La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne

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La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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      La Pac change,
      mais pas trop
        Le 17 décembre, le ministre de l’Agriculture a validé une nouvelle étape
      de cette Pac qui n’en finit plus de se réformer pour ne pas avancer bien loin.
        Dans ce dossier, vous trouverez l’ensemble des arbitrages ministériels,
      et je ne vais donc pas revenir dessus. Simplement, des questions.
        Cette Pac est-elle celle que nous voulions ? Non, bien évidemment, le pou-
      voir de lobbying de la Confédération paysanne n’a pas suffi face aux tenants
      du libéralisme à tous crins.
        Cette Pac change-t-elle le quotidien des paysans ? De certains, pas de tous,
      et encore à la marge…
        Cette Pac marque-t-elle une nette rupture dans les grandes orientations agri-
      coles de ce pays ? Là aussi, la réponse est non.
        Je ne vais pas m’appesantir sur les avancées, certes réelles de cette réforme :
      volonté affichée de doter tous les hectares d’un même DPB (droit à paiement
      de base), volonté de recouplage, de valoriser plus fortement les premiers hec-
      tares… À noter que pour une fois, un gouvernement a pris en compte l’impé-
      rieuse nécessité de réorienter les pratiques agricoles.
        Mais après, que reste-il de ces intentions dans les actes de la réforme ? Une
      aide couplée aux fruits et légumes transformées (cerises de conserve, tomates
      industrielles…) et rien, rien, pour les fruits et légumes frais. Sans commentaires.
        Ce n’est qu’un exemple des renoncements de ce gouvernement devant
      les lobbies. C’est surtout une direction tracée par François Hollande
      au Sommet de l’élevage, à Cournon, puis réaffirmée lors de ces
      récents vœux : il faut exporter, retrouver la place de la France
      sur le podium des grandes nations exportatrices, assurer
      l’approvisionnement des marchés mondiaux et faire tour-
      ner à plein régime l’industrie agroalimentaire.
        Nous, à la Confédération paysanne, nous nous battons pour
      des paysans nombreux, pas pour des ouvriers surexploités
      dans des usines.
        Nous, à la Confédération paysanne, nous luttons pour que tous les
      petits et moyens paysans aient accès aux aides. Nous nous battons
      contre cette folie de l’exclusion qui s’est emparée du gouvernement :
      moins de 10 vaches : pas de primes ; pas le bac : pas d’aides ; des fruits et
      des légumes frais : pas d’aides couplées…
        Sur le plan de modernisation, nous revendiquons des aides aux projets collectifs,
      aux projets porteurs d’emplois paysans, plutôt que de subventionner le gigantisme.
        Nous avons un projet, l’agriculture paysanne. Nous allons tout faire pour que
      chaque loi, chaque réforme favorisent et mettent en place ce projet. Nous conti-
      nuons de nous battre. On ne va rien lâcher !

                                                                                      Laurent Pinatel,
                              paysan dans la Loire, porte-parole national de la Confédération paysanne

                      Numéro cofinancé par l'Union européenne
                      Les avis exprimés dans ce dossier n’engagent que leurs auteurs et et ne sauraient
                      être considérés comme constituant une prise de position officielle de la Commission
                      européenne.

                                                                                                         Campagnes solidaires • N° 292 février 2014   /I
La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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    Dossier

      États des lieux Très faibles avancées
      La nouvelle Pac, mise en place en 2015 en France, ne sera pas à la hauteur des ambitions de la Confédération paysanne
      et ne va pas initier de changement dans le modèle français. Premier bilan.

      S      ous la pression de la Fnsea, la France
             va mettre en place une Pac a
             minima. Les avancées de la nouvelle
      Pac sont essentiellement liées au cadre
                                                        vigne… Le ministre est resté sourd aux argu-
                                                        ments de la Confédération paysanne.
                                                          En France, le budget du premier pilier de
                                                        la future Pac sera en diminution progres-
                                                                                                         ministère va mettre en place une aide cou-
                                                                                                         plée pour les productions à DPU très éle-
                                                                                                         vés et à revenus faibles. Reste à savoir qui
                                                                                                         va financer cette limitation des pertes ?
      européen, notamment l’obligation de mise          sive de 2014 à 2019. Cette diminution est          La majoration des aides sur les premiers
      en place d’une convergence minimum de             liée à une baisse du budget européen pour        hectares est une revendication forte de la
      60 % et d’un verdissement avec 30 % des           la Pac et à la convergence progressive des       Confédération paysanne. Cette possibilité
      aides du premier pilier. Grâce à la mobili-       aides entre pays européens. De plus, un          a été actée dans la Pac mais la France ne
      sation de la Confédération paysanne, le pire      transfert de 3 % du budget du premier            l’a pas exploitée à son maximum : mise en
      a pu être quelque peu limité : application        vers le second pilier impliquera un prélè-       place d’une majoration progressive sur les
      d’une majoration sur les premiers hectares,       vement de 3 % sur toutes les aides du            52 premiers hectares avec 5 % des fonds
      bien que trop lente et trop limitée ; mise en     premier pilier.                                  du premier pilier en 2015, qui passeront à
      place d’une dégressivité et d’un plafond sur                                                       20 % en 2018.
      certaines aides couplées ; limitation des         Aides découplées de la production                  Le verdissement, qui conditionne 30 %
      planchers proposés par la Fnsea sur les aides       Les aides découplées appelées DPU (droit       des aides du premier pilier à des pratiques
      couplées ; revalorisation des aides aux zones     à paiement unique) seront remplacées par         respectueuses de l’environnement (diver-
      défavorisées.                                     le DPB (droit à paiement de base), le paie-      sification, maintien des prairies perma-
        Cette nouvelle Pac ne sera mise en œuvre        ment vert et la majoration sur les premiers      nentes et des éléments topographiques),
      qu’en 2015. Cette année sera celle de la tran-    hectares.                                        est une autre mesure phare de la nouvelle
      sition : copie conforme de l’année 2013             Contrairement à ce que nous a fait miroi-      Pac. Malheureusement, elle a été vidée de
      pour certaines mesures, mais les aides du         ter le ministère, nous n’aurons pas de bou-      son contenu par l’Europe, puis la France. Le
      premier pilier diminueront de 11 % par rap-       leversement au niveau de la redistribution       paiement vert ne sera pas identique sur
      port à l’année 2013 à la suite de la baisse       des aides découplées. Au lieu d’une conver-      tous les hectares et reste lié à la référence
      du budget, et de 17 % pour les bénéficiaires      gence totale des aides en 2019 (DPB unique       historique. Pour un même effort de pré-
      de moins de 5 000 euros d’aides. Ces der-         sur tous les hectares : environ 70 euros/hec-    servation de l’environnement et de la bio-
      niers n’étaient pas concernés par la modu-        tare), d’un verdissement avec un montant         diversité, ceux qui ont actuellement de gros
      lation, mais le seront en 2014. Un transfert      forfaitaire sur tous les hectares (environ 85    DPU seront plus rémunérés ! Le paiement
      de 3 % s’appliquera de la totalité des aides      euros/hectare), d’une majoration avec 30 %       vert devra converger à 70 % en 2018, avec
      du premier vers le second pilier. Une aide        du premier pilier (environ 155 euros/hec-        limitation des pertes à 30 %. La France veut
      inacceptable de 15 millions d’euros pour l’ex-    tare) dès 2015, soit un peu plus de              que tous les paysans français reçoivent le
      portation de volailles congelées sera mise        300 euros/hectare sur les 52 premiers hec-       paiement vert. Pour cela, le ministère tra-
      en place, ainsi qu’une aide d’environ 7 mil-      tares en 2019, le ministère nous a proposé       vaille à l’élaboration d’une certification pour
      lions d’euros à la fécule de pomme de terre       un scénario minimum.                             la monoculture de maïs, sur base d’une
      (350 euros/hectare), alors que les autres           La convergence, mesure phare de la             couverture hivernale, pour la rendre éligible
      aides seront réduites.                            réforme pour mettre fin à la référence his-      au verdissement. Les agriculteurs ne seront
                                                        torique, a été fortement limitée par la          plus obligés de maintenir individuellement
      Paiements directs                                 France : convergence partielle (70 %) avec       les éléments topographiques (haies,
      (premier pilier de la Pac)                        un plafonnement à 30 % des pertes indi-          arbres, etc.) sur leur exploitation mais pour-
        Le règlement européen ne permet pas de          viduelles liées à cette convergence. Cette       ront les mettre en place de manière col-
      changement radical de la Pac puisqu’il n’y        limitation des pertes est un cadeau pour les     lective et les remplacer par des cultures de
      a pas de plafonnement des aides, ni d’aide        productions touchant les DPU les plus éle-       couverture, des légumineuses avec pesti-
      liée à l’actif, pas non plus d’aide à la petite   vés et comme si cela ne suffisait pas, le        cides. Par ailleurs, le règlement européen
      ferme adaptée aux réalités françaises.
        Les outils de régulation des marchés conti-          Calcul approximatif du montant moyen de paiement découplé (DPB + paiement vert
                                                                      + majoration) que touchera une ferme sur les 52 premiers hectares.
      nueront à être démantelés : fin des quotas
      laitiers en 2015, sucrier en 2017 et révision                               Si DPU moyen sur exploitation en 2013 est de :
      des droits de plantation viticole en 2015 pré-                                                      268 euros =
                                                                 0,00 euro    50 euros    100 euros                           500 euros 1 000 euros
      voyant une augmentation de 1 % des sur-                                                           moyenne nationale
      faces chaque année. La contractualisation         2015         51          92          127               246               410          765
      et l’organisation des producteurs sont prô-       2016        102          136         163               256               385          662
      nées comme la solution miracle face à la
                                                        2017        152          176         197               267               363          576
      férocité des marchés.
        En 2015, tous les hectares seront dotés de      2018        202          214         228               277               344          563
      DPB (droit à paiement de base), sauf la           2019        227          233         243               276               330          561

