forces françaises du détachement d'armée des Alpes, le gouvernement du Général de
       Gaulle était bien décidé, en tant que membre des nations victorieuses, à exiger de l'Italie, non seulement des rectifications
       de frontière destinées à améliorer le tracé de 1860 mais le rattachement des zones frontalières francophones qui le
       souhaitaient. Malgré l'opposition des Anglo-Américains, la France finit par obtenir au traité de Paris (1947) quelques
       rectifications (Vallée étroite, Chaberton) et surtout le rattachement, après consultation des habitants, de la Haute-Roya,
       Tende et La Brigue, ce qui ramenait notre frontière au col de Tende. Mais on ne put rien obtenir dans le Val d'Aoste, ni
       dans la région de Vintimille, pourtant convoités.
       C'est le tracé de 1947 qui constitue, aujourd'hui, la frontière franco-italienne dans les Alpes-Maritimes.

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       Opérations militaires et fortifications
       Cet aspect est naturellement conditionné par les considérations précédentes. Dès le Moyen-Age, sous la menace des
       incursions des barbaresques - et autres - remontant les vallées des cours d'eau littoraux, l'habitat se constitue en villages
       fermés perchés sur de véritables nids d'aigle (Eze, Venanson, La Tour, Marie, Tournefort etc.). Les bourgs s'entourent
       d'enceintes (Lucéram, Breil, Sospel) parfois assortis de châteaux concrétisant les structures féodales (Saorge, Tende, Nice).
       Après la guerre de cent ans, l'évolution de la France vers un statut d'Etat fort et expansionniste ouvre une longue période
       de conflits, dont les « guerres d'Italie » ne sont qu'un épisode. La région devient un théâtre d'opérations très actif, et le
       comté de Nice - comme la Lorraine, sur la frontière de l'Est - une zone tampon convoitée par les deux adversaires et
       régulièrement foulée par leurs armées à chaque campagne.
       Lors des guerres entre François Ier et Charles Quint, c'est par la route littorale qu'à deux reprises (1524 et 1534) la Provence
       est envahie par les Impériaux qui arrivent jusqu'à Marseille, mais chaque fois ces tentatives échouent et se terminent par
       des retraites désastreuses.
       En 1543, Nice est prise par les Turcs, alliés à François Ier, mais qui échouent devant le château. L'année suivante, le
       roi fait entreprendre les fortifications de Saint-Paul-de-Vence, une des premières enceintes bastionnées modernes de
       notre patrimoine militaire. La place a pour rôle de surveiller le passage du Var par la route côtière. Parallèlement, plus à
       l'intérieur, la vallée de ce même Var et le chemin de Digne sont tenus par la place d'Entrevaux et son château, celle du
       Verdon et le chemin du col d'Allos par la place de Colmars également améliorée par François Ier.
       Sous Henri II, les hostilités entre la France et l'Empire continuent de plus belle, compliquées ensuite par les guerres de
       religion.
       Du côté français, et pour ne s'en tenir qu'au littoral, cette seconde moitié du XVIe voit construire le fort carré d'Antibes
       - autre ouvrage bastionné -, la citadelle de Saint-Tropez, sans parler des forts de Pomègues et Ratonneau qui, devant
       Marseille, viennent s'ajouter au château d'If, et devant Toulon, à la grosse tour et au château de Porquerolles, l'un et l'autre
       entrepris ou terminés par François Ier.
       De l'autre côté du Var, le duc Emmanuel-Philibert monte en 1533 sur le trône de Savoie. Bien que beau-frère d'Henri II,
       il sera jusqu'à sa mort en 1580 un de nos adversaires les plus acharnés.
       Sous son règne va s'exécuter un vaste programme de fortifications face à la frontière française. Citons, pour mémoire, au
       nord la fameuse place de Montmélian qui verrouille la vallée de l'Isère et nous donnera beaucoup de fil à retordre jusqu'à
       sa prise et son rasement en 1706 ; sur la côte, le duc remanie très sérieusement le château de Nice, construit non loin de
       là sur une hauteur dangereuse, le fort du Mont Alban, puis en bord de mer, la citadelle de Villefranche et le fort du Saint-
       Hospice, sans même parler de nombreuses autres places dans le Piémont proprement dit.
       Les campagnes se poursuivront sporadiquement jusqu'en 1630, début d'une longue période de paix qui devait se poursuivre
       jusqu'en 1690 : les cours de France et de Savoie sont à ce point proches que Louis XIV en vient à tenir le duc Victor
       Amédée II en état de quasi vassalité. Mais, lors de la guerre de Ligue d'Augsbourg, « M. de Savoie » se rebiffe et passe,
       en 1690, dans le camp de nos adversaires : à la tête d'une armée coalisée il franchit à l'improviste les cols de Larche et de
       Vars, tombe sur la moyenne Durance, prend Embrun, dévaste le Gapençais avant de se retirer (juillet-septembre 1692).
       Entre temps, en 1690, Catinat avait pu prendre Montmélian et s'emparer du comté, après la prise de Villefranche (17 mars
       1691), du Mont Alban, du Saint-Hospice, de la ville de Nice (26 mars) puis du château (2 avril). Les forces du duc, autres
       que les garnisons des places, purent se dérober par la Roya et le col de Tende.
