GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire

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GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire
GUSTAVE FLAUBERT :

neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire

               jean-baptiste de proyart

                          Cahier n°45

       Conditions de vente conformes aux usages du Syndicat de la
       Librairie Ancienne et Moderne et aux règlements de la Ligue
                   Internationale de la Librairie Ancienne
                         N° de TVA : FR21 478 71 326
GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire
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neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire

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                                 T. +33 (0) 1 47 23 41 18
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GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire
7702
    FLAUBERT, Gustave
    Projet de préface au Mémoire en défense de Madame Bovary
    [janvier 1857]

    SEUL DOCUMENT LITTÉRAIRE AUTOGRAPHE DE MADAME BOVARY ENCORE EN MAINS PRIVÉES.

    EXCEPTIONNEL MANUSCRIT AUTOGRAPHE DE FLAUBERT POUR SA DÉFENSE LORS DU PROCÈS
    DE MADAME BOVARY.

    DE LA COLLECTION JEAN A. BONNA

    Manuscrit autographe signé “Gustave Flaubert”

    2 pages in-folio (347 x 222mm)

    “Je suis accusé d’outrage “envers la morale publique et religieuse et les bonnes mœurs”. Ma justification est
    dans mon livre. Le voilà. Quand mes juges l’auront lu ils seront convaincus que loin d’avoir fait un roman
    obscène et irréligieux, j’ai au contraire composé quelque chose d’un effet moral.

    La moralité d’une oeuvre littéraire consiste-t-elle dans l’absence de certains détails qui pris isolément peuvent
    être incriminés ? ne faut-il pas plutôt considérer l’impression qui en résulte, la leçon indirecte qui en ressort
    ? - et si l’artiste dans l’insuffisance de son talent, n’a pu produire cet effet, qu’à l’aide d’une brutalité toute
    superficielle, les passages qui au premier coup d’oeil, semblent répréhensibles ne sont-ils pas, par cela même,
    les plus indispensables ? [Qui a jamais accusé Juvenal d’immoralité ?]

    Bien qu’il soit outrecuidant d’évoquer les grands hommes à propos des petites oeuvres, que l’on se rappelle
    avant de me juger, Rabelais, Montaigne, Régnier, tout Molière, l’abbé Prévost, Lesage, Beaumarchais & Balzac.

    Les livres sincères ont parfois des amertumes qui sauvent. Je ne redoute, pour ma part, que les littératures
    doucereuses que l’on absorbe sans répugnance et qui empoisonnent sans scandale.

    J’avais cru jusqu’alors que le romancier comme le voyageur avait la liberté des descriptions. J’aurais pu, après
    bien d’autres, choisir mon sujet dans les classes exceptionnelles ou ignobles de la société. Je l’ai pris, au
    contraire, dans la plus nombreuse et la plus plate. Que la reproduction en soit désagréable, je l’accorde. Qu’elle
    soit criminelle, je le nie.

    Je n’écris pas d’ailleurs pour les jeunes filles, mais pour des hommes, pour des lettrés. Les gens auxquels les
    livres peuvent nuire qui cherchent le libertinage dans les livres ne liront jamais trois pages du mien. Le ton
    sérieux les en écartera. [Addition en marge : Les gens qui s’amusent au libertinage des livres s’écarteront vite
    du mien.] On ne va point par lubricité aux amphithéâtres.

    Et maintenant, j’accepte d’avance la décision de mes juges. Devant l’énormité des accusations, j’ai toutes les
    naïvetés de l’ignorance, et ne comprenant guère ma faute, peut-être me consolerai-je de ma punition.

    Gustave Flaubert.”

    PROVENANCE : Jean A. Bonna (Paris, 26 avril 2017, n° 153, €51.520 avec les frais)

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GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire
Le 1er octobre 1856, La Revue de Paris commence à publier Madame Bovary sous la forme d’un
    feuilleton. Flaubert a mis plus de cinq années à écrire ce qui sera son chef d’œuvre. Mais après la
    parution des trois premiers chapitres, Gustave Flaubert, Laurent-Pichat, le directeur de la revue, et
    l’imprimeur, sont assignés, par le Tribunal correctionnel de Paris, à comparaître devant la justice pour
    “outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs”. Certaines descriptions du roman
    sont jugées trop lascives et réalistes. Le 29 janvier 1857 s’ouvre le plus célèbre procès littéraire que la
    France ait jamais connu. Dans un réquisitoire d’une heure et demie, le redouté procureur Ernest Pinard
    décortique le roman à sa façon. L’avocat Jules Senard brocarde ce “découpage artistique” et met en
    avant la moralité d’un roman dont l’héroïne est, à la fin, punie de ses fautes. Flaubert et ses comparses
    sont finalement acquittés grâce à la plaidoirie enflammée de Maître Senard. La justice inflige juste un
    blâme au roman pour “son réalisme vulgaire et choquant”. Madame Bovary parait en librairie le 15
    avril 1857. Les quinze mille exemplaires de la première édition s’écoulent très rapidement. Le succès
    est considérable.

    En janvier 1857, à la veille de son procès, Flaubert prépare sa défense. Il envisage une édition critique
    de son roman, spécialement réalisée à l’intention de ses juges. Flaubert imagine un système d’exégèse
    et de scolies encadrant son texte, à la manière des premiers textes imprimés. Le texte se tiendrait
    sur une colonne centrale, en gros caractères, laissant place, dans les marges, à des citations des plus
    grands auteurs du passé. Flaubert cite quelques-uns de ces auteurs : “Rabelais, Montaigne, Régnier,
    tout Molière, l’abbé Prévost, Lesage, Beaumarchais & Balzac”.

    Flaubert confirme ce projet d’édition à son éditeur Michel Lévy, dans une lettre du 10 janvier 1857 :

    “j’ai envie de mettre en regard... des citations tirées des classiques. Je démontrerai par là comme quoi ils ont été
    tous plus grossiers que moi. Après ma déclaration préalable ? je mettrai quelques lignes d’explication esthético-
    morales. Tout cela donnerait à la publication l’air véritablement d’un mémoire.”