      II \ Campagnes solidaires • N° 292 février 2014
La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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                                                                                                                  entendue. Au lieu de cela, le ministre fait du
                                                                                                                  copinage et met en place des aides végé-
                                                                                                                  tales selon les commandes de ses amis élus :
                                                                                                                  une aide au pruneau (la plus dotée : 12 mil-
                                                                                                                  lions d’euros !), aux fruits transformés,
                                                                                                                  tomate industrie, fécule, lin, chanvre, hou-
                                                                                                                  blon, blé dur. L’argument est que ces filières,
                                                                                                                  pourvoyeuses d’emplois, seraient mena-
                                                                                                                  cées sans la mise en place d’aide cou-
                                                                                                                  plée. L’aide au tabac sera supprimée car
                                                                                                                  non éligible au niveau européen.
                                                                                                                    Les 2 % d’aides (151 millions d’euros)
                                                                                                                  destinés à la production de protéines en
                                                                                                                  France sont une mesure très intéressante
                                                                                                                  pour développer l’autonomie des élevages,
                                                                                                                  encore faut-il veiller à cette destination.

       Le changement ne sera pas pour maintenant, ni vraiment pour les six prochaines années : sous la pression   Politique de développement
       de la Fnsea, la France va mettre en place une Pac a minima entre 2015 et 2020.                             rural (second pilier de la Pac)
                                                                                                                    La politique de développement rural sera
      considère qu’une prairie temporaire devien-            formés. Ces aides impliqueront une dimi-             régionalisée dès 2014, les régions devien-
      dra permanente après cinq ans, cette durée             nution de l’enveloppe des vaches allai-              dront autorité de gestion. Cependant, l’an-
      restreinte posera problème pour certains sys-          tantes et empêcheront la mise en place               née 2014 est une année de transition et sera
      tèmes.                                                 d’une aide aux fruits et légumes frais, plus         assez proche de 2013. Le budget du second
                                                             que nécessaire à la survie de la filière ! Le        pilier sera revalorisé de 150 millions d’eu-
      Aides couplées à la production                         ministre a choisi son camp : la compétiti-           ros chaque année, auxquels s’ajouteront
        L’Europe permet aux pays européens de                vité à tout prix.                                    les 3 % de transfert du premier vers le
      mettre en place des aides couplées avec                  La Confédération paysanne a fortement              second pilier (225 millions d’euros). Toutes
      15 % des fonds du premier pilier, dont 2 %             revendiqué un plafonnement et une dégres-            les régions voient donc leurs enveloppes
      spécifiquement pour les protéines. Si la               sivité des aides couplées à l’actif pour limi-       augmenter. Par exemple, la Bretagne double
      France peut le justifier, elle pourrait deman-         ter l’agrandissement et mieux redistribuer           son enveloppe.
      der une exception pour aller au-delà des               les soutiens. Malgré la ferme opposition               Le budget des MAEC, des aides à la bio et
      15 %. Actuellement, la France utilise seu-             de la Fnsea, nous avons été partiellement            à la modernisation se verra doublé, celui des
      lement 10 %.                                           entendus : mise en place d’une dégressivité          aides à l’installation (+25 millions d’euros)
        La France a décidé d’utiliser 15 %, ce qui           des aides sur la vache allaitante et les ovins,      et ICHN (+300 millions d’euros) revalo-
      est une très bonne chose à première                    d’un plafonnement des aides à la vache               risé. Ces annonces vont dans le bon sens. De
      vue. Mais ce que le ministère ne dit pas,              laitière et maintien du plafond de l’aide            plus, le ministère travaille avec la Confédé-
      c’est qu’actuellement la France paie, sur              caprine.                                             ration paysanne à la mise en place d’un
      fonds propre, la Prime nationale supplé-                 Malheureusement, les planchers d’attri-            dispositif « petites fermes » dans le second
      mentaire à la vache allaitante (PNSVA),                bution d’aides restent excluant, particuliè-         pilier (voir p VIII).
      venant compléter la Prime au maintien du               rement celui de la vache allaitante qui a été          Nous devons rester vigilants sur le contenu
      troupeau de vaches allaitantes (PMTVA),                sensiblement augmenté (de 3 à 10 vaches).            des cahiers de charges et sur le zonage réa-
      et qu’elle souhaite la faire payer sur fonds             La conditionnalité n’a pas été assouplie et        lisé par les régions sur les MAEC, sur l’ave-
      européen. Ce transfert, mobilisant un peu              des possibilités de majoration liées à la            nir de l’aide au maintien de la bio (possi-
      plus de 2 % du budget du premier pilier,               contractualisation, à des taux de producti-          bilité de zonage par les régions), sur
      réduira l’argent disponible pour mettre en             vité supplémentaire, aux récents investis-           l’utilisation des fonds de modernisation
      place de nouvelles aides et revaloriser les            seurs ont été introduites. Nous savons que           (éviter la promotion de la restructuration
      aides actuelles.                                       la volonté de restructuration et de spécia-          et de l’agrandissement des fermes via le
        L’argent disponible est donc limité. De              lisation des filières est toujours bien présente     financement de robots de traite, de grands
      plus, la fin des droits historiques à la vache         malgré le discours agroécologique du                 méthaniseurs, de grandes retenues de sub-
      allaitante va entraîner l’éligibilité de toutes        ministre.                                            stitution, etc.). Il est donc nécessaire de bien
      les vaches à la PMTVA et donc un risque                  Les aides végétales ont été fortement              suivre ce que les conseils régionaux vont
      de forte dilution de cette aide. Pourtant              limitées (27 millions d’euros – transfert de         mettre dans leurs programmes de déve-
      le ministère a de grandes ambitions :                  3 % restant à déduire) par le gouverne-              loppement. n
      mettre en place une aide à la vache lai-               ment, la priorité est à l’élevage. La Confé-                                          Caroline Collin,
      tière, une aide à l’engraissement, de nou-             dération paysanne a défendu mordicus une                              animatrice de la commission Pac
      velles aides aux fruits et légumes trans-              aide aux fruits et légumes mais n’a pas été                               à la Confédération paysanne

