La compaction affaiblit-elle votre luzerne? - Des pistes pour affronter la rareté de main-d'oeuvre - Les Producteurs ...
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MAI 2018 MAIN-D’OEUVRE Des pistes pour affronter la rareté de main-d’œuvre POSTE-PUBLICATIONS, CONVENTION No 40028511 CULTURE La compaction affaiblit-elle votre luzerne? PLQP_2018-05-01.indd 1 18-04-18 08:50
SOMMAIRE 18V O L U M E ÉDI TO RIAL Améliorer le revenu 3 8 – N U M É R O mai 8 7 REPORTAGE À LA FERME FERME PELLERIN ET MORIN INC. Une association entre voisins! 20 des producteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Après quelques années de collaboration à différents travaux, Jean-Félix Morin et François Pellerin se CULTURE sont associés pour créer une nouvelle entité, La compaction affaiblit-elle Ferme Pellerin et Morin inc., et lui donner un virage votre luzerne? production laitière bio.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20 La neige a fondu, tout est en train de reverdir et… déception! 30 Vous découvrez que votre luzernière est amochée. Pourtant, le semis remonte à deux ans à peine. Et aucune RECHERCHE pluie n’a dénudé le champ pendant l’hiver. Mystérieux? La mammite, L’explication se cache peut-être plusieurs centimètres quel en est le véritable prix sous la surface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 à payer? On dit souvent que la mammite est une des maladies les plus coûteuses dans les fermes laitières, avec raison et chiffres à l’appui!.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26 MAIN-D’ŒUVRE Des pistes pour affronter la rareté de main-d’œuvre MÉDECINE VÉTÉRINAIRE Si votre entreprise embauche des travailleurs, vous Refuge à parasites : nouvelle êtes sûrement sensible à la question de rareté de la 33 approche en vermifugation (1re partie) main-d’œuvre. Quels sont les enjeux? Quels types Si la résistance des parasites intestinaux envers les d’emplois sont les plus visés? Quelles sont les solutions médicaments utilisés pour les contrôler (anthelminthiques à votre portée? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12 ou vermifuges) est maintenant un fait, elle peut être modulée par différentes stratégies médicamenteuses et non médicamenteuses.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30 VALACTA La passion de faire plus pour valoriser TRANSFORMATION les données des robots de traite LANCER VOTRE FROMAGERIE? Avec le nombre croissant de fermes laitières équipées Le CEFQ peut vous aider! de systèmes de traite automatisés, Valacta déploie des Si vous pensez démarrer une fromagerie artisanale, efforts pour mieux comprendre et valoriser les données le Centre d’expertise fromagère du Québec (CEFQ) produites par les logiciels et les capteurs dont sont est là pour vous! .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33 munis ces systèmes.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16 45 LES PRODUCTIONS SUPÉRIEURES DE VALACTA ...................24 LES PRODUITS LAITIERS S’ANNONCENT ..................................34 PARLONS NUTRITION ....................................................................38 À PROPOS DE LA PRODUCTION .................................................40 AILLEURS DANS LE MONDE ........................................................44 LA RECETTE ......................................................................................45 L’ACTUALITÉ LAITIÈRE EN BREF ..................................................48 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 3 PLQP_2018-05-01.indd 3 18-04-18 08:50
ÉDITORIAL Améliorer le revenu des producteurs Malgré la croissance des dernières années, des revenus inférieurs aux attentes engendrent beaucoup de frustration chez les producteurs. Cette situation, ajoutée à l’incertitude que provoquent les négociations de l’ALENA, sème l’inquiétude dans nos rangs. L’obtention des conditions de mise en marché du lait les plus avantageuses est la priorité de notre plan conjoint et des Producteurs de lait du Québec. Mais dans le contexte actuel des bas prix, l’assemblée générale des PLQ a réaffirmé que cette priorité de longue date était encore importante. Si ce n’était que du prix des classes 1 à 4, les revenus seraient adéquats. Mais près du quart des solides totaux de notre lait est maintenant vendu à des prix fluctuant au gré du marché mondial. Cette proportion n’était que de 17 % en 2014. Cette part crois- sante nous expose de plus en plus aux conséquences de l’indiscipline et du dumping qui règnent sur ce marché. Comment en sommes-nous arrivés là? L’érosion a débuté au tournant des années 90. Avec la mise en œuvre des accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le contrôle des importations est devenu Depuis l’année moins efficace. Nous avons dû négocier l’introduction des classes spéciales pour appro- visionner les entreprises de transformation secondaire et maintenir certains marchés, exceptionnelle désormais plus ouverts à la concurrence étrangère. Ce compromis stratégique était essentiel au maintien de la gestion de l’offre. de 2014, le prix à la L’implantation de la stratégie des ingrédients, en 2017, a été une autre adaptation ferme ne s’est pas nécessaire pour stabiliser nos revenus et maintenir notre politique agricole. En effet, l’accumulation croissante de surplus de solides non gras (SNG), que nous étions réduits redressé. Alors à vendre pour l’alimentation animale à des prix très faibles, exigeait un changement. Sans la mise en place de cette stratégie nationale, négociée par les représentants des qu’il atteignait producteurs et des transformateurs des dix provinces, la situation de nos revenus se serait 83,01 $/hl à la détériorée bien davantage. L’entente minimise les effets négatifs du déséquilibre dans la demande pour les composants laitiers en valorisant les surplus de SNG à meilleur prix. composition moyenne Que pouvons-nous faire dans ce contexte pour améliorer le revenu des producteurs? On ne peut compter sur le redressement rapide des