Indispensables mousses - Le moineau déchante en ville Replanter le bocage avec les agriculteurs 50 ans de nature à la Cussignière - Page ...
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
#89 jan.-fév. 2019 bimestriel Natagora asbl Traverse des Muses 1 B-5000 Namur www.natagora.be Le moineau déchante en ville Replanter le bocage avec les agriculteurs 50 ans de nature à la Cussignière mousses Indispensables Rollin Verlinde / Vilda
13 16 6 22 26 1 édito 16 conservation Natagora aide 2 en bref les agriculteurs à restaurer le bocage 4 ça s'est passé chez nous 20 rencontre Éric Dubois, 6 en couverture animateur nature Indispensables mousses 22 nos réserves Supplément disponible 50 ans de nature dans votre kiosque. 13 ornitho à la Cussignière Le moineau déchante en ville 26 ils l'ont fait Natagora se développe dans tout l’espace Wallonie-Bruxelles. Le grand objectif de l’association est d’enrayer la dégradation de la biodiversité et contribuer au rétablissement d’un meilleur équilibre entre l’homme et la nature. Pour ce faire, elle s’est assigné différentes missions. Protéger : plus de 200 réserves naturelles Natagora, gérées par de nombreux volontaires, sont constituées de milieux diversifiés et souvent menacés. Elles abritent quantité d’espèces rares. Étudier : l’identification des menaces, le soutien direct aux espèces les plus menacées et la supervision de nombreux programmes de suivi font partie des préoccupations majeures de l’association. S’impliquer : influer sur les décisions politiques, promouvoir la biodiversité, prévoir les atteintes qui pourraient lui être portées, réagir quand nécessaire : les nombreux volontaires de l’association nous y aident au quotidien. Éduquer : formations, Centres régionaux d’initiation à l’environnement, événements de sensibilisation, mise en réseau des particuliers : Natagora est fortement impliquée dans l’Éducation à l’Environnement. En étant membre de Natagora, vous soutenez ce vaste mouvement : www.natagora.be/membre Vous désirez faire un don pour nous soutenir ? BE53 0682 1403 3153 Natagora est le partenaire belge francophone de BirdLife International, alliance mondiale d'organisations de protection des oiseaux et de la nature dont la sphère d’action s’étend du travail local de terrain aux plus hautes instances internationales. La mission de BirdLife est de protéger les oiseaux sauvages, leurs habitats et la biodiversité mondiale, en œuvrant à l’utilisation durable des ressources naturelles. En rejoignant les 20 000 membres de Natagora, vous devenez aussi membre de BirdLife International.
édito Le temps de l’action M i-décembre, le ministre en charge de la nature a lancé ses ateliers de la biodiversité. Grenelle de l’environnement à la sauce wallonne, ils ont pour but de « proposer une série de recommandations, en faveur de la nature et de la prise en compte de la biodiversité dans les politiques, les plans, les pratiques et les projets ». Un plan pour le moins ambitieux pour clore une législature marquée par la suppression de toute aide à la création de réserves naturelles aux associations. Malgré ce piètre bilan, nous participerons aux ateliers qui auront lieu dans les mois à venir, en préférant nous imposer comme acteurs plutôt que de boycotter et nous Henri Dineur, plaindre ensuite. Pas question, dès lors, d’aller faire de la figuration. La biodiversité président est en chute libre, la Wallonie a du pain sur la planche pour inverser le processus. Nous développerons donc sept axes de travail lors de ces ateliers. Il est tout d’abord impératif (1) de doter la Wallonie d’une véritable stratégie pour la biodiversité, avec des objectifs chiffrés, un calendrier et un processus d’évaluation périodique. Le Réseau Wallonie Nature ne constitue actuellement pas une stratégie opérationnelle. Il importe ensuite de (2) doter la Wallonie d’un réseau cohérent de réserves naturelles. Il faudrait au moins 5 % d’aires protégées. En Wallonie, nous ne sommes qu’à 1 %, tandis que la Flandre atteint déjà les 3 % ! Une première étape est d’atteindre 2 % de réserves pour 2024. Par ailleurs, il est temps de (3) réduire les effectifs de sangliers par trois. La Wallonie doit interdire les différentes formes de nourrissage et mettre en place un plan de réduction drastique des populations. Cela permettra le retour de la biodiversité forestière et la régénération des forêts. Priorité impérative en terme de biodiversité : il faut (4) implanter 10 % de structure écologique dans les milieux agricoles. La Wallonie doit définir des objectifs ambi- tieux pour les animaux des champs et le maillage écologique en zone agricole. Elle se doit aussi de (5) soutenir l'agriculture paysanne là où elle existe encore, et d’accélérer la transition vers une agriculture respectueuse des sols. Il est également urgent de (6) restaurer le réseau Natura 2000 qui est en très mauvais état de conservation. Enfin, (7) la Wallonie doit prendre en compte les enjeux de bio- diversité le plus en amont possible dans ses décisions d’aménagement du territoire. En intégrant ces recommandations, et sous réserve d’un rapportage impartial auprès du Parlement de Wallonie, ces ateliers insuffleront les bases d’une politique à la hauteur des enjeux de la biodiversité. Mais ne soyons pas dupes des initiatives de fin de législature : une fois les principes acquis, c’est de moyens dont nous aurons besoin. Natagora devra se montrer très vigilante lors de la mise en place des futures majorités. Sans volonté et sans moyens, les belles intentions resteront des espoirs déçus. Passé le temps de la réflexion, le temps de l’action est maintenant ! le magazine #89 1
