Grande distribution Quel modèle pour demain ? - Supply Chain ...

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Grande distribution Quel modèle pour demain ? - Supply Chain ...
E n q u ê t e

      Grande distribution
         Quel modèle
        pour demain ?
         Les groupes de Grande Distribution anglo-saxons comme Wal-Mart
        ou Tesco sont souvent cités en exemple pour leurs bonnes pratiques,
      particulièrement en Supply Chain Management. Stocks allégés, livraisons
        des magasins plus fréquentes, systèmes d’informations performants,
            collaboration fournisseurs étendue, couplage de la Demand et
       de la Supply Chain en interne : autant de concepts largement appliqués
      qui ont prouvé leur efficacité. Mais qu’en est-il de la Grande Distribution
          française ? Se cale-t-elle sur cette vision anglo-saxonne ou a-t-elle
           ses propres modèles ? Est-elle en mesure de mettre ces principes
       en pratique ou se heurte-t-elle à des freins historiques, réglementaires
                                ou culturels spécifiques ?

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     Q
                                                                                                                   ©Carrefour

                                         uelles sont au juste les spé-   Supply Chain. Ils ne cherchent pas à
                                        cificités du modèle anglo-       optimiser les coûts de transport ou à
                                      saxon ? A en juger par les         avoir les coûts logistiques les plus
                                   experts que nous avons consul-        bas, mais regardent jusqu’au maga-
                                     tés, elles sont multiples, à        sin, en intégrant jusqu’à son compte
                                        commencer par l’étendue          d’exploitation. Par exemple, pour
                             de la Supply Chain jusqu’au point de        faciliter la mise en rayon, Tesco uti-
                             vente et l’innovation. « Les Anglo-         lise des Dollies (des plateaux à rou-
                             saxons ont une vision globale de la         lettes qui supportent des présentoirs),

     N°43 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2010
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même si cela fait perdre un peu en opti-                             Laurent              tendus jusqu’aux plates-formes d’écla-
misation de chargement, parce qu’au                                  de Bourmont,         tement pour délivrer les magasins.
                                                                     Directeur
global, il est gagnant », explique Jean-                             Associé,             Résultat chez Tesco : trois semaines de
Marie Picard, Directeur Associé chez                                 Argon                stock en moyenne sur les plates-formes
CPV Associés. Autre astuce relevée                                   Consulting           de consolidation, quatre jours sur les
par Laurent Thoumine, Managing                                                            plates-formes d’éclatement et quasi
Partner chez Kurt Salmon Associate                                                        rien en magasin, contre le double en
(KSA) : « Dans les années 1990, aux                                                       France », expose Jean-Marie Picard
Etats Unis, des logisticiens avaient                                                      (CPV Associés), sachant que les maga-
inventé un concept de parois amovibles                                                    sins passent deux commandes par jour
                                                                     Jean-Marie
pour réassortir des palettes de Coca                                 Picard,
                                                                                          chez Tesco (matin et après-midi) contre
Cola dans les Superstores de Wal-                                    Directeur            une le matin en France. Même volonté
Mart. Les linéaires étaient ainsi réap-                              Associé,             de raccourcir les schémas de distribu-
provisionnés par l’arrière, sans avoir à                             CPV Associés         tion chez Wal-Mart. « Plus de 50 % du
sortir une palette de la réserve ». Les                                                   CA de Wal-Mart est livré en flux tendu,
Directeurs logistiques et Supply Chain                                                    sans point de stockage intermédiaire »,
sont sans doute les mieux placés pour                                                     illustre Olivier Dubouis, Directeur
aider les commerçants à optimiser la                                                      Associé, Diagma. Et de comparer les
logistique de leurs surfaces de ventes.      Des circuits de distribution                 niveaux de stocks entre enseignes : « En
De même, Wal-Mart et Tesco ont eu            plus réactifs                                2008, Carrefour et Auchan affichaient
l’idée de coupler les outils de merchan-     Les circuits de distribution anglo-          chacun 37 jours de stocks. De son côté,
dising (de type Apollo, Intactix, Space-     saxons sont aussi plus courts, d’où des      le rapport annuel de Tesco en 2009 fai-
man…) qui établissent les plano-             niveaux de stocks plus bas. « Le schéma      sait état de 19 jours de stock. »

