Grande distribution Quel modèle pour demain ? - Supply Chain ...
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E n q u ê t e Grande distribution Quel modèle pour demain ? Les groupes de Grande Distribution anglo-saxons comme Wal-Mart ou Tesco sont souvent cités en exemple pour leurs bonnes pratiques, particulièrement en Supply Chain Management. Stocks allégés, livraisons des magasins plus fréquentes, systèmes d’informations performants, collaboration fournisseurs étendue, couplage de la Demand et de la Supply Chain en interne : autant de concepts largement appliqués qui ont prouvé leur efficacité. Mais qu’en est-il de la Grande Distribution française ? Se cale-t-elle sur cette vision anglo-saxonne ou a-t-elle ses propres modèles ? Est-elle en mesure de mettre ces principes en pratique ou se heurte-t-elle à des freins historiques, réglementaires ou culturels spécifiques ? 36 Q ©Carrefour uelles sont au juste les spé- Supply Chain. Ils ne cherchent pas à cificités du modèle anglo- optimiser les coûts de transport ou à saxon ? A en juger par les avoir les coûts logistiques les plus experts que nous avons consul- bas, mais regardent jusqu’au maga- tés, elles sont multiples, à sin, en intégrant jusqu’à son compte commencer par l’étendue d’exploitation. Par exemple, pour de la Supply Chain jusqu’au point de faciliter la mise en rayon, Tesco uti- vente et l’innovation. « Les Anglo- lise des Dollies (des plateaux à rou- saxons ont une vision globale de la lettes qui supportent des présentoirs), N°43 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2010
même si cela fait perdre un peu en opti- Laurent tendus jusqu’aux plates-formes d’écla- misation de chargement, parce qu’au de Bourmont, tement pour délivrer les magasins. Directeur global, il est gagnant », explique Jean- Associé, Résultat chez Tesco : trois semaines de Marie Picard, Directeur Associé chez Argon stock en moyenne sur les plates-formes CPV Associés. Autre astuce relevée Consulting de consolidation, quatre jours sur les par Laurent Thoumine, Managing plates-formes d’éclatement et quasi Partner chez Kurt Salmon Associate rien en magasin, contre le double en (KSA) : « Dans les années 1990, aux France », expose Jean-Marie Picard Etats Unis, des logisticiens avaient (CPV Associés), sachant que les maga- inventé un concept de parois amovibles sins passent deux commandes par jour Jean-Marie pour réassortir des palettes de Coca Picard, chez Tesco (matin et après-midi) contre Cola dans les Superstores de Wal- Directeur une le matin en France. Même volonté Mart. Les linéaires étaient ainsi réap- Associé, de raccourcir les schémas de distribu- provisionnés par l’arrière, sans avoir à CPV Associés tion chez Wal-Mart. « Plus de 50 % du sortir une palette de la réserve ». Les CA de Wal-Mart est livré en flux tendu, Directeurs logistiques et Supply Chain sans point de stockage intermédiaire », sont sans doute les mieux placés pour illustre Olivier Dubouis, Directeur aider les commerçants à optimiser la Associé, Diagma. Et de comparer les logistique de leurs surfaces de ventes. Des circuits de distribution niveaux de stocks entre enseignes : « En De même, Wal-Mart et Tesco ont eu plus réactifs 2008, Carrefour et Auchan affichaient l’idée de coupler les outils de merchan- Les circuits de distribution anglo- chacun 37 jours de stocks. De son côté, dising (de type Apollo, Intactix, Space- saxons sont aussi plus courts, d’où des le rapport annuel de Tesco en 2009 fai- man…) qui établissent les plano- niveaux de stocks plus bas. « Le schéma sait état de 19 jours de stock. » 37 ©Carrefour grammes en définissant des profon- anglais restreint le nombre de lieux Des investissements élevés deurs, largeurs, minimums de pro- de stockages. Très rapidement, au et récurrents dans les SI duits... avec