en bref Apprendre l’ornithologie en ligne Après plus de 15 ans de formation Ornitho et de nom- passer aux familles et aux cours d’identification. Le breuses demandes de Français trop éloignés pour la dernier pack aborde l’éthologie des oiseaux. suivre, Natagora, en partenariat avec la LPO, a lancé Les cours sont présentés sous format de petites vidéos une formation disponible en ligne en novembre : le bien structurées afin de faciliter l’apprentissage. Ces MOOC (Massive Open Online Course) Ornitho. vidéos sont suivies d’exercices ludiques et variés pour La première session a rencontré un franc succès aider à assimiler la matière, et accompagnées de notes avec plus de deux cents inscrits. En mars 2019, nous de cours à télécharger. Un animateur est disponible lancerons une nouvelle session. Les premiers cours sur la plateforme du MOOC et la LPO organise des posent les jalons indispensables pour se lancer dans sorties sur le terrain pour compléter l’apprentissage. l’ornithologie : vocabulaire, taxinomie, etc. Les oiseaux Tout renseignement et inscription sur sont présentés dans des groupes intuitifs avant de www.mooc-ornitho.org Natagora lance le Après treize ans d’existence au sein de Natagora, WC accessible à tous « Nature pour tous », le projet nature accessible de l’association, vient de mettre au point AdMoSe. De quoi s’agit-il ? D’un WC Ad(apté), Mo(bile) et Se(c) qui vise à faciliter l’accueil des publics à mobilité réduite et le rendre plus écologique. Présente sur tous les fronts touchant à la différence, l’équipe a donc créé un outil écologique permettant d’offrir un maximum de confort aux publics accueillis. AdMoSe se distingue des WC adaptés existants : il s’agit d’une toilette sèche, non chimique, à copeaux et éclairage solaire. De plus, elle est réellement ac- cessible à tous : aux personnes handicapées, mais également aux poussettes. Enfin, elle est mobile et déplaçable n’importe où, par n’importe qui. Utilisée pour la première fois le 21 octobre dernier à la Jour- née de la forêt de Soignes, elle a fait l’unanimité, Nature pour tous avec sa cuvette et son évier. L’équipe travaille encore à son amélioration : un urinoir et une table à langer sont à l’étude. De nombreux partenaires se sont déjà montrés intéressés. le magazine #89 2
en bref Le Vert prend ses Quartiers Le projet « Quartiers Verts » est un des axes du pro- gramme « Inspirons le quartier » de Bruxelles Environne- chez Natagora ment. Porté depuis peu par Natagora, « Quartiers Verts » offre la possibilité à des groupes d’habitants d’aider la nature à trouver sa place en milieu urbain, en recevant un soutien technique et une bourse allant jusqu’à 3 000 €. Les projets peuvent faire appel aux services d’un accom- pagnateur de Natagora tout au long de l’aventure. Il a pour rôle, entre autres, de prodiguer des conseils utiles en matière d’aménagements végétaux urbains et de choix de plantes indigènes favorables à la biodiversité locale. Les projets sélectionnés ont pris des formes diverses et originales, comme l’installation de jardinières fleuries, le placement de bacs en bois fleuris dans la rue, la plantation de fleurs indigènes aux pieds des arbres de voirie ou la mise en place de plantes grim- pantes en façade, qui offrent le gîte et le couvert aux insectes et aux oiseaux. Autant d’initiatives qui inspirent le quartier, permettent la rencontre entre voisins, embellissent l’espace public et donnent un vrai coup de pouce à la nature en ville. Pour les Bruxellois qui n’ont pas eu l’occasion d’intro- duire une demande d’accompagnement cette année, pas d’inquiétude. Un nouvel appel à projets s’ouvrira dès 2019. Pensez-y cet hiver avec vos voisins ! La bergerie de Fratin prend forme Xavier Janssens Une bergerie Natagora est en cours de construction à fleurs typiques, souvent rares. Celles-ci favorisent à en Gaume. L’objectif est d’y abriter environ deux cents leur tour une grande diversité d'insectes dont l'abon- brebis (roux ardennais et mérinos) en hiver, ainsi que dance attire autant d'espèces qui s'en nourrissent. du foin et du matériel agricole. Les brebis, comme le matériel, sont utilisés pour la gestion de plus de Cet automne a été l’occasion pour l’entreprise de 250 hectares de réserves naturelles dans la région. construction S. Hermann (de Virton) de terminer son travail de gros œuvre. Le staff de Natagora a ensuite Les milieux sensibles qui vont être pâturés par nos mis la main à la pâte. Bardage, dallage, aménage- moutons sont liés aux pratiques agropastorales tra- ments intérieurs, installations extérieures et finitions ditionnelles. Ouverts par l'homme il y a des siècles voient peu à peu le jour. pour y faire paître les bêtes ou produire du foin, ils accueillent de très nombreuses espèces de plantes Infos : www.life-herbages.eu le magazine #89 3
ça s'est passé chez nous L’arbre du Une fois n’est pas coutume, nous ouvrons cette chronique vivant s’élargit ! avec une nouvelle en provenance du Canada, de l’Université d’Halifax pour être précis. Des chercheurs y ont découvert rien de moins qu’un nouveau règne du vivant ! L’info a été publiée en novembre dans la revue Nature. Une laborantine a découvert, par hasard, une nouvelle espèce d’un groupe d’organismes très peu connus appelés hémimas- tigotes. Il s’agit de minuscules créatures unicellulaires à la fois Dalhousie University eucaryotes (avec une cellule complexe comme celles des ani- maux) et protistes (en dehors des règnes animal, végétal et fongique). Hors de tout schéma connu, ils constituent donc une POUR TOUT SAVOIR SUR LA SITUATION nouvelle branche de l’arbre du D'UNE ESPÈCE OU ENCODER UNE OBSERVATION, vivant. Les chercheurs suggèrent que pour trouver un ancêtre com- RENDEZ-VOUS SUR observations.be mun