L'observateur de l' immobilier du crédit foncier
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l’observateur de l’ immobilier du crédit foncier n° 81 la caPacité d’acHat immobilier les commerces en france le marcHé résidentiel en esPaGne Crédit Foncier - Système graphique Tons directs/Direct colors A 0312 0003 0801 Fond Mastic PMS 485C - Black fond blanc - fer à droite
Multipliez les points de vue pour voir la situation sous le meilleur angle CONSEIL - EXPERTISE - COMMERCIALISATION : 06 98 32 44 24 / Crédits photos : Fotolia / iStockphoto / Thinkstock - Crédit Foncier Immobilier - SA au capital de 211 605,07 € - RCS Paris 405 244 492 - Siège social : 19, rue des Capucines - 75001 Paris Au contact de nos clients - investisseurs, propriétaires privés et institutionnels, promoteurs et utilisateurs -, nous avons appris à envisager les questions qui nous sont posées sous tous les angles. Et nous avons forgé cette conviction que nos métiers impliquent une approche sur-mesure et exigent la plus grande proximité. C’est pourquoi nos 250 collaborateurs ont l'ambition de conduire leurs missions de conseil, d'expertise et de commercialisation, avec le souci de confronter les points de vue pour réussir au plus près des objectifs de chacun. 15 implantations, autant de marques d'attention Regulated by www.creditfoncierimmobilier.fr - 24, rue des Capucines - 75002 PARIS - Tél : 01 57 44 58 00
3 éditorial A u moment où commence Les prévisions de Crédit Foncier Immobilier sont celles cette nouvelle année, nous d’un volume d’investissement de 12 milliards d’euros en présentons nos vœux les immobilier d’entreprise ; en immobilier résidentiel, nous meilleurs pour 2012 à tous nos lec- tablons, dans le neuf, sur la vente de 140 000 maisons teurs et abonnés. individuelles, de plus de 90 000 logements collectifs, sur L’année 2012 s’annonce difficile pour le monde de l’im- un total annuel de près de 700 000 opérations dans l’an- mobilier, dans un contexte économique et social dégradé, cien (et ce, bien sûr, hors hypothèse d’un sinistre majeur avec une croissance faible, un chômage en augmentation comme le défaut d’un État souverain en Europe). et une politique d’octroi de crédits plus restrictive de la Les perspectives économiques pour 2012 sont illustrées part des banques. par un article d’Éric Buffandeau, économiste à la BPCE. Les volumes de transactions seront donc logiquement en Par ailleurs, nous avons demandé à Kevin Beaubrun-Diant retrait par rapport à ceux de l’année 2011, année atypique de tirer le bilan d’une année d’expérience du baromètre à plus d’un titre. En effet, à un premier semestre dyna- mis en place sur l’analyse de la capacité de pouvoir d’achat mique a succédé un troisième trimestre plus hésitant du des ménages dans l’immobilier ancien. fait de la crise des dettes souveraines de l’été. Puis, une Poursuivant l’examen des marchés du logement dans les fin d’année particulièrement active en logement – en rai- principaux pays européens, Tinsa a bien voulu nous livrer son des effets d’aubaine – a fait de 2011 une heureuse sur- son analyse la plus récente de la conjoncture difficile que prise par rapport à une année 2012 où le PTZ ne concer- connaît l’immobilier résidentiel en Espagne. nera plus l’ancien et où les plus-values hors résidences Enfin, l’un des segments parmi les plus résistants de notre principales seront davantage taxées. marché national étant l’immobilier de commerces, nous En immobilier tertiaire, également, un volume d’inves- vous invitons à partager la dernière étude des équipes de tissement important en grandes transactions fin 2011 a Crédit Foncier Immobilier sur les nouveaux défis et les reflété le caractère refuge de l’immobilier prime ou bien nouveaux enjeux de ce secteur d’activité. situé (il s’agit peut-être, là encore, d’un effet d’aubaine lié à la fin du dispositif fiscal de l’article 210 E du Code général des impôts). Il n’en reste pas moins que, même en retrait par rapport à 2011, les perspectives d’activité en France pour 2012 Gérard Rul restent sur des volumes significatifs. Directeur de Crédit Foncier Études
4 contributeurs Kevin E. Beaubrun-Diant Éric Buffandeau Emmanuel Ducasse Maître de Conférences, Directeur adjoint à la direction Crédit Foncier Études. co-Responsable de la Chaire études, veille et prospective Dans son article, il présente « Ville et Immobilier », du pôle stratégie BPCE. les enseignements de son étude Université Paris-Dauphine. Dans son article, il nous livre son sur le marché des commerces Il nous fait part de sa synthèse étude actualisée sur les prévisions en France. du baromètre CapAcIm économiques. en Île-de-France et en province. Tinsa Tinsa est, dans le domaine de l’expertise, de l’analyse et de l’assistance immobilière, une entreprise multinationale leader tant par la quantité (plus de 2 millions d’expertises) que par la qualité des services fournis. Créée en Espagne en 1985, elle est aujourd’hui propriété d’Advent International. Raúl García García, directeur commercial et marketing de Tinsa, nous fait partager le point de vue de la société sur le marché résidentiel espagnol. l’observateur de l’immobilier du crédit foncier – nº 81
