La lutte contre l'antibiorésistance - Le stress thermique, un sujet brûlant VALACTA - Les Producteurs de lait du ...
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MAI 2019 VALACTA Le stress thermique, un sujet brûlant POSTE-PUBLICATIONS, CONVENTION No 40028511 DOSSIER La lutte contre l’antibiorésistance PLQP_2019-05-01.indd 1 19-04-17 10:24
SOMMAIRE 19V O L U M E ÉDI TO RIAL 3 9 – N U M É R O mai 8 7 VALACTA 26 Les Producteurs de lait, « bons citoyens Le stress thermique, un sujet brûlant corporatifs » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Depuis quelques années, on commence à ressentir les effets des changements climatiques. Selon les experts, nous verrons de plus en plus se succéder des températures et des phénomènes extrêmes. Cela aura bien sûr un impact sur la condition des vaches laitières qui sont déjà GESTION – SÉRIE JE SUIS CHEF D’ENTREPRISE 16 exposées à des températures excessives s’étalant sur Plus nombreux autour de la table une période de 3 à 4 mois par année. . . . . . . . . . . . . . . . . . .22 Pour intégrer la relève, Lorraine Mondou et Michel Robert ont misé à fond sur la diversification. Verticale comme horizontale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Pour réussir une diversification Un jour ou l’autre, bon nombre de producteurs se DOSSIER SUR L’ANTIBIORÉSISTANCE retrouvent confrontés à un choix : se diversifier ou pas? Puisqu’un entrepreneur averti en vaut deux, voici les Contrer la résistance aux antibiotiques conseils d’un spécialiste pour réussir son projet de par leur utilisation judicieuse . . . . . . . . . . . . . . . .25 diversification. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13 REPORTAGE À LA FERME Prévenir au lieu de guérir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26 RECHERCHE Antibiotiques et temps de retrait : TRANSFORMATION questions et réponses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28 Des actions concrètes! 22 Dans l’édition d’avril du Producteur de lait québécois (p. 24), MÉDECINE VÉTÉRINAIRE le CEFQ rappelait la stratégie retenue et ses priorités pour Comment réduire l’utilisation des faire face à la compétition étrangère. Depuis, nous avons antibiotiques sans compromettre la santé amorcé une série d’actions concrètes afin de mettre en de mes animaux? (2e partie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 œuvre cette démarche stratégique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15 POLITIQUE LAITIÈRE La réduction de la tolérance allouée aux producteurs : une évolution nécessaire 36 L’année 2018 a donné lieu à des discussions animées quant à la gestion de la production et à l’émission du quota aux producteurs. Des changements s’imposaient. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16 LES PRODUCTIONS SUPÉRIEURES DE VALACTA ...................20 LES PRODUITS LAITIERS S’ANNONCENT ..................................36 PARLONS NUTRITION ....................................................................40 À PROPOS DE LA PRODUCTION .................................................42 AILLEURS DANS LE MONDE ........................................................46 LA RECETTE ......................................................................................47 L’ACTUALITÉ LAITIÈRE EN BREF ..................................................49 MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 3 PLQP_2019-05-01.indd 3 19-04-17 13:27
ÉDITORIAL Les Producteurs de lait, « bons citoyens corporatifs » Le concept de responsabilité sociale des entreprises a été développé dans les années 1960- 1970. Comme son nom l’indique, il repose sur le devoir de reddition de compte des entreprises à la société au point de vue économique, social et environnemental. Les Producteurs de lait du Québec n’ont pas encore formalisé cet exercice de transparence, bien que nos différents rapports annuels et publications renferment la plupart des informations nécessaires pour qui se donne la peine de les consulter. Nous n’aurions pourtant pas à rougir d’un tel bilan. Sur le plan économique, d’abord, la contribution de notre secteur est considérable. En 2018, les fermes laitières québécoises se seraient classées au 5e rang des plus grands employeurs du Québec, avec plus de 22 000 emplois directs. Lorsqu’on tient compte de toute la filière québécoise, nous sommes à la source de près de 83 000 emplois. Nous avons livré 3,4 milliards de litres de lait, d’une valeur à la ferme de 2,6 milliards de dollars. La majorité de cet argent est réinjecté dans l’économie de nos localités et de nos régions. En 2018 seulement, en plus des dépenses courantes de nos fermes, sans compter les acquisitions de terres ou de quotas, nous avons investi 730 millions de dollars en machineries, équipements et bâtiments. Nous contribuons au PIB à hauteur de 6,2 milliards et retournons 1,3 milliard en taxes et impôts aux différents paliers gouvernementaux. Cette contribution économique est pérenne. Aucun d’entre nous ne va délocaliser la production ou déménager son siège social à l’étranger. Au point de vue social, plusieurs d’entre nous contribuent au maintien de communautés Beaucoup bien vivantes. Nous nous impliquons à la Caisse populaire, au conseil municipal, à la coop, dans nos organisations professionnelles et syndicales, malgré les longues heures de travail à d’entreprises ont à la ferme, ou encore, nous appuyons financièrement le festival local, le club de balle molle ou de hockey du village. cœur de redonner Cette contribution sociale n’est pas qu’individuelle. Collectivement, par le biais de notre organisation Les Producteurs de lait du Québec, nous rendons plus accessibles des activités à la société. On les culturelles, sportives et de loisir de masse. Grâce à la mise en marché collective, au même titre que les grandes entreprises et institutions, nos investissements en commandite améliorent la qualifie de « bons qualité de vie de nos concitoyens. Depuis plus de 30 ans, par exemple, nous sommes le principal partenaire de Vélo Québec citoyens corporatifs ». dans l’organisation du Tour de l’Île, aujourd’hui Go Vélo, qui a réuni en 2018 quelque 55 000 cyclistes. Sur le plan culturel, nous soutenons entre autres Montréal en lumière, le Qu’en est-il du bilan Festival d’été