La chaîne prend de la valeur - Supply Chain Magazine
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ENQUÊTE Le Luxe ©ST DUPONT La chaîne prend de la valeur Avec ses marges confortables, le luxe se porte bien. Néanmoins, les tempêtes qui agitent les marchés pourraient bien impacter ce secteur. Xerfi annonce même une perte de vitesse dès fin 2011. Mais, le luxe a plus d’un tour dans son sac et déploie tous les moyens nécessaires pour se maintenir au sommet. 58 N°59 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2011
vant, Partner chez Vinci Consulting Operations. D’une manière générale, il Fabrice existe un nombre limité de canaux : Corbière, les boutiques en propre, le « Travel Directeur Retail » (dans les lieux de voyage Associé comme les aéroports, etc.), les « cor- d’Argon ners » dans les grands magasins et la distribution sélective. Plusieurs argu- ments incitent les marques de luxe à intégrer leur réseau. « Cela permet de ©ARGON contrôler, d’avoir la maîtrise de ses n juin 2011, Eurostaf annon- E produits et de maintenir un position- çait dans une étude portant nement élevé de la marque », indique sur le marché mondial du Fabrice Corbière, Directeur Associé luxe que « l’année 2010 d’Argon. Louis Vuitton (voir page 66) marque le coup d’envoi d’un et Cartier (pour la joaillerie) sont des nouveau cycle de croissance pour le exemples connus de modèles intégrés Gilles luxe. A la lumière des premiers trimes- et exclusifs. Arnaud Domas pense que Cohen, triels de 2011, et malgré la crise japo- « plus le positionnement de la marque Associé chez naise, le marché devrait poursuivre sur est sélectif, plus cette dernière aura la Kurt Salmon sa lancée. Les ressorts de la croissance volonté de maîtriser, voire même d’in- sont la propension des consommateurs tégrer la chaîne de valeur tant en des marchés historiques (Japon amont qu’en aval ». L’horlogerie est excepté) à dépenser, le développement néanmoins un contre exemple car les rapide de la base de clientèle dans les maisons de luxe passent souvent par ©KURT SALMON pays émergents et le dynamisme du des réseaux de distributeurs-horlogers tourisme international ». Eurostaf pré- spécialisés. Mais la tendance générale cisait toutefois que les perspectives est indéniable. « Intégrer son réseau va étaient contrastées par zone géogra- dans le sens de l’histoire car c’est le phique : croissance soutenue en Asie seul modèle permettant un contrôle fort (hors Japon), dynamisme des Amé- de la marque », confirme Christophe riques, maturité de l’Europe et crise au Bressange, Principal chez Headlink. Mikaël Japon. Cependant, l’horizon n’est pas Pichavant, entièrement dégagé et la croissance Des cycles de vie raccourcis Partner prévue pour 2012 et 2013 devrait Deux grandes catégories de produits chez Vinci ralentir (entre 3 et 5 %, contre 9 % en coexistent dans le secteur du luxe. Consulting 2011, selon Xerfi). « Les permanents et les nouveaux pro- Operations duits, eux-mêmes segmentés en pro- Vous avez dit luxe ? duits saisonniers ou futurs perma- ©VINCI CONSULTING Existe-t-il une définition précise et nents », résume Fabrice Corbière. Les exhaustive du luxe ? « Les produits de observateurs évoquent une augmen- luxe ont par définition une valeur com- tation de la part de produits dits merciale et d’image très supérieure à « de collection » ou saisonniers. Il en leur valeur d’usage primaire », répond découle une accélération du cycle de Arnaud Domas, Principal chez Sol- vie des produits. A cela plusieurs rai- ving Efeso International. Mais la sons. « La nouvelle clientèle du luxe a réponse est loin d’être évidente car la des habitudes de consommation diffé- Benjamin frontière entre produit de luxe et pro- rentes. Elle souhaite être alimentée Grange, duit « grand public » est souvent régulièrement en produits nouveaux. VP chez ténue. Autre élément de distinction : Ce phénomène n’est pas sans soulever Headlink le réseau de distribution. « En général, des difficultés : maintien d’une image les acteurs du luxe possèdent un pérenne de la marque malgré des pro- réseau de boutiques en propre mais ils duits à cycles de vie plus courts ; peuvent travailler aussi via d’autres conséquences au niveau industriel canaux de distribution. C’est souvent (prévisions de ventes, obsolescence des ©HEADLINK le cas des parfumeurs avec les dis- produits, taux de marge, etc.) », déve- tributeurs spécialisés (Sephora, Marion loppe Gilles Cohen, Associé chez Kurt naud, etc.) », précise Mikaël Picha- Salmon. Benjamin Grange, VP chez NOVEMBRE 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°59 59
