La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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CS 292.qxd:CS actu 245.qxd 28/01/14 15:48 Page I Dossier La Pac change, mais pas trop Le 17 décembre, le ministre de l’Agriculture a validé une nouvelle étape de cette Pac qui n’en finit plus de se réformer pour ne pas avancer bien loin. Dans ce dossier, vous trouverez l’ensemble des arbitrages ministériels, et je ne vais donc pas revenir dessus. Simplement, des questions. Cette Pac est-elle celle que nous voulions ? Non, bien évidemment, le pou- voir de lobbying de la Confédération paysanne n’a pas suffi face aux tenants du libéralisme à tous crins. Cette Pac change-t-elle le quotidien des paysans ? De certains, pas de tous, et encore à la marge… Cette Pac marque-t-elle une nette rupture dans les grandes orientations agri- coles de ce pays ? Là aussi, la réponse est non. Je ne vais pas m’appesantir sur les avancées, certes réelles de cette réforme : volonté affichée de doter tous les hectares d’un même DPB (droit à paiement de base), volonté de recouplage, de valoriser plus fortement les premiers hec- tares… À noter que pour une fois, un gouvernement a pris en compte l’impé- rieuse nécessité de réorienter les pratiques agricoles. Mais après, que reste-il de ces intentions dans les actes de la réforme ? Une aide couplée aux fruits et légumes transformées (cerises de conserve, tomates industrielles…) et rien, rien, pour les fruits et légumes frais. Sans commentaires. Ce n’est qu’un exemple des renoncements de ce gouvernement devant les lobbies. C’est surtout une direction tracée par François Hollande au Sommet de l’élevage, à Cournon, puis réaffirmée lors de ces récents vœux : il faut exporter, retrouver la place de la France sur le podium des grandes nations exportatrices, assurer l’approvisionnement des marchés mondiaux et faire tour- ner à plein régime l’industrie agroalimentaire. Nous, à la Confédération paysanne, nous nous battons pour des paysans nombreux, pas pour des ouvriers surexploités dans des usines. Nous, à la Confédération paysanne, nous luttons pour que tous les petits et moyens paysans aient accès aux aides. Nous nous battons contre cette folie de l’exclusion qui s’est emparée du gouvernement : moins de 10 vaches : pas de primes ; pas le bac : pas d’aides ; des fruits et des légumes frais : pas d’aides couplées… Sur le plan de modernisation, nous revendiquons des aides aux projets collectifs, aux projets porteurs d’emplois paysans, plutôt que de subventionner le gigantisme. Nous avons un projet, l’agriculture paysanne. Nous allons tout faire pour que chaque loi, chaque réforme favorisent et mettent en place ce projet. Nous conti- nuons de nous battre. On ne va rien lâcher ! Laurent Pinatel, paysan dans la Loire, porte-parole national de la Confédération paysanne Numéro cofinancé par l'Union européenne Les avis exprimés dans ce dossier n’engagent que leurs auteurs et et ne sauraient être considérés comme constituant une prise de position officielle de la Commission européenne. Campagnes solidaires • N° 292 février 2014 /I
CS 292.qxd:CS actu 245.qxd 28/01/14 15:48 Page II Dossier États des lieux Très faibles avancées La nouvelle Pac, mise en place en 2015 en France, ne sera pas à la hauteur des ambitions de la Confédération paysanne et ne va pas initier de changement dans le modèle français. Premier bilan. S ous la pression de la Fnsea, la France va mettre en place une Pac a minima. Les avancées de la nouvelle Pac sont essentiellement liées au cadre vigne… Le ministre est resté sourd aux argu- ments de la Confédération paysanne. En France, le budget du premier pilier de la future Pac sera en diminution progres- ministère va mettre en place une aide cou- plée pour les productions à DPU très éle- vés et à revenus faibles. Reste à savoir qui va financer cette limitation des pertes ? européen, notamment l’obligation de mise sive de 2014 à 2019. Cette diminution est La majoration des aides sur les premiers en place d’une convergence minimum de liée à une baisse du budget européen pour hectares est une revendication forte de la 60 % et d’un verdissement avec 30 % des la Pac et à la convergence progressive des Confédération paysanne. Cette possibilité aides du premier pilier. Grâce à la mobili- aides entre pays européens. De plus, un a été actée dans la Pac mais la France ne sation de la Confédération paysanne, le pire transfert de 3 % du budget du premier l’a pas exploitée à son maximum : mise en a pu être quelque peu limité : application vers le second pilier impliquera un prélè- place d’une majoration progressive sur les d’une majoration sur les premiers hectares, vement de 3 % sur toutes les aides du 52 premiers hectares avec 5 % des fonds bien que trop lente et trop limitée ; mise en premier pilier. du premier pilier en 2015, qui passeront à place d’une dégressivité et d’un plafond sur 20 % en 2018. certaines aides couplées ; limitation des Aides découplées de la production Le verdissement, qui conditionne 30 % planchers proposés par la Fnsea sur les aides Les aides découplées appelées DPU (droit des aides du premier pilier à des pratiques couplées ; revalorisation des aides aux zones à paiement unique) seront remplacées par respectueuses de l’environnement (diver- défavorisées. le DPB (droit à paiement de base), le paie- sification, maintien des prairies perma- Cette nouvelle Pac ne sera mise en œuvre ment vert et la majoration sur les premiers nentes et des éléments topographiques), qu’en 2015. Cette année sera celle de la tran- hectares. est une autre mesure phare de la nouvelle sition : copie conforme de l’année 2013 Contrairement à ce que nous a fait miroi- Pac. Malheureusement, elle a été vidée de pour certaines mesures, mais les aides du ter le ministère, nous n’aurons pas de bou- son contenu par l’Europe, puis la France. Le premier pilier diminueront de 11 % par rap- leversement au niveau de la redistribution paiement vert ne sera pas identique sur port à l’année 