prix mondiaux. Mais il faut agir pour en 2014, en 2017, assurer la pérennité et le bien-être des producteurs laitiers. La récente assemblée générale des PLQ a décrit certaines actions possibles pour il ne s’élevait contribuer à redresser la situation. À très court terme, nous surveillons de près les qu’à 77,40 $/hl. indicateurs permettant à la Commission canadienne du lait de déclencher un processus de consultation pour déroger de la formule de prix négociée avec les transformateurs. Maintenant que nous avons reconstruit nos stocks de beurre, nous surveillons aussi l’évolution du marché et de la production. Il faut éviter la production de beurre non requis, qui gonfle les surplus de SNG. À moyen terme, nous travaillerons avec les PLC et les autres provinces, ainsi qu’avec nos partenaires de l’industrie, afin d’accentuer le développement des marchés à valeur ajoutée dans les classes 1 à 3, nos marchés les plus rémunérateurs. L’industrie laitière canadienne contribue de manière exceptionnelle à la vitalité des régions et à la santé économique du pays. C’est particulièrement vrai avec la croissance des dernières années. Les producteurs de lait doivent aussi en bénéficier. Soyez assuré que votre organisation ne négligera aucun effort pour atteindre ce but. président MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 5 PLQP_2018-05-01.indd 5 18-04-18 08:51
Revue publiée 10 fois l’an par Les Producteurs de lait du Québec (PLQ) Tirage : 7 964 exemplaires Date de parution : mai 2018 DIRECTEUR Charles Couture RESPONSABLE DE LA REVUE AUX PLQ ET RÉDACTEUR EN CHEF Jean Vigneault JOURNALISTE ET SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Yvon Gendreau COLLABORATEURS Agriculture et Agroalimentaire Canada, CIAQ, CRAAQ, Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, Grappe de recherche laitière, Groupes-conseil agricoles du Québec, ITA, Les Producteurs laitiers du Canada, Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, Novalait, Réseau laitier canadien, Réseau canadien de recherche sur la mammite bovine et la qualité du lait, STELA/INAF, UPA, Elles aiment vraiment cette nouvelle litière Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement, Université McGill, Valacta faite de pétales de fleurs, mais le problème VENTES pub@laterre.ca est qu’elles ne veulent tout simplement Tél. : 450 679-8483, poste 7712-7398 DIRECTEUR DES VENTES plus se lever maintenant! Pierre Leroux, poste 7290, pleroux@laterre.ca REPRÉSENTANTS PUBLICITAIRES Sylvain Joubert, poste 7272 Marc Mancini, poste 7262 Daniel Lamoureux, poste 7275 Sans frais : 1 877 679-7809 ADMINISTRATION Vincent Bélanger-Marceau TIRAGE ET ABONNEMENTS Lisa Higgins CONCEPTION GRAPHIQUE Sonia Boucher, Groupe Charest inc. COMMANDER RÉVISION LINGUISTIQUE ET CORRECTION Marie LeBlanc PHOTO DE LA COUVERTURE Yvon Gendreau le recueil de caricatures PRÉIMPRESSION La Terre de chez nous Le diable est aux vaches IMPRESSION Imprimerie FL Web TARIFS D’ABONNEMENT Un an : 19,55 $; deux ans : 29,32 $; trois ans : 39,09 $ Le recueil de caricatures Le Tél. : 450 679-8483, poste 7274 abonnement@laterre.ca diable est aux vaches regroupe CORRESPONDANCE 60 caricatures de Charles Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada à : Kohnen, parmi les meilleures Le producteur de lait québécois Obtetnreez 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 415 déjà parues dans la revue Le Longueuil (Québec) J4H 4G3 producteur de lait québécois. Tél. : 450 679-0530, poste 8306 vo Téléc. : 450 679-5899 e! Ce recueil de caricatures vous est e mplair x e Courriel : plq@lait.qc.ca Site Internet : www.lait.org offert en promotion à 10 $, taxes Dépot légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec 3e trimestre 1980 et livraison incluses. Bibliothèque et Archives Canada ISSN 0228-1686 Les Producteurs de lait Vous pouvez le commander par Poste-publications, convention no 40028511 du Québec Courrier 2e classe, enregistrement no 5066 téléphone au 450 679-0540, Maison de l’UPA Toute reproduction totale ou partielle du Producteur poste 8306 ou en envoyant 555, boul. Roland-Therrien, de lait québécois est interdite sans l’autorisation du rédacteur en chef. un chèque (à l’ordre des bureau 415 Producteurs de lait du Québec) Longueuil (Québec) ainsi que votre nom, adresse J4H 4G3 et numéro de téléphone à l’adresse suivante : 6 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2018-05-01.indd 6 18-04-18 08:51
C U LT U R E Par ANDRÉ PIETTE, journaliste La compaction affaiblit-elle votre luzerne? en Montérégie-Est. Des mauvaises structures de sol dans des prairies, j’en ai vu en masse! » Disons qu’il est plus difficile d’éva- luer l’état d’un sol quand il est totale- ment couvert de végétation que s’il est La neige a fondu, tout est en train de reverdir et… déception! partiellement à nu. « Si le rendement réel de nos prairies n’atteint souvent Vous découvrez que votre luzernière est amochée. Pourtant, qu’une fraction du rendement poten- tiel, ajoute le conseiller, je soupçonne le semis remonte à deux ans à peine. Et aucune pluie n’a que c’est à cause de la compaction, dénudé le champ pendant l’hiver. Mystérieux? L’explication en partie du moins. » Des recherches réalisées au Wisconsin et en Iowa se cache peut-être plusieurs centimètres sous la surface. viennent appuyer cette impression : on y a constaté que la compaction entraînait une baisse du rendement Il faut oublier cette croyance selon répandus dans les prairies que dans de la luzerne pouvant atteindre 37 %. laquelle les problèmes de compac- les champs consacrés au maïs et au Une telle baisse est lourde de consé- tion surviennent seulement dans les soya. « J’ai fait beaucoup de profils de quences. Le producteur doit com- cultures commerciales. En fait, selon sol dans Chaudière-Appalaches, dit le penser en haussant ses superficies. Il l’agronome Louis Robert, ils sont aussi conseiller du MAPAQ maintenant basé doit aussi resemer plus souvent. La partie de gauche a été sous-solée deux mois avant la prise de la photo, alors que la partie de droite ne l’a pas été. Un semis de moutarde a précédé le sous-solage. MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 7 PLQP_2018-05-01.indd 7 18-04-18 08:51