L’OBsErvATEur DE L’ImmOBILIEr rEvuE Du CrÉDIT FONCIEr Crédit Foncier Immobilier 19, rue des Capucines – Paris 1er sommaire n° 81 Adresse postale : 4, quai de Bercy 94 224 Charenton Cedex Téléphone : 01 57 44 80 00 Télécopie : 01 57 44 86 85 Directeur de la publication : stéphane Imowicz Rédacteur en chef : Gérard rul Comité de rédaction : Laurent Batsch, mirella Blanchard, Éric Buffandeau, Denis Burckel, ACTUALITÉS François Cusin, Didier Dorgeret, Paul Dudouit, michel mouillart, Gérard rul, Christophe salmon, 1 Prévisions 2012-2013 : Arnaud simon. récession temporaire ou dérive déflationniste ? .. . . . . . . . . . . . . . 8 Ont participé à ce numéro : Kevin E. Beaubrun-Diant, Éric Buffandeau, 2 La capacité d’achat en matière immobilière : Emmanuel Ducasse, la société Tinsa. entre dégradation sensible et hétérogénéité croissante . . . . 26 Abonnements : sylvie Buisson : 01 57 44 86 61 mail : sylvie.buisson-guihard@creditfoncierimmobilier.fr Changement d’adresse : prière de joindre la dernière étiquette-adresse en nous précisant votre nouvelle adresse. ÉTUDES Prix abonnement (4 numéros) France et uE : 66,00 e 3 Le marché des commerces en France : Autres pays : 77,00 e nouveaux défis et nouveaux enjeux ..................... . . . . . . . . . . 38 Crédit Foncier de France – s. A. au capital de 2 403 917 964,50 € – 542 029 848 rCs Paris. Maquette et réalisation : Crédits photo : Photononstop INTERNATIONAL Impression : stipa 4 Situation du marché résidentiel en Espagne ........ . . . . . . . . . . 50 Dans le souci du respect de l’environnement, le présent document est réalisé par un imprimeur Imprim’vert®, avec des encres bio à base d’huile végétale sur un papier certifié FsC® fabriqué à partir de fibres issues de forêts gérées de façon responsable. N° de commission paritaire : 2 026 AD – IssN 0767-6794. Dépôt légal : janvier 2012.
l’observateur de l’immobilier du crédit foncier – Nº 81
7 actualités n° 81 PRÉVISIONS 2012-2013 : RÉCESSION TEMPORAIRE OU DÉRIVE DÉFLATIONNISTE ? Par Éric Buffandeau, directeur adjoint, direction des Études, Veille et Prospective, pôle stratégie – BPCE. Achevé de rédiger le 13 décembre 2011. LA CAPACITÉ D’ACHAT EN MATIÈRE IMMOBILIÈRE : ENTRE DÉGRADATION SENSIBLE ET HÉTÉROGÉNÉITÉ CROISSANTE Par Kevin E. Beaubrun-Diant, Maître de Conférences, co-Responsable de la Chaire « Ville et Immobilier », Université Paris-Dauphine.
8 1 Prévisions 2012-2013 : récession temPoraire ou dérive déflationniste ? Par éric buffandeau, directeur adjoint, direction des études, veille et Prospective, pôle stratégie – bPce. achevé de rédiger le 13 décembre 2011. 1.1/ PrinciPales conclusions qui menace l’équilibre social et politique de chaque pays. Cependant, tout débouclage brutal et désordonné des excès bilanciels induirait l’émergence d’un véritable mécanisme L e risque systémique d’implosion de la zone euro de contraction des crédits (credit crunch), des faillites ban- n’a toujours pas disparu, en dépit des accords du caires en chaîne et, probablement à la fin, un processus de sixième sommet européen de décembre, visant dévaluations compétitives, en cas d’éclatement de la zone à renforcer la discipline budgétaire en Europe (nouveau euro. L’enjeu majeur est celui de prévenir la déflation. C’est pacte budgétaire). Le recul récent de l’euro le suggère. un mécanisme auto-entretenu et pernicieux de destruction Les menaces de dégradation des agences de notation l’at- contagieuse de richesse, dont il est historiquement coûteux, tisent. La contagion sur la viabilité des dettes souveraines long et difficile de sortir. Aucun pays n’y a intérêt, ni l’Eu- européennes, via la flambée des primes de risque sur les rope, ni l’Allemagne, ni la France, ni les États-unis ou la emprunts d’État, s’est désormais dangereusement propa- Chine, du fait de la complexité mondiale des relations éco- gée aux grands pays comme l’Espagne et l’Italie, voire à la nomiques et financières. France. Elle interagit avec une crise importante d’accès à la liquidité et de besoins de recapitalisation des banques euro- Face aux atermoiements persistants des responsables poli- péennes, dans la mesure où ces dernières portent l’essentiel tiques européens, la monétisation explicite de la dette de l’endettement public et doivent répondre par anticipa- publique par la BCE, à l’instar des banques centrales améri- tion à la réglementation contraignante de désintermédiation caine et anglaise, est devenue une solution d’extrême urgence, implicite de Bâle 3. Face à l’impossibilité de dévaluer avec la pour sauver la monnaie unique, en cassant définitivement monnaie unique, elle conduit la plupart des gouvernements la spéculation. Théoriquement, cette action de « prêteur en à une restauration impérieuse de la situation de leur finance dernier ressort » doit être temporaire et exceptionnelle, pour publique et, pour les pays périphériques du sud en déficit préserver la stabilité monétaire et pour éviter de donner prise structurel de compétitivité, à des politiques de déflation au problème de l’aléa moral. La BCE ne peut donc l’exer- interne par les prix et les salaires. Elle introduit en retour cer davantage qu’à des conditions drastiques de modification un cercle vicieux de contraction générale de la demande, profonde de la gouvernance européenne, d’instauration d’une l’observateur de l’immobilier du crédit foncier – nº 81
