Poèmes à la fenêtre oems at the indow - Friedrich H - Claude ...
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Friedrich H Poèmes à la fenêtre Poems at the Window Traduction ~ Translation : Claude N Deutsch ~ Français ~ English Polychrome Ressouvenances
Poèmes à la Fenêtre Poems at the Window Louise Keller, Hölderlin, dessin / drawing Samuel Palmer, e Bright Cloud (1842) (circa 1834)
Du même tradueur / By the same translator Friedrich Hölderlin Friedrich Hölderlin, Poèmes à la Fenêtre, texte allemand & traduion française, Ressouvenances, 2016. William Shakespeare, Sonnets, traduion rythmée et rimée, Poèmes à la Fenêtre édition bilingue, Ressouvenances, 2016. Poems at the Window Rainer Maria Rilke, Les Sonnets à Orphée ~ e Sonnets to Orpheus, traduion rythmée et rimée en français & en anglais, Traduion ~ Translation : édition trilingue, Ressouvenances, 2017. Claude Neuman À paraître / Upcoming Deutsch ~ Français ~ English Rilke, rythme, rimes ~ Rilke, rhythm, rhyme, Seconde édition Poèmes choisis tranduits en français & en anglais, édition trilingue. Toutes illustrations : D.R. Polychrome 15 © Ressouvenances, 2017. dépôt légal : mars 2017 ~ i.s.b.n.: 978-2-84505-218-5 Ci-contre : première page du manuscrit du poème « Le Printemps » (1) Ressouvenances Ressouvenances, 02600 Cœuvres-&-Valsery First page of the manuscript of the poem “e Spring” (1)
Présentation Presentation … des Himmels Höhe glänzet … des Himmels Höhe glänzet Den Menschen dann, wie Bäume Blüt umkränzet. Den Menschen dann, wie Bäume Blüt umkränzet. … et brille alors la hauteur … the height of the sky shines down Du ciel sur l’homme, comme couronnent l’arbre les fleurs. On mankind then, as flow’rs on trees put crown. (Derniers vers écrits par Hölderlin.) (Last verses written by Hölderlin) L es vingt-huit poèmes de Friedrich Hölderlin présentés ici – dans l’ordre chronologique, autant que ceci puisse être établi, de l’édition Friedrich Hölderlin, Sämtliche Werke und Briefe (Michael T he twenty-eight poems by Friedrich Hölderlin presented here, in the chronological order – as much as that can be established – of the Friedrich Hölderlin, Sämtliche Werke und Briefe edition (Michael Knaupp, Carl Hanser Verlag, München, 1993) – furent écrits, très pro- Knaupp, Carl Hanser Verlag, München, 1993), were most probably writ- bablement, durant les onze dernières années de sa vie, de 1832 à 1843, ten during the last eleven years of his life from 1832 to 1843, in Tübingen, à Tübingen, dans sa chambre de la tour dont les fenêtres donnaient in his room in the tower whose windows overlooked the river Neckar and sur le Neckar et les Alpes souabes au loin, où il vécut ses trente-six the Swabian Alps in the distance. Here he lived his last thirty-six years, dernières années, hébergé par le charpentier Zimmer après sa crise accommodated by the carpenter Zimmer after his bout of “madness”. de « folie ». Le leeur intéressé par les détails biographiques pourra se reporter e reader interested in biographical details should refer to the nu- aux nombreux ouvrages consacrés à Hölderlin et son supposé « cas merous volumes dealing with Hölderlin’s “psychiatric case”. By reading psychiatrique », de même qu’il pourra consulter son œuvre antérieure, his previous works, which are much more celebrated than his late poems, bien plus célébrée que ces poèmes-ci, pour apprécier la modification the reader will appreciate the stylistic change the later works display, stylistique qu’ils représentent dans l’œuvre de l’auteur, et qui a souvent, which has often, wrongly in my opinion, been perceived by critics as a re- à tort selon moi, été perçue par la critique comme une régression. gression. La plupart des fous n’étant pas poètes et la plupart des poètes Since most madmen are not poets and most poets are not mad, to know n’étant pas fous, le fait de savoir si Hölderlin l’était ou non, et si oui, whether Hölderlin was mad or not, and if so, when and to what degree, 7
quand et à quel point, est de mon point de vue d’un intérêt purement is in my view of purely anecdotal interest. What’s more, this question un- Ces poèmes sont « impersonnels » dans la mesure où le sujet n’en ese poems are “impersonal” in so far as they do not concern them- anecdotique. De plus, cette question colore indûment l’interprétation duly colors the interpretation of these poems : knowing that their author est plus l’homme et son « petit tas de secrets » (André Malraux), dont selves with man’s “little heap of secrets” - to quote André Malraux -, of de ces poèmes : sachant que leur auteur fut diagnostiqué comme fou, had been diagnosed as mad, many of the critics have read his return to a il ne « reste » rien, mais l’« ouvert ». which nothing is left but “the open”. tout un pan de la critique a lu comme des preuves d’aliénation leur fixed form of prosody as a sign of alienation, whereas this would not occur On pense à la parole bouddhique : « Il y a le chemin, mais pas le One is reminded of the Buddhist saying : “e path exists, but not the retour à une prosodie de forme fixe, alors que l’idée n’en viendrait pas to an unaware reader. voyageur.» traveler on it”. à un leeur non prévenu. C’est pourquoi aussi je n’ai pas estimé utile Hölderlin l’a d’ailleurs très clairement formulé a contrario dans le Hölderlin very clearly formulated this “a contrario” in the poem “Der is is why I have not deemed it useful to reproduce here the dedica- de reproduire ici les dédicaces des poèmes signés par Hölderlin du poème « Der Mensch » : Mensch”: tions of the poems signed by Hölderlin with the name Scardanelli and nom de Scardanelli et accompagnées de dates qui vont du xviie au with dates ranging from the 17th to the 20th century. ey are not without Wenn aus sich lebt der Mensch und wenn sein Rest sich zeiget, Wenn aus sich lebt der Mensch und wenn sein Rest sich zeiget, xxe siècle. Elles ne sont certes pas sans intérêt, mais ne jettent pas de interest, but do not shed any pertinent light on the texts themselves. So ists, als wenn ein Tag sich Tagen unterscheidet, So ists, als wenn ein Tag sich Tagen unterscheidet, lumière particulière sur les textes eux-mêmes. Daß ausgezeichnet sich