La vie du labo - Centre Jean Bodin
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La vie du labo L ’importance des moyens humains dans la vie du laboratoire Par Félicien Lemaire Professeur de droit public à l’Université d’Angers Directeur du Centre Jean Bodin—Recherche juridique et politique N°4 : Février 2020 Entre journées d’études, colloques, séminaires, conférences, tables rondes et workshops, 2019 a été l’année des records pour le CJB en termes de manifes- tations. On l’avait dit et prédit en raison de la fin programmée d’un certain Après 2019 qui a confirmé le dyna- nombre de projets de recherche : ANR PLU Patrimonial, BonDroit et AgéDroit. misme du Centre Jean Bodin avec Le vivre n’a pas été pour autant moins intense et épuisant. une trentaine de manifestations scientifiques, des ouvrages, des 2020 offre une autre perspective : plus calme au niveau des activités mais pas projets de recherche etc. L’année moins studieuse dans la préparation du bilan scientifique et financier du CJB 2020 s’annonce comme celle du avec l’évaluation HCERES pour horizon ; tandis que quelques changements bilan. Le bilan de l’année précé- sont intervenus à l’intérieur du laboratoire. Peu après la rentrée universitaire, dente bien sûr, mais aussi un bilan Juliette Michel – chargée du partenariat et de la valorisation du CJB – a rem- plus large du projet avec l’évalua- placé Hélène Desaivre-Mallard devenue coordinatrice du programme Enjeu tion HCERES à l’horizon. C’est éga- [x]. En tout début de cette année, Adrien Sachot – référent administratif – a lement une année électorale à remplacé Pierre Secoué réorienté vers le GRANEM. Ces changements ne sont l’extérieur comme à l’intérieur de pas anodins, tant le travail d’Hélène et de Pierre étaient appréciés. Mais les notre université, qui a été mar- nouvelles recrues ont rapidement pris leurs marques auprès de Monique Ber- quée par le choix du prochain pro- nier et Laure Bertrand, mettant du cœur à l’ouvrage, affichant leur propre jet de laboratoire 2022-2027. compétence et sachant très vite se faire apprécier. Avec l’appui du Doyen de l’UFR Droit, Economie et Gestion, et en parfaite intelligence avec le Président de l’Université, ces changements du personnel administratif ont été sans pré- L’année 2020 s’annonce donc riche judice en nombre et en qualité pour le CJB ; comme d’ailleurs pour nos voi- et stimulante, et nous vous souhai- sins du GRANEM. A côté de la responsable du service recherche, est en effet tons à tous l’énergie, l’envie et les maintenu le principe d’un ingénieur d’études en soutien des projets et re- projets pour écrire une nouvelle cherches initiés par les enseignants-chercheurs du CJB, ainsi que l’attache de page de l’histoire du laboratoire. deux personnels dédiés aux aspects administratifs et budgétaires. L’équipe du CJB Mais rien n’est acquis ! S’il est permis de l’énoncer ainsi : au-delà des per- sonnes, on formule ici le vœu que cette situation soit pérennisée, parce que nos collègues BIATSS sont indispensables à la vie du laboratoire, à son bon fonctionnement, et qu’il n’est pas de bonne politique scientifique sans moyens humains. C’est déjà l’un des enjeux du prochain contrat quinquennal. Dans ce numéro : 2019 un dynamisme qui Les doctorants du CJB se confirme Veille des doctorants Le CJB c’est surtout … 3.10.19 Coup de projecteur sur : Focus sur le projet François Hourmant WOODIE
2019 : Un dynamisme qui se confirme 12 Colloques et journées d’études 6 Conférences 5 Tables Rondes et Séminaires 2 Soutenances de Thése 3 Autres (workshop, débat, etc.) Colloque « Extraterritorialité et droit international » 23 &24 mai 2019 Manifestations organisées en 2019 9 janvier : Soutenance de thèse « Le contrat B to C à l’épreuve des nouvelles technologies d’infor- mation et de communication » - R.BOUZID sous la direction de S. BERNHEIM-DESVAUX. 21 janvier : Table-ronde « Emploi Public – Communes nouvelles » - sous la direction de M. LONG 24 janvier : Conférence « Quelles sont les principales mesures fiscales pour 2019 ?» - Conférence du club des partenaires par A.GRANGER - sous la direction de S. LAMBERT-WIBERT 12 mars : Débat « Grand débat : Impôts, citoyenneté, Services Publics » - Conférence du Club des Partenaires - sous la direction de M. LONG 19 mars : Conférence « Objets connectés et consentement de l’utilisateur» - Conférence du Club des Partenaires avec M.FAVREAU, A.OHSAWA, B.BRECHETEAU et S. LAMBERT-WIBERT 22 mars : Conférence « Au bonheur des dames : le bonheur est il genré ?» par F.BOUDJAHLAT et C.SENIK - sous la direction de A.-S. HOCQUET et S. LAMBERT-WIBER— BonDroit 26 mars : Table-ronde « Table ronde des métiers du droit » - Table-ronde du Club des Partenaires - sous la direction de F. TESSON 28 mars : Journée d’étude « Regard sur l’Anxiété » – sous la direction de B. GAURIAU— BonDroit 29 mars : Soutenance de thèse « La liberté de choisir son cocontractant en droit privé » - E.RUBAGOTTI sous la direction de S. BERNHEIM-DESVAUX. 5 avril : Conférence « Sur le fil de l’asile » par P.BRICE avec S.DUPONT - sous la direction de B. TAXIL—ARRECO 11 avril : Journée d’étude « L’Aléa climatique et son évolution, aspect juridiques » - Journée des doc- torants organisée par T. MASSON et T. ONILLON 12 avril : Conférence « Le parlement investigateur» par G.BERGOUCNOUS - sous la direction de F. LEMAIRE 26 avril : Table-ronde « Service public, fonction publique en Europe : Quels enjeux ? » - sous la direc- tion de M. LONG 2