actualités 9 stricte discipline budgétaire à tous les États membres et d’in- temporaire en Europe et en France, qui est déjà engagée tégration budgétaire et fiscale plus poussée. Cela implique au quatrième trimestre 2011, ne pourra vraisemblablement un recul implicite de la souveraineté de chaque pays et une pas être conjurée en 2012, du fait de l’ancrage d’un climat véritable relance du projet européen. Des efforts importants délétère de défiance, des plans cumulés de redressement ont néanmoins déjà été déployés dans tous ces domaines, budgétaire dans l’ensemble de l’union et d’un report tran- mais leur mise en œuvre demande du temps, ce qui est diffi- sitoire des projets d’investissement et de dépenses. Cepen- cilement soutenable pour des marchés financiers en quête de dant, le processus de correction nécessaire des bilans pri- solutions rapides et définitives. Par ailleurs, les problèmes vés et publics s’inscrirait sur la durée, pour ne pas trop de gouvernance politique aux États-unis sur les objectifs de peser sur l’activité et pour être accepté socialement par les consolidation budgétaire accentuent l’inquiétude. populations. De plus, face à la décélération de l’inflation, la capacité de résilience des États-unis, par l’investissement, Les évènements récents rendent donc plus délicat l’exercice et des pays émergents, par les marges de manœuvre de leur de prévisions à court et à moyen termes tant les scénarios politique monétaire, demeure intacte, en l’absence d’une possibles sont multiples, car ils dépendent de décisions récession trop profonde en Europe. Les excès de stocks et avant tout politiques. À défaut de subir une dérive défla- de dépenses en capital de l’ensemble des agents privés ont tionniste, le scénario tendanciel de la raison géopolitique et été en grande partie résorbés. Les bilans des entreprises ont économique impose le maintien de l’intégrité européenne. été restaurés. La liquidité mondiale est abondante. Il donne un rôle clé à la BCE, au FmI et à la capacité du couple franco-allemand de trouver un consensus crédible, à Les politiques monétaires vont demeurer durablement la fois sur le changement inévitable de la gouvernance euro- ultra-accommodantes de part et d’autre de l’Atlantique, péenne et sur la mise en œuvre rapide de moyens suffisants pour accompagner les restrictions budgétaires. Face au pour briser complètement la spéculation. À court terme, la risque de déflation, la BCE réduirait encore son principal BCE, soit directement, soit par le biais du FmI et du Fonds taux directeur, probablement vers 0,5 % d’ici à mars 2012, européen de stabilité financière (FEsF), transformé en 2012 pour le laisser inchangé à ce niveau au moins jusqu’au en mécanisme européen de stabilité, devrait être plus active deuxième semestre 2013. Elle utiliserait aussi davantage sur le marché de la dette publique des pays européens fra- la souplesse des mesures non standard pour garantir tem- giles, en attendant qu’une réforme des traités soit acceptée porairement l’approvisionnement en liquidités du système et mise en place. La gestion technique du FEsF par la BCE, financier, empêchant alors l’émergence d’un credit crunch. l’apport illimité aux banques européennes en liquidités quasi Dans ce contexte, l’euro tendrait à se déprécier, soute- gratuites par la politique monétaire non conventionnelle et nant ainsi les exportations européennes. Les taux longs l’action concertée de six grandes banques centrales pour de bonne signature se sont effondrés à des niveaux anor- faciliter les échanges de devises entre elles, à un moindre malement bas, du fait de l’aversion au risque extrême de coût, sont d’ores et déjà des signaux très favorables envoyés déflation et d’un attrait démesuré pour les valeurs refuges. aux opérateurs des marchés financiers. Ils devraient se retendre progressivement, une fois passée la période de « stress excessif », pour évoluer plus en phase L’économie mondiale s’est nettement détériorée depuis sep- avec la croissance nominale. L’OAT 10 ans, qui atteindrait tembre, hormis aux États-unis, où la conjoncture a parado- en moyenne annuelle 3,4 % en 2012 et 3,6 % en 2013, verrait xalement rebondi au second semestre 2011, en lien avec le sa prime de risque se réduire avec l’Allemagne. Cette der- recul du prix des matières premières et la redynamisation nière pourrait revenir vers 40 points de base (pb) fin 2012. des chaînes d’approvisionnement automobile. une récession Le PIB français serait ainsi légèrement négatif l’année pro-
10 PRÉVISIONS 2012–2013 chaine (– 0,1 % en 2012, contre 1,6 % en 2011), avant de se probablement transitoire du second semestre 2011. Dans le reprendre modérément vers 1,1 % en 2013, dans un climat pire des scénarios, tout débouclage brutal et désordonné des de net ralentissement de l’inflation (en moyenne annuelle, excès bilanciels publics pourrait en effet conduire à l’émer- 1,6 % en 2012 et en 2013, contre 2,1 % en 2011) et d’augmen- gence d’un véritable mécanisme de contraction des crédits tation du chômage (9,8 % en 2012-2013). Les ressorts clas- (credit crunch), à des faillites bancaires en chaîne et, finale- siques et non négligeables de l’investissement, à ce stade ment, à un processus destructeur de dévaluations compéti- naissant du cycle, joueront un rôle prépondérant dans la tives, avec un impact récessif inévitablement mondial. Face à résilience de l’activité. l’intensification récente des effets de domino (1) en Italie, voire en France, la monétisation de la dette publique par la BCE, à l’instar des banques centrales américaine et anglaise, est devenue une solution d’extrême urgence, pour sauver la mon- 1.2 / la Persistance du risQue naie unique. Elle est a priori interdite par le traité de maas- sYstémiQue de déflation tricht. La marge de manœuvre considérable offerte par cette option serait susceptible de casser