L'immigration des familles dans les Laurentides - Érudit
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Document generated on 02/23/2022 12:04 p.m. Histoire Québec L’immigration des familles dans les Laurentides Pierrette Langlois-Thibault Volume 14, Number 3, 2009 URI: https://id.erudit.org/iderudit/11394ac See table of contents Publisher(s) Les Éditions Histoire Québec ISSN 1201-4710 (print) 1923-2101 (digital) Explore this journal Cite this article Langlois-Thibault, P. (2009). L’immigration des familles dans les Laurentides. Histoire Québec, 14(3), 29–33. Tous droits réservés © Les Éditions Histoire Québec, 2009 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
L'immigration des familles dans les Laurentides par Pierrette Langlois-Thibault, auteure et maître généalogiste agréée Née à Montréal mais devenue résidente de Laval-des-Rapides dès sa tendre enfance, Pierrette Langlois-Thibault a obtenu un baccalauréat en Éducation de l'Université Concordia à Montréal en 1980. En 1992, elle prend sa retraite de l'enseignement et consacre tout son temps à la généalogie pour laquelle elle a développé une passion depuis quelques années. Elle devient officiellement maître généalogiste agréée au printemps 2005. En 2004, elle a publié le Dictionnaire généalogique des Thibault d'Amérique en quatre tomes, plus de 2000 pages. Une seconde édition a suivi en 2006. Membre du comité fondateur de L'Association des Thibault d'Amérique en 1989, elle y œuvre depuis en tant qu'archiviste généalogiste. En 2000, elle lance le site internet de cette association et en est le webmestre depuis. Au cours des années, elle a prononcé quelques causeries lors de réunions générales annuelles de l'Association des Lambert d'Amérique inc. et de l'Association des Thibault d'Amérique, ainsi qu'à la Société de généalogie des Laurentides et au colloque de la Fédération québécoise des Sociétés de généalogie en 2007. Elle écrit aussi des textes pour les bulletins de l'association des Thibault et de la société de généalogie. Présentement, madame Langlois-Thibault est directrice de projet pour la publication d'un livre sur les Jérômiens à l'occasion du 175" anniversaire de la ville de Saint-Jérôme. Ce livre sera publié en 2009. Le surpeuplement des paroisses, D'où viennent ces familles? Jésus, en particulier de Saint- les mauvaises récoltes dues au François-de-Sales, Saint-Vincent- manque de rotation des cul- Les familles qui immigrent dans de-Paul et Sainte-Rose. Certaines tures, ce qui appauvrit le sol au les Laurentides viennent d'un reviennent des États-Unis car point que les rendements peu partout dans la province. Un l'expatriation leur semble diffi- deviennent médiocres, le départ grand nombre arrive de l'île cile à supporter et elles tiennent des jeunes vers les villes où l'in- dustrialisation se développe, l'absence de manufactures dans ÎLE JÉSUS (UVAL) la région ainsi que les crises éco- nomiques qui reviennent pério- ( 1 V 1 diquement, voilà autant des ÎLE JÉSUS f principaux facteurs de la déser- tion des campagnes. À ces raisons s'ajoute l'exode vers les États-Unis, commencé >^!LEDE / vers 1774, à l'époque de la guerre r MONTRÉAL g» de l'Indépendance américaine. Toutefois, le grand mouvement de migration se situe au milieu .^^ (L du xix1' siècle et va en s'amplifiant constamment. L'attrait de la Nouvelle-Angleterre s'explique .w\i par la facilité à obtenir du travail dans les usines de textile et de la chaussure. Carte représentant Vile Jésus, Jean-Marc Evenat. (Source : DAUPHINAIS, LUC et MARIEN, Daniel, île Jésus, Laval-des-Rapides, Des origines à 1945)