les outils de gestion des Royaume Uni, les distributeurs se sont « Les Anglais ont une vision très pro- stocks. « L’introduction de nouveaux tournés vers des prestataires pour créer cess du métier de la distribution. produits, l’extension de facing, la fin de des plates-formes de consolidation C’est un Business performant s’il est vie de produits, etc. sont des informa- multi-distributeurs. Ainsi, les fournis- bien huilé. D’ailleurs, ils ont beau- tions qui intéressent les logisticiens seurs livrent ces plates-formes de distri- coup investi dans les systèmes d’in- pour adapter les approvisionnements », bution en camions complets, puis les formation », remarque Laurent de justifie Laurent Thoumine (KSA). marchandises sont acheminées en flux Bourmont, Directeur Associé chez AVRIL 2010 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N°43
E n q u ê t e Argon Consulting. A titre d’exemple, Manhattan Associates). Sous la hou- Un budget de 1,8 Md$ est alloué, Sainsbury s’est lancé dès 2000 dans lette du CEO, toute la fonction infor- complété en 2005. De son côté, une refonte complète de son système matique est externalisée à Accenture Auchan a fait lui aussi appel à d’information hétérogène (400 appli- (et Sun Microsystems) pour faire Accenture, mais pour redévelopper cations différentes rien qu’en Supply migrer progressivement les plates- en interne son système commercial. Chain) et obsolète (remplacement formes et systèmes propriétaires du Un plateau de consultants a travaillé à dans la fin des années 1990 d’un Distributeur vers des solutions Best Lille deux ans durant avant que le WMS maison de 30 ans par celui de of Breed inter opérantes du marché. DSI ne soit remercié et le projet, fina- Didier Thibaud, Directeur SC de Carrefour France « Nous sommes arrivés au bout de certains modèles » P our Didier Thibaud, il ne faut pas concepts », assène Didier Thibaud. Mais ce opposer les distributions françaises et qui le préoccupe le plus concerne la colla- anglo-saxonnes : « Nous sommes tous boration fournisseurs. « Je crois intime- d’accord sur les concepts, mais ils sont juste ment aux projets montés de type GMA de moins mis en musique en France. » L’ob- Danone avec des commandes alloties et jectif du Directeur SC de Carrefour France des propositions d’approvisionnement est « de partir plus du client, de la vision par magasin. Un fournisseur gère 100 à rupture en linéaire et de mettre en place 250 références contre 2.000 pour un appro- en amont l’organisation pour baisser les visionneur de Carrefour. Il connaît mieux la stocks et les coûts de distribution. » La saisonnalité de ses produits, les animations Supply Chain de Carrefour France s’est déjà promotionnelles… C’est une connaissance orientée dans cette voie puisqu’une équipe métier dont il doit nous faire bénéficier. Et d’approvisionnements assistés, qui pilote nous avons de beaux exemples où les sor- les algorithmes de propositions de com- ties de caisses accélèrent la mise en place mandes, a été initiée. « Cette organisation de nouveaux produits. De s’étonner toute- 38 étend la vision de la Supply Chain jusqu’au fois : Je découvre, en comparant la distribu- linéaire et permet de partager les décisions tion anglo-saxonne et nous, des fournis- entre l’exploitation magasin et la Supply seurs beaucoup plus réactifs sur les délais et Chain », commente Didier Thibaud. Ainsi, les fréquences de livraison qu’en France (48 les coefficients de saisonnalité saisis dans à 72 h vs 4 à 8 jours dans le sec). Et même, l’outil de réapprovisionnement sont pilotés si la distance explique un à deux jours, je ne en central à partir des données macro d’Iri comprends pas ce niveau d’écart. » Il Secodip sur sept régions. Ils sont mis en dénonce également le système des place semaine par semaine, avec adapta- barèmes