définitivement la spécula- tion et la contagion de la crise souveraine. Ces deux phéno- L’EUROPE ET LA BCE, ÉPICENTRE DES CRAINTES mènes se nourrissent de la flambée des spreads de taux d’in- ET DES INTERROGATIONS térêt (écarts avec le rendement obligataire le moins risqué, à Le risque systémique d’implosion de la zone euro, épicentre savoir le bund allemand) sur les pays les plus fragiles, qu’ils de la crise sur la viabilité des dettes souveraines, n’est tou- soient solvables (2) ou non. Ce processus est dangereusement jours pas écarté au début de décembre. Il est revenu au centre circulaire et s’autoalimente, surtout en période de marasme des interrogations sur les perspectives de croissance mon- économique, en transformant parfois un simple problème de diale, depuis que la crainte estivale de rechute en récession liquidités en véritable problème d’insolvabilité. La hausse de des États-unis s’est estompée, avec le rebond conjoncturel et probabilité d’un défaut souverain entraîne un renchérisse- (1) Ces effets de domino trouvent plusieurs explications conjointes. D’abord, la mise à contribution effective du secteur privé dans la résolution de la crise grecque, par l’absorption d’une perte potentielle de 21 %, puis récemment de 50 % des prêts accordés, a inévitablement joué un rôle de déclencheur, en faisant perdre aux obligations souveraines leur statut de placement sans risque. Elle a notamment révélé les faiblesses systémiques des banques européennes, en cas de contagion des défauts à l’Italie et à l’Espagne, voire à la France (remise en cause du triple A par les agences de notation). Les établissements de crédit ont d’ailleurs commencé à se délester d’une partie des dettes publiques des pays fragiles, pour deux raisons : d’une part, l’obligation par la réglementation de comptabiliser dans leur bilan la dette publique en valeur de marché, avec de fortes moins-values ; d’autre part, la constatation que les credits defaut swap (CDs) n’ont pas joué le rôle qui leur était dévolu de couverture contre le risque de perte en capital, dans le cas de la Grèce. Ensuite, les décisions prises le 21 juillet (nécessité d’une ratification par les parlements nationaux), puis le 26 octobre dernier par les chefs d’État et de gouvernement de l’union européenne ont été trop longues à être exécutées. En l’absence d’intervention massive de la BCE, les moyens utilisés pour casser la spéculation, notamment par le biais du Fonds européen de stabilité financière (FEsF), sont vite apparus insuffisants, à mesure que les écarts (spreads) de taux d’intérêt s’élargissaient. Juste après l’accord du 26 octobre dernier, l’épisode du référendum grec, certes rapidement abandonné, a redonné corps à l’hypothèse d’une sortie désordonnée d’un ou de plusieurs pays de la zone euro, face aux risques d’acceptation sociale du renforcement interne de l’austérité budgétaire dans chaque nation. Enfin, cette contagion s’explique surtout par l’incapacité des États membres de répondre très rapidement aux exigences d’orthodoxie financière, de gouvernance politique, de coordination économique, de surveillance mutuelle stricte et de solidarité budgétaire (« règle » budgétaire préalable, puis eurobonds) que les opérateurs de marchés financiers chercheraient à leur imposer. Cette exigence d’intégration budgétaire, politique et fiscale apparaît en effet nécessaire pour contrebalancer le handicap structurel de la construction inachevée d’une zone monétaire, qui n’était pas « optimale » dès sa conception, du fait de l’absence de mobilité des facteurs de production et des divergences structurelles de croissance potentielle, d’endettement public et de compétitivité des différents pays entre eux. (2) Paradoxalement, l’Italie a déjà démontré dans la période récente sa capacité à assainir drastiquement ses finances publiques, pour répondre aux critères de maastricht en matière de déficit public et d’inflation. Elle a en effet été le seul pays à intégrer la zone euro en 1999 avec un solde public positif hors charge d’intérêt. Ce solde, dit « primaire », est passé d’un déficit de 1,4 % du PIB en 1990 à un large excédent de presque 5 % du PIB en 1999. Dans les années 2000, ce solde primaire n’a jamais été déficitaire, en dépit du relâchement budgétaire du gouvernement Berlusconi en 2001. Ce dernier a d’ailleurs été rapidement corrigé par des mesures de consolidation en 2006-2007. C’est la raison pour laquelle la dette publique s’est nettement réduite à partir de 1995, jusqu’à l’éclatement de la crise financière des subprimes. L’Italie ne ressemble donc pas à la Grèce. Cependant, l’inquiétude sur la solvabilité budgétaire de l’Italie porte surtout sur son endettement public massif, à 120 % du PIB. Cette dette gigantesque n’est évidemment maîtrisable que si les perspectives de croissance s’améliorent et que si les taux d’intérêt restent relativement bas. l’observateur de l’immobilier du crédit foncier – nº 81