2013 à la suite de la baisse des aides découplées. Au lieu d’une conver- tous les hectares et reste lié à la référence du budget, et de 17 % pour les bénéficiaires gence totale des aides en 2019 (DPB unique historique. Pour un même effort de pré- de moins de 5 000 euros d’aides. Ces der- sur tous les hectares : environ 70 euros/hec- servation de l’environnement et de la bio- niers n’étaient pas concernés par la modu- tare), d’un verdissement avec un montant diversité, ceux qui ont actuellement de gros lation, mais le seront en 2014. Un transfert forfaitaire sur tous les hectares (environ 85 DPU seront plus rémunérés ! Le paiement de 3 % s’appliquera de la totalité des aides euros/hectare), d’une majoration avec 30 % vert devra converger à 70 % en 2018, avec du premier vers le second pilier. Une aide du premier pilier (environ 155 euros/hec- limitation des pertes à 30 %. La France veut inacceptable de 15 millions d’euros pour l’ex- tare) dès 2015, soit un peu plus de que tous les paysans français reçoivent le portation de volailles congelées sera mise 300 euros/hectare sur les 52 premiers hec- paiement vert. Pour cela, le ministère tra- en place, ainsi qu’une aide d’environ 7 mil- tares en 2019, le ministère nous a proposé vaille à l’élaboration d’une certification pour lions d’euros à la fécule de pomme de terre un scénario minimum. la monoculture de maïs, sur base d’une (350 euros/hectare), alors que les autres La convergence, mesure phare de la couverture hivernale, pour la rendre éligible aides seront réduites. réforme pour mettre fin à la référence his- au verdissement. Les agriculteurs ne seront torique, a été fortement limitée par la plus obligés de maintenir individuellement Paiements directs France : convergence partielle (70 %) avec les éléments topographiques (haies, (premier pilier de la Pac) un plafonnement à 30 % des pertes indi- arbres, etc.) sur leur exploitation mais pour- Le règlement européen ne permet pas de viduelles liées à cette convergence. Cette ront les mettre en place de manière col- changement radical de la Pac puisqu’il n’y limitation des pertes est un cadeau pour les lective et les remplacer par des cultures de a pas de plafonnement des aides, ni d’aide productions touchant les DPU les plus éle- couverture, des légumineuses avec pesti- liée à l’actif, pas non plus d’aide à la petite vés et comme si cela ne suffisait pas, le cides. Par ailleurs, le règlement européen ferme adaptée aux réalités françaises. Les outils de régulation des marchés conti- Calcul approximatif du montant moyen de paiement découplé (DPB + paiement vert + majoration) que touchera une ferme sur les 52 premiers hectares. nueront à être démantelés : fin des quotas laitiers en 2015, sucrier en 2017 et révision Si DPU moyen sur exploitation en 2013 est de : des droits de plantation viticole en 2015 pré- 268 euros = 0,00 euro 50 euros 100 euros 500 euros 1 000 euros voyant une augmentation de 1 % des sur- moyenne nationale faces chaque année. La contractualisation 2015 51 92 127 246 410 765 et l’organisation des producteurs sont prô- 2016 102 136 163 256 385 662 nées comme la solution miracle face à la 2017 152 176 197 267 363 576 férocité des marchés. En 2015, tous les hectares seront dotés de 2018 202 214 228 277 344 563 DPB (droit à paiement de base), sauf la 2019 227 233 243 276 330 561 II \ Campagnes solidaires • N° 292 février 2014
CS 292.qxd:CS actu 245.qxd 28/01/14 15:48 Page III Dossier entendue. Au lieu de cela, le ministre fait du copinage et met en place des aides végé- tales selon les commandes de ses amis élus : une aide au pruneau (la plus dotée : 12 mil- lions d’euros !), aux fruits transformés, tomate industrie, fécule, lin, chanvre, hou- blon, blé dur. L’argument est que ces filières, pourvoyeuses d’emplois, seraient mena- cées sans la mise en place d’aide cou- plée. L’aide au tabac sera supprimée car non éligible au niveau européen. Les 2 % d’aides (151 millions d’euros) destinés à la production de protéines en France sont une mesure très intéressante pour développer l’autonomie des élevages, encore faut-il veiller à cette destination. Le changement ne sera pas pour maintenant, ni vraiment pour les six prochaines années : sous la pression Politique de développement de la Fnsea, la France va mettre en place une Pac a minima entre 2015 et 2020. rural (second pilier de la Pac) La politique de développement rural sera considère qu’une prairie temporaire devien- formés. Ces aides impliqueront une dimi- régionalisée dès 2014, les régions devien- dra permanente après cinq ans, cette durée nution de l’enveloppe des vaches allai- dront autorité de gestion. Cependant, l’an- restreinte posera problème pour certains sys- tantes et empêcheront la mise en place née 2014 est une année de transition et sera tèmes. d’une aide aux fruits et légumes frais, plus assez proche de 2013. Le budget du second que nécessaire à la survie de la filière ! Le pilier sera revalorisé de 150 millions d’eu- Aides couplées à la production ministre a choisi son camp : la compétiti- ros chaque année, auxquels s’ajouteront L’Europe permet aux pays européens de vité à tout prix. les 3 % de transfert du premier vers le mettre en place des aides couplées avec La Confédération paysanne a fortement second pilier (225 millions d’euros). Toutes 15 % des fonds du premier pilier, dont 2 % revendiqué un plafonnement et une dégres- les régions voient donc leurs enveloppes spécifiquement pour les protéines. Si la sivité des aides couplées à l’actif pour limi- augmenter. Par exemple, la Bretagne double France peut le justifier, elle pourrait deman- ter l’agrandissement et mieux redistribuer son enveloppe. der une exception pour aller au-delà des les soutiens. Malgré la ferme opposition Le budget des MAEC, des aides à la bio et 15 %. Actuellement, la France utilise seu- de la Fnsea, nous avons été partiellement à la modernisation se verra doublé, celui des lement 10 %. entendus : mise en place d’une dégressivité aides à