ENQUÊTE Le Luxe la fabrication du produit. « Un système d’écoute des ventes est mis en place Christophe Bressange, pour les produits nouveaux. Jour par Principal jour, les ventes réelles sont comparées chez aux prévisions. Très rapidement, les Headlink Directions Supply Chain sont capables d’identifier les besoins d’ajustement des capacités de production », expli- que Fabrice Corbière. Une autre pro- blématique découle de l’accélération ©HEADLINK du rythme des collections, les retours. « Les maisons de luxe, et spécialement la mode, récupèrent plus de produits en fin de collection qu’auparavant. Les phases de déstockage soulèvent de réelles problématiques de distribution. Plusieurs débouchés sont actuellement des magasins. Ces opérations ont un Jérôme Courgeon, utilisés : les deuxièmes réseaux de dis- coût élevé mais moindre que la perte Directeur tribution physique (Mall...), internet de chiffre d’affaires et la dépréciation Associé (via les sites de ventes privées), la vente des produits en fin de saison. La sûreté Supply Chain dans des pays où la marque est peu ou et l’intégrité des produits sur l’ensem- chez pas implantée et les ventes au person- ble de la chaîne logistique est une BearingPoint nel », commente Benjamin Grange. autre spécificité logistique du luxe. Sans oublier les difficultés douanières ©BEARINGPOINT Des spécificités logistiques et de transport liées à l’internationali- « Beaucoup de sociétés ont déjà ins- sation croissante et au déplacement de tallé des outils de prévision de ventes la demande (à l’échelle mondiale, vers mais toutes n’ont pas mis en place les l’Asie et le Moyen Orient, et à l’échelle processus transverses qui permettent locale, vers des villes de taille Headlink, illustre : « En haute horlo- d’intégrer les prévisions de ventes avec moyenne). Par ailleurs, la Supply gerie, un nouveau produit sort tous les la gestion des approvisionnements, Chain du SAV nécessite aussi une ges- deux ans contre tous les cinq ans aupa- la planification de la distribution et tion fine. « Cela concerne de faibles ravant. Idem pour le prêt-à-porter où le la gestion du phase-out produit », volumes et les processus sont assez nombre de collections est passé de deux détaille Christophe Bressange. Louis peu industrialisés. Le point clef est à trois ou quatre par an ». Ces évolu- Vuitton, et son système de prévisions d’assurer une excellente traçabilité des tions ne sont pas sans conséquences de ventes intégrées et collaboratives, produits pour être capable de suivre sur le pilotage de la Supply Chain. Les est régulièrement cité comme un l’avancement des réparations », déve- produits permanents sont générale- modèle de réussite. Côté réseau phy- loppe Mikaël Pichavant. A ce propos, ment gérés en « flux tirés » avec des sique, il existe des schémas récurrents Louis Vuitton a mis en place une Sup- logiques avancées de prévision et de dans le domaine du luxe. Un stock ply Chain monde de pièces détachées. réapprovisionnement. A l’inverse, les principal dans un entrepôt central Les fortes rotations sont stockées en produits saisonniers, fabriqués en plus (souvent en Europe), livré par l’en- permanence dans les centres de répa- petite série, sont envoyés en « flux semble des fournisseurs, qui approvi- ration répartis dans le monde, les poussés » dans les points de vente. Il sionne directement les boutiques en autres dans un entrepôt en France qui existe très peu de stock en amont et Europe ou des plates-formes régio- approvisionne les centres de répara- les réapprovisionnements sont plus nales situées dans d’autres zones géo- tion quatre à cinq fois par semaine. rares. « Pour les produits de collection, graphiques. C’est le cas par exemple gérés essentiellement en mode poussé, de Cartier, dont le point de consolida- L’externalisation : possible les boutiques sont approvisionnées tion des flux est situé à Fribourg, de pour certains produits progressivement. En général, on évite Louis Vuitton, de Céline ou de ST Quid de l’externalisation ? « Les choses d’envoyer d’un coup la quantité totale Dupont (voir témoignages pages 64, évoluent progressivement depuis quel- commandée par les boutiques. Cela 66 et 68). Les nouveaux produis sont ques années. L’externalisation n’est permet d’arbitrer la Supply Chain essentiellement transportés par voie plus un tabou et on observe une struc- en fonction du déroulement réel des aérienne, les permanents utilisent par- turation de l’offre avec des prestataires ventes », nuance Mikaël Pichavant. fois le maritime. En termes de gestion proposant des offres dédiées au secteur Côté industriel, il faut être capable des flux, le luxe utilise régulièrement du luxe (CEPL, Deret, etc.). Néanmoins, d’augmenter rapidement les quantités la notion de rééquilibrage, consistant les motivations des clients sont davan- ou au contraire d’arrêter brusquement à transférer de la marchandise entre tage liées à des raisons de gestion des 60 N°59 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2011
