L'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA en outre-mer
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Inspection générale Inspection générale des affaires sociales de l’administration RM2014-090R N° 14-122/14-077/01 L'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA en outre-mer SYNTHESE Établie par Michel PELTIER Anne-Claire AMPROU Membres de l’Inspection générale des affaires sociales Marianne BONDAZ Membre de l’Inspection générale de l’administration - Décembre 2014 -
2 IGAS, RAPPORT N°RM2014-090R / IGA N°14-122/14-077/01
IGAS, RAPPORT N°RM2014-090R / IGA N°14-122/14-077/01 3 SYNTHESE [1] L’insertion professionnelle des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) outre-mer constitue un enjeu majeur en termes de cohésion sociale et de dignité humaine. Il s’inscrit dans un contexte économique et social propre à l’outre-mer qui invite à dépasser les cadres habituels pour tenir compte de ces spécificités. 1 - Les départements d’outre-mer se situent dans un contexte propre à l’outre-mer mais présentant des spécificités selon chaque territoire Des spécificités socio-économiques susceptibles de compromettre la cohésion sociale [2] Les niveaux de chômage sont nettement plus élevés outre-mer avec comme corollaire un nombre important de bénéficiaires du RSA : le nombre de bénéficiaires du RSA pour 1000 habitants de 25 à 64 ans y est plus de trois fois supérieur à la moyenne métropolitaine. Ces territoires sont en outre confrontés à de graves difficultés d’insertion professionnelle des jeunes dont le taux de chômage dépasse 50%, soit le double de la métropole. [3] De surcroît, ces territoires sont caractérisés par une société inégalitaire et une grande pauvreté. [4] Les perspectives démographiques sont en revanche très différentes entre, d’une part, la Martinique et la Guadeloupe qui ont une population vieillissante et, d’autre part, la Réunion, la Guyane et Mayotte dont la population active augmente de façon très importante. [5] En outre, si les départements et régions d’outre-mer (DROM) ont tous un retard important en termes de qualification de la population active, le retard en matière d’illettrisme concerne moins la Martinique mais de façon encore plus massive la Guyane et Mayotte. Un contexte économique et institutionnel peu favorable [6] Les économies ultra-marines sont tributaires d’un marché étroit et d’une économie basée sur la consommation. Elles sont peu susceptibles de créer à court et moyen terme les emplois nécessaires, même si des filières d’avenir existent. [7] Le contexte institutionnel ne facilite pas non plus l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Les collectivités territoriales outre-mer sont fragiles, du fait d’un faible taux d’encadrement et du poids relativement élevé de leurs charges en personnel, dû notamment à l’histoire des recrutements et au mécanisme de sur-rémunération. Il n’existe pas de stratégie collective affichée en matière d’emploi, réunissant l’ensemble des acteurs d’une même région d’outre-mer. Les élus des deux assemblées souhaitant mettre en évidence leur action propre, le fait que le conseil général et le conseil régional agissent sur un même territoire ne se révèle pas favorable à une mise en cohérence des actions. [8] Le monde économique y est peu structuré, notamment du fait de la prépondérance des TPE- PME. En dehors de la Martinique qui dispose d’organisations professionnelles représentatives plus présentes, le lien entre collectivités et monde économique reste peu organisé. [9] La gouvernance outre-mer est donc éclatée et peu solidaire. Seul l’Etat est admis comme arbitre mais il n’est pas toujours en mesure d’imposer aux acteurs de travailler ensemble.
