La compaction affaiblit-elle votre luzerne? - Des pistes pour affronter la rareté de main-d'oeuvre - Les Producteurs ...

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La compaction affaiblit-elle votre luzerne? - Des pistes pour affronter la rareté de main-d'oeuvre - Les Producteurs ...
MAI 2018

                                                  MAIN-D’OEUVRE
                                                  Des pistes
                                                  pour affronter
                                                  la rareté de
                                                  main-d’œuvre
     POSTE-PUBLICATIONS, CONVENTION No 40028511

                                                             CULTURE

                                                             La compaction
                                                             affaiblit-elle
                                                             votre luzerne?
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SOMMAIRE

      18V O L U M E

        ÉDI TO RIAL
        Améliorer le revenu
                                       3 8 – N U M É R O
                                                                  mai
                                                                                     8

                                                                                                       7
                                                                                                                            REPORTAGE À LA FERME
                                                                                                                            FERME PELLERIN ET MORIN INC.
                                                                                                                            Une association entre voisins!
                                                                                                                                                          20
        des producteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
                                                                                                                            Après quelques années de collaboration à différents
                                                                                                                            travaux, Jean-Félix Morin et François Pellerin se
        CULTURE                                                                                                             sont associés pour créer une nouvelle entité,
        La compaction affaiblit-elle                                                                                        Ferme Pellerin et Morin inc., et lui donner un virage
        votre luzerne?                                                                                                      production laitière bio.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20
        La neige a fondu, tout est en train de reverdir et… déception!
                                                                                                                  30
        Vous découvrez que votre luzernière est amochée.
        Pourtant, le semis remonte à deux ans à peine. Et aucune                                                            RECHERCHE
        pluie n’a dénudé le champ pendant l’hiver. Mystérieux?                                                              La mammite,
        L’explication se cache peut-être plusieurs centimètres                                                              quel en est le véritable prix
        sous la surface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7                        à payer?
                                                                                                                            On dit souvent que la mammite est une des maladies
                                                                                                                            les plus coûteuses dans les fermes laitières, avec
                                                                                                                            raison et chiffres à l’appui!.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26
        MAIN-D’ŒUVRE
        Des pistes pour affronter la rareté
        de main-d’œuvre                                                                                                     MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
        Si votre entreprise embauche des travailleurs, vous                                                                 Refuge à parasites : nouvelle
        êtes sûrement sensible à la question de rareté de la                                           33                   approche en vermifugation (1re partie)
        main-d’œuvre. Quels sont les enjeux? Quels types                                                                    Si la résistance des parasites intestinaux envers les
        d’emplois sont les plus visés? Quelles sont les solutions                                                           médicaments utilisés pour les contrôler (anthelminthiques
        à votre portée? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12                         ou vermifuges) est maintenant un fait, elle peut être
                                                                                                                            modulée par différentes stratégies médicamenteuses et
                                                                                                                            non médicamenteuses.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30

        VALACTA
        La passion de faire plus pour valoriser                                                                             TRANSFORMATION
        les données des robots de traite                                                                                    LANCER VOTRE FROMAGERIE?
        Avec le nombre croissant de fermes laitières équipées                                                               Le CEFQ peut vous aider!
        de systèmes de traite automatisés, Valacta déploie des                                                              Si vous pensez démarrer une fromagerie artisanale,
        efforts pour mieux comprendre et valoriser les données                                                              le Centre d’expertise fromagère du Québec (CEFQ)
        produites par les logiciels et les capteurs dont sont                                                               est là pour vous! .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33
        munis ces systèmes.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16
                                                                                                                   45

                                                                                                            LES PRODUCTIONS SUPÉRIEURES DE VALACTA ...................24
                                                                                                            LES PRODUITS LAITIERS S’ANNONCENT ..................................34
                                                                                                            PARLONS NUTRITION ....................................................................38
                                                                                                            À PROPOS DE LA PRODUCTION .................................................40
                                                                                                            AILLEURS DANS LE MONDE ........................................................44
                                                                                                            LA RECETTE ......................................................................................45
                                                                                                            L’ACTUALITÉ LAITIÈRE EN BREF ..................................................48

                                                                                                                                                               MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS                  3

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ÉDITORIAL

                                           Améliorer le revenu
                                              des producteurs
                                               Malgré la croissance des dernières années, des revenus inférieurs aux attentes
                                           engendrent beaucoup de frustration chez les producteurs. Cette situation, ajoutée à
                                           l’incertitude que provoquent les négociations de l’ALENA, sème l’inquiétude dans nos
                                           rangs.
                                               L’obtention des conditions de mise en marché du lait les plus avantageuses est
                                           la priorité de notre plan conjoint et des Producteurs de lait du Québec. Mais dans le
                                           contexte actuel des bas prix, l’assemblée générale des PLQ a réaffirmé que cette priorité
                                           de longue date était encore importante.
                                               Si ce n’était que du prix des classes 1 à 4, les revenus seraient adéquats. Mais près
                                           du quart des solides totaux de notre lait est maintenant vendu à des prix fluctuant au
                                           gré du marché mondial. Cette proportion n’était que de 17 % en 2014. Cette part crois-
                                           sante nous expose de plus en plus aux conséquences de l’indiscipline et du dumping
                                           qui règnent sur ce marché. Comment en sommes-nous arrivés là?
                                               L’érosion a débuté au tournant des années 90. Avec la mise en œuvre des accords de
                                           l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le contrôle des importations est devenu
                   Depuis l’année          moins efficace. Nous avons dû négocier l’introduction des classes spéciales pour appro-
                                           visionner les entreprises de transformation secondaire et maintenir certains marchés,
                    exceptionnelle         désormais plus ouverts à la concurrence étrangère. Ce compromis stratégique était
                                           essentiel au maintien de la gestion de l’offre.
           de 2014, le prix à la
                                               L’implantation de la stratégie des ingrédients, en 2017, a été une autre adaptation
             ferme ne s’est pas            nécessaire pour stabiliser nos revenus et maintenir notre politique agricole. En effet,
                                           l’accumulation croissante de surplus de solides non gras (SNG), que nous étions réduits
                  redressé. Alors          à vendre pour l’alimentation animale à des prix très faibles, exigeait un changement.
                                               Sans la mise en place de cette stratégie nationale, négociée par les représentants des
                    qu’il atteignait       producteurs et des transformateurs des dix provinces, la situation de nos revenus se serait
                     83,01 $/hl à la       détériorée bien davantage. L’entente minimise les effets négatifs du déséquilibre dans la
                                           demande pour les composants laitiers en valorisant les surplus de SNG à meilleur prix.
       composition moyenne                     Que pouvons-nous faire dans ce contexte pour améliorer le revenu des producteurs?
                                           On ne peut compter sur le redressement rapide des prix mondiaux. Mais il faut agir pour
               en 2014, en 2017,           assurer la pérennité et le bien-être des producteurs laitiers.
                                               La récente assemblée générale des PLQ a décrit certaines actions possibles pour
                         il ne s’élevait   contribuer à redresser la situation. À très court terme, nous surveillons de près les
                   qu’à 77,40 $/hl.        indicateurs permettant à la Commission canadienne du lait de déclencher un processus
                                           de consultation pour déroger de la formule de prix négociée avec les transformateurs.
                                               Maintenant que nous avons reconstruit nos stocks de beurre, nous surveillons aussi
                                           l’évolution du marché et de la production. Il faut éviter la production de beurre non
                                           requis, qui gonfle les surplus de SNG. À moyen terme, nous travaillerons avec les PLC
                                           et les autres provinces, ainsi qu’avec nos partenaires de l’industrie, afin d’accentuer le
                                           développement des marchés à valeur ajoutée dans les classes 1 à 3, nos marchés les
                                           plus rémunérateurs.
                                               L’industrie laitière canadienne contribue de manière exceptionnelle à la vitalité des
                                           régions et à la santé économique du pays. C’est particulièrement vrai avec la croissance
                                           des dernières années. Les producteurs de lait doivent aussi en bénéficier. Soyez assuré
                                           que votre organisation ne négligera aucun effort pour atteindre ce but.

