Observations du CSA sur le litige opposant Iliad et Free à TF1, France Télécom et Métropole Télévision
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Observations du CSA sur le litige opposant Iliad et Free à TF1, France Télécom et Métropole Télévision adoptées en assemblée plénière du 27 janvier 2004 Par courrier du 10 décembre 2003, le Conseil de la concurrence a communiqué au Conseil supérieur de l’audiovisuel copie de la plainte déposée par les sociétés Iliad et Free tendant à faire constater et sanctionner des pratiques constitutives d’entente illicite, d’abus de position dominante et d’abus de dépendance économique de la part des sociétés TF1, France Télécom et Métropole Télévision sur divers marchés et à prononcer des mesures conservatoires. Saisi pour avis conformément à l’article 35 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d’application du livre IV du code de commerce, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) porte à la connaissance du Conseil de la concurrence les observations qui suivent. Le CSA a limité ses observations aux éléments du litige concernant le secteur audiovisuel, à l’exclusion des faits et pratiques relatifs à la gestion des infrastructures des réseaux de télécommunications, à l’accès à Internet haut débit et à la téléphonie vocale. 1 – Rappel des éléments de la saisine 1.1 – Les faits tels qu’énoncés dans le mémoire des plaignants Free commercialise depuis octobre 2002 une offre d’ADSL au prix de 29,99 euros par mois. Aux abonnés dont la ligne téléphonique est distante de moins de 2,5 km par rapport à l’un des 162 répartiteurs téléphoniques dégroupés à ce jour par le groupe Iliad, un modem Freebox développé par le groupe est fourni : en sus de l’accès à Internet haut débit, il permet de disposer, sans supplément de prix, d’un service de téléphonie vocale fixe sous IP (depuis le 25 août 2003) et d’un service de télévision multichaînes (depuis le 1er décembre 2003). Pour fournir ces deux derniers services, Iliad doit dégrouper la ligne téléphonique de l’abonné et relier à celle-ci, au sein du répartiteur, un DSLAM développé en interne par le groupe. Aux autres abonnés au service ADSL (ceux situés à une distance supérieure à 2,5 km du répartiteur), il est fourni un modem Sagem qui ne peut offrir qu’un service d’accès à Internet haut débit. Depuis juin 2001, Iliad et Free sont en contact avec TF1 en vue de la reprise dans leur offre des chaînes du groupe ; une lettre d’intention pour la réalisation d’une expérimentation à Paris et l’étude de faisabilité du service a été signée entre TF1 et Free le 25 avril 2002. Iliad et Free constatent que depuis janvier 2003 ils ont demandé formellement, en vain, à TF1 de présenter des propositions tarifaires et commerciales pour la distribution des chaînes du groupe sur la Freebox. Par lettre du 30 juin 2003, TF1 a signifié que la conduite d’une expérimentation (avec LDCom) à Paris et à Boulogne, « rend donc totalement prématurée la transmission de tarifs de reprise de nos chaînes au sein d’un bouquet ADSL. (…) si nos conclusions sur la faisabilité technique et économique de cette exploitation s’avéraient positives, nous étudierons votre demande. »
— 2 — Le 4 septembre 2003, France Télécom et TPS, dont le capital est détenu à hauteur des deux tiers par TF1 et d’un tiers par Métropole Télévision, rendent public leur « accord stratégique » pour le lancement, en décembre 2003, d’un service commercial de télévision distribué par la ligne téléphonique au moyen de la technologie ADSL, l’abonné pouvant en même temps disposer, auprès de France Télécom, du service téléphonique, d’un accès à Internet haut débit et de la vidéo à la demande. Free estime que, par ses exigences, TF1 a cherché à obtenir le maximum d’informations sur le service que Free concevait, tout en préparant la mise en place de son propre service via TPS. Les plaignants soulignent que TF1 ne les a pas informés que TPS étudiait la création de son propre service en partenariat avec France Télécom. Free dénonce également le refus de Métropole Télévision, co-actionnaire de TPS avec TF1, exprimé, selon les plaignants, par une lettre du 19 novembre 2003. Cependant, ultérieurement à la saisine du Conseil de la concurrence, par lettre du 23 décembre 2003, le président-directeur général de TPS a proposé au président d’Iliad et de Free « de discuter dès maintenant en vue d’établir un accord dans le cadre duquel l’offre de TPS sur la ligne téléphonique (TPS L Prestige,…) serait commercialisable auprès des clients du groupe Iliad/Free. » La lettre expose certaines exigences de qualité et de sécurité techniques attendues de la part de Free pour la distribution des chaînes de TPS (cryptage Viaccess, garantie de débit de bout en bout, capacité de transport dédiée, mise à disposition d’un terminal compatible, fourniture des services interactifs de TPS). 