ACTUALITÉS 11 cipline budgétaire à tous les États membres et d’intégration budgétaire plus poussée. Théoriquement, toute action de ce type, ici le rachat quasi illimité d’obligations d’État (le simple fait de l’annoncer brise a priori toute spéculation, en redonnant à tous les créanciers l’assurance d’être rembour- sés), doit être temporaire et exceptionnelle par son enjeu (le sauvetage de la zone euro), pour ne pas donner prise au problème de l’aléa moral (4) et pour ne pas entraîner ultérieu- rement la constitution de nouvelles bulles d’actifs, garantis- sant ainsi la stabilité monétaire. Cela implique un recul implicite de la souveraineté des États membres, pour créer les conditions d’une solidarité budgétaire (avec la question ultime de la constitution à terme d’un véritable budget euro- péen) et d’une surveillance mutuelle efficace et contrai- gnante contre les dérives des finances publiques des États membres. Par ailleurs, une réforme des traités, permettant ment du coût de la dette, par la hausse des primes de risque, à l’Europe de disposer de recettes fiscales et d’un budget ce qui pèse sur les équilibres budgétaires et, en retour, ampli- plus conséquent, est un préalable à la création éventuelle fie la probabilité de défaut. La BCE ne peut pourtant pas mais ultérieure d’un marché profond et étendu d’euro-obli- rester très longtemps le seul acteur capable de préserver la gations (5) (obligations émises par l’Europe), concurrent de construction européenne. celui des États-unis. LES CONDITIONS DRASTIQUES DU RÔLE ULTIME LA QUESTION DE LA STRATÉGIE EUROPÉENNE DE PRÊTEUR EN DERNIER RESSORT DE LA BCE DE DÉVELOPPEMENT Outrepassant d’ores et déjà son mandat (3), la BCE ne peut Au-delà de l’apaisement des tensions à court terme par le exercer davantage le rôle de « prêteur en dernier ressort » rachat, direct ou indirect, des obligations d’État par la BCE, qu’à des conditions drastiques de modification profonde de cela nécessite indubitablement une relance crédible du pro- la gouvernance européenne, d’instauration d’une stricte dis- jet européen sur la durée, pour lui redonner de véritables (3) La BCE compense déjà à court terme l’absence de gouvernance européenne et de fédéralisme budgétaire en Europe par une forme de monétisation rampante des dettes publiques. Elle est en effet largement sortie du cadre de ses missions, au risque de se trouver théoriquement en situation de faillite, si l’achat de titres souverains de moindre qualité conduisait à des pertes dans son bilan dépassant le montant de ses fonds propres. La BCE ne détient en effet que 10 md € de fonds propres et 81,5 md € de réserves. En cas de défaut d’un ou de plusieurs États-souverains, il existe a priori deux solutions possibles pour éviter une faillite : d’une part, une recapitalisation de la BCE par les États membres de la zone euro, ce qui lui ferait perdre une partie de son indépendance et forcément sa crédibilité ; d’autre part, une création de monnaie centrale ex nihilo pour financer ses interventions, ce qui est contraire à son mandat et au traité, et ce qui affecterait aussi beaucoup sa crédibilité. Cette dernière solution, c’est-à-dire l’accélération du processus de monétisation, lui confère cependant une marge de manœuvre considérable, pour lutter techniquement contre une aggravation de la crise des dettes souveraines. (4) L’aléa moral est la possibilité qu’un agent économique (particulier, entreprise, banque ou État) augmente inconsidérément sa prise de risque, parce qu’il sait qu’il ne supportera pas entièrement les conséquences négatives de son action, du fait de l’existence même « d’un prêteur ou d’un acheteur en dernier ressort ». (5) Idéalement, il s’agirait de l’instauration préalable d’une « règle d’or » budgétaire dans la Constitution de chaque État membre et d’une harmonisation fiscale minimale, renforcée par l’amélioration des processus européens de gouvernance et de surveillance, avant d’envisager la création éventuelle d’un marché profond et étendu d’euro-obligations, concurrent de celui des États-unis. Ces eurobonds ne devraient théoriquement financer que des investissements d’avenir et non des dépenses de fonctionnement, afin d’éviter la tentation politique de certains pays ou « passagers clandestins », de les utiliser pour accroître de nouveau leurs déficits budgétaires et par conséquent leur dette publique, pour des raisons trop souvent de court terme, voire de conquête électorale…
12 PRÉVISIONS 2012–2013 perspectives d’avenir. Cela pourrait passer par le lance- non optimale des conditions de l’allocation du capital privé ment d’un grand programme d’investissement à l’échelle et à préserver, à terme, la valeur de la monnaie, même si de l’union. Ce dernier viserait alors à réduire les écarts l’inflation ne peut pas se développer à court terme dans un de compétitivité et de croissance potentielle entre pays, environnement récessif et de ralentissement de la distribu- par une meilleure spécialisation productive à terme entre tion de crédits. Le couple franco-allemand, moteur ultime les pays, pour créer les conditions d’une « reconvergence » de la construction européenne, est en désaccord sur ce sujet économique, essentielles à une zone monétaire unifiée. majeur de la monétisation des dettes publiques et sur les options stratégiques, plus ou moins coopératives, de sortie de crise, dans un climat préélectoral. En particulier, deux logiques s’opposent. L’Allemagne prône surtout un méca- L’austérité nisme d’assurance, qui n’éteint pas la spéculation mais évite toute dérive inflationniste ultérieure. Il consisterait à faire budgétaire ne peut jouer au FEsF le rôle de couverture de pertes pour les pas constituer La seuLe détenteurs de titres de dette, à hauteur de 20 à 30 %, si un État faisait défaut. La remise en cause récente du triple A de stratégie de déveLoppement. la France (avertissement de moody’s), voire de l’Allemagne, par les agences de notation, réduit pourtant la portée des L’Allemagne pourrait également se montrer