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grammes en définissant des profon-           anglais restreint le nombre de lieux         Des investissements élevés
deurs, largeurs, minimums de pro-            de stockages. Très rapidement, au            et récurrents dans les SI
duits... avec les outils de gestion des      Royaume Uni, les distributeurs se sont       « Les Anglais ont une vision très pro-
stocks. « L’introduction de nouveaux         tournés vers des prestataires pour créer     cess du métier de la distribution.
produits, l’extension de facing, la fin de   des plates-formes de consolidation           C’est un Business performant s’il est
vie de produits, etc. sont des informa-      multi-distributeurs. Ainsi, les fournis-     bien huilé. D’ailleurs, ils ont beau-
tions qui intéressent les logisticiens       seurs livrent ces plates-formes de distri-   coup investi dans les systèmes d’in-
pour adapter les approvisionnements »,       bution en camions complets, puis les         formation », remarque Laurent de
justifie Laurent Thoumine (KSA).             marchandises sont acheminées en flux         Bourmont, Directeur Associé chez

                                                                                            AVRIL 2010 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N°43
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     Argon Consulting. A titre d’exemple,        Manhattan Associates). Sous la hou-      Un budget de 1,8 Md$ est alloué,
     Sainsbury s’est lancé dès 2000 dans         lette du CEO, toute la fonction infor-   complété en 2005. De son côté,
     une refonte complète de son système         matique est externalisée à Accenture     Auchan a fait lui aussi appel à
     d’information hétérogène (400 appli-        (et Sun Microsystems) pour faire         Accenture, mais pour redévelopper
     cations différentes rien qu’en Supply       migrer progressivement les plates-       en interne son système commercial.
     Chain) et obsolète (remplacement            formes et systèmes propriétaires du      Un plateau de consultants a travaillé à
     dans la fin des années 1990 d’un            Distributeur vers des solutions Best     Lille deux ans durant avant que le
     WMS maison de 30 ans par celui de           of Breed inter opérantes du marché.      DSI ne soit remercié et le projet, fina-

                                    Didier Thibaud, Directeur SC de Carrefour France
                                            « Nous sommes arrivés au bout
                                                de certains modèles »

                              P
                                     our Didier Thibaud, il ne faut pas         concepts », assène Didier Thibaud. Mais ce
                                     opposer les distributions françaises et    qui le préoccupe le plus concerne la colla-
                                     anglo-saxonnes : « Nous sommes tous        boration fournisseurs. « Je crois intime-
                               d’accord sur les concepts, mais ils sont juste   ment aux projets montés de type GMA de
                               moins mis en musique en France. » L’ob-          Danone avec des commandes alloties et
                               jectif du Directeur SC de Carrefour France       des propositions d’approvisionnement
                               est « de partir plus du client, de la vision     par magasin. Un fournisseur gère 100 à
                               rupture en linéaire et de mettre en place        250 références contre 2.000 pour un appro-
                               en amont l’organisation pour baisser les         visionneur de Carrefour. Il connaît mieux la
                               stocks et les coûts de distribution. » La        saisonnalité de ses produits, les animations
                               Supply Chain de Carrefour France s’est déjà      promotionnelles… C’est une connaissance
                               orientée dans cette voie puisqu’une équipe       métier dont il doit nous faire bénéficier. Et
                               d’approvisionnements assistés, qui pilote        nous avons de beaux exemples où les sor-
                               les algorithmes de propositions de com-          ties de caisses accélèrent la mise en place
                               mandes, a été initiée. « Cette organisation      de nouveaux produits. De s’étonner toute-
38                             étend la vision de la Supply Chain jusqu’au      fois : Je découvre, en comparant la distribu-
                               linéaire et permet de partager les décisions     tion anglo-saxonne et nous, des fournis-
                               entre l’exploitation magasin et la Supply        seurs beaucoup plus réactifs sur les délais et
                               Chain », commente Didier Thibaud. Ainsi,         les fréquences de livraison qu’en France (48
                               les coefficients de saisonnalité saisis dans     à 72 h vs 4 à 8 jours dans le sec). Et même,
                               l’outil de réapprovisionnement sont pilotés      si la distance explique un à deux jours, je ne
                               en central à partir des données macro d’Iri      comprends pas ce niveau d’écart. » Il
                               Secodip sur sept régions. Ils sont mis en        dénonce également le système des
                               place semaine par semaine, avec adapta-          barèmes quantitatifs chers aux fournis-
                               tion, et les magasins chefs de file, hebdo-      seurs : « Ce système franco-français, qui
                               madairement, voire quotidiennement, par-         n’existe nulle part ailleurs, nous fait appro-
                               tagent les décisions avant application via       visionner des marchandises dont nous
                               des conférences téléphoniques. De même,          n’avons pas besoin ! », s’insurge-t-il. Evo-
                               Carrefour France évolue vers le Category         quant les irréductibles 10 % de ruptures
                               Management. Depuis deux ans pour le non          mesurées par ECR, il poursuit : « Nous som-
                               alimentaire et dix mois pour l’alimentaire,      mes arrivés au bout de certains modèles. Il
                               des équipes Achats, Marketing et Supply          faut donc inventer de nouvelles stratégies,
                               Chain sont sur le même site. Le numéro           comme les CCC qui sont une vraie réponse
                               deux de la distribution mondiale est aussi       pour les petits et moyens fournisseurs, en
                               en train d’opérer de profonds change-            MDD comme en marque nationale. Je suis
                               ments au sein de ses S.I. « La distribution      sincèrement confiant, car quand le com-
                               française doit se réorganiser vers des S.I.      merce est difficile, il faut trouver ensemble
                               plus performants et réactifs qui entraînent      des solutions. Et les plus rapides à le faire
                               un cercle vertueux dans l’assise des             seront ceux qui gagneront. »