                                                                                                            Campagnes solidaires • N° 292 février 2014        / III
La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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    Dossier

      Impacts sur les productions animales
      Ovin : une réforme sans objectif
      Témoignage de Laurent Reversat, éleveur             devenus DPB + verdissement à 120 euros envi-
      d'ovins en zone de montagne sèche, sur              ron); avec un coefficient de 0,5 sur les par-
      le Larzac (Aveyron) : 160 brebis laitières          cours et la convergence, mes DPB passeraient
      en bio, 250 hectares dont 210 de parcours.          de 7500 euros à 17000 euros en 2017.
                                                            • Aides ovines: la seule nouveauté porte sur

      A           vec toutes les modalités d'applica-
                  tion qui restent encore à négocier
                  pour assurer la répartition des aides
      Pac, c'est un exercice difficile que d'évaluer
                                                          la dégressivité à partir de 500 brebis. Cela per-
                                                          met d'espérer une légère augmentation de
                                                          l'aide totale, mais nous ne savons pas encore
                                                          de combien, ni combien représenteront les
      les conséquences de la nouvelle réforme sur         options dans cette aide (qualité, contrat, pro-
      ma ferme.                                           ductivité…). Si l'on mise sur 24 euros par
        • Aides aux surfaces: surprime aux 52 pre-        brebis (aide actuelle théorique, actuellement
      miers hectares, soit 2500 euros de plus en          amputée de la modulation soit 22 euros
      2016; et augmentation de l'ICHN (indemni-           payés) cela représentera 320 euros d'aug-             Les perspectives sont les mêmes pour les
      tés compensatoires de handicaps naturels)           mentation pour mes 160 brebis (soit un              éleveurs de chèvres ou les producteurs
      de 15 % dès 2014, soit environ 1400 euros           montant estimé à 3 820 euros).                      d’ovin-viande, dont les enveloppes d'aides
      supplémentaires (mon chargement étant infé-           Quel bilan? Pour ma ferme de 250 hectares,        couplées sont maintenues. La suppression
      rieur à la plage régionale optimale, je ne touche   en élevage ovin lait, le montant de mes aides       de la modulation sur ces aides est le seul
      que 75 % de l'ICHN, comme beaucoup d'éle-           en 2017 passera de 28 000 euros à                   bénéfice dont ils peuvent profiter.
      veurs de ma région). Plus tard, je toucherai,       47000 euros dans le meilleur des cas. Au pire,        De telles incertitudes mettent en évidence
      selon des modalités d'application non connues,      je pourrais me retrouver à 25 000 euros             la carence d'objectifs de cette réforme. Les
      le supplément ICHN, soit environ 5000 euros.        d'aides, avec encore moins en 2014, 2015 et         gagnants et les perdants ne sont pas encore
        • Aides bio : pas de revalorisation prévue        2016 (durant le temps de la convergence).           connus, mais surtout, ils n'ont pas été choi-
      des aides au maintien de l’agriculture bio-         La perte peut être plus grave encore pour les       sis d'après des critères de maintien de pro-
      logique. Le choix de distribuer cette aide          paysans qui aujourd'hui émargent à la PHAE          duction ou de territoires vivants. Cette Pac
      pourrait être laissé aux régions, selon des         (jusqu'à 7 000 euros de perte supplémen-            et son application française ont raté une fois
      critères plus ou moins restrictifs. Perte pos-      taire). En 2019, tout dépendra de l'évolution       de plus leurs cibles, la souveraineté ali-
      sible : 8 000 euros                                 de la surprime aux premiers hectares.               mentaire, l'emploi paysan et le virage éco-
        • DPU-DPB: actuellement, mes DPU sont de            Dans le premier cas, je rechercherai un           logique. n
      30 euros (par hectare) sur 250 hectares. Dimi-      associé. Dans le second, je peux assurer que                                                Laurent Reversat
      nution de 3,30 euros en 2014, soit plus de          nombreux seront les éleveurs de petits rumi-
                                                                                                              (1) L'exclusion des parcours aux aides engendrerait l'em-
      800 euros de perte. Les parcours sont dans          nants en zone difficile à chercher un nou-          broussaillement, car l'entretien de telles surfaces n'est pos-
      le collimateur de l'administration, faisant pla-    veau métier…                                        sible que si elles sont soutenues (clôtures, débroussaillage…).
      ner un risque de pénalité en 2014, voire d'ex-
      clusion de ces surfaces lors de la réforme si         Caprin : pas de gros changement
      nous n'arrivons pas à imposer la notion de            L’enveloppe des paiements directs (14 millions d’euros) destinée aux éleveurs de caprins sera
      coefficient de pondération. En cas d'exclu-           seulement amputée du transfert de 3 % vers le second pilier. Le dispositif d’aides conserve
      sion (1), je perdrai 6300 euros sur les parcours      le même plancher de 25 chèvres, et le même plafond de 400 chèvres. La prime sera légère-
      et gagnerai 3600 euros (échéance 2019) sur            ment augmentée (10 % ?) si l'actuelle modulation est supprimée, comme prévu. La situa-
      les terres cultivables (40 DPU à 30 euros             tion des chevriers reste donc liée à l'évolution des aides aux surfaces.

