INTERACTIONS, PARTICULES, NOYAUX, DU LABORATOIRE AU COSMOS - CNRS

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Rapport_conjoncture 07264 - 13.12.2007 - 11:23 - page 139

                                                            03
           INTERACTIONS, PARTICULES, NOYAUX,
               DU LABORATOIRE AU COSMOS

                                       Président de la section              INTRODUCTION
                                            Philippe QUENTIN

                                       Membres de la section             La discipline concernée par la section 03
                                               Éric AUBOURG       se structure actuellement en quatre grands cou-
                                            Bernard B ORDERIE      rants. Les deux premiers sont traditionnelle-
                                          Jean-Claude BRIENT       ment associés aux thématiques de la section.
                                            Jean-Marie BROM        Le troisième d’émergence plus récente a doré-
                                        Hugues DELAGRANGE          navant accédé à une pleine maturité. Le qua-
                                         Emmanuel GANGLER          trième à la croisée de plusieurs disciplines
                           Raphaël GRANIER   DE   C ASSAGNAC      trouve son naturel épanouissement à l’inté-
                                        Jean-François GRIVAZ
                                                                   rieur, et même au-delà, d’un CNRS trans-disci-
                                                                   plinaire par construction.
                                            Fazia H ANNACHI
                                     Jean-Christophe IANIGRO              La physique du noyau et du nucléon cor-
                                  Lydia ICONOMIDOU -FAYARD         respond aux premiers niveaux de résolution
                                               Élyette JEGHAM     dans notre vision du monde subatomique.
                                            Sylvie L EES -ROSIER   L’enjeu de ces recherches est de comprendre
                                            Dominique PALLIN       la structure et la dynamique de tels objets
                                       Konstantin P ROTASSOV       composites en termes de leurs constituants
                                              Fanny REJMUND        plus élémentaires et de leurs interactions. Un
                                       Philippe SCHWEMLING
                                                                   accent particulier est mis actuellement sur
                                                                   l’étude des noyaux atomiques de plus en plus
                                             Mossadek TALBY
                                                                   lourds placés à la limite de l’instabilité (par
                                   Egle TOMASI-GUSTAFSSON
                                                                   exemple en isospin : noyaux appelés « exoti-
                                               Michel TRIPON       ques »).
                                                                         La physique des particules et la descrip-
                                                                   tion des interactions fondamentales se placent
                                                                   au niveau le plus élémentaire accessible pré-
                                                                   sentement. Les enjeux actuels de ces recher-
                                                                   ches consistent d’une part en une tentative
                                                                   de mettre en évidence le dernier élément du

                                                                                                                 139
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  RAPPORT DE CONJONCTURE 2006

  modèle standard des interactions élémentaires,         au sein même de la communauté scientifique.
  à savoir le mécanisme qui confère une masse            Ceci justifie une politique pro-active de recru-
  aux particules, et d’autre part en une explo-             tement, de promotion et de formation de per-
  ration de la nouvelle physique au-delà du                sonnels techniques en nombre et de niveau
  modèle standard, par exemple la mise en évi-            technique adaptés.
  dence d’une symétrie nouvelle appelée super-
                                                                  Enfin ces recherches, dans chacun des
  symétrie.
                                                            domaines évoqués plus haut, ne peuvent pros-
           La physique de l’univers est abordée au         pérer et porter leurs justes fruits au sein de la
  travers de l’étude de nombreux phénomènes              communauté nationale que si elles se vivent
  liés à la physique nucléaire et à la physique des     localement en symbiose avec une activité théo-
  particules. Ces travaux portent principalement            rique qui leur est dédiée phénoménologique-
  sur les phénomènes particulièrement violents           ment, même si, parfois, ses finalités propres
  (hautes énergies, hautes densités) dans l’uni-          sont beaucoup plus larges.
  vers. Elles ont pour enjeu de contribuer à
  construire notre compréhension de l’évolution
  cosmologique, notamment en adoptant une
  stratégie d’emploi de messagers multiples.
          À tout cela on doit ajouter une forte                1 – L’ORGANISATION
  implication dans diverses approches interdis-                     DE LA MATIÈRE
  ciplinaires. Les recherches précédemment
  évoquées qui forment le cœur de nos discipli-
                                                               EN INTERACTION FORTE
  nes ont permis de forger des outils ou des
  concepts directement utilisables, voire utilisés
  déjà, en lien avec d’autres disciplines fonda-                 La physique nucléaire cherche à com-
  mentales ou appliquées. Ceci est le cas dans             prendre l’organisation des constituants élé-
  les domaines de l’énergie, de l’informatique,            mentaires dans les particules ainsi que des
  des sciences des matériaux, de la bio-méde-             constituants élémentaires et des nucléons
  cine pour n’en citer que les principaux.                  dans les noyaux atomiques et la matière
                                                            dense. Elle est une composante essentielle de
        Les recherches qui nous intéressent ici, se        l’étude des systèmes complexes quantiques. À
  caractérisent le plus souvent par une structura-         ce titre, elle est riche en phénomènes com-
  tion forte entre plusieurs laboratoires. En fait,         muns à d’autres disciplines : petits systèmes,
  ces laboratoires peuvent être en très grand             condensats de Bose superfluides et supracon-
  nombre appartenant à de nombreux pays. Il                ducteurs, transitions de phases, phénomènes
  s’agit donc, souvent, à proprement parler                critiques, etc. Cette rencontre se fait souvent
  d’une organisation des recherches à l’échelle           au niveau conceptuel requérant un effort
  mondiale. C’est en particulier, mais pas uni-             théorique important qui doit être forte-
  quement, le cas pour les expériences auprès             ment soutenu.
  du LHC (CERN).
        Une autre caractéristique est la grande
  échelle de déploiement de chaque projet
  dans le temps (3 à 15 ans sont des durées cou-           1.1 DES   PARTICULES COMPOSÉES
  rantes). Ceci implique des engagements fermes                   DE QUARKS ET DE GLUONS
  à moyen ou long terme tant au niveau tech-
  nique qu’aux niveaux financier et humain. En
  outre, les équipements techniques (par exem-                   La physique hadronique a pour but la
  ple systèmes d’accélération, de détection             description de la structure des hadrons en
  et d’acquisition de données) sont conçus,               termes de quarks et de gluons, constituants
  construits et mis en œuvre le plus souvent                élémentaires sensibles à l’interaction « forte ».