3 mai : Journée d’étude « Le statut de la séniorité » - sous la direction d’A. VIGNON-BARRAULT— AgéDroit 23 &24 mai : Colloque annuel de la SFDI « Extraterritorialité et droit international » - sous la direction d’A. MIRON et B. TAXIL 3 &4 juin : Colloque « Bien-être dans la ville – Culture et environnement dans l’aménagement urbain» sous la direction S. BOUJU et X. PAUTREL— BonDroit 12 juin : Journée d’étude « Regards croisés franco-Marocains sur la personne âgée » - sous la direction d’A. VIGNON BARRAULT— AgéDroit 17 & 18 juin : Colloque « À la recherche du PLU patrimonial » – sous la direction d’A. BERNARD DE LA- JARTE— PLU Patrimonial 18 juin : Workshop « Regards croisés sur les raisons du succès de la médiation » – sous la direction de S. LAMBERT WIBER— INTERMED 13 septembre : Journée d’étude « La vie affective des personnes âgées : quels enjeux juridiques et éthiques ? » – sous la direction d’A. VIGNON BARRAULT—AgéDroit 24 septembre : Table-ronde « Droit d’asile et règlement Dublin III: quels recours ?» – sous la direction de B. TAXIL— ARRECO 3 octobre : Veille des doctorants 24 & 25 octobre : Colloque « Les Lieux du bonheur – approches littéraires », sous la direction de F. LE BLAY, F. LE NAN, F. HOURMANT et A.-R. HERMETET— BonDroit 7 novembre : Journée d’étude « Autoroute et développement durable» sous la direction de F. HOURMANT— STRADA 21 & 22 novembre : Colloque 1ere journée « Le patrimoine de la personne âgée » & 2ème journée « La fin de vie : quel(s) droit(s), quels enjeux éthiques ? » — sous la direction d’A. VIGNON BARRAULT—AgéDroit 28 & 29 novembre : Colloque « Bonheur et bien-être dans le droit des États » - sous la direction de F. LEMAIRE— BonDroit WOODIe : Whistleblowing open data impact : 3 décembre : Conférence « Dignité humaine et prostitution » par A. an implementation and impact assesment [2019-2021] DE LA TORRE GIL - sous la direction de J. HAUTEBERT PLU Patrimonial : Le « PLU patrimonial » : 19 décembre : Séminaire « Regards interdisciplinaires sur la Quels nouveaux outils réglementaires pour concilier pérennité du patrimoine bâti et déve- médiation, phénomène juridique et social » - sous la loppement urbain durable [2015-2019] direction de V. LASSERRE et S.LAMBERT-WIBER— portés par le CJB en 2019 BonDroit : Bonheur et Droit [2016-2019] Les projets de recherche INTERMED ARRECO : l’Accueil et la relocalisation des Ré- fugiés en Europe : Catégorisation et Opéra- tionnalisation [2017-2020] ZOMAD : Un observatoire des zones mari- times disputées [2018-2020] La mer, dernière frontière [2017-2020] INTERMED : Regards interdisciplinaires sur la médiation [2019] STRADA : science et transdisciplinarité autour des autoroutes [2019] AgéDroit : Le vieillissement saisi par le droit [2017-2019] Handicap, Droit et Responsabilité [2019-2021] BatiPAT [2018-2020] 3
LE CJB c’est surtout ... 53 7 4 Dont 45 Membres Enseignants- ATER Titulaires chercheurs & dont 3 docto- BIATSS chercheurs rants CJB Droit Privé et Histoire du Science 21 Sciences 22 Droit Public 4 Droit et des 2 Politique Criminelles Institutions Membres Titulaires 14 Membres Associes Droit Privé et Histoire du 2 Sciences 4 Droit Public 4 Droit et des Membres Associés Criminelles Institutions Science Autres 1 Politique 4 Répartition des membres du CJB par sections du CNU Les ouvrages des chercheurs du CJB publiés en 2019 Qui sont les migrants Doctrines et Réalité(s) du Selfies & Stars et les réfugiés ? bonheur Sous la direction de Émilie LENAIN HETREAU Sous la direction de Félicien François HOURMANT, Mireille & Bérangère TAXIL LEMAIRE et Serge BLONDEL LALANCETTE et Pierre LEROUX Smart cities & santé L’essentiel de la convention Sous la direction de Maximilien européenne des droits de LANNA et Antony TAILLEFAIT l’Homme Yannick LÉCUYER 4
Du renouveau au sein de l’équipe administrative Monique BERNIER Responsable du service recherche monique.bernier@univ-angers.fr Bureau 110—02.41.96.21.45 Juliette MICHEL Adrien SACHOT Chargée du partenariat et de la Référent du Centre Jean Bodin valorisation de la recherche adrien.sachot@univ-angers.fr juliette.michel@univ-angers.fr Bureau 113—02.41.96.21.17 Bureau 112—02.41.96.21.02 Laure BERTRAND Chargée de la gestion financière laure.bertrand@univ-angers.fr Bureau 113—02.41.96.21.61 Coup de projecteur sur ... François HOURMANT François Hourmant est professeur de Science politique et membre du Centre Jean Bodin. Il est spécialisé dans l’étude des représentations et des imaginaires politiques. Après une thèse sur les intellectuels en France soutenue à Paris 1 (Le Désenchantement des clercs, PUR, 1997), il a analy- sé les voyages et les récits de voyage dans les pays communistes (Au pays de l’Avenir radieux, Aubier, 2000). Dans le cadre de son HDR (EPHE) il s’est intéressé à la symbolique lettrée en France (François Mitterrand, le pou- voir et la plume, PUF, 2010). Tout en poursuivant ses recherches en his- toire culturelle (Les Années Mao en France, O. Jacob, 2018), il investit de nouveaux objets. Parallèlement au projet Strada portant sur les mytholo- gies autoroutières (avec Fabien Tesson), il questionne la place des corps en politique : corps adjuvants (L’animal et le pouvoir, PUR, 2016 avec So- phie Lambert-Wiber), rôle de la mode et des vêtements (colloque sur le vestiaire du totalitarisme). Son dernier livre, Selfies & Stars (PUR, 2019), s’inscrit dans cette logique scientifique et concerne les enjeux liés à la « célébritisation » du politique. Fruit d’un atelier organisé avec Mireille Lalancette (UQTR) et Pierre Leroux (UCO) en 2016 lors du Congrès de l’Association québécoise de Science politique, cet ouvrage collectif s’efforce d’éclairer ce que la culture de la célébrité fait à la politique. En croisant les regards transatlantiques – entre la France et l’Amé- rique du Nord – et en confrontant les trajectoires (de Louise Michel à Emma- nuel Macron en passant par Rachida Dati, Marine Le Pen ou Justin Trudeau), les contributions rassemblées éclairent cette nouvelle économie politique de la cé- lébrité qui s’impose aux leaders, confrontés à la peopolisation, soumis à ces « tyrannies de l’intimité » (Richard Sennett) comme au panoptisme numérique. « Selfies et Stars—Politique et culture de la célébrité en France et en Amérique du Nord », sous la direction de François HOURMANT, Mireille LALANCETTE et Pierre LEROUX est sorti le 21 novembre 2019 aux PUR, collection Res Publica 202 pages — 28 € 5