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lement arrêté. « La Grande Distribu-                           tion. Ils travaillent en mode projet,
tion alimentaire en France n’a pas                             avec des indicateurs et des exigences
                                            Olivier
cru aux progiciels ERP et n’a pris ce       Dubouis,
                                                               au moins égales à celle de la France
virage que tardivement, à la diffé-         Directeur          (ex : délais courts), indique Jean-Marie
rence du Royaume Uni et des Etats           Associé,           Picard (CPV Associés). Et de pour-
Unis où les solutions du marché sont        Diagma             suivre : Les Anglo-saxons organisent
plus installées à l’image d’Oracle                             les approvisionnements autour du
Retail, de JDA ou de SAP Retail »,                             Category Management. Par gamme de
observe Laurent de Bourmont                                    produits (lessives, vêtements enfants,
(Argon). Les Américains ne sont                                etc.), ils placent dans le même bureau
d’ailleurs pas en reste côté investis-                         trois acteurs clefs qui travaillent de
sements informatiques, comme en                                concert à améliorer la profitabilité de
atteste Olivier Dubouis (Diagma) :                             la catégorie de produits : Achats,
                                            David
« Les enseignes américaines allouent        Fontaine,
                                                               Marketing offre et Responsable Supply
entre 0,8 % et 1,5 % de leur CA au          Consultant         Chain (qui dépendent de leurs hiérar-
budget informatique. Wal-Mart inves-        Solution Senior,   chies respectives). Chez nous, histori-
tit ainsi depuis longtemps dans sa          Manhattan          quement, les organisations sont cloi-
                                            Associates
Supply Chain et ses S.I. Les grands                            sonnées mais discutent lors de réu-
distributeurs français n’en ont jamais                         nions inter départements. » Cet aspect
fait autant sur la durée. »                                    culturel tiendrait-il aux hommes ? En
                                                               tout cas, les Anglo-Saxons semblent
Un sourcing                                                    ne pas mégoter sur les recrutements de
de plus en plus global                                         compétences élevées dans les fonc-
Pour Jean-Marc Soulier, Directeur                              tions Supply Chain, ni sur la recon-
                                            Jean-Luc
Associé, Metis Consulting, les grands       Fonteneau,
                                                               naissance de la fonction. « La pre-
distributeurs tendent à consolider leurs    DG,                mière caractéristique de Wal-Mart et
achats multi-pays, voire multi-             Diagma             Tesco est la densité de matière grise
enseignes. « Les distributeurs comme                           dans leurs Directions Supply Chain.
Wal-Mart (15 pays) ou Carrefour                                Ils ont quantité de cerveaux de niveau
(36 pays) sont dans des logiques                               ingénieur pour réadapter dynamique-           39
d’achats conjoints. L’enjeu est la maî-                        ment la structure par rapport aux caté-
trise de la Wide Supply Chain et de tra-                       gories de produits et aux fournisseurs.
vailler de plus en plus en direct avec                         De plus, la Supply Chain est connectée
les fournisseurs, en court-circuitant les                      à la Demand Chain. En Angleterre et
intermédiaires ». C’est ainsi que fleu-                        aux Etats Unis, les logisticiens et les
                                            Laurent
rissent les bureaux de sourcing en          Thoumine,
                                                               commerçants ont une telle collabora-
Asie, en Afrique du Sud, en Nouvelle        Managing           tion sur les prévisions à la maille heb-
Zélande, etc. de même que des plates-       Partner,           domadaire que l’adaptation des res-
formes de consolidation capables de         France,            sources logistiques est bien meilleure.
                                            Kurt Salmon
livrer des conteneurs multi fournis-        Aassociates        Ils ont une capacité de réaction beau-
seurs à des entrepôts ciblés. « Compte                         coup plus forte. Enfin, dans neuf
tenu de leur taille, les gens de Wal-                          cas sur 10, le Directeur Supply Chain
Mart vont plus vite et frappent plus                           est membre du Comex, ce qui n’est
fort que les autres. La part des MDD                           pas aussi systématique en France »,
élevée étant un facteur de motivation                          remarque Laurent Thoumine (KSA).
supplémentaire », ajoute-t-il.              Jean-Marc
                                            Soulier,           Le poids de
Un sens aigu                                Directeur          la réglementation française
                                            Associé,
de la collaboration                         Metis
                                                               Pourquoi la Grande Distribution fran-
De l’avis général, le mode collabo-         Consulting         çaise n’a-t-elle pas évolué selon les
ratif est plus ancré chez les Grands                           mêmes schémas ? Comme le rappelle
Distributeurs anglais et américains.                           avec bon sens Jean-Luc Fonteneau,
« La logique anglo-saxonne est beau-                           DG de Diagma, il est a priori hasar-
coup plus orientée vers la collabora-                          deux de comparer les coûts et perfor-