nant quant à l’externalisation du stock Des disparités subsistent néanmoins. central. « Nous observons que les acti- Les produits d’appel comme les par- vités de parfumerie et de cosméti- fums et cosmétiques ou la petite ques s’externalisent sans difficultés maroquinerie sont plus fréquemment majeures. En revanche, pour les pro- proposés à la vente en ligne que la ductions en série limitée (par exemple joaillerie ou l’horlogerie. Pourtant, il dans la joaillerie, l’horlogerie et les existe un créneau pour ces articles pièces de collection), les entreprises aussi sur Internet : Tiffany par exem- préfèrent conserver la gestion physique ple réalise environ 10% de son chiffre en interne », déclare Mike Haziza, Fon- d’affaires en ligne ». Plusieurs raisons dateur et Dirigeant de Traker Perfor- incitent les groupes de luxe à intensi- ©SERGIY SERDYUK-FOTOLIA mance Makers. Un autre cas de figure fier leurs efforts sur la toile. « Il s’agit se présente. Celui où l’enseigne sous- d’un moyen pour compléter la gamme traite les activités spécifiques, comme et le périmètre géographique. Cepen- Hermès et Louis Vuiton avec le prêt-à- dant, les maisons de luxe ont tardé à porter suspendu (chez Deret). développer ce canal en raison de dif- risques qu’à l’envie de réaliser des férentes problématiques commerciales gains financiers. Les aspects qualitatifs L’e-commerce, encore (quota par pays, différence de prix de sont tellement importants que le client aux balbutiements vente d’un pays à un autre, etc.). Pro- suit d’un œil très attentif ce qui se Comme tous les autres secteurs, le gressivement, notamment pour faire passe chez son prestataire », constate luxe montre des signes d’intérêt pour face à certains sites internet proposant Jérôme Courgeon. C’est par exemple l’e-commerce. D’après une étude Xerfi des produits de luxe multi-marques, le cas de Guerlain dont la logistique de septembre 2011, « les ventes en les maisons de luxe franchissent le pas est basée sur le centre de distribution ligne représentent aujourd’hui près de et montent un canal de distribution de son prestataire CEPL. La valeur du 5% des ventes totales dans le luxe et B2C », estime Mikaël Pichavant. Guer- produit est aussi un critère détermi- cette proportion doublera d’ici 2015. lain, dont les produits sont actuelle- NOVEMBRE 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°59 61
ENQUÊTE Le Luxe ment disponibles à la vente sur les fournisseurs et sous-traitants », énu- sites de Sephora ou de Marionnaud, mère Fabrice Corbière. Les études de Mike Haziza, souhaite par exemple lancer à horizon schémas directeurs sont également en Fondateur et 2012 son propre commerce en ligne. vogue. La tendance est à la rationali- Dirigeant Armand de Vallois, Associé chez Kurt sation des stocks pour ne conserver de Traker Salmon, évoque un autre argument : qu’un unique stock principal. Autre Performance « Les nouvelles populations des pays sujet d’attention : l’amont de la ©TRAKER PERFORMANCE MAKERS Makers émergents et les nouveaux riches sont chaîne. « La maîtrise des savoirs- plus propices à acheter via le canal faires industriels des sous-traitants et Internet ». Sans oublier les clients inti- la sécurisation des matières premières midés à l’idée de franchir le pas-de- sont des éléments fondamentaux. porte des boutiques prestigieuses. Preuve en est, au cours des dernières Néanmoins, l’e-commerce soulève la années, de nombreux ateliers se sont question de l’expérience d’achat du adossés à des groupes de marques de client. « Toute la difficulté est de luxe. Le très récent rachat d’Heng maintenir pour le client le prestige Long (tannerie de peaux de crocodiles) d’un achat de luxe sans le faire entrer par LVMH est une bonne illustration Arnaud Domas, dans la boutique », explique Erwan de ce phénomène », indique Gilles Principal chez Giraud, Fondateur et Dirigeant de Tra- Cohen. Et Arnaud Domas de confir- Solving Efeso ker Performance Makers. C’est essen- mer : « Maîtriser l’amont est une International tiellement pour cette raison que Céline préoccupation grandissante dans le fait aujourd’hui le choix ne pas ven- monde du luxe afin en particulier de © SOLVING EFESO INTERNATIONAL dre sur internet. D’autres proposent garantir la stabilité des standards de des solutions innovantes comme Bou- qualité et des coûts. Le monde du luxe cheron qui a intégré l’application de applique ainsi des méthodes commu- la réalité augmentée sur son site, « My nément utilisées dans l’industrie. Boucheron », permettant ainsi aux Dans ce contexte, nous participons à internautes d’essayer virtuellement beaucoup de projets d’alignement de des bagues et des montres. D’un point fournisseurs aux bonnes pratiques et de vue logistique, les faibles volumes aux exigences dictées par les marques n’incitent pas encore à mettre en place de luxe ». En aval, tout est fait pour des organisations dédiées. « En géné- que le vendeur se consacre à la vente. Erwan Giraud, ral, l’activité e-commerce partage C’est pourquoi, les entreprises essaient Fondateur et dans un premier temps son stock avec de déporter les tâches logistiques (éti- Dirigeant celui du réseau de magasins clas- quetage, pose d’antivols, etc.), parfois de Traker siques, jusqu’à ce que cette activité réalisées en magasins, sur les entre- Performance atteigne une taille critique suffisante pôts. Autre sujet de réflexion selon ©TRAKER PERFORMANCE MAKERS Makers pour bénéficier d’une gestion et d’un Erwan Giraud : « La mutualisation sur stock dédiés », précise Arnaud Domas. l’entreposage, les schémas d’approvi- sionnement et de distribution entre Professionnalisation enseignes appartenant au même de la Supply Chain groupe ». Il semble que cela soit déjà le Le secteur du luxe professionnalise de cas au sein de certains groupes sur la plus en plus sa Supply Chain. Cela partie stockage dans les entrepôts passe par la réalisation de multiples régionaux. ■ JULIA FUSTIER projets, notamment de planification. On note que de nombreuses maisons Armand de Vallois, de luxe déploient actuellement des Associé chez APS (Advanced Planning Systems). Kurt Salmon « La majorité des projets dans le sec- teur du luxe concernent : le réassort ©C.C ALAIS automatique des boutiques, les prévi- sions de ventes alliant collaboratif et ©DMITRY FISHER-FOTOLIA statistique, la mise en place d’un pro- cessus Plan Industriel et Commercial ©KURT SALMON (PIC), la planification des ressources de distribution (DRP), la planification industrielle (PDP) et la collaboration 62 N°59 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2011
ENQUÊTE Le Luxe ST Dupont réécrit ses processus de planification Après des années difficiles, ST Dupont a décidé de mettre en œuvre des projets d’amélioration de sa Supply Chain. , année de naissance Une première étape a consisté étaient lourds, peu réactifs et opa- 1872 de la célébrissime maison française, ST Dupont (70 M€ de CA – 500 colla- à renforcer le processus du Plan Directeur de Production en 2009 et 2010. ques », se souvient Jean-Paul Fantone qui a conscience à l’époque de la nécessité de moderniser l’outil de borateurs – 1.200 produits finis), dont planification. L’objectif est alors de la longévité n’est plus à prouver. C’est maintenant au tour mieux gérer la complexité et l’inter- Après avoir traversé de nombreuses du processus de Sales & nationalisation croissante des flux, la difficultés au cours des cinq années Operations Planning d’être volatilité de l’offre (taux de renouvel- passées (plan social en 2006, incendie au centre de l’attention. lement des gammes) et de la demande d’une partie de l’usine en 2008, crise (crise, réseau peu contrôlé…), tout en en 2009), ST Dupont vit maîtrisant les stocks. Son actuellement une phase de idée est de déployer un redémarrage très forte. Les vaste projet en plusieurs récents projets Supply étapes. La première ? Le Chain en attestent ample- périmètre du PDP. En ment. Le vrai changement 2009, ST Dupont a donc des dernières années ? déployé la solution TXT « Nous sommes passés Plan (de l’éditeur TXT d’une entreprise qui tra- e-solutions) pour gérer la vaillait sur stock à une planification des produits entreprise qui a tendu finis. En 2010, la solution considérablement ses flux est étendue au calcul des et réduit ses niveaux