    Ces “quelques lignes d’explication esthético-morales” formeraient la préface de cette édition, soit, ce
    manuscrit. Son avocat, Senard, comptait sur l’efficacité d’un tel “mémoire”, comme il le mentionnera
    plus tard dans sa plaidoirie :

    “La première pensée de mon client, qui a malheureusement rencontré de la résistance, avait été celle-ci : “Il
    n’y a qu’une seule chose à faire : imprimer immédiatement, non pas avec des coupures, mais dans son entier,
    l’œuvre telle qu’elle est sortie de mes mains, en rétablissant la scène du fiacre”.
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Portrait d’Antoine Jules Senard par J. Robert

    J’étais tout à fait de son avis, c’était la meilleure défense de mon client que l’impression complète de l’ouvrage   Le même type de métaphores filées se retrouvent dans les plus grandes œuvres de Flaubert, surgissant
    avec l’indication de quelques points, sur lesquels nous aurions plus spécialement prié le tribunal de porter son     d’une composition narrative et d’un style extrêmement rigoureux. On se rappelle, par exemple, dans
    attention. J’avais donné moi-même le titre de cette publication : Mémoire de M. Gustave Flaubert contre la           Madame Bovary, que “la conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de
    prévention d’outrage à la morale religieuse dirigée contre lui. J’avais écrit de ma main : “Tribunal de police       tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire”.
    correctionnelle, sixième chambre”, avec l’indication du président et du ministère public. Il y avait une préface
    dans laquelle on lisait : “on m’accuse avec des phrases prises ça et là dans mon livre ; je ne puis me défendre      On regrette, à la lecture de cette formidable préface, que cette édition critique de Madame Bovary n’ait
    qu’avec mon livre”.
                                                                                                                         pu être écrite et imprimée : “on vient (ce soir) d’arrêter mon mémoire” (lettre du 27 janvier 1857, à
                                                                                                                         Agénor Bardoux). On imagine l’immense intérêt qu’aurait suscité un tel dialogue de Flaubert avec ses
    Senard a certainement possédé une mise au net de cette préface puisqu’il en cite une phrase qui, sans
                                                                                                                         marges, à la manière d’un Montaigne. Un nouveau tribunal d’écrivains aurait pris place dans le livre
    figurer dans ce manuscrit, est tout à fait en accord avec son esprit.
                                                                                                                         lui-même, au secours d’un des plus grands romans de tous les temps.
    Flaubert doit répondre à des questions de moralité et d’immoralité. Pourtant, celles-ci sont étrangères
                                                                                                                         De ce projet d’édition, seule la préface, sous cette forme de brouillon autographe, a subsisté. La force
    à son travail. Il aurait aussi bien pu, comme il le rappelle dans cette préface, prendre son “sujet dans
                                                                                                                         de conviction qui habite cette préface révèle, en condensé, celle de Flaubert, concentré, déterminé,
    les classes exceptionnelles ou ignobles de la société”. Ce qui l’intéresse avant tout est le style : “Il n’y
                                                                                                                         durant ces quelques mois où son œuvre est attaquée. Le sinistre Ernest Pinard échoua à faire condamner
    a pas en littérature de bonnes intentions : le style est tout”, écrivait-il à Louise Colet le 15 janvier 1854.
                                                                                                                         Madame Bovary. Il réussit, l’été suivant, à faire condamner Les Fleurs du mal, toujours sous les
    Mais Flaubert, rigoureux, ne s’étend pas sur cette question. Il ne perd pas de vue le sujet de sa défense
                                                                                                                         mêmes mauvais griefs d’immoralité.
    qui est de répondre à des gens peu à même de comprendre la finalité de l’art. Il s’en tient donc à cette
    accusation d’immoralité portée sur Madame Bovary.
                                                                                                                         Les plans et manuscrits de Madame Bovary sont conservés à la Bibliothèque municipale de Rouen.
                                                                                                                         Ce projet de préface est donc le seul manuscrit encore conservé en mains privées d’un texte littéraire
    Pourtant, le style de Flaubert est, encore ici, admirable. Des phrases concises et denses servent son
                                                                                                                         voué à être imprimé, concernant Madame Bovary. Comme les plans de L’Éducation sentimentale de
    argumentation. Flaubert invoque comme premier moyen de défense de son livre, son livre lui-même:
                                                                                                                         la collection Pierre Bergé (vendus €587.720 avec les frais en 2015), cette préface permet d’embrasser
    ses juges ne l’ont pas lu ; en tout cas, pas dans son entier, ce qui d’emblée les discrédite. La censure
                                                                                                                         d’un regard, sur une page, le roman de Flaubert.
    ne peut frapper un objet avant de le connaître. Ensuite, Flaubert accepte de défendre son livre sur le
    terrain de la moralité, pourtant aux antipodes de ses préoccupations. Il convoque, pour cela, les plus               BIBLIOGRAPHIE : Yvan Leclerc, Bulletin Flaubert, 3, 2001, qui retranscrit le texte -- Édouard Graham,
    grands écrivains de la littérature française à travers les âges. Cette succession de grands noms prend               Passages d’encre, Paris, 2008, pp. 119-123
    valeur d’exemplum (exemple faisant autorité d’argument). Toute l’argumentation de Flaubert, enfin,                   EXPOSITION : ce manuscrit sera prêté à la grande exposition qui se tiendra à la Bibliothèque municipale
    est ponctuée de formules lapidaires :                                                                                de Rouen, du 11 décembre 2021 au 12 mars 2022, dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Gustave
                                                                                                                         Flaubert. Cette exposition est intitulée Gustave Flaubert : la fabrique de l’œuvre
    “Les livres sincères ont parfois des amertumes qui sauvent. Je ne redoute, pour ma part, que les littératures
    doucereuses que l’on absorbe sans répugnance et qui empoisonnent sans scandale”.
                                                                                                                         105.000 €

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GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire
4987
     FLAUBERT, Gustave
     Madame Bovary. Mœurs de province
     Paris, Michel Lévy, 1857

     L’UN DES EXEMPLAIRES SUR VÉLIN FORT, AVEC UN ENVOI À STANISLAS LÉDIER, DÉPUTÉ
     NORMAND, QUE FLAUBERT SOLLICITA ET QUI LE SOUTINT DURANT LE PROCÈS DE MADAME
     BOVARY

     ÉDITION ORIGINALE

     Deux parties en un volume in-12 (178 x 118mm). Exemplaire de premier tirage avec la faute Senart au lieu de
     Senard

     TIRAGE : un des rares exemplaires sur vélin fort

     ENVOI (à l’encre brune, sur le faux-titre) :

                À Mr Lédier, cordial hommage de l’auteur Gustave Flaubert

     RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos de maroquin aubergine, filets dorés, plats de papier marbré, tranches
     mouchetées. Étui, chemise

     Stanislas Xavier Sylvain Lédier (Bacqueville, 1798-Paris, 1873) fut député au Corps législatif de la Seine-
     Inférieure de 1852 à 1870, propriétaire et maire de Bacqueville-en-Caux, à quinze kilomètres au sud de Dieppe.
     Il prit part à l’établissement du régime impérial qu’il soutint de ses votes, ayant obtenu sa propre réélection
     le 22 juin 1857 contre un candidat républicain. Il fut battu, le 24 mai 1869 par un orléaniste. Au tout début de
     l’année 1857, Flaubert, souhaitant éviter un procès suite à la publication de son roman dans La Revue de Paris,
     sollicite, dans la même journée (2 janvier 1857), le député Lédier, Gustave Rouland (ministre de l’instruction
     publique) et Collet-Maigret (directeur de la police). Le procès eut tout de même lieu, mais Flaubert fut acquitté
     le 7 février 1857.