C U LT U R E Des chercheurs de l’Université du Wisconsin ont tracé avec l’aide du GPS les déplacements des équipements utilisés durant une seule récolte d’ensilage de luzerne. Imaginez au bout de trois ou quatre récoltes! Une prairie atteinte de compaction profonde. La sous-soleuse n’a pas pu faire un travail adéquat, car elle ne pouvait descendre assez profondément. Elle a fait éclater le sol seulement dans les Chose certaine, durant une saison 14 premiers pouces. de culture, il n’y a pas un pied carré de prairie où il ne passe pas au moins une roue. L’image ci-dessus l’illustre À LA RECHERCHE DU de façon éloquente. Des chercheurs MEILLEUR COMPROMIS de l’Université du Wisconsin ont tracé Au chapitre des causes de compac- avec l’aide du GPS les déplacements de tion, les épandeurs de lisier sont les tous les équipements utilisés durant premiers qu’on pointe du doigt. Il faut une seule récolte de luzerne pour dire qu’en termes de poids par essieu, l’ensilage. Imaginez au bout de trois ils sont durs à battre! « Une citerne de ou quatre récoltes! « Il faut se souvenir, 5 000 gallons comptant trois essieux souligne Louis Robert, que 70 % de exerce une pression de 11 tonnes par la compaction exercée par un équi- essieu, indique Bruno Garon, ingénieur pement survient lors du premier pas- au MAPAQ en Montérégie, citant une sage. » Troisième défi! étude produite par l’Université du Missouri. Or on recommande de ne pas POSER UN DIAGNOSTIC dépasser neuf tonnes sur un sol sec et Encore faut-il être certain que c’est 5,5 tonnes en conditions humides. » Ce champ souffre d’une compaction sévère bien un problème de compaction qui Soulignons au passage que la limite près de la surface. affaiblit cette luzernière. Ce pourrait de pression par essieu sur les voies aussi en être un de drainage sou- routières est de 10 tonnes. maximiser ses chances de récolter terrain ou de surface, entre autres. Bon nombre de producteurs atté- et d’entreposer de bons fourrages, la Un diagnostic s’impose donc. « Pour nuent les risques de compaction en rapidité devient cruciale. Alors, trac- déterminer la ou les causes d’un transférant les épandages de prin- teurs et équipements tendent à être problème, plusieurs conseillers ont temps ou d’automne vers les jours de plus en plus puissants… et lourds. adopté une approche diagnostic », suivant les récoltes de fourrages. Mais Citant encore l’étude de l’Université indique Victor Savoie, un ingénieur du le risque ne disparaît pas pour autant. du Missouri, Bruno Garon note que MAPAQ-Centre-du-Québec spécialisé On sait qu’il faut épandre tôt après la le poids à l’essieu des tracteurs à en conservation des sols. récolte pour minimiser les dommages quatre roues motrices joue entre 7 et Cette approche s’amorce par la à la culture. Or les humeurs de dame 13 tonnes. Si seulement on travaillait récupération d’un maximum d’infor- Nature ou la disponibilité de l’entrepre- toujours sur sol sec… Là encore, dame mation sur le champ affecté. On collige neur à forfait peuvent poser problème. Nature a son mot à dire et parfois, l’historique de cultures, évidemment, Premier défi! on risque de récolter de la broche mais on met à profit aussi les cartes de L’épandeur à lisier ne constitue si on attend les conditions idéales. rendement (si elles sont disponibles) et pas la seule menace. Quand on veut Deuxième défi! les plans de drainage souterrain. Des 8 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2018-05-01.indd 8 18-04-18 08:51
C U LT U R E La luzerne compaction » (L. Robert). Reste la sous- a survécu soleuse. Laquelle doit être utilisée seulement avec soin (voir encadré : Une approche au-dessus des pour décompacter). « Bon nombre de drains dans ce sol argileux producteurs manquent leur coup », compacté. déplore Louis Robert. Le champ a Les pattes de la sous-soleuse été sous- doivent descendre à plus de 10 cen- solé, mais timètres sous la couche compactée. l’opération a « Il n’est pas rare qu’on la fasse tra- eu peu d’effet, car on l’a vailler à 60 centimètres de profondeur » réalisée dans (L. Robert). C’est d’ailleurs pour que de mauvaises l’outil puisse travailler à cette profon- conditions. deur qu’il ne devrait pas comporter plus de trois pattes. « Sinon, ça va demander trop de puissance de trac- teur », dit-il, ajoutant que l’écart entre les pattes doit équivaloir à une fois et demie la profondeur de travail. photos aériennes prises au printemps fait des profils de sol, on peut parfois Louis Robert conclut : « Surtout, il et à l’automne ainsi que les cartes observer que des vers arrivent à tra- faudra éviter de répéter les erreurs qui d’élévation de terrain, pour les pentes verser une zone compactée profonde. ont entraîné le problème de compac- et les dépressions, peuvent également Mais leur effet est très faible et il leur tion. C’est aussi important sinon plus s’avérer utiles. faudrait des années pour éliminer la que le travail de sous-solage. » ■ L’analyse de ces diverses sources d’information permet généralement de déterminer si le problème affecte la totalité du champ ou seulement une partie. À ce stade, on est en mesure d’élaborer une ou plusieurs hypo- UNE APPROCHE POUR DÉCOMPACTER thèses quant à la source du problème. Pour décompacter une prairie de façon efficace, l’agronome Louis L’étape suivante consiste en une Robert recommande d’appliquer l’approche suivante. D’abord, expertise au champ. On réalise des procéder à la première récolte de la prairie affectée et laisser profils de sol en observant plusieurs s’écouler deux semaines. Ensuite, la traiter au glyphosate, puis éléments : la structure de sol, sa cou- laisser s’écouler quatre ou cinq semaines. « Ça laisse aux racines le leur et son odeur; la profondeur et la temps de se décomposer, explique-t-il. Sinon, les racines