l’installation (+25 millions d’euros) La France a décidé d’utiliser 15 %, ce qui des aides sur la vache allaitante et les ovins, et ICHN (+300 millions d’euros) revalo- est une très bonne chose à première d’un plafonnement des aides à la vache risé. Ces annonces vont dans le bon sens. De vue. Mais ce que le ministère ne dit pas, laitière et maintien du plafond de l’aide plus, le ministère travaille avec la Confédé- c’est qu’actuellement la France paie, sur caprine. ration paysanne à la mise en place d’un fonds propre, la Prime nationale supplé- Malheureusement, les planchers d’attri- dispositif « petites fermes » dans le second mentaire à la vache allaitante (PNSVA), bution d’aides restent excluant, particuliè- pilier (voir p VIII). venant compléter la Prime au maintien du rement celui de la vache allaitante qui a été Nous devons rester vigilants sur le contenu troupeau de vaches allaitantes (PMTVA), sensiblement augmenté (de 3 à 10 vaches). des cahiers de charges et sur le zonage réa- et qu’elle souhaite la faire payer sur fonds La conditionnalité n’a pas été assouplie et lisé par les régions sur les MAEC, sur l’ave- européen. Ce transfert, mobilisant un peu des possibilités de majoration liées à la nir de l’aide au maintien de la bio (possi- plus de 2 % du budget du premier pilier, contractualisation, à des taux de producti- bilité de zonage par les régions), sur réduira l’argent disponible pour mettre en vité supplémentaire, aux récents investis- l’utilisation des fonds de modernisation place de nouvelles aides et revaloriser les seurs ont été introduites. Nous savons que (éviter la promotion de la restructuration aides actuelles. la volonté de restructuration et de spécia- et de l’agrandissement des fermes via le L’argent disponible est donc limité. De lisation des filières est toujours bien présente financement de robots de traite, de grands plus, la fin des droits historiques à la vache malgré le discours agroécologique du méthaniseurs, de grandes retenues de sub- allaitante va entraîner l’éligibilité de toutes ministre. stitution, etc.). Il est donc nécessaire de bien les vaches à la PMTVA et donc un risque Les aides végétales ont été fortement suivre ce que les conseils régionaux vont de forte dilution de cette aide. Pourtant limitées (27 millions d’euros – transfert de mettre dans leurs programmes de déve- le ministère a de grandes ambitions : 3 % restant à déduire) par le gouverne- loppement. n mettre en place une aide à la vache lai- ment, la priorité est à l’élevage. La Confé- Caroline Collin, tière, une aide à l’engraissement, de nou- dération paysanne a défendu mordicus une animatrice de la commission Pac velles aides aux fruits et légumes trans- aide aux fruits et légumes mais n’a pas été à la Confédération paysanne Campagnes solidaires • N° 292 février 2014 / III
CS 292.qxd:CS actu 245.qxd 28/01/14 15:48 Page IV Dossier Impacts sur les productions animales Ovin : une réforme sans objectif Témoignage de Laurent Reversat, éleveur devenus DPB + verdissement à 120 euros envi- d'ovins en zone de montagne sèche, sur ron); avec un coefficient de 0,5 sur les par- le Larzac (Aveyron) : 160 brebis laitières cours et la convergence, mes DPB passeraient en bio, 250 hectares dont 210 de parcours. de 7500 euros à 17000 euros en 2017. • Aides ovines: la seule nouveauté porte sur A vec toutes les modalités d'applica- tion qui restent encore à négocier pour assurer la répartition des aides Pac, c'est un exercice difficile que d'évaluer la dégressivité à partir de 500 brebis. Cela per- met d'espérer une légère augmentation de l'aide totale, mais nous ne savons pas encore de combien, ni combien représenteront les les conséquences de la nouvelle réforme sur options dans cette aide (qualité, contrat, pro- ma ferme. ductivité…). Si l'on mise sur 24 euros par • Aides aux surfaces: surprime aux 52 pre- brebis (aide actuelle théorique, actuellement miers hectares, soit 2500 euros de plus en amputée de la modulation soit 22 euros 2016; et augmentation de l'ICHN (indemni- payés) cela représentera 320 euros d'aug- Les perspectives sont les mêmes pour les tés compensatoires de handicaps naturels) mentation pour mes 160 brebis (soit un éleveurs de chèvres ou les producteurs de 15 % dès 2014, soit environ 1400 euros montant estimé à 3 820 euros). d’ovin-viande, dont les enveloppes d'aides supplémentaires (mon chargement étant infé- Quel bilan? Pour ma ferme de 250 hectares, couplées sont maintenues. La suppression rieur à la plage régionale optimale, je ne touche en élevage ovin lait, le montant de mes aides de la modulation sur ces aides est le seul que 75 % de l'ICHN, comme beaucoup d'éle- en 2017 passera de 28 000 euros à bénéfice dont ils peuvent profiter. veurs de ma région). Plus tard, je toucherai, 47000 euros dans le meilleur des cas. Au pire, De telles incertitudes mettent en évidence selon des modalités d'application non connues, je pourrais me retrouver à 25 000 euros la carence d'objectifs de cette réforme. Les le supplément ICHN, soit environ 5000 euros. d'aides, avec encore moins en 2014, 2015 et gagnants et les perdants ne sont pas encore • Aides bio : pas de revalorisation prévue 2016 (durant le temps de la convergence). connus, mais surtout, ils n'ont pas été choi- des aides au maintien de l’agriculture bio- La perte peut être plus grave encore pour les sis d'après des critères de maintien de pro- logique. Le choix de distribuer cette aide paysans qui aujourd'hui émargent à la PHAE duction ou de territoires vivants. Cette Pac pourrait être laissé aux régions, selon des (jusqu'à 7 000 euros de perte supplémen- et son application française ont raté une fois critères plus ou moins restrictifs. Perte pos- taire). En 2019, tout dépendra de l'évolution de plus leurs cibles, la souveraineté ali- sible : 8 000 euros de la surprime aux premiers hectares. mentaire, l'emploi paysan et le virage éco- • DPU-DPB: actuellement, mes DPU sont de Dans le premier cas, je rechercherai un logique. n 30 euros (par hectare) sur 250 hectares. Dimi- associé. Dans le second, je peux assurer que Laurent Reversat nution de 3,30 euros en 2014, soit plus de nombreux seront les éleveurs de petits rumi- (1) L'exclusion des parcours aux aides engendrerait l'em- 800 euros de perte. Les parcours sont dans nants en zone difficile à chercher un nou- broussaillement, car l'entretien de telles surfaces n'est pos- le collimateur de l'administration, faisant pla- veau métier… sible que si elles sont soutenues (clôtures, débroussaillage…). ner un risque de pénalité en 2014, voire d'ex- clusion de ces surfaces lors de la réforme si Caprin : pas de gros changement nous n'arrivons pas à imposer la notion de L’enveloppe des paiements directs (14 millions d’euros) destinée aux éleveurs de caprins sera coefficient de pondération. En cas d'exclu- seulement amputée du transfert de 3 % vers le second pilier. Le dispositif d’aides conserve sion (1), je perdrai 6300 euros sur les parcours le même plancher de 25 chèvres, et le même plafond de 400 chèvres. La prime sera légère- et gagnerai 3600 euros (échéance 2019) sur ment augmentée (10 % ?) si l'actuelle modulation est supprimée, comme prévu. La situa- les terres cultivables (40 DPU à 30 euros tion des chevriers reste donc liée à l'évolution des aides aux surfaces. Des primes fortement rabotées par hectare. Cela pourrait choquer. Ce mon- tant élevé est dû au fait que l’ADL (aide Dans le Nord, Antoine Jean est en gaec (2 associés, 2 salariés) sur 32 hectares (10 de prai- directe laitière) découplée a dopé nos DPU ries permanentes, 15 de maïs ensilage, 4 de luzerne, 3 d’orge d’hiver), avec 40 vaches lai- en 2008 (près de 12 000 euros de prime tières, 60 chèvres laitières. Mode de commercialisation en vente directe et à des inter- en plus). médiaires : grossistes, crémeries, restaurants et magasins de producteurs. Partant d’un système de production très D ans le Nord-Pas-de-Calais, avec les rendements historiques les plus éle- vés, la chambre d’agriculture se tar- guait d’avoir les DPU les plus importants : de terres à des prix inacceptables pour ins- taller (entre 5 000 et 15 000 euros l’hectare pour accéder au bail). L’impact de la réforme de la Pac sur notre intensif imposé par une pression foncière liée à l’urbanisation mais aussi au cannibalisme des grosses structures, nous gagnons peu à peu en autonomie alimentaire fourragère en 365 euros/hectare. Des rendements et une ferme est difficile à évaluer, mais une chose réimplantant des surfaces en prairies tem- facilité à cultiver différentes cultures indus- est sûre, nous devrions être fortement rabo- poraires, avec des essais concluants en luzerne. trielles, mais aussi un élevage laitier forte- tés dès 2015. Dès 2015, nous devrions perdre environ ment implanté avec des systèmes très inten- Notre gaec perçoit 18797 euros de primes 191 euros de DPU par hectare, et à peu sifs ont accentué un mal régional: les reprises annuelles, et une valeur DPU de 675 euros près la moitié des primes actuelles, soit …/… IV \ Campagnes solidaires • N° 292 février 2014
CS 292.qxd:CS actu 245.qxd 28/01/14 15:48 Page V Dossier Montant estimé des prochaines aides découplées pour le gaec d’Antoine Jean la plupart des producteurs de notre (d’après la calculette Pac de l’APCA) région qui vendent en grande majo- avant réforme 2015 2016 2017 2018 2019 rité aux laiteries. Montant global de l’exploitation (payé) Nos investissements, amortis DPB 18 797 € 9 115 € 7 459 € 5 974 € 4 745 € 4 728 € depuis peu, nous mettent plus à Aide « verte » 5 581 € 5 086 € 4 595 € 4 186 € 4 172 € l’aise. Et là aussi, ce n’est pas le cas Surprime aux premiers ha 806 € 1 605 € 2 397 € 3 185 € 3 174 € de la plupart des producteurs de TOTAL 18 797 € 15 502 € 14 150 € 12 966 € 12 116 € 12 075 € lait qui nous entourent, lourde- par rapport à avant réforme : -18 % -25 % -31 % -36 % -36 % ment endettés ces dernières Par hectare (payé, rapporté à l'ensemble de la SAU) années dans des mises aux normes DPB 587 €ha 285 €/ha 233 €/ha 187 €/ha 148 €/ha 148 €/ha démesurées et des investissements Aide « verte » 174 €/ha 159 €/ha 144 €/ha 131 €/ha 130 €/ha en robots de traite. Surprime aux premiers ha 25 €/ha 50 €/ha 75 €/ha 100 €/ha 99 €/ha Par ailleurs, le démantèlement TOTAL par hectare 484 € 442 € 405 € 379 € 377 € des outils de régulation et l’aug- …/… 12 075 euros, en 2019. Par contre, en fai- le maintien des haies et l’implantation mentation des volumes produits rendent de sant changer nos pratiques avec l’incorpo- d’arbres, nous pouvons espérer récupérer plus en plus volatils les prix à la production ration de surfaces de protéines, la prime à environ 3 000 euros, soit une perte de et déstabilisent la filière. la vache laitière et la possibilité de contrac- 5 000 euros par an. Combien de producteurs cesseront pro- ter des MAE (mesures agroenvironnemen- Pour faire face à cette baisse, nous pouvons chainement leur activité, libérant des tales) sur nos prairies permanentes conduites facilement augmenter les prix de nos produits volumes pour des fermes-usines ? n depuis plusieurs années sans apport d’azote, en vente directe. Mais ce n’est pas le cas de Antoine Jean Bovin viande : une activité menacée 75 % des éleveurs de l’Ouest en bovin parcelles jugées critiques et à de viande devraient être pénalisés par la l’azote sur céréale pure, le maïs est nouvelle réforme. Témoignages de deux conduit sans intrant, à part la jeunes éleveurs. semence. Les 87 hectares sont cein- turés et scindés par 13 km de haie. Vivien Grandin s’est installé en 2004 dans Ce système, tout en restant pro- les Deux-Sèvres, en hors cadre familial, et ductif, va écologiquement bien, au- élève 50 vaches allaitantes, avec un salarié delà des critères d’accès aux MAEC à mi-temps. (mesures agroenvironnementales et « J’engraisse toutes les femelles vendues climatiques). Ces aides peuvent com- à 36 mois minimum, quelques broutards et penser les pertes sur le premier pilier des taurillons « fermiers » (nourris à l’herbe (100-150 euros/hectare) pour nos à la luzerne et au maïs produits sur la ferme). systèmes en agriculture durable, mais 1/3 de l’exploitation est en prairies naturelles, elles dépendront de la volonté des Comme de nombreux éleveurs de bovins récemment instal- 1/3 en prairies temporaires ou en luzerne, conseils régionaux. lés, Benoît Jaunet se pose la question de la pérennité de sa ferme, qui ne pourra se maintenir qu’avec des MAEC (mesures 1/3 en méteil (protéagineux/céréales) ensilé, La convergence fait perdre d’an- agroenvironnementales et climatiques) conséquentes. triticale/pois moissonnés, maïs grain ou ciennes primes couplées à la pro- ensilé, blé, féverole, orge de printemps. Je duction, pourtant indispensables pour limi- « L’assolement comprend des prairies vends un peu de céréale et achète peu ou ter les fluctuations des cours de la viande. naturelles (4 hectares), de la luzerne (51 hec- pas de correcteur azoté. Les intrants se limi- D’où une atteinte à l’engraissement créa- tares), des méteils ensilés ou moissonnés, tent à des herbicides de rattrapage sur des teur de valeur ajoutée pour nos territoires. de la féverole. Je suis très attentif aux pro- Vivien Grandin Dans mon cas précis, si les blèmes de biodiversité, d’érosion (planta- Avant réforme Après réforme cours de la viande chutaient, tion de haies, travail sans labour…). L’enjeu DPU : 28 465 € DPU : 22 600 € et sans MAEC, je ne pourrais MAEC peut être déterminant. Actuellement PMTVA : 12 225 €(35 % génisses) PMTVA : 10 000 € (1) pas garder de salarié et mes les discussions sont en cours pour déterminer Main-d’œuvre : 1.5 Main d’œuvre : 1.5 ? conditions de travail ne me si le maintien de la bio sera soumis à des Solde : -8 090 € permettront plus de conti- zonages géographiques ou non. Benoît Jaunet nuer mon activité… » (1) C’est l’historique naisseur-engraisseur avec Avant réforme Après réforme installation récente qui est particulière- DPU : 21 700 € DPU : 18 454,00 € Benoît Jaunet est installé ment plombé par cette réforme, même PMTVA : 11 500 €(30 % génisses) PMTVA : 10 000 € (1) en 2009 sur 70 hectares dans des cas où le système est vertueux éco- Maintien bio : 6 600 € Maintien bio : ? dans le Maine-et-Loire. Il logiquement. Dans des régions où l’élevage Main-d’œuvre : 1.3 Main d’œuvre : 1.3 ? élève 45 vaches, engraisse et l’environnement sont menacés, les exploi- Solde : -4 546 ou -11 146 € les femelles et fait du veau tations céréalières intensives ne peuvent (1) La baisse de la PMTVA (Prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes) sous la mère, en agriculture que progresser ! » n peut être plus accentuée, la réforme n’étant pas complètement ficelée. biologique. Vivien Grandin et Benoît Jaunet Campagnes solidaires • N° 292 février 2014 /V
CS 292.qxd:CS actu 245.qxd 28/01/14 15:48 Page VI Dossier Impact sur les productions végétales Grandes cultures Une réforme attendue pour un rééquilibrage des aides Gilles Menou s’est installé en 1989 sur la couplées (aides aux pois protéagineux). Les Pour les exploitations de 52 à 94 hec- ferme familiale en Eure-et-Loir et cultive aides Pac du premier pilier étaient de tares, la baisse des aides ne sera due qu’à 50 hectares de céréales et d’oléo-pro- 18 000 euros jusqu’en 2009, puis de la convergence interne. La surprime sur les téagineux (blé tendre, blé dur, orge, colza, 15 000 euros depuis 2010. En moyenne sur 52 premiers hectares induit une baisse pois protéagineux, maïs). les dix dernières années, le revenu en significative des aides qu’à partir de « grandes cultures » équivaut à 100 % des 120 hectares. E n 2012, mon revenu fiscal est de 22 800 euros (15 000 euros en moyenne sur les dix dernières années). Les aides Pac découplées se montent à aides Pac (source AGPB). À partir de 2015 ; les aides Pac pour ma ferme devraient se maintenir, la conver- gence interne étant compensée par la sur- Pour les paysans de la Confédération pay- sanne ayant de petites ou moyennes exploi- tations céréalières, la réforme de la Pac était souhaitée pour rééquilibrer les aides, mais 14 400 euros, et à 1 000 euros pour les aides prime sur les 52 premiers hectares. aussi pour contribuer à limiter les dérives que connaît la filière actuellement : • agrandissement démesuré des exploita- tions laissant la place à une agriculture sans agriculteurs ; • envolée du prix du foncier et des cessions; • baisse du nombre des installations ; • simplification des assolements avec risque de monoculture et impact fort sur l’environnement. Les régions à références historiques éle- vées perdent un peu mais celles-ci conti- nuent de bénéficier d’un rendement plus important et d’un bon prix de marché, sur- tout depuis trois ans. n Gilles Menou (1) Taille moyenne des exploitations en région Centre : 94 hectares. Fruits et légumes Une aumône annuelle de quelques centaines d’euros par ferme Arboriculteur depuis 2002 dans le Lot- proportion des aides directes consacrées et-Garonne sur une ferme de 10 hectares, aux fruits et légumes, et se traduira par Emmanuel Aze produit des fruits com- l’aumône annuelle de quelques centaines mercialisés à la ferme, et fait partie de d’euros, en moyenne, par ferme. On mesure cette moitié des producteurs de fruits et là l’intérêt réel de l’exécutif pour l’emploi légumes qui n’a pas accès aux soutiens, en agriculture, dont 21 % sont pourtant puisqu’il n’adhère à aucune Organisation encore concentrés dans ce secteur. de producteurs. Stéphane Le Foll justifie ce choix par l’exis- tence de l’OCM (organisation commune L e secteur des fruits et légumes en France est de ceux dont le rythme d’éli- mination des fermes est le plus sou- tenu : 32 % ont disparu en dix ans, de toutes de marché) pour celles et ceux en Organi- sations de producteurs (OP), et par l’affir- mation qu’il n’y aurait pas de difficultés économiques pour les paysans en circuits dimensions économiques. À ce titre, ces courts. Or d’une part, tous les paysans hors- productions étaient potentiellement éli- OP ne sont pas