     BIBLIOGRAPHIE : Clouzot, Guide du bibliophile français, p. 121 -- Vicaire, Manuel de l’Amateur de livres
     du XIXe siècle, III, pp. 721-723 -- Carteret, Le Trésor du bibliophile romantique et moderne, I, pp. 263-265 -- A.
     Lambiotte, Le Livre et l’estampe, 1957, n° 12, p. 328-332

     60.000 €
10
GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire
Amaury-Duval, La comtesse de Loynes, 1862, Musée d’Orsay

                                                                                                                          Cette lettre de Flaubert à Jeanne de Tourbey, comtesse de Loynes, est inédite, comme nous l’a confirmé
                                                                                                                          M. Yvan Leclerc. Elle n’apparaît pas dans les soixante-huit lettres de l’écrivain à la salonnière
                                                                                                                          publiées par le site de l’Université de Rouen (https://flaubert.univ-rouen.fr/jet/public/correspondance/
                                                                                                                          feuilletage.php?t=D&sens=T&c=LOYN) ni, a fortiori, dans l’édition de la Correspondance dans la
                                                                                                                          Bibliothèque de la Pléiade. Elle sera prochainement intégrée au corpus des lettres publiées sur le site
                                                                                                                          de Rouen.

     11314                                                                                                                La lettre a dû être écrite par l’écrivain vers le mois de janvier 1873. On sait qu’il respecta l’année
     FLAUBERT, Gustave                                                                                                    entière de deuil à la suite de la mort de sa mère en avril 1872. Flaubert a la grippe et il est “hideux”.
     Salammbô                                                                                                             On retrouve ces deux indices dans une lettre à George Sand du même mois de janvier 1873 : “Chère
     Paris, Michel Lévy frères, libraires éditeurs, 1863.
                                                                                                                          maître, quand je serai guéri de ma grippe, j’irai vous voir. - Mais actuellement je souffre trop & je suis,
     SUPERBE LETTRE INÉDITE DE GUSTAVE FLAUBERT À JEANNE DE TOURBEY, COMTESSE DE                                          d’autre part, hideux avec ma toux & mes mouchoirs de poche”
     LOYNES, ÉGÉRIE DU TOUT-PARIS LITTÉRAIRE ET DONT FLAUBERT FUT ÉPERDUMENT ÉPRIS.
                                                                                                                          La «demi-mondaine» Marie-Anne Detourbay (1837-1908), née dans une famille champenoise très
     AVEC CE TON INIMITABLE DU FLAUBERT ENJOUÉ QUI LA QUITTE D’UN TRAIT DE PLUME : “À                                     pauvre, dut son ascension sociale spectaculaire à la bienveillance d’Alexandre Dumas fils et à la
     BIENTÔT, ANGE QUE VOUS ÊTES, VOTRE VIEUX FIDÈLE”                                                                     protection de Sainte-Beuve. Elle appuya sa carrière sur un prestigieux contingent d’amants lettrés ou
                                                                                                                          fortunés parmi lesquels se distinguent le diplomate ottoman Khalil Bey – commanditaire de L’Origine
     In-8 (225 x 144mm)                                                                                                   du monde de Gustave Courbet –, Jules Lemaître et Ernest Baroche, fils d’un ministre de Napoléon III,
     ÉDITION ORIGINALE. Sans les corrections apportées à la seconde édition parue sous la même date à quelques            qu’elle épousa. Elle hérita de son immense fortune en 1870, environ 800.000 francs-or. Et deux ans
     semaines d’intervalle seulement : avec les fautes non corrigées effraya pour effrayèrent à la ligne 24 de la page    plus tard, elle put épouser Victor Edgar, comte de Loynes, qui partit assez vite pour l’Amérique, la
     5 et le mot Syssite orthographié Scissite page 251                                                                   laissant seule à Paris... Elle fut peinte par Amaury-Duval dans un portrait saisissant de beauté sombre,
     RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos à nerfs et coins de maroquin bleu, décor doré sur le dos et filets dorés sur les
                                                                                                                          qui se trouve au Musée d’Orsay. À ce portrait, on donne parfois son surnom, celui de la “Dame aux
     plats, plats en papier marbré, tranches mouchetées
     PIÈCE JOINTE : LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉEE de Gustave Flaubert, 1 p. in-8 sur papier de deuil (200                     violettes”.
     x 130mm), après le 6 avril 1872, date de la mort de la mère de Flaubert
                                                                                                                          Flaubert fit sa connaissance à l’époque où il fréquentait Madame Sabatier. Il dîna avec elle à plusieurs
     vendredi soir                                                                                                        reprises au cours des années 1860, le plus souvent en compagnie des Goncourt, de Théophile Gautier
     ma chère belle,                                                                                                      et de la Princesse Mathilde qui eut d’ailleurs l’occasion de lui reprocher, en 1868, cette fâcheuse
     Je n’ai pas été vous voir depuis longtemps parce que toutes les fois que je sors je suis re-grippé. Mon aspect est   fréquentation. Il la rencontrera encore au moins deux fois en 1872, lors de ses rares sorties de Croisset,
     miteux, et je ne veux pas vous infliger le spectacle de ma personne. Et puis, je croyais que vous n’étiez à Paris    accompagné de Gautier et de Tourgueniev notamment.
     que vers la fin de la semaine, - ce qui diminuait les chances de vous rencontrer.
     Mais à bientôt, - Ange que vous êtes !                                                                               BIBLIOGRAPHIE : L. Carteret, Le Trésor du Bibliophile romantique et moderne, I, p. 266 -- M. Clouzot,
     Votre vieux fidèle                                                                                                   Guide du Bibliophile français, p. 121
     Gve Flaubert
12                                                                                                                        5.500 €                                                                                                   13
GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire
GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire
12499
     FLAUBERT, Gustave

     RÉUNION MAJEURE DE DEUX ENVOIS REMARQUABLES DE GUSTAVE FLAUBERT À MAXIME
     DU CAMP.

     CELUI QUI FUT LA PLUS GRANDE AMITIÉ DE FLAUBERT, “L’AMI TRÈS INTIME” DE TOUTE SA
     VIE (13 décembre 1866).

     EXEMPLAIRES SUR GAND PAPIER, RELIÉS À L’ÉPOQUE POUR MAXIME DU CAMP, AVEC SON
     CHIFFRE AU DOS

     1. L’Éducation sentimentale
     Paris, Michel Lévy frères, 1870

     ÉDITION ORIGINALE

     2 volumes in-8 (242 x 151mm)
     TIRAGE : un des vingt-cinq (selon Clouzot) EXEMPLAIRES DE TÊTE sur papier de Hollande
     COLLATION : vol. I : 2 ff. (faux-titre, titre), 427 pp. ; vol. II : 2 ff. (faux-titre, titre), 331 pp.

     ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ, à l’encre brune, sur le faux-titre :

                         À mon bon vieux Max
                         Un des douze exemplaires sur papier de Hollande
                         Gve Flaubert

     RELIURES DE L’ÉPOQUE. Dos de maroquin havane à nerfs, caissons avec chiffre doré de Maxime Du Camp
     frappé quatre fois, plats de papier marbré, tranches supérieures dorées
     PROVENANCE : Maxime Du Camp (envoi ; ex-libris ; chiffres dorés frappés au dos) -- cachet au chiffre B.M.

     AUTRES ENVOIS : nous avons relevé, au fil des années, et à la suite des travaux d’Auguste Lambiotte et Yvan
     Leclerc, dix envois de Flaubert sur des exemplaires imprimés sur hollande de L’Éducation sentimentale : à Noël
     Parfait, à Paul de Saint-Victor, à Jules Janin, à Henri Meilhac, à Favart, à Marie Durey, à Caroline Commanville
     (conservé à la bibliothèque de Croisset), à Clogenson, à Cuvillier-Fleury et à une certaine Mademoiselle
     Deborah. La redécouverte de celui de de Maxime Du Camp, relié à son chiffre, constitue le onzième envoi
     connu. Il est sans conteste l’un des plus beaux.

16
GUSTAVE FLAUBERT : neuf livres et manuscrits pour un bicentenaire
La bibliothèque de Gustave Flaubert à Canteleu-Croisset conserve seize envois de Maxime Du Camp
                                                                                                                      à Gustave Flaubert. À l’inverse, les envois de Flaubert à Du Camp ont disparu [hormis La Tentation
                                                                                                                      de saint Antoine, présenté lors d’une vente Guérin], ce que regrette le groupe de recherche réuni autour
                                                                                                                      d’Yvan Leclerc : “de ce dialogue par livres interposés, une moitié [les envois de Flaubert à Maxime
                                                                                                                      Du Camp] ne nous est pas parvenue ou ne nous est pas accessible : qu’en est-il, au juste, des propres
                                                                                                                      envois de Flaubert ?” (Matthieu Desportes).

                                                                                                                      Philippe Berthier, grand spécialiste de Flaubert, rappelle cette évidence : “Flaubert et Du Camp se
                                                                                                                      sont aimés”. Flaubert n’a pas connu d’amitié plus longue et plus fidèle que celle-ci. Elle a duré, avec
                                                                                                                      des hauts et des bas, de leurs vingt ans jusqu’à la mort de Flaubert : “ils ont toujours dialogué d’égal
                                                                                                                      à égal : ils se sont aimés, avant de se désaimer, tout en s’aimant encore” (Berthier). Maxime Du
                                                                                                                      Camp fut, pour Flaubert, le compagnon d’une vie. Après l’heureuse lune de miel de leur rencontre,
                                                                                                                      couronnée par des lettres, des lectures partagées et deux voyages, apparurent entre les deux hommes
                                                                                                                      des différences de tempérament, d’ambition littéraire, et de regard sur l’art. Mais il n’y eut jamais
                                                                                                                      de rupture. Flaubert n’était pas dupe. Quelque chose d’essentiel entre Du Camp et lui continua par-
                                                                                                                      dessus tout, et nous échappe. À l’instar de Philippe Berthier, on “s’étonne” du mal qui fut longtemps
                                                                                                                      dit sur Maxime Du Camp alors qu’il fut l’amitié la plus intense - quasi amoureuse - et la plus longue
                                                                                                                      que connut Gustave Flaubert : “Reste que, plus qu’avec aucun autre de ses amis, les noces littéraires
                                                                                                                      ont été consommées” (Matthieu Desportes). Flaubert put solliciter l’aide de Du Camp quand il en eut
                                                                                                                      besoin. Il sut par exemple écouter ses conseils, à bon escient, dans le remaniement de La Tentation
                                                                                                                      de saint Antoine. Il lui confia toujours ses manuscrits à relire et lui demanda de faire des recherches
                                                                                                                      jusqu’à la veille de sa mort.

     2. La Tentation de saint Antoine                                                                                 Flaubert et Du Camp brûlèrent la majeure partie de leur correspondance, “horrifiés par la publication
     Paris, Charpentier 1874                                                                                          selon eux obscène d’indiscrétion des Lettres à une inconnue de Mérimée” (Philippe Berthier). Mais
                                                                                                                      quelques lettres échappèrent à cet autodafé ; d’autres lettres indirectes, adressées à des tiers comme
     ÉDITION ORIGINALE
                                                                                                                      Louise Colet ou la mère de Flaubert éclairent cette relation. Elles sont appuyées par les récits de
                                                                                                                      souvenirs et de voyages des deux amis. On peut chercher des raisons à cette amitié. On reste en dehors
     In-8 (243 x 150mm)
     TIRAGE : un des 75 exemplaires sur papier de hollande, après 12 chine. Celui-ci numéroté 32                      de ce qui se joue entre deux amis. On constate simplement que cette amitié de Du Camp fut, tout au
     COLLATION : 1 f. blanc, 3 ff. (faux-titre, titre, dédicace), 296 pp.                                             long de sa vie, nécessaire à Flaubert.

     ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ, à l’encre brune, sur le faux-titre :                                                     Plusieurs aspects participent de cette amitié. Le premier est historique et mythique, à la fois datable et
                                                                                                                      élevé par eux hors du temps. Leur rencontre fut un coup de foudre amical. Ils entrèrent en littérature
                        À toi, mon cher vieux, Max                                                                    ensemble, portés par une même flamme nourrie de lectures, de rêves d’écriture et de voyages. Ils
                        Gve Flaubert                                                                                  échangèrent des serments et des bagues. Or Flaubert a un tempérament lyrique – qu’il combattra toute
                                                                                                                      sa vie. Il restera fidèle, comme Du Camp, au choc de leurs débuts. Un autre aspect de cette amitié est
     RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos de maroquin noir à nerfs, caissons avec chiffre doré de Maxime Du Camp                  lié à leurs tempéraments. Ils ont besoin de la présence l’un de l’autre et s’entendent jusque dans leurs
     frappé cinq fois, plats de papier marbré, tranche supérieure dorée
                                                                                                                      désaccords. Du Camp agit comme un principe de contradiction moteur pour la création de Flaubert :
     PROVENANCE : Maxime Du Camp (envoi ; ex-libris ; chiffres dorés frappés au dos) -- Jacques Guérin, 20
     mars 1985, lot 51, FF105.000 avec les frais -- cachet au chiffre B.M.
                                                                                                                      “Si l’on peut regretter que Maxime et Gustave se soient mutuellement fait souffrir, disons qu’avoir un ami
     AUTRES ENVOIS : quelques beaux exemplaires avec envoi sont connus, celui à Guy de Maupassant sur papier          incompréhensif comme Du Camp est un (cruel) bienfait des dieux” (Philippe Berthier).
     courant (ancienne collection Pierre Bergé, 11 décembre 2015, n° 95, €84.000 sans les frais), celui adressé à
     Victor Hugo, sur papier courant, des anciennes collections Henri de Rothschild, du colonel Sickles (Paris, 20    Les critiques qu’adresse Du Camp à son ami confirment Flaubert, par réaction, dans sa voie. On
     avril 1989, 110.000 FF) et Ortiz-Patiño (Londres, 2 décembre 1998, n° 43, £40.000 sans les frais), celui, plus   retrouve cette opposition constructive des “doubles contraires” (Matthieu Desportes) dans les couples
     intime, à la comtesse de Loynes, “maîtresse de tout le monde” selon le mot acide de Maxime Du Camp (Jean         de Flaubert. Le plus célèbre de ces couples est celui de Bouvard et Pécuchet. Mais avant lui, ce
     Lanssade, 26 novembre 1993, 35.000FF) ou encore celui avec envoi à Edmond de Goncourt des collections            sont Mathô/Spendius (Salammbô), Frédéric Moreau/Deslauriers (L’Éducation sentimentale), Mme
     Paul Voûte, Michel Bolloré et Tissot-Dupont.                                                                     Aubain/Félicité (Un Cœur simple), Julien le parricide/Julien le saint (La Légende de saint Julien
                                                                                                                      l’Hospitalier), Hérode/Iaokanann (Hérodias).