                                                             président

                                                                                                    MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS    5

PLQP_2018-05-01.indd 5                                                                                                                         18-04-18 08:51
La compaction affaiblit-elle votre luzerne? - Des pistes pour affronter la rareté de main-d'oeuvre - Les Producteurs ...
Revue publiée 10 fois l’an par Les Producteurs
                                                                                         de lait du Québec (PLQ)
                                                                                         Tirage : 7 964 exemplaires
                                                                                         Date de parution : mai 2018

                                                                                         DIRECTEUR
                                                                                         Charles Couture
                                                                                         RESPONSABLE DE LA REVUE AUX PLQ ET
                                                                                         RÉDACTEUR EN CHEF
                                                                                         Jean Vigneault
                                                                                         JOURNALISTE ET SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
                                                                                         Yvon Gendreau
                                                                                         COLLABORATEURS
                                                                                         Agriculture et Agroalimentaire Canada, CIAQ, CRAAQ,
                                                                                         Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal,
                                                                                         Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation
                                                                                         de l’Université Laval, Grappe de recherche laitière,
                                                                                         Groupes-conseil agricoles du Québec, ITA,
                                                                                         Les Producteurs laitiers du Canada, Ministère de l’Agriculture,
                                                                                         des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, Novalait,
                                                                                         Réseau laitier canadien, Réseau canadien de recherche sur
                                                                                         la mammite bovine et la qualité du lait, STELA/INAF, UPA,
                  Elles aiment vraiment cette nouvelle litière                           Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement,
                                                                                         Université McGill, Valacta
                 faite de pétales de fleurs, mais le problème                            VENTES
                                                                                         pub@laterre.ca
                   est qu’elles ne veulent tout simplement                               Tél. : 450 679-8483, poste 7712-7398
                                                                                         DIRECTEUR DES VENTES
                           plus se lever maintenant!                                     Pierre Leroux, poste 7290, pleroux@laterre.ca
                                                                                         REPRÉSENTANTS PUBLICITAIRES
                                                                                         Sylvain Joubert, poste 7272
                                                                                         Marc Mancini, poste 7262
                                                                                         Daniel Lamoureux, poste 7275
                                                                                         Sans frais : 1 877 679-7809
                                                                                         ADMINISTRATION
                                                                                         Vincent Bélanger-Marceau
                                                                                         TIRAGE ET ABONNEMENTS
                                                                                         Lisa Higgins
                                                                                         CONCEPTION GRAPHIQUE
                                                                                         Sonia Boucher, Groupe Charest inc.

                COMMANDER
                                                                                         RÉVISION LINGUISTIQUE ET CORRECTION
                                                                                         Marie LeBlanc
                                                                                         PHOTO DE LA COUVERTURE
                                                                                         Yvon Gendreau
                le recueil de caricatures                                                PRÉIMPRESSION
                                                                                         La Terre de chez nous
                Le diable est aux vaches                                                 IMPRESSION
                                                                                         Imprimerie FL Web
                                                                                         TARIFS D’ABONNEMENT
                                                                                         Un an : 19,55 $; deux ans : 29,32 $; trois ans : 39,09 $
                Le recueil de caricatures Le                                             Tél. : 450 679-8483, poste 7274
                                                                                         abonnement@laterre.ca
                diable est aux vaches regroupe
                                                                                         CORRESPONDANCE
                60 caricatures de Charles                                                Retourner toute correspondance ne pouvant
                                                                                         être livrée au Canada à :
                Kohnen, parmi les meilleures                                             Le producteur de lait québécois

                                                            Obtetnreez
                                                                                         555, boulevard Roland-Therrien, bureau 415
                déjà parues dans la revue Le                                             Longueuil (Québec) J4H 4G3
                producteur de lait québécois.                                            Tél. : 450 679-0530, poste 8306
                                                                vo                       Téléc. : 450 679-5899
                                                                     e!
                Ce recueil de caricatures vous est          e mplair
                                                             x e                         Courriel : plq@lait.qc.ca
                                                                                         Site Internet : www.lait.org
                offert en promotion à 10 $, taxes                                        Dépot légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec
                                                                                         3e trimestre 1980
                et livraison incluses.                                                   Bibliothèque et Archives Canada
                                                                                         ISSN 0228-1686
                                                             Les Producteurs de lait
                Vous pouvez le commander par                                             Poste-publications, convention no 40028511
                                                                   du Québec             Courrier 2e classe, enregistrement no 5066
                téléphone au 450 679-0540,                       Maison de l’UPA         Toute reproduction totale ou partielle du Producteur
                poste 8306 ou en envoyant                  555, boul. Roland-Therrien,
                                                                                         de lait québécois est interdite sans l’autorisation
                                                                                         du rédacteur en chef.
                un chèque (à l’ordre des                           bureau 415
                Producteurs de lait du Québec)                 Longueuil (Québec)
                ainsi que votre nom, adresse                         J4H 4G3
                et numéro de téléphone à
                l’adresse suivante :

        6       MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

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La compaction affaiblit-elle votre luzerne? - Des pistes pour affronter la rareté de main-d'oeuvre - Les Producteurs ...
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        La compaction
        affaiblit-elle
        votre luzerne?
                                                                                             en Montérégie-Est. Des mauvaises
                                                                                             structures de sol dans des prairies, j’en
                                                                                             ai vu en masse! »
                                                                                                Disons qu’il est plus difficile d’éva-
                                                                                             luer l’état d’un sol quand il est totale-
                                                                                             ment couvert de végétation que s’il est
        La neige a fondu, tout est en train de reverdir et… déception!                       partiellement à nu. « Si le rendement
                                                                                             réel de nos prairies n’atteint souvent
        Vous découvrez que votre luzernière est amochée. Pourtant,                           qu’une fraction du rendement poten-
                                                                                             tiel, ajoute le conseiller, je soupçonne
        le semis remonte à deux ans à peine. Et aucune pluie n’a
                                                                                             que c’est à cause de la compaction,
        dénudé le champ pendant l’hiver. Mystérieux? L’explication                           en partie du moins. » Des recherches
                                                                                             réalisées au Wisconsin et en Iowa
        se cache peut-être plusieurs centimètres sous la surface.                            viennent appuyer cette impression :
                                                                                             on y a constaté que la compaction
                                                                                             entraînait une baisse du rendement
           Il faut oublier cette croyance selon   répandus dans les prairies que dans        de la luzerne pouvant atteindre 37 %.
        laquelle les problèmes de compac-         les champs consacrés au maïs et au         Une telle baisse est lourde de consé-
        tion surviennent seulement dans les       soya. « J’ai fait beaucoup de profils de   quences. Le producteur doit com-
        cultures commerciales. En fait, selon     sol dans Chaudière-Appalaches, dit le      penser en haussant ses superficies. Il
        l’agronome Louis Robert, ils sont aussi   conseiller du MAPAQ maintenant basé        doit aussi resemer plus souvent.