1.2 – L’objet de la plainte et les demandes des plaignants Les plaignants jugent que les refus par TF1 et Métropole Télévision de fournir les chaînes de leur groupe pour une distribution sur la Freebox constituent une discrimination abusive à leur encontre. Ils visent à priver Free des chaînes de télévision les plus attractives, ces chaînes étant considérées par les plaignants comme « une ressource essentielle pour l’exercice de leur activité dans des conditions raisonnables » (p. 35 du mémoire), ce qui les place en situation de dépendance économique vis-à-vis de TF1. Ces refus seraient aggravés par l’entente illicite probable entre TF1 et France Télécom, voire également Métropole Télévision, pour protéger leur propre offre de télévision par ADSL (lancée le 18 décembre 2003 à Lyon). Ces refus appauvriraient donc l’offre Freebox, ce qui, non seulement, limiterait la concurrence sur le marché émergent de la télévision par ADSL ainsi que ses marchés connexes, mais serait contraire à l’intérêt des consommateurs et porterait une atteinte grave aux entreprises Iliad et Free. La sensibilité du marché émergent, l’importance des opérations de communication en cours et des moyens logistiques mis en œuvre ainsi que la situation des opérateurs historiques TF1 et France Télécom rendraient urgente l’adoption de mesures conservatoires. Les caractères grave et immédiat des atteintes justifieraient donc, pour les plaignants, que soit enjoint à TF1, voire à Métropole Télévision, de communiquer dans les quinze jours les conditions contractuelles et tarifaires de la fourniture des chaînes éditées par leur groupe, de communiquer dans les quinze jours au Conseil de la concurrence les offres présentées afin
— 3 — d’en vérifier le caractère raisonnable et proportionné et de suspendre l’offre commerciale de TF1 et France Télécom (TPSL / MaLigne TV) et toute communication à son sujet. L’ouverture de négociations entre Free et TPS L, si elle était confirmée et effective, devrait ôter tout objet aux mesures conservatoires demandées par Free. Le CSA estime cependant que les conditions de reprise des chaînes hertziennes gratuites TF1 et M6, proposées en exclusivité par TPS à l’intérieur d’un bouquet payant, ainsi que les conditions de distribution des chaînes gratuites et payantes françaises par l’ensemble des opérateurs, méritent un examen attentif à l’occasion de l’émergence d’un nouveau mode de diffusion de la télévision. *** Le litige, en ce qui concerne l’avis demandé au CSA, se place principalement sur le marché amont de la commercialisation des chaînes thématiques pour la télévision payante où se confrontent les demandes de chaînes des distributeurs et les offres des éditeurs. Compte tenu de l’évolution des pratiques observées par le CSA à l’occasion de ce litige, le Conseil propose d’inclure dans ce marché la commercialisation des services de télévision pour la télévision payante. En effet, le CSA constate que sur ce marché de la télévision payante se confrontent également les offres et les demandes de distribution des chaînes hertziennes terrestres généralistes et gratuites. Le litige soulève cependant, en premier lieu, la question de la détermination d’un nouveau marché aval émergent que les plaignants dénomment « marché de la télévision par ADSL ». 2 – La « télévision par ADSL » Le CSA constate que la télévision par ADSL proposée au consommateur résulte de la convergence de deux logiques distinctes : - celle des distributeurs de télévision, dont les chaînes peuvent bénéficier, à travers leur diffusion par ADSL, d’un relais de croissance afin de recruter de nouveaux abonnés ; - celle de certains opérateurs de télécommunications, dont les réseaux ADSL, déployés dans un premier temps pour commercialiser un service d’accès à Internet haut débit, permettent aujourd’hui de proposer une offre multiservices1 (téléphone, télévision, Internet haut débit). Afin de se positionner par rapport à ce nouveau service, chaque opérateur met en place une stratégie qui dépend des positions qu’il occupe déjà et qui vise à lui permettre de tirer parti des potentialités de la technologie ADSL : – les opérateurs alternatifs de réseaux ou de services de télécommunications (Club Internet, Free) enrichissent leur service d’accès à Internet haut débit par la fourniture d’un ensemble de chaînes de télévision et, éventuellement, d’un service de téléphonie vocale fixe 1 A l’inverse des réseaux câblés qui, d’abord déployés pour le transport de programmes de télévision, ont ensuite été mis à niveau pour fournir des services d’accès à Internet et éventuellement de téléphonie vocale.