der Mensch zum Reste neiget, Daß ausgezeichnet sich der Mensch zum Reste neiget, Les poèmes de ces dernières années présentent majoritairement e majority of the poems of those last years present the following char- Von der Natur getrennt und unbeneidet. Von der Natur getrennt und unbeneidet. les caraères suivants : pour ce qui est de la prosodie, pentamètres ou aeristics : their prosody is in iambic pentameters or hexameters, with hexamètres iambiques (respeivement cinq ou six accents toniques, feminine rhymes ; their subje matter is impersonal contemplation. Quand de lui-même vit l’homme et quand son reste apparaît, When from himself lives man, and when the rest of him shows, placés sur les syllabes paires), à rimes féminines ; pour ce qui est du C’est comme quand s’est un jour des autres jours dissocié, It is like when a day, forsaking the days, is gone, contenu, la contemplation impersonnelle. I chose to translate the ones which do present those three charaeristics, Que sur son reste concentre l’homme son intérêt, at only to the rest that man continually bows, J’ai choisi de traduire ceux qui présentent ces trois caraéristiques, whose combination I believe to be significant. Coupé de la nature et en rien envié. From nature then estranged and envied by none. dont je pense que la combinaison est signifiante. Twenty-one of them have a season for title (eight “Springs”, six “Win- e images of the external world, of Nature, are themselves no longer Le titre en est, pour 21 d’entre eux, le nom d’une saison (huit « Prin- ters”, five “Summers”, two “Autumns”), three of them are titled “View”, Les images du monde extérieur, de la nature, elles-mêmes ne sont individualized, but are immutable apparitions, taking the charaer of temps », six « Hivers », cinq « Étés », deux « Automnes »), pour trois and the apparition of natural phenomena is also at the heart of the other plus individualisées, mais sont des apparitions immuables, comme fixed constellations : “das Feld”, “die Gefilde”, “der Bach”, “der Strom”, “ die d’entre eux « La Vue », et l’apparition des phénomènes naturels est four (“Conviion”, “e Fate of the Soul”, “Man”, “Greece”). prenant le statut de constellations fixes : « das Feld », « die Gefilde », « der Stege”, “ die Bergen”, “ die Wege”, “ die Wolken”… and “ die Sternen”, per- également au centre des quatre autres (« Conviion », « Le destin de Bach », « der Strom », « die Stege », « die Bergen », « die Wege », « die Wol- As references to gods and self disappear (no more “I”, “me”), to give haps akin to those other constellations of Rilke’s tenth Duino Elegy, with l’Esprit », « L’Homme », « Grèce »). ken »… et « die Sternen », cousines peut-être des autres constellations place to the apparition of the external and permanent world only, the the difference that they are not the ones of the “land of pain”: “ die Vol- de la dixième « Élégie de Duino » de Rilke, à la différence près qu’elles chosen prosody also becomes as an external and permanent phenomenon, lkommenheit ist ohne Klage” (Der Herbst, 1) (“in this perfeion no sor- Alors que disparaissent les références aux dieux et au moi (plus de ne sont pas celles du « Pays de la Douleur » : « die Vollkommenheit ist which calls for and struures the text, in the way of a “thinking machine”, row takes hold”), because sorrow is part of the “rest”. « ich », « mir ») pour faire place à la seule apparition du monde extérieur ohne Klage » (Der Herbst, I) (« la perfeion est exempte de plainte »), et permanent, la prosodie choisie devient elle aussi comme un phé- to use the expression coined by Louis Aragon. car la plainte fait partie du « reste ». nomène extérieur et permanent, qui « appelle » et struure la parole, à la façon d’une « machine à penser », pour reprendre l’expression de Louis Aragon. 8 9
La forme Form Der Sommer (I) : vers 12 : heptamètre (7 accents toniques) de Der Sommer (I) : line 12 : heptameter, 15 syllables 15 syllabes Der Winter (I) : La prosodie adoptée par Hölderlin dans ces poèmes est donc faite Hölderlin often offered his poems to his few visitors, and composed them Der Winter (I) : line 2 : pentameter with masculine rhyme, 10 syllables ; de pentamètres et hexamètres iambiques rimés, les rimes étant fémi- before their eyes in a few minutes. vers 2 : pentamètre à rime masculine de 10 syllabes ; line 3 : tetrameter, 9 syllabes ; nines. Souvent Hölderlin les a offerts à ses quelques visiteurs, et les a One of them, Johann Georg Fischer, writes : “ He started writing, rhyth- vers 3 : tétramètre (4 accents toniques) de 9 syllabes ; line 4 : hexameter with masculine rhyme, 12 syllables ; composés devant eux en quelques minutes. ming with his left hand each verse, of which he was saluting the comple- vers 4 : hexamètre à rime masculine de 12 syllabes ; line 7 : heptameter, 15syllabes. L’un deux, Johann Georg Fischer, écrit : « Il se mit à écrire, scandant tion with a hum ! of satisfaion.” (cited in Hölderlin, Le Chemin de vers 7 : heptamètre de 15 syllabes. Der Geistes Werden: line 5 : hexameter of 11syllables, 3 trochees. de la main gauche chaque vers dont il saluait l’achèvement d’un hem ! Lumière, André Alter, Champ Vallon, 1992) Der Geistes Werden : vers 5 : hexamètre de 11 syllabes, 3 trochées. Griechenland : line 2 : one anapest and two trochees de satisfaion.» (cité dans André Alter, Hölderlin, Le Chemin de is testimony is particularly interesting when one considers the for- Griechenland : vers 2 : un anapeste et deux trochées Der Frühling (V) : line 8 : pentameter of 12 syllables Lumière, Champ Vallon, 1992) mal perfeion of the poems in question, which implies either a long in- Der Frühling (V) : vers 8 : pentamètre de 12 syllabes Der Frühling (VII) : line 5 : tetrameter, 9 syllables Ce témoignage est particulièrement intéressant quand on consi- ternal maturing and a sort of “staging of the improvisation”, or such an Der Frühling (VII) : vers 5 : tétramètre de 9 syllabes So, 97 % of iambic pentameters or hexameters with feminine rhymes, dère la perfeion formelle des poèmes en question, qui implique soit internalization of the prosodic “constraints” (to use the vocabulary of the Donc, 97 % de