                                                                 AVRIL 2010 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N°43
E n q u ê t e

     mances de chaînes de distributions de       en France : « La Grande Distribution     faces, ce qui a eu pour effet d’agran-
     pays comme la France et le Royaume          française est très contrainte par un     dir les surfaces de ventes existantes
     Uni (où les distances sont moindres)        ensemble de lois qui n’arrêtent pas      au détriment des réserves. Dans
     ou encore les Etats Unis, à l’échelle       de changer. Pour protéger le petit       le même temps, les Grands Distri-
     d’un continent. Mais de souligner le        commerce, on a par exemple gelé la       buteurs anglais ou allemands
     poids important de la réglementation        création de nouvelles grandes sur-       n’étaient pas contraints dans leur

                                     Sabine El Kasri, Directrice Supply Chain, Monoprix
                               « La remontée des stocks magasins apporte
                                  un vrai changement dans le pilotage »

                              E
                                      n tant que Directrice Supply Chain de     nombre de mises à quai », se réjouit Sabine
                                      Monoprix, Sabine El Kasri est respon-     El Kasri, qui souhaite étudier d’autres
                                      sable du pilotage des flux d’approvi-     opportunités.
                               sionnement depuis les magasins jusqu’aux         Au Merchandising de Monoprix, les plano-
                               fournisseurs. La logistique physique étant       grammes sont réalisés par format (ex : City
                               gérée par la Samada, filiale logistique de       Marché, Daily Monop) et sous-division
                               Monoprix. Les actions menées par la              (taille magasin, localisation). Trois à huit
                               Direction Supply Chain pour mieux remplir        assortiments sont possibles. « Au niveau
                               les magasins portent en partie sur la            Supply, nous intégrons l’ensemble des
                               Gestion Partagée des Approvisionnements          informations des planogrammes pour
                               (GPA), la Gestion mutualisée des approvi-        constituer les commandes de mise sur le
                               sionnements (GMA) et le Merchandising.           marché et de réassort, précise la Directrice
                               « Depuis quelques années, nous avons mis         SC. Ce lien est d’autant plus indispensable
                               en place des flux collaboratifs avec de          que l’ensemble des gammes est en réassort
                               grosses multinationales, en alimentaire,         automatique. » Par ailleurs, un pilotage
                               comme en non alimentaire. Ils concernent         central des événements (jours féries,
                               20 % de nos approvisionnements en                vacances, Tour de France…) avec les maga-
40                             volume. Après une pause, nous sommes en          sins est en train de se mettre en place.
                               train de reprendre ce dossier », indique         «Grâce à l’analyse des historiques de vente,
                               Sabine El Kasri. Cette collaboration, qui        nous anticipons mieux les événements à
                               renforce une relation déjà aboutie avec ces      venir et pilotons les approvisionnements
                               fournisseurs, suppose de la rigueur, une         des magasins y compris sur des événements
                               qualité des référentiels produits et beau-       locaux. » C’est une cellule transverse de «
                               coup d’échanges. « Nous avons obtenu une         Chargés d’études », qui font la planification
                               amélioration du niveau de stock et de la         et travaillent sur d’autres projets, qui s’en
                               qualité de service. En outre, nos approvi-       occupe. Ils sont en relation avec les approvi-
                               sionneurs, déchargés des aspects récurrents,     sionneurs, les sites logistiques et la
                               peuvent se concentrer sur les références         Direction des ventes, pour optimiser les
                               importantes et les événements (début/            flux. Fin 2009, Monoprix a achevé la mise en
                               fin de vie, chaînage promotion…) ». La           place de G.O.L.D. Shop, outil de réapprovi-
                               GMA date de juin 2009 avec Henkel,               sionnement magasins. « Jusqu’alors, nos
                               Colgate, Smithkline et Sara Lee, côté indus-     réassorts étaient basés seulement sur les
                               triel, et FM Logistic, côté prestataire logis-   ventes. Nous connaissons à présent le stock
                               tique. « Nous sommes assez satisfaits par        au produit et au magasin. La remontée des
                               rapport aux premiers pilotes en termes de        stocks magasins apporte un vrai change-
                               gain de qualité et de niveau de stocks.          ment dans le pilotage et la finesse de déci-
                               Nous avons gagné presque quatre jours sur        sion. » D’ici deux à trois ans, Sabine El Kasri
                               les stocks entrepôts, multiplié par 2,5 nos      envisage de développer le cross docking sur
                               fréquences de livraison, avec des ruptures       l’épicerie et le non alimentaire. Les possibi-
                               moins longues, tout en maintenant des            lités de massification des flux (produits à
                               charges complètes et en réduisant le             faible rotation) sont aussi à l’étude.