plus coopéra- effets de levier de ce mécanisme de garanties. A contrario, tive, en engageant une relance budgétaire de sa consom- la France défend le principe de la monétisation de la dette mation intérieure, car elle a des excédents extérieurs consi- publique, directement par la BCE ou indirectement par dérables, souvent gagnés à l’intérieur de l’Europe. Dans le l’augmentation de la force de frappe du FEsF, en le dotant cadre d’une coordination politique et économique amélio- d’une licence bancaire. un compromis efficace peut prendre rée, la question d’une dévaluation globale de l’euro pour- des semaines ou des mois, une mesure du temps difficile- rait aussi être abordée, mais en tenant compte des risques ment soutenable pour des marchés financiers en quête de dangereux de rétorsion commerciale. Il est clair que l’austé- solutions rapides et définitives. De plus, l’absence inhabi- rité budgétaire, exigée par les marchés financiers, porte en tuelle de pragmatisme politique sur les objectifs et les moda- elle-même un cercle vicieux de récession et d’augmentation lités de la consolidation budgétaire aux États-unis accentue induite des ratios de dette publique. Elle impose de mener l’inquiétude, en raison des conséquences potentiellement des politiques de déflation interne des prix et des salaires très négatives sur l’activité dès 2012 (un coût a priori d’un dans les pays insuffisamment compétitifs, face à l’impos- point de PIB par an) du non-renouvellement des mesures sibilité d’une dévaluation avec la monnaie unique. Elle ne fiscales décidées en décembre 2010. peut donc pas constituer la seule stratégie, surtout si elle s’applique au même moment à de nombreux États, au risque DES DÉCISIONS POLITIQUES HISTORIQUES, de menacer l’équilibre social et politique de chaque pays. AUX CONSÉQUENCES MULTIPLES Les évènements récents rendent donc plus délicat l’exercice LE BESOIN DE PRAGMATISME POLITIQUE de prévisions à court et à moyen termes, tant les scénarios DE PART ET D’AUTRE DE L’ATLANTIQUE possibles dépendent de décisions avant tout politiques, aux La Banque centrale européenne, dernier rempart contre les conséquences multiples. Les atermoiements persistants des effets de domino, cherche à éviter une perte aventureuse responsables politiques, la généralisation des programmes d’indépendance et de crédibilité, à empêcher une dérive d’austérité budgétaire en Europe et l’exacerbation induite l’observateur de l’immobilier du crédit foncier – nº 81
ACTUALITÉS 13 de l’aversion au risque, via notamment la débâcle boursière la rendre moins risquée, selon des stratégies spécifiques, depuis l’été, renforcent le cercle vicieux de la défiance et de liées à l’histoire propre de chaque groupe bancaire. Cela l’attentisme, tant des ménages que des entreprises. Les déci- les conduirait aussi à augmenter nettement les conditions sions les plus coûteuses à annuler, en matière de consomma- financières des emprunts offerts à la clientèle. Il en résul- tion (biens durables), d’investissement et d’embauche, sont terait un « effet multiplicateur » probablement très négatif donc largement retardées, en attendant que l’horizon s’éclair- entre l’affaissement de la demande intérieure et le recul cisse. Le défaut souverain désordonné d’un pays provoquerait des prêts accordés. De plus, la force relative et paradoxale une contagion incontrôlable vers d’autres États membres vul- de la monnaie unique, alors même qu’il existe une crainte nérables, en raison des pertes cumulées des banques créan- extrême d’implosion de la zone, est un facteur aggravant et cières et des investisseurs, du déclenchement des clauses de supplémentaire de baisse de compétitivité des exportations contrats d’échange sur risque de défaut (CDs) et surtout de la européennes, dans un contexte de fléchissement général de menace induite de faillites bancaires en chaîne. la demande extérieure. L’ENJEU FINAL DE LA DÉFLATION PAR LA DETTE LE REFUS DU SCÉNARIO CATASTROPHE, Face à la nécessité du désendettement public et privé dans MÊME EN ALLEMAGNE la plupart des pays développés et face aux besoins de reca- La déflation est un mécanisme autoentretenu et dangereux pitalisation et de liquidités des banques européennes, l’enjeu de destruction contagieuse de richesse, dont il est histori- final est bien celui de la déflation par la dette ou, plus pré- quement coûteux, long et difficile de sortir. Aucun pays n’y cisément, par l’émergence d’une contraction cumulative du a intérêt, ni l’Europe, ni l’Allemagne (6), ni la France, ni la crédit, surtout si la zone euro venait à éclater. La rechute Grèce (7) et les pays périphériques, ni les États-unis ou la de l’activité en Europe et en France peut en effet débou- Chine, du fait de la complexité mondiale des relations éco- cher sur une forme de recul conjoint de la production et de nomiques et financières. En particulier, dans le cas d’une l’ensemble des prix, en cas d’extension de la crise bancaire sortie brutale d’un ou de plusieurs pays de la zone euro, de liquidités, de défauts souverains avérés et d’apparition l’Allemagne perdrait très rapidement et largement tous les d’une mécanique restrictive de la distribution de crédits avantages acquis des politiques de modération salariale (credit crunch ). Les établissements financiers seraient alors menées depuis 15 ans, en raison de l’appréciation immédiate contraints à la fois de se recapitaliser et de répondre rapi- et record de son « nouveau taux de change ». Ce