quantitatifs chers aux fournis- tion, et les magasins chefs de file, hebdo- seurs : « Ce système franco-français, qui madairement, voire quotidiennement, par- n’existe nulle part ailleurs, nous fait appro- tagent les décisions avant application via visionner des marchandises dont nous des conférences téléphoniques. De même, n’avons pas besoin ! », s’insurge-t-il. Evo- Carrefour France évolue vers le Category quant les irréductibles 10 % de ruptures Management. Depuis deux ans pour le non mesurées par ECR, il poursuit : « Nous som- alimentaire et dix mois pour l’alimentaire, mes arrivés au bout de certains modèles. Il des équipes Achats, Marketing et Supply faut donc inventer de nouvelles stratégies, Chain sont sur le même site. Le numéro comme les CCC qui sont une vraie réponse deux de la distribution mondiale est aussi pour les petits et moyens fournisseurs, en en train d’opérer de profonds change- MDD comme en marque nationale. Je suis ments au sein de ses S.I. « La distribution sincèrement confiant, car quand le com- française doit se réorganiser vers des S.I. merce est difficile, il faut trouver ensemble plus performants et réactifs qui entraînent des solutions. Et les plus rapides à le faire un cercle vertueux dans l’assise des seront ceux qui gagneront. » N°43 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2010
lement arrêté. « La Grande Distribu- tion. Ils travaillent en mode projet, tion alimentaire en France n’a pas avec des indicateurs et des exigences Olivier cru aux progiciels ERP et n’a pris ce Dubouis, au moins égales à celle de la France virage que tardivement, à la diffé- Directeur (ex : délais courts), indique Jean-Marie rence du Royaume Uni et des Etats Associé, Picard (CPV Associés). Et de pour- Unis où les solutions du marché sont Diagma suivre : Les Anglo-saxons organisent plus installées à l’image d’Oracle les approvisionnements autour du Retail, de JDA ou de SAP Retail », Category Management. Par gamme de observe Laurent de Bourmont produits (lessives, vêtements enfants, (Argon). Les Américains ne sont etc.), ils placent dans le même bureau d’ailleurs pas en reste côté investis- trois acteurs clefs qui travaillent de sements informatiques, comme en concert à améliorer la profitabilité de atteste Olivier Dubouis (Diagma) : la catégorie de produits : Achats, David « Les enseignes américaines allouent Fontaine, Marketing offre et Responsable Supply entre 0,8 % et 1,5 % de leur CA au Consultant Chain (qui dépendent de leurs hiérar- budget informatique. Wal-Mart inves- Solution Senior, chies respectives). Chez nous, histori- tit ainsi depuis longtemps dans sa Manhattan quement, les organisations sont cloi- Associates Supply Chain et ses S.I. Les grands sonnées mais discutent lors de réu- distributeurs français n’en ont jamais nions inter départements. » Cet aspect fait autant sur la durée. » culturel tiendrait-il aux hommes ? En tout cas, les Anglo-Saxons semblent Un sourcing ne pas mégoter sur les recrutements de de plus en plus global compétences élevées dans les fonc- Pour Jean-Marc Soulier, Directeur tions Supply Chain, ni sur la recon- Jean-Luc Associé, Metis Consulting, les grands Fonteneau, naissance de la fonction. « La pre- distributeurs tendent à consolider leurs DG, mière caractéristique de Wal-Mart et achats multi-pays, voire multi- Diagma Tesco est la densité de matière grise enseignes. « Les distributeurs comme dans leurs Directions Supply Chain. Wal-Mart (15 pays) ou Carrefour Ils ont quantité de cerveaux de niveau (36 pays) sont dans des logiques ingénieur pour réadapter dynamique- 39 d’achats conjoints. L’enjeu est la maî- ment la structure par rapport aux caté- trise de la Wide Supply Chain et de tra- gories de produits et aux fournisseurs. vailler de plus en plus en direct avec De plus, la