Les doctorants du CJB 9 46 Doctorants en droit privé Doctorants 34 Doctorants en droit public 1 Doctorant en histoire du droit 2 Doctorants en science politique 10 Thèses financées La direction du Centre Jean Bodin a souhaité formaliser un temps de rencontre entre Allocations de l’École Doctorale Bourse régionale CIFRE Université d'Angers sur projet les doctorants. La veille des doctorants est ce moment de rencontre et d‘échange entre les doctorants autour des sujets d'ac- tualité liés à leur recherche. A cha- cune de ces veilles, deux docto- rants font une présentation qui est suivie par un débat. Ces veilles ont lieu au moment du déjeuner et il est proposé aux en- seignants-chercheurs membres du laboratoire d’assister à ces ren- contres et d’échanger avec les doctorants. Le 11 avril 2019 a eu lieu la 3ème Les présentations sont ensuite Journée d'Étude des doctorants du publiées dans la newsletter du Centre Jean Bodin : Centre Jean Bodin. L’ALÉA CLIMATIQUE ET SON Vous trouverez ci-après les pré- ÉVOLUTION, ASPECTS sentations faites par les docto- JURIDIQUES rants volontaires au mois d’octobre 2019. 6
La veille des doctorants du 3 octobre 2019 Mathilde AMIAUD La création du tribunal judiciaire par la loi n°2019- Pages 8 à 11 222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 Après des et de réforme pour la Judicaël Elisée TIEHI études de droit justice à l’Université d’Angers Pages 12 à 15 (Licence, Master 1 droit privé général, Master 2 Le fonds au profit des vic- droit et pratique des contrats), Mathilde Amiaud Après un times de la Cour Pénale s’est inscrite en doctorat, en vue de réaliser une Master re- Internationale : un modèle thèse relative à l’influence du grand âge sur l’acte cherche en de réparation ? juridique, sous la direction de Madame le Profes- droit internatio- seur Aline Vignon-Barrault. L’étude part du postu- nal public à lat selon lequel l’avancée en âge ne saurait empê- l’Université Jean Moulin Lyon III, Judicaël Elisée cher le sujet de participer à la vie juridique. C’est TIEHI est inscrit en thèse depuis octobre 2018. Son pourquoi notre droit civil n’en fait pas une cause thème de recherche porte sur « Les droits procé- d’incapacité juridique. Le travail de recherche duraux devant la Cour pénale internationale : essai ambitionne de démontrer que, néanmoins, l’état critique sur le régime de participation des vic- de vieillesse est susceptible de perturber – voire times ». Sous la codirection de Caroline DUPARC et de corrompre – l’activité juridique du sujet. Une Annalisa CIAMPI, cette thèse de droit international méthode d’appréhension du grand âge en matière ambitionne d’une part de faire un bilan, plus de 20 d’actes juridiques doit donc être proposée, visant ans après l’adoption du Statut de Rome instituant à préserver la liberté d’action de nos aînés, tout la Cour pénale internationale, de son système de en répondant aux difficultés suscitées par le grand participation des victimes aux procédures pénales âge dans leur vie juridique. et de mettre en lumière ses principaux défis De façon plus générale, ces thèmes de recherche d’autre part. Enfin, s’inspirant de certaines expé- sont axés autour de l’appréhension des situations riences nationales (France) ainsi que celle des de vulnérabilité par le droit. Elle oriente ses tra- Chambres extraordinaires au sein des tribunaux vaux essentiellement en droit privé, ce qui cambodgiens, cette thèse se veut être un plai- l’amène à développer sa recherche notamment doyer en faveur d’une reconnaissance aux victimes en droit civil, droit de la consommation, etc. Elle a du statut de partie au procès. Il est actuellement un intérêt particulier pour le droit des majeurs Visiting Professional à la Cour pénale internatio- protégés. nale. Pour compléter son activité de recherche, Ma- thilde Amiaud est chargée de travaux dirigés en première et deuxième année de Licence de droit, à la Faculté de droit, d’économie et de gestion de l’Université d’Angers. Sa charge d’enseignement l’a, pour l’heure, amenée à dispenser des travaux dirigés de droit des obligations (responsabilité civile) et droit des personnes et de la famille. 7
La création du tribunal judiciaire par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice Mathilde AMIAUD Introduction « Loi de réforme pour la justice », voilà ce que l’on quatre tribunes successives, publiées sur le site retient de la loi n°2019-222 de programmation internet de la Cour de cassation, dont la dernière 2018-2022 et de réforme pour la justice, promul- s’intitule « Pour l’unité de tribunal » »5. guée le 23 mars 20191. A l’instar d’un certain C’est ainsi que depuis le 1er janvier 2020, les tribu- nombre de lois nouvelles, la lecture de son libellé naux d’instance et tribunaux de grande instance ne donne que peu d’indications sur son contenu ; ont disparu, pour laisser place à une seule juridic- si ce n’est – et l’on convient de la tautologie ici tion de première instance, nommée tribunal judi- opérée – que le législateur a eu pour ambition de ciaire6. réformer la justice. Il serait peu rigoureux de cantonner l’apport de la Les dispositions législatives nouvelles – dont l’es- loi nouvelle à ce seul élément, au risque de déve- sentiel est entré