4 IGAS, RAPPORT N°RM2014-090R / IGA N°14-122/14-077/01 2 - La politique d’insertion professionnelle outre-mer présente d’importantes marges de progression Une gestion des dispositifs d’insertion qui doit progresser [10] La gestion du RSA a été étendue outre-mer en 2011 (de façon progressive à partir de 2012 à Mayotte). Une part significative de personnes bénéficie de l’allocation sans être orientée vers l’accompagnement adéquat (professionnel ou social). De ce fait, le concept de droits et devoirs inhérent au RSA est imparfaitement mis en œuvre. [11] Par ailleurs, à la Réunion, les services des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE) et de Pôle emploi sont insuffisamment dotés en effectifs au regard de la situation sociale de l’île. En Guadeloupe et en Guyane, les missions locales sont particulièrement fragiles. [12] A l’exception de la Martinique, le secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE) est insuffisamment développé. L’IAE et le service militaire adapté, plébiscité par tous les interlocuteurs, apparaissent pourtant comme particulièrement adaptés aux nombreuses personnes ayant des difficultés de savoir-être qui entravent leur accès à tout dispositif d’insertion. Un bilan des contrats aidés en demi-teinte [13] Si les emplois aidés ne peuvent pas remplacer la création d’emplois durables, leur nombre, notamment dans le secteur non marchand, contribue à limiter le chômage. Les contrats aidés constituent en outre une porte d’entrée dans l’emploi, particulièrement utile outre-mer pour les bénéficiaires du RSA, même si l’accès à un emploi à la fin du contrat aidé y est plus aléatoire compte tenu de l’étroitesse du marché de l’emploi. [14] Les dotations d’emplois aidés sont très favorables outre-mer, particulièrement à la Réunion. Les DROM peinent à les consommer, notamment pour ce qui concerne les contrats aidés du secteur marchand, qui pourtant pèsent relativement peu dans les dotations de la Guyane et de la Réunion. [15] Les collectivités territoriales recourent largement aux contrats aidés, notamment à la Réunion, à Mayotte et en Guyane. La Réunion se singularise par une forte maîtrise des élus locaux sur le recrutement des emplois aidés, selon un schéma largement historique, facilité par la faible part des personnels titulaires dans les collectivités. Le nombre de contrats étant insuffisant pour servir tous les demandeurs, les maires ont longtemps privilégié les contrats de courte durée, afin d’aider un maximum de personnes, selon une gestion de la file d’attente qui leur est propre. Ce système apparaît maintenant à bout de souffle avec une image dégradée des contrats aidés. Une évolution positive vers une plus grande distanciation de certains élus se fait jour. Dans certaines communes, elle se manifeste par la délégation à Pôle emploi de la recherche de candidats, sur la base du fichier des personnes inscrites à Pôle emploi et du type d’emploi à pourvoir. [16] La part de contrats aidés concernant les bénéficiaires du RSA est plutôt plus importante outre-mer que dans les départements métropolitains test, sauf en Guyane. Les conseils généraux participent au financement des contrats aidés des allocataires du RSA socle dans le cadre de conventions annuelles d’objectifs et de moyens dont l’ensemble des DOM dispose (sauf Mayotte en 2014). La délégation de prescription de ces contrats aidés à Pôle emploi ne concerne en revanche que la Réunion. De ce fait, aux Antilles et en Guyane, l’accès aux contrats aidés est paradoxalement plus compliqué pour les bénéficiaires du RSA que pour les autres publics. [17] La capacité d’absorption de nouveaux contrats aidés est maintenant limitée. Les collectivités territoriales comme les associations ne peuvent pas financer davantage d’emplois, même pour la seule part résiduelle à leur charge (de l’ordre de 3 000 € par contrat et par an, sans compter l’encadrement et la formation).
IGAS, RAPPORT N°RM2014-090R / IGA N°14-122/14-077/01 5 [18] Du fait notamment de la difficulté à remplir l’objectif quantitatif en termes de contrats aidés, les exigences en matière de formation sont souvent dégradées. La condition d’accompagnement professionnel et de formation est peu vérifiée, même si elle semble mieux évaluée pour les emplois d’avenir. [19] Les aides publiques ne permettent pas de financer les formations à la hauteur des besoins et les programmes régionaux de formation ne suffisent pas à répondre aux immenses besoins. 3 - L’insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA suppose des orientations claires et partagées ainsi qu’une adaptation des dispositifs outre-mer Inscrire l’insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA dans une stratégie partagée [20] Face au chômage et au risque pour la cohésion sociale, une réponse solidaire de tous les acteurs institutionnels s’impose. Un plan d’action doit être construit à partir d’une stratégie partagée visant à concilier deux objectifs : l’un immédiat permettant la mise en activité du plus grand nombre, l’autre intégrant une vision prospective pour aider au développement de certaines activités d’avenir pour le territoire et des formations qui y préparent. Cette stratégie doit permettre de lever les freins à l’insertion professionnelle [21] Au-delà du manque d’activité économique, les freins sont liés à une gestion insuffisamment maîtrisée du RSA. L’orientation des bénéficiaires du RSA doit être accélérée, ce qui peut passer par un recours accru aux services des caisses d’allocations familiales (CAF). L’inscription des bénéficiaires du RSA comme demandeurs d’emploi doit être une exigence plus systématique. Une politique de contrôle et de sanction plus efficace doit être mise en place, rétablissant les bénéficiaires du RSA dans un parcours contractualisé. Comme en métropole, le RSA activité doit être mieux expliqué pour faciliter la reprise d’activité, même saisonnière ou partielle. [22] Les problèmes de mobilité, particulièrement au sein de chaque territoire, constituent un point de blocage majeur à l’insertion professionnelle outre-mer. La difficulté et le coût des déplacements contribuent à décourager d’entreprendre une formation ou de répondre à une offre de travail éloignée du domicile. Les enjeux de développement durable et d’insertion des habitants doivent conduire à des solutions innovantes et coordonnées de mutualisation des transports. Améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi [23] Les demandeurs d’emploi doivent disposer du même accompagnement qu’en métropole. A la Réunion, une augmentation des effectifs de la DIECCTE et de Pôle emploi est nécessaire. La garantie jeune est à étendre outre-mer. Toutefois en Guyane, un dispositif spécifique doit être mis en place, la mission locale étant trop en difficulté pour porter efficacement dès à présent cette mesure. [24] Le dispositif local de formation doit être rendu plus performant selon les axes suivants : étudier un mode de financement mutualisé de la formation pour les emplois aidés en collectivité territoriale, via le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ; développer l’apprentissage grâce à un soutien des employeurs potentiels, souvent des petites entreprises, et une meilleure performance de la chaîne de gestion des aides ; étudier l’option d’un guichet unique formation, versant indemnités de stage et indemnités de déplacement, comme Pôle emploi sait le faire pour les bénéficiaires d’indemnisation chômage ; développer l’emploi marchand et le secteur de l’insertion par l’activité économique.
