La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif - Érudit
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Document generated on 08/04/2022 6:30 a.m. Management international International Management Gestiòn Internacional La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif Maria Giuseppina Bruna and Mathieu Chauvet Volume 17, Special Issue, 2013 Article abstract Management et Diversité : lignes de tension et perspectives The wide heterogeneity of conclusions of the studies addressing diversity and performance is well explained by the multi-meaning nature of these notions URI: https://id.erudit.org/iderudit/1015813ar and their tight connection to the historical and environmental context. The DOI: https://doi.org/10.7202/1015813ar time and culture, the management practices, the professional integration modes, the conjuncture and the inter-organisational context, as well, affect the performance of diversified teams. To make diversity a real performance See table of contents vector, organisations are committed to conceive and adopt policies which inscribe the change in long-duration (societal perspective), promote integrating-management practices, sensitive to the culture and the identity of Publisher(s) individuals (organisational level) and adopt mentoring and leadership practices (individual level). HEC Montréal Université Paris Dauphine ISSN 1206-1697 (print) 1918-9222 (digital) Explore this journal Cite this article Bruna, M. G. & Chauvet, M. (2013). La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif. Management international / International Management / Gestiòn Internacional, 17, 70–84. https://doi.org/10.7202/1015813ar Tous droits réservés © Management international / International Management This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit / Gestión Internacional, 2013 (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif Maria Giuseppina Bruna Mathieu Chauvet Université Paris-Dauphine EDC Paris Résumé Abstract Resumen L’historicité, la contextualité et la poly- The wide heterogeneity of conclusions of Las dimensiones culturales y temporales, sémie des notions de diversité et de per- the studies addressing diversity and per- el tipo de gestión adoptado las formas de formance expliquent l’hétérogénéité des formance is well explained by the multi- inserción profesional, la coyuntura econó- conclusions auxquelles aboutissent les meaning nature of these notions and their mica y el contexto interno a la organización études empiriques qui en testent la relation. tight connection to the historical and envi- influyen en los rendimientos de equipos Les dimensions culturelles et temporelles, ronmental context. The time and culture, diversos. Para transmutar la diversidad en le type de management adopté, les modes the management practices, the professional palanca para los rendimientos, las organi- d’intégration professionnelle, la conjonc- integration modes, the conjuncture and the zaciones son invitadas a concebir políti- ture et le contexte intra-organisationnel inter-organisational context, as well, affect cas de diversidad con vistas a inscribir el influent sur la performance des équipes the performance of diversified teams. To cambio en el largo plazo (perspectiva en diversifiées. Afin de transmuer la diversité make diversity a real performance vector, términos sociales, “societales”), promover en levier de performance, les organisations organisations are committed to conceive una gestión integradora que tome en cuenta sont invitées à concevoir des politiques and adopt policies which inscribe the las dimensiones culturales y de identidad diversité soucieuses d’inscrire le change- change in long-duration (societal perspec- (nivel organizativo), desarrollar la práctica ment dans la durée (perspective sociétale), tive), promote integrating-management de la tutoría (mentoring) y del liderazgo de promouvoir un management intégra- practices, sensitive to the culture and the (nivel individual). teur attentif aux dimensions culturelles et identity of individuals (organisational identitaires (niveau organisationnel), de Palabras claves: Diversidad, rendimiento, level) and adopt mentoring and leadership développer la pratique du mentoring et du gestión, integración, contexto, coyuntura, practices (individual level). leadership (échelon individuel). tiempo, cultura, liderazgo, tutoría (mento- Keywords: Diversity, performance, man- ring) Mots clés : Diversité, performance, mana- agement, integration, context, conjuncture, gement, intégration, contexte, conjoncture, time, culture, leadership, mentoring temps, culture, leadership, mentoring A lors que l’articulation entre les leviers économiques et sociaux de la performance des organisations constitue un objet central d’investigation scientifique, la question de nalisation matérialisée par l’introduction de dispositifs de labellisation reconnus par les autorités publiques. Si la notion de diversité interpelle, c’est qu’elle mène la diversité s’est progressivement érigée en problématique à un triple questionnement à la fois notionnel (contenu et sociétale et paradigme d’action. Introduite en France à la frontières du concept de diversité), procédural (formes des faveur d’un saisissement par les hautes sphères patronales dispositifs pro-diversité) et vocationnel (finalité des politi- (Bébéar, 2004; Sabeg & Mehaignerie, 2004), elle a été rapi- ques de diversité). Elle demeure, néanmoins, un sujet diffi- dement relayée par les sphères professionnelle, associative cile à aborder puisqu’elle se situe à l’orée du juridique (lutte (Charte de la Diversité, IMS Entreprendre pour la Cité, contre les discriminations et les inégalités de traitement), A.N.D.R.H., A.F.M.D…) et académique (Peretti, 2007; du politique (mise en place de conditions propices à la réa- Barth & Falcoz 2007; Barth & Falcoz, 2010). Répondant à lisation de l’égalité des chances entre tous les citoyens) et un impératif de développement éthique, le lancement de ces du sociétal (impératif de cohésion sociale). programmes d’action positive s’est inscrit dans la filiation Malgré tout, les implications économiques potentielles des réflexions rawlsiennes sur l’équité