en vigueur le 1er janvier 2020 – lopper une vision tronquée de la réforme de la concernent aussi bien la procédure administrative justice. Néanmoins, l’unification du premier degré que la procédure pénale, et la procédure civile. A de juridiction en est une composante essentielle, cet égard, la réforme de la justice apparait comme en ce que la direction prise ici vient modifier subs- l’occasion, pour le législateur contemporain, d’ex- tantiellement la logique duale, jusqu’ici à l’œuvre. primer sa volonté de rapprocher la procédure ci- Celle-ci résulte d’une ordonnance du 22 décembre vile et la procédure administrative, à travers des 19587, qui a créé les tribunaux d’instance et de objectifs communs qui leur sont assignés. La re- grande instance. Depuis cette date, il y eut des présentation obligatoire et la culture du règlement aménagements, mais ceux-ci n’ont jamais entrainé alternatif des différends sont encouragées com- une modification significative de l’organisation de munément par le législateur, dans ces deux ma- la justice de première instance8. tières. A l’évidence, un certain nombre d’enjeux sont à De ce point de vue, c’est une réforme globale de la l’œuvre dans le cadre de l’unification du premier justice qui est proposée. Or, pour cette raison pré- degré de juridiction. Principalement, « [l]’objectif cisément, la teneur de notre analyse ne saurait est de simplifier la saisine et de rationaliser le fonc- être identique. Parce que les administrativistes tionnement des juridictions »9. Le remaniement de exposeront sans doute mieux que nous les modifi- la justice de première instance est loin d’être dé- cations et mutations de l’ordre administratif, nous nué d’effets, puisque la dualité de juridictions im- nous cantonnerons à la réforme de l’ordre judi- plique des règles de fonctionnement particulières. ciaire. Nous réduirons encore le champ d’étude, De facto, celles-ci ont vocation à être chamboulées en nous concentrant exclusivement sur l’aspect dans le cadre de l’unification du premier degré de civil de la réforme, et délaisserons – non sans re- juridiction. gret – la matière pénale, dans le but de dévelop- per une analyse davantage approfondie. Il nous appartient alors d’appréhender les boule- versements structurels et fonctionnels induits par En effet, « [l]a loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de les dispositions législatives nouvelles. programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice consacre la proposition d’unification des La lecture de ces dernières permet de déceler juridictions de première instance en matière civile deux éléments symptomatiques de la réforme pro- (TI et TGI) »2. Il s’agit là d’un élément en discussion posée. Le législateur y exprime une volonté évi- depuis plusieurs années, plébiscité par certains3, dente de simplifier l’organisation de la justice de controversé par d’autres4. « Le rapport d’informa- premier degré (I). Pareil vœu est sans conteste tion du Sénat sur la justice de première instance et louable, mais les moyens de l’exaucer ne sont pas le rapport Marshall sur les juridictions du XXIe sans conséquences pour les droits du justiciable. siècle ont préconisé une juridiction de première En effet, l’unification du premier degré de juridic- instance unifiée. En octobre 2017, le premier prési- tion, telle qu’elle est prévue, questionne sérieuse- dent Louvel a confié sa vision de la Justice dans ment l’accès au juge (II). 8
I—La simplification de l’organisation de la justice escomptée Il est certain que la configuration du premier de- pulsion des occupants sans droit ni titre des gré de juridiction, à travers l’existence du tribunal immeubles bâtis, les baux d’habitation (actions d’instance et du tribunal de grande instance, peut relatives à un contrat de louage d’immeubles à être difficile à appréhender pour le justiciable. Ce usage d’habitation, régi par la loi n°89462 du 6 dernier est confronté à des règles de procédure juillet 198915, ou actions relatives à un contrat différentes, pour la saisine du tribunal notam- portant sur l’occupation d’un logement, régi par ment, et à des compétences distinctes entre les la loi n°48-1360 du 1er septembre 194816), les deux, fixées tantôt en raison du montant du actions relatives à l’inscription et à la radiation sur litige, tantôt en raison de la nature de celui-ci. le fichier national recensant les informations sur La complexité de cette organisation « est deve- les incidents de paiement, le surendettement nue peu lisible pour le justiciable »10. des particuliers et la procédure de rétablisse- ment personnel. En attribuant à un seul juge la Simplifier la procédure civile apparait ainsi compétence de régler des litiges marqués par la comme l’un des objectifs prééminents de la ré- prégnance de l’ordre public de protection, plutôt forme de la justice. que d’éclater le contentieux entre différents juges, comme c’était le cas jusqu’à maintenant, le circuits procédu- législateur rend plus aisée l’appréhension de l’or- raux et harmoniser les procédures »11. ganisation de la justice. Cette initiative doit être A cet égard, une conséquence de l’unification du saluée, car la situation de vulnérabilité dans la- premier degré de juridiction est significative. quelle se trouve le justiciable, dans le Jusque-là, la fixation de la compétence du tribu- nal d’instance et du tribunal de grande instance, en matière civile, était opérée en fonction du montant du litige, en dehors des contentieux qui relevaient de compétences d’attribution spéciales que se partageaient les deux juridic- Les deux exemples ici choisis témoignent de tions. Ainsi, en application de l’ancien article L. l’idée que l’unification