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                                                        03 – INTERACTIONS, PARTICULES, NOYAUX, DU LABORATOIRE AU COSMOS

  À l’intersection de la physique nucléaire et de              montré qu’une diffusion Compton sur les
  la physique des particules, elle étudie principa-             quarks a bien lieu, l’extraction des GPD est
  lement le nucléon aux courtes distances, dans                 prévue à la suite des expériences en cours.
  la région où la chromodynamique quantique                    Dans le même esprit il vient d’être montré
  ne peut s’appliquer en tant que théorie pertur-               que le canal du méson ñ est favorable pour
  bative. Des théories effectives basées sur les               accéder aux GPD. Dans l’expérience GRAAL
  symétries fondamentales et des modèles phé-                 à l’ESRF de Grenoble de nouvelles réso-
  noménologiques se développent et s’affinent.                 nances nucléoniques ont été mises en
  Il faut aussi signaler le formalisme des dis-                  évidence. L’expérience HADES au GSI en Alle-
  tributions de partons (quarks et gluons)                       magne, relative à l’étude de la modification
  généralisées qui permet de comprendre le                    éventuelle des propriétés des hadrons dans la
  nucléon en tant qu’objet dynamique en trois                   matière, est dans la phase prise de données et
  dimensions. Les calculs de Chromodyna-                         les premières analyses commencent.
  mique quantique sur réseau semblent pro-
                                                                       À moyen et long terme, la communauté
  metteurs et des progrès considérables sont
                                                                 française composée d’une quarantaine de phy-
  attendus dans un futur proche. Nous croyons
                                                                 siciens cherche à se rassembler autour de trois
  le nucléon (proton ou neutron) composé
                                                                 projets : extraction des GPD avec une énergie
  essentiellement de trois quarks, mais ceci ne
                                                                 incidente plus élevée à TJNAF, expérience
  suffit pas à expliquer toutes ses propriétés et
                                                                 COMPASS au CERN sur la mesure du spin du
  de nombreux mystères subsistent. Quelle est sa
                                                                 nucléon (physiciens du CEA exclusivement) et
  distribution de charge ? Quelle est l’origine du
                                                                 enfin l’expérience PANDA prévue auprès du
  moment magnétique du nucléon, en particulier
                                                                 nouvel accélérateur FAIR qui entrera en
  celui du neutron ? Des quarks étranges partici-
                                                                 fonctionnement à partir de 2012 en Allemagne
  pent-ils à sa structure ? Quel est le rôle des
                                                                 et fournira un faisceau d’antiprotons de haute
  gluons ? L’environnement des noyaux induit-il
                                                                 énergie ; le groupe français qui s’est engagé
  des modifications de ces propriétés ? Pourquoi
                                                                 dans un investissement technique bien défini
  le nucléon présente-t-il moins de modes
                                                                 (calorimètre magnétique) souhaite avec cette
  d’excitation (résonances) que la théorie n’en
                                                                 expérience étudier la structure électromagné-
  prédit ? Existe-t-il des formes « exotiques » de
                                                                 tique du proton.
  matière hadronique ?
        Expérimentalement on utilise des sondes
  hadroniques et leptoniques (TJNAF aux USA,
  Mami à Mayence) et les observables de polari-
  sation sont incontournables. Des particules                        1.2 DES      NOYAUX COMPOSÉS
  sans structure comme les électrons et les pho-                                DE PARTICULES
  tons sont des sondes privilégiées grâce à la
  maı̂trise des interactions électrofaibles. Quatre
  thèmes mobilisent depuis quelques années les                      La structure nucléaire a pour objectif de
  équipes françaises : mesure du contenu en                    comprendre l’organisation des nucléons dans
  quark étrange du nucléon, étude des distribu-               les noyaux. Elle s’oriente vers des configura-
  tions de partons généralisées (GPD) reliées à la          tions nucléaires extrêmes comme bancs d’es-
  problématique du spin du nucléon, problème                  sais des modèles actuels. De nouveaux champs
  des résonances manquantes du nucléon et                      d’investigation s’ouvrent grâce aux avan-
  effet du milieu nucléaire sur les propriétés                cées technologiques comme l’avènement des
  des mésons (masse, durée de vie). Les prises                 faisceaux de noyaux radioactifs et le déve-
  de données sur l’asymétrie due à la violation de            loppement de systèmes de détection inno-
  la parité en diffusion élastique électron-proton            vants. La complexité du système nucléaire
  vont se terminer en 2007 et apporteront des                    implique une collaboration étroite entre expé-
  informations définitives sur le contenu en                    rience et théorie. Les prédictions théoriques
  quark étrange du nucléon. Après avoir                       incitent les efforts expérimentaux toujours

                                                                                                                   141
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  RAPPORT DE CONJONCTURE 2006

  plus aux frontières des noyaux connus, et en             France s’est investie, en parallèle avec le Japon,
  retour les nouvelles caractéristiques découver-         dans l’étude des caractéristiques du noyau
  tes permettent de valider l’ensemble de la com-           7H, isotope le plus lourd d’hydrogène, qui pré-

  préhension du noyau. Les noyaux exotiques,               sente le plus fort excès de neutrons, en valeur
  qui n’existent pas à l’état naturel sur Terre,          relative, de tous les noyaux produits en labo-
  présentent des cohésions, des propriétés et           ratoire.
  des formes inattendues. D’une façon générale,
                                                                   Une équipe française a été pionnière dans
  il apparaı̂t aujourd’hui que les propriétés des
  noyaux très exotiques s’écartent très for-             la découverte d’une nouvelle radioacti-
                                                            vité : l’observation de l’émission de deux pro-
  tement des extrapolations que l’on pou-
                                                            tons par l’état fondamental du noyau 45Fe
  vait faire à partir des noyaux stables.
                                                            (radioactivité 2 protons). Des études se
        Les équipes françaises, composées d’en-          poursuivent actuellement en France et en
  viron soixante-dix physiciens, se sont dotées            Allemagne pour déterminer l’influence de
  d’outils très performants combinant faisceaux            l’attraction de l’appariement dans cette décrois-
  d’ions radioactifs, spectromètres et ensembles           sance particulière, par la mesure des corré-
  de détection qui leur permettent d’être au plus         lations entre les deux protons.
  haut niveau de la compétition internatio-
                                                                   Les états extrêmes en masse et charge des
  nale. Elles exploitent les installations fran-
                                                            noyaux, les noyaux super-lourds, sont recher-
  çaises (GANIL, SPIRAL, ALTO), mais aussi
                                                            chés depuis longtemps dans des réactions de
  internationales telles qu’ISOLDE au CERN,
                                                            fusion. Le GANIL s’est doté d’un système expé-
  JYFL à Jyväskylä et LNL à Legnaro pour l’Eu-
                                                            rimental de pointe pour leur production. Tou-
  rope ainsi que MSU aux USA et RIKEN au
                                                            tefois, le temps colossal de faisceau nécessaire
  Japon.
                                                            à ces études ainsi que la très forte demande sur
        L’un des paradigmes de la structure                 GANIL plaident pour le développement d’une
  nucléaire est l’organisation en couches des              nouvelle machine de faisceaux stables de
  nucléons. Les différentes propriétés de stabilité    haute intensité. L’étude de l’existence des
  nucléaire correspondent aux fermetures de ces            noyaux super-lourds se fait aujourd’hui par
  couches et sont associées à des nombres magi-           l’intermédiaire de l’étude des mécanismes de
  ques de nucléons. Pour les noyaux loin de la             réactions et de la structure des trans-fermiums,
  stabilité, cette organisation semble migrer vers         au GANIL, à Dubna en Russie ou à Jyväskylä en
  de nouveaux nombres magiques associés à des             Finlande, afin de déterminer le rôle des états de
  fermetures de nouvelles couches. On peut citer            particules individuelles dans la stabilisation de
  par exemple la controverse relative aux résul-           ces noyaux. La France est impliquée dans une
  tats publiés par des équipes américaines et            réflexion autour d’un futur projet de construc-
  françaises sur l’existence d’une fermeture de            tion d’un accélérateur de faisceaux stables de
  couche à N = 28 lorsqu’elle est associée à un          haute intensité qui sera également dédié à
  fort déséquilibre entre le nombre de protons            d’autres sujets de recherche, comme notam-
  et de neutrons au sein du noyau, comme dans               ment l’étude des états hyper-déformés du
  le 42Si.                                                  noyau et autres déformations exotiques.
                                                            Les états extrêmes de déformation à haut
        Grâce aux faisceaux de SPIRAL1, les états
                                                            moment angulaire permettent d’étudier les
  quasi-moléculaires du noyau et les propriétés          limites de la cohésion portée par les inter-
  des noyaux entourés d’un halo de neutrons
                                                            actions individuelles vis-à-vis des perturbations
  peuvent être étudiés. Ces travaux ont aussi
                                                            collectives.
  conduit à discuter l’existence du tétra-neutron,
  qui aujourd’hui ne semble pas pouvoir exister                  L’accélérateur ALTO fournit ses tout pre-
  dans un état lié ; la question de son existence         miers faisceaux de noyaux exotiques lourds
  sous forme d’état résonant est toujours posée.         riches en neutrons. L’accord donné récem-
  Dans le futur, d’autres systèmes multi-neutrons          ment pour la construction de SPIRAL2 per-
  plus lourds seront investigués. D’ores et déjà, la     mettra d’élargir, à partir de 2012, le champ