et la justice sociale d’une diversification du profil des collaborateurs, et notam- ainsi que dans un mouvement de fond destiné à lutter contre ment des cadres, font l’objet d’une attention croissante tant les discriminations et à promouvoir l’égalité des chances dans le champ académique que professionnel. Aussi est-il dans le champ professionnel (Laufer, 2009). Au final, les désormais courant d’associer, parfois un peu hâtivement, organisations sont donc appelées à conjuguer une fonction les concepts de diversité et de performance, tant dans les productive, de nature économique, avec une mission inté- discours publics que dans la rhétorique managériale. C’est gratrice, d’estampille sociale, en (re)devenant des espa- pourquoi interroger scientifiquement le lien entre valorisa- ces privilégiés où se joue une partie du rituel républicain tion de la diversité et performance implique, de prime abord, d’intégration (Sabeg & Mehaignerie, 2004; Bruna, 2011a). de dépasser une perspective purement éthico-sociale pour Erigée en norme, la diversité a fait l’objet d’une institution- se focaliser sur une analyse intégrant la diversité - soit-elle
La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif 71 d’âge, de genre, d’origine ou de condition - parmi les res- s’avère pourtant dépourvue d’une définition universelle. sources mêmes de l’organisation. En d’autres termes, cela Cette absence de convergence conceptuelle de la diversité appelle à reconnaître que des facteurs extra-économiques est illustrée par la pluralité des définitions qui lui sont, tour peuvent exercer un impact significatif sur la performance : à tour, affublées : les caractéristiques susceptibles de la la diversité des collaborateurs, de leurs modes de socialisa- qualifier (ethnie, nationalité, genre, handicap, âge…) ainsi tion, des structures de coopération interne (Dameron, 2004) que les politiques mises en œuvre en vue de la promouvoir et des modes de management mobilisés seront autant de dépendent fortement du secteur d’activité de l’organisa- facteurs identifiables. Pourtant, malgré la pluralité d’études tion, de son environnement, de sa taille, de sa stratégie, de consacrées à la question, nul consensus n’a pu se dégager sa culture… Alors comment penser le management de la quant à l’articulation entre la diversité sociologique des diversité en entreprise ? personnels et la performance des équipes et des entrepri- ses auxquelles ils appartiennent. L’objectif premier de cet Si l’on suit le sens commun, manager la diversité article est donc d’interroger les notions de diversité et per- consiste dans le déploiement de dispositifs appelés à inté- formance en tant que construits socio-historiques se carac- grer et faire coopérer de manière efficace des individus térisant par une polysémie et une polyvalence certaines. présentant des caractéristiques sociologiques différentes. Concept apparu aux Etats-Unis aux débuts des années 1990 S’appuyant sur une revue de la littérature explorant pour contrer les critiques adressées aux politiques d’égalité l’impact de la diversité sur la performance des organisa- des chances et d’affirmative action (Kelly & Dobbin, 1998; tions sur la période 1990-2010, ce document cherche égale- Bender & Pigeyre, 2004), la notion de diversité renvoie en ment à éclairer l’hétérogénéité des conclusions des études fait à trois phénomènes macro-sociaux majeurs (Cornet & empiriques à la lumière de paradigmes théoriques multi- Warland, 2008) : ples, notamment la Resource-Based-View, la Théorie de la dépendance aux ressources, la Théorie de l’identité sociale 1. la différentiation croissante de la clientèle et des usa- et les Critical Management Studies. Bien que les résultats gers impliquant pour les entreprises un effort accru en d’études empiriques testant l’impact d’une ou plusieurs matière d’identification, compréhension et traitement dimensions de la diversité sur la performance des organisa- de leurs exigences; tions brillent par leur hétérogénéité comme le dévoilent les 2. la diversification croissante de la main-d’œuvre sur le méta-analyses de Jackson et al. (2003) et McMahon (2010), marché de l’emploi allant de pair avec un environne- un début de convergence se fait jour entre chercheurs en ment institutionnel, social et économique de plus en stratégie et GRH quant à l’importance de la diversité en tant plus complexe; que facteur potentiel et conditionnel d’accroissement de la performance des entreprises. 3. la diversification (en termes de genre, d’âge, d’origines, de culture, de conditions) du profil des travailleurs à Au croisement des apports de la littérature et de recher- l’intérieur des organisations. ches empiriques en cours, s’appuyant aussi sur la fréquen- tation régulière des entreprises partenaires de la Chaire Derrière ce foisonnement d’éléments constitutifs de la « Management et Diversité » de la Fondation Dauphine et diversité se cache une difficulté réelle à appréhender les de l’Association Française des Managers de la Diversité, frontières de ce concept à la fois problématique et en perpé- cet article met en relief l’effet modérateur des dimensions tuelle renégociation (Haas & Shimada, 2010). Globalement, temporelles, culturelles et managériales et relationnelles la diversité renvoie à la différence telle qu’elle est perçue et dans la transmutation de la diversité des équipes en levier traitée au sein d’un collectif. Tantôt analysée sous le prisme de performance économique. de la séparation ou de la disparité, la diversité est le plus souvent perçue comme synonyme de variété (Harrison & Klein, 2007). Rappels des notions de diversité A cet égard, cette notion devrait être envisagée au tra- et de performance vers de la notion d’altérité, renvoyant au saisissement et à la En tant que construits sociaux soumis à des requalifications reconnaissance d’autrui dans son intarissable et irréductible continues, les concepts de diversité et de performance ne singularité. sauraient se plier à une unité de définition ni une unité de mesure. Afin de mieux cerner ces concepts polysémiques et polyvalents, il s’avère indispensable de revenir sur leur Définition de la performance usage au sein de la littérature académique. La performance s’affirme comme l’un des concepts-clés du management des organisations. A ce titre, elle affiche une pluralité de définitions selon que l’on s’intéresse à sa Définition de la diversité dimension individuelle ou collective, économique ou socié- Notion de plus en plus mobilisée tant dans la sphère profes- tale, politique ou systémique. Finalement, le concept de sionnelle, politique, scientifique ou associative, la diversité performance figure parmi les notions les plus abstraites et