de besoins en composants. stocks », résume Jean-Paul Dès lors, la totalité de la Fantone, Supply Chain planification tactique (à la Manager de ST Dupont. En maille semaine) des pro- arrivant chez Dupont il y duits finis, des compo- a une dizaine d’années, sants et des produits Jean-Paul Fantone s’est intermédiaires est réalisée attaqué au réseau de dis- par TXT Plan. Le PIC tribution. « Auparavant, il (Plan Industriel et Com- y avait des entrepôts de mercial) est aussi impacté ©ST DUPONT produits finis dans chaque positivement. « TXT per- filiale en Europe. Nous met de récupérer plus avons fermé ces entrepôts, facilement des données Jean-Paul Fantone, centralisé l’ensemble du stock en Supply Chain Manager de ST Dupont par famille de produits, pour alimen- Haute-Savoie et mis en place des ter les outils de Reporting et faciliter transports pour livrer quotidiennement les simulations régulièrement réalisées le Retail en Europe ». Plus récemment, Les quatre arts au niveau du PIC », commente le Sup- d’autres projets majeurs, axés sur la de ST Dupont ply Chain Manager. Les premiers planification, ont vu le jour. ■ Art du feu : briquets effets bénéfiques ne se sont pas fait ■ Art de l’écriture : stylos attendre. « La lourdeur de notre précé- Mise en place de TXT Plan ■ Art du voyage : maroquinerie dent système nous empêchait de Autrefois, le suivi de la production, le ■ Art de la séduction : accessoires replanifier plus d’une fois par mois. calcul des besoins et une partie du (boutons de manchette, Actuellement, nous sommes capables PDP (Plan Directeur de Production) ceintures, etc.), prêt-à-porter, de le faire plusieurs fois par semaine étaient gérés dans l’ERP. L’autre partie parfums grâce à TXT et de coller au plus près du PDP, sous Excel. « Ces systèmes des évolutions de la demande com- 64 N°59 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2011
merciale », se félicite Jean-Paul Fan- tone. L’ensemble des actions mises en place fournit des résultats très encou- rageants. « Nous avons multiplié le taux de rotation des stocks par trois », indique Jean-Paul Fantone. D’autres projets à venir Fort de cette expérience, ST Dupont ne se repose pas sur ses lauriers et s’engage dans de nouveaux projets. La prochaine étape est de mettre en place un « Advanced S&OP ». « Nous par- tions d’une situation où les organes de pilotage étaient éparpillés (marketing, finance, fabrication) et communi- quaient peu », raconte Jean-Paul Fan- tone qui prône un partage des informations, la mise en place d’hy- ©ST DUPONT pothèses communes et un travail de Picking dans entrepôt de ST Dupont. ©ST DUPONT Picking dans entrepôt de ST Dupont. ©ST DUPONT prévision des imprévus. Pour l’heure, A chaque gamme, ses spécificités ! le S&OP est administré sous Excel. Plusieurs gammes, ou « Lifestyles » sont proposées L’objectif est de déployer à horizon par ST Dupont. Les opérations des gammes clas- 2013 le module TXT CDMI. « CDMI siques, ainsi que des séries limitées (prestige et permettra de gérer le S&OP, la super prestige), sont très peu standardisées. Les demande (traitée aujourd’hui par For- délais de production sont de plusieurs mois et la castPro) et la partie planification col- fabrication est très intégrée. Il s’agit de produits ©ST DUPONT laborative avec nos filiales et nos « 100 % Made in France » (usine de Haute-Savoie). distributeurs (CFPR : Collaborative Les gammes intermédiaires (look plus contempo- Forecasting, Planning & Replenish- rain voire high-tech et prix plus accessibles) sont constituées de produits plus stan- ment) », détaille Jean-Paul Fantone dardisés. Leur fabrication repose sur des concepts de plates-formes communes qui conclut en rappelant les impéra- (ébauches éventuellement fabriquées en Asie par des fournisseurs référencés avec la tifs : « tendre les flux, mieux planifier plus grande attention) et le décor est personnalisé plus tardivement. Les travaux de et sécuriser ce qui peut l’être, déve- gravure, de placage, de laquage, d’assemblage et autres sont ensuite réalisés par l’usine lopper l’agilité de la Supply Chain et ST-Dupont. Le catalogue du fabricant compte aussi la gamme « Jet », cible jeune et prix mieux synchroniser la demande et d’entrée de gamme, dont les produits sont majoritairement « Made-in-Asia ». ■ l’offre ». ■ JULIA FUSTIER NOVEMBRE 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°59 65