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                                                        03 – INTERACTIONS, PARTICULES, NOYAUX, DU LABORATOIRE AU COSMOS

  d’investigation actuel en fournissant des fais-                ture, énergie, pression, densité, composition chi-
  ceaux exotiques de haute intensité et sur une                 mique, etc.) de la matière nucléaire devrait
  gamme d’énergie qui permettra d’accéder à des               présenter deux transitions de phases :
  réactions secondaires. Un énorme effort de
  R&D est actuellement fourni par l’ensemble                        – à basse température, environ 100 milliards
  des laboratoires français pour la construction                de degrés, la transition entre les noyaux décrits
  de SPIRAL2. Des progrès spectaculaires sont                   comme des gouttes liquides et un gaz de parti-
  attendus grâce au développement d’un nou-                    cules ;
  veau détecteur européen de photons, AGATA.                      – à haute température (2 000 milliards de
  Ses caractéristiques procurent un pouvoir de                  degrés) la libération des quarks et la création
  résolution qui permettra d’étudier des struc-                d’un plasma de quarks et de gluons.
  tures très rares, en particulier pour la caracté-
  risation des noyaux super-lourds et hyper-                          Les collisions d’ions lourds permettent de
  déformés, ou lors des réactions avec les ions               porter, de façon transitoire, la matière aux
  exotiques. La communauté française a pris                    hautes densités d’énergie a priori nécessaires
  une part très active dans la R&D d’AGATA, et                  pour permettre l’apparition de telles transitions
  accueillera le démonstrateur en 2009.                         de phase.
       La physique nucléaire intervient aussi                        La première de ces transitions est étudiée
  dans des thématiques comme l’astrophysique                    en France auprès du GANIL et auprès d’autres
  ou les interactions fondamentales, sujets                      accélérateurs dans le monde (USA, Allemagne,
  décrits dans d’autres paragraphes.                            Italie et Chine). Après l’étude de propriétés
       À l’horizon 2011-2012 la communauté des                nouvelles comme l’existence de capacités calo-
  physiciens nucléaires européens disposera de                 rifiques négatives et des indications sur la
  deux accélérateurs SPIRAL2 et FAIR. Ces deux                 dynamique de la transition de phase, la com-
  machines sont complémentaires par leurs                       munauté française continue de jouer un rôle
  caractéristiques et leurs productions de fais-                leader au plan mondial avec la mise en évi-
  ceaux exotiques. À plus long terme la construc-               dence du comportement bimodal d’un
  tion d’un accélérateur européen de seconde                  paramètre d’ordre dans la transition de
  génération est envisagée, EURISOL, qui                      phases d’un système fini et l’observation
  comme SPIRAL2 serait une machine à fais-                      corrélée des différents signaux de transition
  ceaux exotiques ré-accélérés sur une plus                  mis en évidence. Par delà une métrologie du
  large gamme d’énergie. La France devrait                      diagramme de phase de la matière dense ces
  pouvoir jouer un rôle clef dans cette pers-                   recherches font évoluer notre compréhension
  pective en s’appuyant sur les acquis de                        des changements d’état en général. Le futur de
  SPIRAL2.                                                       ces recherches passe tout d’abord par un pro-
                                                                 grès expérimental visant à construire des
                                                                 détecteurs à grande couverture angulaire plus
                                                                 performants au niveau des identifications en
                                                                 numéro et masse atomiques ; la France et
           1.3 U NE  MATIÈRE DENSE                              l’Italie font un effort particulièrement impor-
             À HAUTE TEMPÉRATURE                               tant dans ce sens dans le cadre du projet
                                                                 FAZIA. Dans le même temps l’avènement de
                                                                 faisceaux de noyaux exotiques suffisamment
        Les propriétés macroscopiques (thermi-                 intenses (SPIRAL1 puis SPIRAL2) à Caen et
  ques, chimiques et mécaniques) de la matière                 FAIR en Allemagne permet et permettra d’étu-
  nucléaire dense, comme elle a pu être produite               dier les propriétés « chimiques » de la
  lors du Big-Bang ou comme elle existe aujour-                  matière c’est-à-dire l’influence d’une variation
  d’hui dans les supernovae et les étoiles à neu-              relative de neutrons et de protons. Cette thé-
  trons, peuvent être décrites dans le cadre de la             matique mobilise une communauté française
  thermodynamique. L’équation d’état (tempéra-                d’une vingtaine de physiciens.

                                                                                                                   143
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  RAPPORT DE CONJONCTURE 2006