       A la paix de Turin (1696) nous restituions la Savoie et le comté de Nice, mais surtout nous rétrocédions au duc, après
       démantèlement, la place de Pignerol, notre grande base stratégique avancée à l'est des Alpes. De même, nous évacuons
       le comté de Nice.
       La paix sera de courte durée : dès 1701, avec l'ouverture de la succession d'Espagne, les hostilités se rallument sur
       l'ensemble des frontières, dont celle du sud-est.
       A nouveau, Victor Amédée II, d'abord notre allié passe dans le camp de nos adversaires (1703). Nous envahissons alors
       le Piémont, dont les places succombent les unes après les autres. En Savoie, Montmélian assiégée capitule le Il décembre
       1705. Nice est prise par Berwick le 4 janvier 1706. Louis XIV fait alors raser les deux forteresses qui ne seront jamais
       rétablies.
       Reste Turin, la capitale du duc, puissamment fortifiée : le siège y est mis en 1706 sans tenir compte des avis du vieux
       Vauban - par La Feuillade, personnage aussi prétentieux qu'incompétent. Arrivant alors à la tête d'une armée de secours,
       le prince Eugène de Savoie bat La Feuillade qui lève le siège et bat en retraite avec des pertes importantes.
       C'est en suivant la route côtière, la plus praticable, que les coalisés envahissent la Provence avec l'avantage supplémentaire
       de disposer, parallèlement, du soutien naval. Mais le maréchal de Tessé fait front devant Toulon, dont l'enceinte a été
       doublée par un camp retranché occupé par les troupes de campagne, les milices locales et les canonniers de la marine.
       Les coalisés réussissent à prendre le fort Saint-Louis, que sa garnison fait sauter avant de l'évacuer après une résistance
       vigoureuse. Mais leur élan est cassé, et ils sont bientôt contraints à une retraite désastreuse, que Tessé n'osera poursuivre,
       ce qui lui vaudra d'être relevé de son commandement.
       L'armée des Alpes passe alors au maréchal de Villars qui arrête in-extremis (1708) une poussée de Victor Amédée sur
       le col de Buffère, mais perd Exilles et Fenestrelle : il est alors remplacé par Berwick (1709). Ce dernier, par suite de
       prélèvements opérés au profit des théâtres d'opérations du nord et du nord-est, ne dispose plus que de 70 bataillons et 35
       escadrons pour défendre les Alpes, du Léman à la Méditerranée.

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       Il conçoit alors une stratégie de défensive active basée sur le déplacement rapide, par des itinéraires de rocade
       soigneusement aménagés, de ses forces fractionnées - mais non éparpillées - en quatre ou cinq bases fortifiées (Briançon,
       camp de Tournoux etc.) de manière à être toujours localement en position de force face aux tentatives des coalisés.
       Cette habile combinaison de la manœuvre et de l'utilisation des difficultés naturelles du terrain accrues par quelques
       forteresses bien placées avait déjà été entrevue par Catinat lors de la guerre précédente : elle devint désormais la règle
       de la stratégie française et devait inspirer tous les plans de défense de la frontière du sud-est jusqu'à la grande guerre,
       et même au-delà.
       Lorsque la paix est conclue, en 1713, le territoire du royaume est resté inviolé. Nous évacuons le comté de Nice, et
       d'importantes rectifications tendent à ramener la frontière à la crête des Alpes. En échange de la région de Barcelonnette,
       nous cédions à la Savoie d'importants territoires dépendant du Briançonnais : s'agissant de régions francophones, cette
       cession posait un problème qui rebondira à plusieurs reprises jusqu'en 1947.

       Les guerres de Louis XV
       A l'issue d'une période de paix de vingt ans, s'ouvrit la guerre de succession de Pologne (1733). Nos armées se portèrent
       dans la plaine du Pô, où se déroulèrent les campagnes de 1733, 34 et 35 mais en avant de la région de Nice qui ne fut
       pas affectée par les opérations.
       A la paix de Vienne, on manqua l'occasion de récupérer les territoires cédés en 1713.
       Quelques années plus tard (1742) éclatait la guerre de succession d'Autriche. Le nouveau duc de Savoie, Charles
       Emmanuel - devenu roi de Sardaigne depuis 1713 se rangea parmi nos adversaires autrichiens et anglais. Son premier soin
       fut d'organiser en fortification de campagne les cols de la crête majeure des Alpes. Nice démantelée depuis 1706 étant
       indéfendable, il fit construire de vastes lignes fortifiées à l'est de Nice (il n'est pas à exclure que ce soient les vestiges de
       ces organisations qui ont fait l'objet d'un article d'Olivier Rochereau « Une ligne fortifiée au XVIIIe siècle dans le comté
       de Nice », dans Archéologia n° 105, avril 1977), avec un fort dit « fort Mathews » (à l'emplacement de l'actuelle batterie du
       mont Boron) pour couvrir la rade de Villefranche, mouillage de l'escadre anglaise assurant le ravitaillement et le soutien.