en circuits courts, lesquels gibles aux aides couplées du premier pilier, ne concernent que 10 % de la production. dévolues aux « productions fragilisées ». Or D’autre part, c’est ignorer que ces modes seul horizon d’une vision prisonnière du mythe finalement, hormis une aide supplémen- de commercialisation requièrent des coûts de la « compétitivité ». Bien sûr, l’avenir indi- taire aux fruits et légumes transformés – une de production qui compensent le fait de se viduel de nos fermes dépend de notre résis- « commande politique », de l’aveu même passer d’intermédiaires. tance à cette vision. Mais c’est aussi tout du ministère – aucune aide au revenu ne C’est plus probablement la mauvaise foi notre projet d’autonomie alimentaire des viendra tenter d’enrayer le déclin du secteur. que l’ignorance qui nourrit ces confusions: la territoires qui est fragilisé par de tels choix, Seule nouveauté, la création de DPB (droits recherche de spécialisation et de concentra- peu soucieux du bien commun. n à paiements de base) portera à 1 % (!) la tion des productions autour des OP reste le Emmanuel Aze VI \ Campagnes solidaires • N° 292 février 2014
CS 292.qxd:CS actu 245.qxd 28/01/14 15:48 Page VII Dossier Pays européens Grèce Soutien directement lié aux politiques d’austérité Quels sont les principaux points de la le prévoit le règlement général des Fonds Des productions dynamiques ont été mas- réforme de la Pac pour la Grèce et quelles structurels de l’UE. sivement abandonnées, avec à la clef une conséquences pour les agriculteurs? Point La proposition de la Commission euro- réduction importante du volume et de la de vue de Stergiani Sapardani, détachée péenne n’agit pas contre les excédents et valeur de la production et une diminution du ministère de l’Agriculture grec auprès les déficits structurels (en particulier sur rapide de la population rurale touchant les du groupe Gauche-Radicale (1). les produits méditerranéens), laissant ainsi petites et moyennes exploitations. Nous la formation des prix au marché et à la spé- faisons face à une désertification accom- L a conception de la politique agricole européenne pour la période 2014- 2020 est pour la première fois direc- tement liée à la politique globale d’aus- culation internationale. Cela favorise la déstabilisation des marchés nationaux et les politiques de dumping contre les peuples du Sud. pagnée d’une hausse du déficit de la balance commerciale en produits agricoles. Dans ce contexte, au lieu de soutenir ce secteur, la Commission propose une réduc- térité et à la discipline budgétaire imposée La réforme de la Pac de 2003 et les règles tion supplémentaire de 5 % des paiements à la Grèce par l’UE néolibérale et la crise du "bilan de santé" en 2008 ont eu un directs en 2014 pour couvrir le déficit du économique. La Grèce perd donc 12 % de impact extrêmement négatif sur la pro- budget de l’UE, soit une réduction de 100 l’enveloppe financière des paiements duction agricole grecque, aggravant les pro- à 135 millions d’euros des aides directes pour directs et 6 % des fonds pour le dévelop- blèmes structurels à long terme et exacer- les agriculteurs grecs. n pement rural. bant la crise prolongée. Le découplage des Propos traduits par Roxane Mitralias, animatrice De plus, ce financement du développement aides à la production, ainsi que les accords de la Confédération paysanne rural risque d’être suspendu si les mesures concernant les productions agricoles prin- (1) En Grèce, les syndicats sont tous affiliés à un parti. Le fiscales imposées par le pacte de stabilité cipales (huile d’olive, betterave, tabac, coton, syndicat paysan NEAK, membre d’ECVC, est affilié au budgétaire ne sont pas respectées, comme blé, légumes, vin) ont été catastrophiques. groupe de la Gauche-Radicale. Italie Encore une répartition injuste des aides Les petites fermes pourraient, peut-être… Témoignage de Paola Peretti qui a une petite ferme de 3 hectares de pêches, avec une Qu’il est long le chemin qui mène à la prise activité d’accueil paysan, dans la région du Vento, au Nord de l’Italie. Elle est membre de en compte des petites fermes ! l’Association rurale italienne, affiliée à la Coordination européenne Via campesina. Est-ce si dur de comprendre que des aides, pour l’essentiel liées au nombre d’hectares Seules nouveautés : un et d’animaux, pénalisent, mécaniquement, soutien plus conséquent les petites fermes? Pourtant, pour mille hec- tares de petites fermes, il y a plus d’emplois, pour les productions du plus de biodiversité et de paysage, plus de Sud de l’Italie, et de nou- valeur ajoutée, que pour mille hectares de velles aides pour le secteur grosses fermes. Comment peut-on admettre fruits et légumes qui, que ceux qui contribuent le plus à la vie des jusque-là, n’en bénéficiait territoires et à la diversité de l’agriculture, pas. Mais soyons vigilants, soient ceux qui bénéficient le moins du sou- la plupart de cet argent ira tien de la puissance publique ? aux organisations des pro- Il aura fallu attendre la dernière phase des ducteurs ! négociations de la Pac pour entrevoir, enfin, quelques avancées. Il y aura une définition, En réalité, l’aide aux c’est-à-dire une reconnaissance officielle des petites fermes ne repré- petites fermes. Celles qui remplissent cer- sente qu’une aumône tains critères en matière d’intensité en dans cette réforme. C’est emplois ou de pratiques vertueuses, pour- vraiment très déplorable raient bénéficier de certaines dispositions : dans un pays comme l’Ita- revalorisation des montants MAEC (mesures D urant ces dix dernières années, les lie où les petites et moyennes fermes consti- agroenvironnementales et climatiques) ou petites fermes en Italie, non seu- tuent son agriculture. Il n’y a de soutien ni ICHN (indemnités compensatoires de han- lement ont réussi à survivre, mais économique, ni politique. dicaps naturels) sur les premiers hectares, dispositif particulier pour les investisse- ont aussi contribué à produire des biens C’est d’autant plus préoccupant que le ments, aide au démarrage pour ceux qui ne alimentaires et à créer de l’emploi mal- choix de la répartition des aides est laissé peuvent accéder à la dotation jeune agri- gré la crise structurelle et le peu de sou- aux État membres. Le gouvernement n’a pas culteur… Tout ceci se discute au niveau tien de la Pac. encore ouvert de débat avec les régions et ministériel, mais devra être calé dans les D’après les chiffres officiels de 2011, les les syndicats agricoles. n régions qui seront autorités de gestion pour aides Pac vont vers les grandes exploitations, Paola Peretti le second pilier. comme depuis plusieurs années (1). Avec la Michel Berhocoirigoin, (1) En moyenne, chaque ferme reçoit environ 1 000 euros paysan dans le Pays Basque nouvelle Pac, la situation ne changera pas. par an d’aide Pac. Campagnes solidaires • N° 292 février 2014 / VII