pentamètres ou hexamètres iambiques à rime fémi- a remarkable conformity to the self-imposed constraints, to the struure une longue maturation intérieure et une sorte de « mise en scène » de French “Oulipo” literary movement -Raymond Queneau, Georges nine, c’est-à-dire une conformité remarquable aux contraintes auto- chosen for the “thinking machine”, when one considers that even the mon- l’improvisation, soit une telle intériorisation des « contraintes » (pour Pérec…-), that they are “producing” the text. imposées, à la struure choisie pour la « machine à penser », quand ument of the iambic pentameter that Shakespeare’s Sonnets constitute is employer le vocabulaire de l’Oulipo) prosodiques que celles-ci « pro- Let us quote on this matter David Bellos, the American translator of on sait par exemple que même le monument du pentamètre iambique far from presenting the same regularity. duisaient » le texte. Georges Perec : “when your mind is engaged in multi-level pattern- que constituent les Sonnets de Shakespeare est très loin de présenter Citons à ce propos David Bellos, tradueur américain de Georges matching pursuits you find resources in your language you never knew la même régularité. (In order to help the reader scan the German verses, we have under- Perec : « lorsque votre esprit est engagé dans la poursuite de schèmes were there” – an observation which has pertinence to the poetical creation (Pour aider le leeur à scander les vers en allemand, nous avons lined in this edition the accentuated syllables. e caesura(s) are marked à plusieurs niveaux, vous trouvez des ressources dans votre langue which imposes itself pre-established constraints, as well as to its transla- souligné dans cette édition les syllabes accentuées. La ou les césures by additional space between the words). dont vous n’aviez jamais su qu’elles s’y trouvaient » – réflexion perti- tion. des vers sont marquées par une espace forte.) nente aussi bien pour ce qui concerne la création poétique qui s’im- e formal perfeion reached here by Hölderlin is indeed impressive : L’importance du rythme, et du son en général (iambes, césures, e importance in these poems of rhythm, and of sound more generally pose des contraintes préétablies, que pour sa traduion. Out of the two hundred and sixty lines of these twenty-eight poems, all rimes, rimes internes, répétitions, mots se répondant en échos, asso- (iambs, caesuras, rhymes, internal rhymes, repetitions, words echoing one La perfeion formelle atteinte ici par Hölderlin est en effet im- are iambic pentameters or hexameters with feminine rhymes, i.e. of nances et allitérations) dans ces poèmes rappelle les paroles d’Höl- another, assonances and alliterations) brings to mind Hölderlin’s words, pressionnante. eleven or thirteen syllables, except nine of them (plus some rare instances derlin rapportées par Bettina Von Arnim : « Les lois de l’esprit sont as reported by Bettina Von Arnim : “e laws of the mind are rhythmical. Sur les 260 vers que comptent ces vingt-huit poèmes, tous sont where diion can hesitate between an iamb and a trochee, but is pushed rythmiques. […] Tant que le poète en est encore à chercher l’accent […] As long as the poet is still looking for the metrical accent and is not des pentamètres ou hexamètres iambiques à rimes féminines c’est-à- toward the iamb by the environing rhythm) : métrique et n’est point emporté par le rythme, sa poésie est sans vérité carried forward by the rhythm, his poetry is without truth […] what is dire de onze ou treize syllabes, à l’exception de neuf vers (plus […] ce qui est poésie, c’est que l’esprit ne puisse s’exprimer seulement poetry is the fa that the mind can only express itself in rhythms, that its quelques rares cas où la diion peut hésiter entre l’iambe et le qu’en rythmes, que sa langue ne soit que rythme » (cité dans Armel language is rhythm” (cited by Arme Guerne in Les Romantiques Alle- trochée, mais est emportée vers l’iambe par le rythme environnant) : Guerne, Les Romantiques allemands, Desclée de Brouwer, 1956). mands, Desclée de Brouwer, 1956). 10 11
syllabes plutôt qu’au nombre d’accents toniques. Justement, mon but is leads of course to some translation choices, turns of phrase, inver- La traduction Notes on the Translation a été de faire entendre en français le rythme du texte d’origine, plutôt sions, which would not be necessary if one would care for the meaning que de le « franciser ». C’est-à-dire de faire entendre (pas nécessaire- only. Mon objeif en tant que tradueur a été ici de faire « entendre » I wish to thank my cyberfriend Donald Clarke, who proofread my ment sous forme iambique, car ce n’est pas la nature du français), pour e search for the corre rhythm also leads to the use of short words autant que possible cette musique en essayant de reproduire la struc- translations and pointed out to me the instances where my English was chaque vers le même nombre d’accents toniques, ou plutôt (dans une that have no other reason to appear (as “then”, “there”, “here, “so”…), a ture musicale des poèmes d’Hölderlin, pour faire de ces traduions not really English, which lead me to make numerous changes. Without langue peu accentuée comme le français) le même nombre de praice generally decried by those who forget that the poet being trans- des échos sonores des originaux, et par là aider peut-être à mieux en- his watchful eye, French being my mother tongue, they could never have « groupes phoniques » ou « unités de souffle », que dans l’original. lated is using such words himself, and for the same purpose (“doch”, “aber”, tendre les textes allemands, en reproduisant, tout en restant au plus been completed. “dann”, “so”…). près possible du sens : Donald is an American writer, author of “Wishing on the Moon : the Il est nécessaire de préciser mon choix d’un parti pris important – l’emplacement de la (ou des) césures dans le vers ; Life and Times of Billie Holiday “(1994), “e Rise and Fall of Popular pour l’« écoute » de ces traduions : une diion française non-poéti- Since translations are always perfeible, the possible evolutions of the – le nombre d’accents toniques (ou groupes phoniques, unités