Est-elle malade ? De quoi l'Alsace - CUEJ.info
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Trimestriel - Centre universitaire d’enseignement du journalisme - N˚ ISSN 0996-9624 - 3 € Décembre 2017 > n° 121 De quoi l’Alsace est-elle malade ? Diabète, obésité, maladie de Lyme… la région souffre de son alimentation et de son environnement, mais innove pour se soigner.
Maux d’Alsace A h, l’Alsace, sa chou- chauffage à fond. L’industrie et donner leur avis sur cette patho- croute, son munster l’agriculture s’y portent bien. Ses logie complexe. et ses knacks. Une ali- poumons, beaucoup moins. L’Alsacien a beaucoup à craindre mentation aussi pau- La topographie, une vallée en- pour sa santé mais, par chance, vre en légumes que riche en ca- tre deux chaînes de montagnes il est mieux loti que les Fran- lories. Un régime à faire défaillir et exempte de vent, aggrave la çais de l’intérieur. Les médecins un nutritionniste mais qui, pour situation : la pollution stagne, sont nombreux et sa région est les Alsaciens, rime surtout avec pénètre dans le corps et engen- bien équipée en lits d’hôpitaux. ennuis de santé. La note peut dre des retombées néfastes sur Les organismes de santé et des être salée : obésité et diabète, les la santé. médecins alsaciens ont pris la deux fléaux locaux. La génétique L’Alsacien est maintenant affolé, mesure des problèmes de santé. et le manque d’activité sportive il a besoin de prendre un peu Applications de télé-médecine pèsent aussi dans la balance. l’air en forêt pour se ressourcer. et programme de sport sur or- Mais les soucis de l’Alsacien ne Gare à lui, des tiques porteuses donnance, nés dans la plaine du s’arrêtent pas à son assiette. Sa de la maladie de Lyme l’y atten- Rhin, ont franchi la frontière des région est au cœur du trafic rou- dent. Et à la sortie du bois, il y a Vosges pour soigner tout l’Hexa- tier européen. Les hivers y sont trouvera pléthore de spécialistes gone. rudes et lui font pousser son et pseudo-spécialistes prompts à Margaux Tertre Une infirmière de l’unité neurovasculaire de l’hôpital de Hautepierre | Photo : Sophie Motte/CUEJ NEWS D'ILL Centre universitaire DIRECTRICE DE RÉDACTRICE EN RÉALISATION d’enseignement LA PUBLICATION CHEF Aurélia Abdelbost, Paul Boulben, Kévin Brancaleoni, Pierre-Olivier Chaput, du journalisme (CUEJ), Nicole Gauthier Margaux Tertre Baptiste Decharme, Marine Ernoult, Franziska Gromann, Victor Guillaud- Université de Strasbourg. ICONOGRAPHE Lucet, Pablo Guimbretiere, Timothée Loubière, Tanguy Lyonnet, Anne Mellier, 11 rue du Maréchal-Juin ENCADREMENT Baptiste Decharme Ferdinand Moeck, Sophie Motte, Clément Nicolas, Victor Noiret, Thomas CS 10068 67046 Strasbourg Quentin Descamps, CHEF D’EDITION Porcheron, Eddie Rabeyrin, Laurent Rigaux, Léa Schneider, Clara Surges, Tél : 03 68 85 83 00 Nicole Gauthier, Kévin Brancaleoni Margaux Tertre cuej.unistra.fr Daniel Muller, INFOGRAPHIE PHOTO DE UNE www.cuej.info Stéphanie Peurière Baptiste Decharme Baptiste Decharme 2 < NEWS D’ILL n° 121 - DÉCEMBRE 2017
Patrick Colin souffre des symptômes de la maladie de Lyme depuis 20 ans. Une affection dont le caractère chronique est sujet à une féroce controverse. | Photo Laurent Rigaux Carnet de santé 14 Régime chirurgical 6 L’addition salée du diabète 8 « La pandémie devrait se terminer en 2045 » 9 Les travailleurs sociaux, psy malgré eux 10 « L’hôpital c’était facile, mais c’était pas la vie » 11 L’arrêt maladie à fond la forme 12 La thérapie par l’effort 13 Le débat des tiques 14 Le parasite, le cerf et le loup 15 Les zones grises de la pollution 16 A vélo entre les particules 17 Parcours de soin, parcours d’obstacles 18 La naissance comme à la maison 20 Nos très chères lunettes 22 France - Allemagne : système non-complémentaire 24 De la médecine en tablette 25 Á la point du combat contre la douleur 26 Le marathon de la prévention 27 NEWS D’ILL n° 121 - DÉCEMBRE 2017 > 3
Carnet de santé Les pathologies alsaciennes 22 049 personnes 228 hommes souffrent de la maladie et 98 femmes d'Alzheimer. pour 100 000 pris en charge pour un cancer du poumon ou de 766 la trachée en 2014. France : 208 et 87 personnes par an sont mortes d'un AVC en moyenne entre 2011 et 2013. 1 699 femmes pour 100 000 sont prises en charge pour un cancer 3 917 du sein en 2014. personnes par an France : 1630 sont mortes d'une maladie cardio- 466 hommes neurovasculaire, et 298 femmes en moyenne entre pour 100 000 sont 2011 et 2013. pris en charge pour un cancer du côlon ou du rectum en 2014. France : 411 et 286 200 000 diabétiques en 2016. 300 000 personnes en surpoids en 2012. 1 614 hommes pour 100 000 sont pris en charge pour un cancer de la prostate en 2014. Sources : France : 1363 Schéma régional de santé 2018-2027 de l’Agence régiona- le de santé (2017), enquête OpEpi-Roche (2012), Centre européen d’étude du diabète (2016). 4 < NEWS D’ILL n° 121 - DÉCEMBRE 2017