      Des primes fortement rabotées                                                                           par hectare. Cela pourrait choquer. Ce mon-
                                                                                                              tant élevé est dû au fait que l’ADL (aide
      Dans le Nord, Antoine Jean est en gaec (2 associés, 2 salariés) sur 32 hectares (10 de prai-
                                                                                                              directe laitière) découplée a dopé nos DPU
      ries permanentes, 15 de maïs ensilage, 4 de luzerne, 3 d’orge d’hiver), avec 40 vaches lai-
                                                                                                              en 2008 (près de 12 000 euros de prime
      tières, 60 chèvres laitières. Mode de commercialisation en vente directe et à des inter-
                                                                                                              en plus).
      médiaires : grossistes, crémeries, restaurants et magasins de producteurs.
                                                                                                                Partant d’un système de production très

      D         ans le Nord-Pas-de-Calais, avec les
                rendements historiques les plus éle-
                vés, la chambre d’agriculture se tar-
      guait d’avoir les DPU les plus importants :
                                                          de terres à des prix inacceptables pour ins-
                                                          taller (entre 5 000 et 15 000 euros l’hectare
                                                          pour accéder au bail).
                                                            L’impact de la réforme de la Pac sur notre
                                                                                                              intensif imposé par une pression foncière liée
                                                                                                              à l’urbanisation mais aussi au cannibalisme
                                                                                                              des grosses structures, nous gagnons peu à
                                                                                                              peu en autonomie alimentaire fourragère en
      365 euros/hectare. Des rendements et une            ferme est difficile à évaluer, mais une chose       réimplantant des surfaces en prairies tem-
      facilité à cultiver différentes cultures indus-     est sûre, nous devrions être fortement rabo-        poraires, avec des essais concluants en luzerne.
      trielles, mais aussi un élevage laitier forte-      tés dès 2015.                                         Dès 2015, nous devrions perdre environ
      ment implanté avec des systèmes très inten-           Notre gaec perçoit 18797 euros de primes          191 euros de DPU par hectare, et à peu
      sifs ont accentué un mal régional: les reprises     annuelles, et une valeur DPU de 675 euros           près la moitié des primes actuelles, soit …/…

      IV \ Campagnes solidaires • N° 292 février 2014
La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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                                                                                                                                                              Dossier

                     Montant estimé des prochaines aides découplées pour le gaec d’Antoine Jean                                      la plupart des producteurs de notre
                                           (d’après la calculette Pac de l’APCA)                                                     région qui vendent en grande majo-
                                      avant réforme         2015        2016       2017    2018     2019                             rité aux laiteries.
         Montant global de l’exploitation (payé)                                                                                       Nos investissements, amortis
         DPB                             18 797 €          9 115 €     7 459 €   5 974 €  4 745 € 4 728 €                            depuis peu, nous mettent plus à
         Aide « verte »                                    5 581 €     5 086 €   4 595 €  4 186 € 4 172 €                            l’aise. Et là aussi, ce n’est pas le cas
         Surprime aux premiers ha                           806 €      1 605 €   2 397 €  3 185 € 3 174 €                            de la plupart des producteurs de
         TOTAL                           18 797 €         15 502 € 14 150 € 12 966 € 12 116 € 12 075 €                               lait qui nous entourent, lourde-
                         par rapport à avant réforme : -18 %           -25 %      -31 %   -36 %    -36 %                             ment endettés ces dernières
         Par hectare (payé, rapporté à l'ensemble de la SAU)                                                                         années dans des mises aux normes
         DPB                              587 €ha         285 €/ha 233 €/ha 187 €/ha 148 €/ha 148 €/ha                               démesurées et des investissements
         Aide « verte »                                   174 €/ha 159 €/ha 144 €/ha 131 €/ha 130 €/ha                               en robots de traite.
         Surprime aux premiers ha                          25 €/ha    50 €/ha    75 €/ha 100 €/ha 99 €/ha                              Par ailleurs, le démantèlement
                                   TOTAL par hectare        484 €       442 €     405 €    379 €   377 €                             des outils de régulation et l’aug-
 …/… 12 075 euros, en 2019. Par contre, en fai-                  le maintien des haies et l’implantation                   mentation des volumes produits rendent de
     sant changer nos pratiques avec l’incorpo-                  d’arbres, nous pouvons espérer récupérer                  plus en plus volatils les prix à la production
     ration de surfaces de protéines, la prime à                 environ 3 000 euros, soit une perte de                    et déstabilisent la filière.
     la vache laitière et la possibilité de contrac-             5 000 euros par an.                                        Combien de producteurs cesseront pro-
     ter des MAE (mesures agroenvironnemen-                        Pour faire face à cette baisse, nous pouvons            chainement leur activité, libérant des
     tales) sur nos prairies permanentes conduites               facilement augmenter les prix de nos produits             volumes pour des fermes-usines ? n
     depuis plusieurs années sans apport d’azote,                en vente directe. Mais ce n’est pas le cas de                                                    Antoine Jean