pays, qui a dement aux exigences réglementaires de Bâle 3 (réduisant la une économie très cyclique et très dépendante du commerce transformation), pour conserver la notation la plus favorable extérieur, reste par ailleurs assez sensible à la compétitivité- possible. Cela les pousserait à limiter, voire plutôt à réduire coût de ses exportations, en dépit de la montée en gamme et la taille de leur bilan, tout en modifiant sa structure pour de la qualité des produits exportés. De plus, son exposition (6) Les exportations allemandes représentent près de 50 % de son PIB. Les industriels allemands et la population d’outre-rhin se rendent de plus en plus compte des avantages économiques de rester dans la zone euro. Ils profitent ainsi de l’existence d’un marché européen étendu avec une monnaie unique, de l’absence de risque de dévaluation compétitive à l’intérieur de la zone et de taux directeurs beaucoup plus faibles que ceux accordés auparavant par la Bundesbank. De plus, 40 % des exportations allemandes sont destinées à la zone euro, la France étant son principal partenaire commercial. En outre, lors de l’éclatement du smE (système monétaire européen) en 1992-1993 et de la réunification avec l’Est, l’Allemagne a particulièrement souffert de sa perte de compétitivité-coût, ce qui a nettement dégradé son commerce extérieur. Cela lui a imposé de mener une politique douloureuse de modération salariale pendant 15 ans, largement au détriment de la consommation. (7) Les pays qui sortiraient de la zone euro n’éviteraient pas les réformes structurelles nécessaires et une récession majeure. Ils pourraient subir des faillites bancaires en chaîne, du fait de retraits massifs des déposants et des pertes en capital liées aux défauts publics. Il en résulterait notamment une très forte hausse des taux d’intérêt, voire une quasi-impossibilité de retrouver pendant un certain temps des créanciers désireux de financer leurs besoins d’emprunts publics et privés dans une monnaie très dévaluée. Leurs agents privés verraient leur endettement s’élever en euros dans des proportions énormes. Leur absence de base industrielle limiterait beaucoup leur capacité de bénéficier d’une amélioration brutale de leur compétitivité-prix par la dévaluation.
14 PRÉVISIONS 2012–2013 mique et politique exorbitant, ainsi qu’une remise en cause irréversible de la construction européenne. Il donne un rôle clé à la BCE au FmI et à l’aptitude du couple franco-alle- mand à trouver un consensus crédible à la fois sur le chan- gement inévitable de la gouvernance européenne (modifica- tion des traités) et sur la mise en œuvre rapide de moyens suffisants pour briser complètement la spéculation. À court terme, la BCE – soit directement, soit par le biais du FmI (compte tenu de l’extension de ses moyens d’intervention), du FEsF et du mécanisme européen de stabilité (mEs) –, devrait être plus active sur le marché de la dette publique des pays européens fragiles, en attendant qu’une réforme de la gouvernance dans la zone euro soit acceptée et mise en place. La capacité de l’Europe à résoudre la crise de son fonctionnement identitaire, en redynamisant le projet euro- financière à la Grèce est élevée. Enfin, même si l’Allemagne péen, est probablement la condition principale d’accepta- n’est pas atteinte par la spéculation, les obligations souve- tion par la BCE d’un rôle plus complet mais temporaire et raines d’outre-rhin sont de moins en moins perçues comme exceptionnel de « prêteur en dernier ressort ». Dans ce cas, des valeurs refuges, les agences de notation (standard & le jugement sur le niveau de recapitalisation des banques Poor’s, notamment) ayant récemment émis des réserves sur européennes aurait d’autant moins d’incidence que le récent ce pays, tout comme sur la France. Ce dernier phénomène accord européen du 9 décembre a conduit à l’engagement est normalement susceptible de favoriser l’émergence pro- que le secteur privé ne soit plus jamais mis à contribution gressive d’un compromis franco-allemand. forcée pour restructurer la dette d’un État. LA RÉSILIENCE PARADOXALE DE L’ÉCONOMIE AMÉRICAINE 1.3 / le cHoiX de la raison L’activité mondiale a d’abord nettement ralenti au printemps, GéoPolitiQue et économiQue en raison de l’impact du séisme japonais, du prélèvement inflationniste lié à la flambée des prix des matières premières (printemps arabe, etc.) et du durcissement des politiques éco- LE SCÉNARIO DU MAINTIEN DE L’INTÉGRITÉ nomiques, qu’il s’agisse des restrictions budgétaires dans les DE L’UNION pays développés ou des resserrements monétaires dans les Les scénarios possibles sont variés (restructuration désor- pays émergents, pour lutter contre la surchauffe inflation- donnée de la dette publique grecque, puis de plusieurs pays niste. Depuis l’été, l’intensification de la crise des dettes sou- européens, implosion totale ou sorties partielles de certains veraines européennes, la fragilisation induite du système États membres de la zone euro, etc.), avec des déroulements bancaire, le krach boursier rampant et l’accentuation induite et des conséquences délicats à mesurer dans le temps. À des inquiétudes ont fini par détériorer nettement l’économie défaut de subir une dérive déflationniste, le scénario ten- réelle, hormis aux États-unis, où la conjoncture a paradoxa- danciel de la raison géopolitique et économique impose le lement rebondi au second semestre 2011. Cela est dû à la maintien de l’intégrité de l’union, pour éviter un coût écono- bonne tenue de la consommation, en lien avec le léger recul l’observateur de l’immobilier du crédit foncier – nº 81