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“Rivés l’un à l’autre par une indestructible amitié” (Maxime Du Camp)

     Maxime Du Camp et Gustave Flaubert ont vingt-et-un et vingt-deux ans quand ils se rencontrent un
     jour de mars 1843, à Paris :

     “Entre Flaubert et moi, l’amitié ne fut pas lente à naître ; au bout d’une heure, nous nous étions tutoyés, et il
     était rare qu’un jour s’écoulât sans nous réunir. Je l’admirais beaucoup ; son développement intellectuel était
     extraordinaire; sa mémoire était prodigieuse, et, comme il avait beaucoup lu, il représentait pour moi une sorte
     de dictionnaire vivant que j’avais plaisir et bénéfice à feuilleter” (Souvenirs littéraires, 1881).

     Maxime Du Camp dresse un célèbre portrait de son ami, dévoilant le charme qui émanait de lui :

     “Il était d’une beauté héroïque. Ceux qui ne l’ont connu que dans ses dernières années, alourdi, chauve,
     grisonnant, la paupière pesante et le teint couperosé, ne peuvent se figurer ce qu’il était au moment où nous
     allions nous river l’un à l’autre par une indestructible amitié... Il était alors à Paris pour faire son droit ; il n’y
     avait nulle vocation et obéissait à la volonté de son père. Il suivait les cours de l’école, poussait l’abnégation
     jusqu’à prendre des notes et s’indignait du mauvais français que parlaient ses professeurs” (ibid).

     La pudeur les empêche au début d’avouer que leur rêve à tous deux, est d’écrire. Or, un jour, Flaubert
     invite Maxime Du Camp chez lui et lui lit Novembre. Maxime Du Camp fut le premier lecteur (ou
     auditeur) du premier texte de Flaubert :

     “Le livre est écrit d’un style qui ferait peut-être sourire aujourd’hui, mais qui me parut admirable. Je n’eus
     aucun effort à faire pour témoigner mon enthousiasme ; j’étais sous le charme et subjugué. Enfin un grand
     écrivain nous est né, et j’en recevais la bonne nouvelle. Mon émotion était sincère et Gustave ne s’y méprit
     pas. Lorsqu’il eut terminé sa lecture, il me dit : “À quoi trouves-tu que cela ressemble ?” Avec hésitation je
     répondis: “Ça rappelle un peu la manière de Théophile Gautier”. Il répliqua : Tu te trompes, ça ne ressemble à
     rien” (Souvenirs littéraires).

     Toute la nuit, les deux amis partagent leurs projets. Ils ressemblent étrangement, à l’aube de leur vie,
     aux ultimes personnages que créera Flaubert, Bouvard et Pécuchet :

     “Voici donc quels furent nos projets arrêtés d’un commun accord, sans discussion comme sans hésitation. Nous
     avions vingt et un ans: neuf années nous suffisaient pour tout apprendre ; à trente ans, nous nous mettions à la
     besogne et nous commencions à publier nos œuvres. De même que neuf années nous avaient suffi pour tout
     apprendre, dix ans nous suffisaient pour tout produire. Cela nous menait à quarante ans; à cet âge, l’homme est
     fini; l’imagination est stérilisée, la puissance de conception est éteinte, le cerveau s’ossifie ; on peut se souvenir
     encore, mais il est impossible de créer; c’est l’heure du repos, il faut dire adieu aux lettres. Mais l’oisiveté
     est lourde à porter, et l’on garde en soi un fonds de connaissances acquises qu’il est légitime d’utiliser. Nous
     résolûmes donc de nous retirer ensemble à la campagne lors de notre quarantième année et d’entreprendre un
     travail pour ainsi dire mécanique qui nous conduirait jusqu’au seuil de la vieillesse” (ibid.)

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                                                                                 Du Camp par Nadar dans les années 1860
L’échange des bagues

     À cette époque du début de leur amitié, en 1844, Maxime Du Camp et Gustave Flaubert échangent
     des bagues :

     “Je portais à cette époque une bague de la Renaissance, qui était un camée représentant un satyre. Je la donnai
     à Gustave, qui me donna une chevalière avec mon chiffre et une devise. Nous échangions nos anneaux ; c’était
     en quelque sorte des fiançailles intellectuelles qui jamais n’ont été frappées de divorce” (ibid).

     Du Camp rappelle souvent ce moment dans ses lettres à Flaubert, lors de leur première séparation,
     quand il voyage en Orient, en 1844-1845. Les termes et le ton qu’il emploie appartiennent au registre
     amoureux : “ma bague est à mon doigt, et je l’aime comme une maîtresse” ; “Jamais tu ne seras
     abandonné par ce vieux Du Camp qui sacrifierait immédiatement l’espoir de son futur bonheur
     bourgeois, et le bonheur lui-même pour ôter une larme à tes paupières” ; “tu me trouveras toujours à
     tes côtés, et tant que je vivrai, tu ne seras pas solitaire” ; “et je te jure que je voudrais être la femme que
     tu aimeras” ; “Adieu, cher enfant… je t’aime, je t’aime et je t’embrasse à t’étouffer… Adieu, adieu,
     je vous embrasse sur vos beaux grands yeux”. Par ailleurs, Du Camp satisfait la curiosité de Flaubert
     quant à ses conquêtes féminines : “Ah , que n’étais-tu là, caché derrière un rideau !” ; “Te voilà donc
     rassuré et satisfait sur le sort de ce phallus que tu aimes et qui te le rend bien”.