du premier degré de juri- diction ne doit pas être comprise comme une simple fusion de deux juridictions autonomes. Dans un objectif de simplification et de cohé- rence, le législateur a souhaité une réforme glo- compétent. Avec la création du bale du fonctionnement de la justice de première tribunal judiciaire, le taux de ressort est, par hy- instance, puisque si certains éléments résultent pothèse, supprimé, ce qui a vocation à simplifier du processus d’unification – telle la suppression- la mise en œuvre d’une procédure pour le justi- du taux de compétence exposée ci-avant –, ciable, qui n’aura plus à se soucier du montant d’autres n’en sont pas des effets immédiats. Ainsi du litige pour savoir quelle juridiction saisir. la création du juge des contentieux de la protec- L’unification du premier degré de juridiction tra- tion n’est pas induite par l’unification du premier duit indéniablement, dans cette hypothèse, la degré de juridiction, mais l’accompagne. volonté de simplifier l’organisation de la justice de première instance. Les modifications apportées quant au fonction- nement de la justice de première instance, ont Mais cet objectif est également poursuivi à tra- donc été pensées à l’aune d’une simplification vers les modalités de répartition du contentieux. structurelle et organisationnelle. On doit néan- L’article 95, I, 29° de la loi du 23 mars 2019 a moins s’interroger sur les implications d’une telle créé le « juge des contentieux de la protection réforme. L’analyse révèle que cette volonté de »12. L’ambition était de simplification modifie substantiellement la place du juge dans le fonctionnement de la justice de première instance. Or, l’effet d’un tel boulever- sement est exacerbé lorsqu’est envisagé le juge dans son rapport avec le justiciable. Incontesta- Son champ d’action contient six missions prin- blement, la réforme de la justice questionne cipales : la protection juridique des majeurs, la l’accès au juge. constatation de la présomption d’absence, l’ex- 9
II— L’accès au juge questionné Lorsque le législateur promeut une organisation tribunaux de proximité conservent le périmètre simplifiée de la justice, il est évident qu’il méses- d’attribution des anciens tribunaux d’instance20. time la configuration issue de l’ordonnance préci- En ce sens, on peut espérer la conservation tée du 22 décembre 1958. Or, la complexité de d’une justice de proximité. Il est toutefois per- cette dernière n’est pas dénuée de sens. L’auto- mis d’estimer qu’elle revêtira sans doute une nomie des anciennes juridictions dans la gestion forme différente, dès lors que les chambres de du contentieux de l’instance et celui de la grande proximité sont indéniablement soumises à instance, n’était pas le fruit d’un arbitrage irré- l’influence des décisions prises au siège du tribu- fléchi. nal judiciaire de rattachement. S’agissant du siège du tribunal judiciaire, celui-ci a compétence pour connaître de tous les contentieux ancienne- ment dévolus aux tribunaux d’instance et tribu- garanties d’accès au juge pour le jus- naux de grande instance, sauf au chef de juridic- ticiable. La procédure orale y était privilégiée, le tion de conserver le contentieux de l’instance mode de saisine y était simplifié. Au-delà, ses dans un pôle unique21. Dans un esprit de compro- compétences d’attribution et sa compétence pour mis, la loi de réforme pour la justice offre donc les litiges civils d’un faible montant faisaient de lui quelque souplesse au chef de juridiction, pour le lieu de la « justice du quotidien », celui où l’on compartimenter le contentieux de l’instance et réglait les « petits litiges »18. A l’aune du délai de la grande instance, en vue de conserver l’exis- moyen de traitement des affaires, nationalement tence d’une justice de proximité. Pour autant, moins élevé devant les tribunaux d’instance que on doit convenir que cette faculté est à la dis- devant les tribunaux de grande instance, trans- crétion du chef de juridiction, qui a toute liberté paraissait également l’efficacité de l’activité judi- pour confier ou non ce contentieux à un juge spé- ciaire dans le cadre du contentieux de l’ins- cialisé. D’un point de vue territorial, on imagine tance19. aisément les disparités d’un tribunal judiciaire à L’unification du premier degré de juridiction, en- l’autre. Tandis que certains justiciables peuvent traînant avec elle la disparition des tribunaux prétendre à un contentieux de l’instance dévolu d’instance en tant que juridictions autonomes, à un juge spécialisé, d’autres sont confrontés à la menace donc, par hypothèse, la justice de dilution du contentieux de l’instance dans celui de proximité. On peut toutefois la grande instance. Tout espoir placé dans la jus- tice de proximité est vain dans cette hypothèse, et des com- l’on est autorisé à mettre en lumière le paradoxe pétences. Deux hypothèses sont à envisager. de cette réforme : une organisation de la justice Tout d’abord, lorsque le tribunal de grande ins- simplifiée, au prix d’un juge éloigné22. tance et le tribunal d’instance étaient implantés On ne saurait omettre, enfin, d’indiquer la mise sur la même commune, c’est un tribunal judiciaire en place d’un acte de saisine unifié et dématé- qui a été créé. Tribunal d’instance et tribunal de rialisé des juridictions de première instance, par grande instance ont fusionné, indépendamment la loi du 23 mars 2019. D’un point de vue de l’ac- du fait qu’ils furent situés sur deux sites immobiliers cès au juge, nous retenons que le caractère uni- différents. Ensuite, lorsque le tribunal d’instance et fié et dématérialisé de cet acte de saisine est le tribunal de grande instance n’étaient pas im- bienfaisant, dès lors