de Music” (1995), “All or Nothing at All : a Life of Frank Sinatra” (1997) and queuh : present ones, as well as my other translations from German into French souffle) par vers, et ce de chaque côté des césures ; “e Penguin Encyclopedia of Popular Music” (1989, 1998) which is also La prononciation du e muet dans la diion poétique, alors qu’il est and English, and from English into French, will be found on my website – le nombre de syllabes par vers, et ce de chaque côté des césures ; freely available online on his website élidé dans la langue française telle qu’elle est parlée (sauf dans le Midi), www.traduirelefondetlaforme.com. – la rime (mais malheureusement pas son caraère systématique- www.donaldclarkemusicbox.com. est une spécificité française, qui ralentit le rythme et « prend de la Claude Neuman ment féminin) et l’ordonnancement des rimes ; place ». Ni l’allemand ni l’anglais n’ont de procédé équivalent : ce sont – autant que possible les répétitions et échos de mots ainsi que My goal as a translator has been to make the music “heard” as much des langues accentuées et rythmées, contrairement au français, et leur leur place dans le vers, et, quand j’ai pu en trouver le moyen, cer- as possible, to try and reproduce the musical struure of Hölderlin’s poems, poésie ne recourt donc pas à une diion artificielle pour produire une taines assonances et allitérations. in order for these translations to sound as echoes of the originals and per- musique conventionnelle signalant que « ceci est de la poésie ». Ceci amène bien sûr à des choix de traduion, des tournures, des haps also help some of the readers to better hear the German texts, by re- Je me suis donc imposé comme règle pour ces traduions que le e inversions qui ne seraient pas nécessaires si l’on ne se préoccupait que producing, while remaining as close as possible to the meaning : muet doive toujours être prononcé de façon naturelle, c’est-à-dire du sens. – the placement of the caesura(s) in the line, élidé en général, comme il l’est dans le français que nous parlons. En La recherche du rythme conduit aussi à utiliser des mots « che- – the number of tonic accents per line, and on each side of the caesuras, cas de choc de consonnes dentales ou chuintantes ou identiques, ou villes » (typiquement : « là »), pratique généralement décriée par ceux – the number of syllables per line, and on each side of the caesuras, d’accumulation de plus de deux consonnes en cas d’élision, ou dans qui oublient que, comme tout bon artisan, le poète traduit en utilisait – the rhymes (but unfortunately not necessarily their feminine char- les cas où son absence rendrait la prononciation difficile, le e est en lui-même (ici : doch, aber, dann, so…) et dans le même but. aer), and the rhyme scheme – with a few poor rhymes and even one false revanche prononcé naturellement : il suffit de se fier à son oreille. Pour ce qui est de l’évocation du pentamètre ou hexamètre iam- one, I am ashamed to admit –, J’ai de temps en temps dans ces traduions indiqué des apocopes biques, cette rythmique régulière fait partie de la tradition poétique – as much as possible, the repetitions and word echoes and their place par apostrophes, là où l’usage français accepte pareillement l’élision des langues anglaise et allemande, langues accentuées, et non pas de in the line, and when I figured a way, some assonances and alliterations. ou la non-élision du e muet, notamment dans les cas où sa pronon- la tradition poétique française, qui s’attache au nombre de ciation modifierait le rythme du vers. 12 13
Je suis bien conscient que tout ceci est contraire à la police de la poésie qui surveille le vers français depuis le xviie siècle qui a vu De l’allemand en français, From German to French, Richelieu fonder l’Académie française pour imposer une langue de cour distine de la langue du peuple ; mais, encore une fois, cette de l’allemand en anglais from German to English dichotomie entre la langue académique et la langue parlée n’existe pas Le français est ma langue maternelle, et pourtant la traduion de French is my mother tongue, and yet I translated these poems into en allemand. ces poèmes en anglais m’a demandé bien moins de temps que la tra- English a lot faster than I did into French. Rappelons que précédemment, les poètes de la Pléiade par exemple duion française. Several reasons for this : the German and English languages utilisaient souvent l’apocope : « Ronsard prit position dans son Art Plusieurs raisons à cela : l’allemand et l’anglais sont des langues are cousins, and are both accentuated languages, which, given my Poétique : “Tu accourciras aussi (je dis en tant que tu y seras contraint) cousines, et sont deux langues accentuées, ce qui, compte tenu de mon goal to render the German rhythm (pentameters, hexameters), is a les vers trop longs : comme don’ra pour donnera, saut’ra pour sautera.”» objeif de rendre le rythme allemand (pentamètres, hexamètres), est great help. (Georges Lote, Histoire du vers français.) d’une grande aide. Even more importantly, the French poetic tradition, in its pro- Citons encore Remy de Gourmont : « Il faut que les poètes sachent Et surtout, la tradition poétique française se préoccupe dans sa sody, focuses on the number of syllables, which is not meant to be bien que la croyance à l’e est une survivance, comme la croyance aux prosodie du nombre de syllabes par vers, qui n’est pas fait pour être heard but to be counted, rather than on the number of feet, of beats, fantômes.» (« Le problème du style : questions d’art, de littérature et entendu mais compté, à l’inverse du nombre de pieds dont se préoc- as do the German and English ones. de grammaire », 1902) cupent les prosodies allemande et anglaise. e French poets tend to count on their fingers, whereas the Ger- Notons enfin qu’Hölderlin lui-même ne se prive pas dans ces Les poètes français comptent le plus souvent sur leur doigts, les man and English ones count their feet… poèmes de jouer sur l’élision par apocopes ou contraions orthogra- poètes allemands et anglais (ou scandinaves, néerlandais, russes…) In order to guide the reader toward the corre rhythm the