INITIATIVE PARIS MÉTROPOLE 2021 - PARIS METROPOLE APUR / IAU IDF décembre 2009
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INITIATIVE PARIS MÉTROPOLE 2021 PARIS METROPOLE APUR / IAU IDF décembre 2009 ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM
Avec une certaine gravité La Sécu Notre équipe, d’où qu’elle vienne a Le Grand Paris Tous été unanime Les Nègres, les Juifs, les retraités, Le topos précède le logos …Jaurès les mômes, les Montfermeil et les et Sellier nous ont parlés : on n’at- Neuilly, les enclaves du XVIè arron- tend pas « le grand soir » pour vivre dissement, les Zivas de Nanterre, ensemble les rue Saint-Guillaume, les Armé- La question posée et la réponse niens d’Alfortville, les Russes de fournie permet de reformuler la Saint-Geneviève-des-Bois, les Ma- question : figurez donc toutes les liens de Montreuil et les Bretons de conditions du vivre ensemble mé- Montparnasse, tous en voudront, tropolitain dans la mondialisation les bleus d’Aulnay et les blancs de et le sentiment géographique, cli- La Défense, les collèges de France matique planétaire. et les ZEP paumés. En trente ans, j’ai structuré la pen- Tous en voudront. sée impressionniste du premier L’idée de vivre ensemble n’est pas Grand Paris. plus bête que la guerre de tous Il y a un nouveau paradigme pour contre tous. sortir de la Crise. Elle est moins naturelle. Plus le village est planétaire virtuel- Un peu plus culturelle. lement, plus le village concret est Français encore un effort si vous nécessaire. voulez être républicains, le mani- La solidarité et le développement feste que Sade avait caché dans sont indissociables « La philosophie dans le boudoir ». L’embellissement est notre horizon Mais c’est dans le boudoir que se Comme les liaisons rapides ou et libérait le désir, que se fabriquait la flâneuses République. Nous ne pouvons plus revenir en Pour le Grand Paris, c’est dans le arrière : nous ne renoncerons donc désir que se fabriquera l’idée visi- pas ! ble et construite du vivre ensemble Ce qui nous est arrivé, est arrivé que nous appelons le devoir d’urba- plus ou moins aux autres équipes… nité. Et une école du Grand Paris est en gésine. A la recherche de son bateau lavoir Roland Castro Les grands moments de l’utopie concrète produisent du Tous, de l’unanime La nuit du 4 août Les congés payés ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM 3
Un projet accueillant Un projet qui tend la main, qui lie, qui noue, qui relie De l’un et du commun Une bonne compacité Ecologiquement responsable Dézoné Mixte – mixte – mixte Réconcilier route et ville Jardiner et édifier Affranchi des règles idiotes Un rapport cultivé à la nature et la biomasse Manière de décorporatiser l’espace Partager public et privé Cultivant la singularité bataille de San Geminiano Intensif et pas extensif Encombrer pour dédensifier Unir urbanisme et architecture 4 ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM
MANIFESTE LA FABRIQUE DU GRAND PARIS DU DEVOIR D’URBANITE Ne vous demandez pas ce que le Grand Paris peut faire pour vous, demandez vous de que vous pouvez faire pour le Grand Paris. 1. dès aujourd’hui et sans argent, on du 4 août du dézonage de l’Etat. chaque fois que cela est nécessaire. doit : • partager le signifiant Paris avec toutes 6. Tous les ministères constructeurs doivent les communes à l’instar de ce qu’on a déjà fait mutualiser dans le Grand Paris leurs pré- 12. La mise en œuvre des 11 points permettra avec les aéroports, le quartier d’affaires de La visions d’équipements. L’Atelier International d’aborder la question cruciale de la gouver- Défense ou les Universités ! du Grand Paris doit décider de la pertinence nance, l’invention de l’Agora du Grand • dès aujourd’hui, on doit révéler le réseau de leur implantation au service du projet d’en- Paris. existant des lieux de voyage, des singularités, semble. des excentricités, des folies qui existent dans la Métropole. 7. L’Agence Nationale pour la Rénova- tion Urbaine (ANRU) doit être réorien- 2. L’Atelier International du Grand Paris doit tée, désenclavée afin de mettre fin aux dé- On peut aussi faire comme Henri Queuille : préserver ce qui a fait la richesse de la consul- molitions absurdes, privilégier le remodelage, il n’existe aucun problème qui ne trouve tation sur l’avenir de l’agglomération pari- quitter ses périmètres, ne démolir que pour sa solution si l’on ne fait rien. sienne : l’émulation positive. La non concur- des raisons urbaines ou de trop grande obso- Mais au bout de combien d’émeutes, de rence entre équipes a produit du sens lescence du bâti. combien de révoltes sur la ligne 13, commun. L’Atelier International du Grand de combien de solitudes accumulées, Paris doit devenir un collège d’intellectuels 8. Il faut dézoner l’espace, déréglementer de combien de rêves brisés ? fabricants, naviguant entre pensée et projet, autant que de besoin dans une logique de construisant une nouvelle pensée plurielle et projet : installer le droit du projet et non le le juridique permettant de fabriquer de la non projet du droit. Les « artistes » doivent assurer séparation, de la non ségrégation, de la ville leur hégémonie sur la technostructure. mixte, solidaire et valorisante dans toutes ses parties. 