     On a questionné cette amitié où les femmes jouent un rôle de faire-valoir à l’expression de tels
     sentiments entre les deux hommes. Un ménage à trois est formé un temps avec Louise Colet. On fait
     passer les lettres de Louise Colet à Flaubert comme venant de Maxime Du Camp pour ne pas alarmer
     Madame Flaubert mère. Mais la jalousie apparaît rapidement. Flaubert en tient toujours Louise Colet
     responsable :

     “On a beau faire, on a beau dire. Rien, rien. Tu ne pourras pas me nier qu’au fond de l’âme tu ne détestes
     cordialement ce cher frère Du Camp. C’est là la règle, il n’y a pas de femme ni de maîtresse qui aime l’ami de
     son amant. Elles en ont peur, ou elles en sont jalouses” (février 1847).

     Cependant, dès cette époque, s’immiscent les prémices d’un doute au cœur de leur idylle, quant à
     leur conception de l’art. On imagine l’aversion de Flaubert quand Maxime Du Camp lui écrit, depuis
     une ville d’Orient : “il est beau d’aimer l’art, mais il ne faut pas tout lui sacrifier”. Cette différence
     de conception s’amplifiera quand ils décideront de consacrer pleinement leur vie à l’écriture (pour
     Flaubert du moins). Pour l’instant, ils célèbrent leur jeunesse par des voyages.

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                                                                              Flaubert par Carjat dans les années 1870
S:”, il est la réduction de “Solus ad Solum”, soit, du seul à seul, de l’unique à l’unique. Ces initiales
                                                                                                                            mystérieuses protègent un secret imprimé, semblable aux initiales gravées dans l’écorce d’un arbre.
                                                                                                                            Deux ans après l’échange des bagues, Maxime Du Camp entérine les fiançailles par l’offrande d’un
                                                                                                                            livre. Ce livre relate justement le voyage qui sépara pour la première fois les deux amis et qui justifia
                                                                                                                            le don des anneaux.

                                                                                                                            Le voyage en Orient, second voyage de noces

                                                                                                                            La préparation du voyage compte plus que le voyage “pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes”
                                                                                                                            (Baudelaire). Flaubert détaille à Louise Colet les longues soirées près du feu avec Maxime Du Camp
                                                                                                                            à rêver du périple qu’ils entreprendraient ensemble :

                                                                                                                            “Nous voyageons en Orient avec des escortes et puis nous retombons plus à plat ventre sur notre vie présente
                                                                                                                            et, en définitive, nous sommes tristes comme des cadavres” (7 décembre 1846).

                    Manuscrit de Par les champs et par les grèves, 1848, Collection Pierre Bergé, lot 351                   Du Camp et Flaubert finissent par se mettre en route le 22 octobre 1849, juste après la lecture sur
                                                                                                                            manuscrit de La Tentation de saint Antoine. Pendant dix-huit mois, ils ont mille attentions l’un pour
                                                                                                                            l’autre. La correspondance de Flaubert regorge de détails révélateurs de leur relation. Le premier
     Noces bretonnes                                                                                                        geste de Flaubert au réveil est de tendre le bras pour vérifier si son compagnon est encore endormi à
                                                                                                                            ses côtés ; ce que Maxime Du Camp confirme dans ses notes de voyage : “après avoir passé une nuit
     Les récits exaltés de Du Camp lors de son premier voyage en Orient nourriront un projet de deuxième                    à bord, couchés dans la pelisse, nous descendons le matin”. Puis, Flaubert poursuit ce récit du réveil:
     voyage en Orient, avec Flaubert. Mais, avant celui-ci, Flaubert et Du Camp entreprennent un voyage                     “Maxime prétend que je ne sais plus m’habiller. Il est de fait qu’il me réarrange toujours soit ma
     de quelques mois qui restera le point culminant de leur amitié : “ça a été là notre vrai moment” écrira                cravate ou mon gilet” (lettre à sa mère du 2 décembre 1849).
     Du Camp des années plus tard (8 mai 1863). Si l’échange de bagues ressemblait à des fiançailles, leur
     voyage en Bretagne ressemble à un voyage de noces. De mai à août 1847, les deux amis partent de Paris                  Brouille
     vers l’Ouest pour un voyage de plusieurs semaines. De Vannes à Fougères, à pied, en diligence ou en
     canot, ils arpentent landes et grèves, visitent chapelles et monuments, dînent à l’auberge, participent                À leur retour d’Orient, les deux amis constatent l’abîme qui sépare leurs conception de l’art. Une
     aux fêtes :                                                                                                            brouille s’installe entre eux qui durera quatre ans, de 1852 à 1856. Du Camp veut faire une carrière
                                                                                                                            rapide. Flaubert méprise les honneurs et place son art par-dessus tout. Du Camp se flatte de hanter de
     “Nous partions au soleil levant ; nous faisions la plus forte partie de l’étape avant le déjeuner que nous trouvions   « brillantes sociétés ». Flaubert s’isole à Croisset pour écrire Madame Bovary. Du Camp essaie de
     où nous pouvions ; une seconde marche nous conduisait jusqu’au gîte ; nous prenions les notes de la journée            convaincre Flaubert que « le souffle de vie » se trouve à Paris. Flaubert finit par répondre aux conseils
     ; nous dînions avec un appétit formidable et nous dormions de ce sommeil “frère de la mort”, qui ne garde le           pleins de bonnes intentions de Du Camp par une lettre magistrale, truffée de sentences lapidaires :
     souvenir d’aucun rêve. Vingt-cinq ans, de bonnes jambes, une santé solide, de l’argent en poche, l’envie de voir,
     nul besoin vaniteux, l’enivrement du mouvement, de la jeunesse et de la nature, c’est plus qu’il n’en faut pour        “Je te dirai seulement que tous ces mots “se dépêcher”, “c’est le moment”, “il est temps”, “place prise”, “se
     jouir de la vie, et nous ne nous en faisions faute” (Souvenirs littéraires).                                           poser” et “hors la loi” sont pour moi un vocabulaire vide de sens… Je vise à mieux, à me plaire. Le succès me
                                                                                                                            paraît être un résultat et non pas le but… Fantôme pour fantôme, après tout, j’aime mieux celui qui a la stature
     Ils écrivent un livre à quatre mains, Par les champs et par les grèves, dans une union littéraire (le                  plus haute… Que je crève comme un chien plutôt que de hâter d’une seconde ma phrase qui n’est pas mûre…
     manuscrit appartint à la collection Pierre Bergé, 8 novembre 2016, lot 351, €537.880 avec les frais).                  Je me souhaite, sois-en sûr, beaucoup plus de facilité, beaucoup moins de travail et plus de profits. Mais je n’y
     Flaubert rédige les chapitres impairs et Du Camp les chapitres pairs :                                                 vois aucun remède. Il se peut faire qu’il y ait des occasions propices en matières commerciales, des veines
                                                                                                                            d’achat pr telle ou telle denrée, un goût passager des chalands qui fasse hausser le caoutchouc ou renchérir les
                                                                                                                            indiennes. Que ceux qui souhaitent devenir fabricants de ces choses se dépêchent donc d’établir leurs usines,
     “la littérature est partout dans ce voyage, elle surgit à chaque pas, dans les projets bourgeonnants suscités par
                                                                                                                            je le comprends. Mais si votre œuvre d’art est bonne, si elle est vraie, elle aura son écho, sa place, dans six
     les monuments ou les sites historiques, par les pèlerinages sur les lieux où les grands écrivains ont vécu (respect
                                                                                                                            mois, six ans - ou après vous. Qu’importe !… Certes, il y a une chose que l’on gagne à Paris, c’est le toupet,
     religieux en visitant Combourg, lecture à haute voix de René), par la trace qui en sera laissée. Moment de grâce,
                                                                                                                            mais l’on y perd un peu de sa crinière… Quant à déplorer si amèrement comme tu le fais ma vie neutralisante,
     parenthèse enchantée” (Berthier).
                                                                                                                            c’est reprocher à un cordonnier de faire des bottes, à un forgeron de battre son fer, à un artiste de vivre dans son
                                                                                                                            atelier. Comme je travaille de 1 heure de l’après-midi à 1 heure de l’après-minuit tous les jours (sauf de 6 à 8),
     Du Camp dédie à Flaubert sa première œuvre imprimée, Souvenirs et paysages d’Orient (1848), avec                       je ne vois guère à quoi employer le temps qui me reste. Si j’habitais en réalité la province, ou la campagne, me
     les lettres énigmatiques : “A G. F. / S: ad S:”. Seuls l’auteur et le dédicataire peuvent comprendre cette             livrant à l’exercice du domino, ou à la culture des melons, je concevrais le reproche” (26 juin 1852)
     dédicace. Personne ne peut reconnaître le “G. F.” de Gustave Flaubert, alors inconnu. Quant au “S: ad
24                                                                                                                                                                                                                                                 25
Et quand Du Camp proclame que l’écrivain est investi d’un devoir envers la communauté, Flaubert
finit par répondre :