                                                                                                                 La partie de gauche a été
                                                                                                                 sous-solée deux mois avant
                                                                                                                 la prise de la photo, alors
                                                                                                                 que la partie de droite ne
                                                                                                                 l’a pas été. Un semis de
                                                                                                                 moutarde a précédé le
                                                                                                                 sous-solage.

                                                                                                    MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS    7

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                                                                                                            ont tracé avec l’aide du GPS les déplacements
                                                                                                            des équipements utilisés durant une seule
                                                                                                            récolte d’ensilage de luzerne. Imaginez au bout
                                                                                                            de trois ou quatre récoltes!

        Une prairie atteinte de compaction profonde. La sous-soleuse n’a pas pu faire un travail adéquat,
        car elle ne pouvait descendre assez profondément. Elle a fait éclater le sol seulement dans les        Chose certaine, durant une saison
        14 premiers pouces.                                                                                 de culture, il n’y a pas un pied carré
                                                                                                            de prairie où il ne passe pas au moins
                                                                                                            une roue. L’image ci-dessus l’illustre
            À LA RECHERCHE DU                                                                               de façon éloquente. Des chercheurs
            MEILLEUR COMPROMIS                                                                              de l’Université du Wisconsin ont tracé
            Au chapitre des causes de compac-                                                               avec l’aide du GPS les déplacements de
        tion, les épandeurs de lisier sont les                                                              tous les équipements utilisés durant
        premiers qu’on pointe du doigt. Il faut                                                             une seule récolte de luzerne pour
        dire qu’en termes de poids par essieu,                                                              l’ensilage. Imaginez au bout de trois
        ils sont durs à battre! « Une citerne de                                                            ou quatre récoltes! « Il faut se souvenir,
        5 000 gallons comptant trois essieux                                                                souligne Louis Robert, que 70 % de
        exerce une pression de 11 tonnes par                                                                la compaction exercée par un équi-
        essieu, indique Bruno Garon, ingénieur                                                              pement survient lors du premier pas-
        au MAPAQ en Montérégie, citant une                                                                  sage. » Troisième défi!
        étude produite par l’Université du
        Missouri. Or on recommande de ne pas                                                                   POSER UN DIAGNOSTIC
        dépasser neuf tonnes sur un sol sec et                                                                  Encore faut-il être certain que c’est
        5,5 tonnes en conditions humides. »                Ce champ souffre d’une compaction sévère         bien un problème de compaction qui
        Soulignons au passage que la limite                près de la surface.                              affaiblit cette luzernière. Ce pourrait
        de pression par essieu sur les voies                                                                aussi en être un de drainage sou-
        routières est de 10 tonnes.                        maximiser ses chances de récolter                terrain ou de surface, entre autres.
            Bon nombre de producteurs atté-                et d’entreposer de bons fourrages, la            Un diagnostic s’impose donc. « Pour
        nuent les risques de compaction en                 rapidité devient cruciale. Alors, trac-          déterminer la ou les causes d’un
        transférant les épandages de prin-                 teurs et équipements tendent à être              problème, plusieurs conseillers ont
        temps ou d’automne vers les jours                  de plus en plus puissants… et lourds.            adopté une approche diagnostic »,
        suivant les récoltes de fourrages. Mais            Citant encore l’étude de l’Université            indique Victor Savoie, un ingénieur du
        le risque ne disparaît pas pour autant.            du Missouri, Bruno Garon note que                MAPAQ-Centre-du-Québec spécialisé
        On sait qu’il faut épandre tôt après la            le poids à l’essieu des tracteurs à              en conservation des sols.
        récolte pour minimiser les dommages                quatre roues motrices joue entre 7 et                Cette approche s’amorce par la
        à la culture. Or les humeurs de dame               13 tonnes. Si seulement on travaillait           récupération d’un maximum d’infor-
        Nature ou la disponibilité de l’entrepre-          toujours sur sol sec… Là encore, dame            mation sur le champ affecté. On collige
        neur à forfait peuvent poser problème.             Nature a son mot à dire et parfois,              l’historique de cultures, évidemment,
        Premier défi!                                      on risque de récolter de la broche               mais on met à profit aussi les cartes de
            L’épandeur à lisier ne constitue               si on attend les conditions idéales.             rendement (si elles sont disponibles) et
        pas la seule menace. Quand on veut                 Deuxième défi!                                   les plans de drainage souterrain. Des