Supply Chain est connectée les fournisseurs, en court-circuitant les à la Demand Chain. En Angleterre et intermédiaires ». C’est ainsi que fleu- aux Etats Unis, les logisticiens et les Laurent rissent les bureaux de sourcing en Thoumine, commerçants ont une telle collabora- Asie, en Afrique du Sud, en Nouvelle Managing tion sur les prévisions à la maille heb- Zélande, etc. de même que des plates- Partner, domadaire que l’adaptation des res- formes de consolidation capables de France, sources logistiques est bien meilleure. Kurt Salmon livrer des conteneurs multi fournis- Aassociates Ils ont une capacité de réaction beau- seurs à des entrepôts ciblés. « Compte coup plus forte. Enfin, dans neuf tenu de leur taille, les gens de Wal- cas sur 10, le Directeur Supply Chain Mart vont plus vite et frappent plus est membre du Comex, ce qui n’est fort que les autres. La part des MDD pas aussi systématique en France », élevée étant un facteur de motivation remarque Laurent Thoumine (KSA). supplémentaire », ajoute-t-il. Jean-Marc Soulier, Le poids de Un sens aigu Directeur la réglementation française Associé, de la collaboration Metis Pourquoi la Grande Distribution fran- De l’avis général, le mode collabo- Consulting çaise n’a-t-elle pas évolué selon les ratif est plus ancré chez les Grands mêmes schémas ? Comme le rappelle Distributeurs anglais et américains. avec bon sens Jean-Luc Fonteneau, « La logique anglo-saxonne est beau- DG de Diagma, il est a priori hasar- coup plus orientée vers la collabora- deux de comparer les coûts et perfor- AVRIL 2010 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N°43
E n q u ê t e mances de chaînes de distributions de en France : « La Grande Distribution faces, ce qui a eu pour effet d’agran- pays comme la France et le Royaume française est très contrainte par un dir les surfaces de ventes existantes Uni (où les distances sont moindres) ensemble de lois qui n’arrêtent pas au détriment des réserves. Dans ou encore les Etats Unis, à l’échelle de changer. Pour protéger le petit le même temps, les Grands Distri- d’un continent. Mais de souligner le commerce, on a par exemple gelé la buteurs anglais ou allemands poids important de la réglementation création de nouvelles grandes sur- n’étaient pas contraints dans leur Sabine El Kasri, Directrice Supply Chain, Monoprix « La remontée des stocks magasins apporte un vrai changement dans le pilotage » E n tant que Directrice Supply Chain de nombre de mises à quai », se réjouit Sabine Monoprix, Sabine El Kasri est respon- El Kasri, qui souhaite étudier d’autres sable du pilotage des flux d’approvi- opportunités. sionnement depuis les magasins jusqu’aux Au Merchandising de Monoprix, les plano- fournisseurs. La logistique physique étant grammes sont réalisés par format (ex : City gérée par la Samada, filiale logistique de Marché, Daily Monop) et sous-division Monoprix. Les actions menées par la (taille magasin, localisation). Trois à huit Direction Supply Chain pour mieux remplir assortiments sont possibles. « Au niveau les magasins portent en partie sur la Supply, nous intégrons l’ensemble des Gestion Partagée des Approvisionnements informations des planogrammes pour (GPA), la Gestion mutualisée des approvi- constituer les commandes de mise sur le sionnements (GMA) et le Merchandising. marché et de réassort, précise la Directrice « Depuis quelques années, nous avons mis SC. Ce lien est d’autant plus indispensable en place des flux collaboratifs avec de que l’ensemble des gammes est en réassort grosses multinationales, en alimentaire, automatique. » Par ailleurs, un pilotage comme en non alimentaire. Ils concernent central des événements (jours féries, 20 % de nos approvisionnements en vacances, Tour de France…) avec les maga- 40 volume. Après une pause, nous sommes en