de Québec, le Festival western de Saint-Tite, le Festival international de jazz de Montréal, le Théâtre Jean-Duceppe, l’Orchestre symphonique de Montréal. Sans oublier de responsabilité les causes sociales, que nous soutenons par le biais de nos commandites régionales de vins et fromages pour des collectes de fonds. Finalement, les producteurs de lait ont donné depuis sociale des 2003 avec leurs partenaires de l’industrie près de 11 millions de litres de lait aux banques alimentaires et moissons par l’entremise du Programme de dons de lait et de produits laitiers producteurs de lait et de Banque alimentaire Québec. Sur le plan environnemental, nos fermes laitières contribuent à l’effort collectif. La récente québécois? mise à jour de l’analyse du cycle de vie du lait canadien a montré que l’empreinte carbone, la consommation de l’eau et l’utilisation des terres associées ont diminué respectivement de 8,7 %, 12,5 % et 16,2 % entre 2011 et 2016. Nous nous classons parmi les meilleurs au monde pour ces indicateurs. Les dernières années ont été éprouvantes pour les producteurs de lait. Les contrecoups de la mondialisation ont affecté nos marchés, nos revenus et notre confiance envers les gouvernements. Malgré les compensations promises, dont nous n’avons toujours pas vu la couleur, et le soutien répété à la gestion de l’offre, nous subirons longtemps les impacts de ces brèches de marché. Dans ce contexte difficile, le maintien des investissements collectifs et personnels des pro- ducteurs, qui nous permettent d’afficher un aussi bon bilan de responsabilité sociale, est plus que méritoire. Nul doute que cela aura contribué à l’appui manifeste des citoyens québécois et canadiens après la conclusion de l’ACEUM. L’excellence de notre produit, nos efforts constants pour améliorer nos pratiques et le démontrer avec notre programme de certification proAction ainsi que notre contribution sociale et économiqueq favoriseront le maintien de cet appui citoyen garant de notre avenir. président prés é id és den ent MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 5 PLQP_2019-05-01.indd 5 19-04-17 13:28
Revue publiée 10 fois l’an par Les Producteurs de lait du Québec (PLQ) Tirage : 8 191 exemplaires Date de parution : mai 2019 DIRECTEUR – PUBLICATIONS ET VENTES Charles Couture RESPONSABLE DE LA REVUE AUX PLQ ET RÉDACTEUR EN CHEF Jean Vigneault CHEF DE PUPITRE Julie Desbiens COLLABORATEURS Agriculture et Agroalimentaire Canada, CIAQ, CRAAQ, Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, Grappe de recherche laitière, Groupes-conseils agricoles du Québec, ITA, Les Producteurs laitiers du Canada, Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, Novalait, Pour que notre robot de traite reste efficace, Réseau laitier canadien, Réseau canadien de recherche sur la mammite bovine et la qualité du lait, STELA/INAF, UPA, je soumets mes vaches à un test de QI. Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement, Université McGill, TCN (Anne Felteau), Valacta VENTES pub@laterre.ca Tél. : 450 679-8483, poste 7712-7398 REPRÉSENTANTS PUBLICITAIRES Sylvain Joubert, poste 7272 Marc Mancini, poste 7262 Daniel Lamoureux, poste 7275 Sans frais : 1 877 679-7809 ADMINISTRATION Vincent Bélanger-Marceau TIRAGE ET ABONNEMENTS Lisa Higgins CONCEPTION GRAPHIQUE Sonia Boucher, Groupe Charest inc. RÉVISION LINGUISTIQUE ET CORRECTION COMMANDER Marie LeBlanc PHOTO DE LA COUVERTURE Yvon Gendreau le recueil de caricatures PRÉIMPRESSION La Terre de chez nous Le diable est aux vaches IMPRESSION Imprimerie FL Web TARIFS D’ABONNEMENT Un an : 19,55 $; deux ans : 29,32 $; trois ans : 39,09 $ Tél. : 450 679-8483, poste 7274 Le recueil de caricatures Le abonnement@laterre.ca diable est aux vaches regroupe CORRESPONDANCE Retourner toute correspondance ne pouvant 60 caricatures de Charles être livrée au Canada à : Le producteur de lait québécois Kohnen, parmi les meilleures 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 415 déjà parues dans la revue Le producteur de lait québécois. Obtetnreez Longueuil (Québec) J4H 4G3 Tél. : 450 679-0530, poste 8306 vo Téléc. : 450 679-5899 e! Courriel : plq@lait.qc.ca Ce recueil de caricatures vous est e mplair x e Site Internet : www.lait.org Dépot légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec offert en promotion à 10 $, taxes 3e trimestre 1980 Bibliothèque et Archives Canada et livraison incluses. ISSN 0228-1686 Les Producteurs de lait Poste-publications, convention no 40028511 Vous pouvez le commander par Courrier 2e classe, enregistrement no 5066 du Québec téléphone au 450 679-0540, Maison de l’UPA Toute reproduction totale ou partielle du Producteur de lait québécois est interdite sans l’autorisation poste 8306 ou en envoyant 555, boul. Roland-Therrien, du rédacteur en chef. un chèque (à l’ordre des bureau 415 Producteurs de lait du Québec) Longueuil (Québec) ainsi que votre nom, adresse J4H 4G3 et numéro de téléphone à l’adresse suivante : 6 MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2019-05-01.indd 6 19-04-17 13:29
GESTION Par ANDRÉ PIETTE, journaliste TÉMOIGNAGE DES AMBASSADEURS Plus nombreux autour de la table Lundi matin, 8 h. Toutes les places Pour intégrer la relève, Lorraine Mondou et Michel Robert sont occupées autour de la table de la salle à manger de Lorraine Mondou et ont misé à fond sur la diversification. Verticale comme Michel Robert. Au bout de la pièce, un ordre du jour s’affiche à l’écran d’un horizontale. téléviseur. C’est la réunion d’équipe hebdomadaire de la Ferme Mondou & Robert. Il y a cinq ans, le couple était seul à table. Peu à peu, des forces fraîches se sont ajoutées. Si bien que les réunions se tiennent maintenant à six. « On réunit tout le monde pour que chacun sache bien ce que les autres font, explique Michel. On regarde quelles sont les priorités de chacun et quelles seront les interactions entre eux. » Ce sont leurs enfants et leurs gendres que Lorraine et Michel regroupent ainsi autour de la table. Pour l’instant, ceux-ci sont des employés de l’entreprise. Un jour, peut- être, en constitueront-ils la relève. L’avenir le dira. Une chose est sûre, c’est que pour accueillir cette relève potentielle, le couple de Saint-Eugène-de-Guigues, au Témiscamingue, a dû prendre le chemin de l’expansion. Sauf qu’au lieu de simplement accroître la taille de son troupeau, il a choisi aussi de diversifier ses cultures. Si bien qu’en plus de 170 holsteins en lactation (avec un quota de 225 kilos), la ferme PHOTOS : ANDRÉ PIETTE exploite pas moins de 2 000 acres qui, outre les fourrages, sont consacrés à la production de grains diversifiés : blé de consommation humaine, orge Les occupations de Lorraine Mondou et Michel Robert ont évolué à mesure que l’entreprise a de brasserie, canola, soya, sarrasin et grossi. Les tâches quotidiennes ont fait place au coaching. avoine nue. MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 7 PLQP_2019-05-01.indd 7 19-04-17 13:32