        Bovin viande : une activité menacée
        75 % des éleveurs de l’Ouest en bovin                          parcelles jugées critiques et à de
        viande devraient être pénalisés par la                         l’azote sur céréale pure, le maïs est
        nouvelle réforme. Témoignages de deux                          conduit sans intrant, à part la
        jeunes éleveurs.                                               semence. Les 87 hectares sont cein-
                                                                       turés et scindés par 13 km de haie.
          Vivien Grandin s’est installé en 2004 dans                     Ce système, tout en restant pro-
        les Deux-Sèvres, en hors cadre familial, et ductif, va écologiquement bien, au-
        élève 50 vaches allaitantes, avec un salarié delà des critères d’accès aux MAEC
        à mi-temps.                                                    (mesures agroenvironnementales et
          « J’engraisse toutes les femelles vendues climatiques). Ces aides peuvent com-
        à 36 mois minimum, quelques broutards et penser les pertes sur le premier pilier
        des taurillons « fermiers » (nourris à l’herbe (100-150 euros/hectare) pour nos
        à la luzerne et au maïs produits sur la ferme). systèmes en agriculture durable, mais
        1/3 de l’exploitation est en prairies naturelles, elles dépendront de la volonté des Comme de nombreux éleveurs de bovins récemment instal-
        1/3 en prairies temporaires ou en luzerne, conseils régionaux.                                               lés, Benoît Jaunet se pose la question de la pérennité de sa
                                                                                                                     ferme, qui ne pourra se maintenir qu’avec des MAEC (mesures
        1/3 en méteil (protéagineux/céréales) ensilé,                    La convergence fait perdre d’an- agroenvironnementales et climatiques) conséquentes.
        triticale/pois moissonnés, maïs grain ou ciennes primes couplées à la pro-
        ensilé, blé, féverole, orge de printemps. Je duction, pourtant indispensables pour limi-                                 « L’assolement comprend des prairies
        vends un peu de céréale et achète peu ou ter les fluctuations des cours de la viande. naturelles (4 hectares), de la luzerne (51 hec-
        pas de correcteur azoté. Les intrants se limi- D’où une atteinte à l’engraissement créa- tares), des méteils ensilés ou moissonnés,
        tent à des herbicides de rattrapage sur des teur de valeur ajoutée pour nos territoires. de la féverole. Je suis très attentif aux pro-
                                         Vivien Grandin                                   Dans mon cas précis, si les blèmes de biodiversité, d’érosion (planta-
         Avant réforme                                  Après réforme                    cours de la viande chutaient, tion de haies, travail sans labour…). L’enjeu
         DPU : 28 465 €                                 DPU : 22 600 €                   et sans MAEC, je ne pourrais MAEC peut être déterminant. Actuellement
         PMTVA : 12 225 €(35 % génisses) PMTVA : 10 000 €                    (1)         pas garder  de salarié et mes les discussions sont en cours pour déterminer
         Main-d’œuvre : 1.5 Main d’œuvre : 1.5 ?                                         conditions   de travail ne me si le maintien de la bio sera soumis à des
                                                        Solde : -8 090 €                 permettront    plus de conti- zonages géographiques ou non.
                                         Benoît Jaunet                                   nuer  mon   activité…   » (1)           C’est l’historique naisseur-engraisseur avec
         Avant réforme                                  Après réforme                                                          installation   récente qui est particulière-
         DPU : 21 700 €                                 DPU : 18 454,00 €                 Benoît   Jaunet   est installé       ment     plombé    par cette réforme, même
         PMTVA : 11 500 €(30 % génisses) PMTVA : 10 000 €                    (1)         en  2009    sur 70  hectares          dans   des cas où  le système est vertueux éco-
         Maintien bio : 6 600 €                         Maintien bio : ?                 dans  le Maine-et-Loire.         Il   logiquement.     Dans   des régions où l’élevage
         Main-d’œuvre : 1.3 Main d’œuvre : 1.3 ?                                         élève 45   vaches,  engraisse         et  l’environnement    sont  menacés, les exploi-
                                                        Solde : -4 546 ou -11 146 € les femelles et fait du veau               tations céréalières intensives ne peuvent
         (1) La baisse de la PMTVA (Prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes) sous la mère, en agriculture que progresser ! » n
         peut être plus accentuée, la réforme n’étant pas complètement ficelée.          biologique.                                            Vivien Grandin et Benoît Jaunet

                                                                                                                   Campagnes solidaires • N° 292 février 2014               /V
La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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    Dossier

      Impact sur les productions végétales
      Grandes cultures Une réforme attendue pour un rééquilibrage des aides
      Gilles Menou s’est installé en 1989 sur la       couplées (aides aux pois protéagineux). Les          Pour les exploitations de 52 à 94 hec-
      ferme familiale en Eure-et-Loir et cultive       aides Pac du premier pilier étaient de             tares, la baisse des aides ne sera due qu’à
      50 hectares de céréales et d’oléo-pro-           18 000 euros jusqu’en 2009, puis de                la convergence interne. La surprime sur les
      téagineux (blé tendre, blé dur, orge, colza,     15 000 euros depuis 2010. En moyenne sur           52 premiers hectares induit une baisse
      pois protéagineux, maïs).                        les dix dernières années, le revenu en             significative des aides qu’à partir de
                                                       « grandes cultures » équivaut à 100 % des          120 hectares.

      E    n 2012, mon revenu fiscal est de
           22 800 euros (15 000 euros en
           moyenne sur les dix dernières années).
      Les aides Pac découplées se montent à
                                                       aides Pac (source AGPB).
                                                         À partir de 2015 ; les aides Pac pour ma
                                                       ferme devraient se maintenir, la conver-
                                                       gence interne étant compensée par la sur-
                                                                                                            Pour les paysans de la Confédération pay-
                                                                                                          sanne ayant de petites ou moyennes exploi-
                                                                                                          tations céréalières, la réforme de la Pac était
                                                                                                          souhaitée pour rééquilibrer les aides, mais
      14 400 euros, et à 1 000 euros pour les aides    prime sur les 52 premiers hectares.                aussi pour contribuer à limiter les dérives
                                                                                                          que connaît la filière actuellement :
                                                                                                            • agrandissement démesuré des exploita-
                                                                                                          tions laissant la place à une agriculture sans
                                                                                                          agriculteurs ;
                                                                                                            • envolée du prix du foncier et des cessions;
                                                                                                            • baisse du nombre des installations ;
                                                                                                            • simplification des assolements avec
                                                                                                          risque de monoculture et impact fort sur
                                                                                                          l’environnement.
                                                                                                            Les régions à références historiques éle-
                                                                                                          vées perdent un peu mais celles-ci conti-
                                                                                                          nuent de bénéficier d’un rendement plus
                                                                                                          important et d’un bon prix de marché, sur-
                                                                                                          tout depuis trois ans. n
                                                                                                                                                     Gilles Menou
                                                                                                          (1) Taille moyenne des exploitations en région Centre :
                                                                                                          94 hectares.

      Fruits et légumes
      Une aumône annuelle de quelques centaines d’euros par ferme
      Arboriculteur depuis 2002 dans le Lot-           proportion des aides directes consacrées
      et-Garonne sur une ferme de 10 hectares,         aux fruits et légumes, et se traduira par
      Emmanuel Aze produit des fruits com-             l’aumône annuelle de quelques centaines
      mercialisés à la ferme, et fait partie de        d’euros, en moyenne, par ferme. On mesure
      cette moitié des producteurs de fruits et        là l’intérêt réel de l’exécutif pour l’emploi
      légumes qui n’a pas accès aux soutiens,          en agriculture, dont 21 % sont pourtant
      puisqu’il n’adhère à aucune Organisation         encore concentrés dans ce secteur.
      de producteurs.                                    Stéphane Le Foll justifie ce choix par l’exis-
                                                       tence de l’OCM (organisation commune