CS 292.qxd:CS actu 245.qxd 28/01/14 15:48 Page VIII Dossier Montagnes et zones intermédiaires Une grande inconnue : la prise en compte des parcours Dans les Pyrénées ariégeoises, David Huez est installé sur une ferme familiale à trois associés, constituée de parcours (139 hec- tares) et de prairies (13 hectares) entre 700 et 1 300 mètres d'altitude, avec deux ateliers : des vaches à viande en vente directe et des ânes pour la randonnée. Les vaches et une partie des ânes transhument en été. P ar rapport à une grille de lecture « Pac », notre ferme possède les carac- téristiques suivantes : • une part importante de l’ICHN (Indem- nités compensatoires de handicaps natu- rels) dans son revenu génère une indem- nité de 13000 euros par actif qui est affectée en quasi-totalité à l’achat de foin et de céréales impossibles à produire sur place. La revalorisation de 15 % devrait entraîner le versement de 2 000 euros supplémentaires par actif. La surprime de 70 euros/hectare viendra compenser la perte de la PHAE (Prime herbagère agro-environnementale). • Du fait de la forte demande en viande rouge pour la vente directe, notre taux de renouvellement pour le troupeau bovin est extrêmement élevé, ce qui se traduit par une seront faits, la situation pourrait être exa- torale…), et ceci indépendamment de l’as- part importante de génisses dans les 66 gérément favorable (prise en compte de la pect « prédation ». animaux éligibles à la PMTVA (Prime au totalité sans pondération), plutôt favorable Globalement, les fermes voisines sont maintien du troupeau de vaches allaitantes). (prise en compte de la totalité avec un coef- toutes concernées par les modalités de prise Si les génisses devenaient non-éligibles, ficient de pondération), ou au contraire en compte des parcours. Même si on peut notre volume de PMTVA diminuerait d’en- extrêmement défavorable (exclusion des craindre un appauvrissement de la gestion viron 35 %, soit une baisse d’environ surfaces de landes à fougères et à genêts collective dans la nouvelle Pac, on peut pen- 4 500 euros. et des bois pâturés). ser que les transhumants bénéficieront d’un • Nous valorisons essentiellement des par- • Nos animaux passent une partie de l’an- accroissement des aides à la surface, car le cours et leurs modalités de prise en compte née en estives gérées par des groupements nombre de Droits à paiements de base sera ne sont pas encore connues. Pour des fermes pastoraux. On ne sait pas encore quels sou- élevé. La situation est beaucoup plus déli- comme la nôtre, les surfaces concernées tiens iront à ces structures, mais il est impor- cate pour ceux qui valorisent de petites sur- sont importantes : environ 140 hectares en tant que la Pac leur donne les moyens de faces, qui utilisent des terrains sans maîtrise gestion individuelle et entre 300 et 400 de fonctionner sur l’ensemble du territoire foncière (dans le cas de propriété très mor- surfaces collectives pouvant potentielle- (MAE système pastoraux collectifs, aide au celée), ou ceux qui ne transhument pas. n ment être affectées. Selon les choix qui gardiennage, travaux d’amélioration pas- David Huez Installer Stop à la discrimination si la redistribution des aides, même timide, est un signal positif pour l’emploi, cette Pac La mise en place d’une aide aux jeunes agriculteurs dans le premier pilier de la Pac est n’a pas d’autres objectifs que d’engager une avancée. Mais ce soutien ne s’adresse qu’aux soi-disant vrais « professionnels », l’agriculture européenne dans la compéti- soit un tiers des nouveaux installés. tion mondiale à coup de modernisation. L’encadrement des marchés, le soutien aux I l était de bon ton, pour nos décideurs poli- tiques, de porter le sujet de l’installation lors du débat de la réforme de la Pac nous laissant un brin d’espoir d’obtenir des réponses Alors doit-on se féliciter des conclusions qui prétendent donner un signe fort en créant un paiement pour les jeunes agri- culteurs alimenté par 1 % des aides du pre- systèmes (petites et moyennes fermes) et aux productions (élevage, fruits et légumes…) à forte valeur sociale sont les grands absents de cette réforme. aux enjeux de l’emploi dans l’agriculture. mier pilier ? Voulons-nous reconnaître et laisser de la Dans l’Europe des 28, la situation est catas- En réalité, ce qui importe, c’est l’esprit place aux nouvelles formes d’agricultures trophique : baisse de 25 % des emplois général de la réforme. Ce qui fera l’instal- et à celles et ceux qui en portent le pro- entre 2000 et 2009, disparition d’une ferme lation, une fois franchie la barrière de l’ac- jet ? Non, il y a un profond mépris pour les toutes les 3 minutes ! En France, ce sont cès aux moyens de production, c’est la capa- installations « hors cadres » : pluriactivité, 20 000 fermes en moins chaque année. cité des agriculteurs à générer de la valeur installations progressives, projets agriru- Amer constat d’une politique qui élimine ajoutée et à répondre à un besoin alimen- raux et diversifiés. Les discussions lors de plus qu’elle n’installe ! taire qui assurera un revenu décent. Même la réforme de la Pac y ont coupé court en …/… VIII \ Campagnes solidaires • N° 292 février 2014