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                                                                                       a survécu         soleuse. Laquelle doit être utilisée
                                                                                       seulement         avec soin (voir encadré : Une approche
                                                                                       au-dessus des
                                                                                                         pour décompacter). « Bon nombre de
                                                                                       drains dans
                                                                                       ce sol argileux   producteurs manquent leur coup »,
                                                                                       compacté.         déplore Louis Robert.
                                                                                       Le champ a            Les pattes de la sous-soleuse
                                                                                       été sous-         doivent descendre à plus de 10 cen-
                                                                                       solé, mais        timètres sous la couche compactée.
                                                                                       l’opération a
                                                                                                         « Il n’est pas rare qu’on la fasse tra-
                                                                                       eu peu d’effet,
                                                                                       car on l’a
                                                                                                         vailler à 60 centimètres de profondeur »
                                                                                       réalisée dans     (L. Robert). C’est d’ailleurs pour que
                                                                                       de mauvaises      l’outil puisse travailler à cette profon-
                                                                                       conditions.       deur qu’il ne devrait pas comporter
                                                                                                         plus de trois pattes. « Sinon, ça va
                                                                                                         demander trop de puissance de trac-
                                                                                                         teur », dit-il, ajoutant que l’écart entre
                                                                                                         les pattes doit équivaloir à une fois et
                                                                                                         demie la profondeur de travail.
        photos aériennes prises au printemps               fait des profils de sol, on peut parfois          Louis Robert conclut : « Surtout, il
        et à l’automne ainsi que les cartes                observer que des vers arrivent à tra-         faudra éviter de répéter les erreurs qui
        d’élévation de terrain, pour les pentes            verser une zone compactée profonde.           ont entraîné le problème de compac-
        et les dépressions, peuvent également              Mais leur effet est très faible et il leur    tion. C’est aussi important sinon plus
        s’avérer utiles.                                   faudrait des années pour éliminer la          que le travail de sous-solage. » ■
            L’analyse de ces diverses sources
        d’information permet généralement
        de déterminer si le problème affecte
        la totalité du champ ou seulement une
        partie. À ce stade, on est en mesure
        d’élaborer une ou plusieurs hypo-                        UNE APPROCHE POUR DÉCOMPACTER
        thèses quant à la source du problème.                    Pour décompacter une prairie de façon efficace, l’agronome Louis
            L’étape suivante consiste en une                     Robert recommande d’appliquer l’approche suivante. D’abord,
        expertise au champ. On réalise des                       procéder à la première récolte de la prairie affectée et laisser
        profils de sol en observant plusieurs                    s’écouler deux semaines. Ensuite, la traiter au glyphosate, puis
        éléments : la structure de sol, sa cou-                  laisser s’écouler quatre ou cinq semaines. « Ça laisse aux racines le
        leur et son odeur; la profondeur et la                   temps de se décomposer, explique-t-il. Sinon, les racines affaibli-
        qualité des racines; l’existence de mar-                 raient l’effet d’éclatement de la sous-soleuse. »
        brures; la présence d’eau et sa prove-
        nance; la présence de nappes perchées                    On est alors rendu en aout et le moment est propice pour un
        créées par des zones compactées.                         épandage de fumier ou de chaux et pour procéder au sous-solage.
                                                                 Mais avant de mettre la sous-soleuse au travail, Louis Robert
             CORRIGER LE PROBLÈME                                suggère de semer une ou des plantes de couverture. Car pour
           Si le problème en est effectivement                   le conseiller, sous-solage et plantes de couverture sont indisso-
        un de compaction profonde, Louis                         ciables. « Les racines des plantes de couverture vont coloniser les
        Robert considère qu’il n’y a qu’un                       crevasses créées par la sous-soleuse et stabiliser son travail », dit-
        seul moyen de le régler, soit par un                     il. Aucune préparation de sol ne sera nécessaire avant ce semis.
        sous-solage. « Il n’existe pas de plante                 De plus, comme la couenne est devenue friable, le semis pourra se
        décompactante pour ce genre de situa-                    faire avec n’importe quel semoir.
        tion », tranche-t-il.                                    Question plantes de couverture, les crucifères comme la moutarde
           Même la puissante racine du radis                     ainsi que le radis fourrager ont la préférence du conseiller. « Ce
        fourrager ne sera d’aucun secours.                       sont des espèces qui s’enracinent très vite, explique-t-il. Il faut
        « Concrètement, le radis fourrager                       éviter les trèfles, car ils ne poussent pas assez rapidement. »
        constitue un très bon indicateur de                      Aucune autre intervention ne sera nécessaire jusqu’au semis du
        compaction profonde parce que lorsque                    printemps suivant. Le champ offrira alors un bon lit de semence.
        les racines rencontrent une zone com-                    « L’amélioration sera immédiatement visible, déclare Louis Robert.
        pactée, les carottes se soulèvent hors                   Il y aura moins de compaction et l’infiltration de l’eau sera meil-
        du sol » (L. Robert).                                    leure. Les racines de la nouvelle culture vont poursuivre le travail
           Les vers de terre ne seront pas d’un                  en se développant dans les fractures. »
        grand secours non plus. « Quand on

        10      MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

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M AI N-D’ŒUVRE
                                                                                                            Par ROBERT OUELLET, CRIA,
                                                                                                            coordonnateur à l’emploi agricole,
                                                                                                            AGRIcarrières

        Des pistes
        pour affronter
        la rareté de
        main-d’œuvre
                                                                                                               TROIS DÉFIS ET DES PISTES
        Si votre entreprise embauche des travailleurs, vous êtes                                               DE SOLUTIONS
        sûrement sensible à la question de rareté de la                                                        La baisse de main-d’œuvre dis-
                                                                                                            ponible influence déjà trois types de
        main-d’œuvre. Quels sont les enjeux? Quels types d’emplois                                          besoins du secteur agricole :
                                                                                                            1. les producteurs, par leur besoin de
        sont les plus visés? Quelles sont les solutions à votre portée?
                                                                                                               disposer d’une relève;
                                                                                                            2. les travailleurs saisonniers, en par-
           La rareté de main-d’œuvre est là                âgées en Occident (voir tableau 1), ce              ticulier pour le milieu horticole;
        pour rester. Deux facteurs principaux              qui affectera la capacité de développe-          3. les emplois annuels, qui requièrent
        expliquent cette situation : la démo-              ment des entreprises.                               du personnel qualifié et moins qua-
        graphie et la vigueur de l’économie.                                                                   lifié, comme pour les fermes en
                                                              UNE ÉCONOMIE FAVORABLE                           production laitière.
             LA DÉMOGRAPHIE : QUAND LA                        Un second facteur qui influence
             RÉALITÉ NOUS RATTRAPE                         cette rareté en 2018 tient à une                    LA RELÈVE : UN DÉFI MAJEUR
            Une partie de ce que le Québec va              conjoncture économique très favo-                   Ainsi, à l’échelle canadienne, les
        vivre au cours des prochaines années               rable, et ce, depuis la récession de             données récentes de 2016 concer-
        tire son origine de l’après-guerre ter-            2009. Il s’est créé depuis deux ans plus         nant les producteurs montrent que le
        minée en 1945, qui a généré dans les               de 120 000 emplois, ce qui a fait chuter         groupe d’âge des 55 et plus est passé
        pays occidentaux une période intense de            le taux de chômage de 8 % à près                 de 48,3 % à 54,5 %. Au Québec, les
        naissances pendant près de vingt ans.              de 5 ou 6 % dans presque toutes les              programmes de relève ont un effet
        Cette génération, les baby-boomers,                régions, certaines le situant à près de 3        favorable, l’âge moyen des produc-
        concrétise leur projet de retraite.                ou 4 %, soit le plein emploi. On est loin        teurs québécois est le plus faible à 52,9
            Depuis quelques mois, nombreux                 du 15 % du début des années 1980!                ans par rapport à 55 ans ailleurs. La
        sont les secteurs économiques et les
        régions qui décrivent leur détresse liée
        au manque de travailleurs disponibles,
                                                              TABLEAU 1 : POPULATION DE 15 À 19 ANS POUR 100 PERSONNES
        et qu’on se le dise! ce n’est que le début.
                                                              DE 60 À 64 ANS
        Quelques chiffres. En 2008, 4 jeunes
        entraient sur le marché du travail pour                160
        1 travailleur prenant sa retraite. Chiffres            140
        qui se sont inversés en quelques années.               120
        Aujourd’hui, la tendance est plutôt 1                  100
        jeune qui entre sur le marché du travail                80
        pour 4 travailleurs qui le quittent.                    60
            Les politiques favorisant la natalité               40
        et l’immigration sont insuffisantes.                    20
        Conséquemment, le Québec dispose                         0
                                                                     2001   2003   2005    2007    2009    2011    2013    2015   2017   2019
        d’une population active en âge de
        travailler (15 à 64 ans) parmi les plus                 Sources : Statistique Canada. Statistiques démographiques; ISQ.
                                                                Perspectives démographiques 2006-2056

        12      MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

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proportion des femmes est grimpée à
        28,7 %, une hausse de 3 % par rapport
        à 2011 et supérieure à la moyenne
        canadienne (26 %). Néanmoins, des
        milliers d’agriculteurs prendront leur
        retraite dans la prochaine décennie,
        et il semble que moins du quart des
        entreprises agricoles ont défini une
        relève familiale. Parmi les ressources
        qui accompagnent ces défis : des poli-
        tiques mises en place pour le transfert
        de fermes, des organismes proactifs
        tels que la Fédération de la relève
        agricole (FRAQ), des programmes
        de formations initiales et continues
        adaptées, etc. Une des clés d’une
        succession d’entreprise réussie est de
        bien la planifier.