sins est en train de se mettre en place. train de reprendre ce dossier », indique «Grâce à l’analyse des historiques de vente, Sabine El Kasri. Cette collaboration, qui nous anticipons mieux les événements à renforce une relation déjà aboutie avec ces venir et pilotons les approvisionnements fournisseurs, suppose de la rigueur, une des magasins y compris sur des événements qualité des référentiels produits et beau- locaux. » C’est une cellule transverse de « coup d’échanges. « Nous avons obtenu une Chargés d’études », qui font la planification amélioration du niveau de stock et de la et travaillent sur d’autres projets, qui s’en qualité de service. En outre, nos approvi- occupe. Ils sont en relation avec les approvi- sionneurs, déchargés des aspects récurrents, sionneurs, les sites logistiques et la peuvent se concentrer sur les références Direction des ventes, pour optimiser les importantes et les événements (début/ flux. Fin 2009, Monoprix a achevé la mise en fin de vie, chaînage promotion…) ». La place de G.O.L.D. Shop, outil de réapprovi- GMA date de juin 2009 avec Henkel, sionnement magasins. « Jusqu’alors, nos Colgate, Smithkline et Sara Lee, côté indus- réassorts étaient basés seulement sur les triel, et FM Logistic, côté prestataire logis- ventes. Nous connaissons à présent le stock tique. « Nous sommes assez satisfaits par au produit et au magasin. La remontée des rapport aux premiers pilotes en termes de stocks magasins apporte un vrai change- gain de qualité et de niveau de stocks. ment dans le pilotage et la finesse de déci- Nous avons gagné presque quatre jours sur sion. » D’ici deux à trois ans, Sabine El Kasri les stocks entrepôts, multiplié par 2,5 nos envisage de développer le cross docking sur fréquences de livraison, avec des ruptures l’épicerie et le non alimentaire. Les possibi- moins longues, tout en maintenant des lités de massification des flux (produits à charges complètes et en réduisant le faible rotation) sont aussi à l’étude. N°43 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2010
Business », compare Jean-Luc Fonteneau (Diagma). Et Jean-Marie Picard (CPV Associés) de compléter : « Dans les années 2000-2005, la Loi Galland a eu plein d’effets pervers. Les remises logistiques des indus- triels poussaient en effet les Grands Distributeurs à faire venir les mar- chandises en camions complets pour bénéficier des meilleurs barèmes quantitatifs (BQ) et donc à sur stoc- ker. Puis elle a été abrogée, faisant du coup sauter ce verrou. Dans le même temps, Tesco revoyait sa Supply Chain en cherchant à minimiser le coût logistique complet ». ©Carrefour Des spécificités culturelles françaises D’autres aspects, de nature culturelle, sent difficiles à surmonter. « Par rap- ture à soi plutôt que de jouer sont des freins à la collaboration. port aux pays anglo-saxons, nous gagnant-gagnant », estime Olivier Ainsi, les rapports historiquement sommes toujours dans une logique Dubouis (Diagma). Et de poursuivre : tendus entre la Grande Distribution client/fournisseur de rapport de force Les ilots de collaboration tiennent française et ses fournisseurs parais- où chacun cherche à tirer la couver- souvent à des personnes, surtout dans 41 AVRIL 2010 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N°43