CS 292.qxd:CS actu 245.qxd 28/01/14 15:48 Page IX Dossier tien : il dépasse les réseaux d’initiés, s’élar- git dans une dynamique d’éducation popu- laire. Les politiques agricoles appuieront efficacement l’installation en soutenant les projets et les démarches relocalisantes (res- tauration hors domicile, marchés paysans, magasins de producteurs…) et toutes les structures qui accompagnent leurs porteurs. Une véritable politique alimentaire, au juste! Aujourd’hui, ce sont les régions qui assu- reront cette politique. Espérons que l’équité entre les différents projets d’installation sera respectée sur tout le territoire. À la Confédération paysanne, nous serons vigi- Petite avancée : 1 % du budget du premier pilier de la Pac sera destiné au soutien spécifique des jeunes lants sur ce point en particulier. n agriculteurs (moins de 40 ans). Mais la moitié des installations, hors des normes établies pour l’accès à ce Michèle Roux, paysanne en Dordogne soutien, n’y auront pas droit. et Romain Balandier, paysan dans les Vosges, …/… précisant les « ayants droit légitimes » et tivité nourricière, après avoir exercé dans membres du nouveau Comité national en relevant un peu plus le caractère nor- d’autres métiers. Installation-Transmission matif de l’accès aux aides : diplôme de Portons un regard nouveau sur ce mou- (1) Programme pour l’installation et le développement des niveau IV, plancher de 10 vaches allaitantes, vement, et exigeons des politiques de sou- initiatives locales. de 50 brebis… Reconnaissons les vrais pro- fessionnels, pas les 2/3 des nouvelles ins- Gestion des risques Toujours la primauté aux assurances privées tallations qui s’installent actuellement sans Sur le dossier des risques climatiques, l’État, les assurances et les syndicats s’accordent à dire les aides Pidil (1) ! que le système mis en place récemment (assurance volontaire) ne fonctionne pas. Bon nombre Pourtant, dans les territoires, les projets ali- de paysans ne s’assurent pas, et les assurés (principalement les céréaliers) sont mécontents mentaires se multiplient et installent en des franchises appliquées. Financer la gestion des risques par les fonds du développement rural en subventionnant des nombre en créant de nouvelles formes de assurances privées est inacceptable. Si tous les paysans étaient couverts par ce dispositif, il solidarité : ici, des consom’acteurs se mobi- consommerait tout le budget du second pilier ! lisent collectivement (amap, coopératives La Confédération paysanne a toujours défendu l’idée d’un système mutualisé, ouvert à tous les alimentaires…), là, des élus font vivre leur paysans, dans la logique du fonds des calamités agricoles qu’il conviendrait de remettre à jour. pays, soutiennent la création d’espaces tests Les réflexions en cours, et qui devraient aboutir à la fin du premier semestre 2014, consistent ou louent des terres à de nouveaux paysans. à revoir le système des risques climatiques dans sa globalité, en y incluant l’assurance grêle. Il Souvent de nombreux(ses) paysan(ne)s en s’agirait de recréer une sorte de fonds de calamités géré par les assurances et non par l’État. devenir font le choix de se réapproprier l’ac- Josian Palach, paysan dans le Tarn-et-Garonne, trésorier national de la Confédération paysanne Circuits courts Un développement sous condition Le développement des circuits locaux sera mesures en partie reconduites du précédent L’arbitrage financier entre les différentes fonction des prochains arbitrages finan- programme. Pour l’accès à l’aide aux pro- mesures est un autre enjeu : que vont choi- ciers et de la hauteur des planchers d’in- duits de qualité, il faudrait que les produits sir les régions entre des gros projets dits vestissement. fermiers soient reconnus ! structurants, le soutien à l’agroalimentaire Au stade actuel d’écriture du programme – soi-disant pourvoyeur d’emplois – et de A ccroître la compétitivité de tous les types d’agriculture est un objectif affiché des PDR (Programme de développement rural), en particulier par le français du développement rural, il reste beaucoup de détails sont à préciser, qui peuvent avoir des conséquences énormes sur le réel soutien à la relocalisation de nombreux dossiers de « petits » producteurs locaux, de vente directe et de développe- ment local ? L’inquiétude est grande aussi dans cet développement des circuits courts. Cela l’agriculture, et notamment la définition arbitrage financier de voir fortement limi- concerne de nombreux projets d’installation, des planchers d’investissement. ter les soutiens au développement réelle- et permettrait le maintien des petites fermes. En région Paca, des planchers minimum ment rural (et non agricole). Bien sûr, cela Mais nous ne pouvons espérer que très peu de 10 000 euros dans le programme 2007- réjouit une partie des agriculteurs mais des aides du premier pilier (liées aux hectares), 2013 excluaient de l’accès aux aides du inquiète fortement les acteurs des terri- et peu des aides agro-environnementales du Feader (Fonds européen agricole pour le toires et les paysans. En effet, ils savent que second pilier qui demeurent indispensables développement rural) des projets modestes la vente directe, les circuits courts et l’agri- dans les projets d’agriculture biologiques. de transformation, qui ont pu cependant être culture paysanne se développent mieux sur Pour la transformation à la ferme ou dans pris en charge par les départements. Préci- le terreau fertile de zones rurales dyna- des ateliers collectifs locaux, il reste les sons que ces mesures sont longues à ins- miques et ce, en tous domaines. n mesures d’aides à l’investissement sur les truire et à obtenir, ce qui décourage très sou- Geneviève Savigny, fermes et pour la transformation et la vente, vent les demandeurs potentiels. paysanne dans les Alpes-de-Haute-Provence Campagnes solidaires • N° 292 février 2014 / IX
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