            MAIN-D’ŒUVRE SAISONNIÈRE
            PRESQUE STABLE
           Plus d’une dizaine de secteurs de
        production végétale dépendent de la
        disponibilité de dizaines de milliers de
        travailleurs saisonniers. Certains sec-
        teurs de culture intensive dépendent de
        travailleurs engagés qui n’ont pas peur
        des longues journées pour maintenir
        des marges bénéficiaires positives.
           Les entreprises nécessitant de la
        main-d’œuvre saisonnière sont pro-
        bablement celles qui ont vécu, dès le
        début des années 2000, la rareté de
        main-d’œuvre. Une partie significative
        de leur solution a été de compenser
        par l’utilisation accrue du Programme
        des travailleurs étrangers tempo-
        raires (PTET), passant de 1 000 en 2001,
        à plus de 10 000 en 2016. Malgré la
        rigidité des programmes favorisant la
        venue de TET, les représentations des
        dernières années auprès des autorités
        ont facilité la chose. Les exigences
        pour disposer de TET sont élevées
        (coûts, hébergement, langue, délais
        et démarches administratives, soutien
        aux déplacements, incertitudes, etc.),
        mais il s’agit du prix à payer pour sur-
        vivre, voire une opportunité de déve-
        loppement pour plusieurs entreprises.
           Les Centres d’emplois agricoles
        (CEA) et le service Agrijob dans la
        région de Montréal, grâce au sou-
        tien d’Emploi-Québec, continuent leur
        effort complémentaire au Programme
        des travailleurs étrangers temporaires
        en appuyant près de 1 000 employeurs
        à disposer de main-d’œuvre occasion-
        nelle pour quelques mois, semaines
        ou jours. Ces efforts permettent de

                                                   MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS   13

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MA I N - D ’Œ UV R E

        diversifier les bassins de main-d’œuvre
        d’une entreprise, sans mettre « tous                  TABLEAU 2 : EMPLOI ET TAUX DE CHÔMAGE MENSUEL, QUÉBEC
        ses œufs dans le même panier ».

             POURVOIR LES POSTES                                             4 300                                                        8,5
                                                                                                 Emploi (000)   Taux de chômage (%)

                                                                                                                                                Taux de chômage (%)
             D’OUVRIERS QUALIFIÉS                                                                                                         8,0
                                                                             4 250
             LOCAUX : C’EST POSSIBLE!                                                                                                     7,5

                                                              Emploi (000)
            La force de travail des deux tiers                               4 200                                                        7,0
        des fermes québécoises repose sur le                                 4 150                                                        6,5
        producteur et leurs proches. L’autre                                                                                              6,0
        tiers constitue de la main-d’œuvre                                   4 100
                                                                                                                                          5,5
        dite « non apparentée ». Le secteur                                  4 050                                                        5,0
        de la production laitière doit pouvoir                                       NOV             NOV                              NOV
        compter sur quelques milliers de tra-                                        2015            2016                             2017
        vailleurs disponibles, fiables et compé-
        tents. La gestion de l’alimentation et
        les soins des animaux ne s’improvisent
        pas. Les employés sont les premiers
        alliés des producteurs pour appuyer la             cole (CEA), fait connaitre et valorise les   non qualifiés, alors que d’autres sou-
        qualité et la constance de la production           emplois du secteur auprès des acteurs        haitent accéder à un métier qualifié et
        de l’entreprise.                                   des milieux scolaire, communautaire          progresser dans l’entreprise. Plus d’un
            AGRIcarrières, avec le soutien de              et de l’emploi. Les efforts visent à         million de Québécois changent d’em-
        ses partenaires, agit depuis plus de               attirer des jeunes, plus de femmes,          ploi chaque année. Pourquoi ne pas
        vingt ans en faveur de solutions valo-             de nouveaux immigrants, les 55 ans et        créer les conditions pour en attirer?
        risant la disponibilité de main-d’œuvre            plus, et toute autre clientèle intéressée
        locale autour de trois axes : attraction,          par l’agriculture, selon les postes à           Disposer de ressources humaines
        développement, rétention. Reprenons                combler. Grâce notamment au site                compétentes
        chacun des axes.                                   www.emploiagricole.com, les CEA                 Les diplômés des programmes
                                                           reçoivent des milliers de candidatures.      d’études sont soit issus de familles
             EMPLOYÉS LOCAUX                               En 2016-17, c’est près d’une dizaine         agricoles, soit totalement extérieurs
             ET COMPÉTENTS :                               de gérants et vachers et plus de 200         au secteur, mais peu importe, ils sont
             DES SOLUTIONS                                 ouvriers qui ont été recrutés par les pro-   clairement insuffisants en nombre
           Une stratégie en place pour                     ducteurs laitiers par l’entremise d’un       pour répondre aux besoins des pro-
           attirer et diversifier les sources              CEA, ces centres étant présents sur          ducteurs. C’est alors qu’entre en jeu le
           de main-d’œuvre                                 tout le territoire du Québec. Nombreux       Programme d’apprentissage en milieu
           AGRIcarrières, avec la coordina-                candidats qui n’ont pas d’expérience         de travail (PAMT), qui offre actuelle-
        tion des 12 Centres d’emploi agri-                 peuvent très bien pourvoir des postes        ment cinq métiers disponibles en agri-

        14      MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

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culture. C’est une formule de compa-       • soutien gratuit pour le recrutement,       vous appuyer concrètement. Les ser-
        gnonnage structurée, simple et flexible      pour la formation et l’intégration en      vices peuvent être soutenus par les
        qui permet de développer et de recon-        emploi;                                    mesures du réseau Agri-conseil et
        naître les compétences liées à l’exer-     • remboursement progressif du salaire        d’Emploi-Québec.
        cice quotidien d’un métier à partir du       de l’employé pendant 24 semaines;
        transfert de savoir-faire de l’employeur   • opportunité de main-d’œuvre locale,           Utiliser les ressources
        ou d’un employé expérimenté vers un          autonome et regain de vitalité pour           Le secteur agricole n’est pas le
        employé salarié, nommé apprenti. Des         la région (ex. : immigrants venant         seul à vivre la rareté de main-d’œuvre.
        crédits d’impôt remboursables et des         s’installer avec leur famille).            Les défis sont importants, car l’appro-
        outils d’accompagnement sont dispo-                                                     priation du rôle de gestionnaire en
        nibles. Dans le secteur laitier, près de      Retenir la main-d’œuvre par de            ressources humaines dans de petites
        2 000 participants ont adhéré au PAMT         bonnes pratiques de ressources            entreprises est essentielle pour attirer
        d’ouvrier en production laitière depuis       humaines                                  et retenir les bons travailleurs, qu’ils
        sa création en 2002, et 72 % ont été          Le dernier axe de solutions vise          soient locaux ou TET. Des solutions
        certifiés à ce jour.                       la rétention de la main-d’œuvre par          sont à la portée, que l’on pense au
           Puisque la main-d’œuvre expéri-         de bonnes pratiques en ressources            PAMT, au projet FermEmploi d’AGRI-
        mentée est rare, un second programme       humaines (RH). Basés sur des consul-         carrières et aux Centres d’emploi
        structurant a été conçu récemment.         tations exhaustives, les constats            agricole. Toutes ces ressources per-
        Appelé FermEmploi, le programme            d’AGRIcarrières ont mené à appuyer           mettent de maximiser les chances des
        vise à attirer 80 candidats intéressés,    les CEA afin d’ajouter à leur mandat         producteurs de s’en sortir indemnes,
        entre autres par la production laitière,   un rôle-conseil auprès des employeurs        par l’embauche locale, par une bonne
        les initier à ce domaine d’emploi sur      en matière de gestion des RH. Que            intégration et par la formation et la
        une période de quatre mois, les déve-      ce soit par le développement d’outils        rétention des travailleurs. Et vous,
        lopper comme ouvrier spécialisé par        adaptés aux réalités de l’entreprise,        comment ferez-vous face à la rareté
        l’entremise du PAMT, et enfin, assurer     par un coaching sur des aspects par-         de main-d’œuvre? ■
        leur rétention. La formule comporte de     ticuliers, les conseillères et conseillers
        multiples avantages pour l’employeur :     spécialisés en RH des CEA peuvent