entre les hémimastigotes et tout autre être vivant, il faudrait remonter à environ un milliard L’année est exceptionnelle d'années ! pour les petits fruits tardifs. Tandis qu’un membre nous La nouvelle espèce a été nommée mentionnait encore manger Hemimastix kukwesjijk, (en pho- tous les jours des framboises to), d’après le Kukwes, un ogre de son jardin fin novembre, du folklore local. Elle piège et les aubépines n’ont jamais été mange en effet sa proie comme aussi chargées de cenelles et un ogre, selon les chercheurs, les épines noires croulent sous les prunelles grosses comme les attrapant avec des sortes de des cerises. Ce qui fait le petits harpons, puis les enroulant bonheur tant des oiseaux que avec ses flagelles avant d’aspirer des cueilleurs. le contenu du cytoplasme. Photo : Benjamin Legrain Plus d’info sur bit.ly/hemimastix le magazine #89 4
ça s'est passé chez nous Un nouveau record d'oiseaux migrateurs observés a été établi en Belgique. Le premier week-end d’octobre, plus de 315 000 oiseaux migrateurs appartenant à 146 espèces, ont été comptés à 61 postes d’observation répartis sur toute la Belgique. Ce nouveau record a été établi dans le cadre du 25e EuroBirdwatch, un évènement organisé Les températures élevées de 2018 ont favorisé la présence accrue par BirdLife dans 41 pays de plusieurs espèces de libellules. C'est particulièrement le cas d’Europe et d’Asie centrale. du sympétrum méridional (Sympetrum meridionale), qui continue Au total, ce sont plus de à étendre son aire de distribution en Wallonie. Lors de cette année, 5,2 millions d’oiseaux qui ont durant laquelle il n’a jamais été aussi présent, les observations se été recensés, en route vers sont prolongées jusqu’au 21 octobre aux marais d’Harchies. le sud. Photo : Alain De Broyer Un gros passage de pinsons du nord en migration a été observé le 6 novembre au Rouge-Cloître à Auder- ghem. Plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires en quête d’un dortoir ont été observés. La punaise américaine des pins (Leptoglossus occidentalis), particuliè- D’autres passereaux ont été rement grande et remarquable avec ses deux centimètres de long bat particulièrement représentés cette année ses records de présence. Cette espèce invasive vient se en Wallonie : l’alouette lulu, réfugier en automne dans les maisons. Inoffensive, son dérangement qui bat des records, le pouillot provoque l’émission d’une étrange odeur de pin. Si vous l’avez aper- à grands sourcils, le bruant çue, n’hésitez pas à l’encoder sur observations.be, en ajoutant une ortolan et, chez les rapaces, photo, pour permettre de mieux connaître sa répartition en Wallonie. le milan royal. Photo : Nick Goodrum (CC BY 2.0) Photo : Ján Svetlík (CC BY-NC-ND 2.0) Les insectes sont d’excellents indicateurs des particularités climatiques et météorologiques. Ainsi, cette année, les printemps, été et début d’automne particulièrement chauds et secs ont permis l’apparition d’une génération supplémentaire exceptionnelle pour quelques espèces de papillons de jour (petit mars changeant, machaon…). D’autres espèces, profitant également de l’été indien, ont été vues plus tardivement que d’habitude (cuivré commun, demi-argus, petit nacré…). le magazine #89 5
en couverture Sur les terrasses, les toits ou les pelouses, « la mousse » est souvent considérée comme un hôte inopportun qu’il convient d’éliminer rapidement. Pourtant, ce groupe de plantes, les bryophytes, a une place fondamentale au sein des écosystèmes. Les mousses ont de plus de nombreuses qualités qui en font depuis des siècles des végétaux incontournables dans diverses activités humaines. Claude Sottiaux I l y a quatre cent cinquante millions d’années, une occupent est importante, voire prépondérante. C'est le lignée d’algues vertes donnait naissance aux plantes cas par exemple des berges rocheuses des cours d'eau terrestres qui, après de multiples diversifications, (surtout près des eaux torrentielles) et de divers types de occupent aujourd’hui la quasi-totalité des espaces de tourbières. Le rôle des sphaignes dans la formation des la planète. Les mousses, souvent discrètes, occupent, tourbières hautes est particulièrement spectaculaire. elles, les régions tempérées et chaudes, où elles ne jouent le plus souvent qu'un rôle effacé. On les trouve dans les milieux humides, notamment dans les forêts, les Plantes pionnières landes et les pelouses. Leur constitution les défavorise particulièrement en régions arides et semi-arides. Pour- Le rôle des mousses dans beaucoup de formations pion- tant, dans certains milieux spécifiques, la place qu'elles nières doit être souligné. Dépourvues de racines, elles n’ont pas besoin de terre où s’ancrer et peuvent ainsi coloniser les rochers (surtout aux expositions ombragées, où les lichens sont souvent peu représentés), les terres Le sporogone apparaît peu de temps après la remaniées, les dunes en voie de fixation ou les souches fécondation de la tige femelle, au-dessus de celle-ci. forestières. Peu à peu, les mousses contribuent donc à Il est constitué d’un pied, d’une soie et d’une capsule dans laquelle se forme les spores. former une couche d’humus qui permet la venue des Photo : Claude Sottiaux plantes vasculaires à tiges ligneuses et à racines. le magazine #89 7