         La seconde transition est étudiée grâce         de par ses contributions importantes aux
  aux collisions noyau-noyau auprès de colli-              niveaux détection et traitement des données.
  sionneurs de très haute énergie. Le
                                                                  Un aspect important de cette physique est
  plasma de quarks et de gluons est un état de
                                                            que les transitions de phases sont étudiées
  la matière où les quarks seraient déconfinés,
                                                            dans des collisions, c’est-à-dire dans des phé-
  qui pourrait avoir existé dans l’univers pri-
                                                            nomènes hors équilibre concernant des petits
  mordial. Les équipes françaises, issues des             systèmes. Les concepts permettant de décrire
  deux communautés de physique nucléaire et               sans ambiguı̈té les mécanismes font l’objet de
  de physique des particules, ont eu un rôle               développements théoriques actuels transposa-
  majeur dans l’observation au CERN de pre-                 bles dans d’autres domaines de la physique des
  miers indices (parmi ceux-ci la suppression               petits systèmes. Ils donneront aussi accès aux
  d’un méson par effet d’écrantage) qu’un                 propriétés dynamiques de la matière dense
  nouvel état de la matière avait été produit.          (transport, friction, etc.) qui sont toujours acti-
  Cette suppression a été confirmée, à plus             vement recherchées.
  haute énergie, au RHIC de Brookhaven ; un
  nouvel éclairage a également été apporté par
  l’observation originale de l’inhibition des « jets »
  au sein du milieu formé. L’ensemble des résul-
  tats (expériences BRAHMS, STAR et PHENIX)                    1.4 QUELQUES     REMARQUES
  indique la production d’un état inattendu,                            EN CONCLUSION
  un liquide de partons (quarks et gluons)
  en interaction, différent du plasma prédit et
  recherché (gaz parfait de quarks et gluons). Les                La Physique Nucléaire est le thème
  énergies plus élevées mises en jeu dans les            majeur pour environ un tiers des 20 laboratoires
  collisions au LHC avec l’expérience ALICE,               de l’IN2P3. Ses grands projets mobilisent de
  qui débutera en 2008, permettront d’étendre             nombreuses ressources humaines et finan-
  le domaine d’étude des propriétés à des den-          cières. C’est aussi un tournant dans les métho-
  sités d’énergie extrêmes avec l’espoir de pro-         des de travail et la distribution des tâches au
  duire un gaz quasi parfait de quarks et de                sein des laboratoires. De nouveaux besoins en
  gluons. L’objectif est aussi de comprendre le             ressources humaines se font sentir afin de pou-
  confinement des quarks et donc d’observer                 voir investir un nombre suffisant de personnel
  la transition de phase plasma de quarks                   dans le développement tout en poursuivant les
  et de gluons – matière hadronique. L’appa-               recherches actuelles. Après une période d’in-
  rition de la notion de « condensat de verre de            vestissement expérimental les équipes fran-
  couleur » au RHIC indique que ces recherches              çaises de physique hadronique devraient
  concernent aussi les distributions initiales de           contribuer rapidement à éclaircir certains
  partons, en particulier dans les noyaux. Ces              secrets du nucléon. Le nouvel accélérateur
  travaux conduisent à relever de nombreux                 FAIR en Allemagne et TJNAF avec des énergies
  défis, techniques par la complexité des réac-          plus élevées aux États-Unis sont les deux pôles
  tions produisant jusqu’à plusieurs milliers de           auprès desquels se regrouperont les activités.
  particules dont il faut mesurer les caractéristi-        L’étude de noyaux de plus en plus exotiques a
  ques simultanément, et théoriques par la diver-         apporté des résultats surprenants liés à des
  sité et l’addition des processus mis en jeu parmi        changements de magicité qu’il convient de
  lesquels il faut trouver des signatures aussi fia-        confirmer. Une nouvelle radioactivité a été
  bles que possible. Après une participation               découverte. La quête des états extrêmes en
  significative (une quinzaine de physiciens)               masse et charge des noyaux se poursuit. Les
  aux expériences menées à RHIC, une majeure             études avec les faisceaux radioactifs et de nou-
  partie de la communauté française se ras-               veaux multidétecteurs comme AGATA sont la
  semble maintenant sur ALICE (une quaran-                  voie d’avenir. Le projet SPIRAL2 qui démarre
  taine de physiciens) avec une bonne visibilité           au GANIL place la France dans une position

  144
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                                                        03 – INTERACTIONS, PARTICULES, NOYAUX, DU LABORATOIRE AU COSMOS

  favorable dans la perspective d’EURISOL. Les                   et théoriques donnant à penser qu’il ne s’agit
  équipes françaises continuent de jouer un rôle              que d’une théorie effective, approximation à
  moteur pour les études de transition de phases                basse énergie d’une théorie à très haute éner-
  de la matière nucléaire et la participation aux              gie (de l’ordre de 1016 GeV) plus fondamen-
  futures expériences auprès du LHC avec ALICE                 tale. Les théories au-delà du Modèle Standard
  constitue désormais un des axes forts du pro-                 ne manquent pas. Elles incorporent par exem-
  gramme de physique nucléaire.                                 ple l’existence hypothétique de dimensions
                                                                 supplémentaires, ou des mécanismes d’unifica-
                                                                 tion de la gravitation avec les autres inter-
                                                                 actions, ou des symétries nouvelles dans le
                                                                 cas des théories supersymétriques. Ces théo-
                                                                 ries prédisent l’observation d’un bestiaire de
    2 – LE MODÈLE STANDARD                                      particules nouvelles et de déviations subtiles
            ET AU-DELÀ                                          dans les mesures de certaines observables par
                                                                 rapport aux prédictions du Modèle Standard.
                                                                      Les tests du Modèle Standard se prolon-
         La physique des particules s’attache à                 gent actuellement par certaines des mesures
  l’étude des interactions entre constituants fon-              menées auprès du TeVatron (Fermilab, USA),
  damentaux de la matière, à la compréhension                 et de HERA (DESY, Allemagne).
  de l’origine de la masse, et enfin aux symétries
  d’espace et de temps, l’aspect le plus fascinant                      Le dernier ingrédient du Modèle Standard
  étant que dans certains cas, ces symétries ne                n’ayant à l’heure actuelle pas reçu de confirma-
  sont pas parfaites. La physique des particules                 tion expérimentale est le mécanisme donnant
  tisse des liens entre l’observation au niveau                  leur masse aux particules élémentaires, par
  microscopique et la compréhension des gran-                   l’intermédiaire d’une brisure spontanée de la
  des structures de l’Univers, en recherchant des                symétrie électro-faible. Il devrait se traduire
  particules susceptibles de constituer la matière              par l’existence d’un ou plusieurs bosons de
  noire.                                                         Higgs, scalaires, dont les signatures expérimen-
                                                                 tales sont actuellement activement recherchées
        Construit d’un point de vue théorique dans              auprès du TeVatron, et constitueront un thème
  les décennies 1960 et 1970, le Modèle Standard               phare des recherches qui seront menées
  est une théorie quantique des champs, traitant                auprès du LHC à partir de 2008. L’énergie de
  dans un cadre formel unifié trois des quatre                  14 TeV et la forte luminosité du LHC, jamais
  interactions fondamentales. Les particules                     atteintes auparavant, devraient apporter sur la
  élémentaires composant la matière sont au                   question de l’origine de la masse un éclairage
  nombre de vingt-quatre (douze particules                       crucial et nouveau, et donnent bon espoir
  et douze antiparticules), regroupées en trois                 d’observer de nouvelles particules et des phé-
  familles.                                                      nomènes nouveaux, confirmant ainsi le carac-
                                                                 tère de théorie effective à basse énergie du
        Depuis sa conception, le Modèle Stan-                   Modèle Standard.
  dard a été testé de manière approfondie, tout
  particulièrement au cours de la dernière décen-                   D’un point de vue expérimental, l’évolu-
  nie. Celle-ci a vu les expériences menées                    tion de la physique des particules ces dernières
  auprès du LEP (CERN, Genève) en vérifier la                 années se caractérise par des dispositifs expé-
  cohérence interne et mesurer ses paramètres                  rimentaux moins nombreux, mais plus com-
  avec une très grande précision, en tout cas                  plexes, rassemblant un nombre croissant de
  pour ce qui concerne les couplages de la                       physiciens et d’ingénieurs. Avant leur construc-
  matière aux bosons intermédiaires W et Z.                    tion, les détecteurs font l’objet de recherches et
  Toutes les confirmations expérimentales du                    développements mettant en œuvre des techni-
  Modèle Standard ne peuvent occulter le fait                   ques de pointe en électronique, informatique
  qu’il possède plusieurs faiblesses esthétiques               et sur les matériaux utilisés. Entre les premières