72 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial floues de la littérature académique organisationnelle, à tel Théories mobilisables pour appréhender le lien point que certains auteurs s’interrogent même sur la possi- performance-diversité bilité de la définir (Bourguignon, 1995; Gauzente, 2000). Malgré l’absence d’une unité définitionnelle des notions Or, l’étape définitionnelle s’avère indispensable pour pen- de diversité et de performance, de nombreux auteurs ont ser, mesurer, mais aussi évaluer les impacts de la diversité tenté de les associer en se penchant sur la relation diver- sur l’efficacité et l’efficience des équipes. Historiquement sité-performance. Pour ce faire, ils ont mobilisé des modè- et contextuellement situé, ce concept est, de plus, sans cesse les théoriques différents tels que la Resource-Based View, ré-envisagé et renégocié. la théorie de la dépendance aux ressources, la théorie de Lorsque l’on croise les principaux travaux scientifiques l’identité sociale ou des perspectives inspirées des Critical consacrés à l’articulation entre diversité et performance des Management Studies. équipes, c’est la perspective économique de la performance qui est abordée de façon majoritaire (Caby et al., 1996). La « Ressource-Based View » Or, appréhender les effets de la diversité sur les organisa- Extension de la théorie classique des avantages compara- tions appelle à dépasser une perspective purement finan- tifs, la Ressource-Based-View (Penrose, 1959) confie au cière de la performance. Toute une littérature adopte ainsi management la tâche d’identifier et d’exploiter au mieux une approche sociale de la performance : elle s’intéresse les ressources et les compétences, les forces et les faiblesses principalement aux dimensions humaines de l’organisa- de chaque organisation afin d’en optimiser la performance tion. La morale et la cohésion y sont considérées comme (Tywoniak, 1998). Dans cette approche, les différences primordiales et essentielles, et donc privilégiées au sein de de performance sont principalement expliquées au regard l’entité considérée. Dans cette perspective, l’atteinte des de la capacité de l’organisation à identifier, mobiliser et objectifs sociaux s’avère le préalable et la condition princi- développer un portefeuille de ressources-clés (Hansen & pale de réalisation des objectifs économiques et financiers Wernerfelt, 1989). Dans un cadre hautement concurrentiel, (Gauzente, 2000). promouvoir une politique de diversité reviendrait pour l’en- treprise à élargir son sourcing à des collaborateurs au profil L’approche systémique de la performance, quant à elle, atypique (femmes, étrangers, personnes issues des minori- met au centre du débat l’harmonisation ainsi que la péren- tés ethniques et/ou culturelles, handicapés…) et, de facto, nité des sous-systèmes d’une entreprise. Dans cet environ- à augmenter sa probabilité d’attirer à elle les ressources nement, les capacités de l’organisation sont mises en valeur humaines et les compétences les plus pertinentes. et la performance est alors définie comme « le degré auquel une organisation, en tant que système social disposant de La Resource-Based-View souligne ainsi la dimension ressources et moyens, remplit ses objectifs sans obérer ses créatrice de valeur propre à la diversification (ethnique, moyens et ressources et sans mettre une pression indue sur culturelle, sociale, de genre, d’âge…) des équipes. Et cela, ses membres. » (Georgopoulos & Tannenbaum, 1957). aux dépends d’une analyse des risques (condamnation pour discrimination, déperdition d’image alors même que Enfin, la perspective politique de la performance la diversité a été érigée en norme collectivement appro- (Morin et al., 1994) met en avant une optique beaucoup priée) qui pourtant constitue l’un des mouvants essentiels plus relativiste où aucune référence absolue n’est identifia- de la politique diversité des organisations. De surcroit, la ble et où tout individu peut avoir ses propres critères pour Resource-Based-View, dans ses modèles les plus étroits, ne juger la performance d’une organisation. L’appréciation de permet pas de cerner un des motifs essentiels de promotion la performance (donc son évaluation tant qualitative que d’une politique diversité : la légitimation de l’entreprise. Or, quantitative) se fait alors à la fois discrétionnaire et non- comme le souligne la théorie de la construction de la légi- universellement généralisable. timité, « le management de la diversité peut être un levier De ce foisonnement définitionnel ayant trait aux dans une stratégie de légitimation de l’entreprise auprès notions de diversité et de performance découle la nécessité de ses parties prenantes » (Barth et Falcoz, 2007, p.275) au de développer un prisme analytique dual à même de facili- travers d’un processus de triple légitimation morale, prag- ter l’appréhension des résultats multiples et contradictoires matique et cognitive (Suchman, 1995; Barth, 2007). C’est auxquels aboutissent les recherches empiriques consacrées ainsi que la diversification des équipes peut constituer un à cette problématique. En effet, un jeu dialectique de binô- message adressé aux parties prenantes de nature à accroître mes constitue l’un des principaux outils de considération la légitimité de l’entreprise, à améliorer sa réputation et sa de la performance qui est utilisé dans les études académi- confiance et, par ricochet, accroître son attractivité et donc sa performance. ques interrogeant le lien entre diversité et performance : économique/sociétale; financière/commerciale; efficacité/ Théorie de la Dépendance aux Ressources efficience; court-terme/long-terme. Identifier ces différents binômes s’avère être un préalable méthodologique impor- S’inscrivant dans le prolongement des théories de la contin- tant afin de saisir et expliquer les résultats contrastés de ces gence, la Théorie de la Dépendance aux Ressources consi- différentes études. dère les organisations comme des « systèmes ouverts »