en couverture LES SPHAIGNES, C'est cependant vers les hautes latitudes et dans la plupart DES BRYOPHYTES des massifs montagneux élevés que les bryophytes trouvent leur optimum de développement. Ainsi, leur présence est PARTICULIÈRES considérable dans la strate inférieure de la forêt boréale de résineux, de même que dans beaucoup de types de toundras Quand on parle de mousses, on parle arctiques, dépourvues d’arbres. Dans les hautes montagnes, généralement des Bryopsidées, une classe elles atteignent souvent, comme les lichens, une limite d’alti- qui comporte 95 % des espèces de Bryophyta. Mais dans les fanges, les marais tude nettement supérieure à celle des plantes vasculaires. et les tourbières se développent les Sphagnopsidées, ou sphaignes. Rôles multiples et indispensables Les mousses, par leur importante biomasse, sont un élément essentiel de la régulation du dioxyde de carbone et de la production d’oxygène (photosynthèse). Une régu- lation opérationnelle toute l’année puisque les mousses ne perdent pas leurs feuilles. Mais elles jouent bien d’autres LES TOUFFES rôles indispensables : leurs touffes DE MOUSSE Frédéric Degrave constituent un microhabitat et une nursery pour des animalcules CONSTITUENT variés (nématodes, collemboles, UN amibes ou rotifères). Certains vivent MICROHABITAT en symbiose avec des mousses La sphaigne croît continuellement POUR DES et d’autres agissent en véritables parasites. Elles peuvent aussi ser- (1 mm par an) par son sommet tandis que ANIMALCULES la tige basse meurt progressivement. vir de bio-indicateurs de la pol- Les débris de sphaignes, mêlés à ceux des VARIÉS. lution des milieux continentaux. autres organismes vivant sur la tourbière, On utilise ainsi certaines espèces ne subissent qu'une décomposition partielle (en même temps que des lichens) comme réactifs de et s'accumulent. Ils sont comprimés sous la pollution de l'air, ou d’autres espèces, aquatiques le poids de la couche supérieure et for- et subaquatiques (en même temps que des algues), ment ainsi la tourbe. La décomposition des pour évaluer la pollution des cours d'eau. D’ailleurs, les matières organiques est extrêmement lente bryophytes sont souvent utilisées en raison de leur grand dans les tourbières car les conditions y sont peu favorables pour la microflore du sol : pouvoir de concentration de certaines substances toxiques : milieu saturé en eau et pauvre en les teneurs en métaux lourds ou en radionucléides dans oxygène, température moyenne basse, ces organismes peuvent être plusieurs milliers de fois supé- acidité importante provoquée par les rieures aux teneurs mesurées dans l'eau. sphaignes qui, de plus, libèrent différentes substances antibiotiques. Les sphaignes jouent également un rôle Une utilité ancienne important dans la régulation du régime hydrique. En effet, leur anatomie pour l’homme particulière leur permet d'accumuler une En Wallonie, le mot « mousse » était utilisé pour qualifier grande quantité d'eau (plus de 70 kg pour 1 kg de matière sèche). Un mètre carré aussi bien les bryophytes que les lichens et les lycopodes. de tapis de sphaignes peut ainsi contenir Du xvie au xxe siècle, s'est ainsi développé un vaste com- septante-deux litres d'eau et en restituer merce de « mousses d’Ardenne ». Une appellation floue lentement cinquante-sept litres. qui concerne probablement l’ensemble de ces végétaux. le magazine #89 8
en couverture Dès l’Antiquité en effet, les mousses furent très utilisées pour améliorer le confort dans les foyers. On s’en servait pour garnir les matelas, les coussins et les oreillers. De nombreuses espèces portent ainsi le nom d’Hypnum qui dérive du mot grec hypnos signifiant « sommeil ». Leur capacité d’isolation thermique a aussi été mise à profit dans les premières chaussures ou sur les toitures, les toits végétalisés faisant toujours partie intégrante de la culture scandinave. Dans les fermes, on s’en servait comme litière, mais aussi comme couveuse à œufs et parfois comme fourrage vu les fortes teneurs en vitamines de certaines espèces. Leur grande faculté d’absorption en a fait les ancêtres de nos éponges et de nos papiers toilette. La liste de toutes les utilisations avérées des mousses est longue. Elles intervenaient ainsi dans la fabrication des câbles de marine, le tressage des cordes, la confection de brosses, de balais et de couronnes mortuaires, le peignage des draps, le calfatage des coques de bateaux, l’étanchéisation des joints, notamment ceux des cuves, et le colmatage des digues, en eaux douces comme Le polytric est une Les mousses mousse largement apprécient les milieux en eaux saumâtres. Elles entraient aussi dans certains répandue. Il forme humides et ombragés, mélanges pour la fabrication des papiers gris d’embal- des tapis dans le qui plaisent aussi à lage. Et elles donnaient, réduites en cendres, de la soude sous-bois des forêts ce crapaud commun. tempérées. utilisée dans les fabriques d’alun, de lessive, de savon et Photo : Richard Bowler / Photo : Frédérique Dubois rspb-images.com de toute substance qui devait cristalliser. le magazine #89 9
en couverture Bien sûr, la plupart de ces utilisations anciennes sont entreprises ont pour principale activité la culture des bryo- aujourd’hui abandonnées, mais d’autres les ont rempla- phytes, ce qui donne une idée de leur intérêt toujours cées. Le goût inimitable de certains whiskies, vient du d’actualité. Enfin, en Malaisie, les forêts d'altitude souffrent lent fumage, à la tourbe, de l’orge qui s’imbibe ainsi de aujourd’hui de la trop grande exploitation de mousses par phénols aromatiques. Aux États-Unis, quelque deux cents les populations locales qui les utilisent encore largement. Fixation des substances toxiques Utilisées en horticulture et parfois comme auxiliaires de cultures, grâce à leurs capacités de répulsion des insectes et des gastéropodes, elles font aussi un bon engrais en raison de leur teneur élevée en nitrates et en magnésium. Leur capacité à fixer les substances toxiques, telles que métaux lourds, nitrates ou sulfates, en font de très bons marqueurs environnementaux. Elles