     N°43 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2010
Business », compare Jean-Luc
Fonteneau (Diagma). Et Jean-Marie
Picard (CPV Associés) de compléter :
« Dans les années 2000-2005, la Loi
Galland a eu plein d’effets pervers.
Les remises logistiques des indus-
triels poussaient en effet les Grands
Distributeurs à faire venir les mar-
chandises en camions complets pour
bénéficier des meilleurs barèmes
quantitatifs (BQ) et donc à sur stoc-
ker. Puis elle a été abrogée, faisant du
coup sauter ce verrou. Dans le même
temps, Tesco revoyait sa Supply
Chain en cherchant à minimiser le
coût logistique complet ».
                                           ©Carrefour

Des spécificités
culturelles françaises
D’autres aspects, de nature culturelle,                 sent difficiles à surmonter. « Par rap-   ture à soi plutôt que de jouer
sont des freins à la collaboration.                     port aux pays anglo-saxons, nous          gagnant-gagnant », estime Olivier
Ainsi, les rapports historiquement                      sommes toujours dans une logique          Dubouis (Diagma). Et de poursuivre :
tendus entre la Grande Distribution                     client/fournisseur de rapport de force    Les ilots de collaboration tiennent
française et ses fournisseurs parais-                   où chacun cherche à tirer la couver-      souvent à des personnes, surtout dans

                                                                                                                                                41

                                                                                                    AVRIL 2010 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N°43
E n q u ê t e

     un contexte économique plus difficile
     qui ne pousse pas à partager. » De
     son côté, Laurent Thoumine (KSA)
     dénonce « la surpuissance des ache-
     teurs et leur pouvoir de négociation
     à la testostérone ».
     D’autre part, les projets semblent avoir
     plus de difficultés à se déployer en
     France. « La structure de gouvernance
     en France comporte une part impor-
     tante de franchisés ou d’indépendants
     à convaincre individuellement, d’où
     une certaine difficulté à déployer mas-
     sivement les projets. Du coup, ils sont
                                                 ©Carrefour

     souvent de même nature qu’Outre-
     Manche, mais n’ont souvent pas la
     même échelle ou la même vitesse de
     déploiement », avance Laurent de                         Léandre Boulez d’Auchan : c’était il y   Saxons, une fois que c’est décidé, c’est
     Bourmont (Argon). « Le premier que                       a sept ans ! En France, on parle des     appliqué », note Olivier Dubouis
     j’ai entendu parler de Gestion Mutua-                    concepts mais on met longtemps à les     (Diagma). Une autre explication peut
     lisée des Approvisionnements était                       appliquer. Tandis que chez les Anglo-    être le manque de conviction des diri-

                                                              Claude Samson, DG de Samada
                                              « Nous sommes le bras armé
                                             de la Direction Supply Chain »