affaibli- qualité des racines; l’existence de mar- raient l’effet d’éclatement de la sous-soleuse. » brures; la présence d’eau et sa prove- nance; la présence de nappes perchées On est alors rendu en aout et le moment est propice pour un créées par des zones compactées. épandage de fumier ou de chaux et pour procéder au sous-solage. Mais avant de mettre la sous-soleuse au travail, Louis Robert CORRIGER LE PROBLÈME suggère de semer une ou des plantes de couverture. Car pour Si le problème en est effectivement le conseiller, sous-solage et plantes de couverture sont indisso- un de compaction profonde, Louis ciables. « Les racines des plantes de couverture vont coloniser les Robert considère qu’il n’y a qu’un crevasses créées par la sous-soleuse et stabiliser son travail », dit- seul moyen de le régler, soit par un il. Aucune préparation de sol ne sera nécessaire avant ce semis. sous-solage. « Il n’existe pas de plante De plus, comme la couenne est devenue friable, le semis pourra se décompactante pour ce genre de situa- faire avec n’importe quel semoir. tion », tranche-t-il. Question plantes de couverture, les crucifères comme la moutarde Même la puissante racine du radis ainsi que le radis fourrager ont la préférence du conseiller. « Ce fourrager ne sera d’aucun secours. sont des espèces qui s’enracinent très vite, explique-t-il. Il faut « Concrètement, le radis fourrager éviter les trèfles, car ils ne poussent pas assez rapidement. » constitue un très bon indicateur de Aucune autre intervention ne sera nécessaire jusqu’au semis du compaction profonde parce que lorsque printemps suivant. Le champ offrira alors un bon lit de semence. les racines rencontrent une zone com- « L’amélioration sera immédiatement visible, déclare Louis Robert. pactée, les carottes se soulèvent hors Il y aura moins de compaction et l’infiltration de l’eau sera meil- du sol » (L. Robert). leure. Les racines de la nouvelle culture vont poursuivre le travail Les vers de terre ne seront pas d’un en se développant dans les fractures. » grand secours non plus. « Quand on 10 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2018-05-01.indd 10 18-04-18 08:52
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M AI N-D’ŒUVRE Par ROBERT OUELLET, CRIA, coordonnateur à l’emploi agricole, AGRIcarrières Des pistes pour affronter la rareté de main-d’œuvre TROIS DÉFIS ET DES PISTES Si votre entreprise embauche des travailleurs, vous êtes DE SOLUTIONS sûrement sensible à la question de rareté de la La baisse de main-d’œuvre dis- ponible influence déjà trois types de main-d’œuvre. Quels sont les enjeux? Quels types d’emplois besoins du secteur agricole : 1. les producteurs, par leur besoin de sont les plus visés? Quelles sont les solutions à votre portée? disposer d’une relève; 2. les travailleurs saisonniers, en par- La rareté de main-d’œuvre est là âgées en Occident (voir tableau 1), ce ticulier pour le milieu horticole; pour rester. Deux facteurs principaux qui affectera la capacité de développe- 3. les emplois annuels, qui requièrent expliquent cette situation : la démo- ment des entreprises. du personnel qualifié et moins qua- graphie et la vigueur de l’économie. lifié, comme pour les fermes en UNE ÉCONOMIE FAVORABLE production laitière. LA DÉMOGRAPHIE : QUAND LA Un second facteur qui influence RÉALITÉ NOUS RATTRAPE cette rareté en 2018 tient à une LA RELÈVE : UN DÉFI MAJEUR Une partie de ce que le Québec va conjoncture économique très favo- Ainsi, à l’échelle canadienne, les vivre au cours des prochaines années rable, et ce, depuis la récession de données récentes de 2016 concer- tire son origine de l’après-guerre ter- 2009. Il s’est créé depuis deux ans plus nant les producteurs montrent que le minée en 1945, qui a généré dans les de 120 000 emplois, ce qui a fait chuter groupe d’âge des 55 et plus est passé pays occidentaux une période intense de le taux de chômage de 8 % à près de 48,3 % à 54,5 %. Au Québec, les naissances pendant près de vingt ans. de 5 ou 6 % dans presque toutes les programmes de relève ont un effet Cette génération, les baby-boomers, régions, certaines le situant à près de 3 favorable, l’âge moyen des produc- concrétise leur projet de retraite. ou 4 %, soit le plein emploi. On est loin teurs québécois est le plus faible à 52,9 Depuis quelques mois, nombreux du 15 % du début des années 1980! ans par rapport à 55 ans ailleurs. La sont les secteurs économiques et les régions qui décrivent leur détresse liée au manque de travailleurs disponibles, TABLEAU 1 : POPULATION DE 15 À 19 ANS POUR 100 PERSONNES et qu’on se le dise! ce n’est que le début. DE 60 À 64 ANS Quelques chiffres. En 2008, 4 jeunes entraient sur le marché du travail pour 160 1 travailleur prenant sa retraite. Chiffres 140 qui se sont inversés en quelques années. 120 Aujourd’hui, la tendance est plutôt 1 100 jeune qui entre sur le marché du travail 80 pour 4 travailleurs qui le quittent. 60 Les politiques favorisant la natalité 40 et l’immigration sont insuffisantes. 20 Conséquemment, le Québec dispose 0 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 d’une population active en âge de travailler (15 à 64 ans) parmi les plus Sources : Statistique Canada. Statistiques démographiques; ISQ. Perspectives démographiques 2006-2056 12 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2018-05-01.indd 12 18-04-18 08:52