       L'armée franco-espagnole du prince de Conti attaqua ce dispositif les 19 et 20 avril 1744, et parvint non sans peine à
       forcer nos adversaires à évacuer ce camp retranché. Sans entrer dans un détail fastidieux, on peut dire que les opérations
       se poursuivirent jusqu'en 1748, avec alternance de flux et de reflux des deux camps entre Gênes et Antibes, ponctuées
       d'affaires heureuses ou malheureuses comme le coûteux échec de l'attaque de l'Assiette (19 juillet 1747), en face du Mont
       Genèvre. En 1748, le traité d'Aix-la-Chapelle ramena les choses dans la région à l'état où elles étaient au début de la
       guerre. Rien de permanent n'avait été créé comme ouvrages fortifiés, la citadelle de Villefranche et le fort du Mont Alban
       avaient même bien failli être détruits volontairement par les Français.

       Les campagnes de la Révolution et de l'Empire (1792-1815)
       La guerre de sept ans n'eut pas d'incidence directe sur les Alpes-Maritimes. C'est donc au terme d'une période de paix de
       44 ans qu'en 1792 s'ouvrit la guerre entre la République et la coalition européenne.
       Là non plus, sans entrer dans le détail de huit ans de campagnes complexes, on constate que les Alpes du Sud furent un
       théâtre d'opérations très actif: la petite ville de Sospel fut maintes fois prise et reprise, avec, bien sûr, à chaque fois, de
       multiples dommages aux personnes et aux biens.
       Les opérations firent à nouveau apparaître l'importance des vallées et des cols, mais aussi la valeur stratégique de positions
       comme l'Authion, où nos colonnes d'assaut échouèrent contre les retranchements des Austros-Sardes en juin et juillet 1793
       à Millefourches. Des points comme l'Agaisen, La Déa, le col de Brouis, le col de Rans furent mis ou remis en exergue :
       on devait les retrouver plus tard, lors du tracé des deux générations successives d'organisation défensive des frontières,
       en 1874 et en 1929.
       La paix revenue à Lunéville en 1801 consacrait en fait 1'hégémonie française en Italie et, au nord, le report de notre ligne
       de sécurité du Var sur l'Adige, face à l'Autriche. Non seulement cette période n'avait vu se créer aucune place nouvelle
       en territoire français mais la France victorieuse avait procédé à la destruction systématique des places qui nous étaient
       opposées, du côté italien des Alpes : en 1795 Suse et le puissant fort de la Brunette sont rasés, en 1797 : Exilles, en
       1800-1801 : Coni, Ceva, l'enceinte de Turin, la citadelle de Milan, Ivrée, le fort de Bard, les châteaux de Serravalle et
       d'Arona. Seule Fenestrelle échappe à ce carnage, pour le plus grand bien du patrimoine européen.
       Les choses resteront en l'état jusqu'à la chute de l'Empire: en 1814 et 1815 les opérations se dérouleront plus au nord, sur
       le Rhône et en Savoie, épargnant les Alpes-Maritimes.

       Le XIXe siècle (1815-1870)
       Après la chute de l'Empire, et sous la férule de la Sainte Alliance, les états européens vont s'ingénier pendant un demi-
       siècle à reconstituer un système défensif destiné à bloquer toute nouvelle poussée expansionniste de la France. En ce
       qui concerne les Sardes, et en plus des nouveaux forts de l'Esseillon en Haute-Maurienne, on reconstruisit entre 1820 et
       1850 le fort de Bard et Exilles sur le site primitif des ouvrages détruits. Coni et Demonte furent remplacées par la place
       nouvelle de Vinadio, sur la Stura di Demonte, qui verrouillait les débouchés du col de Larche et du col de la Lombarde.
       Fenestrelle fut améliorée et pourvue en bas d'un ouvrage d'interdiction, le fort Saint-Charles, à cheval sur la grand route
       du Mont Genèvre.
       Mais rien ne se fit dans le comté de Nice, décidément considéré comme un no man's land.

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       Après le rattachement du pays à la France, en 1860, des études sérieuses d'organisation défensive de Nice furent conduites
       sous la direction du général Frossard, une des sommités du génie de l'époque et proche de l'empereur Napoléon III.
       Dans les études fut impliqué, de 1861 à 1864, le commandant du génie Seré de Rivières qui devait être, après 1870,
       l'artisan de la réorganisation d'ensemble de notre système fortifié. On avait, à l'époque, conclu à la possibilité de défendre
       la région avec la construction d'un fort à Saorge, un ouvrage au pont Saint-Louis, trois forts autour de Nice et des « chiuses
       » défensives sur la Basse Tinée et la Basse Vésubie (rapport du 30 juin 1862 - la dépense totale était estimée à 17 millions
       pour l'ensemble de la frontière des Alpes, dont 7 pour les Alpes-Maritimes).
       Mais peut-être en raison des difficultés financières liées à la campagne du Mexique ou de celles résultant pour la
       fortification de la toute récente « crise de l'artillerie rayée » (1858) rien de fut exécuté avant 1870. Par contre, au titre de
       la défense des côtes, et par extension du programme élaboré par la commission mixte de 1841, on construisit les batteries
       de la Rascasse et du Phare, défendant la rade de Villefranche en liaison avec le front de mer de la citadelle, lui-même
       réorganisé et la batterie de Beaulieu, couvrant la rade du Saint-Hospice.