                                                                                                       MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS   15

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V A L A C TA
                                                                                                         Par MARIO SÉGUIN, agronome, expert
                                                                                                         contrôle laitier et gestion des données,
                                                                                                         Valacta

        La passion
        de faire plus
        pour valoriser
        les données des                                                                                  de préparation à la traite variera selon
                                                                                                         le paramétrage du logiciel-robot par

        robots de traite                                                                                 le producteur : un lavage double des
                                                                                                         trayons, ou un lavage simple.
                                                                                                            Certaines marques de robot four-
                                                                                                         nissent une indication des valeurs de
                                                                                                         composants du lait et le comptage
                                                                                                         des cellules somatiques (CCS). Ces
                                                                                                         données peuvent être affichées pour
        Avec le nombre croissant de fermes laitières équipées                                            chaque traite et indiquer une valeur
                                                                                                         moyenne quotidienne du troupeau.
        de systèmes de traite automatisés, Valacta déploie des                                           Elles sont exprimées selon des unités
        efforts pour mieux comprendre et valoriser les données                                           comparables à celles des laboratoires
                                                                                                         accrédités du contrôle laitier : pourcen-
        produites par les logiciels et les capteurs dont sont munis                                      tage de gras, de protéine et de lactose,
                                                                                                         CCS (millier/ml).
        ces systèmes.                                                                                       Afin de valoriser ces données, il
                                                                                                         est essentiel de mieux les comprendre
                                                                                                         et d’évaluer comment elles se com-
            Ces efforts ont pour but d’appuyer             téristiques du lait (conductivité, CCS,       parent par rapport aux laboratoires
        les producteurs dans la meilleure uti-             composants du lait), mais aussi avec          accrédités. C’est dans cet esprit que
        lisation possible de ces technologies.             les données liées à l’alimentation, la        Valacta a réalisé le projet de recherche
        Ils visent aussi à développer des pro-             reproduction et à la santé.                   Caractérisation et valorisation des don-
        cessus automatisés qui feront éven-                   Un des projets concernait la revue         nées de composition du lait générées
        tuellement la cueillette de données à              des différents systèmes de traite auto-       par les robots de traite (voir encadré).
        la ferme par des communications web                matisés. Cette revue a mis en lumière le         Suite à la collecte des échantil-
        vers une base de données nationale                 peu d’uniformité des données offertes         lons de lait, les valeurs quotidiennes
        des contrôles laitiers et du Réseau                par les logiciels. Les valeurs peuvent        des taux de gras, de protéine et le
        laitier canadien. L’acquisition et le              être différentes pour un même critère,        CCS générées par les robots étaient
        traitement de ces données permettront              tant selon l’unité utilisée que leur inter-   recueillies du logiciel. L’analyse des
        de définir des références nationales               prétation. C’est le cas pour la conduc-       échantillons en laboratoire permettait
        pour appuyer les producteurs dans la               tivité du lait. Le tableau 1 montre les       de comparer les valeurs obtenues des
        gestion des troupeaux à la traite robo-            variations des mesures de conducti-           robots avec celles du laboratoire.
        tisée. Ces bases de données seront                 vité du lait selon quatre fabricants :
        aussi essentielles aux développements                                                               Y A-T-IL UNE DIFFÉRENCE
        de nouveaux critères de sélection                                                                   ENTRE LES VALEURS DE GRAS
                                                           FABRICANTS     VARIATION         UNITÉS
        génétiques pour des vaches perfor-                                NORMALE                           ET DE PROTÉINE DES ROBOTS
        mantes dans les conditions d’élevage               A                60-80          mS/dm            ET LES ANALYSES EN
        modernes.                                          B               3,3-7,0         mS/cm            LABORATOIRE?
                                                           C               400-800         mS/m              Les résultats moyens quotidiens des
             LE DÉFI DE COMPARER LES                       D                 9-12          mS/cm         troupeaux montrent peu d’écarts entre
             MESURES DES DIFFÉRENTS                                                                      les données des robots et les analyses
             SYSTÈMES DE TRAITE                               Ces différences doivent être prises        en laboratoire. Pour les 10 troupeaux,
           Quelque sept marques de robots                  en compte afin de comparer les perfor-        l’écart moyen quotidien se chiffre à
        sont commercialisées au Canada. Elles              mances des troupeaux. Qui plus est,           - ,05 % pour le gras et - ,001 % pour la
        proposent des paramètres de gestion                chaque producteur peut paramétrer             protéine. Les écarts moyens quotidiens
        du troupeau qui leur sont spécifiques,             ses robots, ce qui peut avoir un impact       par ferme varient de - 0,22 % à + 0,14 %
        en lien avec la traite (temps au robot,            sur les données du troupeau et de             de gras et de - 0,04 % à + 0,07 % en
        temps de préparation, etc.), les carac-            chaque vache. Par exemple, le temps           protéine.