interviennent dans le domaine de l'épuration des eaux usées et du traitement des catastrophes écologiques, La reproduction des mousses se fait par « alternance de généra- tions ». Les tiges feuillées portent des gamètes mâles (spermato- zoïdes) ou femelles (oosphère). À maturité, les spermatozoïdes PETITE BIOLOGIE de système vasculaire et donc sont libérés et, grâce à leurs de racines, ne disposant que de flagelles, se déplacent dans l’eau DES MOUSSES filaments appelées « rhizoïdes », extérieure (pluie, rosée) qui forme Les mousses constituent qui leur permettent de s’accrocher une couche continue au sommet l’embranchement des Bryophyta au substrat. Comme les racines, des tapis de mousses. (du grec bruon, « mousse » et les rhizoïdes peuvent absorber La fécondation intervient quand un phyton, « végétal »). On en compte de l'eau. Mais chez les mousses, spermatozoïde atteint une oosphère quelques 575 espèces en Belgique l'ensemble de l'appareil végétatif immobile, toujours accrochée à pour environ 14 500 espèces dans en est capable grâce à l’absence la tige. Elle aboutit à la formation le monde. Ce sont des plantes d’un œuf (zygote) dont le dévelop- de « cuticule » (couche externe de terrestres et, comme la majorité de pement forme un « sporogone » protection) qui les rend cependant leurs cousines, elles possèdent une (un peu comme une fleur) à très sensibles à la dessiccation. tige et des feuilles. La tige, non l’extrémité de la tige femelle. Ce Les mousses poussent pendant les ligneuse, ne peut cependant pas sporogone est notamment consti- périodes humides et suspendent s’élever beaucoup : les mousses tué d’une capsule qui contient des leur métabolisme pendant les pé- spores qui seront libérées (comme forment ainsi des touffes de riodes de sécheresse (de quelques les graines des spermatophytes) à gazonnement de quelques minutes à quelques années) en maturité. Ces spores sont dissémi- millimètres à 70 cm de haut, développant des mécanismes qui nées plus ou moins loin par le vent en fonction des espèces. protègent leur organisme et per- et, après germination, donnent Contrairement à de nombreux mettent une restauration rapide de naissance à de nouvelles tiges autres groupes de plantes l’activité cellulaire en cas de retour feuillées, mâles ou femelles, qui terrestres, elles sont dépourvues de l’eau : c’est la reviviscence. renouvellent le cycle. le magazine #89 10
en couverture certaines mousses étant capables d'absorber jusqu'à et ignifuges. Enfin un argument de poids est à porter au douze fois plus d'hydrocarbures que les filtres à argiles crédit des mousses en ville : la régulation des eaux de utilisés actuellement. pluie et l'augmentation de la biodiversité urbaine (flore et faune confondues). Le secteur pharmaceutique n'est pas en reste puisque la compréhension de leurs principes actifs reste encore Ainsi donc, le monde des bryophytes recèle bien des à approfondir. Leurs composés antibiotiques, antifon- surprises et il est urgent de s’adonner à leur observation giques ou phénoliques sont encore mal connus même consciencieuse et patiente. La chaleur irisée des coussi- si leurs effets sur les irritations de la peau ou la pression nets de mousses, verts toute l’année, scintillants de rosée artérielle sont constatés. Enfin, on assiste aujourd'hui au matinale, recouvrant poteaux, pavés et vieux murs, et à développement du concept de ville durable, qui prévoit l'intérieur desquels tout un petit monde d’animalcules l'intégration des principes du développement durable et s'ébroue, pourrait bien être l’une de nos dernières conso- de l'urbanisme écologique dans l'aménagement du terri- lations dans ce monde de macadam et de béton. toire urbain. Une étape vers le retour des mousses dans notre vie quotidienne pourrait être l'utilisation décorative de celles-ci à travers la mise en place de murs végétaux Plus d’informations sur le site www.nowellia.be ou de promenades végétalisées. L'étape suivante consis- terait à valoriser des qualités utiles au citadin, comme Pour des stages d’initiation à la bryologie : leur capacité à fixer polluants atmosphériques et aqua- www.cercles-naturalistes.be tiques ou à constituer des barrières thermiques, sonores Marina del Castell (CC) PHILIPPE DE ZUTTERE, UN BRYOLOGUE PASSIONNÉ Philippe De Zuttere, auteur de l’article, est décédé à Chimay quelques semaines après nous avoir fait parvenir son texte. Nous sommes heureux de le publier, malgré les circonstances particulières. Philippe De Zuttere était un bryologue de renom et grand monsieur du petit monde naturaliste wallon. Né à Bruxelles en 1944, il a suivi une licence en botanique à l’Université de Liège où il s’est passionné pour la bryologie. Parallèlement à son métier d’enseignant, il a mené une riche carrière de bryologue et a publié des dizaines d’articles et de brochures. Il a lancé la revue Nowellia bryologica en 1992 et la Fondation bryologique Philippe De Zuttere en 2010. le magazine #89 11