       La Troisième République (de 1870 à 1914)
       La guerre franco-allemande de 1870-71 n'affecta pas directement le sud-est de la France. Mais, bien qu'elle fut restée
       neutre, l'Italie s'éloignait insensiblement de l'alliance française de 1858. Ce n'est qu'avec bien des réticences qu'elle s'était
       acquittée de la contrepartie de notre participation déterminante à la guerre contre l'Autriche, c'est-à-dire la cession de la
       Savoie et de Nice: elle devait en revendiquer longtemps encore la restitution. De plus, la protection militaire accordée par
       Napoléon III aux états pontificaux jusqu'en 1870 avait accru les sentiments antifrançais.
       Dès 1872 est constitué par Thiers un comité de défense, regroupant sous la présidence du ministre de la Guerre les plus
       hautes instances militaires concernées, et chargé de concevoir et de diriger le programme de restructuration générale de
       notre système de défense des frontières, rendu indispensable par la crise de l'artillerie rayée et l'éventration de la frontière
       de l'est par le traité de Francfort.
       En juin 1873, le secrétariat en était confié précisément au général Seré de Rivières, précédemment de 1861 à 64 chef du
       génie à Nice, et qui fut, dans une large mesure, le maître à penser du comité. De plus, nommé le 1er février 1874 directeur
       du génie au ministère de la Guerre, il cumule alors la fonction de conception au plus haut niveau d'exécution, avec la
       gestion des fonds, situation unique dans notre histoire militaire et dont ne disposèrent ni Vauban ni, plus tard, le général
       Belhague, le maître d'œuvre de la ligne Maginot.
       Aussi, fort de cette double situation, put-il animer, de 1874 à 1880, date de son passage au cadre de réserve, soit en moins
       de six ans, l'essentiel d'une œuvre colossale représentant, pour le seul service du Génie, plus de 450 millions de francs
       de crédits.
       A la lecture des procès-verbaux des réunions du comité, et des sous-commissions qui le complètent (sous-commission
       d'implantation des ouvrages, défense des côtes, etc.) on constate que personne ne se fait la moindre illusion sur la fidélité
       de l'Italie à notre égard.
       En ce qui concerne la frontière des Alpes, le comité considère que seul Lyon constitue en cas de guerre un objectif valable
       pour l'armée italienne, avec, éventuellement en cas de succès, la possibilité de rejoindre l'armée allemande vers Lyon.
       L'Ubaye et le Queyras, objectifs secondaires, sont provisoirement classés en deuxième urgence. L'effort est appliqué
       d'abord aux nouvelles défenses de Lyon, Albertville, Chamousset, Grenoble et Briançon, le tout estimé en gros à 25
       millions, est réalisé de 1874 à 1877.
       Entre temps, l'Italie dès 1872 a créé des compagnies alpines, recrutées chez les montagnards : neuf de ces premières unités
       sont implantées le long de la frontière française. Leur nombre s'accroît sensiblement : en 1873, elles sont trente six, dont
       vingt face à la France, qu'on voit déambuler sur les crêtes frontières.
       L'occupation de la Tunisie par la France, en 1881, fait naître en Italie une tension qui va aller crescendo : les Italiens
       commencent vers 1874 la construction des forts du Mont Cenis et du col de Tende, améliorent la route de la Roya et
       entament le percement du tunnel routier de Tende qui supprimera le franchissement - difficile du seul obstacle sérieux de
       l'itinéraire stratégique Turin - Coni -Vintimille. De même ils amorcent une voie ferrée Turin-Coni qui doit être prolongée
       ultérieurement vers Breil et Vintimille d'une part, Breil et Nice d'autre part. Si les habitants des vallées des deux côtés
       réclament avec force ces travaux destinés à améliorer leur vie quotidienne, les possibilités de transport de l'armée italienne
       s'en trouveront singulièrement améliorées.
       La crise politique atteint un sommet en 1882 avec l'adhésion de l'Italie à la triple alliance, c'est-à-dire la coalition de nos
       adversaires potentiels. On ne pouvait laisser le rapport des forces se détériorer en notre défaveur : le 27 mai 1876, le
       maréchal Canrobert fait inscrire en première urgence la construction du fort du mont Leuza destiné à couvrir Nice et à
       répliquer aux revendications italiennes : mesure toute théorique car aucune suite concrète n'y est donnée.
       Ce n'est qu'à la séance du 15 avril 1882 que le comité de défense arrête le détail des organisations qui seront effectivement
       réalisées. Ce seront :
       - un fort d'arrêt isolé au Barbonnet pour interdire le col de Braus, la trouée de la Bévéra et le débouché de la route de
       Tende à Sospel
       - la création d'une place à Nice avec :
       - - à l'est, les forts de la Tête de Chien, de la Drette et de la Revère qui commandent les voies côtières et la route de La Turbie
       - - au nord, le fort du Mont Chauve d'Aspremont et ses annexes qui commandent la vallée
       - - à l'ouest, les « chiuses défensives » de Bauma Negra et Saint-Jean-la-Rivière, destinées à interdire les vallées de la
       Tinée et de la Vésubie, avec le « fort » du Picciarvet comme ouvrage de surveillance. (Ces « chiuses » sont des ouvrages

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       constituées de casemates cavernes pour canons et logement du personnel creusées dans les parois des gorges de la Tinée
       (Bauma Negra) et de la Vésubie (Saint-Jean-la-Rivière), un peu avant leur confluent avec le Var, pour interdire au niveau
       des routes toute pénétration par les vallées. Assez fréquents en Autriche et en Italie, ces deux ouvrages sont les seuls
       réalisés en France, avec, à la rigueur, l'ouvrage bas de Fort l'Ecluse.