Ger- phiques quand cela est nécessaire au respe du rythme : prächt’ge au comptent leurs pieds… man and English poets make use of apocopes and orthographic lieu de prächtige, gehn au lieu de gehen, Berg’ au lieu de Bergen, Tag’ au Les poètes allemands et anglais, pour guider le leeur vers le contraions. e rhythm of the French language being more hesi- lieu de Tage, etc. rythme idoine, pratiquent l’apocope et la contraion orthographique. tant, one would have expeed the French poets to make even more Le rythme du français étant plus incertain, on aurait pu s’attendre à use of them. Le propre d’une traduion étant d’être toujours perfeible, les ce que les poètes français les utilisent encore d’avantage. Instead (with the exceptions of the songwriters, who do need their éventuelles évolutions de celles-ci, ainsi que mes autres traduions Au lieu de cela (à l’exception des auteurs de chansons, qui eux doi- words to fit the music, and of a few attempts, that remained without de l’anglais et de l’allemand et mes réflexions sur la pratique de la tra- vent « tomber » sur le rythme de la musique, et de quelques tentatives posterity, in the sixteenth century, like the ones of Jean-Antoine de duion, pourront dans le futur être consultées sur le site internet que sans postérité au xvie siècle, comme celles de Jean-Antoine de Baïf, Baïf with his “measured verses” that were apocoped when needed) je construis à cet effet : www.traduirelefondetlaforme.com de « vers mesurés » et apocopés quand de besoin), les poètes classiques the French classical and romantic poets preferred to rule the pro- Claude Neuman et romantiques français ont préféré régenter la prononciation de la nunciation of the language by imposing the voicing of the “silent e”, langue en introduisant la convention du e muet prononcé à l’encontre against the way it is naturally pronounced, making the supple French de la prononciation naturelle, rendant la souple langue française language rigid, which simplifies the problem, but by definition 14 15
rigide, ce qui simplifie le problème, mais par définition le fait de pro- pronouncing what is silent indicates that one does not produce a Plus que par leurs homologues anglo-saxons, germaniques ou It is hence generally “forbidden” by the French “translatologists” noncer ce qui est muet indique que l’on ne produit pas une poésie poetry made foremost for the ear. Reaing against this artificial ri- russophones – se reporter à Un art en crise, essai de poétique de la (more than by their Anglo-Saxon, Germanic or Russian counter- d’abord destinée à l’oreille. Réagissant contre cette rigidité artificielle, gidity, the “modern” French poets have, and more systematically than traduion poétique du russe Efim Etkind (Vladimir Nabokov repré- parts – cf. Un art en crise, essai de poétique de la traduion poétique, by les poètes français « modernes », eux, et plus systématiquement qu’en in Germany or the English speaking countries, adopted “free verse”, sentant le contre-exemple) –, il est donc généralement « interdit » par the Russian Efim Etkind (Vladimir Nabokov being the counte- Allemagne ou en pays anglo-saxons, sont passés aux « vers libre », la rhyming becoming obsolete as well : after all, rhyming too is only for les « traduologues » français de traduire poétiquement la poésie, rexample) – to poetically translate poetry, i.e. as a literary obje in rime elle aussi tombant en désuétude : après tout elle aussi n’est faite the ear… c’est-à-dire en tant qu’objet littéraire dont le sens et la musique sont which meaning and music are inseparable. que pour l’oreille… erefore it very rarely comes to the mind of French translators indissociables. “Let no such man be trusted. Mark the music.” (Shakespeare, e Il vient donc très rarement à l’esprit des tradueurs français d’es- to try and reproduce a rhythmic regularity which is foreign to their “Let no such man be trusted. Mark the music.” (Shakespeare, Le Mar- Merchant of Venice.) sayer de reproduire une régularité rythmique étrangère à leur propre own poetic tradition, whereas, for instance, the Anglo-Saxon trans- chand de Venise.) tradition poétique, alors que, par exemple, souvent les tradueurs lators of German poetry often do it as a matter of course (though, anglo-saxons de la poésie allemande le font tout naturellement “shakespearised” as they are, they tend to use the iambic pentameter (quoiqu’ils aient un peu trop tendance, shakepearisés qu’ils sont, à for all purposes). mettre du pentamètre iambique partout). When translating in French I was therefore starting with a cul- Traduisant en français je partais donc avec un handicap culturel. tural handicap. Il est instruif de lire les préfaces de 99 % des éditions françaises It is instruive to read the prefaces of 99 % of the French – and – et aussi, mais tout de même dans une moindre mesure, anglo- also, but to a lesser extent, of the Anglo-Saxon - editions of foreign saxonnes – de poésie étrangère, et de noter ce qui s’y dit de la prosodie poetry, and to take note of how much is said about the prosody that propre à cette poésie étrangère : à peu près rien… d’une part les charaerizes this foreign poetry : just about nothing… number one, contraintes prosodiques ne sont pas « modernes » – et il faut être mo- prosodic constraints are not “modern” – and one has to be modern –, derne –, et d’autre part quand on ignore la musique il ne reste que le and number two, when one ignores the music all that is left is the « sens », et donc il serait paraît-il primordial de dire « exaement » la “meaning”, and so we are told that what is paramount is to say même chose que le poète qu’on traduit ; on oublie ainsi que ce qu’il “exaly” the same thing as the translated poet ; one forgets thus that dit est largement déterminé par la rime et le rythme qu’il s’impose, what he says is largely determined by the search for rhyme and et que s’il avait été « contraint » par les rimes et rythmes des mots rhythm that he imposes to himself, and that if he had been “constrai- d’une autre langue, il aurait dit la même chose de façon légèrement ned” by the rhymes and rhythms of the words of another language différente. he would have said the same thing slightly differently. En tant que tradueur, si l’on estime que la rime est une survivance As a translator, if one deems the rhyme to be a meaningless lefto- sans intérêt et qu’on n’est pas conscient de la rythmique étrangère, on ver of the past and if one is not conscious of the foreign rhythms, one ne peut pas trouver ce qu’on ne cherche pas, ni ce qu’on n’entend pas. cannot find what one is not looking for, nor what one does not hear. 16 17