H I S T O I R E III l l l l l Quels sont leur destination et 1721. Cinq autres enfants vien- leur parcours? dront compléter cette famille. La destination de chaque famille Détail intéressant, les enfants du varie selon le moment de son premier mariage iront s'établir à départ. Au fur et à mesure que Saint-Ours, dans la vallée du les missions s'ouvrent, que les Richelieu, tandis que les enfants villages se développent, le choix des deux autres unions s'établi- devient plus vaste. Les seigneu- ront dans l'île Jésus et la région ries voient leur territoire aug- de Terrebonne. Cependant, quand menté, comme c'est le cas pour viendra le temps de s'établir, celles des Deux-Montagnes, des leurs descendants respectifs, Mille-Îles et de Terrebonne. confrontés aux difficultés ren- contrées par leurs aïeux, pren- Les parcours sont nombreux dront des directions diverses. puisque les pionniers partent Ceux de la vallée du Richelieu Maison de Guillaume Thibault, à d'endroits divers et se dirigent se dirigeront vers l'Ontario et les Château-Richer. (Source : La Presse) vers le nord de Montréal. Quel- États-Unis, tandis que ceux de ques exemples concrets répon- l'île Jésus partiront vers le nord, dront de façon assez précise à où se sont formés de nouveaux à revenir dans le pays qui les a villages dont Sainte-Thérèse, cette question, et même aux pré- vues naître. Surtout que la pro- Saint-Eustache, Saint-Benoît et cédentes. motion faite dans les journaux Saint-Augustin-des-Deux- stimule leur besoin de retrouver Montagnes. Commençons par l'histoire de le genre de vie auquel elles Nicolas Thibault. Sixième enfant étaient habituées avant leur de l'ancêtre Guillaume Thibault Voici maintenant l'histoire de départ, la majorité étant campa- et dernier fils à faire souche, il se deux frères, Etienne et Pierre gnarde plutôt que citadine. marie trois fois. D'une union Thibault, arrière-petits-fils d'un libre et de ses trois mariages naî- deuxième ancêtre nommé tront 26 enfants. Michel Thibault. Ils partent de Saint-Augustin-de-Desmaures, Nicolas s'établit d'abord dans près de Québec, et vont s'établir une maison voisine de celle de à Saint-Vincent-de-Paul de Laval. ses parents à Château-Richer, Leurs descendants se disperse- mais il déménagera à Charles- ront dans la région au nord de bourg avant la naissance des l'île Jésus, entre autre à Sainte- jumeaux, huitième et neuvième Thérèse, Saint-Benoît et Saint- enfants du premier mariage. Eustache. C'est à ce dernier Tous les enfants du deuxième lit endroit que naîtra la grand-mère naissent à Charlesbourg, tout du promoteur le plus connu des comme les cinq premiers du Laurentides, le curé Labelle. Elle troisième mariage. Le grand se nomme Josephte Thibault et départ de la région de Québec elle a épousé Paul Labelle le 14 s'effectuera en 1720 car sa fille, octobre 1788, à Saint-Eustache. Marie-Louise, née à Charles- bourg en janvier 1720 et décédée Coïncidence, l'ancêtre Michel Abbé Antoine François-Xavier Labelle, au même endroit en mai de la ayant vécu à Saint-Augustin-de- né le 24 novembre 1833 à Sainte-Rose, même année, est suivie par sa Desmaures, quelques-uns de ses uré dt cure de Saint-Jérôme de 1858 à 1891. sœur Catherine qui naîtra à descendants se retrouvent, un urce : Collection Rosario Gauthier) (Soura Saint-François-de-Sales de l'île siècle plus tard, à Saint- 1 Jésus un an plus tard, en mars Augustin-des-Deux-Montagnes.
\ n u un :: Comme dernier exemple, par- lons de l'ancêtre Pierre Thibault dit Léveillé. Il se marie à Montréal et ses enfants sont bap- tisés à Montréal, Rivière-des- Prairies, Pointe-aux-Trembles, Oka et Saint-François-de-Sales de l'île Jésus. Mais c'est au Sault- au-Récollet que Pierre décédera. Un arrière-petit-fils, Joseph, est le premier à se déplacer vers le nord en s'établissant à Sainte- Thérèse. Nombreux sont ses des- cendants qui s'établiront dans les Laurentides, surtout à Saint- Hippolyte, Sainte-Agathe, Saint- Donat et Sainte-Lucie. Les mouvements de population continuent et bientôt, au nord de Montréal, on voit s'ouvrir d'au- tres villages : Sainte-Scholas- tique, Saint-Lin, Sainte-Anne- Carte de la seigneurie des Basses-Laurentides, 1852, G. Marhews. des-Plaines, Sainte-Sophie, Saint- (Source : LAURIN, Serge, Histoire des Laurentides, p. 89) Janvier, Saint-Jérôme et autres. On se rapproche constamment de la Jonquière et l'intendant gneurie des Mille-Îles vers le des Laurentides. François Bigot cèdent au sei- nord, en 1750, favorisera donc le gneur Eustache Lambert- futur Saint-Jérôme car son terri- En somme, Laval sert en Dumont, troisième du nom dans toire fera partie intégrante de quelque sorte de plaque tour- cette famille, une partie de la l'agrandissement lorsque le