       Le fort de la Tête de Chien était déjà en construction depuis 1879. Avec adjonction d'une casemate cuirassée Mougin pour
       canon de 155 en 1882, l'ouvrage est terminé en 1884. Tous les autres ouvrages mis en chantier en 1883 sont à peu près
       terminés en 1886, au moment précis où la « crise de l'obus torpille » vient à nouveau rompre l'équilibre précaire entre
       attaque et défense. Dans les choix faits pour parvenir à cette solution, et l'impulsion donnée à leur exécution, on doit -
       comme en Ubaye - noter l'influence discrète, mais efficace, du général du génie Alexandre Segretain, membre du comité
       des fortifications et inspecteur des XIVe et XVe corps d'armée. Le général y fait allusion dans ses mémoires « Souvenirs
       d'un officier du génie », Hachette éditeur, 1962.
       Jusque là, et depuis la crise de l'artillerie rayée (1858), les ouvrages fortifiés étaient construits en maçonnerie recouverte
       de terre, selon des critères définis dans le rapport du 9 mai 1874 et instructions de détail consécutives.
       Désormais, avec les nouveaux projectiles allongés en acier chargés à explosif chimique, dits « obus-torpilles » les fusées
       à double effet, et les gargousses en poudre sans fumée, il faudra mettre les nouveaux forts sous roc ou sous carapace de
       béton, l'artillerie devra être dispersée ou mise sous cuirassements etc. Cette transformation radicale de la fortification est
       impérative sur les frontières du nord et de l'est, où l'assaillant peut déployer facilement son artillerie lourde. C'est moins
       vrai en montagne où les positions d'artillerie lourde et les communications permettant de l'amener à pied-d’œuvre sont
       beaucoup plus rares.
       Mais, simultanément, devant le caractère aigu de la crise politique avec l'Italie, la France remanie son dispositif militaire
       et le renforce sur la frontière du sud-est. Au lieu des places lointaines comme Grenoble et Lyon, des troupes banalisées,
       non spécialisées, remontant les vallées au fur et à mesure de la fonte des neiges, et qui risquaient d'être devancées sur les
       cols et les hauts par les unités de montagne italiennes, la France s'adapte. A l'instigation de chefs de grande valeur, comme
       le général baron Berge on transforme des bataillons de chasseurs à pied - l'élite de l'infanterie - en bataillons de chasseurs
       alpins recrutés dans les Alpes, des régiments d'infanterie alpine (157e, 158e, 15ge etc.) qui associés organiquement à des
       détachements d'artillerie de montagne, portée sur mulets, et du génie constituent des « groupes alpins », interarmes et
       autonomes (1887). De proche en proche, on en vient à créer une véritable armée des Alpes - la VIIIe armée - à deux corps,
       les 14e et 15e, dont le général Berge, gouverneur militaire de Lyon sera le commandant désigné de 1889 à 93 et à qui
       succèdera son ancien chef d'état-major, le général Zédé.
       Au sommet, le conseil supérieur de la guerre rechigne à voir distraire des forces du théâtre d'opérations principal - le nord-
       est - où, en dernier ressort, se jouera la décision, au profit de ce qu'il considère comme un secteur secondaire. Un net
       conflit surgit au moment où le général Berge envisage même des projets «d'offensives limitées» visant à mettre la main,
       dès le début des hostilités, sur les cols frontières et certaines positions importantes : le général le justifie par le fait que
       c'est la meilleure façon d'attirer et de fixer des forces ennemies italiennes supérieures. Des compromis sont trouvés, non
       sans peine, dans les plans de mobilisation.
       Cette évolution amène à pousser, dès le temps de paix, notre dispositif militaire de plus en plus loin et de plus en plus haut,
       même en hiver. Tout le long de la frontière poussent bâtiments et chalets de casernements de montagne où les bataillons
       alpins tiennent garnison ou au moins maintiennent les « postes d'hiver », des détachements surveillant les cols et observant
       les moindres mouvements italiens. Dans les Alpes du Sud, ce sont les camps du Tournairet, Peïra Cava, l'Authion (Plan
       Caval, Cabanes Vieilles). Parallèlement, le réseau des routes stratégiques se développe, grâce aux travaux exécutés lors des
       « campagnes d'été » par la main-d’œuvre militaire des unités. S'y ajoutent même des téléphériques construits et exploités
       par les spécialistes du 4e régiment du génie.
       L'infrastructure défensive facteur important de l'économie des forces recherchée par l'état-major de l'armée suit cette
       évolution grâce, entre autres, à l'appui du ministre de la Guerre, M. de Freycin et au général Berge, son camarade de
       promotion de l'école Polytechnique. C'est contre l'avis du Conseil supérieur de la Guerre qu'à peine terminés les forts de
       Nice, le ministre fait fortifier le mont Agel (1888-91) dont le sommet, culminant à 1000 m environ, offrait à l'artillerie
       même de montagne mais dotée de nouveaux projectiles, des positions particulièrement dangereuses pour les forts de Nice.