Le printemps (i) Der Frühling (i) The Spring (i) Comme au regard c’est doux, lorsqu’à nouveau viennent pointer Wie seelig ists, zu sehn, wenn Stunden wieder tagen, How sweet it is to see, when hours again here dwell, Les heures où parcourt l’homme, réjoui, les champs des yeux, Wo sich vergnügt der Mensch umsieht in den Gefilden, When man is overjoyed to look at the fields displayed, Lorsque les hommes s’informent de leur santé, Wenn Menschen sich um das Befinden fragen, When each man asks the others if they are well, Lorsque les hommes se façonnent pour vivre heureux. Wenn Menschen sich zum frohen Leben bilden. When each man builds a life of happiness made. Comme voûte se fait le ciel, et qu’il s’étire, se morcelle, Wie sich der Himmel wölbt, und außeinander dehnet, As is the sky vaulting, and tearing itself apart, Tant est de joie alors, dans les plaines et au grand vent, So ist die Freude dann an Ebnen und im Freien, Also, there’s such joy then, and freedom in yonder plains, Lorsque le cœur aspire à une vie nouvelle, Wenn sich das Herz nach neuem Leben sehnet, When yearns the heart a new life again to start, Que les oiseaux chantent, qu’ils s’égosillent au chant. Die Vögel singen, zum Gesänge schreien. at birds are singing, and to sing loud take pains. L’ homme, qui souvent questionne son for intérieur, Der Mensch, der offt sein Inneres gefraget, e men, who oft ask their true soul what is up, De la vie parle alors, par quoi la parole advient, Spricht von dem Leben dann, aus dem die Rede gehet, ey talk about life then, wherefrom the spoken word springs, Lorsque dans l’âme n’a place le chagrin rongeur, Wenn nicht der Gram an einer Seele naget, When no worry their spirit is eating up, Et que, joyeux, se tient l’homme devant ses biens. Und froh der Mann vor seinen Gütern stehet. And so stands man, happy with his belongings. Lorsqu’une maison rutile, édifiée dans l’air là-haut, Wenn eine Wohnung prangt, in hoher Luft gebauet, When shines a house up there, built as it was in high air, Tant croît le champ de l’homme et si loin les chemins vont, So hat der Mensch das Feld geräumiger und Wege Also, to man the field offers more space and the paths Qu’admire chacun autour de soi ce tableau, Sind weit hinaus, daß Einer um sich schauet, So far do go, that one, all around, does stare, Samuel Palmer, In a Shoreham Garden Et sur un ruisseau passent, bien bâtis, de petits ponts. Und über einen Bach gehn wohlgebaute Stege. And footbridges, well built, over a streamlet do pass. (circa 1830) 18 19
Vue (1) Aussicht (i) View (i) Quand sont joyeux les hommes, cela est affaire de cœur Wenn Menschen fröhlich sind, ist dieses vom Gemüte, When men are contented, it’s from their heart it’s coming, Et de bien-être aussi, pourtant dans le champ l’on voit Und aus dem Wohlergehn, doch aus dem Felde kommet, And from their well-being, yet comes in view in the field De l’arbre la croissance, la tendre éclosion des fleurs, Zu schaun der Bäume Wuchs, die angenehme Blüte, e growing of the trees, the flowers’ tender blooming, Pour l’homme fruit des moissons là encore profite et croît. Da Frucht der Ernte noch den Menschen wächst und frommet. ere still, fruit of harvest for men does grow and gives yield. Les monts entourent le champ, descendent du ciel là-haut Gebirg umgibt das Feld, vom Himmel hoch entstehet Mountains surround the field, from high in the sky come down L’aurore et l’air aussi, au lointain sont dans les champs Die Dämmerung und Luft, der Ebnen sanfte Wege e break of day and air, in plains the paths sweetly Les doux chemins des plaines, et mènent par-dessus les eaux Sind in den Feldern fern, und über Wasser gehet Stretch out in yonder fields, and over water, to town L’homme aux hameaux là-bas, les pass’relles s’él’vant fièrement. Der Mensch zu Örtern dort die kühn erhöhten Stege. Are leading man out there the high small bridges proudly. Ce dont se souvient l’homme dans les mots aussi se tient, Erinnerung ist auch dem Menschen in den Worten, Reminiscence also for men their words do contain, Et l’unité des hommes leur vie entière va valoir Und der Zusammenhang der Menschen gilt die Tage And their togetherness for men will stand through the days Au long des jours, restant aux hameaux leur bien, Des Lebens durch zum Guten in den Orten, Of their whole life, and be in the town their gain, Pourtant c’est lui-même que l’homme questionne s’il veut savoir. Doch zu sich selber macht der Mensch des Wissens Frage. Before his own self the knowing question man yet lays. La vue se montre un réconfort pour l’homme réjoui Die Aussicht scheint Ermunterung, der Mensch erfreuet As proves the view to bring comfort rejoices man still De son profit, les jours font alors pour lui Am Nutzen sich, mit Tagen dann erneuet At his profit, through days his work he then will Nouvelle sa tâche, et la prudence fait bonne veille Sich sein Geschäft, und um das Gute waltet Renew again, and on his gain looks after John Constable, Autumnal Sunset Auprès du bien, rend grâce, et ne se fait vieille. Die Vorsicht gut, zu Dank, der nicht veraltet. His good prudence, grateful, which ages never. (1812) 20 21