      L     e secteur des fruits et légumes en
            France est de ceux dont le rythme d’éli-
            mination des fermes est le plus sou-
      tenu : 32 % ont disparu en dix ans, de toutes
                                                       de marché) pour celles et ceux en Organi-
                                                       sations de producteurs (OP), et par l’affir-
                                                       mation qu’il n’y aurait pas de difficultés
                                                       économiques pour les paysans en circuits
      dimensions économiques. À ce titre, ces          courts. Or d’une part, tous les paysans hors-
      productions étaient potentiellement éli-         OP ne sont pas en circuits courts, lesquels
      gibles aux aides couplées du premier pilier,     ne concernent que 10 % de la production.
      dévolues aux « productions fragilisées ». Or     D’autre part, c’est ignorer que ces modes          seul horizon d’une vision prisonnière du mythe
      finalement, hormis une aide supplémen-           de commercialisation requièrent des coûts          de la « compétitivité ». Bien sûr, l’avenir indi-
      taire aux fruits et légumes transformés – une    de production qui compensent le fait de se         viduel de nos fermes dépend de notre résis-
      « commande politique », de l’aveu même           passer d’intermédiaires.                           tance à cette vision. Mais c’est aussi tout
      du ministère – aucune aide au revenu ne            C’est plus probablement la mauvaise foi          notre projet d’autonomie alimentaire des
      viendra tenter d’enrayer le déclin du secteur.   que l’ignorance qui nourrit ces confusions: la     territoires qui est fragilisé par de tels choix,
        Seule nouveauté, la création de DPB (droits    recherche de spécialisation et de concentra-       peu soucieux du bien commun. n
      à paiements de base) portera à 1 % (!) la        tion des productions autour des OP reste le                                                 Emmanuel Aze

      VI \ Campagnes solidaires • N° 292 février 2014
La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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      Pays européens
      Grèce Soutien directement lié aux politiques d’austérité
      Quels sont les principaux points de la           le prévoit le règlement général des Fonds                 Des productions dynamiques ont été mas-
      réforme de la Pac pour la Grèce et quelles       structurels de l’UE.                                      sivement abandonnées, avec à la clef une
      conséquences pour les agriculteurs? Point          La proposition de la Commission euro-                   réduction importante du volume et de la
      de vue de Stergiani Sapardani, détachée          péenne n’agit pas contre les excédents et                 valeur de la production et une diminution
      du ministère de l’Agriculture grec auprès        les déficits structurels (en particulier sur              rapide de la population rurale touchant les
      du groupe Gauche-Radicale (1).                   les produits méditerranéens), laissant ainsi              petites et moyennes exploitations. Nous
                                                       la formation des prix au marché et à la spé-              faisons face à une désertification accom-

      L     a conception de la politique agricole
            européenne pour la période 2014-
            2020 est pour la première fois direc-
      tement liée à la politique globale d’aus-
                                                       culation internationale. Cela favorise la
                                                       déstabilisation des marchés nationaux et
                                                       les politiques de dumping contre les
                                                       peuples du Sud.
                                                                                                                 pagnée d’une hausse du déficit de la balance
                                                                                                                 commerciale en produits agricoles.
                                                                                                                   Dans ce contexte, au lieu de soutenir ce
                                                                                                                 secteur, la Commission propose une réduc-
      térité et à la discipline budgétaire imposée       La réforme de la Pac de 2003 et les règles              tion supplémentaire de 5 % des paiements
      à la Grèce par l’UE néolibérale et la crise      du "bilan de santé" en 2008 ont eu un                     directs en 2014 pour couvrir le déficit du
      économique. La Grèce perd donc 12 % de           impact extrêmement négatif sur la pro-                    budget de l’UE, soit une réduction de 100
      l’enveloppe financière des paiements             duction agricole grecque, aggravant les pro-              à 135 millions d’euros des aides directes pour
      directs et 6 % des fonds pour le dévelop-        blèmes structurels à long terme et exacer-                les agriculteurs grecs. n
      pement rural.                                    bant la crise prolongée. Le découplage des                  Propos traduits par Roxane Mitralias, animatrice
        De plus, ce financement du développement       aides à la production, ainsi que les accords                                    de la Confédération paysanne
      rural risque d’être suspendu si les mesures      concernant les productions agricoles prin-
                                                                                                                 (1) En Grèce, les syndicats sont tous affiliés à un parti. Le
      fiscales imposées par le pacte de stabilité      cipales (huile d’olive, betterave, tabac, coton,          syndicat paysan NEAK, membre d’ECVC, est affilié au
      budgétaire ne sont pas respectées, comme         blé, légumes, vin) ont été catastrophiques.               groupe de la Gauche-Radicale.

      Italie Encore une répartition injuste des aides                                                              Les petites fermes
                                                                                                                   pourraient, peut-être…
      Témoignage de Paola Peretti qui a une petite ferme de 3 hectares de pêches, avec une                         Qu’il est long le chemin qui mène à la prise
      activité d’accueil paysan, dans la région du Vento, au Nord de l’Italie. Elle est membre de                  en compte des petites fermes !
      l’Association rurale italienne, affiliée à la Coordination européenne Via campesina.                         Est-ce si dur de comprendre que des aides,
                                                                                                                   pour l’essentiel liées au nombre d’hectares
                                                                            Seules nouveautés : un                 et d’animaux, pénalisent, mécaniquement,
                                                                            soutien plus conséquent                les petites fermes? Pourtant, pour mille hec-
                                                                                                                   tares de petites fermes, il y a plus d’emplois,
                                                                            pour les productions du
                                                                                                                   plus de biodiversité et de paysage, plus de
                                                                            Sud de l’Italie, et de nou-            valeur ajoutée, que pour mille hectares de
                                                                            velles aides pour le secteur           grosses fermes. Comment peut-on admettre
                                                                            fruits et légumes qui,                 que ceux qui contribuent le plus à la vie des
                                                                            jusque-là, n’en bénéficiait            territoires et à la diversité de l’agriculture,
                                                                            pas. Mais soyons vigilants,            soient ceux qui bénéficient le moins du sou-
                                                                            la plupart de cet argent ira           tien de la puissance publique ?
                                                                            aux organisations des pro-             Il aura fallu attendre la dernière phase des
                                                                            ducteurs !                             négociations de la Pac pour entrevoir, enfin,
                                                                                                                   quelques avancées. Il y aura une définition,
                                                                              En réalité, l’aide aux
                                                                                                                   c’est-à-dire une reconnaissance officielle des
                                                                            petites fermes ne repré-               petites fermes. Celles qui remplissent cer-
                                                                            sente qu’une aumône                    tains critères en matière d’intensité en
                                                                            dans cette réforme. C’est              emplois ou de pratiques vertueuses, pour-
                                                                            vraiment très déplorable               raient bénéficier de certaines dispositions :
                                                                            dans un pays comme l’Ita-              revalorisation des montants MAEC (mesures