— 4 — sous IP. Ils conçoivent l’offre de télévision comme un service complémentaire (qui peut être en partie gratuit) de leur offre d’accès haut débit. La stratégie de ces opérateurs est de proposer des ensembles multiservices ; – les distributeurs de service de télévision par câble (Noos) pourraient utiliser la télévision par ADSL pour s’étendre au-delà de leur réseau. Ils pourraient également, comme sur leurs réseaux câblés, fournir des services d’accès à Internet avec leur bouquet de chaînes ADSL ; – enfin, les distributeurs de services de télévision par satellite, adossés à des groupes propriétaires d’éditeurs de chaînes (TPS, CanalSatellite), conçoivent la télévision par ADSL comme un mode de diffusion complémentaire pour atteindre des consommateurs en zone urbaine, concurrençant ainsi directement le câble. Ces logiques d’opérateurs divergentes – susceptibles d’ailleurs d’évoluer rapidement – ont pour conséquence paradoxale que les deux parties au litige, Free et TPS, présentent sur le marché des offres significativement différentes (voir annexe 1), qui ne s’adressent pas directement au même public. Le tableau ci-après en témoigne. Free TPS L – offre de télévision multichaînes (TPS L) – offre de téléphonie, Internet et télévision, non et/ou de pure vidéo à la demande (via MaLigne découplable TV) – s’adresse essentiellement aux abonnés – aucun équipement micro-informatique n’est équipés d’un micro-ordinateur nécessaire – les chaînes sont reçues sur un poste de télévision (via un cordon Péritel) Les offres peuvent, en fait, être analysées de deux façons différentes : – elles peuvent initier un marché émergent à terme de l’« offre multiservices » (Internet haut débit, téléphone, télévision) ; – elles peuvent également marquer plus simplement l’arrivée à maturité technique d’un nouveau support de diffusion audiovisuelle – le réseau d’accès cuivre du réseau téléphonique – à côté du réseau hertzien terrestre, du câble ou du satellite. 2.1 – L’émergence des offres multiservices 2.1.1 – Les « offres convergentes » actuelles La télévision par ADSL est susceptible d’être commercialisée conjointement avec d’autres prestations directement liées à la technologie ADSL : accès à Internet haut débit, téléphonie vocale à prix réduit ou forfaitaire, vidéo à la demande, services interactifs (jeux, paris, sites commerciaux,…), radio. Cette convergence de services n’est pas une nouveauté absolue ; elle existe déjà sur le câble qui peut, sur certains réseaux, faire l’objet d’un abonnement conjoint à Internet haut débit, ou, plus rarement, à la téléphonie. Les offres multiservices distribuées par le câble ont été commercialisées à partir de fin 1999 après l’ouverture à la concurrence de la téléphonie et la mise à niveau technique des
— 5 — réseaux2. L’AFORM3 recensait, au 30 septembre 2003, 348 000 abonnés à l’Internet haut débit via ce support et 56 000 abonnés à la téléphonie. Parmi ces abonnés, environ 235 000 étaient également abonnés à une offre de télévision du câble (sur un total de 3,664 millions d’abonnés au câble, seuls 169 000 ne sont pas abonnés à la télévision). A ceux-ci s’ajoutent une partie des 170 000 abonnés à l’Internet haut débit recevant un bouquet de chaînes de télévision via Internet. Les foyers abonnés à Internet, et parmi ceux-ci les foyers abonnés à la fois à Internet et à la télévision, constituent le segment le plus dynamique du marché du câble (croissance de 50 % en 2002, et de 23 % de janvier à septembre 2003). Il semble raisonnable de tabler sur une progression d’au moins 40 à 50 % de leur effectif d’ici fin 2005, soit un parc d’environ 500 000 abonnés. Les offres répondant à cette caractéristique se sont multipliées récemment. L’annexe 2 les présente de façon détaillée. Actuellement, on peut recenser les offres suivantes : - La plupart des opérateurs du câble proposent un abonnement couplé télévision + Internet à un prix préférentiel (par exemple, Noos propose un abonnement haut débit 640 kbits couplé avec le bouquet Noos Pass pour 38,90 €/mois) ; - Noos et NC Numéricable proposent, via le câble, une offre « pure » haut débit (baptisée respectivement Noosnet et NC Web TV) comprenant un abonnement Internet haut débit et une sélection de chaînes payantes (une dizaine) accessible uniquement sur le PC ; - UPC possède, sur certains de ses réseaux câblés, Chello, une offre couplée de télévision, d’Internet et de téléphonie ; - Club Internet, fournisseur d’accès, propose via l’ADSL une offre haut débit (Pack Live Pass) comprenant un abonnement Internet haut débit et une sélection de chaînes payantes (une dizaine) accessibles sur PC. 2.1.2 – L’offre de Free Free donne accès à Internet, à 10 heures de communications téléphoniques gratuites par mois et à la télévision sur ADSL, pour un prix débutant à 29,99 € par mois. Il s’agit de la première véritable offre « triple play », destinée à être disponible dans des conditions identiques dans la plus grande partie des agglomérations. 2 Environ 20 % des réseaux câblés dont l’exploitation est autorisée par le CSA proposent, en plus de l’offre audiovisuelle, une offre complémentaire (soit d’accès à Internet, soit de téléphonie, soit des deux à la fois). On notera que les offres « triple play » des opérateurs de télécommunications et des câblo-opérateurs ont été constituées de façon chronologiquement inversée : les réseaux ADSL ont été développés dans un premier temps pour commercialiser un service d’accès à Internet haut débit et permettent aujourd’hui de proposer une offre multiservices (parmi laquelle des programmes de télévision), alors que les réseaux câblés ont d’abord été déployés pour le transport de programmes de télévision avant d’être mis à niveau pour fournir des services d’accès à Internet et éventuellement de téléphonie vocale. 3 L’Association française des opérateurs de réseaux multiservices regroupe les principaux câblo-opérateurs.