village nante vers le Nord. Les descen- Seigneurie des Mille-Îles. Con- sera fondé. dants des pionniers qui ont sidérant que la Seigneurie du d'abord choisi l'île Jésus se Sieur Lambert-Dumont empiète Les premiers colons de Saint- retrouvent en très grand nombre sur leur territoire, les Messieurs Jérôme sont de Sainte-Anne-des- dans les Laurentides, sans de Saint-Sulpice n'apprécient Plaines et de Saint-Eustache, oublier tous ceux qui ont tran- pas la concession et une querelle deux paroisses devenues sur- sité par l'île Jésus pour venir s'en suit. L'intendant Bigot peuplées. Quelques-uns se cons- s'établir au nord de Montréal. tranche en octroyant au sieur truisent une cabane sur les Lambert-Dumont une partie de bords de la rivière du Nord et À quelle époque se déplacent la Seigneurie des Deux-Montagnes. commencent à défricher et à ces familles? semer. Étant fort éloignés de Le territoire des Mille-Îles se leur église, ils construisent une Le mouvement d'immigration trouve ainsi agrandi de façon petite chapelle au bord de cette au nord de Montréal débute dès significative vers le nord. Cepen- même rivière en 1818 et le curé le milieu du xviif siècle, alors dant, les terres acquises ne seront de Sainte-Anne viendra y célé- que sont concédées des seigneu- divisées et exploitées qu'en 1845 brer la messe de temps à autre. ries, dont celles des Mille-Îles et et elles engloberont la presque Mais ce territoire fait encore par- Deux-Montagnes, entre autres. totalité de Mirabel et de Saint- tie de Sainte-Anne-des-Plaines. En 1752, le gouverneur Marquis Jérôme. L'extension de la Sei-
n \nu:i!ii:i arbres! Faites reculer les forêts! » Mais, hélas, il surévalue les terres qui sont, en fait, peu pro- ductives. [Un siècle plus tard, Frédéric Bach, cinéaste d'anima- tion bien connu, affirmera avec justesse exactement le contraire. Son film L'Homme qui plantait des arbres prouvera, qu'à longue échéance, la coupe excessive d'arbres devient un fléau pour l'environnement.] Il est bon de signaler que le terri- toire de Saint-Jérôme était immense à cette époque. En 1852, le journaliste Arthur Buies écrit : « .. .à 5 ou 6 milles de l'église de Saint-Jérôme commence la forêt, une forêt épaisse, infinie, regardée comme inaccessible ». Ce territoire touche à la limite de l'agrandissement de la Seigneu- Première église de Saint-Jérôme érigée en 1834. La chapelle érigée par les rie des Mille-Îles vers le nord et pionniers était située plus au sud, au bord de la Rivière du Nord, sur le territoire englobe ce qui deviendra les enu Saint-Antoine par la suite. Il y a de très nombreuses années, cette cha- villages de Saint-Sauveur, a été détruite par un glissement de terrain. (Source : BOURBEAU, Jean-Pierre et Suzanne MARCOTTE, Saint-Jérôme, un air fier et hardi, Sainte-Adèle, Val-Morin, Val- Éditions Gid, 2007, Québec, p. 106) David, et autres. Officiellement, la paroisse de Montréal, dans le but d'amélio- Saint-Jérôme est fondée en 1834, rer le sort de ses ouailles, et il Où s'établissent les familles et mais elle progresse plutôt lente- organise une levée de fonds pourquoi avoir choisi les ment. Une première église est pour la construction d'une cha- Laurentides? construite en 1837, dans le parc pelle à la mission. situé en face de la cathédrale Pourquoi les Laurentides? Parce actuelle; le premier curé, l'abbé Et c'est en 1868 qu'un personnage que l'être humain est optimiste Etienne Blyth, ancien curé de imposant est nommé curé de de nature, rempli d'espoir et de Sainte-Anne-des-Plaines, est d'ori- Saint-Jérôme, le très connu rêves. Dans sa quête pour amé- gine irlandaise. Au premier recen- Antoine Labelle. Ce prêtre possède liorer son sort, il a tendance à sement de 1856, Saint-Jérôme de grandes qualités de ges- croire en ce qu'on lui propose. compte moins de 700 âmes. tionnaire puisqu'il est à la fois Une fois sur place, il essaie d'en commissaire industriel, assis- tirer le meilleur profit possible, En 1845, l'abbé Georges Amable tant du maire et il va jusqu'à même si les difficultés sont Thibault est le troisième curé à s'improviser promoteur. Il énormes. Dans la majorité des prendre charge de la paroisse et amène une quinzaine de petites cas, ce seront les petits-enfants devient aussi, dès 1846, le des- industries à Saint-Jérôme et par- qui pourront jouir des résultats servant de la Mission Sainte- court sans se lasser les immen- obtenus par les efforts, la Adèle. Très dévoué, il intervient ses territoires du Nord, bien au- fatigue, et les misères de leurs fréquemment auprès de Mon- delà de Sainte-Agathe. Il répète ancêtres. seigneur Bourget, évêque de à maintes reprises : « Abattez les