E n q u ê t e un contexte économique plus difficile qui ne pousse pas à partager. » De son côté, Laurent Thoumine (KSA) dénonce « la surpuissance des ache- teurs et leur pouvoir de négociation à la testostérone ». D’autre part, les projets semblent avoir plus de difficultés à se déployer en France. « La structure de gouvernance en France comporte une part impor- tante de franchisés ou d’indépendants à convaincre individuellement, d’où une certaine difficulté à déployer mas- sivement les projets. Du coup, ils sont ©Carrefour souvent de même nature qu’Outre- Manche, mais n’ont souvent pas la même échelle ou la même vitesse de déploiement », avance Laurent de Léandre Boulez d’Auchan : c’était il y Saxons, une fois que c’est décidé, c’est Bourmont (Argon). « Le premier que a sept ans ! En France, on parle des appliqué », note Olivier Dubouis j’ai entendu parler de Gestion Mutua- concepts mais on met longtemps à les (Diagma). Une autre explication peut lisée des Approvisionnements était appliquer. Tandis que chez les Anglo- être le manque de conviction des diri- Claude Samson, DG de Samada « Nous sommes le bras armé de la Direction Supply Chain » L ’objectif premier de Monoprix est de tion et voyons ce que nous pouvons faire, se focaliser davantage sur les magasins à quel coût. » Claude Samson croit par 42 et le client final. « L’important, c’est ailleurs beaucoup à la coopération et à la que le magasin ait bien tous ses produits mutualisation, notamment pour mettre chaque jour avec les dates qui conviennent en place à terme le flux tendu sur les pro- afin que le client trouve ses produits dans duits secs. « La Grande Distribution fran- son magasin toute la journée et tous les çaise doit évoluer vers plus de coopéra- jours de la semaine », résume Claude tion entre les acteurs et de mutualisation Samson. Pour ce faire, le DG de Samada a des moyens et moins dans le conflit et créé une Direction développement et l’opposition », estime-t-il. Ce qui suppose Qualité chargée de trouver les services sup- respect et compréhension de l’autre. Con- plémentaires à instaurer pour que les crètement, cela passe déjà pour lui par le magasins aient le meilleur service au fait de participer aux négociations trans- meilleur coût. Il s’est aussi attaché à déve- porteurs aux côtés de la Direction des lopper le sens du client chez ses équipes. achats ou de les gérer lui-même « afin de « Nous sommes des prestataires avant tout. ne pas considérer que les coûts mais aussi Nous sommes au service des magasins et le service rendu ». En interne, chez Mono- nous essayons d’avoir une excellente liai- prix des programmes de type « Vis ma son système et humaine entre la Supply vie », dans lequel une personne occupe Chain appro & pilotage des flux et la logis- temporairement la fonction d’une autre, tique physique. Dans ce mode de fonction- permettent de mieux en saisir les con- nement, nous sommes le bras armé de la traintes. Enfin, Claude Samson apprécie Direction Supply Chain. Nous avons une également la multiplication des Clubs vraie relation client/prestataire et lorsque (Agora, Demeter…) qui instaurent un dia- l’on nous demande quelque chose, nous ne logue non agressif entre professionnels disons jamais non. Nous étudions la ques- de la distribution et industriels. N°43 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2010
geants : « Chez Tesco, les Grands Feridun Akpinar, Managers ont en tête que les schémas Directeur SC Alimentaire, Supply Chain ont un impact sur le Les Mousquetaires développement d’une enseigne. Ils en sont très convaincus et sont très com- « Notre niveau de service pétents sur les aspects Supply Chain. s’arrête à l’entrepôt » Les Français, de leur côté, n’ont pas N une conception très Business de la « otre particularité est qu’un produit vendu Supply Chain », juge Jean-Marie sur deux provient de nos usines ou de four- Picard (CPV Associés). Ce que nisseurs que nous contrôlons », souligne confirme Laurent de Bourmont Feridun Akpinar. D’où la priorité accordée au déve- (Argon) : « En France, le succès de la loppement de l’ordonnancement pris en compte Grande Distribution est fondé sur la directement avec les usines, la GPA portant sur priorité au commerce, le dynamisme l’optimisation du transport. « Depuis cinq ans, nous des équipes de ventes, les produits, la avons