— 6 — Le plan de service de Free comporte, au 6 janvier 2004, 54 chaînes4 : 36 chaînes gratuites et 18 chaînes payantes5 (vendues soit en bouquet, soit à l’unité, sans durée d’engagement : voir annexes 1 et 2), ainsi qu’un guide des programmes édité par TV Magazine (groupe Socpresse). Si Free joue sans ambiguïté un rôle de diffuseur technique (en acheminant le service de télévision au domicile de l’abonné) et de multiplexeur (les signaux de chaque chaîne sont réencodés en tête de réseau pour une diffusion en débit de 3,5 Mbps), l’opérateur exerce également le métier de distributeur de service (distributeur commercial), bien que celui-ci apparaisse moins nettement : - Free a noué des relations contractuelles avec des éditeurs de chaînes. Ces accords prévoient notamment : la gratuité pour les éditeurs du transport du signal de leurs chaînes (depuis la tête de réseau de Free jusqu’au domicile de l’abonné), ce qui n’est jamais le cas pour les distributeurs du câble et du satellite ; dans le cas des chaînes payantes, la possibilité pour Free d’effectuer la facturation pour le compte de l’éditeur6 (en contrepartie d’une commission) ; éventuellement, une rémunération versée par Free pour le droit de diffuser la chaîne. En revanche, les accords signés par Free et les éditeurs ne contiennent pas de clause de diffusion exclusive ; - en acceptant de diffuser par ADSL toute chaîne qui le souhaiterait (que celle-ci soit diffusée de façon « isolée » ou intégrée à un pack), Free constitue de fait une offre de chaînes avec pour objectif de la rendre la plus riche possible ; - Free ne procède pas à la promotion spécifique de l’offre de chaînes qu’il a constituée, l’information sur ce nouveau mode d’accès à la télévision étant relayée par des articles de presse. Free effectue toutefois des campagnes publicitaires, y compris à la télévision, en faveur de sa Freebox, mais contrairement aux distributeurs de télévision payante ne réalise aucune promotion tarifaire (essai gratuit, prix cassé). Le rôle d’intermédiation joué par Free correspond à la définition du distributeur de services donnée par l’article 2-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : « toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à disposition auprès du public par voie hertzienne terrestre, par câble ou par satellite. Est également regardée comme distributeur de services toute personne qui constitue une telle offre en établissant des relations contractuelles avec d'autres distributeurs »7. 4 La Chaîne parlementaire – Assemblée nationale et Public Sénat sont comptées pour deux chaînes distinctes pour Free comme pour TPS L. 5 La gratuité de certaines chaînes résulte d’une offre promotionnelle limitée dans le temps et liée au lancement du service de télévision de Free. 6 Free indique que l’éditeur de chaînes peut choisir de procéder lui-même à cette facturation. 7 On relèvera que l’objectif de neutralité technologique et de convergence des différents réseaux de communications électroniques contenu dans les directives européennes relatives aux communications électroniques impose de ne plus distinguer la diffusion par réseau câblé et la diffusion par réseau filaire de télécommunications : ce sont désormais tous deux des réseaux de communications électroniques devant être soumis à la même réglementation concernant leur installation et leur gestion technique.