L es chiffres parlent d’eux-mê- mes. Que ce soit à cause de la nourriture, de la génétique, Reste à charge pour le patient de la pollution ou de la précari- té, en Alsace, on a plus de risque d’être atteint par une pathologie grave. Le cancer, les accidents vasculaires cérébraux, l’obésité et le diabète touchent plus la ré- gion que le reste de la France. Pour autant, les Alsaciens sont 184 € |167 € 797 € | 856 € 71 € | 55 € bien pris en charge. La densité paire de lunettes prothèse auditive prothèse dentaire médicale demeure très bonne, notamment dans des spécia- Bas-Rhin | France lités qui, ailleurs, sont moins 2014 présentes. C’est au moins le cas du Bas-Rhin. A contrario, dans le même département, les hôpitaux souffrent de la den- sité de population et offrent un Nombre de lits pour 100 000 habitants nombre de lits en-dessous de la moyenne nationale, ce qui n’est pas le cas du Haut-Rhin. Baptiste Decharme Sources : 158 151 164 Mutualité française - Observatoire Place de la Santé (2017), Ministère de la Santé (2015) France Bas-Rhin Haut-Rhin Densité médicale pour 100 000 habitants Généralistes Pédiatres Cardiologues Ophtalmologues Dermatologues Psychiatres Bas-Rhin 171 82 13 10 7 25 Haut-Rhin 140 53 11 8 5 17 France 154 65 10 9 6 23 NEWS D’ILL n° 121 - DÉCEMBRE 2017 > 5
Régime chirurgical Les opérations sont de plus en plus plébiscitées, en dernier recours, pour soigner l’obésité morbide. J e l’ai quand même pas possible de maigrir. » Ce soir- oubliée ? » Martine Munch là, elle accueille une quinzaine ne tient pas en place. Elle de personnes, presque exclu- remue dans son sac des sivement des femmes, au res- dossiers en pagaille. « Ah, elle taurant. Elle se lève, salue la est là ! » D’un grand geste, elle gaillarde de plus de 1,80 m qui sort une photo plastifiée d’une vient de rentrer et s’exclame : femme obèse au regard inquiet. « Alors, bientôt le grand jour ? » C’est elle, en 1998, juste avant Laurence Estienne, 39 ans, doit son opération. Elle pèse alors être opérée en décembre. Ce 157 kg. Aujourd’hui, à 58 ans, n’est pas la première fois : elle elle en fait le bilan : « J’ai perdu s’est déjà fait poser un anneau 250 kg dans ma vie. » gastrique en 2004, mais a dû le En Alsace, 40 000 personnes ont faire retirer trois ans plus tard une espérance de vie réduite à après des complications. Cette cause de l’obésité. En vingt ans, fois, ce sera un bypass, une opé- le nombre d’obèses a quadruplé ration qui consiste à réduire le dans l’ensemble de volume de l’estomac l’Hexagone. La faute « J’ai enchaîné une vingtaine et à le court-circui- à une alimentation de régimes, hyper-protéinés, ter. Contrairement déséquilibrée et une hypo-protéinés, hypo- à l’anneau, le bypass sédentarité grandis- caloriques, rien n’a marché » n’occasionne aucune sante. Pire, la maladie gêne et les reprises tue 55 000 Français chaque an- de poids à terme sont faibles. née, quand elle ne provoque pas Aujourd’hui, Laurence Estiennes diabète, hypertension artérielle, pèse 176 kg. « Et encore, il y a arthrose ou dépression. Dans ce quelques mois, j’en faisais vingt de contexte, la chirurgie de l’obé- plus ! », précise-t-elle. Derrière sité s’est fait une place de choix. son attitude joviale et décom- En 2015, 1 200 personnes ont choisi de se faire opérer dans la personnes 55 000 plexée transparaît l’éreintement d’une lutte acharnée, cruelle. région. meurent chaque « J’ai enchaîné une vingtaine de Avec son association Stop (Suivi année en France régimes, hyper-protéinés, hypo- et techniques contre l’obésité des affections protéinés, hypo-caloriques, rien pour la vie), Martine Munch liées à l’obésité. n’a marché », soupire-t-elle. Son réunit des personnes ayant subi poids lui ronge la santé. Début une intervention et d’autres qui 2016, elle fait un AVC et en ré- désirent y recourir. Elle espère chappe de justesse. « L’opération ainsi convaincre ceux qui n’ont est une question de survie », juge- pas encore franchi le pas : « Le t-elle. Selon une étude publiée en groupe motive, on voit qu’il est 2006 par le New England Journal Prévenir l’obésité dès l’enfance L a Prise en charge coordonnée des enfants obèses et en surpoids de Strasbourg (Precoss) a été étendue en 2016 à toute la ville, après une dès le plus jeune âge. Depuis 2014, 360 enfants ont été pris en charge. Parmi eux, 80% ont stabilisé ou baissé leur courbe de poids. Les quartiers populaires expérimentation de deux ans dans les quartiers concentrent toujours l’attention des autorités. Dans populaires. Le dispositif permet de coordonner le Neuhof-Meinau, à Cronenbourg et à l’Elsau, près les professionnels intervenant auprès de l’enfant : d’un anfant sur trois est en surpoids au CE2. Un psychologue, diététicien, généraliste, enseignants, etc. chiffre deux fois supérieur à celui du centre-ville, de Le but : changer les comportements liés au surpoids l’Orangerie ou de la Robertsau.