        16      MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

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VALORISATION
                                                                                               DES DONNÉES DE
                                                                                               COMPOSITION DU LAIT
                                                                                               GÉNÉRÉES PAR LES
                                                                                               ROBOTS DE TRAITE
                                                                                               LE PROJET EN BREF :
                                                                                               - 14 fermes laitières.
                                                                                               - 2 robots par ferme (pour la plupart).
                                                                                               - Échantillonnage du lait de toutes
                                                                                                 les traites sur 24 heures chez
                                                                                                 10 troupeaux ayant des robots
                                                                                                 équipés de capteurs de taux de
                                                                                                 gras, de protéine et de lactose. Un
                                                                                                 total de 2970 échantillons prove-
                                                                                                 nant de 797 vaches ont été récoltés.
                                                                                                 Cinq de ces troupeaux possédaient
                                                                                                 un analyseur CMT pour déterminer
                                                                                                 le CCS.
            Différentes analyses ont été réali-     gras et de protéine analysés par les
                                                                                               - Échantillonnage de lait pour la
        sées par les chercheurs afin de quan-       capteurs et le laboratoire. Une pente
                                                                                                 première traite sur une période
        tifier les écarts pour les vaches indi-     plus faible que la pente idéale (plus
                                                                                                 de 12 heures chez les 4 troupeaux
        viduelles. L’une d’elles visait à établir   près de l’horizontale) signifie que les
                                                                                                 ayant des robots équipés de cap-
        les corrélations entre les taux robots et   capteurs surestiment les taux à des
                                                                                                 teurs optiques de comptage des
        ceux du laboratoire. Les graphiques 1       niveaux inférieurs et les sous-estiment
                                                                                                 cellules somatiques, pour un total
        et 2 présentent ceux de la matière          à des taux supérieurs. Ce constat
                                                                                                 de 216 vaches.
        grasse et de la protéine. Chaque point      n’est pas une surprise, car il est connu
        identifie une vache dans l’un des           que les capteurs sont influencés par       - Les échantillons étaient analysés
        10 troupeaux. La corrélation atteint        la grosseur des particules qui varie         au laboratoire de Valacta pour les
        + ,37 pour le gras et + ,38 pour la pro-    d’une vache à l’autre en fonction de         composants du lait et le CCS.
        téine. Ces valeurs confirment que les       sa génétique.                              - Aide financière du Programme de
        taux aux robots constituent « une indi-        Ces résultats suggèrent donc que          développement sectoriel « Cultivons
        cation », comme le précise le fabricant.    les données des robots pourraient            l’avenir 2 », une initiative conjointe
            La ligne bleue montre la pente          occasionner un reclassement des              du MAPAQ et d’Agriculture et
        des points et compare les niveaux de        valeurs génétiques des composants du         Agroalimentaire Canada.

                                                                                                      MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS   17

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VA L A C TA

                                                                                                      à celles du laboratoire, ce qui n’est
                                                                                                      pas le cas avec la technologie du CMT.
                                                                                                      Cette dernière tend à sous-estimer les
                                                                                                      valeurs CCS du troupeau. Ces résul-
                                                                                                      tats démontrent qu’il est essentiel de
                                                                                                      maîtriser pleinement les différences
                                                                                                      entre les technologies à la ferme pour
                                                                                                      pouvoir obtenir des données contri-
                                                                                                      buant adéquatement aux évaluations
                                                                                                      génétiques.

                                                                                                         ALORS, PEUT-ON FAIRE
                                                                                                         PLUS AVEC LES DONNÉES
                                                                                                         DES SYSTÈMES DE TRAITE
                                                                                                         AUTOMATISÉS?
                                                                                                          L’étude confirme que les valeurs
                                                                                                      actuelles de composants du lait fournis
                                                                                                      par les robots constituent « une indi-
                                                                                                      cation » pour appuyer les producteurs
                                                                                                      dans la gestion de leur troupeau. Elle
                                                                                                      suggère aussi l’importance de bien
        lait chez certaines lignées, par rapport              QU’EN EST-IL DU CCS?                    connaître la technologie de chaque
        aux résultats obtenus en laboratoire.                 Bien que l’unité de mesure soit la      système afin de suivre leur précision
                                                           même (millier/ml), les technologies        et leur calibration.
             LA CALIBRATION A-T-ELLE                       utilisées pour apporter des valeurs            Des recherches ultérieures seront
             UNE RÉPERCUSSION SUR LA                       de CCS sont différentes selon le sys-      importantes pour mieux comprendre les
             PRÉCISION DES MESURES?                        tème. L’une vise à identifier les vaches   procédures de calibration des capteurs
            L’analyse des corrélations a été               affectées d’une mammite clinique en        et mieux évaluer les effets de la calibra-
        réalisée pour chacun des 10 troupeaux              mesurant la viscosité du lait, comme       tion. Avec les connaissances acquises,
        et les résultats sont variables. Pour le           le fait un CMT (California Mastitis        l’industrie canadienne devra établir
        taux de gras, les corrélations variaient           Test) à la ferme. L’autre utilise un       des mécanismes de validation des don-
        de 0,21 à 0,56. Une piste qui peut expli-          compteur optique des cellules soma-        nées selon leurs objectifs d’utilisation.
        quer ces variations : la calibration des           tiques, une technologie plus similaire     Les données devront être utilisées
        robots. La calibration est un élément              aux laboratoires accrédités. Pour les      de façon distincte : soit à des fins
        clé de la précision des appareils de               niveaux de CCS de moins de 500 000,        de gestion du troupeau, soit à des
        mesure. La méthode actuelle la plus                la technologie de compteur optique         fins d’évaluation génétique. ■
        courante de calibration des capteurs               fournit des valeurs très comparables
        robots utilise les taux du réservoir. Les
        producteurs doivent entrer eux-mêmes
        dans leur logiciel les taux du trou-
        peau déterminés par chaque journée
        de livraison.
            À ce jour, il n’y a pas d’historiques
                                                               LES NORMES ICAR ET LES SYSTÈMES
        de calibration des robots pour valider                 DE TRAITE AUTOMATISÉS
        la régularité de la calibration à chaque
                                                               ICAR ou International Committee for Animal Recording est une orga-
        ferme. Une hypothèse est que la fré-
                                                               nisation internationale responsable de proposer des lignes directrices
        quence de calibration qui diffère d’une
                                                               qui contribuent à la qualité des données animales. Les données
        ferme à l’autre pourrait avoir un impact
                                                               utilisées pour les évaluations génétiques canadiennes doivent être
        sur la précision des composants au
                                                               issues d’appareils accrédités selon les normes établies par ICAR. Les
        robot. Ajoutons aussi que la majorité
                                                               systèmes de traite automatisés ont reçu l’accréditation ICAR selon la
        des producteurs calibrent leurs robots
                                                               quantité de lait produite par vache. Toutefois, les capteurs de compo-
        à partir des résultats de réservoir
                                                               sants du lait et du comptage des cellules somatiques actuellement
        exprimés en kg/hl alors que les valeurs
                                                               utilisés dans les fermes attendent encore de recevoir cette accrédita-
        du logiciel robot et du contrôle laitier
                                                               tion. Cela signifie que l’analyse du lait dans des laboratoires accré-
        sont exprimées en pourcentage (kg/
                                                               dités est requise pour l’évaluation génétique.
        kg). Ceci crée un biais systématique
        d’environ 3 %.

        18      MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

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R E P O R TA G E À L A F E R M E
                                                                Par YVON GENDREAU, journaliste, PLQ

        FERME PELLERIN ET MORIN INC.

        Une association
        entre voisins!
        Après quelques années de collaboration à différents
        travaux, Jean-Félix Morin et François Pellerin se
        sont associés pour créer une nouvelle entité,
        Ferme Pellerin et Morin inc., et lui donner un virage
        production laitière bio.
                                                                                       À gauche,
                                                                                       Jean-Félix Morin, et
                                                                                       François Pellerin
                                                                                       à droite.