qu’il épargne le justiciable de plantés sur la même commune, le site du tribunal devoir s’accommoder de formes de saisine di- d’instance a été maintenu pour être transformé, verses, comme c’était le cas devant les tribunaux selon le nouvel article L. 212-8 du Code de l’or- d’instance et les tribunaux de grande instance. ganisation judiciaire, en une chambre de proximité Mais le législateur est venu adosser à la dématé- du tribunal judiciaire, appelée « tribunal de proximi- rialisation de la saisine la suppression de l’au- té dience, dans le cadre de certaines procédures. Ces tribunaux de proximité ne constituent donc Ainsi le nouvel article L. 21252 du Code de l’orga- plus des juridictions autonomes, mais des nisation judiciaire23 prévoit que les oppositions chambres détachées des tribunaux judiciaires. aux ordonnances portant injonction de payer En termes de répartition des compétences, les statuant sur une demande initiale 10
n’excédant pas 5000 euros, et les demandes législateur de recentrer l’activité du juge sur des formées devant le tribunal en paiement d’une missions essentielles. Pour étayer cette intui- somme n’excédant pas ce même montant, pour- tion, on peut encore avoir égard au volet de la loi ront faire l’objet d’une procédure entièrement de réforme de la justice, relatif à la protection des dématérialisée et sans audience, lorsque les majeurs. En la matière, l’intervention de l’ancien parties en sont expressément d’accord. dénommé « juge des tutelles », devenu « juges des contentieux de la protection », a été drasti- Cette procédure a vocation à concerner des pe- quement allégée, au profit d’un accroissement tits litiges (moins de 5000 euros). Mais conformé- des missions conférées au tuteur ou curateur ment à ce qui a été souligné précédemment, les de la personne protégée. La direction prise par « petits litiges » étaient les témoins privilégiés le législateur s’inscrit alors dans une tendance des bienfaits de la justice de proximité, où la te- plus globale à la déjudiciarisation, « qui caracté- nue d’une audience et l’oralité étaient au cœur rise si bien la loi du 23 mars 2019 »25. de la résolution des conflits. Le législateur a donc emprunté une direction diamétralement oppo- Si la volonté de simplifier le fonctionnement de la sée, puisqu’avec la loi nouvelle, le justiciable justice est louable, on ne peut s’empêcher de est susceptible de ne plus être au cœur du pro- penser que, au regard des moyens employés par cessus de résolution du litige24 dans le cadre de le législateur, la poursuite d’un tel objectif a pour ces contentieux. conséquence directe une déshumanisation de la justice, qui est pourtant loin, on le sait, de n’être Indéniablement, au nom de l’efficacité de la jus- qu’une affaire technique ! tice, cet élément témoigne d’une volonté du Notes et Références 1 16 Cette loi résulte du projet de loi de programmation 2018-2022 et de L. n°48-1360 du 1er sept. 1948 portant modification et codification réforme pour la justice, déposé au Sénat le 20 avril 2018, à l’issue de la législation relative aux rapports des bailleurs d’une vaste consultation publique lancée en octobre 2017 par Ma- et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage profes- dame la Ministre de la Justice et Garde des Sceaux Nicole Belloubet. sionnel et instituant des allocations de logement. 2 17 M. Guez, Le tribunal judiciaire, naissance d’une juridiction, Gaz. Pal., P. Barincou, E. Pecqueur, op. cit. 18 n°16, 23 avr. 2019, p. 48. Id. 3 19 N. Fricero, La fusion des juridictions civiles du premier degré en Ministère de la Justice, Les chiffres-clés de la Justice 2019, 07 nov. question, in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, 2012, 2019, en ligne [consulté le 28 nov. 2019] : http:// L.G.D.J., p. 107-113. www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/chiffres-cles-de-la-justice- 4 S. Guinchard (dir.), L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, 10303/les-chiffres-cles-de-la-justice-edition- 32762.html 20 2008, La Documentation Française : Le rapport, tout en soulignant V. D. n°2019-914 du 30 août 2019 modifiant le Code de l’organisa- que « [e]n près de cinquante ans, la nature des contentieux et la tion judiciaire et portant diverses adaptations pour l’application de façon dont le besoin de justice est ressenti ont profondément évolué l’article 95 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation » (p. 2), s’était prononcé contre la fusion des tribunaux de première 2018-2022 et de réforme pour la justice. 21 instance. Id. 5 22 M. Guez, op. cit. Dans le même ordre d’idées, la réforme de la justice opte pour la 6 L. n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de spécialisation des tribunaux judiciaires dans certains contentieux. Le réforme pour la justice, art. 95, I, 1°. nouvel article L. 211-9-3 du Code de l’organisation judiciaire prévoit 7 Ord. n°58-1273 du 22 déc. 1958 relative à l’organisation judiciaire. que lorsque plusieurs tribunaux judiciaires sont situés dans le même 8 Ministère de la Justice, Etude d’impact relative au Projet de loi de département ou dans deux départements différents, mais bénéfi- programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, p. 453. cient d’une proximité géographie, ils peuvent être spécialement 9 M. Guez, op. cit. désignés, pour connaître seuls, dans l’ensemble du département, de 10 Ministère de la Justice, op. cit., p. 462 : « La distinction entre les certaines matières civiles et/ou pénales. Nous nous interrogeons sur contentieux relevant du tribunal de grande instance et du tribunal les bienfaits d’une telle spécialisation, puisque si la volonté d’optimi- d’instance, qui constituent deux juridictions autonomes, est devenue ser l’activité de certains tribunaux dans la résolution de certains peu lisible pour le justiciable. La complexité, née de l’éparpillement contentieux est louable, elle implique, irrémédiablement, un éloigne- des compétences distinctes entre les juridictions de première ins- ment du juge pour le justiciable. Là encore, l’accès au juge est donc tance, nuit à la cohérence de l’organisation judiciaire et à son efficaci- questionné. 