G E STI O N Réunion d’équipe du lundi matin. « On essaie de mettre en lumière les compétences de chacun et de les exploiter », déclare Michel Robert. (À noter que la photo a été prise au moment où Yannick travaillait encore dans l’entreprise.) Ce n’est toutefois pas d’hier que « On a drainé beaucoup de terres ces 2016, ils ont acquis les actifs d’un l’entreprise produit des grains dont derniers temps, explique Lorraine. Le centre de grains de la région qui la culture se prête bien à la région. sarrasin n’est pas une culture très avait fermé ses portes. Ils exploitent « On cultive du blé de consomma- rentable, mais il contribue à replacer donc à présent une seconde entre- tion humaine depuis plus de dix ans, la structure de sol. Et pour le contrôle prise, Services Agritem inc., qui est raconte Michel. Il y en a 250 acres cette des mauvaises herbes, c’est une plante active dans la fourniture d’intrants année. On est une région favorisée sur incroyable. » (semences, fertilisants, pesticides, le plan des toxines. On a des contrats concentrés alimentaires) ainsi que avec les Moulins de Soulanges. » UNE DIVERSIFICATION dans le conditionnement, l’entrepo- Par ailleurs, ces producteurs se VERTICALE sage et le commerce de grains. servent du sarrasin surtout pour la Lorraine et Michel ont poussé un « Dans son domaine, Services remise à niveau des nouvelles terres. cran plus loin leur diversification. En Agritem est une entreprise de taille relativement modeste et la Ferme Mondou & Robert en constitue le client principal, indique Michel. Les deux entreprises sont très complémentaires, ce qui crée des synergies intéressantes. Par exemple, un camion-remorque qui descend du grain peut remonter avec du tourteau de canola. Agritem fournit presque tous les intrants commerciaux de culture et d’élevage de la Ferme Mondou & Robert. » Il faut préciser que Services Agritem a été créé un an avant l’acquisition du centre de grain. À l’époque, Michel vendait des semences Semican. Danik Sarrazin, le conjoint de leur fille Marie- Christine – cette dernière occupe un emploi hors de la ferme – venait d’ob- tenir son baccalauréat en agronomie et se montrait intéressé à se joindre « Il y a cinq ans, je n’aurais jamais pensé qu’on serait rendus à 2 000 acres et 225 kilos de quota », à ses beaux-parents. Or la vente de déclare Lorraine Mondou. semences et le service agronomique 8 MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2019-05-01.indd 8 19-04-17 13:32
qui y est associé l’attiraient davantage légiales en gestion agricole. « C’est le que l’élevage. De là la création de conjoint de notre fille Amélie, indique Services Agritem. Lorraine. Notre gérant de troupeau L’occasion de racheter les actifs du nous avait annoncé qu’il allait partir. centre de grains s’est présentée peu Alors, on a offert la job à Michaël. » après. « Il était clair qu’on devait se Formée en enseignement des doter d’une infrastructure de condi- mathématiques, Amélie travaille à tionnement et d’entreposage, raconte temps partiel dans l’organisation Michel. On a choisi d’acquérir ces actifs depuis un an. Elle effectue de la tenue qui se trouvent dans la localité voisine de livres et diverses tâches adminis- plutôt que de bâtir à la ferme même. » tratives. Danik est celui qui en coordonne Son frère Yannick, pour sa part, les opérations tout en se chargeant est arrivé à la ferme sitôt son diplôme des ventes et du service agronomique d’électromécanicien en poche. « La auprès des clients. Lorraine tient la mise à niveau du centre de grains, comptabilité et conserve avec son c’est beaucoup lui, raconte son père, conjoint le dernier mot sur les grandes d’une voix empreinte de fierté. Il avait orientations de l’entreprise. à peine 21 ans et il supervisait l’équipe de monteurs de silos! » « LE PLUS VIEUX A JUSTE Le dernier arrivé est leur fils Michaël, 28 ANS » qui est sorti de l’ITA de La Pocatière Danik a été le deuxième « jeune » à l’an dernier. Celui-ci est responsable se joindre à Lorraine et Michel. Celui de l’alimentation du troupeau et il qui a ouvert la marche, il y a cinq ans, assume différentes tâches au champ c’est Michaël Courtemanche, déten- et au centre de grains. teur d’une Attestation d’études col- MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 9 PLQP_2019-05-01.indd 9 19-04-17 13:33
G E STI O N pour le moment, leur priorité est ail- leurs. « On fait beaucoup, beaucoup de coaching, indique Michel. Les jeunes savent tout ce qu’ils ont à faire, mais ils aiment se valider. La semaine der- nière, par exemple, il est arrivé plein de choses en même temps. J’ai dû mettre mon oreillette de cellulaire pour pouvoir continuer à travailler! Souvent, l’un d’eux va me demander : “J’ai pensé que je pourrais faire telle affaire, qu’en penses-tu?” Moi, je vais répondre : “Regarde, on pourrait aussi le prendre de telle autre façon.” Tout le monde travaille comme ça, dans Une partie des installations de Services Agritem : l’entreprise se spécialise dans la fourniture le troupeau comme dans les ventes d’intrants et le commerce du grain. d’intrants, dans les machines ou dans la comptabilité. Il y a des journées où c’est exigeant, et c’est normal. » Ce sont là ses tâches pour l’instant, Cette approche rapporte, constate- pourrait-on ajouter, car la situation t-il : « Le plus bel exemple, c’est s’avère mouvante. « La relève est bien Michaël, notre gérant de troupeau. formée, mais ils sont encore jeunes, Après cinq ans, on voit qu’il est plus lance Michel. Le plus vieux a juste mature et qu’il a gagné en assurance. O 28 ans. » Et Lorraine