proportion des femmes est grimpée à 28,7 %, une hausse de 3 % par rapport à 2011 et supérieure à la moyenne canadienne (26 %). Néanmoins, des milliers d’agriculteurs prendront leur retraite dans la prochaine décennie, et il semble que moins du quart des entreprises agricoles ont défini une relève familiale. Parmi les ressources qui accompagnent ces défis : des poli- tiques mises en place pour le transfert de fermes, des organismes proactifs tels que la Fédération de la relève agricole (FRAQ), des programmes de formations initiales et continues adaptées, etc. Une des clés d’une succession d’entreprise réussie est de bien la planifier. MAIN-D’ŒUVRE SAISONNIÈRE PRESQUE STABLE Plus d’une dizaine de secteurs de production végétale dépendent de la disponibilité de dizaines de milliers de travailleurs saisonniers. Certains sec- teurs de culture intensive dépendent de travailleurs engagés qui n’ont pas peur des longues journées pour maintenir des marges bénéficiaires positives. Les entreprises nécessitant de la main-d’œuvre saisonnière sont pro- bablement celles qui ont vécu, dès le début des années 2000, la rareté de main-d’œuvre. Une partie significative de leur solution a été de compenser par l’utilisation accrue du Programme des travailleurs étrangers tempo- raires (PTET), passant de 1 000 en 2001, à plus de 10 000 en 2016. Malgré la rigidité des programmes favorisant la venue de TET, les représentations des dernières années auprès des autorités ont facilité la chose. Les exigences pour disposer de TET sont élevées (coûts, hébergement, langue, délais et démarches administratives, soutien aux déplacements, incertitudes, etc.), mais il s’agit du prix à payer pour sur- vivre, voire une opportunité de déve- loppement pour plusieurs entreprises. Les Centres d’emplois agricoles (CEA) et le service Agrijob dans la région de Montréal, grâce au sou- tien d’Emploi-Québec, continuent leur effort complémentaire au Programme des travailleurs étrangers temporaires en appuyant près de 1 000 employeurs à disposer de main-d’œuvre occasion- nelle pour quelques mois, semaines ou jours. Ces efforts permettent de MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 13 PLQP_2018-05-01.indd 13 18-04-18 08:52
MA I N - D ’Œ UV R E diversifier les bassins de main-d’œuvre d’une entreprise, sans mettre « tous TABLEAU 2 : EMPLOI ET TAUX DE CHÔMAGE MENSUEL, QUÉBEC ses œufs dans le même panier ». POURVOIR LES POSTES 4 300 8,5 Emploi (000) Taux de chômage (%) Taux de chômage (%) D’OUVRIERS QUALIFIÉS 8,0 4 250 LOCAUX : C’EST POSSIBLE! 7,5 Emploi (000) La force de travail des deux tiers 4 200 7,0 des fermes québécoises repose sur le 4 150 6,5 producteur et leurs proches. L’autre 6,0 tiers constitue de la main-d’œuvre 4 100 5,5 dite « non apparentée ». Le secteur 4 050 5,0 de la production laitière doit pouvoir NOV NOV NOV compter sur quelques milliers de tra- 2015 2016 2017 vailleurs disponibles, fiables et compé- tents. La gestion de l’alimentation et les soins des animaux ne s’improvisent pas. Les employés sont les premiers alliés des producteurs pour appuyer la cole (CEA), fait connaitre et valorise les non qualifiés, alors que d’autres sou- qualité et la constance de la production emplois du secteur auprès des acteurs haitent accéder à un métier qualifié et de l’entreprise. des milieux scolaire, communautaire progresser dans l’entreprise. Plus d’un AGRIcarrières, avec le soutien de et de l’emploi. Les efforts visent à million de Québécois changent d’em- ses partenaires, agit depuis plus de attirer des jeunes, plus de femmes, ploi chaque année. Pourquoi ne pas vingt ans en faveur de solutions valo- de nouveaux immigrants, les 55 ans et créer les conditions pour en attirer? risant la disponibilité de main-d’œuvre plus, et toute autre clientèle intéressée locale autour de trois axes : attraction, par l’agriculture, selon les postes à Disposer de ressources humaines développement, rétention. Reprenons combler. Grâce notamment au site compétentes chacun des axes. www.emploiagricole.com, les CEA Les diplômés des programmes reçoivent des milliers de candidatures. d’études sont soit issus de familles EMPLOYÉS LOCAUX En 2016-17, c’est près d’une dizaine agricoles, soit totalement extérieurs ET COMPÉTENTS : de gérants et vachers et plus de 200 au secteur, mais peu importe, ils sont DES SOLUTIONS ouvriers qui ont été recrutés par les pro- clairement insuffisants en nombre Une stratégie en place pour ducteurs laitiers par l’entremise d’un pour répondre aux besoins des pro- attirer et diversifier les sources CEA, ces centres étant présents sur ducteurs. C’est alors qu’entre en jeu le de main-d’œuvre tout le territoire du Québec. Nombreux Programme d’apprentissage en milieu AGRIcarrières, avec la coordina- candidats qui n’ont pas d’expérience de travail (PAMT), qui offre actuelle- tion des 12 Centres d’emploi agri- peuvent très bien pourvoir des postes ment cinq métiers disponibles en agri- 14 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2018-05-01.indd 14 18-04-18 08:52
culture. C’est une formule de compa- • soutien gratuit pour le recrutement, vous appuyer concrètement. Les ser- gnonnage structurée, simple et flexible pour la formation et l’intégration en vices peuvent être soutenus par les qui permet de développer et de recon- emploi; mesures du réseau Agri-conseil et naître les compétences liées à l’exer- • remboursement progressif du salaire d’Emploi-Québec. cice quotidien d’un métier à partir du de l’employé pendant 24 semaines; transfert de savoir-faire de l’employeur • opportunité de main-d’œuvre locale, Utiliser les ressources ou d’un employé expérimenté vers un autonome et regain de vitalité pour Le secteur agricole n’est pas le employé salarié, nommé apprenti. Des la région (ex. : immigrants venant seul à vivre la rareté de main-d’œuvre. crédits d’impôt remboursables et des s’installer avec leur famille). Les défis sont importants, car l’appro- outils d’accompagnement sont dispo- priation du rôle de gestionnaire en nibles. Dans le secteur laitier, près de Retenir la main-d’œuvre par de ressources humaines dans de petites 2 000 participants ont adhéré au PAMT bonnes pratiques de ressources entreprises est essentielle pour attirer d’ouvrier en production laitière depuis humaines et retenir les bons travailleurs, qu’ils sa création en 2002, et 72 % ont été Le dernier axe de solutions vise soient locaux ou TET. Des solutions certifiés à ce jour. la rétention de la main-d’œuvre par sont à la portée, que l’on pense au Puisque la main-d’œuvre expéri- de bonnes pratiques en ressources PAMT, au projet FermEmploi d’AGRI- mentée est rare, un second programme