23 té ». L. n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de 11 G. Accomando, Les axes de la réforme relative à l’organisation réforme pour la justice, art. 109-VIII : « L’article L. 212-5-2 du code de judiciaire, Gaz. Pal., n°17, 15 août 2018, p. 52. l’organisation judiciaire, dans sa rédaction résultant de l’article 26 de 12 D’un point de vue pratique, les juges d’instance sont remplacés, la présente loi, entre en vigueur à une date définie par décret en poste par poste, par ces nouveaux juges. Conseil d’Etat, et au plus tard le 1er janvier 2022 ». 13 24 M. Guez, op. cit. ; v. aussi : P. Barincou, E. Pecqueur, Le successeur Il est certain qu’une telle mesure a pour ambition de permettre un du juge d’instance, Gaz. Pal., n°41, 27 nov. 2018, désengorgement des juridictions. Mais alors, il est permis de s’inter- p. 46. ; C.-S. Pinat, Loi de réforme de la justice : procédure civile, roger sur un point. Il semble que si les parties renoncent à l’audience, Dalloz Actualité, 2 avr. 2019. ; L. Belfanti, Fusion TI/TGI : consé- il serait bienvenu qu’elles le fassent, pour le respect du principe du quences pour la magistrature judiciaire, Dalloz Actualité, 13 sept. contradictoire, au cours d’une audience spécialement prévue à cet 2019. effet. N’est- ce donc pas un autre paradoxe de la loi du 23 mars 14 Id. 2019 ? 25 15 L. n°89-462 du 6 juill. 1989 tendant à améliorer les rapports loca- G. Raoul-Cormeil, Réforme de la procédure tutélaire après la loi n° tifs. 2019-222 du 23 mars 2019, Dalloz actualité, 26 sept. 2019. 11
Le fonds au profit des victimes de la Cour Pénale Internationale : un modèle de réparation1 ? Judicaël Elisée TIEHI Introduction Outre les sujets classiques qui auront meublé ses ou à la charité, un monument historique, un hôpi- travaux à l´instar de la sempiternelle question de tal ou quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins la réforme de l´ONU, la 74e session de l´AGNU2 fut humanitaires a subi un dommage direct »4. Le FPV particulièrement marquée par l´annonce officielle est investi de deux principaux mandats : un man- de la création d´un Fonds mondial de réparation dat de réparation consistant en l’exécution des pour les victimes de violences sexuelles durant les ordonnances de réparation adoptées par la CPI et conflits armés. Quoique salutaire, la constitution un mandat d’assistance des victimes de situation, de ce Fonds à l´initiative de Denis MUKWEGE3, est qu’elles aient directement ou indirectement loin d´être le fruit d´une création ex nihilo tant elle souffert des crimes poursuivis par la CPI. Composé s´inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs au d´un Conseil de direction et d´un Secrétariat, le nombre desquels figurent notamment le Fonds au FPV est un mécanisme à la fois novateur et révolu- profit des victimes de la Cour pénale internatio- tionnaire du droit international pénal qui traduit la nale (CPI). Institué le 9 septembre 2002 par la Ré- matérialisation de l’approche pro-victima de la solution ICC-ASP/1/Res.6 de l´Assemblée des Etats CPI, laquelle vise à faire de celle-ci le creuset d´une parties de la CPI conformément à l´article 79.1 du justice réparatrice en sein de laquelle les victimes Statut de Rome, le Fonds au profit des victimes (le disposent d´un droit effectif à la réparation. Plus FPV) est une institution indépendante chargée de de 15 ans après sa création, peut-on à bon droit mettre en œuvre les programmes de réparation au espérer du modèle de réparation du Fonds? Il ap- profit de « toute personne physique qui a subi un pert, à l’évidence, que nonobstant son caractère préjudice du fait de la commission d’un crime rele- objectivement limité (I) le modèle de réparation vant de la compétence de la Cour [ou de] de toute du Fonds demeure toutefois un modèle fortement organisation ou institution dont un bien consacré à promu (II). la religion, à l´enseignement, aux arts, aux sciences I—Un modèle objectivement limité En dépit de son noble dessein, le FPV est ac- amont d’activités de collecte de fonds, de suivi de tuellement confronté à des défis majeurs qui en- leur distribution, de supervision et d’évaluation de travent l’efficacité de son action. Ces défis se rap- l’utilisation des ressources dépensées. Selon la portent d’une part à sa nature intrinsèquement nome 21 de son Règlement, le FPV est alimenté financière (A) ainsi qu´à la difficile mise en œuvre par « a) des contributions volontaires versées par pratique de son mandat d’autre part (B). des gouvernements, des organisations internatio- nales, des particuliers, des entreprises et d'autres A—Un défi endogène : un mandat tribu- entités, en conformité avec les critères pertinents taire des contributions volontaires adoptés par l'Assemblée des États Parties; b) le Bien que remplissant une fonction administrative, produit des amendes ou les biens confisqués ver- il n’en demeure pas moins que le Fonds demeure sés au Fonds sur ordonnance rendue par la Cour par essence une institution financière, comme en en application du paragraphe 2 de l'article 79 du témoigne d’ailleurs sa définition. En effet, Un Statut de Rome; c) le produit des réparations or- Fonds s’entend « d’une variété d’actifs destinés à données par la Cour en application de la règle 98 fournir des prestations à une personne ou à une du Règlement de procédure et de preuve; d) les organisation. Le Fonds est [donc] établi par un do- ressources, autres que les quotes-parts, que nateur pour assurer la sécurité financière d’une l'Assemblée des États Parties pourrait décider d'al- personne [ou] d’organismes »5. Ainsi, le propre louer au Fonds ». Toutefois, il convient de noter d’un FPV est d’être constitué d’une somme d’ar- que la quasi-totalité des programmes de répara- gent faisant de lui « un organisme chargé de finan- tion mis en œuvre en république démocratique du cer »6. A l’instar de toute institution fiduciaire, la Congo (RDC), en Ouganda ou en République cen- fonction du FPV requiert donc le déploiement en trafricaine (RCA) l’ont été en grande partie grâce 12