of Medicine, la chirurgie bariatri- À gauche, rence entre son poids actuel et que permettrait de baisser le taux Martine Munch, son poids idéal est de 60 kg. C’est de mortalité de 30 à 50%. fondatrice d’une le poids excessif. Au mieux, elle association Mais ce soir, l’heure est à la dé- d’aide aux perdra grâce à la chirurgie deux tente. « Je prends des frites tant personnes tiers de ce poids excessif, donc que je peux, c’est mon dernier re- obèses, et 40 kg. Elle pèsera 80 kg. pas de condamnée », lance Lau- à droite Philippe Keller, rence Estienne, hilare. Les rires chirgurgien L'obèse, objet marketing emplissent le restaurant et font à Colmar, Dans la salle, plusieurs femmes oublier un instant les soucis. expliquent ont déjà subi des interventions, Martine Munch se présente aux les étapes dont certaines ont échoué, voire nouvelles venues, montre son préalables à carrément raté et causé de gra- une éventuelle anneau gastrique précieusement opération ves dommages. Jackie Bissel, conservé dans un bocal. « Mar- chirurgicale, lors résidente de Chatenois, près de tine, t’exagères, on va manger ! », d’une réunion Sélestat, raconte son calvaire. lance une des convives. d’information le En 2007, son anneau gastrique 23 novembre. Les conditions pour accéder à la se brise. Elle doit être opérée chirurgie de l’obésité sont stric- Photo : Thomas d’urgence. Pendant l’interven- tes. L’indice de masse corporelle Porcheron/CUEJ tion, une partie de l’anneau se doit être supérieur à 40, ou à 35 retrouve dans l’estomac. « Je ne s’il existe des facteurs de comor- sais pas ce qu’il s’est passé, mais bidité (diabète, maladies cardio- je me suis réveillée avec un bras vasculaires, etc.). Le patient doit paralysé », se rappelle-t-elle. avoir tenté tous les traitements Elle a perdu 20% de mobilité et possibles, à commencer par le marche aujourd’hui encore avec régime. Surtout, il doit être ca- une canne. Elle accuse son an- pable de suivre un programme cien chirurgien d’une course au nutritionnel avant et après profit. « L’obèse est un objet de l’opération. Au préalable, il doit marketing, lâche le Dr Keller. Du passer une batterie d’examens jour au lendemain, beaucoup de soumis à l’appréciation de la Sé- chirurgiens ont relancé leur car- curité sociale. C’est seulement rière. » Pour lutter contre les après son accord que l’opération abus, le ministère de la Santé a est envisagée. publié neuf recommandations de bonnes pratiques de chirurgie « Maigrir est un effort » bariatrique que tout spécialiste Lors d’une réunion d’informa- se doit d’appliquer. tion à l’hôpital Pasteur de Col- Malgré les abus, les opérations mar, fin novembre, le docteur restent sûres, selon Philippe Kel- Philippe Keller, chef du service ler. « Nous avons beaucoup pro- de chirurgie digestive, souligne gressé en vingt ans. On propose la nécessité de maigrir avant l’in- des techniques complexes qui ne tervention. Un homme tique : représentent quasiment aucun « Je ne peux pas, c’est bien pour ça danger. » Les cas de mortalité que je viens ! » Le spécialiste sou- sont extrêmement rares, de l’or- rit et rétorque froidement : « Si dre de 0,5% environ. À Colmar, vous n’êtes pas capable de perdre 10 kg par vous-même, je ne vous Anneau aucun décès n’a jamais été enre- gistré. Mais le chirurgien pointe opère pas. » Silence dans la salle. gastrique les limites : « Si la prévention ne « Maigrir est un effort. L’opération Technique de marche pas, l’obésité continuera va vous y aider, mais si vous ne chirurgie, qui d’avancer. » consiste à poser faites rien pour perdre du poids, un anneau entre La réunion terminée, Martine elle ne servira à rien », ajoute le l’œsophage et Munch range les chaises. En praticien. l’estomac pour décembre, elle animera des Sous l’œil avisé de Martine restreindre rencontres en Lorraine. « J’ai Munch, il poursuit ses mises en la quantité envie de donner à ces gens l’ac- garde : « La chirurgie de l’obésité d’aliments qui compagnement que je n’ai pas n’est pas une chirurgie esthétique. pénètre dans eu il y a vingt ans. Ils ont besoin l’estomac. Elle On ne vous fera pas de taille de est de moins en d’un groupe pour se lancer. » Et guêpe. » Prenons une femme de moins utilisée, également pour atterrir, après 120 kg, dont le poids idéal se au profit du l’opération. situe autour de 60 kg. La diffé- bypass. Thomas Porcheron
Test de glycémie organisé lors de la Quinzaine du diabète à Mulhouse. | Photo : Victor Guillaud-Lucet/CUEJ L’addition salée du diabète La pathologie touche 200 000 Alsaciens. Elle pèse sur les finances de l’Assurance maladie régionale qui met en place des actions de prévention. E n France, le diabète est un sujet prioritaire rard, chargée de mission à la CPAM du Bas-Rhin. mais il ne bénéficie pas du statut de priorité de De 5% à 10% des dépenses de l’assurance maladie santé publique. Il n’a pas l’image d’une maladie sont liées au diabète, un chiffre qui pourrait passer grave et donc n’en tire pas les bénéfices », souligne à 16% en 2035. Car c’est une pathologie dont on ne Michel Pinget, président et directeur exécutif du se débarrasse pas. Centre européen d’étude du diabète. Pourtant, la 500 000 maladie a incroyablement progressé ces dernières décennies, passant de 800 000 cas en 1980 à 4 mil- à 800 000 « Il faut faire le deuil de sa bonne santé » L’organisme du diabétique est en incapacité d’as- lions aujourd’hui. diabétiques similer et de stocker correctement le sucre. Le s’ignorent Dans le Grand Est, deuxième région la plus tou- en France. taux de glucose dans le sang y est supérieur à la chée par le diabète, prévenir et limiter les compli- normale, il s’agit de l’hyper-glycémie. Les mala- cations fait partie des axes territoriaux définis par des sont le plus souvent soumis à des injections l’Agence régionale de santé (ARS). Pour la Caisse d’insuline à vie, une hormone qui régule le taux primaire d’assurance maladie (CPAM), cette pa- de glucose dans le sang. « Il faut faire le deuil de sa thologie représente avant tout « un enjeu économi- bonne santé, c’est aussi dur que si l’on avait perdu que majeur », comme le fait remarquer Aurélie Gé- quelqu’un », souligne Claudine Weigel, infirmiè- 8 < NEWS D’ILL n° 121 - DÉCEMBRE 2017