La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif 73 (Scott, 2003) dont il est impossible de comprendre les permettant aux individus de conscientiser et de décortiquer comportements ou la structure sans prendre en considéra- les situations de domination et de répression, pour mieux tion le contexte dans lequel elles évoluent. Ces dernières les contrer. Dans ce cadre, des caractéristiques structu- cherchent donc à s’adapter à leurs environnements pour relles de la société contemporaine telles que la recherche d’abord assurer leur survie, puis améliorer leur situation impérative du profit, la patriarchie, les inégalités sociales, (Pfeffer & Salancik 1978). La performance d’une organisa- les discriminations raciales et l’irresponsabilité écologi- tion est perçue comme dépendant du niveau de ressources que induiraient les organisations à se comporter comme fournies par l’environnement extérieur; elle est appréciée des instruments de domination et d’exploitation. Le but principalement à la lumière du critère d’efficacité, et non des Critical Management Studies est donc de permettre le pas d’efficience. De manière similaire aux doctrines institu- développement d’interprétations critiques et de proposer tionnelles, cette théorie suggère l’adoption d’une politique des alternatives radicales (CMIG, 2012). d’aménagement professionnel pour retenir les employés et attirer les candidats les plus prometteurs (Milliken et al., Dans l’optique de la diversité au travail, les théories 1998). La diversification du profil des collaborateurs est critiques identifient l’existence de centres et de périphéries alors perçue comme pouvant contribuer à en accroître la dans l’expression du pouvoir organisationnel. A savoir, la productivité, ce qui aurait une incidence positive sur la per- reconnaissance d’identités considérées comme étant centra- formance (Arthur & Cook, 2003). les ou marginales (Meyerson & Scully, 1995). A cet égard, la diversité peut être « résistée » et le pouvoir récupéré ou Néanmoins, la Théorie de la Dépendance aux retiré par les personnes le détenant au travers de stratégies Ressources met surtout en relief la dépendance de l’entre- telles que la cooptation, la marginalisation ou la « pou- prise à l’égard de ressources fournies par l’environnement dre aux yeux » (Jones & Stablein, 2006). Ce mouvement extérieur. Or, la diversité n’est pas seulement une donnée constant de résistance entre individus centraux détenteurs exogène à l’entreprise propre à l’environnement social et du pouvoir et individus marginalisés amène à inscrire l’ap- sociétal dans lequel elle évolue. Elle constitue aussi une préhension des différences au sein des organisations dans réalité endogène à l’organisation puisqu’elle renvoie au ras- une dimension politique (par le biais de pratiques de mana- semblement d’individus aux profils sociologiques, apparte- gement proches des théories radicales du post-colonialisme nances et fonctions différents. ou des problématiques anti-racistes ou féministes). Dans cette optique, Humphries et Grice (1995) appréhendent la Théorie de l’identité sociale diversité comme une problématique certes séduisante mais La Théorie de l’identité sociale (Tajfel & Turner, 1986) fondée sur l’exploitation, notamment commerciale comme propose des instruments de pensée, in primis la catégo- le révèle l’étude de cas de Subeliani & Tsogas (2005) por- risation sociale et la comparaison entre groupes, destinés tant sur la Rabobank, des individus dits « marginalisés ». principalement à élucider les processus d’identification Cette conception de la diversité reste rigoureusement sociale et d’affiliation des individus. Selon cette théorie, centrée sur la structure de pouvoir au sein des organisa- l’appartenance des individus à un groupe découlerait d’un tions. Or, les théories critiques sollicitées s’appliquent sur- double processus d’auto-positionnement d’un individu au tout aux relations de genre ou inter-ethniques au travail, sein d’un groupe social institué, et de la reconnaissance plus qu’aux autres formes de diversité. De plus, au sein de extérieure de son appartenance à cette instance d’affiliation. la structure organisationnelle, il convient de distinguer le Cependant, la Théorie de l’identité sociale repose sur pouvoir fort (pouvoir de contrôler l’allocation de ressources des présupposés sociologiques (homophilie des acteurs, dans les organisations) du pouvoir souple, de fait plus en rassemblement groupal basé sur une recherche d’endoga- rapport avec le management de la diversité. On qualifie de mie…) qui enferment finalement les stratégies relation- pouvoir souple un pouvoir symbolique tiré de la possession nelles des acteurs dans une logique quelque peu binaire. d’un patrimoine de savoirs légitimes, jamais remis en cause Ainsi, cette théorie ne conçoit l’identité d’un individu qu’en et tenus pour acquis, ayant trait à un comportement décrit rapport à ses appartenances. A l’inverse de la sociologie comme naturel car, plus ou moins consciemment, appro- néo-structurale où l’acteur-stratège est assimilé à un mar- prié et/ou autorisé par les autres individus de l’organisation ginal-sécant ou à un poly-statutaire (Lazega, 2008, 2011), (Kossek et al., 2006). l’individu n’est présenté dans la Théorie de l’Identité Au final, on constate que, en tant que construits sociaux Sociale que comme étant le prisonnier de choix relationnels soumis à des requalifications continues, les concepts de contraints, souvent binaires. diversité et de performance ne sauraient afficher ni une unité de définition ni une unité de mesure. C’est pourquoi Critical Management Studies le lien entre ces deux notions ne saurait être ni univoque Les théories critiques cherchent à remettre en cause l’idéo- ni mono-orienté. Les théories présentées ci-dessus ne pou- logie contemporaine du capitalisme, ses processus de domi- vant rendre compte de l’éventail de facteurs historiques, nation à travers la déformation de la connaissance. Elles contextuels et situationnels à même d’influencer cette rela- poursuivent l’émergence d’une connaissance émancipatrice tion, on comprend mieux l’hétérogénéité des conclusions