— 7 — 2.2 – Le modèle mis en œuvre par les opérateurs audiovisuels 2.2.1 – Les projets connus du CSA a) L’offre de France Télécom et TPS L’accord rendu public le 4 septembre 2003 par les groupes France Télécom et TPS s’est traduit par le lancement à Lyon le 18 décembre suivant d’une offre commerciale de télévision par ADSL. Cette offre, TPS L Prestige, apparaît différente de celle de Free dans la mesure où elle ne fait pas partie d’une offre combinée (elle ne correspond qu’à une prestation de télévision par ADSL) : l’abonné ne dispose pas, avec TPS L, d’un service de téléphonie vocale fixe supplémentaire (qui, avec la Freebox, est un service de voix sous IP). Pour avoir accès à TPS L, le consommateur doit souscrire : - auprès de France Télécom et en plus de son abonnement au service téléphonique fixe, un abonnement au service d’accès TV / Vidéo MaLigne TV (16 euros par mois8), - auprès de TPS, un abonnement au bouquet TPS L Prestige composé, au 8 janvier 2004, de 50 chaînes (21 euros par mois9). Cette offre est disponible dans de nombreux points de vente (boutiques France Télécom, distributeurs et installateurs agréés, grandes surfaces,…) et pas seulement en ligne, comme c’est le cas de Free. France Télécom joue ici un rôle de diffuseur technique, puisqu’il effectue : - le transport des chaînes depuis de la tête de réseau de TPS jusqu’aux abonnés ; - la gestion technique de la plate-forme de services et du contrôle d’accès ; - la fourniture de l’offre d’accès TV / Vidéo et sa gestion commerciale. France Télécom, en fournissant le décodeur, exerce partiellement une fonction technique habituellement assumée par les distributeurs de télévision payante. France Télécom assure également la gestion de la plate-forme de diffusion de vidéo à la demande (distincte de l’offre TPS L). TPS intervient pour sa part dans les domaines suivants : - la constitution du bouquet multichaînes ; - le marketing, la distribution commerciale et la gestion de la relation avec les abonnés de l’offre TPS L ; - la numérisation des chaînes et la production des informations associées ; - la gestion des droits d’accès à TPS L. b) Groupe Canal+ Le 18 décembre 2003, Bertrand Méheut, président du directoire de Groupe Canal+, a annoncé l’arrivée du groupe Canal+ sur le marché de la télévision par ADSL. Un premier 8 Auxquels s’ajoutent au préalable, hors remises promotionnelles, des frais de mise en service dont le montant est actuellement de 64 euros (cf. annexe 1). 9 Auxquels s’ajoutent au préalable, hors remises promotionnelles, des frais d’accès dont le montant est actuellement de 40 euros (cf. annexe 1).
— 8 — accord a été conclu avec LDCom pour le lancement à Marseille en mars 2004 d’une offre de programmes de télévision comprenant la chaîne hertzienne Canal+, ses trois déclinaisons (Canal+ Cinéma, Sport, Confort) et un bouquet de CanalSatellite. Un second accord a été conclu avec Cégétel pour assurer le transport de cette offre sur son réseau. Canal+ envisage de proposer jusqu’à 80 chaînes. Cette offre sera proposée à la vente par le réseau de distribution de Canal+ et CanalSatellite. Pour accéder à l’offre, il faudra s’abonner au service d’accès ADSL de LDCom ou Cégétel et louer un décodeur développé par Canal+ Technologies et Thomson qui assurera les mêmes fonctions que les décodeurs Médiasat fournis par CanalSatellite (avec le branchement sur le modem ADSL en plus). Les services seront cryptés avec le système d’accès conditionnel Médiaguard. Comme pour toutes les offres de télévision par ADSL, l’offre sera nationale et les chaînes seront diffusées après multiplexage numérique depuis un centre national. Groupe Canal+ aurait également signé en janvier 2004 avec France Télécom un accord pour la fourniture de son offre ADSL via MaLigne TV, selon des modalités identiques ou comparables à celles de TPS L (sur Paris et les Hauts-de-Seine dans un premier temps). c) Noos De manière informelle, Noos a fait connaître au CSA son intention de proposer une offre de télévision par ADSL dans les zones périphériques de ses réseaux câblés et dans les zones où les réseaux câblés ne permettent pas de fournir des accès Internet haut débit. Noos étudie la possibilité de fournir les bouquets numériques commercialisés sur ses réseaux mais se heurterait à des clauses d’exclusivité récemment imposées par TPS et Canal+ aux éditeurs des chaînes thématiques. Il semblerait, en effet, que les plates-formes satellitaires aient fait pression sur les éditeurs de chaînes avec lesquels ils avaient une clause de distribution satellitaire exclusive afin d’étendre à l’ADSL cette exclusivité. Noos concevrait donc l’ADSL vidéo comme une prolongation des réseaux câblés ou un substitut à leur mise à niveau technique très onéreuse pour la fourniture des accès Internet haut débit. 2.2.2 – La concurrence entre le câble et l’ADSL Compte tenu de l’architecture des réseaux ADSL, du marché visé par les opérateurs qui les déploient et du mode de consommation proposé aux abonnés, la télévision par ADSL apparaît surtout comme une offre concurrente de celles commercialisées sur les réseaux câblés. A l’instar de la télédistribution par câble, la télévision par ADSL utilise une infrastructure filaire. En effet, l’accès par ADSL s’appuie sur le réseau d’accès cuivre du réseau téléphonique (réseau de télécommunications dont le régime juridique est, jusqu’à présent, distinct de celui des réseaux câblés). Les zones géographiques concernées par la télévision par ADSL correspondent assez bien à celles couvertes par la télédistribution par câble et partagent comme caractéristique d’être des zones urbaines à forte densité démographique. L’ADSL devrait cependant couvrir, à terme, une aire plus vaste que le câble, notamment en s’étendant aux zones péri-urbaines, touchant ainsi plus de 60 % de la population contre environ 30 % pour le câble.