                                                                                                                   145
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  RAPPORT DE CONJONCTURE 2006

  idées et la période de prise de données, une                 La luminosité de 1033cm-2s-1, qui serait
  période d’une dizaine d’années devient ainsi            atteinte fin 2008, permettra d’accumuler 10 fb-1
  nécessaire.                                              par année de prise de données, et devrait
                                                            donner accès aux premières découvertes
                                                            auprès du LHC : en effet, la statistique dispo-
                                                            nible élevée des canaux du Modèle Standard
         2.1 L A       PHYSIQUE AU             LHC          permettra d’une part d’atteindre la calibra-
                                                            tion nominale des détecteurs et d’autre part,
                                                            contraindra les bruits de fond afin d’optimiser
        La mise en service du LHC, couronnant               les critères des analyses destinées à l’identifica-
  quinze ans de recherche et développement et              tion de nouveaux phénomènes. Une année de
  de production de détecteurs, auxquelles les              prise de données à cette luminosité signalera de
  équipes de l’IN2P3 auront largement participé,          façon convaincante la présence éventuelle du
  devrait indiquer la direction dans laquelle il            boson de Higgs tel qu’il est prédit par le
  nous faudra faire évoluer nos théories.                 Modèle Standard. Avec la même quantité de
                                                            données, les premières signatures de la Super-
        Deux expériences auprès du LHC s’orien-           symétrie, théorie permettant de combler les
  tent principalement vers la mise en évidence             imperfections théoriques du Modèle Standard,
  du boson de Higgs et la recherche de nouvelle             pourraient aisément être identifiées.
  physique. Près de 200 physiciens et ingénieurs
  de l’IN2P3 participent depuis 1991 à ces deux                  L’amélioration progressive des perfor-
  expériences, ATLAS et CMS.                               mances de l’accélérateur en termes de lumino-
        Au cours des quatre prochaines années,             sité instantanée (le niveau « nominal » de
  les activités des physiciens auprès du LHC pas-         1034cm-2s-1, soit 100 fb-1 par an, est attendu
  seront successivement par différentes phases :           début 2010) et de stabilité, donnera accès à
                                                            des études de plus grande précision ainsi
          Le début de la mise en service de la             qu’à un domaine plus vaste de recherches
  machine, avec accélération des faisceaux                concernant la nouvelle physique.
  de protons jusqu’à 7 TeV, est prévu pour le
  printemps 2008. La première période sera                      Après une période de prise de donnée
  consacrée – au-delà de l’optimisation de l’accé-       à haute luminosité, il sera possible d’améliorer
  lérateur – à la compréhension des détecteurs          la précision des tests du Modèle Standard
  des expériences. Tenant compte de la comple-             et d’étendre de 20 % à 30 % le domaine de
  xité des systèmes mis en jeu, ceci représente          découverte possible de nouvelles particules,
  une tâche gigantesque pour les physiciens et             si besoin est, en augmentant encore d’un fac-
  constitue en même temps une étape détermi-             teur dix la luminosité du LHC. Le CERN prévoit
  nante pour la qualité des résultats futurs au           cette évolution à l’horizon 2012. L’exploitation
  LHC. En parallèle avec l’alignement et l’étalon-        d’une telle luminosité demandera des amélio-
  nage des appareillages, les caractéristiques des         rations sur les détecteurs, en particulier sur la
  collisions enregistrées pour la première fois au        rapidité de l’électronique de lecture, mais aussi
  monde à cette énergie seront scrutées afin de          sur la structure même des détecteurs, notam-
  parfaire les simulations. À partir d’une lumino-         ment pour ceux identifiant les traces chargées.
  sité instantanée de 1030cm-2s-1, permettant d’ac-       Compte tenu de la complexité de la tâche et
  cumuler rapidement de l’ordre de 100 pb-1, la             des délais de construction, une mise en place
  physique « classique » des bosons W et Z com-             des détecteurs modifiés vers 2012 demande de
  mencera à enrichir le lot d’événements conte-          commencer dès maintenant un programme de
  nant des muons, des électrons et des jets de             recherche et développement intense, ce qui
  particules. Les physiciens s’en serviront pour            permettra par ailleurs de ne pas perdre l’acquis
  établir les différentes échelles d’énergie (visible   technique de ces dernières années. Par ailleurs,
  et manquante) et pour étudier l’uniformité des          toute amélioration des détecteurs sera bien évi-
  réponses des détecteurs.                                demment guidée par les découvertes effec-

  146
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                                                        03 – INTERACTIONS, PARTICULES, NOYAUX, DU LABORATOIRE AU COSMOS

  tuées dans les premières années de fonction-                envisageables du Modèle Standard. La validité
  nement, et il importe de se préparer d’ores et                de la chromodynamique quantique sera testée
  déjà aux diverses options et de se familiariser              dans un domaine d’énergie encore inexploré,
  avec les technologies les plus récentes. La                   et fournira des informations sur la structure
  recherche et développement autour des amé-                   interne du proton qui auront un impact impor-
  liorations des détecteurs du LHC est appelée à              tant sur les prédictions pour le LHC. Les mesu-
  monter en puissance dans les quatre pro-                       res de précision prédisent un domaine de
  chaines années.                                               masse pour le boson de Higgs du Modèle Stan-
                                                                 dard qui devrait pouvoir être intégralement
                                                                 exploré par le TeVatron, soit en termes d’ex-
                                                                 clusion, soit par une mise en évidence, selon la
                                                                 luminosité intégrée effectivement accumulée.
    2.2 L A       PHYSIQUE AU T EVATRON                          La récente mise en évidence auprès du TeVa-
                    ET À DESY                                   tron de la production électrofaible du quark
                                                                 top, laquelle est un bruit de fond irréductible
                                                                 à la mise en évidence du boson de Higgs, est
         En parallèle avec la mise en route du LHC,             une étape importante de la recherche de cette
  le programme de physique du TeVatron attein-                   particule. Enfin, toute manifestation de nou-
  dra son apogée. La compétition sera intense                  velle physique au-delà du Modèle Standard
  entre les deux machines pour les premières                    est et sera activement recherchée, comme il
  observations du boson de Higgs, entre une                      est naturel auprès de l’accélérateur fournissant
  machine ayant accumulé des données depuis                    la plus haute énergie disponible à ce jour, qu’il
  de longues années, mais limitée par sa lumino-               s’agisse par exemple de particules supersymé-
  sité et une énergie de 1,96 TeV, et une machine              triques, de nouveaux bosons de jauge, ou de
  à la luminosité et à l’énergie inégalées, mais           récurrences prévues dans les théories à dimen-
  commençant tout juste à délivrer des données,              sions supplémentaires.
  avec donc une phase d’optimisation pouvant
                                                                       Le collisionneur HERA de DESY à Ham-
  durer un certain temps.
                                                                 bourg qui mettait en collision des électrons de
         Jusqu’à la mise en service du LHC, le                  27,5 GeV contre des protons de 920 GeV vient
  TeVatron sera donc le collisionneur le plus                    tout juste d’être arrêté, depuis fin juin 2007. Les
  puissant au monde et, à l’horizon 2009, une                   prochaines années seront consacrées à l’ana-
  luminosité intégrée de 4 à 8 fb-1 devrait être            lyse des données. Au total, lors de sa deuxième
  accumulée. L’IN2P3 et le CEA-DAPNIA contri-                   phase de fonctionnement, HERA II, qui a
  buent de manière importante à l’expérience                  débuté en 2004, ce collisionneur a délivré à
  DØ (environ cinquante physiciens actifs), et à                ce jour 10 fois plus de luminosité intégrée
  un moindre degré à l’expérience CDF. Le                     que celle accumulée pendant la première
  champ de recherche au TeVatron comprend                        phase de son fonctionnement. L’état initial par-
  la détermination précise de paramètres fonda-               ticulier – électrons-protons – du collisionneur
  mentaux du Modèle Standard tels que la masse                  HERA lui permet des mesures originales et
  du boson W et celle du quark top ; celles-ci                   complémentaires des études menées auprès
  permettront d’affiner les contraintes sur la                   des autres collisionneurs. Parmi les principaux
  masse du boson de Higgs du Modèle Standard,                   objectifs de physique de HERA II, à laquelle
  ou de vérifier la cohérence de ce modèle une                participent, auprès de l’expérience H1, 3 labo-
  fois cette masse mesurée. Dans le domaine de                  ratoires de l’IN2P3 et le CEA-DAPNIA, l’utilisa-
  la matrice de masse des quarks, l’étude du                    tion de faisceaux d’électrons et de positrons
  boson Bs, qui n’est actuellement possible                      polarisés améliore la connaissance de la struc-
  qu’auprès du TeVatron, a déjà permis d’en                   ture du proton, information qui sera indispen-
  mesurer la fréquence d’oscillation avec son                   sable à la compréhension des données des
  antiparticule ; une meilleure précision fournira              expériences ATLAS et CMS au LHC. HERA est
  des contraintes significatives sur les extensions              aussi à la recherche d’une nouvelle physique