Le professeur Michel Pinget revient notamment sur la particularité génétique des Alsaciens : « La pandémie devrait se terminer en 2045 » M ichel Pinget est président et directeur du Centre européen d’étude du diabète, à déjà dû repousser cette date, ini- tialement prévue en 2025. Strasbourg. Pourquoi les personnes précaires sont plus touchées ? Pourquoi l’Alsace est-elle plus La population vieillit, le poids des touchée par le diabète ? personnes augmente, on mange Dans les régions les plus tou- moins bien, on est plus sédentaire chées, comme dans le Nord-Pas- et l’urbanisation favorise le stress. de-Calais ou en Alsace, les plats Autant de facteurs qui amènent à sont riches en sel, en charcuterie l’obésité et donc au diabète. Mais, DR et en fromage. Alors que dans le partout dans le monde, c’est la ma- Sud-Ouest, l’alimentation à base emmagasinent de la nourriture ladie de la précarité et non pas de de poisson est moins salée. Cela et mangent plus que nécessaire. l’abondance. Les précaires man- s’explique aussi par l’histoire de On remarque qu’il y a plus de gent moins bien, c’est vrai, mais France. Le diabète est la ma- ladie de ceux qui souffrent ou pratiques religieuses festives en Alsace qu’ailleurs, en réaction 1/4 c’est à relativiser. Les personnes touchées par le diabète ne sont ont souffert. Suédois, Polonais, à la souffrance qui a été traver- des personnes pas « coupables de mal-bouffe », Allemands, l’Alsace est passée sée, même si elle est de moins en de plus ce n’est pas intentionnel. Et le de 75 ans ont d’une invasion à une autre. Pour moins présente. le diabète. changement de mode de vie a été limiter les dépenses d’énergie et plus brutal pour les précaires que stocker plus facilement lors de Le nombre de diabétiques va- pour les personnes d’un niveau grandes famines, l’organisme t-il continuer d’augmenter ? social élevé. En outre, les précai- s’adapte. Ce qui fait que des an- Tout doucement, nos gènes vont res consultent aussi beaucoup nées plus tard, alors même que se réadapter et seront plus en har- moins le médecin. Comme pour nous vivons dans l’abondance et monie avec notre environnement le cancer du sein, ils se soumet- de façon sédentaire, l’organisme actuel. Le nombre de diabétiques tent moins au dépistage, ce qui fait stocke beaucoup plus. Un der- devrait donc finir par diminuer. qu’ils sont plus gravement atteints nier facteur est le comportement La pandémie de diabète, qui a et souffrent de complications. social de sortie de crise. Les commencé en 1975, devrait se Recueilli par personnes habituées à la survie terminer en 2045, même si on a Aurélia Abdelbost re et coordinatrice du Réseau sud santé Alsace. flambée des coûts liés au diabète, l’accent est mis Daniel Rémy, président de l’association des dia- sur la prévention. bétiques du Haut-Rhin, en convient : « Les gens L’Assurance maladie, associée à l’ARS, a pour qui viennent me voir sont perdus. C’est un coup de projet de lancer le programme « Dire non au dia- massue pour certaines personnes. » bète », dans le Bas-Rhin, en Seine-Saint-Denis et Si la glycémie n’est pas régulée par des traite- à la Réunion, à la fin du premier trimestre 2018. ments, les nerfs et les vaisseaux Cette expérimentation, prévue sur sanguins peuvent être endommagés « Il faut sortir de cinq années, a pour « objectif de et cela peut engendrer des compli- l’image du malade rassembler un échantillon de 3 200 cations. Le diabète est la première coupable » personnes pré-diabétiques qui ont 90% des diabétiques cause d’amputation, hors accidents, entre 45 et 70 ans et de leur proposer sont atteints et de cécité chez l’adulte. Toutefois, comme le un suivi afin de changer leurs habitudes de vie, pour de diabète met en avant Daniel Rémy, tant que les compli- voir s’il est possible d’éviter qu’elles développent la de type 2, cations n’apparaissent pas, « le diabète est une maladie », indique Aurélie Gérard. L’idée est éga- principalement maladie silencieuse ». lement d’inclure les médecins traitants et de les lié à une sensibiliser. mauvaise alimentation. Anticiper la maladie et proposer un suivi Même si les actions de prévention se multiplient, le Il est donc important de sensibiliser le grand pu- nombre de diabétiques continue d’augmenter. « Il faut blic, comme lors de la Quinzaine du diabète, à sortir de l’image du malade coupable ou responsable, Mulhouse, organisée en novembre. Car un dia- un effort d’information est encore nécessaire », déplore bétique peut attendre jusqu’à une décennie avant le professeur Pinget, qui insiste sur la difficulté de d’être diagnostiqué : il est souvent trop tard. « Les trouver un représentant pour défendre la cause des hospitalisations représentent le premier poste de diabétiques. dépenses », note Aurélie Gérard. Afin d’éviter la A.A. NEWS D’ILL n° 121 - DÉCEMBRE 2017 > 9