lancé un chantier important de mutualisation puissance d’achat... La Supply Chain, des approvisionnements avec nos 62 usines. Nous et notamment sa dimension collabora- sommes allés plus loin que la GPA, qui fluidifie les tive, n’est pas forcément le terrain où approvisionnements mais conserve deux stocks, en la culture du commerce s’exprime le montant des bases pour des stocks avancés qui mieux, même si les choses ont beau- regroupent les stocks de la Centrale d’achat et des coup évolué en cinq ans. » industriels », expose le Directeur SC Alimentaire des Mousquetaires, qui admet en revanche être plus en Un vent de changement retard vis-à-vis des fournisseurs externes. Autre Mais les choses changent progressive- spécificité d’Intermarché : des points de ventes gérés ment. « Depuis deux/ trois ans, la par des Indépendants. « Nous mettons à la disposi- grande distribution nous consulte tion des points de ventes des outils de réapprovi- davantage pour mettre en place du sionnement automatique, mais ils sont libres de cross-dock. Elle réfléchit aussi à la les utiliser ou pas. Dans ce contexte, il est très diffi- mise en place de stocks avancés, pour cile d’assurer un niveau de service incluant les points favoriser le transfert de propriété au de vente et notre niveau de service s’arrête à l’entre- 43 plus tard entre le distributeur et son pôt. » De la même manière, le Département Mer- fournisseur. La Gestion Mutualisée chandising se contente d’être force de proposition. des Approvisionnements (GMA) est « Nous poussons le développement des réapprovi- aussi d’actualité pour augmenter les sionnements automatiques mais le chemin est long. fréquences de livraison tout en dimi- Le flux tendu a été mis en place dans le frais et nuant les stocks. Par ailleurs, les marche bien. Le cadencement oblige les points de Grands Distributeurs tendent à mas- ventes à respecter des règles. Pour convaincre, il faut sifier les flux de produits à faible rota- faire la preuve que cela fonctionne. Ensuite cela tion sur des plates-formes de regrou- devient une démarche volontaire. » pement dédiées. Enfin, depuis quatre/- cinq ans, ils s’équipent de plus en plus de logiciels de pilotage des approvi- portes du Retail étaient plutôt fermées Order Management) qui vise à piloter sionnements magasins et d’optimi- à Manhattan, mais progressivement, au mieux et en automatique le traite- sation des stocks », constate Olivier les Grands Distributeurs renouvellent ment des commandes à travers les dif- Dubouis (Diagma). D’autre part, pour leurs applications et adoptent des férents canaux selon des schémas pré- rendre leurs S.I. plus performants, les solutions Best of Breed du marché. De établis (passage de commande sur Grands Distributeurs s’ouvrent pro- plus, avec l’arrivée du e-commerce et Internet et retrait en magasin ou com- gressivement aux logiciels du marché du cross-canal, ils entament des mande en magasin et livraison sur un (ex : Auchan avec Sterling Order réflexions pour mieux intégrer de nou- point relais …). Le but étant de mutua- Management de Sterling Commerce, veaux systèmes et modèles », souligne liser les stocks et de faire dialoguer des Les Mousquetaires avec G.O.L.D. David Fontaine, Consultant Solution systèmes hétérogènes à travers une d’Aldata et DDS, Monoprix avec Senior Chez Manhattan Associates. couche applicative transverse, afin de G.O.L.D Shop d’Aldata, Schiever L’éditeur vient en effet de lancer une gagner en réactivité vis-à-vis d’une avec PPS d’Acteos…). « Au début, les solution baptisée DOM (Distributed commande client. AVRIL 2010 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N°43