                                                                                                                   147
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  RAPPORT DE CONJONCTURE 2006

  et teste les théories au-delà du Modèle Stan-          chements et étudier en détail la physique nou-
  dard par l’intermédiaire de la mesure de pro-            velle mise en évidence au LHC, en tirant profit
  duction d’événements avec lepton isolé et              d’un état initial plus simple et de bruits de fond
  impulsion transverse manquante, la mesure                 plus faciles à rejeter que dans le cas d’un colli-
  de production d’événements multi-électrons à          sionneur hadronique. Le programme de phy-
  grande impulsion transverse et la recherche de            sique de l’ILC comprend aussi l’étude détaillée
  lepto-quarks et de fermions excités. Enfin, une          de la brisure de la symétrie électrofaible (boson
  prise de données avec une énergie du faisceau           de Higgs) et de la physique du quark top, des
  de protons à basse énergie (460 GeV et                  mesures de précision sur les bosons W et Z
  575 GeV) permet de mesurer la composante                  ainsi qu’une ouverture vers l’au-delà du
  longitudinale de la fonction de structure du              modèle standard.
  proton et ainsi d’avoir une meilleure connais-
  sance du contenu du proton en gluons.                           L’énergie des collisions dans l’ILC étant
                                                            ajustable, cela donnera une grande flexibilité
                                                            à son programme de physique, qui pourra se
                                                            dérouler en partie en parallèle avec celui du
                                                            LHC. Avec un rapport signal/bruit plus favo-
     2.3 L E PROJET INTERNATIONAL                           rable, une énergie dans le centre de masse
        DE COLLISIONNEUR LINÉAIRE                          ajustable et la possibilité de polariser les fais-
                                                            ceaux, l’ILC devrait être capable de répondre à
                                                            bon nombre des questions que les découvertes
         Pour le plus long terme, quand le LHC              du LHC vont soulever, allant de la découverte
  aura produit ses premiers résultats et donné            de particules susceptibles de composer la
  éventuellement des indications sur la physique           matière noire jusqu’à l’existence de dimensions
  nouvelle, les physiciens de particules se sont            supplémentaires. La précision des mesures
  rassemblés autour de la nécessité de cons-             permettra par ailleurs de contraindre fortement
  truction d’un collisionneur linéaire électron-          les modèles théoriques et devrait ainsi permet-
  positron, l’ILC dont l’énergie peut varier du pic        tre de lever les ambiguı̈tés possibles.
  du Z (90 GeV) jusqu’au TeV. Un projet actuel-
                                                                   Pour l’étude de l’ILC en collaboration
  lement en phase de recherche et développe-
                                                            mondiale, une équipe dite GDE (Global
  ment, le CLIC, pourrait permettre d’étendre le
                                                            Design Effort) a été mise en place par l’ICFA
  domaine d’énergie de collision au-delà du TeV.
                                                            (« International Committee For Future Accele-
  Un collisionneur linéaire est constitué de deux
                                                            rator »), pour organiser et diriger le travail sur
  accélérateurs d’environ 20 km de long chacun
                                                            l’accélérateur. Ce travail doit conduire à un
  se faisant face. La technologie retenue pour les
                                                            document technique détaillé, y compris sur
  cavités accélératrices de l’ILC est la technologie
                                                            les aspects financier et industriel en 2010
  supraconductrice dont les progrès ont été très
                                                            pour une première phase correspondant à
  importants récemment. Celle du CLIC est basée
                                                            des collisions de 500 GeV. Ce document servira
  sur une nouvelle méthode d’accélération à deux
                                                            de référence pour les discussions entres les
  faisceaux dont la faisabilité est en cours d’étude
                                                            éventuels partenaires. Compte tenu de la spé-
  avec la construction d’une station de test, CTF3
                                                            cificité de la physique sur cette machine, étude
  dont les résultats sont attendus pour 2010. Une
                                                            de précision d’événements multi-bosoniques,
  cinquantaine d’ingénieurs de l’IN2P3 et du CEA-
                                                            le cahier des charges des détecteurs est très
  DAPNIA se sont impliqués dans les développe-
                                                            particulier et nécessite un important pro-
  ments nécessaires à l’ILC, en collaboration avec
                                                            gramme de R&D. Celui-ci est déjà bien
  des industriels. L’IN2P3 est également présent
                                                            développé, incluant des tests de prototypes
  dans les études sur les techniques novatrices
                                                            en faisceaux. Une vingtaine de physiciens,
  d’accélération telles que CLIC.
                                                            accompagnés d’une soixantaine d’ingénieurs
      Ces machines pourront pousser les tests               et techniciens de l’IN2P3 se sont impliqués
  du Modèle Standard dans leurs derniers retran-           dans cet axe de recherche.

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                                                        03 – INTERACTIONS, PARTICULES, NOYAUX, DU LABORATOIRE AU COSMOS