ornitho Le moineau domestique est un des oiseaux les plus fréquents dans notre environnement direct. Il s’est si bien adapté à Ray Kennedy / rspb-images.com l’homme qu’il ne peut plus vivre sans. Cependant, l’évolution des populations, globalement en déclin, indique qu’il a aujourd’hui de plus en plus de mal à vivre avec… Jean-Yves Paquet, directeur du département Études de Natagora Le moineau d’Asie centrale et sont écologique- déchante en ville ment originaux : migrateurs (alors que le moineau domestique est sé- dentaire partout dans le monde), ce sont les seuls moineaux domestiques qui évitent les villages et les fermes. Les progrès récents de la génétique N otre pierrot (Passer domes- d’une sous-espèce particulière (Pas- permettent maintenant de comparer ticus) est ce qu’on appelle ser domesticus bactrianus). Lorsque le génome (c’est-à-dire l’entièreté du une espèce « commensale l’homme abandonne un endroit, le matériel génétique d’un individu) de obligée ». « Commensale » car nous moineau finit par disparaître. Et ce représentants de moineaux domes- lui fournissons sa nourriture (il pi- n’est pas nouveau. tiques « courants » et de bactrianus. core littéralement nos miettes) sans Grâce à ces analyses, les chercheurs que cela nous nuise et, en fait, sans Pour comprendre les origines de cette ont identifié des séquences d’ADN que nous nous en rendions compte; relation particulière, une équipe de particulières à l’une ou l’autre sous- « obligée », car on ne trouve pas de recherche norvégienne s’est intéres- espèce et ont alors pu retracer l’his- moineau en dehors de nos villes et sé à la sous-espèce bactrianus. Les toire de la divergence entre les deux de nos villages, à l’exception notable bactrianus vivent dans les steppes groupes de moineaux. le magazine #89 13
ornitho Le moineau est l'un des oiseaux les plus répandus au monde. Il s'est très bien adapté à l’environnement urbain. Photo : Ben Hall / rspb-images.com SÉLECTION DES amidon, grâce à des mutations dans aujourd’hui dans le monde. Grâce à VARIATIONS GÉNÉTIQUES les gènes qui sont liés aux capacités ces adaptations génétiques, d’une digestives (l’homme lui-même et le obscure espèce de petit granivore des Bactrianus représente une sous-es- chien sont déjà connus pour avoir steppes d’Asie centrale, le moineau pèce proche de l’ancêtre commun subi des modifications génétiques est devenu un des oiseaux les plus aux sous-espèces actuelles, celui qui similaires). Son bec et son crâne répandus et les plus abondants du préexistait à l’invention de l’agricul- sont renforcés, de manière à pouvoir monde. Il y a 6 000 ans, il a conquis ture. Les deux lignées ont divergé il briser des grains de céréales plus ro- l’Europe suite à l’apparition de l’agri- y a environ 11 000 ans. Lorsque les bustes que les graines sauvages, tels culture. Beaucoup plus récemment, il premiers agriculteurs se sont instal- que l’agriculture les sélectionnent. s’est adapté à l’environnement urbain, lés en Asie centrale, les ancêtres de probablement en suivant les chevaux, notre moineau ont trouvé avantage à nombreux dans les villes avant le profiter des graines laissées après les L’ESTIMATION DE développement du moteur à explo- récoltes ou autour des fermes primi- LA POPULATION sion. Il s’est aussi répandu (parfois à tives. Peu à peu, certaines variations MONDIALE DÉPASSE partir d’introductions volontaires) sur génétiques ont été sélectionnées tous les continents, de l’Océanie à DE LOIN LE MILLIARD du fait de ces nouvelles conditions l’Amérique. C’est une des rares es- environnementales, et le moineau D’INDIVIDUS. pèces d’oiseau dont l’estimation de domestique tel que nous le connais- la population mondiale dépasse de sons est apparu. Par rapport au bac- On peut dire que, par hasard, le loin le milliard d’individus. Pourtant, trianus, le « domestique » est par moineau domestique a ainsi « misé aujourd’hui, les populations de moi- exemple capable de profiter d’une sur le bon cheval ». Peu d’animaux neau domestique sont globalement nourriture beaucoup plus riche en ont en effet aussi bien réussi que lui en déclin. le magazine #89 14
ornitho CHUTE DE 90 % DES fortes d’une région à l’autre. Le moi- Les mécanismes responsables de EFFECTIFS À BRUXELLES neau semble surtout diminuer dans ce déclin sont encore peu com- les villes. Ainsi, le suivi des oiseaux pris, mais les hypothèses incluent Au vu de cette association de longue communs mené par les ornitholo- la pollution urbaine, le manque de date, ce recul des populations de- gues bruxellois de Natagora montre sites de nidifications et le manque vrait nous alarmer particulièrement : une perte de 90 % des effectifs de ressources alimentaires (graines le programme européen de suivi depuis 1992, alors qu’en Wallonie, tout l’année et insectes en période des oiseaux communs estime que le même suivi indique plutôt une de reproduction). À ce titre, les les effectifs ont chuté de 60 % en stabilité (voir graphe), même si des programmes de sciences partici- moyenne depuis 1980. Ce chiffre diminutions locales ont aussi été patives (comme notre « Devine qui inquiétant cache des différences très constatées récemment. vient manger au jardin ») pourraient permettre d’obtenir de nouvelles données utiles. Le moineau est une espèce extraor- Évolution de l’indice dinaire : comme le chien, elle est lit- d’abondance du moineau téralement « définie génétiquement » en Wallonie (jaune) et à Bruxelles (mauve). par sa relation avec l’homme. Ren- L’indice est fixé à 100 dons-nous donc nos villes tellement en 1992. Une valeur de 10 indique une perte de peu vivables que même ce commen- 90 % de l’effectif. sal qui nous accompagne partout Source : Programmes de suivis depuis si longtemps n’arrive plus à des oiseaux communs (Aves – SPW – IBGE) nous suivre ? RECENSEZ LES OISEAUX AVEC NOUS Chaque hiver depuis 2004, Natagora invite les petits et les grands à compter les oiseaux qui visitent les jardins. L’édition 2019 aura lieu le week-end des 2 et 3 février. Le recensement nous permet de disposer d’informations sur les oiseaux courants, de comprendre l’évolution de leurs populations, et d’aménager nos priorités de conservation en fonction des résultats. Participez, c'est très simple ! Vous observez les oiseaux de votre jardin à plusieurs moments de la journée, ou bien un peu le samedi et un peu le dimanche, vous aurez ainsi plus de chance d'observer des espèces différentes. Vous notez le nombre maxi- mum d'oiseaux que vous avez observés en même temps pour chaque espèce identifiée et vous renseignez vos observations directement sur notre site web. En 2018, le recensement a confirmé le retour des oiseaux aux mangeoires. Toutes les espèces de mésanges se sont rétablies après le creux de 2017 et les populations de plusieurs granivores ont explosé. Seul le merle noir a subi un petit recul. oiseaux.natagora.be le magazine #89 15