Les travailleurs sociaux, psy malgré eux Dans les hôpitaux psychiatriques, on ferme des lits. De la prise en charge des malades à la formation du personnel médico-social, tout reste à construire. E xternaliser, le mot est lier est un vœu pieux. On met la Aux yeux de Magali de Haas et fort mais c’est bien l’al- charrue avant les bœufs », dénon- Patrizia Gubiani-Banholzer, le ternative proposée à la ce Fabrice Durain, syndicaliste monde de la santé mentale est psychiatrie pour qu’elle CGT à l’hôpital de jour d’Erstein. « imperméable » pour l’une, « un remplisse sa mission médicale. Soumis à des impératifs de ren- maquis », s’alarme l’autre, qui Externaliser, en sortant les ma- tabilité, les HP raccourcissent les craint de « jouer aux apprentis lades mentaux des asiles et en les temps d’hospitalisation. Les ma- sorciers ». renvoyant vers d’autres structu- lades se retrouvent, selon le syn- Face à ces difficultés, des asso- res pour se concentrer sur les dicaliste, « dans la rue, pas encore ciations défrichent le terrain et cas les plus graves. En vingt ans, 50 000 lits d’hospitalisation ont 18% stabilisés, sans savoir où aller. Ils décompensent(1) à nouveau et sont tentent de coordonner l’ensem- ble des acteurs gravitant autour été fermés en France. des lits seront renvoyés à l’hôpital. » des maladies psychiatriques, L’Alsace est particulièrement ap- supprimés à l’image de Croix-Marine à d’ici à 2019 pliquée dans cette réduction de à l’hôpital « Isolement, précarité, Mulhouse. Pour sa directrice, voilure, avec un nombre de lits de Rouffach. vieillissement » Françoise Martinez, tout reste inférieur à la moyenne nationale. Dans ce contexte, d’autres orga- une question de personne : « Ça Le personnel médical des hôpi- nismes sont amenés, malgré eux, fonctionne très bien quand les taux psychiatriques (HP) alsa- à prendre en charge des person- gens se connaissent sur le terrain. ciens reconnaît l’effet néfaste et nes non stabilisées ou hors des Si les équipes changent, tout s’ef- désocialisant de la mise à l’écart radars psychiatriques. Tels les fondre. » Progressivement, des des patients. « C’est un trauma- centres médico-sociaux (CMS). partenariats se mettent en place tisme qu’il vaut mieux éviter », Que ce soit à Strasbourg ou et apportent un appui technique observe Véronique Gwinner, Mulhouse, les tra- aux travailleurs cadre à l’hôpital de Rouffach, où vailleurs sociaux « Le développement sociaux. Les CMS 60 lits sur 331 doivent être sup- ont le sentiment de l’extra-hospitalier mulhousiens tra- primés d’ici à 2019. d’être de plus en est un vœu pieux » vaillent avec des plus confrontés psychologues de Les CMP surchargés à des usagers souffrant de trou- Rouffach. À Strasbourg, des in- Ce mouvement, s’il tend à dés- bles psychiatriques. Ils « sont en firmiers psy de l’HP de Brumath tigmatiser la maladie mentale et première ligne et manquent de interviennent dans les CMS de à réinscrire les malades dans la recul. Ils n’ont pas les outils pour Cronenbourg et Port du Rhin. vie sociale, a ses effets pervers. faire face », souligne Patrizia Gu- « Une première, vante Pierre Buc- La fermeture de lits n’est pas tou- biani-Banholzer, cheffe de ser- kel, coordonnateur du Conseil jours compensée par l’ouverture de structures extra-hospitalières 85 000 vice au CMS Mulhouse Est. Tel local de santé mentale de l’Euro- usager est spécial, tel autre n’est métropole. La psychiatrie doit patients suivis pour accueillir les malades au en affection pas clair ou particulier, Magali être au cœur des quartiers et ne quotidien. Centres médicaux- longue durée de Haas, responsable du CMS de pas rester cloisonnée. » psychologiques (CMP) et hô- en 2015 dans Cronenbourg, entend réguliè- Fluidifier les relations entre psy- pitaux de jour sont surchargés. le Grand-Est. rement ces expressions dans la chiatrie et médico-social, c’est Quentin, 25 ans, souffre de trou- bouche d’assistantes sociales dé- l’un des enjeux de la loi du 26 bles de l’identité et d’instabilité semparées. « Isolement, précarité, janvier 2016 de modernisation du affective. Il confie : « J’ai pris ren- vieillissement », de nombreux système de santé. Le texte prévoit dez-vous avec un psychiatre au facteurs peuvent, d’après elle, ex- l’adoption d’un projet territorial CMP de la Robertsau. Il n’y a pas pliquer la survenance d’affections de santé mentale d’ici à 2020, afin de place avant janvier. » mentales. Les CMS « ne doivent de remettre à plat l’organisation Ce manque d’investissement dans pas aller trop vite en besogne et des soins psychiatriques. les structures censées prendre le mettre une étiquette psychiatrique Marine Ernoult relais des HP crée des ruptures de sur tous les problèmes sociaux », soins pour certains malades. « Le met en garde Thierry Russel, 1 Dégradation souvent brutale de développement de l’extra-hospita- psychiatre libéral à Mulhouse. l’état d’un malade psychiatrique. 10 < N E W S D’ILL n° 121 - DÉCEMBRE 2017
par la loi sur le handicap de 2005, déconstruisent le rapport d’auto- rité souvent mal vécu par les per- sonnes souffrant de troubles psy- chiatriques. Ici, pas de médecin ni de personnel soignant. Ce sont les adhérents qui gèrent la structure. Au GEM « Aube », président, tré- sorier et secrétaire souffrent tous d’affections mentales. Un outil complémentaire Une manière d’assumer de nou- veau le quotidien, de retrouver une autonomie. « À l’hôpital, c’était douillet, facile, mais ce n’était pas la vie. J’étais intégralement pris en charge, et je n’avais plus aucune décision à prendre, reconnaît Oli- vier. Ici, j’ai des responsabilités, ça m’oblige à m’ouvrir aux gens. » En douze ans, ces groupes ont gagné leur place dans le paysage de la psychiatrie. À Strasbourg, « Aube » a signé des conventions « À l’hôpital, c’était facile avec tous les hôpitaux de l’euro- métropole. « Il y a dix ans, aucun mais c’était pas la vie » médecin ne m’a parlé d’un GEM, observe Jean-Louis. Maintenant, les infirmiers conduisent les pa- À leur sortie, les malades mentaux sont accompagnés tients ici pendant leur hospitalisa- tion, pour leur faire connaître les au sein des Groupes d’entraide mutuelle. Une manière lieux avant leur sortie. Ça donne pour eux de reprendre pied, en marge des institutions. quelques points de repère. » Les hôpitaux y trouvent aussi leur U n an en placement d’office, à l’hôpital psychiatrique