d’enchaîner : « Ils On peut lui laisser beaucoup de marge. « en sont encore à explorer ce qu’ils ont le goût de faire. Chacun consolide n fait beaucoup, Il s’occupe de la reproduction, il choisit les taureaux, il fait l’insémination et sa vie. » beaucoup de le taillage des pattes. Et il a toutes Un événement survenu l’hiver les compétences requises. Dans bien dernier l’a d’ailleurs bien démontré. coaching. Les jeunes des cas, l’élève a dépassé le maître. Yannick a décidé de quitter l’entreprise après seulement deux ans et d’aller savent tout ce qu’ils Par contre, c’est sûr que les grandes orientations de gestion, on les décide travailler pour une firme d’électriciens. ont à faire, mais ils ensemble. » aiment se valider. « Ses parents avouent que cette décision leur a donné un choc. « On ne l’a pas vraiment vu venir, confie Michel. Avec - Michel le recul, on réalise qu’il y avait une petite fumée. Il y avait des indices à l’effet qu’il n’était pas totalement heureux. » « À 23 ans, on comprend que c’est a songé à ce qu’elle soit achetée par normal d’avoir envie d’aller voir ail- un des jeunes, raconte Michel. Mais le leurs, poursuit-il. D’autant plus que comptable nous a dit : “Ils sont encore toutes ses expériences de travail, jeunes. Une séparation de couple sur- il les avait eues à la ferme. Et puis, vient et vous êtes dans le trouble.” comme parents, ce qui nous importe C’est pourquoi on mise sur les choses le plus, c’est que nos enfants soient qui sont certaines. Lorraine et Michel, heureux. Quoi qu’il en soit, la porte eux, ils ne changeront pas d’idée! » reste ouverte. » Ils ont fait néanmoins une exception en offrant à Danik d’acquérir des parts PRIORITÉ AU COACHING dans Services Agritem. « On le voyait Pour le couple, cet événement a comme un moyen de l’attirer et de constitué un rappel. « Comme investis- le retenir dans l’entreprise, explique seur, tu dois faire attention avant de Michel. On voulait lui offrir plus qu’une tout miser sur la relève », dit Lorraine. job : un avenir. Il occupe une place très C’est d’ailleurs pourquoi, pour l’ins- importante dans Agritem. » tant, le couple de quinquagénaires pré- En ce qui regarde un transfert fère demeurer propriétaire des deux éventuel de leurs parts, Lorraine et Danik, dans le laboratoire de Services Agritem. entreprises. « La dernière terre qu’on Michel s’attendent à faire un gros Il est responsable notamment de la vente a acquise – un bloc de 300 acres –, on move dans quatre ou cinq ans. Mais d’intrants et du soutien agronomique. 10 MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2019-05-01.indd 10 19-04-17 13:34
« Si on a grossi, ajoute Michel, et si on s’est diversifiés, c’est parce qu’il y a des opportunités, bien sûr, mais c’est aussi parce que les jeunes avaient de l’intérêt et qu’ils pouvaient prendre en charge des dossiers avec succès. Si tu n’as plus besoin d’accompagner le vétérinaire qui vient une fois par semaine, tu gagnes du temps. Et tu sais que l’ouvrage est bien fait. L’intervalle de vêlage est à 390 jours en ce moment et notre historique joue entre 395 et 400. Pareil pour les chiffres de vente d’Agritem. Danik est revenu avec la plaque de meilleur vendeur de Semican dans l’orge de brasserie pour la troisième année consécutive. » Pour Lorraine et Michel, comme pour les jeunes, cette étape en est donc une d’apprentissage. Leur emploi du temps se métamorphose. Ainsi, Lorraine a cédé récemment les soins aux veaux à son gendre Michaël. De son côté, Michel ne se lève plus à 4 h 30 pour préparer les rations, ayant constaté que ce dernier était en mesure de prendre sa relève. « Le fait de déléguer des tâches et de donner des responsabilités m’allège beaucoup, dit Michel. Auparavant, je prenais toutes les décisions et tous les problèmes aboutissaient dans ma cour. Maintenant, il y a beaucoup d’appels qui sont pris par Michaël quand ça concerne les vaches ou par Danik si c’est relié à Agritem et ainsi de suite. Ça doit faire six ans que je n’ai pas fait la traite. Les jeunes disent que je ne travaille pas, puisque je passe mes journées au téléphone! » DU TEMPS POUR LA GESTION Ce temps dont il dispose lui permet de se concentrer sur la gestion, une gestion qui se veut rigoureuse. « Pour nous, le coût de production à l’hec- tolitre est extrêmement important, affirme-t-il. Par exemple, on travaille seulement avec des sous-produits, aucun supplément commercial. On cal- cule notre coût d’alimentation chaque mois. On peut voir ainsi quel impact ont eu les modifications qu’on a appor- tées à l’alimentation. » C’est ce même œil de gestionnaire qui les a conduits à planter leur maïs fourrager sous paillis de plastique. Précisons qu’ils se trouvent dans une zone offrant 2 200 UTM. « Le paillis, c’est pour s’assurer à 100 % d’avoir MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 11 PLQP_2019-05-01.indd 11 19-04-17 13:34
G E STI O N une qualité d’ensilage, pas pour aller sert et on a eu jusqu’à maintenant un qui mériterait d’être étudiée, croit chercher plus d’UTM, indique Lorraine. ensilage top qualité. » Michel, c’est la valorisation des grains. On veut récolter tôt en saison du maïs « Présentement, on livre notre grain qui n’a pas gelé et qui est fait dans de SELON L’INTÉRÊT DES JEUNES en vrac, lance-t-il. Y a-t-il quelque bonnes conditions. En somme, c’est L’organisation a grossi vite. « Il y chose qui pourrait se faire pour aller une police d’assurance. Parce que si a cinq ans, je n’aurais jamais pensé plus loin? » tu manques ton coup, tu paies toute qu’on serait rendus à 2 000 acres et « Les jeunes ont des talents diffé- l’année. En 2013, on a eu une très mau- 225 kilos de quota », lâche Lorraine. Et rents et souvent complémentaires, vaise qualité et on en a bavé un coup. » ce développement paraît appelé à se termine-t-il. Ça pourrait faire toute une Miche précise : « C’est un planteur poursuivre. « C’est l’intérêt des jeunes organisation! Il faudra voir s’ils seront 8 rangs reconditionné qu’on a eu du qui va l’orienter, prévoit celle-ci. On a eu capables de fonctionner en équipe ou concessionnaire à moitié prix. On se une proposition récemment, mais on ne si, au contraire, ils se montreront indi- donne cinq ans pour l’évaluer. Au bout l’a pas retenue parce que, entre autres vidualistes et auront seulement envie de cinq ans, si on n’est pas satisfaits, raisons, aucun jeune ne semblait parti- de prendre le contrôle. C’est là-dessus on le revendra et on ne perdra pas culièrement intéressé à s’en occuper. » qu’on travaille, tout doucement. » ■ d’argent. Ça fait deux ans qu’on s’en Une des pistes de développement 12 MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2019-05-01.indd 12 19-04-17 13:34