74 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial auxquelles aboutissent les nombreuses études empiriques Dans ce cadre, faire du développement d’une politique testant l’impact de la diversité sur la performance. globale de diversité (Özbilgin & Tatli, 2008) un processus créateur et non une invention dogmatique (Alter, 2005) invite à l’insérer dans une dynamique sociale de signifi- Diversité-performance, une articulation à penser, cation et d’appropriation collectives. Cela appelle ainsi à des tests non-convergents intérioriser la politique diversité dans le patrimoine régle- mentaire et processuel de l’organisation, ce qui passe par son L’existence, la significativité et le sens de la relation entre institutionnalisation, une remise en question des croyances diversité des équipes et performance sont loin d’être évi- initiales et une inversion normative. Inscrire une politique dents, systématiques ou univoques. Aussi, comme le rap- diversité dans une dynamique créative invite à édicter de pellent Ely et Thomas (Ely & Thomas, 2001), nombre nouvelles normes au regard de la nouveauté organisation- d’études académiques abordant l’impact d’une forme par- nelle que représente la promotion de la diversité ainsi qu’à ticulière de diversité (l’ethnicité, l’origine culturelle, le adopter une perspective d’amélioration continue. Ainsi, genre) sur la performance aboutissent à des conclusions seul le développement d’une politique de diversité globale non-convergentes. et transversale (Özbilgin & Tatli, 2008) à la fois intégrée (pilotage centralisé) et collectivement portée (décentralisa- tion opérationnelle) peut stimuler la performance. La dimension contextuelle des implications de la diversité sur la performance Nombre d’organisations renoncent néanmoins à porter Bien qu’une certaine littérature managériale s’appuyant sur des politiques diversité globales (Pitts, 2005, Jackson et la Théorie des Ressources et des Compétences (Thomas, al., 2003, Cox & Blake, 1991) car jugées trop engagean- 1991; Morrison, 1992; Cox, 1993) plaide en faveur de la tes. Comme l’atteste une étude empirique menée dans le reconnaissance de l’impact significatif et positif de la diver- secteur bancaire hollandais par Subeliani & Tsogas (2005), sité, notamment culturelle, sur l’efficacité des groupes de ces organisations se contentent alors de politiques diversité travail, les recherches empiriques s’avèrent moins optimis- sectorielles, promulguées uniquement dans le but d’ac- tes et concluantes. Et ce car, en tant que construits sociaux, croître l’attractivité de l’entreprise auprès d’un secteur les notions de diversité et de performance sont fortement particulier (dans le cadre de cette étude de cas, les clients dépendantes des contextes historiques dans lesquels elles d’origine étrangère) plutôt que pour améliorer la qualité de émergent, évoluent et se diffusent. Ces concepts sont sans la vie professionnelle et les perspectives de carrière de leurs cesse remodelés au gré des rapports de force et des acteurs employés issus des mêmes minorités ethniques. L’impact engagés dans leur définition et mobilisation. Aussi font-ils bénéfique de la politique diversité s’avère ici sectoriel l’objet d’une requalification continue qui en traduit l’histo- (rentabilité financière et diversification « locale » des bas ricité et la contextualité intrinsèques. échelons hiérarchiques), ne contribuant finalement qu’à développer une stratégie d’affichage de la « responsabilité L’appréciation de l’articulation entre diversité et perfor- sociale » de l’entreprise sans améliorations en son sein de la mance implique dans un premier temps d’appréhender un position des employés issus de minorités ethniques. C’est ensemble de conditions pouvant modérer l’impact de la pre- donc bien l’objectif spécifique de la politique diversité mière sur la seconde - dimensions conjoncturelles, contex- qui détermine son impact effectif sur l’épanouissent pro- tuelles, temporelles et organisationnelles - (Ely & Thomas, fessionnel des collaborateurs (Subeliani & Tsogas, 2005). 2001; Bender & Pigeyre, 2004; Belghiti & Rhodain, 2001; Si la démarche diversité n’est orientée que marketing, elle Cornet & Delhaye, 2006; Landrieux-Kartochian, 2007; sera de nature à accroître la performance économique de Peretti, 2007; Hermont & Joras, 2007). De par cette multi- l’entreprise tout en renforçant le phénomène de plafond de dimensionnalité des notions de diversité et de performance, verre en son sein. nombreuses sont les études qui mettent en relief l’exis- tence d’effets balancés, tantôt positifs tantôt négatifs, d’une diversification des équipes sur leur performance. Face à Diversité, cohésion et performance des équipes. ces conclusions, un constat s’impose : le contexte s’avère crucial pour déterminer la nature de l’impact de la diver- Bâtir l’unité organique d’une entreprise à la fois respec- sité sur la performance. Car si la diversité est de nature à tueuse des singularités et soucieuse de sa cohésion néces- exercer une influence sur la performance des organisations, site un changement de paradigme destiné à appréhender la cet impact doit être apprécié au regard du contexte insti- diversification comme le fruit de processus sociaux, politi- tutionnel, économico-social et organisationnel de l'entité ques et économiques. Transmuer la diversité des équipes en étudiée. Au final, si la diversification des équipes consti- levier de performance économique implique alors de pren- tue une ressource stratégique pour les organisations, elle dre le temps d’accompagner ce changement perspectif et ne constitue un avantage concurrentiel que si elle s’intègre processuel, de ressouder l’organisation autour d’une culture dans une politique de responsabilisation sociétale (Igalens inclusive, d’un partage normatif, d’un mode de manage- & Joras, 2002). ment responsable et d’un leadership transformatif.