      D        urant ces dix dernières années, les     lie où les petites et moyennes fermes consti-               agroenvironnementales et climatiques) ou
               petites fermes en Italie, non seu-      tuent son agriculture. Il n’y a de soutien ni               ICHN (indemnités compensatoires de han-
               lement ont réussi à survivre, mais      économique, ni politique.                                   dicaps naturels) sur les premiers hectares,
                                                                                                                   dispositif particulier pour les investisse-
      ont aussi contribué à produire des biens           C’est d’autant plus préoccupant que le
                                                                                                                   ments, aide au démarrage pour ceux qui ne
      alimentaires et à créer de l’emploi mal-         choix de la répartition des aides est laissé                peuvent accéder à la dotation jeune agri-
      gré la crise structurelle et le peu de sou-      aux État membres. Le gouvernement n’a pas                   culteur… Tout ceci se discute au niveau
      tien de la Pac.                                  encore ouvert de débat avec les régions et                  ministériel, mais devra être calé dans les
        D’après les chiffres officiels de 2011, les    les syndicats agricoles. n                                  régions qui seront autorités de gestion pour
      aides Pac vont vers les grandes exploitations,                                            Paola Peretti      le second pilier.
      comme depuis plusieurs années (1). Avec la                                                                                               Michel Berhocoirigoin,
                                                       (1) En moyenne, chaque ferme reçoit environ 1 000 euros
                                                                                                                                            paysan dans le Pays Basque
      nouvelle Pac, la situation ne changera pas.      par an d’aide Pac.

                                                                                                          Campagnes solidaires • N° 292 février 2014                     / VII
La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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    Dossier

      Montagnes et zones intermédiaires
      Une grande inconnue : la prise en compte des parcours
      Dans les Pyrénées ariégeoises, David Huez est installé sur une ferme familiale à trois associés, constituée de parcours (139 hec-
      tares) et de prairies (13 hectares) entre 700 et 1 300 mètres d'altitude, avec deux ateliers : des vaches à viande en vente directe
      et des ânes pour la randonnée. Les vaches et une partie des ânes transhument en été.

      P      ar rapport à une grille de lecture
             « Pac », notre ferme possède les carac-
             téristiques suivantes :
        • une part importante de l’ICHN (Indem-
      nités compensatoires de handicaps natu-
      rels) dans son revenu génère une indem-
      nité de 13000 euros par actif qui est affectée
      en quasi-totalité à l’achat de foin et de
      céréales impossibles à produire sur place. La
      revalorisation de 15 % devrait entraîner le
      versement de 2 000 euros supplémentaires
      par actif. La surprime de 70 euros/hectare
      viendra compenser la perte de la PHAE
      (Prime herbagère agro-environnementale).
        • Du fait de la forte demande en viande
      rouge pour la vente directe, notre taux de
      renouvellement pour le troupeau bovin est
      extrêmement élevé, ce qui se traduit par une       seront faits, la situation pourrait être exa-      torale…), et ceci indépendamment de l’as-
      part importante de génisses dans les 66            gérément favorable (prise en compte de la          pect « prédation ».
      animaux éligibles à la PMTVA (Prime au             totalité sans pondération), plutôt favorable         Globalement, les fermes voisines sont
      maintien du troupeau de vaches allaitantes).       (prise en compte de la totalité avec un coef-      toutes concernées par les modalités de prise
      Si les génisses devenaient non-éligibles,          ficient de pondération), ou au contraire           en compte des parcours. Même si on peut
      notre volume de PMTVA diminuerait d’en-            extrêmement défavorable (exclusion des             craindre un appauvrissement de la gestion
      viron 35 %, soit une baisse d’environ              surfaces de landes à fougères et à genêts          collective dans la nouvelle Pac, on peut pen-
      4 500 euros.                                       et des bois pâturés).                              ser que les transhumants bénéficieront d’un
        • Nous valorisons essentiellement des par-         • Nos animaux passent une partie de l’an-        accroissement des aides à la surface, car le
      cours et leurs modalités de prise en compte        née en estives gérées par des groupements          nombre de Droits à paiements de base sera
      ne sont pas encore connues. Pour des fermes        pastoraux. On ne sait pas encore quels sou-        élevé. La situation est beaucoup plus déli-
      comme la nôtre, les surfaces concernées            tiens iront à ces structures, mais il est impor-   cate pour ceux qui valorisent de petites sur-
      sont importantes : environ 140 hectares en         tant que la Pac leur donne les moyens de           faces, qui utilisent des terrains sans maîtrise
      gestion individuelle et entre 300 et 400 de        fonctionner sur l’ensemble du territoire           foncière (dans le cas de propriété très mor-
      surfaces collectives pouvant potentielle-          (MAE système pastoraux collectifs, aide au         celée), ou ceux qui ne transhument pas. n
      ment être affectées. Selon les choix qui           gardiennage, travaux d’amélioration pas-                                              David Huez

      Installer Stop à la discrimination                                                                    si la redistribution des aides, même timide,
                                                                                                            est un signal positif pour l’emploi, cette Pac
      La mise en place d’une aide aux jeunes agriculteurs dans le premier pilier de la Pac est              n’a pas d’autres objectifs que d’engager
      une avancée. Mais ce soutien ne s’adresse qu’aux soi-disant vrais « professionnels »,                 l’agriculture européenne dans la compéti-
      soit un tiers des nouveaux installés.                                                                 tion mondiale à coup de modernisation.
                                                                                                            L’encadrement des marchés, le soutien aux

      I   l était de bon ton, pour nos décideurs poli-
          tiques, de porter le sujet de l’installation
          lors du débat de la réforme de la Pac nous
      laissant un brin d’espoir d’obtenir des réponses
                                                           Alors doit-on se féliciter des conclusions
                                                         qui prétendent donner un signe fort en
                                                         créant un paiement pour les jeunes agri-
                                                         culteurs alimenté par 1 % des aides du pre-
                                                                                                            systèmes (petites et moyennes fermes) et
                                                                                                            aux productions (élevage, fruits et légumes…)
                                                                                                            à forte valeur sociale sont les grands absents
                                                                                                            de cette réforme.
      aux enjeux de l’emploi dans l’agriculture.         mier pilier ?                                        Voulons-nous reconnaître et laisser de la
        Dans l’Europe des 28, la situation est catas-      En réalité, ce qui importe, c’est l’esprit       place aux nouvelles formes d’agricultures
      trophique : baisse de 25 % des emplois             général de la réforme. Ce qui fera l’instal-       et à celles et ceux qui en portent le pro-
      entre 2000 et 2009, disparition d’une ferme        lation, une fois franchie la barrière de l’ac-     jet ? Non, il y a un profond mépris pour les
      toutes les 3 minutes ! En France, ce sont          cès aux moyens de production, c’est la capa-       installations « hors cadres » : pluriactivité,
      20 000 fermes en moins chaque année.               cité des agriculteurs à générer de la valeur       installations progressives, projets agriru-
      Amer constat d’une politique qui élimine           ajoutée et à répondre à un besoin alimen-          raux et diversifiés. Les discussions lors de
      plus qu’elle n’installe !                          taire qui assurera un revenu décent. Même          la réforme de la Pac y ont coupé court en …/…