GESTION Par ANDRÉ PIETTE, journaliste TÉMOIGNAGE D’UN SPÉCIALISTE Pour réussir une Un producteur peut avoir plusieurs raisons de diversifier son exploitation diversification laitière. Pour assurer l’avenir de sa relève, par exemple, comme l’ont fait Lorraine Mondou et Michel Robert (voir le reportage, p. 7). Ou pour hausser ses revenus. Ou encore pour saisir une occasion trop belle pour être ratée. Bon nombre de producteurs décident effectivement de faire le saut. « J’ai régulièrement des dossiers de Un jour ou l’autre, bon nombre de producteurs se retrouvent diversification », confirme le conseiller financier Jacques DeBlois. Celui-ci confrontés à un choix : se diversifier ou pas? Puisqu’un occupe le poste de directeur principal des relations d’affaires au bureau de entrepreneur averti en vaut deux, voici les conseils Sherbrooke de Financement agricole d’un spécialiste pour réussir son projet de diversification. Canada. Comment maximiser ses chances de réussite dans un tel projet? Fort de 20 ans d’expérience en financement, Jacques DeBlois distingue clairement les facteurs sur lesquels s’appuie géné- ralement une réussite. « Le facteur le plus important, lance- t-il d’entrée de jeu, c’est la personne elle-même. Ce sont les compétences qu’elle possède de même que la connaissance qu’elle a de ses forces et de ses faiblesses. Ça passe même avant la nature du projet de diversi- fication! » « Si un producteur, ou une pro- ductrice, veut acheter un bâtiment commercial dans le village et qu’il est solide en gestion financière, qu’il a des compétences techniques et qu’il possède un bon esprit d’entrepreneu- riat, on a les ingrédients de base d’un succès », résume-t-il. Il ajoute : « Si la personne n’a pas toutes ces qualités, mais qu’elle est consciente de ses faiblesses et qu’elle va se chercher un appui qui compen- sera, la base sera quand même solide ». Le second facteur est, comme on PHOTOS : ANDRÉ PIETTE pouvait s’y attendre, la nature du projet. Il va de soi que tous les projets ne se valent pas. « Un bon producteur peut m’arriver avec une mauvaise Le facteur le plus déterminant dans le succès d’un projet de diversification, c’est la personne idée, et vice-versa, déclare le conseiller elle-même, a pu constater Jacques DeBlois au fil des ans. financier. Si l’idée est mauvaise, il en MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 13 PLQP_2019-05-01.indd 13 19-04-17 13:41
G E STI O N « Dans ce genre de projet, explique- t-il, le producteur a beaucoup à apprendre. C’est le cas aussi pour moi, son conseiller financier, et pour tous les autres conseillers avec qui il travaille d’habitude. » « Mais certains réussissent, pour- suit-il. Un bon gestionnaire est capable d’apprendre. Et il sait bien s’entourer pour compenser ses faiblesses. Je me souviens d’un client qui voulait acquérir une station-service avec dépanneur. Au départ, j’étais ner- veux! Il débordait déjà de travail et il n’était pas particulièrement habile pour gérer des ressources humaines. Il ne possédait pas d’aptitude particu- lière pour gérer ce genre de commerce. Par contre, c’était un bon gestionnaire qui connaissait ses limites, et il a su s’entourer. Il a engagé un gérant expé- rimenté dont le contrat comprenait une clause stipulant qu’il pourrait obtenir aura pris conscience après une demi- des parts dans l’entreprise si elle attei- heure de conversation. » gnait ses objectifs financiers. » TROIS TYPES DE DIVERSIFICATION Si le promoteur est solide et que son idée apparaît prometteuse, quelles U n bon gestionnaire est capable d’apprendre. Et il TROIS CONSEILS À l’intention des producteurs et des productrices qui caressent un projet de diversification, Jacques DeBlois for- sont ses chances de réussite? Quand mule trois recommandations. D’abord, il passe en revue les dossiers qu’il a sait bien s’entourer s’assurer de la motivation de leurs traités au fil des ans, Jacques DeBlois partenaires : « Qu’est-ce qui arrivera si observe que leur niveau de risque pour compenser ses tout à coup, ça ne l’intéresse plus, le dépend étroitement du type de diver- faiblesses. partenaire avec qui on s’est embarqué sification en jeu, à savoir l’horizontale, dans ce projet? La plus grande force la verticale et la hors agriculture. d’un projet, ce sont les individus, « Les projets de diversification hori- lance-t-il. Sa plus grande faiblesse, zontale ont un taux de succès élevé », fromagerie ou une meunerie, affichent c’est leur départ. » rapporte-t-il. Les projets qui lui sont le un taux de succès moins élevé. Selon Sa deuxième recommandation : plus souvent soumis sont par exemple Jacques DeBlois : « Dans ce genre de s’assurer d’avoir les reins suffisam- l’achat d’une érablière, d’un quota de projet, le promoteur possède moins de ment solides sur le plan financier. « La pondeuses, d’une porcherie ou encore compétences. De plus, il se retrouve majorité des promoteurs sous-estiment de terres en vue d’y pratiquer de souvent avec de nouveaux partenaires, le délai avant d’atteindre la rentabilité, grandes cultures tout en réalisant des des gens qu’il connaît moins bien et rapporte-t-il. Il faut posséder beaucoup travaux à forfait. avec lesquels il est moins habitué à de fonds de roulement, en particulier « Ce sont généralement des pro- travailler. » s’il y a du développement de marché jets qui exigent des investissements Enfin, quand il s’agit d’une diver- à faire. » majeurs, décrit le conseiller. Le produc- sification hors agriculture, le taux Troisièmement, le conseiller finan- teur possède toutefois de solides com- de succès chute. « En moyenne, les cier suggère aux producteurs d’évaluer pétences et son réseau de conseillers chances de succès sont plutôt faibles, prudemment le temps qu’ils devront demeure lui aussi compétent dans le constate-t-il. Quand il s’agit d’investir consacrer au projet de diversification. nouveau secteur d’activité. J’ajouterais dans un immeuble commercial ou dans « Un projet de ce genre demande en que ce sont pour la plupart des projets un bloc à appartements, ça va assez général beaucoup de temps, dit-il. Il qui se caractérisent par une mise en bien. Mais c’est moins rose pour ce y aura par exemple de nombreuses marché assez simple, ce qui en amé- qui est des restaurants, des bars, des réunions. Il ne faudrait pas que le déve- liore les chances de succès. » stations d’essence, des boutiques, loppement de la nouvelle entreprise De leur côté, les projets de diversi- des garages de mécanique ou des mène à une négligence de l’entreprise fication verticale, tels un abattoir, une dépanneurs. » existante. » ■ 14 MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2019-05-01.indd 14 19-04-17 13:46