9. Que mille et un lieux s’épanouissent, L’Atelier est le socle de pensée et de projet que mille et un villages rivalisent. Le permettant d’en finir avec l’apartheid urbain, Grand paris doit organiser dans un espace avec la fracture spatiale. public, unifié, apaisé, recousu, toutes les sin- gularités, toutes les identifications, toutes les 3. L’Atelier International du Grand Paris doit inventions : c’est alors le label Grand Paris : construire une pédagogie participative n’importe quel lieu a le droit de se prendre à l’échelle des dix millions d’habitants de la pour un centre. Métropole, à l’échelle de la France dont elle est la capitale, à l’échelle du monde car c’est 10. Les projets n’existeront à l’échelle métro- bien une des grandes villes mondes. Il s’agit politaine que s’ils sont lacaniens : ils doivent de construire une université populaire pour croiser le réel de l’habiter, le monumen- les citoyens de la Métropole. Aucun projet, tal de l’échange symbolique, et l’imagi- aucune proposition ne doit rester dans le gi- naire de l’ailleurs. Ils doivent en finir aussi ron des experts : la question de l’urbanité avec la distinction arbitraire ville / nature pour est une question trop sérieuse pour la développer l’agriculture urbaine dans le fil du confier aux seuls spécialistes. post Kyoto. 4. Les élus, d’abord les Maires : leurs 11. L’Atelier doit disposer démocratiquement participations aux projets est la clef de la d’un temps dépassant les échéances électo- réussite. Mais ils doivent travailler, se cultiver rales successives : il doit, de par la loi, être à l’instar des grands maires de la tradition installé dans la durée. En dessous d’une du- jauressienne. rée de dix ans déjà programmée, il est vouée à l’échec. 5. La République doit faire plier les corpora- Le Parlement doit être saisi de cette question, tismes d’Etat : l’armée doit déménager des il faut que la démocratie se donne libre- forts, la RATP et la SNCF travailler ensemble, ment les conditions de durée que seul le despotisme a pu assurer dans l’his- le foncier public disponible doit être connu pu- toire des villes. bliquement, les espaces autonomes comme le MIN de Rungis ou le Port Autonome doivent Dans l’attente d’une refonte générale des servir au projet métropolitain. Il faut une nuit procédures de l’aménagement et du code des marchés publics, le Parlement doit trancher à ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM 5
BREVIAIRE POUR FABRIQUER LE GRAND PARIS DU DEVOIR D’URBANITE DES PRINCIPES : la sensibilité et à la fantaisie du style baroque Trois éléments sont susceptibles de jouer un en peinture, d’autre part, peuvent constituer rôle dans cette conquête de modernité : les • La génération poétique du projet une source d’inspiration pour notre volonté leviers événementiels (la capacité à accueillir Lorsqu’on fait référence à la poésie, on pen- actuelle de modernité. des événements mondiaux est fondamentale) se particulièrement à l’inspiration, la clair- La culture urbaine à revisiter dans le cadre de ; les leviers culturels (un lieu du patrimoine voyance du poète, à sa mission de définir et la modernité est plutôt à chercher du côté du universel tel le musée Guggenheim à Bilbao de construire « un langage dans le langage » baroque (du cercle à l’ellipse – d’un centre ou l’opéra de Sydney) ; les leviers universitai- (Paul Valéry). La poésie constitue pour nous omnipotent à de multiples centres) que du res. une base qui nous guide, car «le bien déci- classicisme : la tentation haussmanienne est On peut considérer trois manières de penser la sif et à jamais inconnu de la poésie, croyons- à bannir. C’est à l’image du Pape Sixte Quint modernité d’une ville : la modernité nostalgi- nous, est son invulnérabilité »¹. (1520-1590) qui, s’interrogeant sur le moyen que (à l’image de la marque des terroirs Reflet La poétique d’un lieu réside en sa capacité de de retisser l’espace urbain de la ville de Rome, de France) au résultat douteux ; la modernité flânerie, de déambulation, sa force émotive, à une époque où après avoir été la plus grande dure (Shanghai), qui tendrait à effacer l’his- ses bonnes surprises toujours renouvelées, ville du monde, son tissu urbain est éclaté et toire ; la modernité comme tissage ou l’émer- ses mystères et ses