La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif 75 S’appuyant sur 24 études empiriques, la méta-ana- des deadlines, la synchronisation des comportements des lyse de Webber & Donahue (2001) interroge l’impact de membres de l’équipe et une allocation satisfaisante des res- différentes dimensions de la diversité sur la cohésion et sources temporelles (Mohammed et Nadkarni, 2011). En la performance d’équipes de travail. Allant à l’encontre agissant de la sorte, le manager s’avère, non seulement à des résultats des dernières études sur le sujet (Milliken & même de modérer la relation entre diversité temporelle et Martins, 1996), les auteurs observent que la diversification performance de l’équipe, mais également d’influer positi- des équipes n’influe pas réellement sur leur cohésion et leur vement sur l’efficacité de son collectif de travail. performance. La spécificité de leur recherche consiste en la distinction de la diversité professionnelle en attributs mesu- rant le degré d’expériences, de compétences et de perspecti- La diversité culturelle, levier de créativité ves pertinentes en rapport aux activités cognitives recquises sous contrainte de management par la fonction excercée. Depuis des décennies, l’accroissement de la diversité cultu- Ce degré de job-relatedness (relationnalité au travail) relle au sein de l’entreprise constitue l’un des défis majeurs distingue les différentes formes de diversité au regard de du management moderne de par ses implications tant sur les critères fonctionnels, d’éducation ou de parcours profes- processus de gestion des ressources humaines (recrutement, sionnel plutôt que de critères démographiques ou de natio- sélection, mobilisation du capital humain et fidélisation des nalité : ces attributs s’avèreraient, selon les auteurs, bien collaborateurs) que sur les dynamiques organisationnelles plus pertinents en vue d’éclairer l’activité d’un groupe de (Richard, 2000). A cet égard, l’affirmation de l’impact posi- travail et la performance de ses membres. Or, malgré la tif de la diversification ethnique et/ou culturelle des équipes mobilisation d’une taxonomie originale fondée sur le degré sur leur performance constitue une croyance managériale de job-relatedness, les auteurs n’identifient aucun impact aux accents performatifs. Ainsi, de par la pluralité de leurs de la diversité sur la cohésion ou la performance du groupe. enracinements (nationaux, ethniques, culturels, linguisti- Ils avancent un certain nombre d’arguments pouvant expli- ques…) et de leurs trajectoires, les collaborateurs issus de quer ces résultats. la diversité seraient porteurs d’une sorte d’altérité cogni- tive (Bruna, 2011b). Favorisant un brassage de perspectives L’influence modératrice du temps est notamment évo- et d’opinions, la diversité culturelle profiterait à la perfor- quée. Plus spécifiquement, la longévité du groupe de travail mance de l’organisation dont elle stimulant la créativité, pourrait modérer la relation entre des groupes ayant une la capacité prospective, la réactivité et l’adaptabilité. Là faible diversité en termes de job-relatedness et la cohésion où « la diversité des personnes [constitue… selon Bellard de ces mêmes groupes. Il a déjà été démontré (Harrison et (2005)] une source intarissable de créativité, particulière- al., 1998; Watson et al., 1993) qu’avec le temps, les aspects ment utile dans le cadre de travail en projet ou en équipe », négatifs généralement associés à la diversité décroissent cette croyance n’en reste pas empiriquement prouvée. considérablement car les individus apprennent à se connai- tre et acquièrent une meilleure compréhension de leurs dif- Certes, l’étude pionnière de Cox et Blake (1991) a férences au sein du groupe. démontré l’existence d’un effet robuste et positif de la diversité culturelle sur la compétitivité. La généralisation Dans une perspective similaire basée à la fois sur la des conclusions n’en demeure pas moins problématique de relation entre la diversité démographique et cognitive des par la pluralité de facteurs pesant sur la relation diversité/ équipes et sur les effets réciproques de la diversité sur la performance (contexte géographique et historique, culture performance des organisations, Kilduff et al. (2000) mon- nationale et organisationnelle, mode de management des trent que les membres des équipes hautement performantes équipes, échelle temporelle choisie, critères d’appréciation tendent à présenter une multiplicité d’orientations interpré- et indicateurs mobilisés…). La littérature en management tatives en début du cycle de vie de l’équipe. Puis, au fur et interculturel a, certes, mis en relief l’impact positif de la à mesure du murissement de l’équipe, autrement dit qu’elle diversité sur la créativité des équipes-projets, elle n’en a se rapproche de la fin de son cycle de vie, ils ont tendance pour autant pas caché les risques potentiels et les effets à s’approcher d’une plus grande clarté de perspective. Ces pervers. Si certains travaux ont dévoilé l’existence à court équipes affichent ainsi une initiale ambigüité interprétative terme d’effets négatifs de la diversification culturelle sur reconductible justement à la distance « cognitive » entre les la performance des équipes, traduisant ainsi des phénomè- acteurs qui cède la place progressivement à un éclaircisse- nes