humaines (RH). Basés sur des consul- carrières et aux Centres d’emploi structurant a été conçu récemment. tations exhaustives, les constats agricole. Toutes ces ressources per- Appelé FermEmploi, le programme d’AGRIcarrières ont mené à appuyer mettent de maximiser les chances des vise à attirer 80 candidats intéressés, les CEA afin d’ajouter à leur mandat producteurs de s’en sortir indemnes, entre autres par la production laitière, un rôle-conseil auprès des employeurs par l’embauche locale, par une bonne les initier à ce domaine d’emploi sur en matière de gestion des RH. Que intégration et par la formation et la une période de quatre mois, les déve- ce soit par le développement d’outils rétention des travailleurs. Et vous, lopper comme ouvrier spécialisé par adaptés aux réalités de l’entreprise, comment ferez-vous face à la rareté l’entremise du PAMT, et enfin, assurer par un coaching sur des aspects par- de main-d’œuvre? ■ leur rétention. La formule comporte de ticuliers, les conseillères et conseillers multiples avantages pour l’employeur : spécialisés en RH des CEA peuvent MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 15 PLQP_2018-05-01.indd 15 18-04-18 08:53
V A L A C TA Par MARIO SÉGUIN, agronome, expert contrôle laitier et gestion des données, Valacta La passion de faire plus pour valoriser les données des de préparation à la traite variera selon le paramétrage du logiciel-robot par robots de traite le producteur : un lavage double des trayons, ou un lavage simple. Certaines marques de robot four- nissent une indication des valeurs de composants du lait et le comptage des cellules somatiques (CCS). Ces données peuvent être affichées pour Avec le nombre croissant de fermes laitières équipées chaque traite et indiquer une valeur moyenne quotidienne du troupeau. de systèmes de traite automatisés, Valacta déploie des Elles sont exprimées selon des unités efforts pour mieux comprendre et valoriser les données comparables à celles des laboratoires accrédités du contrôle laitier : pourcen- produites par les logiciels et les capteurs dont sont munis tage de gras, de protéine et de lactose, CCS (millier/ml). ces systèmes. Afin de valoriser ces données, il est essentiel de mieux les comprendre et d’évaluer comment elles se com- Ces efforts ont pour but d’appuyer téristiques du lait (conductivité, CCS, parent par rapport aux laboratoires les producteurs dans la meilleure uti- composants du lait), mais aussi avec accrédités. C’est dans cet esprit que lisation possible de ces technologies. les données liées à l’alimentation, la Valacta a réalisé le projet de recherche Ils visent aussi à développer des pro- reproduction et à la santé. Caractérisation et valorisation des don- cessus automatisés qui feront éven- Un des projets concernait la revue nées de composition du lait générées tuellement la cueillette de données à des différents systèmes de traite auto- par les robots de traite (voir encadré). la ferme par des communications web matisés. Cette revue a mis en lumière le Suite à la collecte des échantil- vers une base de données nationale peu d’uniformité des données offertes lons de lait, les valeurs quotidiennes des contrôles laitiers et du Réseau par les logiciels. Les valeurs peuvent des taux de gras, de protéine et le laitier canadien. L’acquisition et le être différentes pour un même critère, CCS générées par les robots étaient traitement de ces données permettront tant selon l’unité utilisée que leur inter- recueillies du logiciel. L’analyse des de définir des références nationales prétation. C’est le cas pour la conduc- échantillons en laboratoire permettait pour appuyer les producteurs dans la tivité du lait. Le tableau 1 montre les de comparer les valeurs obtenues des gestion des troupeaux à la traite robo- variations des mesures de conducti- robots avec celles du laboratoire. tisée. Ces bases de données seront vité du lait selon quatre fabricants : aussi essentielles aux développements Y A-T-IL UNE DIFFÉRENCE de nouveaux critères de sélection ENTRE LES VALEURS DE GRAS FABRICANTS VARIATION UNITÉS génétiques pour des vaches perfor- NORMALE ET DE PROTÉINE DES ROBOTS mantes dans les conditions d’élevage A 60-80 mS/dm ET LES ANALYSES EN modernes. B 3,3-7,0 mS/cm LABORATOIRE? C 400-800 mS/m Les résultats moyens quotidiens des LE DÉFI DE COMPARER LES D 9-12 mS/cm troupeaux montrent peu d’écarts entre MESURES DES DIFFÉRENTS les données des robots et les analyses SYSTÈMES DE TRAITE Ces différences doivent être prises en laboratoire. Pour les 10 troupeaux, Quelque sept marques de robots en compte afin de comparer les perfor- l’écart moyen quotidien se chiffre à sont commercialisées au Canada. Elles mances des troupeaux. Qui plus est, - ,05 % pour le gras et - ,001 % pour la proposent des paramètres de gestion chaque producteur peut paramétrer protéine. Les écarts moyens quotidiens du troupeau qui leur sont spécifiques, ses robots, ce qui peut avoir un impact par ferme varient de - 0,22 % à + 0,14 % en lien avec la traite (temps au robot, sur les données du troupeau et de de gras et de - 0,04 % à + 0,07 % en temps de préparation, etc.), les carac- chaque vache. Par exemple, le temps protéine. 16 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2018-05-01.indd 16 18-04-18 08:53