épaisseurs, son ciel au ruiné, prend le parti de ne pas combler tous gence de nouveaux paradigmes (nouvelles levant et au couchant, sa consistance…Gom- les vides, mais plutôt d’établir une tension en- technologies, nouveaux modes de transports, mez la Seine à Paris et vous comprendrez, par tre deux points majeurs. nouvelles énergies)… Il s’agit d’essaimer la son absence, ce qu’elle apporte de poésie à Cette posture implique d’en finir avec la modernité dans la ville dans une ambition la ville. culture urbaine radioconcentrique qui tend d’exemplarité mondiale. Le tissage, c’est le aujourd’hui à étouffer l’agglomération pari- point de rencontre entre l’ancien et le nou- • L’approche qualitative, globale et sys- sienne, et d’organiser de nouvelles polarités veau, le mécanisme de la transmission basé témique du projet bien distribuées sur l’aire métropolitaine sur les savoirs (université) et les savoir-faire. La qualité d’un projet est par essence com- autour de lieux singuliers. Il s’agit donc plus de trois siècles après le Châ- plexe, puisqu’on doit tenir compte de la qua- teau de Versailles et un siècle après la Tour lité de l’objectif et du résultat du projet, mais • Le symbolique extraordinaire Eiffel de placer Paris au centre symbolique du aussi de la qualité de son management. En admettant que le symbolique ordinaire en monde en tant que capitale moderne. Cela Aussi, cet ensemble doit être approché de urbanisme est relatif aux institutions politi- revient à considérer la métropole parisienne manière : ques et aux activités publiques, on peut par- non plus seulement comme la capitale de la - qualitative, car l’appréciation de certains as- ler d’un symbolique extraordinaire qui serait France, mais comme capitale européenne pects de la qualité du projet ne peut être que relatif aux activités valorisantes de la société et mondiale. Et ceci non pas au sens de ville qualitative et les appréciations quantitatives civile. C’est bien ce symbolique extraordinaire mondialisée mais bien plutôt en s’appuyant peuvent toujours être traduites qualitative- qui est à l’oeuvre dans le projet. sur son exception, son originalité qui tend ment. L’appréciation qualitative est donc le La question du rapport au temps, et parti- à distinguer aussi quelques villes telles que dénominateur commun nécessaire de toutes culièrement l’inscription dans la modernité, Londres, New York et Tokyo. les appréciations spécifiques des aspects du représente une question fondamentale pour projet. les métropoles. Aujourd’hui, les processus - globale, car les traitements en partie sépa- de mondialisation économique imposent une rés des différents aspects du projet aboutis- nouvelle division internationale des fonctions sent à un projet final qui n’est qu’une suite de des villes, ce qui implique que la définition de corrections de la vision initiale du projet. la position d’une métropole se fait en rapport - systémique, puisque l’ensemble des aspects à la planète et non plus seulement à l’espace du projet ne se réduit pas à la somme de ses régional ou national. éléments, mais doit être considéré comme un Une fonctionnalité capable de fixer l’imagi- système, c’est-à-dire un ensemble dont on naire mondial est nécessaire afin d’inscrire la prend en considération non seulement ses métropole dans sa modernité et d’en faire une éléments constitutifs, mais aussi les relations ville monde. qui existent entre ses éléments, la frontière entre cet ensemble et le reste, sa dynamique globale. • La modernité baroque La modernité baroque est l’état d’esprit à l’œuvre dans le projet. Le mouvement moder- ne a dynamisé l’art contemporain du XXème siècle en introduisant l’étonnement par l’inat- tendu, le bizarre. Dans l’incessante querelle entre l’ancien et le moderne, la liberté des for- mes dans l’architecture baroque, d’une part, et l’opposition au classicisme, le libre cours à m du clacissisme au baroque - d’un centre omnipotent à de multiples centres. ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM 7
BREVIAIRE POUR FABRIQUER LE GRAND PARIS DU DEVOIR D’URBANITE • La topolitique quotidiens, comme les écoles, qui jouent un Sur le socle d’un Grand Paris solidaire dans rôle fondamental dans la représentation de la lequel il n’existe plus de quartiers indignes, République. il convient de faire de la topologie et de la Cette démarche invite également à réfléchir à politique, soit de la topolitique. la question des liens intergénérationnels et de La topolitique, c’est dire que les valeurs de favoriser par exemple l’implantation d’EHPAD la République, auxquelles nous ajoutons le ² à proximité de lieux publics majeurs, à la droit à l’urbanité, doivent devenir visibles place de lieux calmes et isolés. dans l’espace de la métropole. Dans