                              L
                                    ’objectif premier de Monoprix est de                    tion et voyons ce que nous pouvons faire,
                                    se focaliser davantage sur les magasins                 à quel coût. » Claude Samson croit par
42                                  et le client final. « L’important, c’est                ailleurs beaucoup à la coopération et à la
                               que le magasin ait bien tous ses produits                    mutualisation, notamment pour mettre
                               chaque jour avec les dates qui conviennent                   en place à terme le flux tendu sur les pro-
                               afin que le client trouve ses produits dans                  duits secs. « La Grande Distribution fran-
                               son magasin toute la journée et tous les                     çaise doit évoluer vers plus de coopéra-
                               jours de la semaine », résume Claude                         tion entre les acteurs et de mutualisation
                               Samson. Pour ce faire, le DG de Samada a                     des moyens et moins dans le conflit et
                               créé une Direction développement et                          l’opposition », estime-t-il. Ce qui suppose
                               Qualité chargée de trouver les services sup-                 respect et compréhension de l’autre. Con-
                               plémentaires à instaurer pour que les                        crètement, cela passe déjà pour lui par le
                               magasins aient le meilleur service au                        fait de participer aux négociations trans-
                               meilleur coût. Il s’est aussi attaché à déve-                porteurs aux côtés de la Direction des
                               lopper le sens du client chez ses équipes.                   achats ou de les gérer lui-même « afin de
                               « Nous sommes des prestataires avant tout.                   ne pas considérer que les coûts mais aussi
                               Nous sommes au service des magasins et                       le service rendu ». En interne, chez Mono-
                               nous essayons d’avoir une excellente liai-                   prix des programmes de type « Vis ma
                               son système et humaine entre la Supply                       vie », dans lequel une personne occupe
                               Chain appro & pilotage des flux et la logis-                 temporairement la fonction d’une autre,
                               tique physique. Dans ce mode de fonction-                    permettent de mieux en saisir les con-
                               nement, nous sommes le bras armé de la                       traintes. Enfin, Claude Samson apprécie
                               Direction Supply Chain. Nous avons une                       également la multiplication des Clubs
                               vraie relation client/prestataire et lorsque                 (Agora, Demeter…) qui instaurent un dia-
                               l’on nous demande quelque chose, nous ne                     logue non agressif entre professionnels
                               disons jamais non. Nous étudions la ques-                    de la distribution et industriels.

     N°43 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2010
geants : « Chez Tesco, les Grands                                              Feridun Akpinar,
Managers ont en tête que les schémas                                       Directeur SC Alimentaire,
Supply Chain ont un impact sur le                                             Les Mousquetaires
développement d’une enseigne. Ils en
sont très convaincus et sont très com-                             « Notre niveau de service
pétents sur les aspects Supply Chain.                                s’arrête à l’entrepôt »
Les Français, de leur côté, n’ont pas