— 9 — Contrairement cependant au réseau câblé, qui nécessite de lourds investissements, il convient de noter que les trois opérateurs audiovisuels TPS, Canal+ et Noos ont souligné la faiblesse relative des investissements exigés pour la fourniture de leur offre ADSL10. Sur le plan du mode de consommation, on ne relève pas non plus de différence entre la télévision diffusée par ADSL et celle disponible par le câble. Selon le procédé du « plug and play », c’est-à-dire sans autre manipulation technique de sa part que le raccordement initial du décodeur au téléviseur (par un cordon Péritel), l’abonné ADSL regarde les chaînes directement sur son poste de télévision11 et utilise une télécommande pour changer de chaînes et, plus largement, utiliser les fonctions interactives. Pour le consommateur, la télévision par ADSL bénéficie même d’atouts concurrentiels indéniables par rapport à la télévision par câble : – en s’appuyant sur un réseau de télécommunications déjà existant, elle permet aux opérateurs de s’exonérer des contraintes financières et réglementaires auxquelles les câblo- opérateurs sont soumis (investissements en infrastructure, accomplissement de formalités administratives liées à l’occupation du domaine public), ce qui a des effets pour le consommateur tant sur la formation des prix que sur le délai d’abonnement12 ; – elle semble davantage prometteuse en ce qui concerne l’interactivité, dans la mesure où la voie de retour des réseaux ADSL permet un débit plus important que celle des réseaux câblés français (pour ce faire, ces derniers nécessitent la plupart du temps un raccordement du décodeur à la prise téléphonique) ; – elle permet de proposer de la vidéo à la demande, sans investissement supplémentaire en infrastructure, comme l’offre de MovieSystem commercialisée via MaLigne TV de France Télécom ; – elle ne nécessite pas de travaux d’installation particuliers au domicile du consommateur (en particulier, elle ne s’accompagne d’aucune suppression de la réception hertzienne, câblée ou satellitaire) alors que la télévision par câble suppose au préalable la pose d’un câble coaxial dans le logement ; – elle accorde au consommateur une liberté de choix du distributeur de services13, liberté qui contraste fortement avec le monopole géographique de fait dont disposent les câblo-opérateurs (les communes n’ayant délivré qu’une seule autorisation d’installation de réseau câblé sur leur territoire) ; 10 Dans un entretien paru dans l’édition du 18 décembre 2003 de La Tribune, Bertrand Méheut, président du directoire de Groupe Canal+, a déclaré que « l’investissement pour l’instant est assez faible. Outre les décodeurs commandés, nous avons équipé notre centre de diffusion numérique d’encodeurs adaptés à la transmission sur ADSL [il faut 80 encodeurs pour diffuser 80 chaînes, d’un coût unitaire de quelques dizaines de milliers d’euros, Ndlr]. Quant au marketing, il sera commun à celui de CanalSatellite. Les coûts de diffusion, eux, baissent et seront rapidement proches de ceux du transport par satellite. Aujourd’hui, ils sont environ deux fois plus élevés pour une chaîne. » Dans un entretien paru dans l’édition du 15 janvier 2004 de Stratégie, Patrick Le Lay, président-directeur général de TF1, a déclaré que « l’investissement [pour lancer l’offre ADSL à Lyon] est de moins de 10 millions d’euros. » 11 Il peut également regarder les chaînes sur un écran informatique si celui-ci est équipé d’un tuner. 12 Sous réserve pour les opérateurs alternatifs que le client potentiel soit domicilié dans une zone dégroupée. 13 Sous réserve pour les opérateurs alternatifs que le client potentiel soit domicilié dans une zone dégroupée, et sous réserve des conditions de désabonnement.