la pra- Un tel projet invite à travailler aussi sur la to- tique, il s’agit de disséminer de l’intérêt pu- ponymie en réfléchissant à de nouveaux noms m L’opéra de Sydney (Jorn Utzon, architecte). blic partout sur l’aire métropolitaine afin de qui concourent à des identités territoriales renforcer notamment le sentiment d’appar- renouvelées. Il s’agit par exemple de ne plus tenance des habitants, qu’ils soient ou pas penser, comme pour Paris, en termes d’arron- citoyens français, à la société républicaine. dissements, mais en termes d’identité de site, Ce déploiement de l’intérêt public sur l’aire à l‘instar du quartier d’affaires de Paris - La métropolitaine peut se faire à différentes Défense : Paris-La Courneuve, Paris-Auteuil, échelles institutionnelles : les institutions Paris-Belleville, Paris-Créteil, Paris-Sarcel- de la République, les institutions de la mé- les….Les difficultés toponymiques dans le tropole, les grandes institutions culturelles travail du projet constituent un problème ainsi que les grands lieux de savoir et de re- récurrent, significatif du lien incontournable cherche. Ce dispositif est de nature à contri- entre politique et territoire. Il faut inventer et buer à l’attractivité de ces territoires en pratiquer la topolitique. favorisant la venue de population nouvelle tout en développant une offre renouvelée en matière d’emploi, de services et de culture à destination des populations en place. Il s’agit d’inciter à la fréquentation de lieux, qui jusque là n’étaient pas attractifs pour les habitants de la métropole parisienne, en donnant des raisons objectives de s’y rendre. Cependant l’attention ainsi portée doit se m Le Mac Val à Vitry-sur-Seine, un exemple construit de propager aussi aux bâtiments publics plus topolitique (Jacques Ripault, architecte). m Le musée Guggenheim à Bilbao (Franck Gehry, ar- chitecte). m Le Paris des cartes postales m Inciter les Institutions à s’implanter au niveau de l’A86 et au-delà afin de favoriser l’attractivité des territoires et de signifier la République de manière répartie sur l’aire métropolitaine. 8 ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM
BREVIAIRE POUR FABRIQUER LE GRAND PARIS DU DEVOIR D’URBANITE • Le développement durable, l’adapta- réduire à la seule problématique de la hauteur territoires de projets afin d’intensifier certains bilité et la culture et en particulier des tours à Paris. lieux singuliers et attractifs. Et ceci en accord Si le développement durable est devenu une Afin de sortir de ce faux débat, nous préfé- avec les exigences d’un développement urbain approche fondamentale et incontournable rons parler de compacité. En effet, travailler soutenable dans une proposition qui tend à en matière d’urbanisme et d’architecture, il à une plus grande compacité du bâti comme corriger l’étalement urbain catastrophique est encore trop souvent réduit à son volet en- du tissu urbain est une manière de répondre des lotissements pavillonnaires contempo- vironnemental. Le souci de développement à l’injonction de construire plus pour loger les rains, tout en offrant la possibilité d’une plus durable qui anime le projet se réduirait à une populations. La compacité permet aussi de grande mixité sociale et fonctionnelle. incantation si on n’affirmait pas qu’une politi- réfléchir à la maîtrise de l’étalement urbain que de développement durable d’un territoire (donc des réseaux), à la consommation du sol est d’abord nécessairement une politique à et aux types d’aménagement urbains néces- trois dimensions économique, sociétale et saires dans un contexte post-Kyoto de réduc- environnementale. Elle doit ensuite répondre tion des émissions de gaz à effet de serre. au mieux à l’évolution inéluctable de toutes Pour autant, il n’est pas question d’imposer les composantes de son cadre de vie bâti par un modèle unique mais plutôt de promouvoir l’adaptabilité de celles-ci. Il s’agit de satis- la coexistence d’une variété de densités. Il faire à une exigence clé, la maîtrise de l’évolu- s’agit ainsi de faciliter la vie quotidienne des tion de l‘entité. Comment maintenir la qualité habitants en confortant les centres existants globale d’une entité dans un contexte futur tout en proposant une plus grande intensité marqué par des incertitudes en tout genre ? sur les pôles accessibles en transports en En affirmant un principe d’adaptabilité tant en commun. favorisant l’expérimentation, mais en refusant L’indispensable densification de la métropole le modèle, ou, pire, le prototype. Il permet de invite à formuler des propositions de formes réinvestir des lieux dans le temps, de com- d’habitat qui répondent aux modes de vie plexifier l’existant, de prévoir l’adaptabilité du contemporains et remportent ainsi l’assen- bâti