Commençons par expliquer ce lisation massive, revenu assuré que sont les Laurentides. En 1845, et la perspective de mettre fin à l'historien québécois François- l'angoisse qui tenaillait tant, un Xavier Garneau suggère le nom grand nombre d'entre eux. de Laurentides pour désigner le paysage accidenté s'étendant au Pour sa part, le curé Antoine nord de la plaine de Montréal. Labelle préconise le retour à la Géologiquement, cette région terre, contrairement au mouve- est située dans ce qu'on appelle ment de cette époque qui y est le « Bouclier canadien ». En diamétralement opposé. Sa per- d'autres mots, on peut dire que ception du problème semble tout repose sur le roc. Dans la avoir traumatisé les cultivateurs classification des sols, environ qui se demandaient comment 80 % du territoire est dans le trouver du travail pour nourrir groupe podzol. Ce type de sol a leur nombreuse famille. Cepen- la propriété de drainer assez dant, persuadé que c'est le rapidement; il est acide et impro- moyen de mettre fin à l'exode le Abbé Georges Amable Thibault, pre à la culture. Les périodes de curé se tourne vers la colonisa- 23 août 1819 à Sainte-Thérèse, troisième glaciation à travers les siècles tion et les grandes terres curé de Saint-Jérôme de 1845 à 1854. ont laissé un profil de mon- désertes du Nord. Son enthou- (Source : Collection Rosario Gauthier) tagnes arrondies et de vallées siasme est renforcé par l'idée peu profondes, le tout parsemé véhiculée par l'élite, voulant couronne du Québec. Il se rend de lacs, reliés les uns aux autres que la colonisation puisse sau- même deux fois en Europe pour par de multiples cours d'eau. En ver la religion et la race. faire de la promotion. C'est ainsi somme, peu d'espace pour les qu'entre autres, deux frères grandes cultures mais plutôt de Il multiplie donc les lettres au Thiébaud venus de Suisse se petites terres rocailleuses, pau- ministère de l'Agriculture et les montrent réceptifs à son appel et vres et acides, qui suffisent à voyages à Québec; il entreprend viennent s'établir l'un à Saint- peine à nourrir les premiers également l'exploration du terri- Hippolyte, l'autre à Sainte- habitants. toire en s'y rendant lui-même Lucie. avec ses assistants, dont Isidore À l'époque, les Canadiens sont Martin, Godfroy Laviolette, Dans un article subséquent, fascinés par les bons salaires Amable Dufour et plusieurs vous en apprendrez payés dans les usines, qui leur autres. Il écrit des articles dans davantage sur l'évolution des donnent une rémunération les journaux et participe à la Laurentides, maintenant immédiate pour leurs efforts. rédaction d'une brochure intitu- devenues une région Les nôtres se sont insérés dans le lée « Le Guide du colon », publiée hautement touristique. courant de l'histoire : industria- par le Département des terres de la Bibliographie BOURBEAU, Jean-Pierre et Suzanne MARCOTTE, Saint-Jérôme, un air fier et hardi, Éditions Gid, 2007, Québec, p. 106. DAUPHINAIS, LUC et Daniel MARIEN, iîe Jésus, Laval-des-Rapides, des origines à 1945, carte de l'île Jésus, Travail réalisé durant l'été 1981, dans le cadre du programme fédéral d'emplois d'été pour les étudiants. Cartographie et graphisme réalisés par Jean-Marc Evenat. GAUTHIER, Rosario, Album de Rosario Gauthier, photo Curé Labelle, s.l. s.d. 1990, p. 182. GAUTHIER, Rosario, Collection, photo Abbé Georges Amable Thibault. LAURIN, Serge, Histoire des Laurentides, Institut québécois de recherche sur la culture, Les seigneuries des Laurentides vers 1852, carte n° 4,1989. La Presse, dessin « Maison de l'ancêtre Guillaume Thibault à Château-Richer », Montréal, 1993.
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