d’Ers- tein, contraint et forcé », se confie les mêmes mots reviennent dans la bouche des différents acteurs du monde médical. « Assurer la Dominique, Ursula et Jean- Louis sont trois compte. Maurice Quattrocchi, in- firmier psychiatrique à Rouffach, intervient aux « Ailes de l’espoir », membres actifs pudiquement Jean-Louis. « Com- continuité du parcours de soin est du GEM Aube. un GEM à Mulhouse : « Ces lieux ment voulez-vous faire confiance essentiel », explique Fabrice Du- aident réellement les patients, c’est aux psychiatres sous la contrain- rain, infirmier psychiatrique à Photo : Victor une évidence. Mais il ne faut pas te ? » poursuit le sexagénaire, hé- l’hôpital de jour d’Erstein. Mais Guillaud-Lucet/CUEJ se leurrer, il y a aussi des raisons sitant. Quand on lui demande de si les mots sont assurés et le vo- budgétaires pour que les hôpitaux parler de cette période, il élude la cabulaire choisi, ils ne règlent en les y dirigent : une hospitalisation question. aucun cas les difficiles situations coûte près de 400 euros par jour. C’était il y a neuf ans. « On me de certains. Olivier souffre d’une Grâce à ces structures, la Sécurité disait que j’étais schizophrène, psychose dépressive depuis 2007. sociale fait des économies. » aujourd’hui, on me dit que je suis À chaque sortie de l’hôpital psy- Fort d’un noyau dur d’une cen- bipolaire », lance avec humour chiatrique, la même angoisse l’as- taine d’adhérents, le GEM Aube cet ancien informaticien, pas- saillait. « Sans logement, incapable les fait échanger, se réunir autour sionné de photographie et de de travailler, j’errais dans les rues d’un repas ou participer aux cuisine. Les diagnostics chan- de Strasbourg, et je ne prenais pas nombreuses activités proposées. gent, mais un problème demeu- mon traitement », se souvient Ce lieu ne convient pas à tout re : que deviennent les patients à la sortie des hôpitaux psychiatri- le trentenaire. Jusqu’au jour où son assistante sociale lui parle 2005 le monde, reconnaissent d’eux- mêmes les membres. Mais pour ques ? « La plupart des malades du Groupe d’entraide mutuelle La loi sur le la dizaine de personnes réunies ne travaillent pas. Ils s’emmerdent (GEM) strasbourgeois. Après une handicap ce matin, il représente un autre alors ils dorment, bouffent et re- dispute avec sa sœur qui l’héber- crée les GEM, aspect du parcours de soin, en dispositif pour gardent la télévision », reconnaît ge, c’est le déclic. Il ose franchir les personnes marge des institutions sanitaires, Jean-Louis désabusé. la porte du groupe. Dix ans plus atteintes où l’entraide et la parole prennent « Préparer la sortie du patient », tard, il en assure la présidence. de troubles le pas sur les ordonnances. sa « réinsertion dans la société », Ces structures, institutionnalisées psychiatriques. Victor Guillaud-Lucet N E W S D ’ I L L n ° 1 2 1 - D É C E M B R E 2 0 1 7 > 11
L’arrêt maladie à fond la forme Le nombre d’arrêts de travail a plus Entre autres avantages du alsacien : « Il n’y a pas de délai de carence de trois jours comme c’est augmenté en Alsace que dans le reste de droit local, les trois jours la norme ailleurs : le salarié a droit au maintien de son salaire la France. Une situation liée au droit local de carence n’existent pas dès le premier jour d’absence. » et à la forte densité médicale. en Alsace. Mais ces arrêts plus fréquents ne sont pas problématiques pour C ’est l’annonce choc de Alsace était expliqué par la den- Photo : Victor Guillaud-Lucet/CUEJ tout le monde. « Le fait qu’il y l’assureur santé national sité médicale : plus il y a d’offre, ait plus d’arrêts de travail n’est début novembre : l’Alsa- plus il y a de demande. pas forcément une mauvaise ce a tendance à prescrire Là où la différence se fait sen- chose, réagit le docteur Claude davantage d’arrêts maladie que tir, c’est au niveau des contrôles. Bronner, médecin généraliste le reste de la France (1,7 point Ceux effectués par l’État le sont exerçant à Montagne-Verte. C’est de plus que la hausse moyenne dans une proportion équivalente peut-être ailleurs qu’il n’y en a pas nationale), et en particulier dans aux habitudes de contrôle natio- dix zones, non révélées, où cette nales. Mais ceux réalisés par des 5,6 % L’augmentation assez : en Alsace, on est bien pris en charge. » évolution est plus forte qu’ailleurs entreprises privées sur demande du nombre (jusqu’à 44,5%), sans lien avec de l’employeur de l’arrêté ne d’arrêts maladie « Un marqueur social » un changement démographi- sont pas valides. « Le droit local en Alsace au Les récents chiffres de la CPAM que. Pendant cinq semaines, d’Alsace-Moselle ne reconnaît premier semestre du Bas-Rhin, qui font état d’une 2017 (3,9 % dans la caisse d’assurance a multiplié pas légalement la contre-visite le reste de la hausse de 11 % du nombre de les contrôles au domicile des médicale, comme le rappellent France). personnes ayant eu au moins assurés et auprès des médecins régulièrement des arrêts de la un arrêt de travail au cours de désignés comme « gros pres- Cour de cassation », analyse leur carrière, ont participé à cripteurs ». Caroline Noailly, la directrice de l’intensification des contrôles. Les résultats de cette opération Médicat Partner, une société de « Notre pays fait la chasse aux n’ont pas encore été dévoilés contrôle médical au service des arrêts de travail, mais quand la mais la méthode employeurs. Le situation sociale se dégrade, il est passe mal. « Ces « Le droit local dernier, daté du normal d’enregistrer une hausse contrôles sont très inqui siteurs », d’Alsace-Moselle ne reconnaît pas la 21 mai 2014, a validé une déci- 915 000 arrêts maladie des arrêts maladie. Ils sont un marqueur social. Les médecins explique le doc- contre-visite » sion du conseil ont été prescrits conseil de la CPAM devraient