d’incommunicabilité, d’incompréhension réciproque ment perspectif, au fur et à mesure du consolidement de et de crispation identitaire, les recherches de Watson et al. l’équipe de top-management. (1993) et Jackson et al. (2003) ont souligné qu’à long terme Le temps joue donc une fonction modératrice de la rela- les équipes diverses affichent une performance supérieure tion entre diversité cognitive des acteurs et performance aux équipes homogènes de par un supplément de créati- de leurs équipes. La gestion du temps constitue l’une des vité. Malgré la pluralité de recherches concluant à l’impact prérogatives essentielles du manager qui se doit de pos- positif de la diversification (cognitive plus que démogra- séder un fort degré de leadership temporel (team tempo- phique) des équipes sur leur créativité et la qualité de leur ral leadership) afin de permettre une claire planification processus décisionnel (Milliken et Martins, 1996 ; Milliken
76 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial Tableau 1 Diversité-performance, des résultats empiriques contrastés Ely & Thomas (2001) Richard (2000) Roberson & Park (2007) Jayne & Dipboye (2004) 3 perspectives : 2 hypothèses : 2 études : 3 arguments : ⇒ perspective intégrative ⇒ diversité culturelle source ⇒ c orrélation réputation ⇒volonté d’attirer les et d’apprentissage de performance car en termes de diversité / meilleurs profils ⇒ perspective promoteur de ressources et performance ⇒ meilleure adaptation à d’accessibilité et de de compétences ⇒ c orrélation diversité une clientèle diverse légitimité ⇒ lien diversité/performance ethnique des managers / ⇒ stimulation de la ⇒ perspective d’équité et modéré par la stratégie performance créativité des équipes de discrimination économique adoptée • conclusion : pas d’impact • conclusion : fossé avec • conclusion : impact • conclusion : pas de significatif de la réputation la réalité; les employés positif pour la seule corrélation directe, positive sur le revenu net ou le apprécieront moins de perspective intégrative et et systématique, mais forte chiffres d’affaires, mais travailler avec un individu d’apprentissage sensibilité de la relation relation avérée entre au profil sociologique très diversité/ performance diversité des managers et différent qu’avec un collègue à l’égard de la stratégie performance (courbe en U) sociologiquement plus économique adoptée similaire et al, 1998; Kilduff et al., 2000; Jayne & Dipboye, 2004; Origines de l’hétérogénéité des résultats Landrieux-Kartochian, 2005, 2007), toute un autre pan de dans la littérature la littérature (Richard, 2000; Ely and Thomas, 2001; Pitts, La forte sensibilité des résultats à la conjoncture politique 2005 ; Kochan et al., 2003) conteste l’existence d’une rela- et économique, à l’échelle temporelle d’analyse mobilisée tion causale directe et significative entre la diversification (court, moyen ou long terme) ou au contexte organisation- des équipes et l’accroissement de leur performance. nel empêchent la généralisation des conclusions de ces Il en ressort donc que si dans certaines configurations la travaux empiriques. C’est pourquoi Kossek et al. (2006) diversité peut constituer une ressource clé pour l’organisa- et initialement Cox (1993) recommandaient d’apprécier le tion, elle peut, dans d’autres contextes, constituer un facteur « climat de la diversité » d’une organisation à la lumière de d’accroissement des tensions, des rivalités et des conflictua- trois dimensions principales : individuelle (structure d’iden- lités internes (Klarsfeld, 2010). tité des acteurs, type de personnalité, préjugés dominants), groupale (différenciation culturelle, dynamiques psychoso- Le tableau récapitulatif ci-dessus retraçant les résultats ciologiques de groupe, ethnocentrisme/altéro-phobie…), contrastés des principales études menées sur le sujet du lien organisationnelle (culture d’entreprise, dynamiques inté- diversité/performance nous conforte dans cette observation gratives structurelles vs informelles, processus d’accultura- (Tableau 1). Cela nous amène à souligner le caractère non- tion professionnelle, « partialité institutionnelle »). généralisable des conclusions (non-reproductibilité des études empiriques, dimension contextuelle des résultats De plus, le lien diversité/performance est modérée par obtenus) et leur sensibilité à l’égard de la conjoncture poli- la « performance égocentrée » des acteurs (carrière profes- tique et économique, de l’échelle temporelle adoptée (ana- sionnelle) et le niveau d’efficacité de l’organisation. lyse de court, moyen ou long terme), de la présence ou non Il convient donc de dévoiler l’influence exercée par une d’une masse critique de la diversité1 et du contexte et de la pluralité de facteurs (Jackson et al., 2003) sur la relation culture organisationnels. diversité/performance : le contexte sociétal, le contexte organisationnel (secteur, taille, histoire, stratégie, culture de l’entreprise…), les dynamiques groupales se déployant au sein de l’entreprise (modes d’intégration et de régu- lation - hiérarchique, endogène, conjointe-; formes de 1. Si l’on suit Roberson & Park (2007) et Roberson (2012), le point d’inflexion à partir duquel la diversification ethnique des équipes pro- duirait une amélioration de la performance serait situé entre 25 et 30 % des collaborateurs).