comme des territoires. Il faut donc pou- timent des habitants en conciliant les avan- m Tissu haussmanien : très dense et bien tracé, donc voir conserver en permanence des facultés fréquentable (Paris centre). tages de l’habitat collectif et de la maison d’adaptation afin de faire face à de nouvelles individuelle (proximité des services pour le exigences comme à des contraintes émergen- premier et qualité des espaces extérieurs pour tes, et de mobiliser au mieux les innovations les seconds). qui forment la trame de la vie collective. Construire une ville compacte facilite la libé- Enfin cette politique doit, pour être substan- ration d’espace public afin d’offrir des espa- tielle et durable, être en harmonie avec l’en- ces qui ont du sens pour les habitants tels que semble du système de valeurs de la société, des parcs et des jardins. c’est-à-dire sa culture. La ville existante raconte déjà la qualité de la compacité. Elle révèle des qualités de conti- • Densité - compacité - intensité nuité, des respirations, des surprises propres A l’échelle du projet du Grand Paris, l’éta- à la ville sédimentaire, celle-là même qui s’est lement urbain est une éventualité dont les construite au fil du temps autour d’avenues, dangers ne se réduisent pas à la non maîtrise de places, de rues et de venelles et non pas environnementale des déplacements mais uniquement d’une succession de bâtiments, consistent aussi en la non-maîtrise du rapport d’espaces verts et de parkings. La densité ne m Tissu d’une cité jardin : dense et aéré, donc agréable (Suresnes). de forces entre territoires urbains et territoires doit donc pas faire peur, c’est une question ruraux et en la monotonie du cadre bâti créé. de savoir faire urbain. Notons que les grands La ville que nous souhaitons promouvoir, à ensembles sont en fait très peu denses bien l’échelle métropolitaine, est compacte, avec qu’ils procurent un sentiment accablant de des limites franches qui, nous semble-t-il très forte concentration et donc de densité. contribuent à sa beauté. Il s’agit de promou- Autre exemple, le quartier de Beaugrenelle à voir un développement métropolitain intensif Paris est beaucoup moins dense que le quar- plutôt qu’extensif. tier de l’Opéra. Sans parler de la compacité Si la question de la densité urbaine1 est une de la trame coloniale de Manhattan. Lorsque question clé des projets d’architecture et l’espace public est bien conçu, la densité n’est d’urbanisme, elle est aujourd’hui galvaudée pas accablante. D’autres quartiers, comme dans l’espace médiatique. Les débats actuels les cités jardins sont bien plus denses que les sur l’augmentation de la densité tendent à se grands ensembles et libèrent pourtant de l’air, 1 La densité est un rapport, elle s’exprime donc par un nombre. La densité des parcours de promenade et des jardins. bâtie s’exprime par le coefficient d’occupation des sols (COS) qui corres- La densité et l’art de vivre ne sont pas incom- pond au rapport entre la surface bâtie et la surface de la zone considérée. m Tissu de grand ensemble : peu dense et pourtant Pour évaluer la densité d’une ville, le rapport se compose du nombre patibles, la compacité est donc souhaitable. accablant (Sarcelles). d’habitants à l’hectare (255 environ à Paris soit très dense à l’échelle des villes européennes). La situation actuelle invite à inventorier des ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM 9
BREVIAIRE POUR FABRIQUER LE GRAND PARIS DU DEVOIR D’URBANITE • Le droit à l’accessibilité ment ou de renouvellement urbain avec ce qui considérés comme des lieux de transport de Les questions de mobilité et d’accessibilité préexiste. Il faut donc déréglementer pour être marchandises. Une gestion intelligente de sont, en ce début du XXIe siècle, une source en mesure de créer de véritables nouvelles si- l’eau permettrait de dépasser les contraintes de préoccupation majeure pour le devenir tuations territoriales. en matière de construction en zone inonda- des métropoles mondiales. En effet, le niveau Si la volonté politique de faire le Grand Paris ble, en favorisant l’application d’innovations d’accessibilité représente un enjeu décisif s’exprime aujourd’hui, on peut s’interroger sur qui existent et sont appliquées dans d’autres pour un espace urbain en ce qu’il détermine la réalité de sa concrétisation au vue du cadre pays européens (les Pays Bas en particulier). sa capacité à participer de la vie métropoli- normatif et réglementaire actuel. La somme Cette nouvelle posture permettrait d’investir taine en matière de dynamisme économique, des contraintes, l’accumulation de normes certains lieux magnifiques, écartés de toute d’attractivité résidentielle ou encore d’implan- et de règlements, participent de l’inertie des