ENQUÊTE Le Luxe Louis Vuitton Simplicité, efficacité et durabilité Un entrepôt central, un transitaire unique, des prévisions de ventes centralisées tout en étant collaboratives, des équipes J « amais de soldes », tel est le mot d’ordre de la légendaire Maison Louis Vuitton (Groupe LVMH) dont les produits sont mondialement de très bon niveau, des engagements dans le domaine du développement externalisé chez le prestataire Deret ; les produits suspendus et les souliers nécessitant une gestion spécifique. Les articles sont ensuite envoyés aux dix connus et reconnus. L’erreur n’est durable : voici les principaux entrepôts régionaux à travers le monde donc pas acceptable et la Supply aspects qui caractérisent (Tokyo, Hong-Kong, etc.) qui se char- Chain se doit de fiabiliser au maxi- la Supply Chain gent alors d’approvisionner les mum les prévisions de ventes et les de Louis Vuitton, qui a accepté 460 boutiques Louis Vuitton. Ces flux. Louis Vuitton définit sa Supply de nous ouvrir ses portes. plates-formes régionales sont sous- Chain comme mondiale de par sa cou- traitées mais utilisent le « Core Model » verture et globale car tous les métiers défini par Louis Vuitton (système d’in- y sont réunis : prévision des ventes, formation, processus et matériels). Un planification des ateliers, distribution autre entrepôt (câblé et équipé), sous- des produits dans les plates-formes traité, joue par ailleurs le rôle de « Back régionales puis dans les magasins. Elle Up » de l’entrepôt central, qui lui- est régulièrement citée comme un même est capable de se substituer à modèle de réussite. A cela deux rai- n’importe quelle plate-forme régionale. sons essentielles : son organisation et son personnel de très bon niveau. A Un entrepôt au niveau propos de ce dernier point, Vincent de la réputation de la marque Barale, Directeur Planification, Prix et Eole, opérationnel depuis 2007, est le Logistique de Louis Vuitton, souligne fruit d’une réflexion lancée en 2004. « l’importance de s’entourer de cadres L’idée à l’époque était d’en faire un ©LOUIS VUITTON-MAZEN SAGGAR brillants. Les métiers de la Supply projet environnemental majeur. Pour Chain attirent de plus en plus ce genre la petite histoire, cette plate-forme a de profils car ce sont des professions servi de « pilote » à la construction du extrêmement intéressantes, responsa- référentiel HQE (Haute Qualité Envi- bilisantes et transversales ». Autre ronnementale) Entrepôts et est en caractéristique : des formations (« stage Vincent Barale, passe d’être certifié LEED (Leadership culture Supply Chain ») sont organi- Directeur Planification, Prix et Logistique in Energy and Environmental Design). sées quatre fois par an. Elles s’adres- de Louis Vuitton Le résultat est bluffant et les illustra- sent à toutes les personnes de la Maison non spécialistes du sujet (maroquiniers, vendeurs, acheteurs, etc.). Un excellent moyen de les sensi- biliser aux différentes problématiques (prévision de ventes, distribution...) et de les mobiliser autour des objectifs de la Supply Chain. Un réseau bien huilé L’organisation du réseau physique ne ©LOUIS VUITTON / JEAN-PHILIPPE C AULLIEZ manque pas d’intérêt. Une plate-forme centrale, à Cergy, approvisionnée par les ateliers de fabrication et qui répond au doux nom d’« Eole ». Toutes les gammes de produits y sont Centre de logistique Cergy-Eole : vue générale du bâtiment. stockées à l’exception du prêt à porter, 66 N°59 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2011
tions écologiques nombreuses : chauf- Tous les trois ans, a lieu un appel d’of- fage géothermique pour les bureaux, fres auquel participe une douzaine de isolation renforcée du bâtiment, fil- transporteurs qui ont pour consigne tration des eaux pluviales et des eaux de présenter leur démarche environ- usées dans 15 bassins successifs avant nementale à Louis Vuitton qui retient infiltration dans la nappe phréatique, alors quatre d’entre eux sur ce critère. etc. Sans parler de l’architecture de Les aspects de prix et de délais de grande qualité. L’intérieur de l’entre- livraison ne sont étudiés que dans un pôt n’est pas en reste non plus. Des deuxième temps. De manière générale, Sheds (bandeaux vitrés en toiture) et la démarche environnementale est des baies vitrées favorisent l’éclairage une préoccupation marquée et ne rime naturel, des capteurs photosensibles pas avec embarras. Vincent Barale l’il- régulent l’éclairage intérieur et la lustre en citant l’exemple du maritime charpente est construite en bois. qui diminue à la fois l’empreinte