La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif 77 leadership…), la structure des relations et des interactions la diversité de manière intrinsèque qui est source de perfor- dyadiques entre collègues et enfin les comportements indi- mance, mais bien son management. viduels. Par conséquent, il sera préjudiciable d’enfermer la diversité dans les seules dimensions méso-organisation- nelles (entreprises/équipes) en ne considérant ni le niveau Manager la diversité pour qu’elle soit source sociétal (macro) ni l’échelle individuelle (micro) (Jackson de performance : niveau sociétal, niveau et al., 2003). organisationnel, niveau individuel Inscrit dans de multiples conditionnalités, l’impact A l’aune des analyses présentées ci-dessus, manager la de la diversité sur la performance s’avère d’autant plus diversité s’avère une activité complexe, engluée dans un contextuel que ces deux notions manquent d’une unité défi- cadre multifactoriel nécessitant la prise en compte d’élé- nitionnelle et conceptuelle. Ce constat peut concrètement ments contextuels multiples. Développer une approche être relevé dans la littérature récente consacrée au sujet. En diversité au sein d’une organisation requiert donc une prise effet, par le biais de sa revue de littérature effectuée sur la en considération globale, à tous les niveaux de l’entreprise période 2000 – 2009, McMahon (2010) constate un délais- (Kossek et al., 2006; Cox, 1993). En effet, appréhender le sement des seules dimensions démographiques (la « race », lien performance-diversité incite à mettre en place des pro- l’ethnicité ou le sexe notamment) au profit d’une perspec- positions managériales envisagées à un niveau de généra- tive pluridimensionnelle. La différenciation liée aux fonc- lité du plus ample (niveau sociétal) au plus restreint (niveau tions exercées dans l’entreprise (parcours, ancienneté et individuel). Pour cela, il convient d’adopter un mode de expérience), les caractéristiques psychosociologiques des management transversal de la diversité et de l’encastrer acteurs (amabilité, ouverture à l’expérience, contacts, sen- dans une refonte globale des procédures RH, destinée à la timents et comportements) ainsi que les capacités d’inte- fois à définir une nouvelle gouvernance des entreprises et raction avec l’équipe (attitude envers les autres, acceptation un nouveau modèle de leadership soucieux de la pluralité des différences…) constituent en effet autant de facteurs des profils et des parcours individuels. de diversification à même d’influencer la performance plus significativement que les dimensions démographiques. En s’appuyant sur une analyse conséquente de la litté- rature scientifique, des études de cas issues de recherches Simultanément, les recherches récentes révèlent un en cours (Bruna, 2012; Bruna, Dang, Vo, 2012; Chauvet & élargissement de la notion de performance au-delà du seul Fernandez, 2010; Chauvet, 2012) ainsi que sur la fréquen- champ financier. Bien que l’estimation des résultats d’une tation d’entreprises partenaires de la Chaire « Management entreprise continue de reposer sur des indicateurs chiffrés et Diversité » de la Fondation Dauphine et/ou membres de de performance financière (retour sur actif, rendement des l’Association Française des Managers de la Diversité et de ventes, parts de marché…), les chercheurs intègrent comme l’Observatoire Social International2, les recommandations critères d’appréciation du lien diversité/performance des suivantes s’adressent prioritairement à de grandes entre- descripteurs extra-financiers tels que la qualité des résultats, prises confrontées à une diversification croissante de leurs le niveau d’intégration sociale et de créativité des équipes, équipes. Elles se nourrissent tant de la participation à des la qualité de la prise de décision et des modes de résolu- réunions professionnelles que de séances d’observation tion de problèmes, en sus d’indicateurs plus traditionnels participante et d’entretiens individuels avec des directeurs tels que les compétences, les capacités, les expériences, et responsables diversité et des managers opérationnels de les conflits relationnels ou liés au périmètre d’action des grands groupes, de culture organisationnelle tant française acteurs. Ainsi observe-t-on une redéfinition des termes de qu’anglo-saxonne. diversité au travail et de la performance d’entreprise. On retient donc au final que la diversité à elle seule ne peut rendre compte du différentiel de performance existant Au niveau sociétal, prendre le temps d’accompagner entre les entreprises, puisque certains facteurs tels que les le changement ressources, les capacités et les compétences sont beaucoup Fortement reliée à des enjeux sociétaux multiples et de plus à même d’expliquer ces variations. Seul un manage- grande envergure, la gestion de la diversité amène à réin- ment des ressources humaines, soucieux de l’intégration vestir trois champs majeurs de réflexion et d’action : et de la valorisation des collaborateurs « a-typiques » (au sens d’Alter, 2012), saurait convertir la diversité en avan- 1. le Juridique, à savoir comment s’assurer que les prati- tage concurrentiel pour l’organisation via notamment ses ques des entreprises ne contreviennent pas au principe implications sur la propension à innover. Ainsi, ce n’est pas d’égalité de traitement et de non-discrimination; 2. Le propos de cet article de recherche est avant tout théorique à l’articulation de la diversité et de la performance. Le lecteur pourra puisqu’il s’inscrit dans une revue de littérature. Même si nous présen- cependant obtenir plus d’éléments d’information concernant les métho- tons ici un certain nombre de recommandations pour le management dologies employées ou autres modalités de collection des données dans de la diversité et que celles-ci sont corroborées par des recherches le cadre de nos respectives recherches de terrains en se référant aux empiriques adjacentes à la réalisation de ce document, ces propositions études citées ci-dessus. managériales sont avant tout tirées d’une revue de littérature relative
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