VALORISATION DES DONNÉES DE COMPOSITION DU LAIT GÉNÉRÉES PAR LES ROBOTS DE TRAITE LE PROJET EN BREF : - 14 fermes laitières. - 2 robots par ferme (pour la plupart). - Échantillonnage du lait de toutes les traites sur 24 heures chez 10 troupeaux ayant des robots équipés de capteurs de taux de gras, de protéine et de lactose. Un total de 2970 échantillons prove- nant de 797 vaches ont été récoltés. Cinq de ces troupeaux possédaient un analyseur CMT pour déterminer le CCS. Différentes analyses ont été réali- gras et de protéine analysés par les - Échantillonnage de lait pour la sées par les chercheurs afin de quan- capteurs et le laboratoire. Une pente première traite sur une période tifier les écarts pour les vaches indi- plus faible que la pente idéale (plus de 12 heures chez les 4 troupeaux viduelles. L’une d’elles visait à établir près de l’horizontale) signifie que les ayant des robots équipés de cap- les corrélations entre les taux robots et capteurs surestiment les taux à des teurs optiques de comptage des ceux du laboratoire. Les graphiques 1 niveaux inférieurs et les sous-estiment cellules somatiques, pour un total et 2 présentent ceux de la matière à des taux supérieurs. Ce constat de 216 vaches. grasse et de la protéine. Chaque point n’est pas une surprise, car il est connu identifie une vache dans l’un des que les capteurs sont influencés par - Les échantillons étaient analysés 10 troupeaux. La corrélation atteint la grosseur des particules qui varie au laboratoire de Valacta pour les + ,37 pour le gras et + ,38 pour la pro- d’une vache à l’autre en fonction de composants du lait et le CCS. téine. Ces valeurs confirment que les sa génétique. - Aide financière du Programme de taux aux robots constituent « une indi- Ces résultats suggèrent donc que développement sectoriel « Cultivons cation », comme le précise le fabricant. les données des robots pourraient l’avenir 2 », une initiative conjointe La ligne bleue montre la pente occasionner un reclassement des du MAPAQ et d’Agriculture et des points et compare les niveaux de valeurs génétiques des composants du Agroalimentaire Canada. MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 17 PLQP_2018-05-01.indd 17 18-04-19 13:17
VA L A C TA à celles du laboratoire, ce qui n’est pas le cas avec la technologie du CMT. Cette dernière tend à sous-estimer les valeurs CCS du troupeau. Ces résul- tats démontrent qu’il est essentiel de maîtriser pleinement les différences entre les technologies à la ferme pour pouvoir obtenir des données contri- buant adéquatement aux évaluations génétiques. ALORS, PEUT-ON FAIRE PLUS AVEC LES DONNÉES DES SYSTÈMES DE TRAITE AUTOMATISÉS? L’étude confirme que les valeurs actuelles de composants du lait fournis par les robots constituent « une indi- cation » pour appuyer les producteurs dans la gestion de leur troupeau. Elle suggère aussi l’importance de bien lait chez certaines lignées, par rapport QU’EN EST-IL DU CCS? connaître la technologie de chaque aux résultats obtenus en laboratoire. Bien que l’unité de mesure soit la système afin de suivre leur précision même (millier/ml), les technologies et leur calibration. LA CALIBRATION A-T-ELLE utilisées pour apporter des valeurs Des recherches ultérieures seront UNE RÉPERCUSSION SUR LA de CCS sont différentes selon le sys- importantes pour mieux comprendre les PRÉCISION DES MESURES? tème. L’une vise à identifier les vaches procédures de calibration des capteurs L’analyse des corrélations a été affectées d’une mammite clinique en et mieux évaluer les effets de la calibra- réalisée pour chacun des 10 troupeaux mesurant la viscosité du lait, comme tion. Avec les connaissances acquises, et les résultats sont variables. Pour le le fait un CMT (California Mastitis l’industrie canadienne devra établir taux de gras, les corrélations variaient Test) à la ferme. L’autre utilise un des mécanismes de validation des don- de 0,21 à 0,56. Une piste qui peut expli- compteur optique des cellules soma- nées selon leurs objectifs d’utilisation. quer ces variations : la calibration des tiques, une technologie plus similaire Les données devront être utilisées robots. La calibration est un élément aux laboratoires accrédités. Pour les de façon distincte : soit à des fins clé de la précision des appareils de niveaux de CCS de moins de 500 000, de gestion du troupeau, soit à des mesure. La méthode actuelle la plus la technologie de compteur optique fins d’évaluation génétique. ■ courante de calibration des capteurs fournit des valeurs très comparables robots utilise les taux du réservoir. Les producteurs doivent entrer eux-mêmes dans leur logiciel les taux du trou- peau déterminés par chaque journée de livraison. À ce jour, il n’y a pas d’historiques LES NORMES ICAR ET LES SYSTÈMES de calibration des robots pour valider DE TRAITE AUTOMATISÉS la régularité de la calibration à chaque ICAR ou International Committee for Animal Recording est une orga- ferme. Une hypothèse est que la fré- nisation internationale responsable de proposer des lignes directrices quence de calibration qui diffère d’une qui contribuent à la qualité des données animales. Les données ferme à l’autre pourrait avoir un impact utilisées pour les évaluations génétiques canadiennes doivent être sur la précision des composants au issues d’appareils accrédités selon les normes établies par ICAR. Les robot. Ajoutons aussi que la majorité systèmes de traite automatisés ont reçu l’accréditation ICAR selon la des producteurs calibrent leurs robots quantité de lait produite par vache. Toutefois, les capteurs de compo- à partir des résultats de réservoir sants du lait et du comptage des cellules somatiques actuellement exprimés en kg/hl alors que les valeurs utilisés dans les fermes attendent encore de recevoir cette accrédita- du logiciel robot et du contrôle laitier tion. Cela signifie que l’analyse du lait dans des laboratoires accré- sont exprimées en pourcentage (kg/ dités est requise pour l’évaluation génétique. kg). Ceci crée un biais systématique d’environ 3 %. 18 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2018-05-01.indd 18 18-04-19 13:18
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R E P O R TA G E À L A F E R M E Par YVON GENDREAU, journaliste, PLQ FERME PELLERIN ET MORIN INC. Une association entre voisins! Après quelques années de collaboration à différents travaux, Jean-Félix Morin et François Pellerin se sont associés pour créer une nouvelle entité, Ferme Pellerin et Morin inc., et lui donner un virage production laitière bio. À gauche, Jean-Félix Morin, et François Pellerin à droite. 20 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2018-05-01.indd 20 18-04-18 08:54