E n q u ê t e L’enjeu du multi-canal croissance. Pour Jean-Luc Fonteneau, le DG de Diagma. Cette multiplicité Les Retailers se cherchent et testent les évolutions de la consommation de canaux va encore complexifier la un foisonnement de nouveaux con- vont contribuer à redistribuer les gestion des Supply Chains, d’où la cepts pour se rapprocher du consom- cartes : « Les hypermarchés sont en nécessité de mettre en face les res- mateur et compléter le modèle en perte de vitesse, de même que les sources adéquates. Heureusement, déclin de l’hypermarché. Des formats supermarchés à l’extérieur des villes. les recrutements de têtes bien faites de proximités voient le jour : Carrefour Tandis que les supermarchés de se multiplient. « Nous constatons City, Daily Monop… En magasin, se centre ville et l’e-commerce sont en depuis cinq ans que les équipes développent des kiosks (réserves ados- pleine croissance. Les grands distri- Supply Chain des distributeurs élè- sées aux magasins où les produits, qui buteurs lancent plein de tests (livrai- vent leur niveau de compétence. Des ne sont pas physiquement en linéaire, son de nuit…) puis décideront, au vu ingénieurs sont recrutés pour gérer peuvent être retirés). Auchan et des résultats, ce qu’il convient de les prévisions, les approvisionne- Leclerc essaient les Drives (où l’on développer. Plusieurs modèles vont ments, optimiser les entrepôts… peut charger dans son coffre de voiture cohabiter. On va repartir sur de nou- Nous voyons se constituer des des commandes préparées à l’avance). velles bases, ce qui va offrir des équipes méthode de très bonne qua- Les sites de e-commerce fleurissent opportunités au niveau Supply Chain, lité. Cela va payer dans les années (Ooshop, Houra.fr, C.Discount …) et comme peut-être des entrepôts multi- qui viennent », promet Laurent de le M-Commerce (commandes passées distributeurs pour desservir les Bourmont (Argon). depuis un téléphone portable) est en magasins de centre ville », envisage Cathy Polge CLASSEMENT MONDIAL DES ENSEIGNES DE GRANDE DISTRIBUTION PAR CA 2008 La France tire bien son épingle du jeu dans ce format de distribution avec cinq Groupes placés dans les 20 premiers mondiaux 2008 en Md$ 2008 en Md$ 2008 en Md$ distribution Revenu net groupe CA groupe où présent D'ORIGINE Nombre en Md$ de pays groupe RANG PAYS 2008 CA CA NOM Formats dominants 1 WAL-MART Stores Inc USA 401,2 405,6 13,9 Hyper/Super/Proximité 15 44 2 CARREFOUR SA FRANCE 128 129,8 2,3 Hyper/Super/Proximité 36 3 METRO AG ALLEMAGNE 99 100 0,8 Cash& Carry/Warehouse Club 32 4 TESCO Plc UK 96,2 96,2 3,8 Hyper/Super/Proximité 13 5 THE KROGER Company USA 76 76 1,2 Supermarchés 1 6 COSTCO WHOLESALE Corp. USA 71 72,5 1,3 Cash& Carry/Warehouse Club 8 7 REWE ZENTRAL AG ALLEMAGNE 61,5 73,3 n/a Supermarchés 14 8 Groupe AUCHAN SA FRANCE 56,8 57,1 1,1 Hyper/Super/Proximité 12 9 AEON Company Ltd JAPON 48 52,3 0,9 Hyper/Super/Proximité 10 10 CENTRES DISTRIBUTEURS FRANCE 47,6 47,6 n/a Hyper/Super/Proximité 6 EDOUARD LECLERC 11 EDEKA Zentral AG & Company KG ALLEMAGNE 47,4 49,4 n/a Supermarchés 1 12 SEARS Holding Corp. USA 46,8 46,8 1 Grands Magasins 5 13 ITM Developpement international FRANCE 44,5 44,5 n/a Supermarchés 8 14 SAFEWAY Inc USA 43,2 44,1 1 Supermarchés 2 15 CASINO GUICHARD FRANCE 39,7 42,2 0,9 Hyper/Super/Proximité 11 PERRACHON SA 16 KONINKLIJKE AHOLD NV PAYS BAS 37,8 37,8 1,6 Supermarchés 9 17 WOOLWORTH Ltd AUSTRALIE 36 37,2 1,4 Supermarchés 6 18 SUPERVALU Inc. USA 34,7 44,6 -2,9 Supermarchés 1 19 WESTFARMERS Ltd AUSTRALIE 32,7 38,1 1,1 Supermarchés 2 20 J SAINSBURY UK 32,6 32,6 0,5 Supermarchés 1 Source Deloitte Touche Tohmatsu, Global Powers of Retailing 2010* * Etude qui classe 250 Retailers dans le monde, tous secteurs (Alimentaire, spécialisé, Discount… Nous avons extrait de ce classement les groupes de Grande Distribution et de Cash&Carry. N°43 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2010
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