L’automne (1) Der Herbst (i) The Autumn (i) Les légendes, qui de la terre vont s’éloignant, Die Sagen, die der Erde sich entfernen, e legends, which from the earth are receding, Qui parlent de l’esprit qui fut et revient encore, Vom Geiste, der gewesen ist und wiederkehret, About soul, which did exist, once, and again returns, Viennent se tourner vers les humains, et là l’on apprend Sie kehren zu der Menschheit sich, und vieles lernen ey turn themselves to men once more, and we are learning Beaucoup du temps, qui hâtiv’ment se dévore. Wir aus der Zeit, die eilends sich verzehret. A lot from Time, which hastily itself burns. L’image des temps passés demeure, n’est point oubliée Die Bilder der Vergangenheit sind nicht verlassen e images of the past times by Nature never Par la nature, et comme pâlissent les journées Von der Natur, als wie die Tag’ verblassen Are forgotten ; as days are getting paler Au plein de l’été, l’automne vient sur la terre tomber, Im hohen Sommer, kehrt der Herbst zur Erde nieder, At height of summer, autumn returns and falls on earth, Dans le ciel encore, l’esprit des pluies de se montrer. Der Geist der Schauer findet sich am Himmel wieder. Again, in the sky, one can find the soul of showers. En peu de temps beaucoup de choses s’achèvent, In kurzer Zeit hat vieles sich geendet, In a short time has quite a lot been ended. Apparaît, à sa charrue, le laboureur Der Landmann, der am Pfluge sich gezeiget, e farmer who is shown there, pushing the plow, Il voit comme l’an décline, s’achevant dans le bonheur, Er siehet, wie das Jahr sich frohem Ende neiget, He watches how the year with joyous ending does bow, En de telles images le jour de l’homme se parachève. In solchen Bildern ist des Menschen Tag vollendet. In such an image man’s day, fulfilled, is seen ended. L’orbe des terres, avec ses roches pour parure, Der Erde Rund mit Felsen ausgezieret e earth’s roundure, with all its rocks for decor, N’est point comme le nuage, qui dans le soir ne perdure, Ist wie die Wolke nicht, die abends sich verlieret, Is not as is the cloud, which lives in evening no more, Il se fait voir avec un jour que l’or teinte, Es zeiget sich mit einem goldnen Tage, It shows itself, along with a day of gold, Samuel Palmer, Landscape, Twilight Et est la perfeion exempte de plainte. Und die Vollkommenheit ist ohne Klage. And in this perfeion no sorrow takes hold. 22 23
L’été (1) Der Sommer (i) The Summer (i) Champs et moissons paraissent, des hauteurs là brille Das Erntefeld erscheint, auf Höhen schimmert e harvest field appears, from heights does shimmer La gloire du clair nuage; dans l’ample ciel cependant, Der hellen Wolke Pracht, indes am weiten Himmel e radiant cloud’s beauty, while in the distant wide sky Nombre d’étoiles en la nuit calme scintillent, In stiller Nacht die Zahl der Sterne flimmert, In silent night the stars in number flicker, Ample et puissant est des nues le fourmillement. Groß ist und weit von Wolken das Gewimmel. Large is and wide the jumble of clouds up high. Plus loin encore vont les sentiers, et la vie humaine, Die Pfade gehn entfernter hin, der Menschen Leben, e paths proceed even further, human existence, Se montre là, de par les mers dévoilée, Es zeiget sich auf Meeren unverborgen, It shows itself, out on the seas unfolding, Le jour solaire, pour les humains à la peine Der Sonne Tag ist zu der Menschen Streben e sunny day offers to man’s persistence Est haute image, et luit d’or la matinée. Ein hohes Bild, und golden glänzt der Morgen. A high image, and golden shines the morning. De nouvelles couleurs tout le jardin est décoré, Mit neuen Farben ist geschmückt der Gärten Breite, With brand new colours is dressed the garden’s breadth anew, L’homme est émerveilllé que ses efforts portent fruit, Der Mensch verwundert sich, daß sein Bemühn gelinget, e men are astonished : their efforts are efficient, Ce que sa vertu crée, et ses hauts faits accomplis, Was er mit Tugend schafft, und was er hoch vollbringet, What with virtue they build, and their so high achievement, Se tiennent comme une glorieuse escorte aux côtés des temps Es steht mit der Vergangenheit in prächtigem Geleite. It is standing with the past times as beautiful retinue. [passés. John Constable, e Wheatfield (1816) 24 25
L’hiver (1) Der Winter (i) The Winter (i) Quand la neig’ pâle s’en vient embellir les champs, Wenn bleicher Schnee verschönert die Gefilde, When the white snow adorns the fields with paleness, Et haut éclat sur la plaine ample luit, Und hoher Glanz auf weiter Ebne blinkt, And a high glow on yonder plains does blink, Charme l’été au loin, et souvent So reizt der Sommer fern, und milde So charms summer afar, and sweetness Doux, s’approche le printemps, tandis que l’heure s’enfuit. Naht sich der Frühling oft, indes die Stunde sinkt. Of spring is nearing oft, whereas the hours sink. L’apparition splendide est là, et l’air est plus pur, Die prächtige Erscheinung ist, die Luft ist feiner, e apparition splendid is, the air is purer, Les bois sont clairs, pas un homme ne s’en va sur Der Wald ist hell, es geht der Menschen keiner e woods are bright, there goes no man to wander Les chemins, qui, bien trop, sont écartées, le silence impose Auf Straßen, die zu sehr entlegen sind, die Stille machet On alleys, that by far are too remote, the calm is making La majesté, comme rit cependant tout’ chose. Erhabenheit, wie dennoch alles lachet. Solemnity, while yet everything’s laughing. Le printemps brillant, en fleur point ne paraît Der Frühling scheint nicht mit der Blüten Schimmer e spring appears not, with flowers that shimmer, À l’homme aussi séduisant, c’est que flamboient Dem Menschen so gefallend, aber Sterne To man so pleasurable : stars a-plenty Au ciel les astres clairs , l’on voit avec joie Sind an dem Himmel hell, man siehet gerne Up in the sky are bright, one watches, gladly, Le ciel au loin, qui ne change presque jamais. Den Himmel fern, der ändert fast sich nimmer. e sky afar, which changes almost never. Les rivières sont comme des plaines, plus apparent Die Ströme sind wie Ebnen, die Gebilde e rivers are there like plains, the forms’ fairness, Est, quoiqu’épars, ce qui a forme, et s’étend Sind, auch zerstreut, erscheinender, die Milde Few as they are, better appears, the sweetness La vie dans sa douceur, l’ampleur des cités Des Lebens dauert fort, der Städte Breite Of life is enduring, the breadth of cities Samuel Palmer, View of Clovelly, Devon Bien nette apparaît là, dans l’espace illimité. Erscheint besonders gut auf ungemeßner Weite. Appears very clearly in yonder immensities. (1848-1849) 26 27