possibilité de construire par une logique d’in- tation de services diversifiés et de qualité. projets et des retards dans l’application des terdiction qui ne fait pas sens. Cela implique Nos premières réflexions sur les transports innovations. encore de cesser de construire uniquement et les mobilités urbaines nous ont permis La politique à conduire dans le Grand Paris des « boîtes » d’activités dans les cônes de d’aboutir de manière collective au principe est l’occasion de décorporatiser, de dénormer bruit. d’accessibilité, qui dit la possibilité d’accé- tout ce qui peut l’être, afin que chaque action Il s’agit pour nous d’une réflexion libre qui der lorsque la mobilité renvoie plutôt à l’idée soit le fruit d’une décision politique, et non dépasse les contraintes techniques et les de se mouvoir. À l’échelle de l’habitant, à d’une accumulation de contraintes techniques contingences corporatistes qui parasitent les quoi sert d’être mobile si on ne peut accéder qui organise des non-choix politiques, tandis projets urbains. Et surtout de ne pas laisser ? L’accessibilité à un lieu, à un service, à un que l’intérêt général disparaît au profit d’inté- les carcans institutionnels et corporatistes emploi permet de penser la question du dé- rêts particuliers ou corporatistes. A l’échelle brider la créativité urbaine. Il faut sortir d’une placement bien au-delà d’une solution tech- de la région Ile-de-France et du Grand Paris en gestion protectionniste des espaces au profit nique (des tuyaux) ou d’une vision planifica- particulier, il paraît indispensable de fusion- d’une réflexion adaptée à un contexte urbain trice puisqu’elle englobe des problématiques ner intellectuellement et en projet la SNCF précis. Cette posture vise à favoriser les conti- sociales et territoriales (accès à l’emploi, aux et la RATP. De la même manière, il n’est pas nuités urbaines afin d’en finir avec les encla- loisirs ainsi qu’à l’ensemble des lieux métro- acceptable de gérer l’inondable uniquement ves liées à des règlements ou à des contrain- politains). Accéder, c’est donner la primeur à par l’interdiction. En dehors du Paris histori- tes d’infrastructure. des lieux et des populations qui ont besoins que, les fleuves et canaux ont été uniquement d’être desservis plutôt que développer une mobilité sans but. C’est pourquoi la question du maillage et surtout la position des arrêts prime sur la seule mobilité. Ainsi les déplacements quotidiens ou occa- sionnels des métropolitains constitue un élé- ment fondamental de la vie urbaine : moment de contact social, lieu du vivre ensemble, voyage métropolitain, voire spectacle… C’est pourquoi cette dimension doit être intégrée aux choix des systèmes, des tracés, des lieux de contact entre ville et réseau. L’accessibilité se pense alors en relation avec la multipola- rité, qui détermine des lieux de croisement et invite à repenser la notion de proximité (les commodités quotidiennes, la maîtrise ou non de son cadre de vie, la convivialité). Notre approche vise à intégrer l’ensemble des de- mandes de mobilité (locale, métropolitaine, extérieur à l’agglomération) et la diversité des dispositifs de déplacement modernes afin de doter chaque lieu d’un niveau d’accessibilité suffisant pour exister dans le Grand Paris. DES MÉTHODES • Déréglementer Il faut pouvoir développer le projet dans une situation de liberté. Or, les réglementations urbanistiques en vigueur ont pour fonc- tion d’assurer la continuité, ou au mieux la m L’étendu des sites contraints invitent à promouvoir une gestion inelligente des interdits (zones inondables et cônes confrontation banale des projets d’aménage- de bruit) 10 ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM
BREVIAIRE POUR FABRIQUER LE GRAND PARIS DU DEVOIR D’URBANITE • Sauter un pas comme unique et de s’appuyer sur ses sin- de San Geminiano intercommunale. La va- Cette méthode d’intervention urbaine consis- gularités tout en travaillant les coutures in- riété la plus grande est donc souhaitée, ville te à révéler, valoriser ou construire des lieux tercommunales. Il est question d’apporter du par ville et quartier par quartier. Selon nous, majeurs bien au-delà de la ville centre. Elle sens et de la cohésion, donc de l’intérêt pu- faire émerger une identité métropolitaine représente une alternative au développement blic, dans tous les lieux d’une métropole s’ap- passe d’abord par une appartenance positive naturel de la métropole par absorption mar- parentant à un patchwork dont on sublime à un lieu, un quartier. Il s’agit de concilier une ginale et radioconcentrique. Il s’agit de créer les coutures sans prétendre faire passer dans échelle locale, celle de l’habitant du quartier, et identifier des lieux distants et de les mettre un moule