car- bone et les coûts. Par ailleurs, les ©LOUIS VUITTON / MAZEN SAGGAR La simplicité équipes travaillent actuellement sur la comme mot d’ordre certification ISO 14001 de la Direction Outre ces aspects environnementaux, Supply Chain. Une première du genre ! Louis Vuitton a souhaité rendre ce Autre projet dans le domaine écolo- bâtiment le plus standard possible. La gique : les livraisons dans Paris s’ef- Direction Supply Chain désirait « un fectueront à 100 % avec des camions Centre de logistique Cergy – Eole : entrepôt simple, robuste et capable de utilisation par le cariste du « Voice Picking » électriques d’ici quelques semaines. traverser le temps ». Pour ce faire, les pour la gestion d'inventaires de stock choix retenus ont été : des opérations Des prévisions centralisées manuelles, des processus simplifiés, et collaboratives des racks implantés de manière iden- D’une manière générale, on comprend tique et un WMS (Warehouse Mana- que le leitmotiv des équipes Supply gement System) reconnu sur le Chain est « qu’une logistique efficace marché (Infolog de Generix). L’heure ne rime pas avec une logistique com- n’est pas à l’automatisation ou à la pliquée ». Par ailleurs, la Supply Chain mécanisation. La préparation est réa- se fixe également comme cible de lisée intégralement en vocal. La traça- « simplifier au maximum les aspects bilité est un point clef de la chaîne. Un logistiques à l’intérieur des magasins » code barres est associé à chaque car- afin de soulager les vendeurs et de ton (avec le nom de l’atelier, la leur permettre de se concentrer sur semaine de fabrication et un numéro l’accueil et le service. A ce propos, ce unique par colis). Autre particularité ne sont pas les magasins qui passent de ce surprenant entrepôt ? Les les commandes. Les réapprovisionne- « palettes avions » y sont préparées, ments et les prévisions de ventes sont ©LOUIS VUITTON permettant ainsi une meilleure maî- gérés par les équipes Supply Chain, trise des délais de livraison et du assistées par le progiciel TXT (de l’édi- niveau de qualité. teur TXT e-solutions) qui gère l’en- semble des processus Supply Chain Le développement durable : (réapprovisionnements, prévisions de un vrai sujet d’attention ventes, plan de distribution) et pro- Le transport est aussi un domaine où chainement la planification indus- Louis Vuitton se distingue de ses trielle. Louis Vuitton pilote ses confrères. Un unique transitaire assure prévisions de façon centralisée mais intégralement le transport dans le aussi très collaborative. A la question, monde. Précisons toutefois que ce comment gérez-vous les produits sai- prestataire a été internalisé. Le trans- sonniers ? Vincent Barale répond : ©LOUIS VUITTON / MAZEN SAGGAR port, au même titre que l’entreposage, « Nous nous efforçons de gérer les pro- est concerné par le thème du dévelop- duits saisonniers comme les produits pement durable. Les objectifs affichés permanents. Nous n’envoyons pas la sont ambitieux en la matière : 60 % quantité totale dans nos magasins en des expéditions doivent être réalisées début de collection et nous gérons un en maritime. Dans les faits, cette pro- Centre de logistique Cergy – Eole : système de réapprovisionnements ». ■ portion varie d’une année à l’autre. préparation des commandes au détail JULIA FUSTIER NOVEMBRE 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°59 67
ENQUÊTE Le Luxe Céline François Thoquet, Supply Chain and Customer Service Director de Céline « Le sujet de la sûreté et de la sécurité des marchandises est fondamental dans notre secteur ». Maroquinerie, prêt-à-porter, chaussures et accessoires, telle est la myriade de produits vendus par Céline. Supply Chain Magazine : Pouvez- Leur point commun ? vous des outils informatiques spéci- vous nous présenter Céline et ses fiques ? canaux de distribution ? Une saisonnalité marquée F.T. : Les prévisions de ventes, desti- François Thoquet : Céline est une et des cycles de vie courts. nées aux boutiques, sont pilotées par société appartenant au Groupe LVMH. Derrière les défilés le central. Nous utilisons le concept Elle a eu la chance d’être rejointe il y et les paillettes se cache de « Core Offer » (recommandations a trois ans par une nouvelle Directrice une organisation Supply Chain d'achat Retail) dans nos boutiques. artistique, Phoebe Philo, et est à pré- conçue spécialement pour Nous sommes actuellement en train sent en pleine reconquête de marché. de redéployer un APS en