“Nous ne suivons plus la même route, nous ne naviguons plus dans la même nacelle. Que Dieu nous conduise
donc où chacun demande ! Moi, je ne cherche pas le port, mais la haute mer”. (1er ou 2 juillet 1852)

En ce printemps et été 1852, Gustave Flaubert écrit ses plus célèbres lettres sur le style à Louise Colet.
Évidemment, sa conception de l’art est aux antipodes de celle de Maxime Du Camp. Mais qui aurait
pu suivre Flaubert dans sa voie ? Qui, parmi ses contemporains, l’a compris ? Maxime Du Camp
voulait trop à la fois écrire et vivre, pour ne pas s’inquiéter, avec les meilleurs intentions du monde,
des choix de son ami.

La crise entre les amis n’a jamais été aussi grave mais le fil n’est pas rompu. Chacun vaque à ses affaires.
En 1856 se succèdent la réconciliation après la rédaction de Madame Bovary, de nouvelles brouilles
qu’entraînent la publication du roman, des retrouvailles en 1860 quand Du Camp part combattre
aux côtés de Garibaldi, la publication de L’Éducation sentimentale ; “et enfin, la camaraderie des
années 1870, que rien ne réussira à faire sombrer, car Flaubert se refusera toujours à rompre les liens
qui l’unissaient à Du Camp. De toute évidence, il s’agit là d’un attachement profond” (Rosa M. Di
Stefano).

Publication de Madame Bovary et de L’Éducation sentimentale

Une fois encore, se vérifie le fait que Flaubert peut agir de façon apparemment contradictoire dans sa
relation avec Maxime Du Camp. Malgré leur éloignement tout au long de la rédaction de Madame
Bovary, c’est à lui que Gustave Flaubert remet son manuscrit pour qu’il le publie dans La Revue de
Paris. Du Camp a toujours rappelé à Flaubert qu’il le soutiendrait dans ses entreprises éditoriales,
principe auquel il ne dérogea jamais, même après la mort de son ami. Maxime Du Camp apporta donc
le manuscrit à Léon Laurent-Pichat qui accepta de publier le roman, en livraisons, dans sa revue, mais
avec des coupures. Maxime du Camp était lui aussi de cet avis : “ferme les yeux pendant l’opération
et fie-t-en, sinon à notre talent, du moins à notre expérience… Tu as enfoui ton roman sous un tas de
choses, bien faites, mais inutiles ; on ne le voit pas assez ; il s’agit de le dégager, c’est un travail facile”
(lettre du 14 juillet 1856). Il va jusqu’à naïvement proposer à Flaubert un spécialiste de l’élagage qui,
pour une “centaine de francs”, pourra opérer. Une fois encore, Maxime Du Camp ressemble à l’“ours à
demi léché” de la fable qui, voulant soulager son ami gêné par une mouche, l’assomme avec un pavé :
“Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami” (La Fontaine). Flaubert furieux, gribouilla “gigantesque
!” au dos de la lettre. La scène du fiacre fut finalement supprimée. Mais un communiqué fut inséré
dans la revue mentionnant que le texte avait été caviardé : “Flaubert avait sauvé ce qui pouvait l’être
et, les choses étant ce qu’elles sont, il n’y avait pas de reproche à faire à Du Camp” (Berthier).

Les deux amis finissent par se réconcilier. Flaubert donne le manuscrit de Salammbô à lire à Du Camp,
lequel fait attention de ne pas froisser Flaubert en accompagnant, d’une lettre enthousiaste, les sept
pages de corrections qu’il lui rend.

Puis Du Camp et Flaubert entreprennent, en même temps, des romans dont le sujet est proche. “Les
Forces perdues s’apparentent à L’Éducation sentimentale” (Berthier). Flaubert charge Du Camp de
lui fournir des renseignements sur les événements de 1848 à Paris. Ces deux romans ont pour toile
de fond leur propre jeunesse. Lorsque Du Camp publie Les Forces perdues en 1866, Flaubert en
recommande la lecture à Mlle Leroyer de Chantepie : “Lisez donc un nouveau roman d’un ami très
intime, Maxime Du Camp (mon ancien compagnon de voyage). Voilà exactement comme nous étions
dans notre jeunesse ; tous les hommes de ma génération se retrouveront là”… (13 décembre 1866). 27
Flaubert propose à Du Camp de corriger son manuscrit avant sa parution en volume, lequel relit, en
     retour, le manuscrit de Flaubert. Les observation de Du Camp sur L’Éducation sentimentale irritent
     Flaubert qui cependant reconnaît leur intérêt : “les observations de Maxime, si justes qu’elles soient,
     m’irritent. J’ai peur de les accepter toutes, ou d’envoyer tout promener” (lettre à Jules Duplan, 29
     juillet 1869).

     Cette même année 1869 meurt l’autre vieil ami de Flaubert, Louis Bouilhet. Flaubert se tourne alors
     vers Maxime Du Camp : “À toi, mon pauvre vieux Max, il n’y a plus que toi, toi, seul !” (23 juillet).