identique les fragments urbains. une échelle intermédiaire, celle du territoire et en relation. Autrement dit, parvenir à laisser s’épanouir une échelle globale, celle de l’habitant métro- C’est un acte qui relève d’une décision et non les singularités, et simplement impulser et politain. de l’extension naturelle de la ville. L’inten- convaincre. C’est libérer la possibilité de fric- sification de lieux ainsi situés permet d’éta- tion, de contacts, d’agglomération, de rupture • S’appuyer sur la géomorphologie et blir une tension entre des points majeurs et d’échelles entre des tissus urbains variés. Ce les paysages contribue au changement d’image ou à la qui implique que ce Grand Paris est fait de li- Tout d’abord, il s’agit d’analyser, d’identifier mise en valeur de lieux méconnus. Ainsi, l’his- gnes, de points d’intensité, de remodelages et de caractériser les territoires possibles du toire métropolitaine regorge d’exemple de et de consistances baroques. Le contraire Grand Paris dans toutes leurs dimensions lieux historiques symboliques du pouvoir cen- en somme d’une sage banlieue résidentielle, – géomorphologie, paysages, géographie hu- tral qui ont été implantés à distance du cen- constituée d’immeubles R+4 bien alignés et maine, linguistique, économique et sociale tre, que ce soit à Saint-Denis ou à Versailles. plantée d’arbres. – afin de profiter de leur richesse et de stimu- L’implantation du Château de Versailles, en Nous l’avons dit : la culture urbaine à revisi- ler la variété des composantes territoriales du se définissant par rapport à un pouvoir central ter dans le cadre de la modernité est plutôt à projet. parisien, aux Tuileries, a su sauter un pas. Il en chercher du côté du baroque que du classi- La géographie est pour nous le premier des résulte aujourd’hui un Ouest parisien qui fonc- cisme. Du Paris des 80 villages aux Grand Pa- guides. Comment comprendre une ville sans tionne plutôt bien. Il ne s’agit pas de concevoir ris des 1001 visages, la pensée urbaine n’est s’intéresser au site géographique sur lequel une nouvelle forme d’étalement urbain mais pas haussmannienne mais dans la « dispute » elle s’appuie ? Fleuve, collines, plaine, forêt bien plutôt d’envisager un développement et les singularités, dans une sorte de bataille identifient une ville. La géographie est souvent contenu, une métropole à la fois compacte et multipolaire. Sauter un pas permet de passer de l’échelle du Paris historique à l’échelle Grand Paris. Cela consiste à situer sur l’A86 et au-delà les grandes décisions ferroviaires1, administrati- ves (services ministériels et institutions publi- ques) et symboliques, tout en s’attachant au désenclavement des quartiers et lieux les plus défavorisés. D’une certaine manière, sauter un pas permet d’en finir avec l’idée même de banlieues (ban-lieux). • Le patchwork Les territoires existants revisités et les nou- veaux territoires créés n’ont aucune raison d’être de nature homogène. Le problème n’est pas seulement d’organiser les coutures de ces territoires, mais aussi, en reconnaissant que le contexte spatial et temporel des territoires ne se réduit pas à leurs territoires limitrophes, d’organiser la confrontation des identités respectives de tous les territoires constitutifs du projet et des territoires extérieurs au pro- jet mais contribuant à son contexte et à son identité. L’approche urbaine qui s’appuie sur la métho- de du patchwork propose une alternative au mode d’urbanisation haussmannien. Il s’agit de considérer chaque projet, lieu, territoire 1Proposition formulée par Philippe Panerai in Paris Métropole, formes et échelles du Grand Paris, éditions de la Villette, Paris, 2008. m Contre le développement naturel d’un Paris commençant à grignoter la proche couronne, il s’agit de sauter un pas. C’est un acte de décision et non d’extension naturelle de la ville. ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM 11
BREVIAIRE POUR FABRIQUER LE GRAND PARIS DU DEVOIR D’URBANITE sa signature. La topographie invite à un déve- veaux usages sans répondre aux sirènes de la permet de penser à la mutation du quartier, loppement métropolitain particulier. La nier, table rase. autorise qu’on puisse imaginer une évolution c’est prendre le risque du fonctionnalisme et « Dézoner », c’est démanteler les zones mo- pouvant déboucher sur une banalisation de pour nous, de la non-ville. nofonctionnelles. Il ne s’agit pas uniquement lieux décriés jusque-là. Au moyen d’une sorte Notre méthode tend à révéler la topographie des zones d’activités et des zones commercia- de « sculpture » de l’existant s’effectuant de et à déceler les lieux d’où la métropole se les, succession de boites posées au milieu de joint de dilatation en joint de dilatation, des donne à