— 10 — – elle peut offrir des avantages relatifs en termes de prix, comme le montre le tableau ci-après : PRIX D’ABONNEMENT MENSUEL INDICATIF (€/mois, Abonné multiservices Abonné à la seule télévision payante décodeur inclus, TPS L + hors abonnement à TPSL + TPS France Noos la ligne téléphonique Free Noos Free France (satellite) fixe) Telecom + (***) Telecom (***) Wanadoo Accès télévision 16 € 29,99 € 16 € 8€ 8€ 38.9 € (*) Internet 29,99 € 30 € (1) Forfait téléphonie 24 € (**) 24 € (**) à partir à partir Télévision Incluse A partir A partir de 0.49 € par 21 € 0.49 € par 21 € payante dans l’accès de 15 € 11 € chaîne chaîne 19 à TOTAL 30 à 60 € 91 € 62,9 € 30 à 60 € 37 € 23 à 82 € 42,50 € (*) pour 512 ou 640 kbits ; pour 1024 kbits, tarif Wanadoo de 45 € et Noos de 48,90 €. (**) Forfait « les heures France », forfait qui donne droit à 9 heures d’appel partout en France 24h/24h et 7j/7j, et qui se rapproche le plus de l’offre téléphonique de Free (10 heures gratuites). Le forfait au prix le plus bas commercialisé par France Télécom (une heure d’appel par mois) est facturé 4 € par mois. (***) Les prix appliqués aux services de télévision payante ont été calculés à partir des forfaits à la carte et hors options pour TPS. L’annexe 1 des observations présente une comparaison complète des tarifs de Free et MaLigne TV / TPS L Ce tableau suscite deux commentaires : - pour les consommateurs intéressés seulement par l’accès à la télévision payante, l’offre Free n’est évidemment pas attractive ; - pour ceux intéressés par une offre multiservices, elle représente une alternative économique à Noos (sous réserve des conditions de qualité et de fiabilité du service). L’offre TPSL couplée à Wanadoo apparaît, en revanche, particulièrement onéreuse. 2.2.3 – Conclusion : la difficulté de définir le marché en l’état Il ne semble pas possible à l’heure actuelle de se prononcer de façon définitive sur la nature du marché aval concerné par la naissance de la télévision sur ADSL. Celle-ci, en devenant un service complémentaire de l’accès à Internet haut débit et demain de la téléphonie, peut déclencher l’essor du marché des offres multiservices de communication. Mais elle peut tout autant ne constituer qu’un prolongement du développement du marché de la télévision par câble. Enfin, un troisième schéma – peut-être le plus probable – pourrait voir le développement concurrent de ces différentes offres : – le développement d’offres multiservices attractives et concurrentes sur le câble et l’ADSL, de la part des câblo-opérateurs et des opérateurs de réseaux alternatifs ou de services de télécommunications utilisant le dégroupage ;
— 11 — – le développement d’une offre de télévision en zones urbaines sur un nouveau support, tantôt concurrent, tantôt complémentaire du câble, permettant éventuellement l’émergence de nouveaux distributeurs en liaison avec les opérateurs alternatifs. A l’heure actuelle, dans la mesure où les différentes offres présentes sur le marché n’ont guère rencontré de demandes identifiables, il n’est guère possible d’aller plus loin dans l’analyse. 3 – Le marché amont de la commercialisation des services de télévision pour la télévision payante Quelle que soit la forme que prendra à l’avenir le marché de la télévision sur ADSL, le CSA relève que les pratiques dénoncées se placent sur le marché amont de la commercialisation des services de télévision. 3.1 – La jurisprudence La jurisprudence a identifié à plusieurs reprises un marché de la commercialisation des chaînes thématiques pour la télévision payante. Sur ce marché, les chaînes proposent leurs grilles de programmes aux différents distributeurs commerciaux d’offres multichaînes qui les assemblent en bouquets afin d’être commercialisées. Ce marché constitue la partie amont du marché de la télévision payante. Free intervient en tant que distributeur, comme expliqué au point 2.1.2. Le Commission européenne (décision du 3 mai 2002 déclarant la compatibilité avec le marché commun d’une concentration (Affaire N IV/M.2766 - Vivendi Universal / Hachette / Multithematiques14) puis le Conseil de la concurrence (décision n° 03-D-59 du 9 décembre 2003 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés I-Télé et Groupe Canal+ : la possible existence d’un marché des chaînes d’information générale en français et en continu) ont admis la possibilité de segmenter ce marché selon des thématiques de service. Le marché a en effet atteint un certain degré de maturité tant au regard de la richesse de l’offre que du point de vue des attentes des consommateurs et des modes de consommation de la télévision payante. Si, au lancement des premières offres multichaînes, les téléspectateurs recherchaient sur le marché de la télévision payante à consommer avant tout « de la télévision », aujourd’hui ils attendent des plates- formes certains types de programmes et des thématiques particulières et s’abonnent pour consommer des programmes spécifiques15. 3.2 – L’évolution du périmètre du marché Le marché amont de la commercialisation des chaînes de télévision a été a priori identifié comme un marché de la télévision payante puisqu’il confronte la demande des 14 « 11. La Commission a déjà eu l'occasion a de nombreuses reprises de se prononcer sur un marché séparé de la commercialisation et de l'édition de chaînes thématiques de dimension nationale. La question d'une segmentation plus en avant peut en l'espèce rester ouverte (en distinguant entre sport, cinéma, information) dans la mesure où elle n'a pas d'incidence sur les conclusions de l'analyse concurrentielle. » (souligné par nos soins). 15 Voir notamment les études sur les motivations d’abonnement au câble et au satellite que publie régulièrement l’institut IPSOS.