conservation Natagora aide les agriculteurs à restaurer le bocage Textes : Benoît Vignet Photos : Christophe Collas Dans quelques années, les jeunes plants auront atteint environ deux mètres et changeront l’aspect du paysage. En novembre dernier, le LIFE Pays mosan a commencé sa A campagne 2018 de u sud-ouest d’Oneux, hameau de la commune de plantations d’éléments Durbuy, le chemin des Trois-Sapins remonte un petit coteau, bordé ci et là de quelques chênes bocagers. Au programme, aux feuilles jaunies. Derrière ces arbres, et jusqu’au mas- plus de vingt-cinq kilomètres sif boisé au loin, un bloc de plusieurs dizaines d’hec- de haies à planter cette tares de prairies et de champs cultivés, entrecoupé de quelques clôtures de fils barbelés. Un paysage assez saison. Nous avons suivi la homogène que Sébastien Lens est bien décidé à trans- plantation d'une douzaine former. Le jeune agriculteur, qui exploite une partie des de kilomètres de haies et de terres de l’endroit, met en œuvre une approche très res- pectueuse du sol et de la biodiversité (lire l’encadré). Il nombreux arbres isolés chez a donc naturellement fait appel à l’équipe du LIFE Pays un agriculteur de Durbuy. mosan de Natagora. le magazine #89 16
conservation Colonie de grands Les racines sont préalablement rhinolophes « pralinées » pour éviter leur dessèchement et favoriser leur reprise. « Sébastien nous a contactés il y a quelques mois pour recréer un véritable maillage de haies sur son exploitation, explique Frédéric De- grave, chargé de mission LIFE Pays mosan chez Natagora. Elle se situe à proximité immédiate de la grotte où a été découverte il y a deux ans la plus grande colonie de grands rhino- lophes de Wallonie. » La restauration du bocage environnant correspond donc exactement à l’un des objectifs du projet LIFE (lire l’encadré). Ce matin de novembre, encadrés et aidés par l’équipe LIFE, dix ouvriers retroussent leurs manches pour planter une dizaine de kilomètres de haies sur l’exploitation de Sébastien. Quinze mille plants SÉBASTIEN LENS, sont triés sur place pour être placés, un par un, le long UN JEUNE AGRICULTEUR des parcelles. Quelques arbres isolés, chênes, merisiers, CONCERNÉ tilleuls, complèteront l’ensemble. « Mon exploitation compte 150 vaches salers et 155 ha Couloirs écologiques de terres. Je suis en bio depuis 2016 et depuis longtemps j’ai essentiels l’idée de réimplanter des haies. Depuis que je suis passé en bio, je vois plus d’animaux Les haies sont constituées d’une majorité d’aubépines dans les champs : des lièvres, (environ 50 %), complétées par du cornouiller, du viorne, des rapaces. Et je n’ai pas de du fusain, du noisetier, du charme, de l’érable cham- taupins, contrairement à mon pêtre, du troène ou encore du sureau. Frédéric précise : voisin en conventionnel ! Il y a « L’aubépine, essence utilisée traditionnellement pour un an, j’ai arrêté le labour et je suis passé au semis direct, former les haies, est un arbuste qui peut vivre très vieux, sans aucun travail du sol. Et et les haies d’aubépine de plus de deux cents ans ne après chaque culture, je mets de l’engrais vert, sont pas rares. » Pour l’agriculteur, les haies servent ce qui limite le rumex. En bio, il faut toujours avant tout de délimitation et de clôture. Elles permettent garder le sol couvert. Je suis également en aussi de protéger les troupeaux de la pluie et du vent et autonomie fourragère. Au départ, j’ai pensé « haies » pour me protéger des voisins ! Pour apporte une ombre nécessaire durant l’été. Leur action limiter le ruissellement d’intrants chimiques antiérosive est importante sur ces sols peu productifs. sur mes parcelles, et aussi limiter l’érosion. Mais les haies constituent par ailleurs des « couloirs Mais l’aspect biodiversité est également écologiques » essentiels pour de nombreuses espèces, important. Je ne savais pas que la plus grande comme les petits mammifères, qui peuvent y trouver colonie de grands rhinolophes gîtait à quelques refuge ou les utiliser pour se déplacer. Elles attirent kilomètres ; mais tôt le matin, j’en vois toujours trois ou quatre qui volètent autour de moi. également les pollinisateurs qui apprécient leurs fleurs, Et bien sûr, l’aspect paysager est essentiel. les oiseaux qui se nourrissent de leurs baies ou y D’ici trois ans, quand les haies auront poussé, construisent leurs nids, et les chauves-souris qui les par- on aura un bon retour. Je compte dessus pour courent la nuit, à la recherche d’insectes. convaincre mes collègues ! » le magazine #89 17