voir. C’est pourquoi nous procédons leur parcelle, mais aussi des zones résiden- bâtiments sinistres peuvent être transformés à un travail de recensement des tielles, des grands ensembles et des zones en architecture et, du même coup, un mor- belvédères, des bords de colline, des buttes parc. L’analyse de certains tissus qui com- ceau de ville figé devient un morceau de ville et des forts afin d’implanter des projets qui posent l’agglomération parisienne démontre sédimentaire (…) utiliseront ces formidables potentiels géogra- la faculté de complexification intrinsèque de L’architecture et l’urbain sont inséparables phiques. ces espaces. Il y a de la place pour construire et doivent être traités simultanément ; la vio- Paris ne serait rien sans le fleuve. Comme encore et de manière alternative afin de pro- lence presque toutes les grandes villes historiques, poser des quartiers mixtes. C’est-à-dire une formelle, géométrique et d’implantation des et parce qu’historiquement l’eau a été le pre- mixité globale et assumée tant en termes de barres et des tours des grands ensembles l’exi- mier vecteur d’échanges à grande échelle, la fonctionnalités (habitat, commerces, équi- ge. Certes il y a d’incontournables décisions commune de Paris est inextricablement liée à pements, activités…) qu’en termes de diver- urbaines à prendre, guidées par la singularité la Seine. Mais la Seine existe au-delà de Paris sité de populations et de tranches d’âges par du lieu, mais elles doivent être accompagnées sur des territoires où le XXe siècle l’a très lar- exemple. d’une architecturation adéquate. (…) Il ne faut gement défigurée. Dès lors, penser le Grand Dézoner, c’est aussi favoriser des continuités pas hésiter à encombrer l’espace hérité de la Paris, c’est reconquérir la Seine au-delà du urbaines, inexistantes du fait de la séparation pensée moderniste rationaliste, il s’en trouve périphérique et conquérir la Marne, tout en des fonctions, entre des zones industrielles, paradoxalement aéré. Il faut respecter la base fabriquant des berges habitées. des zones d’habitat, des zones commerciales «architecturale» quelle qu’elle soit : impossi- et les tissus de la ville sédimentaire. ble de risquer que le « nouveau » fasse honte • Déchiffrer et dézoner le territoire à « l’ancien », que le neuf disqualifie, selon le Promouvoir l’urbanité, retrouver les codes qui • Remodeler et désenclaver les grands mot d’un maître d’ouvrage, l’ « occasion ». font la ville, nécessite de produire les condi- ensembles. Il faut éventuellement « résidentialiser» les tions d’une mixité dans les fonctions et les « Remodeler2, voire métamorphoser, est un grands ensembles, mais cette pratique doit usages, en corrigeant les erreurs du passé afin événement heureux – heureux alors que la dé- d’autant moins se transformer en règle conve- de ne pas les reproduire. molition et la reconstruction sont horriblement nue qu’elle est insuffisante. Nous parlons de « déchiffrer », c’est-à-dire douloureuses avant d’être (éventuellement) L’espace public doit être public et le privé, pri- comprendre le territoire pour le complexi- heureux : la table rase n’est pas la meilleure vé. L’entre deux – l’espace semi-public/semi- fier, identifier des lieux mutables, plutôt que idée urbaine, c’est une idée foncière (…) privé – doit clairement ressortir du privé. de « défricher » soit recenser et construire sur Le remodelage est un événement urbain jubi- Rien n’est trop beau, rien n’est trop fou, rien les grandes parcelles libres. Déchiffrer permet latoire : jalon du bon récit de la ville, il construit n’est trop jubilatoire. Au contraire, plus ces de s’appuyer sur les vides pour transformer une mémoire urbaine heureuse autour du thè- quartiers deviennent attractifs, plus ils sont les zones, issues de la pensée fonctionnaliste me: “Vous auriez vu un appel à l’autre et mieux ils se portent : la des espaces urbains. Déchiffrer un territoire, comment c’était avant”. belle métamorphose a le droit à la carte pos- c’est d’abord reconnaître l’existant comme Chaque fois que c’est possible, le remode- tale. » une donnée fondamentale afin d’élaborer des lage est à tenter et à faire, car cette pratique 2Plaidoyer pour le remodelage in Roland Castro et Sophie Denissof, scénarios complexes qui introduisent de nou- [Re]modeler Métamorphoser, Le Moniteur, 2005. m Rio de Janeiro m San Francisco m Dézoner les zones d’activités afin de favoriser les continuités urbaines (Dugny). m Lisbonne m New York m Les vides du tissu des grands ensembles m Le remodelage de la barre République permettent de rompre avec la monofonctionnalité à Lorient. d’usage (Montfermeil). 12 ATELIER CASTRO DENISSOF CASI / NEXITY-VILLES ET PROJETS / BERIM
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