       De la même façon, le ministre fait fortifier plus au nord la place de Bourg-Saint-Maurice, au débouché du col du Petit
       Saint-Bernard (forts du Truc, de Vulmis et blockhaus de la Platte). Simultanément on construit, au sommet de l'Authion,
       les redoutes de la Forca et de Millefourches (1889-91) complétés en 1898-99 par le blockhaus de la Pointe des Trois
       Communes (en béton armé) puis, en 1901, la batterie de Plan Caval : avec son réseau routier, ses casernements en dur, ses
       ouvrages, ses ressources en fourrage et en eau, la position de l'Authion, révélée par les opérations de 1793 et considérée
       comme très importante dans les premières études de 1873-74, est désormais solidement assurée.
       La ceinture de Nice est également complétée par toute une série de batteries d'intervalle (Leuziera, Mont Gros, Saint-
       Aubert, Rimiez etc. 1889-90) et l'ouvrage de Colomars, qui domine la vallée du Var. Pour donner au système une protection
       accrue contre les nouveaux obus-torpilles, on dote les forts d'abris-cavernes sous roc pour les troupes, et des magasins à
       poudre sous roc à contrepente, derrière les batteries.
       Mais la situation politique évolue : l'alliance russe se concrétise à partir de 1894 : en Italie, le ministère Crispi - notre
       principal adversaire - tombe (5 mars 1896) et le danger italien commence à être occulté par l'alerte de Fachoda (1898)
       qui finira par déboucher sur l'entente cordiale. Une des plus prestigieuses équipes de diplomates de notre histoire (Barrère
       et les frères Cambon) parvient petit à petit à doter la France de solides alliances (triple entente 1907) et à démanteler le

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       système de Bismarck : en 1902, par traité secret, l'Italie - membre de la triple alliance - s'engage à rester neutre si la France
       était attaquée par l'Allemagne, mais le fait ne sera connu qu'en 1909 par le général Brun, alors chef d'état-major général.
       L'armée des Alpes suit dans une certaine mesure l'évolution politique, du moins ce qui en est connu : dans le plan XV
       bis (1906) son effectif de guerre est encore de 230.000 hommes. Le plan XVI (1909) prévoit l'envoi des 14e et 15e corps
       d'armée dans le nord-est et, progressivement, la relève des unités d'active par des unités de réserve et de territoriale est
       prévue en cas d'hostilité de l'Italie.
       Mais on reste prudent, car des renseignements sérieux font état de la probabilité d'une offensive de six corps d'armée
       italiens, en cas d'hostilités déclarées. Aussi le plan XVII, qui sera mis en œuvre en 1914, laisse-t-il encore 130.000 hommes
       - dont 40.000 d'active, mais non compris les unités territoriales des garnisons des places et de la défense du littoral.
       Quoiqu'il en soit, on en est revenu en 1914 à la constante de notre stratégie sur le théâtre d'opérations du sud-est, depuis
       Catinat et Berwick :
       - économiser le maximum de forces au profit du corps de bataille du front du nord-est, où se jouera le sort de la guerre
       - ceci en s'appuyant sur les difficultés du terrain, valorisées par la fortification confiée à des troupes de second choix, et
       en se limitant à une attitude défensive.
       Les travaux de fortification ne cesseront pas complètement jusqu'en 1914 : entre 1897 et 1907, on aménagera des routes
       et on construira des batteries (Segra, Gargarette, Avellan, Tête de Lavina, Petit Ventabren etc.) et quatre postes (Siricoca,
       Mont Ours, Garuche, col de Segra) pour permettre à la défense mobile de combattre sur la position avancée constituée
       par la crête joignant l'arrière de l'Authion au Mont Agel par le col de Braus et dominant le fossé des vallées de la Bévéra,
       du Cairos et du Caraï.
       Vers 1913, devant l'avancement de la construction de la ligne ferroviaire Coni-Nice, il a été décidé de renforcer le fort
       du Barbonnet qui n'avait reçu, depuis son achèvement en 1886, qu'un petit magasin à poudre sous roc pour mettre ses
       munitions à l'abri des obus-torpilles (1891).
       Plusieurs projets sont élaborés par le génie, dont certaines variantes ambitieuses, avec installation d'une tourelle à éclipse
       pour canon de 155 R, 3 tourelles de mitrailleuses etc. En 1914, seules les vieilles tourelles tournantes de 155 Mougin
       avaient eu leurs substructions renforcées -sans abaissement - et un système d'étanchéïté des embrasures installé. Les
       caponnières doubles - sauf celle de gorge - avaient reçu une dalle de béton armé à la place des voûtes en maçonnerie et
       quelques guérites observatoires légères étaient posées, c'est tout.
       Mais la place de Nice comporte aussi un front de mer, et dans l'œuvre de réorganisation réalisée entre 1874 et 1914, il
       convient de ne pas oublier la composante côtière.
       Les quelques batteries construites en 1862 se trouvèrent vite surclassées par l'apparition dans les marines des grands états
       de navires cuirassés à hélice, propulsé à la vapeur et donc rapides, armés des nouveaux canons rayés, qu'on ne va pas
       tarder à placer sous tourelles cuirassées tournantes.
       Les pièces de côte armant ces batteries (canons de 30 et obusiers de 22 cm) avaient été incluses dans les programmes
       d'amélioration et renvoyées dans les arsenaux pour y être rayées, ce qui en doublait la portée utile, et leurs boulets, pleins ou
       creux remplacés par les nouveaux obus explosifs cylindro-ogivaux : il semble que l'opération n'était pas terminée en 1870.