     Le premier lecteur de La Tentation de saint Antoine

     Le projet de La Tentation de saint Antoine remonte à un tableau de Brueghel que Flaubert découvrit
     lors d’un voyage à Gênes en 1845. Aussitôt il écrivit à Alfred Le Poittevin : “J’ai vu un tableau de
     Brueghel représentant La Tentation de saint Antoine, qui m’a fait penser à arranger pour le théâtre La
     Tentation de saint Antoine. Mais cela demanderait un autre gaillard que moi” (lettre du 13 mai 1845).
     Alfred Le Poittevin, l’autre ami de Flaubert, meurt au printemps 1848. Par un effet de compensation,
     ce malheur projette Flaubert vers Maxime Du Camp : “j’ai une rude envie de [te] voir car j’ai besoin
     de dire des choses incompréhensibles” (7 avril 1848). Ces choses “incompréhensibles” ne peuvent
     l’être que par lui. À l’automne 1849, Flaubert invite Maxime Du Camp et Louis Bouilhet à Croisset.
     Ils seront les premiers auxquels il lira La Tentation de saint Antoine. Cette lecture dura trente-deux                La veille de sa propre mort, Flaubert adresse un ultime billet à Maxime Du Camp, lui annonçant qu’il
     heures réparties sur quatre jours ; soit huit heures par jour (en deux cessions journalières, midi-quatre             a presque terminé Bouvard et Pécuchet, pour lequel Du Camp lui avait fourni des renseignements.
     heures et huit heures-minuit). Plus la lecture avançait, plus les deux auditeurs prenaient une mine                   Maxime Du Camp fut l’ami d’une vie pour Flaubert. Le dernier chapitre de L’Éducation sentimentale
     déconfite :                                                                                                           décrit les deux protagonistes du roman, dans une scène où l’on croirait voir, éternellement réunis, les
                                                                                                                           deux anciens compagnons de voyage : “Vers le commencement de cet hiver, Frédéric et Deslauriers
     “le lyrisme, qui était le fond même de sa nature et de son talent, l’avait si bien emporté qu’il avait perdu
                                                                                                                           causaient au coin du feu, réconciliés encore une fois, par la fatalité de leur nature qui les faisait
     terre. Nous ne disions rien, mais il lui était facile de deviner que notre impression n’était pas favorable, alors
                                                                                                                           toujours se rejoindre et s’aimer”.
     il s’interrompait : « Vous allez voir ! Vous allez voir !... Peine inutile ! nous ne comprenions pas, nous ne
     devinions pas où il voulait arriver… Avant l’audition de la dernière partie, Bouilhet et moi nous eûmes une
                                                                                                                           BIBLIOGRAPHIE : Philippe Berthier, “Flaubert et Du Camp”, Amitiés d’écrivains, Paris, 2021 -- Matthieu Desportes,
     conférence et il fut résolu que nous aurions vis-à-vis de Flaubert une franchise sans réserve… Le soir même,          “Exemplaire familial. La circulation du souvenir à travers les dédicaces”, Flaubert-Poittevin-Maupassant, Rouen, 2002
     après la dernière lecture, vers minuit, Flaubert frappant sur la table, nous dit : “À nous trois, maintenant, dites   -- Maurice Haloche, “La Tentation de saint Antoine”, Les Amis de Flaubert, Année 1956, Bulletin n° 8 -- Rosa M. Di
     franchement ce que vous pensez”. “Nous pensons, répondit Bouilhet, qu’il faut jeter cela au feu et n’en jamais        Stefano, “Maxime du Camp d’après sa correspondance avec Flaubert”, Les Amis de Flaubert, Année 1979, Bulletin n°
     reparler”. Flaubert fit un bond et poussa un cri d’horreur” (Souvenirs littéraires).                                  54 : https://www.amis-flaubert-maupassant.fr/article-bulletins/054_006/ -- M. Clouzot, Guide du bibliophile français, p.
                                                                                                                           121 -- L. Carteret, Trésor du bibliophile, I, p. 268 -- G. Vicaire, Manuel de l’amateur de livres du XIXe siècle, III, col.
     Flaubert, commença par regimber, par faire valoir certaines phrases, par se retrancher sur la valeur du               726 -- Auguste Lambiotte, “Les Exemplaires en grand papier de Salammbô et de L’Éducation sentimentale”, Les Amis de
     style. Il finit par admettre : “Vous avez peut-être raison ; à force de m’absorber dans mon sujet, je m’en            Flaubert, Paris, 1959, Bulletin n° 14 -- Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires, Paris, 1881 -- Maxime Du Camp, Lettres
                                                                                                                           inédites à Gustave Flaubert, Messine, 1978
     suis épris et je n’y ai plus vu clair. J’admets les défauts que vous me signalez, mais ils sont inhérents à           WEBOGRAPHIE : pour toute recherche flaubertienne, consulter le site du Centre Flaubert, sous la direction d’Yvan
     ma nature”. Ce conseil, pour brutal qu’il était, fut judicieux : “On le constate, Flaubert après réflexion,           Leclerc : https://flaubert.univ-rouen.fr/ -- la bibliothèque de Gustave Flaubert, conservée à Canteleu-Croisset : https://
     et le temps aidant, avait reconnu la justesse du jugement sévère porté sur sa première version de La                  flaubert.univ-rouen.fr/bibliotheque/05acc_ag.php -- l’exemplaire de L’Éducation sentimentale de Maxime Du Camp ne
     Tentation de saint Antoine par Bouilhet et Maxime Du Camp” (Maurice Haloche).                                         figure pas dans le recensement d’Auguste Lambiotte : https://www.amis-flaubert-maupassant.fr/article-bulletins/014_029/
                                                                                                                           Ces exemplaires ne figurent pas dans le Répertoire des biens spoliés en France durant la guerre 1939-1945 : http://www2.
                                                                                                                           culture.gouv.fr/documentation/mnr/RBS/T_7.pdf
     Le livre fut publié en 1874. Louis Bouilhet était mort depuis cinq ans. Cet envoi à Maxime Du Camp                    ni dans le Supplément : http://www2.culture.gouv.fr/documentation/mnr/RBS/T_2-3-4-7_S3.pdf
     ferme une boucle ouverte vingt-cinq ans avant, presque aussi longue que leur amitié. Dans une frise                   Nous remercions Yvan Leclerc pour son aide précieuse. Il nous a confirmé ne pas connaître d’autres envois de Gustave
     chronologique, l’amitié de Gustave Flaubert et Maxime Du Camp se superpose quasiment parfaitement                     Flaubert à Maxime Du Camp. Selon lui, un envoi sur Madame Bovary est peu probable étant donné leur brouille liée à la
     à l’aventure de La Tentation de saint Antoine. Flaubert signifie par cet envoi à son plus vieil ami, et               publication du livre.
     premier lecteur, que son premier rêve d’écriture a enfin été réalisé.Du Camp continue d’accompagner
     la vie littéraire et éditoriale de son ami.                                                                           250.000 €
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