T R A N S F O R M AT I O N Par MARIO BÉLAND, directeur général du Centre d’expertise fromagère du Québec (CEFQ) Des actions concrètes! certification collégiale sur le sujet Dans l’édition d’avril du Producteur de lait québécois (p. 24), ainsi qu’un pont pédagogique vers l’enseignement universitaire avec le CEFQ rappelait la stratégie retenue et ses priorités pour l’Université Laval à Québec. Parallèlement à toute cette structu- faire face à la compétition étrangère. Depuis, nous avons ration de la formation, le CEFQ déve- amorcé une série d’actions concrètes afin de mettre en loppe actuellement une plateforme électronique en collaboration avec œuvre cette démarche stratégique. Polytechnique Montréal. Rappelons- nous! Nous avons mentionné dans le dernier numéro que la compétitivité Aussi, depuis le début de environ 15 fromageries de la région des artisans en lait non standardisé l’année 2019, le CEFQ a consolidé un du Saguenay–Lac-St-Jean ont participé passait notamment par l’obtention partenariat avec Humanis, le secteur afin de valider les contenus. Le choix d’un produit « répétable » et unifor- de la formation continue du cégep de de ce collège comme partenaire n’est misé, malgré les variations du lait de Chicoutimi. L’objectif est de struc- pas un hasard, en ce sens que le cégep départ. Pour ce faire, l’artisan doit turer un programme fromager de base de Chicoutimi possède une expertise pouvoir ajuster ses paramètres en qui sera très bientôt accessible en chevronnée en technologies de l’infor- cours de fabrication et les surveiller. ligne pour les artisans québécois fran- mation et de la communication (TIC) La plateforme fournira un affichage cophones d’abord, puis en anglais, dans le domaine de l’éducation. Nous visuel et en direct de la progression de pour les artisans de tout le pays. Un étudions actuellement la possibilité son produit AVANT la fin de la fabri- groupe pilote a été créé dans lequel d’une suite permettant d’obtenir une cation, et plusieurs ajustements sont encore possibles à cette étape. Nous souhaitons outiller l’artisan pour qu’il puisse s’ajuster, mais principalement pour réduire le pourcentage de ses productions s’avérant non conformes et déclassées. L’outil sera en mode test cet automne et devrait être distribué au début 2020. Il permettra du coup un suivi de traçabilité en matière de qua- lité et de nombreux autres avantages. Vous pourrez suivre l’avancement de nos travaux sur notre infolettre envoyée à tous les membres du CEFQ. Pour devenir membre et pour en savoir plus sur nos formations et nos services détaillés, n’hésitez pas à nous joindre au 450 250-2330 ou consultez notre site Internet au https://www.expertisef romagere.com/. ■ MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 15 PLQP_2019-05-01.indd 15 19-04-17 13:46
POLITIQUE LAITIÈRE Par RICHARD LAMOUREUX, économiste principal, Direction de la recherche La réduction économique, Les Producteurs de lait du Québec de la tolérance allouée aux producteurs : une évolution nécessaire L’année 2018 a donné lieu à des discussions animées quant à la gestion de la production et à l’émission du quota aux producteurs. Des changements s’imposaient. PHOTO : V. PAQUETTE 16 MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2019-05-01.indd 16 19-04-17 13:47
UN CONTEXTE SANS GRAPHIQUE 1 : SAISONNALITÉ DE LA PRODUCTION LAITIÈRE PRÉCÉDENT (LITRES/JOUR – QUÉBEC) Après quelques années d’une croissance historique de la demande, 2017-18 1996-97 accompagnée de hausses consé- 10,0 8,5 quentes du droit de produire totali- sant plus de 25 % – du jamais vu –, 9,5 8,0 l’augmentation des besoins a retrouvé un rythme plus normal à la fin 2017. La production, qui avait peiné à suivre la 9,0 7,5 cadence des hausses de quota, était en pleine accélération et les producteurs 8,5 7,0 disposaient d’une banque importante de journées de tolérance à produire. Une vague de lait arrivait. Le potentiel 8,0 6,5 de surproduction était bien réel alors que les stocks de beurre atteignaient 7,5 6,0 un sommet sans précédent. Il fallait e e ai r in ril et r s e e ut ie ie br br ar br br m ju av ill ao nv vr to m m m m réagir. ju fé ja oc ce ve te dé p no C’est ce qui a justifié deux rajuste- se ments du droit de produire en 2018 et a conduit la Commission canadienne du lait à implanter une nouvelle méthode, plus réactive et juste, pour évaluer les total, à une flexibilité de 15 jours RAPPEL DE L’ORIGINE besoins du marché et le quota total. de tolérance négative et 10 jours DU SYSTÈME DES JOURNÉES C’est aussi ce qui a incité les pro- de tolérance positive, soit 25 jours DE TOLÉRANCE vinces de l’entente P5 à proposer aux au total; Le système de quota continu a été producteurs la réduction de la plage • Mettre en œuvre la plage de tolé- instauré au Québec le 1er aout 1996. de tolérance. rance révisée en aout 2021; Ce changement imposait une disci- • Considérer la mise en place d’un pline plus contraignante, la produc- DIX-SEPT JOURS DE système de location de tolérance tion devant s’ajuster mensuellement TOLÉRANCE NÉGATIVE comme outil favorisant la transition. en fonction du quota détenu au lieu MOYENNE À cette proposition initiale s’est d’une fois l’an, dans l’ancien système En effet, avant 2014, la tolérance ajoutée une autre option avant le de quota annuel. Or, c’est bien connu, moyenne variait au Québec de moins début de la consultation des produc- les vaches