        20      MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

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Fils d’un enseignant et d’une mère
        intervenante auprès des femmes,
        Jean-Félix est né en pleine ville, à
        Shawinigan. Il a toujours voulu tra-
        vailler en agriculture et, surtout, pos-
        séder sa propre ferme laitière. En
        2007, il s’inscrit donc en gestion et
        exploitation d’entreprise agricole à
        l’ITA de Saint-Hyacinthe dans l’espoir
        de réaliser un jour ce rêve. À sa der-
        nière année d’étude, en 2009, lui et ses
        parents se lancent dans la production
        bovine à l’entrée du chemin St-Onge à
        Saint-Boniface, la ferme est voisine de
        celle de François. Quand le troupeau
        est vendu à la fin 2014 en prévision
        de l’association, il compte 45 sujets de
        race simmental.
            François, lui, est la sixième généra-           La Ferme Pellerin et Morin inc. est située sur le chemin St-Onge à Saint-Boniface. Les terres sont
                                                            réparties sur cinq lopins.
        tion de Pellerin sur le chemin St-Onge
        et la cinquième en production là où se
        trouve actuellement la Ferme Pellerin               associez pas? » Une question qui mûrira            un virage production laitière bio à
        et Morin. Il a obtenu son diplôme en                plusieurs mois dans la tête de François            l’entreprise. En effet, selon le scénario
        zootechnologie à l’ITA de La Pocatière              et qui deviendra même une suggestion               proposé, le passage de la production
        en 1991 et s’est joint à l’entreprise               de la part de l’entourage. Il partage              laitière conventionnelle au bio devrait
        de ses parents dont il a commencé à                 l’idée avec Jean-Félix quelques mois               se traduire en moyenne par un gain
        acheter des parts en 1996. La produc-               plus tard. Ce dernier, fatigué de devoir           brut de 23 $/hl. « Si on ne prenait pas
        tion laitière est donc dans ses gènes.              aller travailler à l’extérieur de sa ferme         ce virage, il fallait oublier notre projet
            En 2008, dans le cadre de ses                   pour compléter ses revenus, prend la               d’association, parce qu’il n’aurait pas
        études, Jean-Félix vient faire un stage             proposition de son ami très au sérieux.            été rentable », explique François.
        à la ferme de François. Ce premier                      Mais, question de ne rien décider à            Cependant, l’idée du bio n’allait pas
        contact les amènera petit à petit à                 la légère et de s’assurer de la viabilité          nécessairement de soi pour les deux
        travailler souvent ensemble, tantôt                 d’un tel projet, les deux voisins s’en-            producteurs qui n’avaient jamais vrai-
        comme collaborateurs pour certains                  tourent de conseillers pour les aider              ment envisagé de se lancer dans ce
        travaux aux champs et mise en                       à cheminer. Fiscaliste, conseillère en             type de production. Ça ne faisait pas
        commun de machinerie, tantôt dans                   gestion, conseillère du Centre régional            partie de leurs projets d’avenir res-
        un rapport employé (Jean-Félix) et                  d’établissement en agriculture (CRÉA)              pectifs. Ils craignaient de perdre leurs
        employeur (François).                               sont notamment mis à profit.                       points de repère et de devoir remettre
            En 2011, voyant les deux hommes                                                                    en cause leurs façons de faire tant
        évoluer chacun de leur côté, une amie                  LE BIO, VOUS ÊTES SÛR!?                         du point de vue des cultures que des
        de François lui dit : « Vous travaillez                Pour assurer la rentabilité de ce               soins de santé des animaux et de la
        souvent à deux et vous courez chacun                projet d’association, leur conseillère             reproduction de leur cheptel. La ges-
        de votre côté, pourquoi vous ne vous                en gestion leur propose de donner                  tion des pâturages et l’idée de devoir

            Aujourd’hui, les taures sont logées dans l’ancienne étable de Jean-Félix et ses parents.

                                                                                                                        MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS   21

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R E P O R TA G E À L A F E R M E

                                                                                                                entreprise tout en bénéficiant d’une
                                                                                                                occasion de croissance en raison du
                                                                                                                quota disponible.

                                                                                                                   ÊTRE PRÊT DANS SA TÊTE…
                                                                                                                   ET SE PRÉPARER
                                                                                                                   FINANCIÈREMENT
                                                                                                                    Travailler en commun sur certains
                                                                                                                points de temps en temps et être asso-
                                                                                                                ciés à temps plein sont deux réalités
                                                                                                                bien différentes. « Jean-Félix, c’était
                                                                                                                mon employé, explique François. Il
                                                                                                                faut être bien sûr de son affaire avant
                                                                                                                de se lancer dans pareille aventure et
                                                                                                                il faut être certain qu’on va pouvoir
                                                                                                                se mettre d’accord sur tout ce qui
                                                                                                                concerne l’entreprise ou, à tout le
                                                                                                                moins, arriver à un compromis. » Et
                                                                                                                selon Jean-Félix, « c’est la base d’une
                                                                                                                bonne association ».
                                                                                                                    Pour savoir s’ils peuvent s’associer,
                                                                                                                François et Jean-Félix se tournent vers
        Si les deux hommes n’ont pas encore vraiment cessé de courir depuis leur association, ils sont          la conseillère du CRÉA qui les appuie
        toutefois bien heureux de compter l’un sur l’autre.                                                     dans leur démarche pour tout l’aspect

        gérer de la paperasse supplémentaire
        les rebutaient également.
            Toutefois, une analyse de leur situa-
        tion leur fait réaliser que leurs pra-
        tiques de culture sont déjà proches
        de la culture bio : ils n’utilisent plus
        d’engrais chimiques ni de pesticides
        et leurs champs voisinent des champs
        en régie biologique. Autre avantage, ils
        sont entourés d’entreprises déjà bien
        établies dans ce secteur. Ils recon-
        naissent aussi que l’image qu’ils se
        font du bio est basée en partie sur des
        mythes véhiculés par de faux experts.
            À force d’analyse, de visites de
        fermes et de conseils de leur milieu, ils
        finissent par voir dans le passage vers
        le bio une bonne façon d’augmenter
        les revenus et la marge de leur future             Depuis 2015, les propriétaires ont agrandi et rénové l’étable, érigé un silo à grains, mais aussi
                                                           acheté, défriché, drainé et nivelé plusieurs hectares de terre.

                                                                                                                humain du projet. Leur rencontre seul
                                                                                                                à seul en privé avec la conseillère et
                                                                                                                des tests individuels sont concluants :
                                                                                                                les deux hommes se complètent bien
                                                                                                                et ils sont faits pour s’entendre! « On
                                                                                                                aime pas mal les mêmes choses et
                                                                                                                on discute souvent de celles qui
                                                                                                                nous concernent », soutient d’ailleurs
                                                                                                                François, qui a 18 ans de plus que son
                                                                                                                compagnon. « Deux tempéraments un
                                                                                                                peu différents, je pense que ça fonc-
                                                                                       Le lait bio est          tionne bien », ajoute Jean-Félix.
                                                                                       produit grâce               Maintenant, si les atomes sont
                                                                                       à 45 vaches.             crochus, il faut établir une ligne qui

        22      MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

PLQP_2018-05-01.indd 22                                                                                                                                        18-04-18 08:54
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