te u r Je an - Ma - des prud’hom- en Alsace en faire un vrai travail de contrôle rie Letzelter, président du mes qui avait écarté les conclu- 2016. au cas par cas au lieu de se li- c ons e i l d é p ar te ment a l de sions d’une contre-visite pour vrer à une simple analyse statis- l’ordre des médecins du Bas- condamner l’employeur. « Une tique. » Rhin. « De plus, ils s’effectuent sur société strasbourgeoise nous a ré- Agnès Buzyn, ministre de la base d’une moyenne statistique cemment contactés pour savoir ce la Santé, a prévu d’intensi- nationale. » Donc sans prendre qu’il était possible de faire en ma- fier les efforts de contrôle des en compte insiste-t-il, les parti- tière de contrôle par l’employeur. caisses d’assurance maladie pour cularités locales qui pourraient Nous avons dû lui expliquer économiser 165 millions d’euros expliquer ces disparités. pourquoi notre activité n’était pas très développée dans la région », 58 826 convocations de en 2018. Nul doute que l’Alsace sera mise à contribution puisque Le droit local en cause conclut-elle. patients auprès la campagne ciblée des derniers En 2011, l’Institut de recherche Pour la juriste de l’Institut du de médecins mois sera reconduite l’année et de documentation en écono- travail de Strasbourg Fabienne conseil, en plus prochaine, mais dans des zones mie de la santé (Irdes) publiait Muller, la non-prise en compte de d’une centaine différentes, qui resteront là aussi de visites à une étude où le nombre élevé la contre-visite s’ajoute à d’autres domicile en 2016 non-identifiées. d’arrêts de travail prescrits en avantages dévolus à l’assuré en Alsace. Clément Nicolas 12 < N E W S D’ILL n° 121 - DÉCEMBRE 2017
La thérapie par l’effort Lancé il y a cinq ans à Strasbourg, « Sport santé sur ordonnance » a convaincu la quasi-totalité du monde médical. Aujourd’hui,1800 patients en profitent. L ’idée a germé dans l’es- prit du docteur Alexandre Feltz, adjoint au maire de Strasbourg chargé de la santé. Pour aider les patients atteints de maladies chroniques à prati- quer un sport, les médecins généralistes peuvent, depuis novembre 2012, utiliser le dis- positif de « Sport santé sur ordonnance » (SSSO). Vélo, marche, gymnastique… « On propose des activités douces en général », explique Claude Arnold, médecin généraliste et du sport à Strasbourg. Le patient a ensuite rendez-vous avec un éducateur sportif de la ville. Il bénéficie de deux activités sporti- ves et d’un abonnement Vel’Hop. Le dispositif est sur trois ans. La première année, tout est pris en charge. Les deux autres repo- affirme Élie Botbol, médecin Des patientes « Mais je continuerai à faire du sent sur le principe de la tarifi- généraliste et du sport à Stras- pratiquent la sport », assure-t-elle. cation solidaire : le patient par- bourg. « Ce n’est pas une mesure marche nordique Ce n’est pas le cas de tous. « Le dans le parc de ticipe à hauteur de 20, 50 ou 100 gadget, c’est très important », l’Orangerie pari est que les personnes soient euros par an, selon son quotient renchérit le Dr Claude Arnold. à Strasbourg. autonomes au bout de trois ans, » familial. Même son de cloche du côté des explique François Jouan, chef du malades. « Avant, je n’aimais pas Photo : Timothée service Promotion de la santé de Loubière/CUEJ « Pas une mesure gadget » le sport, maintenant je ne peux la personne à l’Eurométropole. Du côté des médecins, les effets plus m’en passer », témoigne « Mais il est vrai que la transition sont probants. « C’est très efficace C at her ine Fressy, 59 ans, entre la fin du programme et la pour les gens qui le font sérieuse- touchée par un cancer et qui suite constitue la faiblesse du dis- ment. C’est excellent pour la santé et ça permet de baisser les doses pratique la marche nordique avec Athlé santé nature 67. 14 associations positif. » « Un crève-cœur » pour Alexandre Feltz, qui souhaite la de médicaments. En théorie, « De plus, vous sortez, vous sont partenaires mise en place de structures plus on peut envisager une disparition voyez des gens, ça fait du bien. » de la ville pour pérennes. des médicaments mais, en réali- Elle ne fera plus partie du dis- l’opération té, c’est plutôt une diminution », positif dès le mois de mars. « Sport santé sur Un réseau national ordonnance », dont Athlé santé Preuve de son succès, le SSSO a De nouveaux horizons pour le « sport santé » nature 67. dépassé les frontières strasbour- geoises. Et depuis le 1 er mars, A c t u e l l e m e n t, l e d i s p o s i t i f couvre plusieurs pathologies : l’obésité, le diabète de type 2, les peuvent avoir pour effet secondaire la prise de poids). Autre nouveauté prévue : le projet de tous les médecins généralistes de France peuvent prescrire du sport sur ordonnance. Mais maladies cardiovasculaires stabilisées, maison sport-santé récemment lancé. le programme n’est pas pris en l’hypertension artérielle stable, le cancer du sein et du colon en rémission Elle devrait s’installer sur 1800 m2 dans l’aile médicale des Bains municipaux 62 villes font charge financièrement. Or, « si l’on veut que cela fonctionne, il depuis six mois et le VIH. Les séniors de Strasbourg et constituera « une aujourd’hui faut un système organisé et fi- fragilisés en bénéficient également. véritable plateforme de santé partie du réseau nancé », avance Alexandre Feltz. Alexandre Feltz souhaite l’ouvrir à publique », selon Alexandre Feltz. La national « sport « À l’échelle nationale, c’est un deux autres, en 2018 : les bronchites maison pourrait ouvrir ses portes à santé », et une coup d’épée dans l’eau », abon- quarantaine ont chroniques et asthmes ainsi que la l’horizon 2020-2021. mis en place dent le Dr Élie Botbol et les ac- santé mentale (les neuroleptiques T. L. un dispositif teurs locaux interrogés. similaire. Timothée Loubière N E W S D ’ I L L n ° 1 2 1 - D É C E M B R E 2 0 1 7 > 13