tenant Nous proposons trois catégories ces produits de rêve. compte des changements de notre de produits : maroquinerie, prêt-à- Business Model intervenus depuis porter et autres (accessoires et sou- deux ans. Toutefois, bien qu’étant liers). Notre particularité est d’avoir convaincu de la pertinence des outils une activité très saisonnière, avec de prévisions pour les produits per- quatre collections par an. Cette spéci- manents, je suis plus dubitatif quant ficité influe sur la façon de traiter aux produits saisonniers… En notre Supply Chain. Nous travaillons revanche, je suis certain de l’intérêt à la fois avec des clients « Retail » des outils informatiques pour gérer les (boutiques) et « Wholesale ». Nous réapprovisionnements. D’une manière détenons 80 boutiques dans le monde. générale, nous choisissons de produire la bonne quantité de produits pour SCMag : Comment est organisé avoir un bon taux d’écoulement, votre réseau logistique dans le quitte à créer une pénurie. monde ? F.T. : Un entrepôt central en Italie, SCMag : Utilisez-vous un système de externalisé à un prestataire (Alpi réapprovisionnement ? Moda), opère l’ensemble des activités. Il F.T. : Bien que fonctionnant en mode est approvisionné par nos unités de « push », nous gardons en réserve, fabrication basées en Europe. Aupara- pour les produits « avec de la profon- vant, nous gérions plusieurs entrepôts deur », une partie de la quantité avant en Europe mais nous avons rationalisé de déclencher des livraisons. Nous cette année notre réseau. Pour les mar- étudions le comportement des ventes chés européen et chinois, nous livrons dans les différentes zones géogra- directement les boutiques depuis cette phiques. Ce qui nous permet de redi- plate-forme. En revanche, au Japon riger les quantités si besoin est. et à Hong-Kong, où les magasins sont essentiellement situés dans des SCMag : Lorsque les produits sont en « Department Stores » ou dans des place dans les magasins, de quels « Malls » avec très peu d’espace de moyens disposez-vous pour réajuster stockage, nos produits passent par des la situation si nécessaire ? ©J.FUSTIER entrepôts régionaux (cross-dock). F.T. : En cours de saison, nous réali- François Thoquet, sons un travail de rééquilibrage entre SCMag : Comment élaborez-vous Supply Chain and Customer les boutiques. Ces opérations ont un vos prévisions de ventes ? Utilisez- Service Director de Céline coût mais moindre comparé à la 68 N°59 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2011
perte de chiffre d’affaires et à la reusement marché par marché ces dépréciation des produits en fin de aspects afin de respecter les règles des saison. pays. Notre organisation en entrepôt doit nous permettre de faire de la per- SCMag : Selon vous, quelles sont les sonnalisation de produits en fonction problématiques Supply Chain pro- des destinations et des spécificités pres au secteur du luxe ? locales (étiquetage, etc.). F.T. : Le sujet de la sûreté et de la sécurité des marchandises est fonda- SCMag : Quels sont les grands ©CELINE mental dans notre secteur. L’entrepo- thèmes de vos projets Supply Chain sage n’est généralement pas très actuellement en cours ? critique car il s’agit d’un environne- F.T. : Une de nos préoccupations ment clos avec de nombreux systèmes majeures est de pérenniser et de de contrôle. Le transport est le maillon garantir nos « Sourcings ». Par ail- ©CELINE sensible. C’est pourquoi, notre presta- leurs, les sujets environnementaux taire est responsable du début à la fin nous concernent de plus en plus. A (de la sortie de l’entrepôt jusqu’à la titre d’illustration, nous commençons boutique). Nous travaillons principa- à livrer dans Paris avec des camions lement avec trois prestataires (DHL électriques sécurisés, grâce à l’offre du Paris Luxe, Geodis, Albini & Piti- prestataire GF Service. Nous sommes gliani), chacun étant responsable des également en train de mettre en place flux complets d’un pays ou d’une ce système dans certaines villes en région. L’autre problématique impor- Italie et en Asie. Sans oublier, le redé- tante est le passage des douanes, les ploiement de l’APS qui nous occupera changements de législations locales et beaucoup les prochains mois. ■ les contraintes administratives. Nous Propos recueillis par ©CELINE nous devons donc de travailler rigou- JULIA FUSTIER NOVEMBRE 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°59 69
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