        Plusieurs programmes européens de plu-                  symétrie CP dans le système des mésons B.
  sieurs dizaines de millions d’euros, au sein des-              En 2001 ces deux expériences ont mesuré
  quels les physiciens de l’IN2P3 sont moteurs                   pour la première fois un effet de violation de
  ont été approuvés et mis en place. Ces pro-                 CP dans les désintégrations du méson Bd. Cette
  grammes portent sur l’accélérateur (CARE,                    mesure, qui a atteint actuellement une préci-
  EUROTEV), ainsi que sur les détecteurs                        sion de l’ordre de 5 %, a été confirmée dans
  (EUDET).                                                       plusieurs autres canaux de désintégrations.
                                                                 Les différentes mesures réalisées par les expé-
       L’ensemble de ces recherches couvre au
                                                                 riences BaBar et Belle ont permis de tester et de
  moins une décennie et mobilisera une fraction
                                                                 valider la description du phénomène de viola-
  importante de la communauté scientifique de
                                                                 tion de CP dans le Modèle Standard avec une
  notre discipline. Les données accumulées per-
                                                                 bonne précision à travers la mesure des angles
  mettront de nombreux progrès en parallèle avec
                                                                 et des cotés du triangle dit d’unitarité qui tra-
  les objectifs phares mentionnés ci-dessus :
                                                                 duit graphiquement l’une des relations d’unita-
  compréhension des désintégration des quarks
                                                                 rité de la matrice décrivant les relations entre
  lourds, phénoménologie de l’interaction forte,
                                                                 états propres de masse et états propres d’inte-
  etc.
                                                                 raction, appelée matrice CKM. Ces mesures, de
                                                                 plus en plus précises, ont permis d’autre part
                                                                 de tester et de contraindre des modèles prédi-
                                                                 sant l’existence d’une nouvelle physique par la
                  2.4 LA BRISURE                                 recherche de signes indirects de la présence de
                DE LA SYMÉTRIE CP                               processus au-delà du Modèle Standard. Les
                                                                 expériences BaBar et Belle devront continuer
                                                                 leurs moissons de données pour disposer cha-
        La brisure des symétries discrètes par l’in-           cune à l’horizon 2008 d’un échantillon de 1 mil-
  teraction faible est un champ de recherches                    liard de paires de mésons B-antiB jamais atteint
  fécond depuis un demi-siècle. Après la mise                 à ce jour. Cette grande statistique permettra
  en évidence de la violation de la parité au                  une précision accrue des mesures déjà réali-
  milieu des années 1950, il s’est bientôt avéré             sées et améliorera aussi les contraintes sur les
  que la conjugaison de charge était également                 manifestations hypothétiques d’une nouvelle
  violée. L’ensemble de notre compréhension de                 physique.
  la nature étant basé sur l’existence de lois de
  conservation, il était naturel de supposer que le
                                                                        À partir de 2008 une nouvelle expérience
  produit CP était conservé. En 1964 est interve-
                                                                 dédiée à l’étude de la violation de CP dans le
  nue la preuve expérimentale que CP n’était pas
                                                                 système des mésons B sera mise en route
  conservé. Dans la mesure où CP connecte les
                                                                 auprès du LHC. Il s’agit de l’expérience LHCb,
  particules de matière et d’antimatière, une telle
                                                                 à laquelle prennent part plusieurs laboratoires
  observation est fondamentale pour la compré-
                                                                 de l’IN2P3. Le programme de physique de cette
  hension de la prédominance de la matière sur
                                                                 expérience consiste à poursuivre l’étude de la
  l’antimatière dans l’Univers actuel. La violation
                                                                 violation de CP dans les désintégrations des
  de CP dans le cadre du Modèle Standard est
                                                                 mésons Bd mais aussi de prolonger cette
  prise en compte par l’introduction d’une
                                                                 étude dans celles des mésons Bs inaccessibles
  matrice de mélange reliant les états de saveur
                                                                 aux expériences BaBar et Belle. L’objectif étant
  aux états de masse.
                                                                 de mesurer complètement et avec la plus
         Actuellement deux expériences, BaBar, à               grande précision les paramètres sources de la
  laquelle participe un important groupe français               violation de CP dans la matrice CKM et d’ap-
  de l’IN2P3 et du CEA-DAPNIA, et Belle, instal-                 porter aussi, grâce à des mesures de précision,
  lées sur des anneaux de stockage e+e- asymé-                 de nouvelles contraintes sur la présence ou pas
  triques respectivement à SLAC en Californie et                d’une nouvelle physique au-delà du Modèle
  à KEK au Japon, étudient la violation de la                  Standard.

                                                                                                                   149
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  RAPPORT DE CONJONCTURE 2006

        2.5 P HYSIQUE             DU NEUTRINO               sur accélérateur les phénomènes observés avec
                                                            les neutrinos atmosphériques et améliorer d’un
                                                            facteur 2-3 la sensibilité sur l’angle Q13. Mais
                                                            c’est surtout avec les expériences de la généra-
         Les oscillations entre différents types de
                                                            tion suivante, Double-CHOOZ (dans les
  neutrinos ainsi que leur masse non nulle sont
                                                            Ardennes françaises) et T2K (au Japon), que
  maintenant des faits expérimentaux établis au
                                                            la meilleure sensibilité sera atteinte. Les grou-
  cours des dix dernières années par les expé-
                                                            pes français sont bien implantés dans les colla-
  riences sur les neutrinos solaires et les neutri-
                                                            borations mondiales qui construisent ces
  nos atmosphériques. Le panorama des
                                                            nouveaux détecteurs. Si Q13 n’est pas trop
  neutrinos est cependant loin d’être complet
                                                            petit, l’accès à la violation de CP se fera avec
  aujourd’hui et les questions ouvertes qui s’y
                                                            des accélérateurs d’un type nouveau (béta-
  rapportent sont fondamentales non seulement
                                                            beams ou usines à neutrinos) aux développe-
  pour la physique des particules mais aussi pour
                                                            ments desquels des R&D sont d’ores et déjà
  l’astrophysique et la cosmologie.
                                                            consacrées dans un cadre européen.
         Le neutrino est-il sa propre anti-particule ?
                                                                  En plus d’être un formidable objet d’étude,
  Cette question ne peut être tranchée que par
                                                            le neutrino est également un messager nouveau
  l’observation expérimentale d’un phénomène
                                                            et précieux pour l’astrophysique. Son rôle est
  de double désintégration béta sans neutrino.
                                                            mis en avant dans le chapitre suivant.
  L’expérience NEMO3, à dominante française
  et installée dans le Laboratoire souterrain de
  Modane, tente de répondre à cette question.
  En prise de données depuis un peu plus
  d’une année, elle atteindra sa sensibilité nomi-             2.6 A CTIVITÉS  TECHNIQUES
  nale après encore environ 3 années. Si rien                              ASSOCIÉES
  n’est observé il faudra se préparer à un gain
  d’un ordre de grandeur en sensibilité, à la fois
  en augmentant considérablement la masse de                     L’activité technique dans nos laboratoires
  matériau source et en réduisant drastiquement           vit au rythme des grands projets de machines et
  les bruits de fond. Plusieurs techniques sont             de détecteurs. L’achèvement des constructions
  en concurrence et les groupes français se sont           liées au LHC va engendrer des renouvel-
  déjà engagés dans l’exploration des limites            lements d’activité importants. Les années à
  de la technique « tracking-calorimètre » avec le         venir devraient donc voir un effort de forma-
  projet Super-NEMO. Une alternative à l’aide de           tion important afin de permettre à nos équipes
  bolomètres (MAJORANA) est explorée aux                  une participation de premier plan aux R&D des
  USA.                                                      futurs collisionneurs et de l’instrumentation
                                                            associée.
          Y a-t-il violation de la symétrie CP dans le
  secteur des neutrinos et est-elle responsable de                  Il importe donc que chaque laboratoire
  l’asymétrie matière-antimatière dans l’univers ?       définisse au plus tôt ses besoins en fonction
  La connaissance encore trop partielle du pano-            de sa propre prospective. Il faut aussi réfléchir
  rama des oscillations de neutrinos ne permet              à l’évolution des carrières de nos agents dans
  pas de répondre à cette question. En particulier        un contexte de travail de plus en plus interna-
  la grandeur de l’angle H13 non encore mesuré             tional et inter-organismes, afin qu’ils ne souf-
  dans les oscillations, conditionne notre capa-            frent pas de positions d’infériorité par rapport
  cité à observer expérimentalement une éven-           aux membres d’autres organismes avec les-
  tuelle violation de CP. Plusieurs expériences            quels ils devront travailler. Ce dernier point
  sont donc en cours ou en construction                     est particulièrement critique pour maintenir
  pour mesurer cet angle. MINOS (aux USA) et                une adéquation entre compétences, niveau
  OPERA (en Italie, avec une forte participation            d’emploi et responsabilités d’encadrement
  française) vont dans un premier temps préciser          dans une grande collaboration.

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                                                        03 – INTERACTIONS, PARTICULES, NOYAUX, DU LABORATOIRE AU COSMOS

            3 – PHYSIQUE DES                                     vaillant sur les grands détecteurs de physique
                                                                 des particules. Les détecteurs de nombreuses
            ASTROPARTICULES                                      expériences sont souvent les mêmes que ceux
             ET COSMOLOGIE                                       d’expériences sur accélérateurs (calorimètres,
                                                                 photodétection, détecteurs de traces, identifi-
                                                                 cation des particules, etc.) et les outils sont par-
               3.1 I NTRODUCTION                                 tagés (simulation d’interactions, électronique
                                                                 rapide, méthodes d’analyse et de calculs, etc.).