Conviction Überzeugung Conviction Tel que le jour, qui les hommes auréole d’or, Als wie der Tag die Menschen hell umscheinet Just like the day which bathes men in bright lights Et de sa lumière, qui des hauteurs jaillit, Und mit dem Lichte, das den Höhn entspringet, And with the glow that from the heights does spring, Vient unifier les phénomènes de l’aurore, Die dämmernden Erscheinungen vereinet, e hazy forms appearing at dawn unites, Ainsi est le savoir qui touche au cœur de l’esprit. Ist Wissen, welches tief der Geistigkeit gelinget. Is knowledge which deep down into the soul is reaching. John Constable, A Cloud Study, Sunset (circa 1821) 28 29
Le printemps (ii) Der Frühling (ii) The Spring (ii) Les hommes oublient les soucis nés de l’esprit, Der Mensch vergißt die Sorgen aus dem Geiste, e men forget what’s in their soul a worry, Le printemps, lui, fleurit, et presque tout resplendit, Der Frühling aber blüht, und prächtig ist das meiste, e spring is blooming now, and almost all is pretty, Le champ est vert, qui s’étend merveilleus’ment, Das grüne Feld ist herrlich ausgebreitet, e field is green and gloriously is spreading, Là glisse et plonge le beau ruisseau éclatant. Da glänzend schön der Bach hinuntergleitet. ere shimmers fair the brook that down is plunging. D’arbres les monts qui s’élèvent sont recouverts, Die Berge stehn bedecket mit den Bäumen, e mountains are standing high, where trees abound, Et l’air est merveilleux dans l’espace ouvert, Und herrlich ist die Luft in offnen Räumen, And glorious is the air in spaces unbound, L’ample vallée dans le monde est déployée, Das weite Tal ist in der Welt gedehnet e large valley is to the world open wide, Tour et maison aux coteaux sont adossées. Und Turm und Haus an Hügeln angelehnet. And tow’r and house are leaning on the hillside. Samuel Palmer, Pastoral with a Horse-Chestnut Tree (1831-1832) 30 31
L’été (ii) Der Sommer (ii) The Summer (ii) Quand, du printemps, la floraison là s’éfface, Wenn dann vorbei des Frühlings Blüte schwindet, When, then over, dissolves the blooming of spring, Alors l’été est là, qui autour de l’an s’enlace, So ist der Sommer da, der um das Jahr sich windet. So is the summer there, which ‘round the year is coiling. Et comme, du val, le ruisseau glisse et descend, Und wie der Bach das Tal hinuntergleitet, And as the brook is gliding down the valley, Alors la gloire des monts, alentour s’étend. So ist der Berge Pracht darum verbreitet. So is displayed around the mountains’ beauty. Que donne le champ sa gloire la plus grande à voir, Daß sich das Feld mit Pracht am meisten zeiget, at the meadow with beauty most glorious shines, C’est comme le jour qui décline quand vient le soir, Ist, wie der Tag, der sich zum Abend neiget; Is like the day, which in the evening declines ; Comme flâne alors l’année, alors les heures de l’été, Wie so das Jahr verweilt, so sind des Sommers Stunden As so the year lingers, so hours of summer then, L’image de la nature, souvent voit l’homme s’effacer. Und Bilder der Natur dem Menschen oft verschwunden. And Nature’s images, are often dissolved for men. John Constable, Evening Landscape at East Bergholt 32 33
Le destin de l’Esprit Des GeistesWerden… The Fate of the Soul… Caché n’est aux hommes ce que l’esprit a pour destin, Des Geistes Werden ist den Menschen nicht verborgen, e fate of the soul from men is in no way hiding, Et comme est pour les hommes la vie qu’ils se sont trouvée, Und wie das Leben ist, das Menschen sich gefunden, And as the life so is, that men for themselves have found, C’est de la vie le jour, c’est de la vie le matin, Es ist des Lebens Tag, es ist des Lebens Morgen, Of life it is the day, of life it is the morning, Sont comme fortune, de l’esprit les heures él’vées. Wie Reichtum sind des Geistes hohe Stunden. As great riches the soul’s high hours abound. Comme la nature, là, de plus, est si jolie, Wie die Natur sich dazu herrlich findet, As does Nature find itself shining on all, Contemple l’homme une pareille réjouissance, Ist, daß der Mensch nach solcher Freude schauet, It comes that man such joy is admiring so, Comme lui inspire le jour, lui inspire la vie confiance, Wie er dem Tage sich, dem Leben sich vertrauet, As in the day he trusts, in life as he trusts also, Comme avec soi le lien de l’esprit il lie. Wie er mit sich den Bund des Geistes bindet. As with himself he binds the bond of the soul. Samuel Palmer, Landscape, Twilight (1828) 34 35
L’automne (ii) Der Herbst (ii) The Autumn (ii) L’éclat de la nature plus haut encore rayonne, Das Glänzen der Natur ist höheres Erscheinen, e glitter of Nature appears with higher splendour, Là où le jour en joies nombreuses s’achève, Wo sich der Tag mit vielen Freuden endet, Out where the day with many joys is ending, C’est, en splendeur, l’année qui se parachève, Es ist das Jahr, das sich mit Pracht vollendet, It is the year that brighly finds full ending, Là où les fruits, luisant joyeus’ment, fusionnent. Wo Früchte sich mit frohem Glanz vereinen. Out where the fruits fuse with a joyful glitter. Le globe terrestre ainsi se pare, et rare est le bruit Das Erdenrund ist so geschmückt, und selten lärmet e earth’s roundure is so adorned, and noises are rare Qui sonne au champ ouvert, au soleil tiédit Der Schall durchs offne Feld, die Sonne wärmet at sound through open fields, the sunrays warm there Douc’ment le jour d’automne, les champs sont offerts Den Tag des Herbstes mild, die Felder stehen e autumn’s day mildly, and lays the meadow Comme une vision sans fin, et soufflent les airs Als eine Aussicht weit, die Lüfte wehen Like a deployed vision, the breezes do blow Par branches et rameaux, bruissant joyeus’ment Die Zweig’ und Äste durch mit frohem Rauschen rough branches and through boughs with a joyful din Quand c’est déjà en vide qu’alors se changent ces champs, Wenn schon mit Leere sich die Felder dann vertauschen, When into void to change the fields already begin, Du clair tableau est vivant le sens entier, Der ganze Sinn des hellen Bildes lebet e clear piure’s entire meaning lives bright Comme un tableau de dorée splendeur nimbé. Als wie ein Bild, das goldne Pracht umschwebet. Like a piure surrounded by golden light Samuel Palmer, e Magic Apple Tree (circa 1830) 36 37
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