       Mais, peu après 1870, la marine et l'armée mettent au point, chacune, de nouveaux matériels en fonte tubés et frettés, à
       chargement par la culasse, atteignant des performances très supérieures tant en portée (environ 10.000 m) qu'en puissance
       des projectiles. En outre ces pièces sont montées sur des affûts beaucoup plus élaborés à pivot antérieur ou central, dotés
       de systèmes de pointage mécaniques et de freins hydrauliques.
       Du même coup, plus n'est besoin de placer les batteries au plus près du rivage, en des points souvent d'accès difficile, qu'il
       faut occuper en permanence, ravitailler et entretenir à grands frais. Désormais, quelques batteries armées des nouveaux
       matériels, placées sur des points hauts couvrent beaucoup mieux les zones sensibles, avec toutes les facilités offertes par
       l'altitude pour l'observation, la conduite du tir et l'allonge de portée résultant de la différence du site.
       De la sorte, on construit en 1886-88 les batteries du Mont Boron et du Cap Ferrat (ou Canferrat) chacune armée de 6
       pièces de 24 cm à pivot central battant les rades de Villefranche et du Saint-Hospice.
       S'y ajoute, de 1889 à 92, la batterie du cimetière russe (4 pièces de 240 mm mle 1884) qui couvre la baie des Anges et
       l'embouchure du Var. Ces « piliers » sont complétés par la batterie annexe du fort de la Tête de Chien (4 x 95 mm de
       campagne) puis (1895-96) par quelques batteries de 95 mm G mle 1888 à tir rapide destinées à lutter contre les torpilleurs
       et les embarcations de débarquement.
       Les batteries principales sont de véritables forts à crête unique, conformes aux dispositions du rapport du 9 mai 1874,
       avec casernes casematées et fossés flanqués, comme leurs homologues des fronts de terre.
       Les anciennes batteries de 1862 prévues pour être déclassées restèrent provisoirement armées jusqu'à l'entrée en service
       des nouvelles. Elles furent alors désarmées et déclassées, puis aliénées.
       De fait, à la mobilisation de 1914, le 14e corps d'armée partira sur les Vosges pour entrer dans la constitution de la 1ère
       armée (Dubail), les 15e et 16e en Lorraine pour former la 2e armée (Castelnau). Le 4 août, l'Italie s'étant déclarée neutre
       dans le conflit, l'armée des Alpes sera dissoute le 17 août, et ses divisions de réserve envoyées sur la ligne de feu.
       Quant aux batteries de côte du front de mer, prises en charge par l'armée vers 1900, puis repassées à la marine à la fin
       de la grande guerre, elles avaient perdu beaucoup de leur utilité en 1914, à partir du moment où la coalition des flottes
       françaises et anglaises nous assurait la suprématie navale, au moins en surface.
       Aussi, commença-t-on, dès l'automne 1914, à enlever personnel et matériel pour constituer l'artillerie lourde que
       réclamaient désespérément nos soldats immobilisés par la guerre de tranchées pour répondre à l'artillerie lourde allemande
       et écraser les organisations ennemies avant les attaques. Les matériels des places et des côtes, joints aux tubes de marine

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       récupérés sur les navires retirés du service permirent de combler cette lacune. Mais pour construire les affûts - en particulier
       pour l'A.L.V.F. il fallut un an et demi de délai pendant lesquels nous subîmes de lourdes pertes.

       D'une guerre à l'autre (1918-1940)
       Au sortir de la grande guerre, l'Italie est affectée par les pertes de trois ans de campagne, appauvrie et déçue par les
       faibles avantages retirés aux traités de paix. A tort ou à raison, elle tourne son ressentiment vers la France, tandis que la
       situation économique et sociale amène la formation du fascisme. Mussolini accède au pouvoir en 1922 et aussitôt se lance
       bruyamment dans une série de revendications territoriales : la tension franco-italienne renaît.
       De son côté la France réorganise son dispositif militaire sur les bases du temps de paix. Au fur et à mesure du retour des
       unités détachées à l'extérieur les garnisons des Alpes se repeuplent : nos ouvrages fortifiés de 1914 sont pratiquement à
       l'abandon depuis 10 ans.
       Mais, compte tenu des incertitudes de l'avenir - du côté de l'Allemagne en particulier - du nouveau tracé de la frontière du
       nord-est issu du traité de Versailles, et des enseignements de la guerre il apparaît qu'une nouvelle réorganisation de notre
       système fortifié s'impose et le principe en avait été posé dès avant l'armistice du 11 Novembre.
       Les études piétinent jusqu'en 1926, et c'est finalement la Commission de défense des frontières (C.D.F.) présidée par le
       général Guillaumat qui en fixe le tracé dans un monumental rapport au ministre daté du 6 novembre 1926. Ce document
       inclut, bien sûr, le Sud-Est, mais n'y consacre qu'un chapitre d'orientation générale, en attendant un travail plus approfondi.
       Celui-ci débouchera le 12 février 1929 sur un programme détaillé, véritable schéma directeur de la fortification du sud-
       est, approuvé un mois plus tard par le ministre Painlevé.