n’ont pas de robinets. En deux jours à moins neuf jours. De tels teurs de P5, en janvier 2019 : plus des facteurs biologiques et clima- niveaux de production potentielle au- • Passer à une flexibilité de 20 jours tiques qui peuvent faire varier la pro- dessus du droit de produire provincial de tolérance négative et 10 jours de duction laitière, on avait au Québec un ne posaient pas de problème. Mais à la tolérance positive, soit 30 jours au long historique de production saison- suite des hausses historiques du droit total. nière pour le lait de transformation. En de produire (de 2015 à 2017), les pro- effet, très longtemps, la majorité des ducteurs québécois avaient accumulé, producteurs de lait québécois ont livré au printemps 2018, près de 17 jours de leur lait à des usines de beurre/poudre tolérance négative! Un niveau poten- de lait, des produits de longue conser- tiellement problématique pour la ges- vation. Beaucoup tarissaient tout le tion des approvisionnements. troupeau à l’automne pour reprendre L Après avoir d’abord proposé des la production avec les vêlages du mesures d’ajustements de la produc- e système de printemps. Bien entendu, ce n’était tion à court terme en mai et juillet, le quota continu plus vraiment le cas en 96. Mais la Comité quota de P5 a donc entrepris de saisonnalité était encore présente, et sérieuses discussions à l’automne 2018 a été instauré la proportion de lait de transformation afin de réviser à la baisse la tolérance allouée aux producteurs des provinces au Québec le au Québec est élevée – 75 % contre 25 % pour le lait de consommation, ce de l’entente. L’objectif était d’éviter 1er aout 1996. qui exige une production beaucoup la reproduction d’une telle situation plus stable à l’année. On a donc accordé à l’avenir. Cette réflexion a débouché 30 jours de tolérance négative sur la proposition suivante : et 20 jours de tolérance positive, soit • Passer d’une flexibilité de 30 jours une flexibilité totale de jours de pro- de tolérance négative et 10 jours de duction, ou 13,7 % de la production tolérance positive, soit 40 jours au permise par le quota. MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 17 PLQP_2019-05-01.indd 17 19-04-17 13:47
POLITIQUE LAITIÈRE individuels de faire face aux aléas de la production. TABLEAU 1 : STRATE DE JOURS DE TOLÉRANCE UTILISÉS Les deux options proposées par AU QUÉBEC – AOUT 2016 À JUILLET 2018 le Comité quota P5 et soumises pour AOUT 2016 À consultation aux producteurs tiennent TOLÉRANCE JUILLET 2018 CUMULATIF compte de cette réalité. Elles alloue- 45 1,52 % 100,00 % Le tableau 1 nous montre quelle Total 100,0 % a été, sur une période de 2 ans, la variation de tolérance des producteurs du Québec, tenant compte de la pro- duction hors quota et non reportable. Par exemple, un producteur qui était à 30 jours de tolérance négative en Les objectifs de la mise en place des que 0,5 % du droit de produire de la aout 2016 et qui est passé à 15 jours tolérances étaient donc de : province. de tolérance négative en juillet 2018 • couvrir l’écart entre le niveau de se retrouve dans la catégorie de ceux production mensuelle le plus bas ÉVOLUTION DE qui ont utilisé entre 15 et 20 jours de (automne) et le plus élevé (prin- LA SAISONNALITÉ tolérance, soit 14,65 % des produc- temps) de telle sorte que la saison- Depuis 1996, la saisonnalité de teurs. Ce groupe inclut également le nalité ne se traduise pas par de la la production laitière au Québec a producteur positionné à 10 jours de production non reportable ou de la beaucoup diminué et, par conséquent, tolérance positive en aout 2016 et qui production hors quota; l’utilisation moyenne des jours de s’est retrouvé à 5 jours de tolérance • faire face aux aléas climatiques ou tolérance. négative en juillet 2018. biologiques de la production laitière On constate en effet à l’analyse du Les données du tableau 1 nous (climat, maladie ou autres éléments graphique 1 qu’entre les années lai- permettent également de constater imprévisibles qui sont difficiles à tières 1996-1997 et 2017-2018, l’écart que plus de 75 % des producteurs ont quantifier). entre le pic et le creux de production eu besoin d’une plage de tolérance mensuelle est passé de 20 % à 6,1 %. de 25 jours et moins pour gérer leur RAJUSTEMENT DE LA PLAGE Cette évolution significative justifierait production au cours de cette période. DE FLEXIBILITÉ EN 2002 à elle seule de remettre en question la Pourtant, l’ensemble des producteurs En mai 2002, un premier rajuste- plage de tolérance actuelle. avait dû s’ajuster à une hausse record ment de la plage de flexibilité a eu lieu. La saisonnalité de la production du droit de produire de 14 % au cours La flexibilité est passée de 30 jours de peut aussi être exprimée en jours de de cette période. tolérance négative et 20 jours de tolé- production permise par le quota. Par Quant au tableau 2, il nous montre rance positive à 30 jours de tolérance exemple, si, un mois donné, le taux que la proportion du quota détenu aux négative et 10 jours de tolérance posi- de remplissage du quota émis est de mains de producteurs en tolérance tive. Cet ajustement visait à réduire 97 %, cela représente environ 1 jour de négative s’est accrue de 10 % de 2016 le potentiel de production hors quota, retard de production ou l’accumulation compte tenu des nouvelles limites d’une journée de tolérance négative. d’exportation permise par l’OMC. Une Durant l’année laitière 1996-1997, mesure consistant à retrancher la pro- l’écart entre la production mensuelle TABLEAU 2 : ÉVOLUTION DE duction hors quota de l’année laitière minimale et maximale représentait 11 LA PROPORTION DU QUOTA 2001-2002 du quota des producteurs jours de tolérance. Cet écart, en 2017- PROVINCIAL DÉTENU EN pour l’année suivante avait également 2018, n’était plus que de 5 jours si on SITUATION DE TOLÉRANCES été adoptée. La baisse de production estime la saisonnalité sans l’impact NÉGATIVE ET POSITIVE – résultante a été de 2,8 % en 2002- des augmentations de quota. A-t-on QUÉBEC 2003. Au moment de l’adoption de ces vraiment besoin de 40 jours de flexi- mesures, les producteurs en situation bilité lorsqu’on considère cette évolu- < 0 JOUR > 0 JOUR de hors quota (plus de 10 jours de tion? En fait, on ne peut pas se guider Aout 2016 66,1 % 33,9 % tolérance positive) détenaient près de uniquement sur cet écart, calculé à Juillet 2018 76,3 % 23,7 % 48 % du droit de produire au Québec. partir de la variation de la production Écart 10,2 % -10,2 % En aout 2003, les producteurs dans provinciale. La marge de flexibilité cette situation ne représentaient plus doit aussi permettre aux producteurs 18 MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2019-05-01.indd 18 19-04-17 13:47