      VIII \ Campagnes solidaires • N° 292 février 2014
La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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                                                                                                                        tien : il dépasse les réseaux d’initiés, s’élar-
                                                                                                                        git dans une dynamique d’éducation popu-
                                                                                                                        laire. Les politiques agricoles appuieront
                                                                                                                        efficacement l’installation en soutenant les
                                                                                                                        projets et les démarches relocalisantes (res-
                                                                                                                        tauration hors domicile, marchés paysans,
                                                                                                                        magasins de producteurs…) et toutes les
                                                                                                                        structures qui accompagnent leurs porteurs.
                                                                                                                        Une véritable politique alimentaire, au juste!
                                                                                                                          Aujourd’hui, ce sont les régions qui assu-
                                                                                                                        reront cette politique. Espérons que l’équité
                                                                                                                        entre les différents projets d’installation
                                                                                                                        sera respectée sur tout le territoire. À la
                                                                                                                        Confédération paysanne, nous serons vigi-
         Petite avancée : 1 % du budget du premier pilier de la Pac sera destiné au soutien spécifique des jeunes       lants sur ce point en particulier. n
         agriculteurs (moins de 40 ans). Mais la moitié des installations, hors des normes établies pour l’accès à ce              Michèle Roux, paysanne en Dordogne
         soutien, n’y auront pas droit.
                                                                                                                             et Romain Balandier, paysan dans les Vosges,
 …/… précisant les « ayants droit légitimes » et                 tivité nourricière, après avoir exercé dans                       membres du nouveau Comité national
     en relevant un peu plus le caractère nor-                   d’autres métiers.                                                             Installation-Transmission
     matif de l’accès aux aides : diplôme de                       Portons un regard nouveau sur ce mou-                (1) Programme pour l’installation et le développement des
     niveau IV, plancher de 10 vaches allaitantes,               vement, et exigeons des politiques de sou-             initiatives locales.
     de 50 brebis… Reconnaissons les vrais pro-
     fessionnels, pas les 2/3 des nouvelles ins-                   Gestion des risques Toujours la primauté aux assurances privées
     tallations qui s’installent actuellement sans                 Sur le dossier des risques climatiques, l’État, les assurances et les syndicats s’accordent à dire
     les aides Pidil (1) !                                         que le système mis en place récemment (assurance volontaire) ne fonctionne pas. Bon nombre
       Pourtant, dans les territoires, les projets ali-            de paysans ne s’assurent pas, et les assurés (principalement les céréaliers) sont mécontents
     mentaires se multiplient et installent en                     des franchises appliquées.
                                                                   Financer la gestion des risques par les fonds du développement rural en subventionnant des
     nombre en créant de nouvelles formes de
                                                                   assurances privées est inacceptable. Si tous les paysans étaient couverts par ce dispositif, il
     solidarité : ici, des consom’acteurs se mobi-                 consommerait tout le budget du second pilier !
     lisent collectivement (amap, coopératives                     La Confédération paysanne a toujours défendu l’idée d’un système mutualisé, ouvert à tous les
     alimentaires…), là, des élus font vivre leur                  paysans, dans la logique du fonds des calamités agricoles qu’il conviendrait de remettre à jour.
     pays, soutiennent la création d’espaces tests                 Les réflexions en cours, et qui devraient aboutir à la fin du premier semestre 2014, consistent
     ou louent des terres à de nouveaux paysans.                   à revoir le système des risques climatiques dans sa globalité, en y incluant l’assurance grêle. Il
     Souvent de nombreux(ses) paysan(ne)s en                       s’agirait de recréer une sorte de fonds de calamités géré par les assurances et non par l’État.
     devenir font le choix de se réapproprier l’ac-                       Josian Palach, paysan dans le Tarn-et-Garonne, trésorier national de la Confédération paysanne

        Circuits courts Un développement sous condition
        Le développement des circuits locaux sera                mesures en partie reconduites du précédent               L’arbitrage financier entre les différentes
        fonction des prochains arbitrages finan-                 programme. Pour l’accès à l’aide aux pro-              mesures est un autre enjeu : que vont choi-
        ciers et de la hauteur des planchers d’in-               duits de qualité, il faudrait que les produits         sir les régions entre des gros projets dits
        vestissement.                                            fermiers soient reconnus !                             structurants, le soutien à l’agroalimentaire
                                                                   Au stade actuel d’écriture du programme              – soi-disant pourvoyeur d’emplois – et de

        A        ccroître la compétitivité de tous les
                 types d’agriculture est un objectif
                 affiché des PDR (Programme de
        développement rural), en particulier par le
                                                                 français du développement rural, il reste
                                                                 beaucoup de détails sont à préciser, qui
                                                                 peuvent avoir des conséquences énormes
                                                                 sur le réel soutien à la relocalisation de
                                                                                                                        nombreux dossiers de « petits » producteurs
                                                                                                                        locaux, de vente directe et de développe-
                                                                                                                        ment local ?
                                                                                                                          L’inquiétude est grande aussi dans cet
        développement des circuits courts. Cela                  l’agriculture, et notamment la définition              arbitrage financier de voir fortement limi-
        concerne de nombreux projets d’installation,             des planchers d’investissement.                        ter les soutiens au développement réelle-
        et permettrait le maintien des petites fermes.             En région Paca, des planchers minimum                ment rural (et non agricole). Bien sûr, cela
          Mais nous ne pouvons espérer que très peu              de 10 000 euros dans le programme 2007-                réjouit une partie des agriculteurs mais
        des aides du premier pilier (liées aux hectares),        2013 excluaient de l’accès aux aides du                inquiète fortement les acteurs des terri-
        et peu des aides agro-environnementales du               Feader (Fonds européen agricole pour le                toires et les paysans. En effet, ils savent que
        second pilier qui demeurent indispensables               développement rural) des projets modestes              la vente directe, les circuits courts et l’agri-
        dans les projets d’agriculture biologiques.              de transformation, qui ont pu cependant être           culture paysanne se développent mieux sur
          Pour la transformation à la ferme ou dans              pris en charge par les départements. Préci-            le terreau fertile de zones rurales dyna-
        des ateliers collectifs locaux, il reste les             sons que ces mesures sont longues à ins-               miques et ce, en tous domaines. n
        mesures d’aides à l’investissement sur les               truire et à obtenir, ce qui décourage très sou-                                      Geneviève Savigny,
        fermes et pour la transformation et la vente,            vent les demandeurs potentiels.                               paysanne dans les Alpes-de-Haute-Provence

                                                                                                                 Campagnes solidaires • N° 292 février 2014                 / IX
La Pac change, mais pas trop - Confédération Paysanne
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