aux contributions volontaires des Etats7, les per- la durée excessivement longue de certaines procé- sonnes condamnées par la Cour ayant toutes été dures de réparation. A titre d´illustration, dans déclarées indigentes8. Dans un contexte interna- l’affaire Thomas Lubanga10 où plus de sept ans tional actuel marqué par un inquiétant désenga- après la décision de condamnation une décision gement financier des Etats vis-à-vis des organisa- finale sur les réparations vient d’être rendue par tions et institutions internationales et des cri- la Chambre d’appel au terme d’une interminable tiques de plus en plus acerbes à l’encontre du Bu- bataille juridique. Ensuite, par une éligibilité limi- reau du Procureur (BdP) suite à ses affronts répé- tée des victimes fondée sur une sélectivité des tés, le défi de la levée de capitaux s’avère plus que crimes et de leurs auteurs créant par voie de con- vital pour la vie de la CPI et pour la survie du FPV. séquence une sorte de hiérarchisation des Il en va de même du défi subreptice de l’intensifi- souffrances. Par exemple, dans l’affaire Al mah- cation des efforts des Etats au bénéfice du FPV di11, le BdP de la CPI s’est focalisé sur la destruc- alors même que le coût de son fonctionnement tion des biens culturels à Tombouctou (Mali) au demeure en progression continue depuis plusieurs détriment d’autres crimes non moins graves tels années. que les violences sexuelles, la torture, le meurtre lors de la prise de cette ville historique par les B— Un défi exogène : une difficile mise en groupes armés d´Al qaida au Maghreb islamique œuvre pratique du mandat (AQMI). Sans préjuger de l´opportunité d’une telle stratégie de poursuite, force est de reconnaître En plus des défis d’ordre endogène, le FPV doit qu’elle fut de nature à restreindre l’éligibilité de également faire face à des contraintes exogènes. nombreuses victimes à la réparation dans le cadre En effet, en tant qu’institution administrative (et cette affaire. Enfin, quant à la mise en œuvre son non judiciaire), l’exécution de son mandat de ré- mandat d’assistance, il est à déplorer que le Fonds paration reste fondamentalement liée au champ intervienne dans des Etats post-conflits où la si- matériel des crimes pour lequel l’accusée est tuation socio-politique reste encore fragile et dans poursuivie ainsi qu’à l’issue du procès pénal. L’ar- lesquels l’accès aux victimes dans certaines locali- ticle 75.2 du Statut Rome dispose que « La Cour tés demeure particulièrement difficile notamment peut rendre contre une personne condamnée une en raison de la situation sanitaire (épidémie Ebo- ordonnance indiquant la réparation qu’il convient la). d’accorder aux victimes ou à leur ayants-droits Toutes ces contraintes impactent le travail du […] ». Ainsi, le mandat de réparation du Fonds FPV et nourrissent la crainte des victimes que intervient en aval du processus judiciaire au terme leurs attentes ne soient, un jour, satisfaites. Ce- duquel la culpabilité de l’accusé doit être obliga- pendant, ces considérables défis ne sauraient oc- toirement reconnue. De ce processus, il en ressort culter le saut qualitatif que la création de ce FPV inéluctablement un long chemin d’incertitude et représente dans l´histoire de la justice pénale in- d’errance pour les victimes qui restent, souventes ternationale de même que la promesse qu’il in- fois désespérément9, dans l’expectative de l’ob- carne non seulement pour les victimes qui en sont tention d’une justice voire d’une réparation. Cette l’objet mais aussi pour les sociétés post-conflits déplorable situation se justifie de prime abord par qui en constituent le sujet. II— Un modèle fortement promu Malgré ses imperfections, le modèle de réparation Si le mandat (judiciaire) de réparation du FPV a du FPV jouit d’un soutien « consensuel » de la une portée restreinte, celle de son mandat communauté internationale. Ce soutien tire sa(humanitaire) d’assistance se présente sous une sève nourricière dans la dualité des effets qui le forme relativement large. Ce mandat consiste à caractérisent. A l’image de Janus, le FPV présente apporter une assistance générale aux victimes de deux visages : du côté de la victime stricto sensu, il situation quand bien même le procès serait en est une réponse adaptée à ses besoins spécifiques cours ou sans qu’il ne soit nécessaire qu’elles (A), du côté de la société sortant d´un conflit lato aient été victimes de crimes pour lesquels un ac- sensu, il constitue un tremplin vers la paix et la cusé a été reconnu coupable. En vertu de la réconciliation (B). norme 50 de son règlement, le Fonds est considé- ré comme saisi lorsque « a) Le Conseil de direction A— Un effet horizontal : une réponse aux be- du Fonds estime nécessaire d’offrir une réadapta- soins spécifiques des victimes tion physique ou psychologique ou un soutien 13
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