ACTUALITÉS 15 du prix des matières premières et la redynamisation des excès de logements à vendre. Il ne devrait cependant pas se chaînes d’approvisionnement automobile, une fois passé détériorer davantage, le secteur de la construction résiden- l’impact négatif des catastrophes japonaises de mars. C’est tielle étant stabilisé à un plancher historiquement bas, qu’il du moins ce que suggère le redressement du PIB américain est difficile d’enfoncer durablement, compte tenu du retard vers 2 % l’an au troisième trimestre, contre respectivement croissant des constructions neuves, face à l’évolution de la 1,3 % l’an au deuxième trimestre et seulement 0,4 % l’an au démographie. Les ménages pâtissent toutefois toujours de premier trimestre 2011. La conjoncture pourrait même s’ac- l’impératif de désendettement et de l’absence de réduction célérer vers 3 % l’an à l’approche des fêtes de Noël, compte du rapport entre leur dette et la valeur déclinante de leur tenu d’un mouvement favorable de restockage des entre- patrimoine immobilier. De plus, les États-unis ont égale- prises (8) et du regain de pouvoir d’achat des ménages, lié à ment un problème majeur de gouvernance (9), révélé par la décélération de l’inflation et à l’amélioration du marché l’absence de consensus politique sur un plan d’économies de l’emploi, après un passage à vide cet été. budgétaires. Le non-renouvellement en décembre 2010 des mesures fiscales (allègement de certaines charges sociales et LA QUESTION RÉCURRENTE DU DYNAMISME extension des indemnités chômage) pourrait réduire la DE LA CONSOMMATION AMÉRICAINE croissance d’un point de PIB par an dès 2012. Enfin, la Le risque de freinage brutal de l’activité aux États-unis n’a conjoncture mondiale peut se détériorer davantage, en cas pourtant pas disparu. Il s’est simplement déplacé dans le de profonde récession en Europe. temps. Il n’est pas certain que le dynamisme des dépenses des ménages se prolonge en 2012, en l’absence d’un redres- LE SOUTIEN DE L’INVESTISSEMENT sement plus marqué du marché du travail. La consommation DES ENTREPRISES des ménages s’est certes raffermie, mais au prix d’une baisse La croissance américaine pourrait donc ne pas dépasser du taux d’épargne qui peut difficilement se poursuivre. Le 1,7 % en 2012 et n’atteindre que 1,8 % en 2013, si l’assainis- taux d’épargne est presque revenu à son niveau de 2007, sement budgétaire prévu par la législation en vigueur reste alors que la confiance demeure dégradée. Le chômage de limité et si le processus engagé des créations d’emplois ne longue durée a atteint des sommets, et l’emploi ne se ralentit pas de façon trop marquée. Elle risque même de redresse pas assez vite, en dépit du maintien d’une politique demeurer pendant quelques années très en deçà de son monétaire ultra-accommodante. La discipline salariale potentiel antérieur, situé à environ 3 % par an, en raison demeure élevée. Le marché de l’immobilier résidentiel reste du processus long de désendettement public et privé. L’in- sinistré, compte tenu de l’ampleur des saisies, ce qui crée un vestissement des entreprises, qui relance traditionnelle- (8) La ponction importante exercée sur la croissance américaine par les variations de stocks des entreprises au troisième trimestre ne devait pas se reproduire, mais plutôt se corriger favorablement en fin d’année. La révision de la progression du PIB de 2,5 % à 2 % l’an au troisième trimestre 2011 tient surtout à un mouvement de déstockage plus prononcé des entreprises. Les variations de stocks ont pesé sur le PIB à concurrence de 1,6 point en rythme annuel au lieu de 1,1 point, lors de la première estimation. (9) La crise des dettes souveraines et les problèmes profonds de gouvernance, aussi bien en Europe qu’aux États-unis, affectent différemment ces deux zones. La contagion ne touche pas les États-unis, en dépit de la dégradation de la dette par standard & Poors. Les taux à 10 ans américains sont à un plus bas historique d’après-guerre, proche de 2 %. La situation des finances publiques américaines apparaît pourtant équivalente à celle de l’ensemble de la zone euro. En 2012, la dette publique pourrait dépasser 86 % du PIB aux États-unis et 88 % du PIB en Europe. Le déficit public américain en part du PIB est en revanche nettement plus dégradé qu’en Europe, qui souffre de son fractionnement politique et économique. À un an de l’élection présidentielle américaine, les démocrates et les républicains continuent d’afficher leurs divergences électoralistes sur les objectifs de réduction des déficits publics. Les républicains refusent toute hausse de la pression fiscale, notamment sur les hauts revenus. Les démocrates refusent des coupes dans les programmes sociaux. Cette absence de pragmatisme politique est inhabituelle et contraire à l’intérêt général. La paralysie politique n’est donc pas la seule marque de fabrique de la construction européenne, qui est certes toujours inachevée. Les explications de ce paradoxe sont, pour les États-unis, les suivantes : une croissance potentielle plus élevée et une capacité historique à rebondir, le premier marché obligataire du monde par son étendue et sa profondeur, une monnaie de réserve internationale, et une banque centrale assumant davantage un rôle de prêteur en dernier ressort.
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