6 IGAS, RAPPORT N°RM2014-090R / IGA N°14-122/14-077/01 [25] Le développement de l’emploi marchand doit demeurer un objectif essentiel ce qui suppose notamment de remplacer le contrat aidé marchand spécifique aux DOM (CAE-DOM), devenu moins avantageux, par son équivalent métropolitain (CUI-CIE). [26] Le secteur de l’insertion par l’activité économique doit être développé grâce à un accompagnement spécifique à l’outre-mer. Il s’agit d’un levier majeur de développement des savoirs de base sans lesquels l’insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA, voire leur dignité, ne peut être garantie. Faire de Pôle emploi le pivot des recrutements en contrats aidés [27] Pour assurer une meilleure utilisation des contrats aidés au profit des bénéficiaires du RSA, la mission propose que les conseils généraux délèguent à Pôle emploi leur pouvoir de prescription. La mission propose également d’arrêter toute délégation de fait aux communes du pouvoir de prescrire des contrats aidés. Elle invite à mettre en place une politique de contrôle adaptée pour déceler d’éventuels abus (contrat aidé sans réalité ou sans accompagnement professionnel). Donner davantage de souplesse aux préfets en matière d’emploi [28] La mission suggère que les préfets puissent disposer de davantage de souplesse dans la gestion des crédits emploi pour pouvoir adapter les actions au territoire. Cette souplesse doit aussi tenir compte des réalités démographiques de la Guyane et de Mayotte qui appellent des solutions spécifiques, pas forcément applicables dans les autres DROM, et des moyens forcément croissants. Expérimenter à la Réunion un dispositif particulier de contrats aidés [29] La revendication d’un recours accru aux contrats aidés ne concerne que la Réunion. Elle conduit à envisager autrement ces contrats en ne les orientant pas uniquement vers l’emploi durable mais aussi vers l’utilité sociale. La demande porte à la fois sur le nombre et le taux de prise en charge par l’Etat des contrats aidés, dont l’ensemble des coûts devrait être couvert, y compris le résiduel pour l’employeur. Trois orientations clé sont à considérer : envoyer un signal fort de sortie d’une gestion des contrats aidés dont l’image est dégradée à la Réunion ; mutualiser la fonction de formation ainsi que celle de rapprochement de l’offre et de la demande d’emploi ; faire converger des fonds de l’Etat et des collectivités territoriales consacrés à l’insertion. [30] Compte tenu du besoin de rattrapage de la société réunionnaise et de la capacité des acteurs à porter des projets innovants en termes de cohésion sociale, la mise en place d’un dispositif expérimental et propre à la Réunion peut se justifier. Reste à en déterminer les paramètres précis, le coût et les éventuelles pistes de financement. Une telle opération ne doit en effet pas conduire l’Etat à financer davantage pour un nombre de contrats aidés inchangé. Le contrat aidé à coût nul pour l’employeur ne doit donc concerner que de nouveaux emplois ou de nouvelles activités. Plusieurs options ont été chiffrées par la mission dont le coût annuel au bout de trois ans va de 35 à 80 M€. Un cofinancement du conseil général pourrait être sollicité mais ne couvrirait qu’une faible part de ce coût. En toute hypothèse, cet effort massif de l’Etat ne pourrait être envisagé sans un certain nombre de pré-requis relatifs à la transparence de l’attribution des contrats aidés et à leur qualité.
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