que la proportion de producteurs qui retrouver en situation de production seraient en situation de production non reportable, de rendre disponible TABLEAU 3 : ÉVOLUTION DE LA non reportable avec 25 jours de plage pour location l’équivalent de, par PROPORTION DU QUOTA DÉTENU de tolérance totale soit de plus en exemple, 5 jours de tolérance (soit EN SITUATION DE TOLÉRANCES plus marginale. Aussi, la proposition 500 kg de MG). Un autre producteur, NÉGATIVE ET POSITIVE DE soumise aux producteurs prévoit que craignant pour sa part de se retrouver JANVIER À NOVEMBRE 2018 – l’instauration de la nouvelle fourchette en situation de hors quota, pourrait QUÉBEC de tolérance ne se ferait qu’en aout louer en tout ou en partie ces journées. 0 2021. Cela devrait laisser suffisam- Un tel programme serait géré par les Janvier 82,9 % 17,1 % ment de temps aux producteurs pour PLQ (tout comme le SCVQ) et compor- Février 82,0 % 18,0 % s’adapter à ce nouvel environnement terait un prix de location plafond. Mars 80,7 % 19,3 % de production. Avril 79,1 % 20,9 % AVANTAGE D’UNE PLAGE DE Mai 77,1 % 22,9 % DÉLAI D’IMPLANTATION TOLÉRANCE PLUS ÉTROITE Juin 76,9 % 23,1 % Par exemple, en tenant compte du Outre le fait que le besoin du nombre Juillet 76,4 % 23,6 % délai accordé avant l’implantation, en de jours de tolérance alloué a diminué Aout 77,1 % 22,9 % aout 2021, les producteurs qui se situe- avec la baisse de la saisonnalité, il y a Septembre 77,5 % 22,5 % raient à 30 jours de tolérance négative plusieurs avantages à réduire la plage Octobre 76,5 % 23,5 % en aout 2019 devraient hausser leur de tolérance. Voici les principaux : Novembre 73,9 % 26,1 % production de 3 % par année pour se • Prévenir l’accumulation d’un excès Décembre 71,2 % 28,8 % situer à 7,5 jours de tolérance négative de journées de tolérance à l’échelle Écart depuis dans 2 ans, soit le niveau de tolérance des provinces, avec le risque de janvier 2018 -11,7 % 11,7 % qui leur allouerait un coussin de 2 % déséquilibrer le marché que cela avant qu’ils se retrouvent en situation comporte; de non reportable sur la base d’une • Réduire le besoin d’avoir recours à tolérance négative de 15 jours. des mesures de gestion de produc- tion exceptionnelles (limitation de à 2018, alors que le contraire s’est pro- SYSTÈME DE LOCATION 1 jour/mois); duit pour la tolérance positive (10 %). DE TOLÉRANCE • Améliorer l’efficacité des outils de Cela s’explique principalement par Le Comité quota P5 a également gestion de production : l’écart entre l’impact des fortes hausses de droit de recommandé aux CA provinciaux de la flexibilité à l’échelle des produc- produire accordées aux producteurs au considérer l’implantation d’un système teurs (40 jours = 11 %) et celle du cours de ces années. de location de tolérance pour faciliter pool (3,25 %) est trop grand. Cela Réduire le nombre de journées de la transition à une plage de tolérance est propice à une production hors tolérance négative alors qu’une forte plus étroite. La question de la location quota à l’échelle du pool; proportion du quota détenu se trouve de quota ou de journées de tolérance • Favoriser une production plus dans cette zone de la plage de tolé- a été soulevée à plusieurs reprises régulière, conforme à la réalité des rance pourrait nous faire craindre des en assemblée générale des PLQ dans besoins du marché; perturbations dans la gestion de la le passé. Ce système n’a jamais eu • Favoriser la réduction des diffé- production à la ferme. Il faut toutefois l’appui unanime des producteurs. Les rences provinciales de tolérance tenir compte du fait que la produc- raisons évoquées pour ce manque moyenne. Une plage de tolérance tion de matière grasse au Québec est d’appui étaient généralement les sui- plus étroite réduit de facto les constamment à la hausse, de 12,3 % vantes : écarts de tolérance possible entre de janvier 2016 à décembre 2018. Le • Le revenu associé au quota doit les provinces. tableau 3 nous montre que depuis provenir de sa production et non Lors de la consultation qui a eu janvier 2018, la proportion du quota pas de son commerce. lieu dans toutes les provinces de P5 détenu en situation de tolérance • Afin de compenser la sous-produc- à l’hiver et au printemps 2019, les positive n’a pas cessé d’augmenter. tion, en l’absence d’un tel système, producteurs ont eu l’occasion de se Précisément, la progression a été de on surémet à tous les producteurs, prononcer sur l’enjeu de la tolérance 11,7 % sur 12 mois, soit 0,8 % par gratuitement sans les coûts de allouée en tenant compte de toutes les mois. À ce rythme, en juillet 2019, l’administration d’un système de contraintes à l’échelle de la ferme, des on pourrait se retrouver avec plus de location individualisé, une quantité provinces et du pool. Tenant compte 36 % du droit de produire détenu par de 3 % de droit de produire qui des résultats de cette consultation, le des producteurs en tolérance positive, devrait être enlevée à tous les pro- Comité quota de P5 devait présenter soit plus que le niveau de juillet 2016. ducteurs si le système de location une recommandation d’ajustement Cela veut également dire que la pro- était mis en place. qui tiendrait compte des intérêts des portion du quota provincial détenu par Plus concrètement, ce programme producteurs sur une base individuelle des producteurs en situation de tolé- de location permettrait à un produc- et collective. Au moment d’écrire ces rance négative serait d’environ 64 % teur détenant, par exemple, un quota lignes, aucune décision n’était encore en juillet 2019. Il est donc fort possible de 100 kg/jour et craignant de se prise. ■ MAI 2019 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 19 PLQP_2019-05-01.indd 19 19-04-17 13:51
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