Lyme : le débat des tiques La maladie, surreprésentée en Alsace, suscite des controverses. P atrick Colin a mal depuis vingt ans. Maux Le 24 novembre, quelques dizaines de manifestants de tête, douleurs articulaires, « c’est comme de l’association Le droit de guérir se réunissent de- une grippe en permanence », confie l’ancien vant le Centre national de référence (CNR) sur la ouvrier forestier. Tout débute en 1997, quand on borréliose de Lyme, à Strasbourg. Chacun a son lui diagnostique une borréliose de Lyme. Un trai- histoire, son diagnostic et son idée des solutions. tement antibiotique traite l’infection, mais ne l’éra- Laurence, trentenaire venue de Nantes, a « souffert dique pas : « Ça fait le yo-yo. » Les tests annuels de la mort ». Après trois semaines d’antibiotiques, Patrick Colin sont tantôt positifs - son médecin on lui a dit : « Si les symptômes persistent, lui prescrit des antibiotiques - , tantôt néga- c’est que c’est dans la tête. » Matthias Lacoste, tifs - il n’a droit à rien sinon à des antidé- président de l’association, serait « infecté presseurs et des antalgiques. depuis sa naissance », la maladie lui aurait été transmise par sa mère. « Le CNR bloque « C’est une saloperie » toutes les recherches », affirme-t-il. La maladie de Lyme est découverte Le Centre national de référence est chargé d’étudier en 1975. Deux tests, dont la fiabilité est la maladie pour le compte des autorités de santé. contestée, permettent de la diagnostiquer. Nathalie Boulanger , directrice de l’équipe de re- L’infection évolue par stades, provoque une rougeur cherche, a peu de contacts avec les associations, « le autour de la piqûre puis des douleurs articulaires et Lyme n’est dialogue est parfois difficile avec ces personnes un complications neurologiques. Elle guérit générale- qu’une des peu extrémistes ». La chercheuse rejette l’idée d’une ment après un traitement antibiotique de quelques nombreuses persistance de la maladie, « il faut que les malades maladies semaines. Certains malades ont pourtant des dou- transmises acceptent qu’ils n’ont peut-être pas Lyme ». Le pro- leurs des années après avoir été traités. « C’est une par la tique. fesseur Christian Perronne, lui, attaque le CNR, qui saloperie, je vis avec », confie Patrick Colin en regar- nierait « toutes les publications sérieuses sur le sujet ». dant la masse de lettres et d’analyses qu’il accumule Photo Léa Schneider/ Il vante sa participation à des colloques aux Etats- CUEJ dans son dossier cartonné. Unis. Nathalie Boulanger riposte : « Il n’a aucune L’idée d’une maladie chronique est de plus en plus expérience dans ce domaine, c’est un gourou. » défendue par certains médecins et par des associa- tions de malades, à l’image de Lyme sans frontière Calmer la polémique (LSF), créée en 2012 et basée à Strasbourg. Marie- La principale agence américaine en matière de san- Claude Perrin, présidente de LSF, dénonce un « déni té publique est sur la même ligne que les autorités des autorités ». Un avis partagé par le professeur médicales françaises. Elle met les malades en garde Christian Perronne, chef de service en infectiologie contre les traitements antibiotiques prolongés. Se- à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches. « Ça fait lon elle, les symptômes « post-Lyme » seraient dus vingt ans que je traite le Lyme chronique », affirme à des dommages survenus pendant l’infection et le médecin, à la tête du combat pour faire recon- non à sa persistance. naître cette forme de la maladie. Sur tous les fronts médiatiques, il rabâche sa vision d’un « scandale », 30 000 Les chercheurs du CNR, les associations et ceux que l’Académie appelle « Lyme doctors » se retrouvent qui toucherait des millions de personnes en Europe, nouveaux cas pourtant plusieurs fois par an. Créé fin 2016 par alors que le chiffre officiel en France est de 30 000 de la maladie de Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, le plan Lyme en France nouveaux cas annuels. Sur Internet, des dizaines de chaque année national de lutte contre les maladies transmissibles sites bien répertoriés s’alarment d’une « pandémie ». selon les chiffres par les tiques réunit les différents acteurs sous l’égide Les tests seraient volontairement mal calibrés. La officiels. de la Haute autorité de santé. Le but ? Calmer la maladie provoquerait schizophrénie, perte de libido, psychose en mettant à jour le consensus médical dépression, sclérose en plaques, etc. Selon Marie- établi en 2006, qui fixe le protocole actuel de test et Claude Perrin, la bactérie résisterait aux traitements de soins. Aux dires des protagonistes, il semblerait « en se cachant ». qu’on en soit loin. L’Académie de médecine rejette en bloc cette vision. Patrick Colin, quant à lui, fera à nouveau sa sérolo- Dans un communiqué du 26 octobre, l’institution ac- gie annuelle en décembre, sans espoir : « De toute cuse les « Lyme doctors auto-proclamés, dont certains façon les médecins, ils ne croient pas à ce qu’on dit. » sont soumis à des liens d’intérêts », d’entretenir « l’in- Le dernier traitement qu’on lui a suggéré, « des trucs quiétude chez de nombreux malades en errance dia- naturels », lui brûle l’estomac. Une errance théra- gnostique ». La maladie de Lyme chronique serait une peutique que ne nie pas Nathalie Boulanger, qui invention. Une position qui fait bondir Marie-Claude suggère, outre une plus grande écoute des malades, Perrin, qui regrette un « dogme » de la part de « cen- une meilleure communication des autorités pour seurs ». Elle renvoie l’accusation de conflits d’intérêts calmer la polémique. vers l’Académie : « La médecine est gangrénée. » Laurent Rigaux 14 < N E W S D’ILL n° 121 - DÉCEMBRE 2017
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