                                                                   N
une conception très Business de la                                «            otre particularité est qu’un produit vendu
Supply Chain », juge Jean-Marie                                                sur deux provient de nos usines ou de four-
Picard (CPV Associés). Ce que                                                  nisseurs que nous contrôlons », souligne
confirme Laurent de Bourmont                                          Feridun Akpinar. D’où la priorité accordée au déve-
(Argon) : « En France, le succès de la                                loppement de l’ordonnancement pris en compte
Grande Distribution est fondé sur la                                  directement avec les usines, la GPA portant sur
priorité au commerce, le dynamisme                                    l’optimisation du transport. « Depuis cinq ans, nous
des équipes de ventes, les produits, la                               avons lancé un chantier important de mutualisation
puissance d’achat... La Supply Chain,                                 des approvisionnements avec nos 62 usines. Nous
et notamment sa dimension collabora-                                  sommes allés plus loin que la GPA, qui fluidifie les
tive, n’est pas forcément le terrain où                               approvisionnements mais conserve deux stocks, en
la culture du commerce s’exprime le                                   montant des bases pour des stocks avancés qui
mieux, même si les choses ont beau-                                   regroupent les stocks de la Centrale d’achat et des
coup évolué en cinq ans. »                                            industriels », expose le Directeur SC Alimentaire des
                                                                      Mousquetaires, qui admet en revanche être plus en
Un vent de changement                                                 retard vis-à-vis des fournisseurs externes. Autre
Mais les choses changent progressive-                                 spécificité d’Intermarché : des points de ventes gérés
ment. « Depuis deux/ trois ans, la                                    par des Indépendants. « Nous mettons à la disposi-
grande distribution nous consulte                                     tion des points de ventes des outils de réapprovi-
davantage pour mettre en place du                                     sionnement automatique, mais ils sont libres de
cross-dock. Elle réfléchit aussi à la                                 les utiliser ou pas. Dans ce contexte, il est très diffi-
mise en place de stocks avancés, pour                                 cile d’assurer un niveau de service incluant les points
favoriser le transfert de propriété au                                de vente et notre niveau de service s’arrête à l’entre-           43
plus tard entre le distributeur et son                                pôt. » De la même manière, le Département Mer-
fournisseur. La Gestion Mutualisée                                    chandising se contente d’être force de proposition.
des Approvisionnements (GMA) est                                      « Nous poussons le développement des réapprovi-
aussi d’actualité pour augmenter les                                  sionnements automatiques mais le chemin est long.
fréquences de livraison tout en dimi-                                 Le flux tendu a été mis en place dans le frais et
nuant les stocks. Par ailleurs, les                                   marche bien. Le cadencement oblige les points de
Grands Distributeurs tendent à mas-                                   ventes à respecter des règles. Pour convaincre, il faut
sifier les flux de produits à faible rota-                            faire la preuve que cela fonctionne. Ensuite cela
tion sur des plates-formes de regrou-                                 devient une démarche volontaire. »
pement dédiées. Enfin, depuis quatre/-
cinq ans, ils s’équipent de plus en plus
de logiciels de pilotage des approvi-        portes du Retail étaient plutôt fermées     Order Management) qui vise à piloter
sionnements magasins et d’optimi-            à Manhattan, mais progressivement,          au mieux et en automatique le traite-
sation des stocks », constate Olivier        les Grands Distributeurs renouvellent       ment des commandes à travers les dif-
Dubouis (Diagma). D’autre part, pour         leurs applications et adoptent des          férents canaux selon des schémas pré-
rendre leurs S.I. plus performants, les      solutions Best of Breed du marché. De       établis (passage de commande sur
Grands Distributeurs s’ouvrent pro-          plus, avec l’arrivée du e-commerce et       Internet et retrait en magasin ou com-
gressivement aux logiciels du marché         du cross-canal, ils entament des            mande en magasin et livraison sur un
(ex : Auchan avec Sterling Order             réflexions pour mieux intégrer de nou-      point relais …). Le but étant de mutua-
Management de Sterling Commerce,             veaux systèmes et modèles », souligne       liser les stocks et de faire dialoguer des
Les Mousquetaires avec G.O.L.D.              David Fontaine, Consultant Solution         systèmes hétérogènes à travers une
d’Aldata et DDS, Monoprix avec               Senior Chez Manhattan Associates.           couche applicative transverse, afin de
G.O.L.D Shop d’Aldata, Schiever              L’éditeur vient en effet de lancer une      gagner en réactivité vis-à-vis d’une
avec PPS d’Acteos…). « Au début, les         solution baptisée DOM (Distributed          commande client.

                                                                                            AVRIL 2010 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N°43
E n q u ê t e

     L’enjeu du multi-canal                                          croissance. Pour Jean-Luc Fonteneau,                              le DG de Diagma. Cette multiplicité
     Les Retailers se cherchent et testent                           les évolutions de la consommation                                 de canaux va encore complexifier la
     un foisonnement de nouveaux con-                                vont contribuer à redistribuer les                                gestion des Supply Chains, d’où la
     cepts pour se rapprocher du consom-                             cartes : « Les hypermarchés sont en                               nécessité de mettre en face les res-
     mateur et compléter le modèle en                                perte de vitesse, de même que les                                 sources adéquates. Heureusement,
     déclin de l’hypermarché. Des formats                            supermarchés à l’extérieur des villes.                            les recrutements de têtes bien faites
     de proximités voient le jour : Carrefour                        Tandis que les supermarchés de                                    se multiplient. « Nous constatons
     City, Daily Monop… En magasin, se                               centre ville et l’e-commerce sont en                              depuis cinq ans que les équipes
     développent des kiosks (réserves ados-                          pleine croissance. Les grands distri-                             Supply Chain des distributeurs élè-
     sées aux magasins où les produits, qui                          buteurs lancent plein de tests (livrai-                           vent leur niveau de compétence. Des
     ne sont pas physiquement en linéaire,                           son de nuit…) puis décideront, au vu                              ingénieurs sont recrutés pour gérer
     peuvent être retirés). Auchan et                                des résultats, ce qu’il convient de                               les prévisions, les approvisionne-
     Leclerc essaient les Drives (où l’on                            développer. Plusieurs modèles vont                                ments, optimiser les entrepôts…
     peut charger dans son coffre de voiture                         cohabiter. On va repartir sur de nou-                             Nous voyons se constituer des
     des commandes préparées à l’avance).                            velles bases, ce qui va offrir des                                équipes méthode de très bonne qua-
     Les sites de e-commerce fleurissent                             opportunités au niveau Supply Chain,                              lité. Cela va payer dans les années
     (Ooshop, Houra.fr, C.Discount …) et                             comme peut-être des entrepôts multi-                              qui viennent », promet Laurent de
     le M-Commerce (commandes passées                                distributeurs pour desservir les                                  Bourmont (Argon).
     depuis un téléphone portable) est en                            magasins de centre ville », envisage                                                     Cathy Polge