Fils d’un enseignant et d’une mère intervenante auprès des femmes, Jean-Félix est né en pleine ville, à Shawinigan. Il a toujours voulu tra- vailler en agriculture et, surtout, pos- séder sa propre ferme laitière. En 2007, il s’inscrit donc en gestion et exploitation d’entreprise agricole à l’ITA de Saint-Hyacinthe dans l’espoir de réaliser un jour ce rêve. À sa der- nière année d’étude, en 2009, lui et ses parents se lancent dans la production bovine à l’entrée du chemin St-Onge à Saint-Boniface, la ferme est voisine de celle de François. Quand le troupeau est vendu à la fin 2014 en prévision de l’association, il compte 45 sujets de race simmental. François, lui, est la sixième généra- La Ferme Pellerin et Morin inc. est située sur le chemin St-Onge à Saint-Boniface. Les terres sont réparties sur cinq lopins. tion de Pellerin sur le chemin St-Onge et la cinquième en production là où se trouve actuellement la Ferme Pellerin associez pas? » Une question qui mûrira un virage production laitière bio à et Morin. Il a obtenu son diplôme en plusieurs mois dans la tête de François l’entreprise. En effet, selon le scénario zootechnologie à l’ITA de La Pocatière et qui deviendra même une suggestion proposé, le passage de la production en 1991 et s’est joint à l’entreprise de la part de l’entourage. Il partage laitière conventionnelle au bio devrait de ses parents dont il a commencé à l’idée avec Jean-Félix quelques mois se traduire en moyenne par un gain acheter des parts en 1996. La produc- plus tard. Ce dernier, fatigué de devoir brut de 23 $/hl. « Si on ne prenait pas tion laitière est donc dans ses gènes. aller travailler à l’extérieur de sa ferme ce virage, il fallait oublier notre projet En 2008, dans le cadre de ses pour compléter ses revenus, prend la d’association, parce qu’il n’aurait pas études, Jean-Félix vient faire un stage proposition de son ami très au sérieux. été rentable », explique François. à la ferme de François. Ce premier Mais, question de ne rien décider à Cependant, l’idée du bio n’allait pas contact les amènera petit à petit à la légère et de s’assurer de la viabilité nécessairement de soi pour les deux travailler souvent ensemble, tantôt d’un tel projet, les deux voisins s’en- producteurs qui n’avaient jamais vrai- comme collaborateurs pour certains tourent de conseillers pour les aider ment envisagé de se lancer dans ce travaux aux champs et mise en à cheminer. Fiscaliste, conseillère en type de production. Ça ne faisait pas commun de machinerie, tantôt dans gestion, conseillère du Centre régional partie de leurs projets d’avenir res- un rapport employé (Jean-Félix) et d’établissement en agriculture (CRÉA) pectifs. Ils craignaient de perdre leurs employeur (François). sont notamment mis à profit. points de repère et de devoir remettre En 2011, voyant les deux hommes en cause leurs façons de faire tant évoluer chacun de leur côté, une amie LE BIO, VOUS ÊTES SÛR!? du point de vue des cultures que des de François lui dit : « Vous travaillez Pour assurer la rentabilité de ce soins de santé des animaux et de la souvent à deux et vous courez chacun projet d’association, leur conseillère reproduction de leur cheptel. La ges- de votre côté, pourquoi vous ne vous en gestion leur propose de donner tion des pâturages et l’idée de devoir Aujourd’hui, les taures sont logées dans l’ancienne étable de Jean-Félix et ses parents. MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 21 PLQP_2018-05-01.indd 21 18-04-18 08:54
R E P O R TA G E À L A F E R M E entreprise tout en bénéficiant d’une occasion de croissance en raison du quota disponible. ÊTRE PRÊT DANS SA TÊTE… ET SE PRÉPARER FINANCIÈREMENT Travailler en commun sur certains points de temps en temps et être asso- ciés à temps plein sont deux réalités bien différentes. « Jean-Félix, c’était mon employé, explique François. Il faut être bien sûr de son affaire avant de se lancer dans pareille aventure et il faut être certain qu’on va pouvoir se mettre d’accord sur tout ce qui concerne l’entreprise ou, à tout le moins, arriver à un compromis. » Et selon Jean-Félix, « c’est la base d’une bonne association ». Pour savoir s’ils peuvent s’associer, François et Jean-Félix se tournent vers Si les deux hommes n’ont pas encore vraiment cessé de courir depuis leur association, ils sont la conseillère du CRÉA qui les appuie toutefois bien heureux de compter l’un sur l’autre. dans leur démarche pour tout l’aspect gérer de la paperasse supplémentaire les rebutaient également. Toutefois, une analyse de leur situa- tion leur fait réaliser que leurs pra- tiques de culture sont déjà proches de la culture bio : ils n’utilisent plus d’engrais chimiques ni de pesticides et leurs champs voisinent des champs en régie biologique. Autre avantage, ils sont entourés d’entreprises déjà bien établies dans ce secteur. Ils recon- naissent aussi que l’image qu’ils se font du bio est basée en partie sur des mythes véhiculés par de faux experts. À force d’analyse, de visites de fermes et de conseils de leur milieu, ils finissent par voir dans le passage vers le bio une bonne façon d’augmenter les revenus et la marge de leur future Depuis 2015, les propriétaires ont agrandi et rénové l’étable, érigé un silo à grains, mais aussi acheté, défriché, drainé et nivelé plusieurs hectares de terre. humain du projet. Leur rencontre seul à seul en privé avec la conseillère et des tests individuels sont concluants : les deux hommes se complètent bien et ils sont faits pour s’entendre! « On aime pas mal les mêmes choses et on discute souvent de celles qui nous concernent », soutient d’ailleurs François, qui a 18 ans de plus que son compagnon. « Deux tempéraments un peu différents, je pense que ça fonc- Le lait bio est tionne bien », ajoute Jean-Félix. produit grâce Maintenant, si les atomes sont à 45 vaches. crochus, il faut établir une ligne qui 22 MAI 2018 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS PLQP_2018-05-01.indd 22 18-04-18 08:54
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