       Ce schéma, contrairement aux idées du général Degoutte, commandant désigné de l'armée des Alpes et partisan de petits
       ouvrages nombreux et sommaires, prévoyait la constitution d'une position principale de résistance étayée de 103
       ouvrages ultra modernes, dont 75 nouveaux. Limitée à des tronçons barrant simplement les trouées et s'appuyant
       latéralement aux zones infranchissables, dans toute la partie nord, la fortification devenait continue dans les Alpes-
       Maritimes, entre le mont Mounier et la mer, en raison de l'altitude moindre et de la plus grande perméabilité. La dépense
       en était estimée à 700 millions de travaux échelonnés sur dix ans.
       Entre temps, les rodomontades de Mussolini et la dégradation de nos relations avec l'Italie conduisirent à arrêter le 31 août
       1927 un premier « programme restreint de défense de Nice » - partie intégrante du schéma d'ensemble - et comprenant le
       barrage des principales voies d'accès à Nice (Tinée, Vésubie, trouée de Sospel et corniches) par la construction d'ouvrages
       à Rimplas et Flaut, et la réactivation du Barbonnet et du mont Agel. De fait, l'ouvrage de Rimplas fut effectivement mis
       en chantier en août 1928 - premier de ce qu'on appellera la « ligne Maginot » - acte d'ailleurs purement politique car rien
       n'étant étudié, on ignorait ce qu'on allait mettre au bout des galeries dont on commençait le creusement.
       Les propositions de la Commission de défense de 1926 ayant été approuvées, on avait créé, en 1927, la « Commission
       d'organisation des régions fortifiée » (C.O.R.F.) présidée par l'Inspecteur général du génie et qui devait être le maître-
       d'œuvre du nouveau système. La situation économique du pays s'améliorant, restait à demander les crédits au Parlement :
       après des coupes sombres dans les prévisions qui lui avaient été présentées, le ministre André Maginot qui avait succédé
       en novembre 1929 à Painlevé, faisait voter le 14 janvier 1930 la loi-programme accordant 2 milliards 900 millions pour
       la réalisation des « nouvelles fortifications ».
       Sur cette somme, 204 millions seulement étaient consacrés au « programme restreint » de la frontière du sud-est. Le
       général Belhague, président de la C.O.R.F., fit bien comprendre qu'une telle somme était insuffisante et que la sécurité
       de la frontière ne pouvait être garantie. Saisi de l'affaire, le maréchal Pétain intervint et, après une visite des lieux en
       mai 1930, parvint à obtenir une rallonge portant les crédits à 362 millions pour la première urgence (1930-35) au lieu
       des 404 escomptés. Finalement, en procédant à un certain nombre d'ajournements (ouvrage de l'Arboin), en obtenant
       la participation de la main-d'oeuvre militaire pour la construction de quelques ouvrages moins importants, le général
       Belhague put proposer en décembre 1930 un programme cohérent, offrant une sécurité minimale. Le programme approuvé
       par D.M. 214-3/11.1 du 26 janvier 1931, les travaux purent démarrer en 1931, mais on avait déjà perdu une année.
       Jusqu'ici, on ne s'était préoccupé que des ouvrages modernes, à établir selon les normes de la C.O.R.F. et dotés d'un
       armement spécifique à grand rendement et de tous les perfectionnements techniques. Ces ouvrages devaient jalonner une
       ligne relativement en retrait de la frontière tant pour des raisons tactiques que politiques.
       Le général Degoutte, dont les idées avaient été jusque là écartées, finit cependant par obtenir la création, en avant
       de la ligne principale de résistance, de 24 ouvrages d'avant-postes (15 dans le 14e RM., 9 en 15e R.M.) plus petits,
       beaucoup plus sommaires, mais qui, sur des points sensibles de la frontière, pourraient constituer des sonnettes
       avancées. Ils devaient, eux aussi, être construits par main-d'œuvre militaire, sur crédits «instruction» (en dehors du «
       compte spécial » géré par la C.O.RF.) et être capables d'une résistance limitée en cas d'encerclement, sans pour autant
       constituer une ligne continue. Ils devaient jouer un rôle très important dans les combats de 1940.
       Bien entendu, une entreprise de cette importance, échelonnée sur une telle durée, devait subir tout au long de son exécution
       des variations. Les dépassements de dépense apparus très tôt, des difficultés imprévues de tous ordres, des ajustements
       amenèrent d'autres ajournements (bloc d'artillerie sud du Monte Grosso). Le plus grave fut la décision prise par le
       gouvernement Laval d'arrêter les travaux en août 1935 officiellement sous prétexte d'une amélioration de nos relations
       avec l'Italie, mais aussi en partie pour des motifs d'économies : ce furent, en fait, près de deux années perdues pour des
       chantiers déjà en retard. L'embellie, d'ailleurs, ne dura pas.
       La C.O.RF., garante de l'homogénéïté et du suivi de l'œuvre, fut dissoute à la fin de 1935 et les travaux passèrent sous la
       direction des régions militaires. Cette décision n'eut pas, dans le Sud-Est, de conséquence fâcheuse, en raison de la haute

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Ensemble fortifié : secteur fortifié des Alpes-Maritimes - Inventaire Général du ... Ensemble fortifié : secteur fortifié des Alpes-Maritimes - Inventaire Général du ...
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