conservation ZOOM SUR LE En pratique, les haies sont plantées en automne pour faciliter leur LIFE PAYS MOSAN installation et la formation des radicelles avant le printemps. Les arbustes sont implantés sur des tronçons préalablement définis Le projet LIFE Pays mosan (2014- avec l’agriculteur. Les trous sont creusés à la tarière, tous les 50 ou 2020), coordonné par Natagora, est un programme de restauration de milieux 80 cm. Les racines sont préalablement « pralinées » (c’est-à-dire naturels et semi-naturels menacés dans enduites de « pralin », un mélange de bouse de vache, de terre le bassin de la Meuse et de ses affluents. et d’eau) pour éviter leur dessèchement Depuis quatre ans, l’équipe œuvre à et favoriser leur reprise. Les arbustes sont LES HAIES SONT la restauration des paysages bocagers ensuite distribués le long du parcours puis PLANTÉES EN en collaboration avec les agriculteurs et propriétaires intéressés. Elle a ainsi plantés à la main. Les jeunes plants seront AUTOMNE POUR déjà permis la restauratoin d’un réseau enfin protégés du troupeau par l’installa- FACILITER LEUR de plus de cinquante kilomètres de tion d’une clôture électrique et de la dent INSTALLATION ET haies, le (creusement de mares, et la des chevreuils par un latex répulsif. plantation de plusieurs vergers. LA FORMATION DES RADICELLES AVANT Ce projet LIFE s’axe notamment sur la LE PRINTEMPS protection des chauves-souris. Quatre espèces sont visées : le petit rhinolophe, « L’affaire de tous ! » le grand rhinolophe, le grand murin, et le vespertilion à oreilles échancrées. Ces Dans quelques années, les haies auront atteint une hauteur de plus espèces présentes dans le périmètre du de deux mètres. Sébastien, qui dispose du matériel nécessaire, les projet sont particulièrement sensibles à entretiendra lui-même. Un entretien qui est d’ailleurs souvent une la disparition du bocage, essentiel à leurs contrainte pour les agriculteurs, et qui ne les incite pas à conser- déplacements entre gîtes de reproduction, d’hivernage et terrains de chasse. ver ces structures. « On reproche souvent aux agriculteurs d’arra- cher les haies, remarque Frédéric. Mais d’un autre côté, ils ne Le projet cible par ailleurs plusieurs reçoivent guère de soutien pour leur entretien. La communauté types d’habitats en nette régression devrait réagir. À Somme-Leuze par exemple, la commune permet en Wallonie : des habitats dits « agropastoraux » (pelouses sèches, aux agriculteurs de bénéficier d’un service d’entretien des haies à prairies de fauche) et des habitats bas coût. Heureusement, d’autres initiatives récentes tentent d’in- d’origine minière ou industrielle verser la tendance et visent à rendre leur place aux arbres dans (pelouses calaminaires). les campagnes ». Et le chargé de projet de Natagora conclut : « La www.lifepaysmosan.eu sauvegarde des paysages est importante et ne concerne pas que www.facebook.com/paysmosan les agriculteurs, c’est l’affaire de tous ! » le magazine #89 18
| ... NOCULAIRES | LOUPES | BI LONGUES-VUES JUMELLES | BESOIN DE MATÉRIEL D’OBSER VATION ? Contactez notre Mr Optique sera « Mr Optique » ! présent à la gerard.frola@natagora.be Maison Liégeoise 0477 48 99 13 de l'Environnement les samedis 26 natagora.be/ janvier et 16 février materiel-optique de 11h à 17h S NATURE ! ENTIELS DES FORMATION PRIX PRÉFÉR RA ET LES ÉLÈVES RES DE NATAGO POUR LES MEMB En partenariat avec le magazine #89 19
rencontre Éric Dubois, animateur nature Christophe Collas
rencontre Au sein de Natagora, Éric s’occupe du projet « Nature pour tous » qui œuvre pour l'intégration, et l'accessibilité à la nature… pour tous ! Une ouverture sociale et une connexion entre deux Nature pour tous dimensions (handicap et nature) qui apparaît comme une évidence. J ’ai toujours été passionné d’animation et de nature. le projet a évolué, et nous proposons aujourd’hui de J’ai commencé par de l’animation dans un orphe- l’éducation et des actions sur le terrain. Notre but est de linat de la région bruxelloise, puis j’ai donné mes tout mettre en œuvre pour que l’ensemble des publics premières formations nature à des animateurs scouts. soient accueillis dans les meilleures conditions lors de J’ai ensuite eu la chance de pouvoir expérimenter et nos activités, en espérant leur donner envie de protéger m’améliorer dans les deux domaines, pour moi évidem- la nature qui les entoure. ment liés, de l’animation et de la nature. Peu à peu, l’équipe « Nature pour tous » s’est agrandie et nous avons eu le plaisir de créer des « outils-solutions » Lors d’une formation de guide nature, j’ai croisé la route utiles à tous, bien que développés au départ pour des de Paul Gailly, alors directeur du département Éducation besoins spécifiques. Les oiseaux en trois dimensions en de Natagora. À l’époque, « Nature pour tous » en était sont un bon exemple, et plus récemment AdMoSe, un encore au stade de l’idée. J’ai alors participé à une jour- WC « adapté mobile sec » et autonome. née de sensibilisation à l’accueil de publics différents dans la nature, organisée par Natagora. J’avais déjà été Notre travail est aujourd’hui largement reconnu en en contact avec le milieu du handicap et la connexion Belgique, et nous avons eu le plaisir d’être invités au entre ces deux dimensions (handicap et nature) m’est deuxième Salon mondial « Destination for all » qui a eu alors apparue comme une évidence. J’ai proposé à Nata- lieu à Bruxelles en octobre dernier. Être coordinateur gora de développer le projet dans ce sens et j’ai rejoint de « Nature pour tous » et profiter d’une équipe hyper l’association en 2005. C’est ainsi que « Nature pour tous, performante est pour moi une véritable chance ! pôle accessibilité » a démarré, en tissant un réseau de partenariats avec les institutions et les associations dé- diées aux personnes handicapées. Au départ, il s’agissait simplement de permettre à tous de vivre des moments de plaisir en pleine nature, mais En 2018, Natagora est ambassadrice des Objectifs de développement durable de l’ONU. À travers une série de portraits, nous montrons comment la protection de la nature s’inscrit dans un projet de société global. L’action d’Éric s’inscrit dans l’objectif 3 « Bonne santé et bien-être », appelant notamment à promouvoir la santé mentale et le bien-être. Retrouvez le projet Nature pour Tous en vidéo sur natagora.be/sdg le magazine #89 21
Vous pouvez aussi lire