                                              CLASSEMENT MONDIAL DES ENSEIGNES
                                              DE GRANDE DISTRIBUTION PAR CA 2008
             La France tire bien son épingle du jeu dans ce format de distribution avec cinq Groupes placés dans les 20 premiers mondiaux
                                                                                         2008 en Md$

                                                                                                                      2008 en Md$
                                                                                                        2008 en Md$
                                                                                         distribution

                                                                                                                      Revenu net
                                                                                                           groupe
                                                                                                        CA groupe

                                                                                                                                                                                       où présent
                                                                            D'ORIGINE

                                                                                                                                                                                       Nombre
                                                                                                        en Md$

                                                                                                                                                                                       de pays
                                                                                                                      groupe
      RANG

                                                                            PAYS

                                                                                                        2008
                                                                                         CA

                                                                                                        CA

             NOM                                                                                                                    Formats dominants
      1      WAL-MART Stores Inc                                      USA                  401,2          405,6           13,9      Hyper/Super/Proximité                                   15
44    2      CARREFOUR SA                                             FRANCE                  128         129,8            2,3      Hyper/Super/Proximité                                   36
      3      METRO AG                                                 ALLEMAGNE                 99           100           0,8      Cash& Carry/Warehouse Club                              32
      4      TESCO Plc                                                UK                     96,2           96,2           3,8      Hyper/Super/Proximité                                   13
      5      THE KROGER Company                                       USA                       76             76          1,2      Supermarchés                                              1
      6      COSTCO WHOLESALE Corp.                                   USA                       71          72,5           1,3      Cash& Carry/Warehouse Club                                8
      7      REWE ZENTRAL AG                                          ALLEMAGNE              61,5           73,3           n/a      Supermarchés                                            14
      8      Groupe AUCHAN SA                                         FRANCE                 56,8           57,1           1,1      Hyper/Super/Proximité                                   12
      9      AEON Company Ltd                                         JAPON                     48          52,3           0,9      Hyper/Super/Proximité                                   10
     10 CENTRES DISTRIBUTEURS                                         FRANCE                 47,6           47,6           n/a      Hyper/Super/Proximité                                     6
        EDOUARD LECLERC
     11 EDEKA Zentral AG & Company KG ALLEMAGNE                                              47,4           49,4           n/a      Supermarchés                                              1
     12 SEARS Holding Corp.                                           USA                    46,8           46,8              1     Grands Magasins                                           5
     13 ITM Developpement international FRANCE                                               44,5           44,5           n/a      Supermarchés                                              8
     14 SAFEWAY Inc                                                   USA                    43,2           44,1              1     Supermarchés                                              2
     15 CASINO GUICHARD                                               FRANCE                 39,7           42,2           0,9      Hyper/Super/Proximité                                   11
        PERRACHON SA
     16 KONINKLIJKE AHOLD NV                                          PAYS BAS               37,8           37,8           1,6      Supermarchés                                              9
     17 WOOLWORTH Ltd                                                 AUSTRALIE                 36          37,2           1,4      Supermarchés                                              6
     18 SUPERVALU Inc.                                                USA                    34,7           44,6          -2,9      Supermarchés                                              1
     19 WESTFARMERS Ltd                                               AUSTRALIE              32,7           38,1           1,1      Supermarchés                                              2
     20 J SAINSBURY                                                   UK                     32,6           32,6           0,5      Supermarchés                                              1
     Source Deloitte Touche Tohmatsu, Global Powers of Retailing 2010*
     * Etude qui classe 250 Retailers dans le monde, tous secteurs (Alimentaire, spécialisé, Discount… Nous avons extrait de ce classement les groupes de Grande Distribution et de Cash&Carry.

     N°43 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2010
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