          Le domaine à l’interface entre physique
  des hautes énergies et astrophysique, commu-
  nément appelé « astroparticules », s’est forte-                  3.2 LES      GRANDES QUESTIONS
  ment développé durant les dix dernières
  années. Le CNRS en a fait une de ses priorités
  scientifiques : un programme interdisciplinaire                      Le domaine des astroparticules souhaite
  a été mis en place et une commission interdis-               répondre à un certain nombre de questions,
  ciplinaire dédiée a été créée et renouvelée une         dont le nombre et la diversité expliquent l’at-
  fois (son mandat se terminera en 2008).                        trait qu’il provoque. On cite ici celles qui
                                                                 concernent plus la section 03 :
        Les grands domaines couverts par cette
  spécialité sont :                                              – matière noire : quelle est la nature de la
                                                                 matière sombre non-baryonique ? ;
      – l’étude des sources extrêmes dans l’Uni-
  vers, produisant des particules de très haute                    – énergie noire : Faut-il modifier la gravita-
  énergie ;                                                     tion ou introduire de l’énergie noire pour
                                                                 expliquer l’accélération de l’Univers ? Quelle
      – l’étude des interactions fondamentales,
                                                                 est sa nature et son lien avec l’énergie du
  grâce aux très hautes énergies et densités qui
                                                                 vide de la théorie quantique des champs ? ;
  sont atteintes dans l’Univers ;
                                                                     – asymétrie matière-antimatière : le modèle
      – l’étude de l’évolution de l’Univers, depuis
                                                                 standard de la physique des particules ne peut
  la singularité initiale (Big Bang) jusqu’au temps
                                                                 l’expliquer. Quelle est son origine ? ;
  présent.
                                                                     – nouvelle physique : supersymétrie, gra-
        De nombreux autres thèmes viennent
                                                                 vité quantique, dimensions supplémentaires
  s’associer à ces domaines fondamentaux, par
                                                                 (quel est le nombre exact de dimensions spa-
  exemple : les tests des lois fondamentales (gra-
                                                                 tiales de l’Univers ?) ;
  vité, physique transplanckienne), l’astro-
  physique nucléaire, etc. Rappelons que la                         – particules à très haute énergie : Quels sont
  détermination des sections efficaces                          les sites d’accélération galactiques et extraga-
  nucléaires est essentielle pour des avan-                     lactiques ainsi que les processus d’accélération
  cées en astrophysique, astro-particules et                    et de propagation ? Quelle est la composition
  cosmologie.                                                    de ces rayons cosmiques ? Leur spectre en
                                                                 énergie donne-t-il des indices d’une nouvelle
        La physique des astroparticules est donc
                                                                 physique ? ;
  un espace de rencontres entre de nombreuses
  disciplines de physique (physique nucléaire,                      – astrophysique nucléaire : quels sont les
  physique de la matière condensée, physique                   mécanismes à l’œuvre dans la nucléosynthèse
  quantique, physique des plasmas, physique                      stellaire ? Quelles mesures de section efficace
  de la combustion, etc.), avec également une                   sont nécessaires pour la compréhension des
  riche activité théorique.                                    processus stellaires ? ;
       Ce domaine bénéficie de l’expérience et                  – supernovae : comment explosent-elles ?
  des compétences techniques des équipes tra-                  On est encore incapable de simuler l’explosion

                                                                                                                   151
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  RAPPORT DE CONJONCTURE 2006

  de certains types de supernovae, pourtant à              3.4 P ROJETS        EN COURS ET FUTURS
  l’origine des éléments lourds dans l’univers ;
     – masse des neutrinos : quel est leur rôle
  cosmologique ?                                            Les grandes structures de l’univers
          Cette liste n’est certainement pas exhaus-
  tive.                                                          Plusieurs sondes permettent d’explorer
                                                            la géométrie de l’Univers, et d’accéder à
                                                            des informations sur sa composition et la
                                                            nature de l’énergie noire : supernovae utilisées
                                                            comme chandelles standard, fond diffus cos-
              3.3 DES STRATÉGIES                           mologique, relevés à grand champ, cisaille-
               MULTI - MESSAGERS                            ment gravitationnel, oscillations de baryons.
                                                                  La France a une excellente position dans
       La compréhension fine des sites astrophy-           le domaine des supernovae et du cisaillement
  siques extrêmes et de l’Univers primordial               gravitationnel (« weak shear ») grâce au pro-
  passe nécessairement par la mise en œuvre                gramme « Legacy Survey » du CFHT, à Hawaı̈
  de moyens observationnels inédits en astrono-            (CFHTLS, SNLS, SNFactory). Dans le domaine
  mie traditionnelle. Il s’agit ainsi de collecter          du fond diffus, elle a acquis une expérience
  autant d’information que possible à l’aide de            certaine grâce à l’expérience ballon Archéops,
  plusieurs messagers :                                     et joue un rôle important dans la mission spa-
                                                            tiale Planck, dont le lancement est prévu en
     – les photons, depuis les ondes radios jus-            2008, avec un rôle leader dans l’un des deux
  qu’aux gammas de haute énergie, qui permet-              instruments (HFI), qui devrait permettre des
  tent de remonter aux zones d’accélération de            progrès importants sur l’étude de la polarisa-
  particules, d’annihilation de matière noire non-         tion du fond cosmologique. Il est important de
  baryonique, au découplage matière-rayonne-              bien assurer le retour scientifique de la mission
  ment et à l’Univers primordial ;                         Planck, en particulier au sein de l’IN2P3.
      – les rayons cosmiques (protons et ions),                   En ce qui concerne l’astronomie à grand
  qui nous renseignent sur les phénomènes                 champ, la France est absente du projet améri-
  d’accélération, et sur la propagation interga-          cain SDSS (Sloan Digital Sky Survey), qui béné-
  lactique et galactique ;                                  ficie en ce moment d’un retour scientifique
      – les neutrinos, qui donnent des informa-             exceptionnel, en grande partie dû à la combi-
  tions sur les zones profondes d’objets opaques            naison entre photométrie à grand champ et
  aux photons ;                                             spectroscopie. Mais vue l’importance des
                                                            sujets de physique concernés par cette tech-
      – les ondes gravitationnelles, produites par          nique (cisaillement gravitationnel, supernovae,
  les mouvements de la matière (sources astro-             oscillations de baryons, mesures d’amas de
  physiques et cosmologiques, en particulier les            galaxies), la France (et l’Europe) doivent défi-
  trous noirs et les objets compacts) et par l’Uni-         nir une stratégie de participation à de futurs
  vers primordial.                                          projets d’astronomie grand champ, qui bénéfi-
        Soulignons que les neutrinos de haute               cieraient, à l’instar du SDSS, d’une association
  énergie et les ondes gravitationnelles sont des          avec un survey spectroscopique. En particulier
  domaines pionniers.                                       se posent les questions d’une participation au
                                                            projet LSST et du rôle de l’ESO. L’extension
                                                            dans le domaine infrarouge de ces surveys
                                                            (par exemple avec VISTA) permettrait de
                                                            caractériser des objets plus lointains, ce qui
                                                            est essentiel pour la recherche de supernovae
                                                            à z4 1.

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