— 12 — distributeurs de télévision par câble et par satellite à l’offre des éditeurs de chaînes thématiques, dont le modèle de financement est assis sur une redevance (abonnement) payée par les usagers. Les chaînes gratuites hertziennes, présentes dans l’offre de base accessible quasiment partout au moyen d’une antenne râteau, ne semblaient donc pas concernées par ce marché. L’évolution du paysage de la télévision payante a cependant fait apparaître le caractère sensible de l’inclusion des chaînes gratuites dans la composition d’un bouquet de chaînes payantes : – d’abord, parce que le développement de l’offre de câblo-distribution s’est accompagné de l’enlèvement des antennes râteau de nombreux immeubles, ce qui empêche toute réception directe des chaînes hertziennes ; – certains foyers urbains sont en « zone d’ombre » et ont donc une mauvaise réception des signaux de TF1 et M6 ; – pour les foyers qui ont toujours accès dans de bonnes conditions aux chaînes gratuites par une antenne de réception hertzienne, il est plus commode de passer d’une chaîne à l’autre avec la même télécommande que d’avoir à éteindre le décodeur ou à faire une manipulation pour le neutraliser afin de passer aux chaînes hertziennes ; – enfin, les chaînes gratuites restent de très loin les plus regardées (65,9 % de part d’audience chez les abonnés multichaînes)16. Le CSA constate d’ailleurs que la « commercialisation » des chaînes généralistes gratuites est déjà intégrée dans ce marché. En effet, d’ores et déjà, les abonnés à TPS ou CanalSatellite n’ont accès aux chaînes gratuites qu’en souscrivant un abonnement à un bouquet de chaînes payant. Les câblo-opérateurs orientent leurs offres vers le même modèle de commercialisation17. La commercialisation du bouquet exclusif TPS L Prestige accentue cette logique. Comme le président-directeur général de TPS et le secrétaire général de TF1 l’ont indiqué lors de leur audition par le CSA le 5 janvier 2004, Free ne pourra fournir à ses abonnés les chaînes TF1 ou M6 que s’il commercialise le bouquet TPS L Prestige. Il convient de souligner le caractère apparemment paradoxal de cette situation. En effet, le modèle de la télévision privée gratuite, financée exclusivement par la publicité, implique pour l’éditeur la nécessité de diffuser sa chaîne par tous les moyens possibles afin de garantir à ses annonceurs le public le plus large possible. Si donc les deux chaînes hertziennes privées – à la différence des chaînes de service public – ont adopté une stratégie de distribution payante contraire au modèle économique de la télévision gratuite, c’est que la porosité entre les marchés de la télévision gratuite et de la télévision payante, déjà soulignée par le CSA dans ses précédents avis au Conseil de la 16 Source : Médiamétrie – MédiaCabSat, vague 5 (période du 30 décembre 2002 au 15 juin 2003), mesure sur les individus de 4 ans et plus abonnés à une offre élargie de télévision (réception de 15 chaînes ou plus). 17 A la réserve près du million d’abonnés à un « service antenne » réduit donnant accès seulement aux chaînes hertziennes gratuites et à quelques chaînes supplémentaires pour un prix très modique.
— 13 — concurrence, gagne du terrain sur les marchés aval et amont de la commercialisation des chaînes. En effet, il semble que sur le marché de la commercialisation des chaînes de télévision, les distributeurs cherchent non seulement à composer une offre comportant toutes les thématiques fortes de la télévision payante (cinéma, fiction, jeunesse, sport, documentaire, information, notamment) mais à acheter des « marques » afin de composer une offre de télévision payante attractive comportant des chaînes à forte audience et des chaînes à marque identitaire forte et populaire. Cette dernière préoccupation ne passe pas par une distinction entre le caractère gratuit ou payant pour l’abonné de l’accès à ces chaînes. Incontestablement, l’offreur TPS renforce sa puissance sur le marché amont de la commercialisation en incorporant les chaînes généralistes de TF1 et Métropole Télévision (mais également les chaînes gratuites du service public) dans son offre de chaînes. Le CSA estime donc que le marché amont sur lequel se confrontent les demandes et les offres de Free et de TPS-TF1-Métropole Télévision est le marché de la commercialisation payante des services de télévision (marché de la fourniture de chaînes thématiques payantes et généralistes gratuites aux distributeurs). 3.3 – Les positions des opérateurs sur le marché Le Conseil de la concurrence n’a pas déterminé l’existence d’une position dominante d’un opérateur sur le marché amont de la commercialisation des services de télévision. Cependant, dans sa décision n° 03-D-59 du 9 décembre 2003 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés I-Télé et Groupe Canal+, le Conseil de la concurrence n’a pas exclu l’existence d’une position dominante de TF1 sur le segment de marché des chaînes d’information générale en français et en continu. L’ensemble TF1-TPS-M6, qui intègre les chaînes généralistes hertziennes et les chaînes thématiques, représentait un chiffre d’affaires éditeur en 2002 (hors activité de distribution de TPS) de « secret des affaires » milliards d’euros18, soit environ « secret des affaires » % du chiffre d’affaires de l’édition de chaînes nationales, tous revenus confondus (voir annexe 3). Les groupes Canal+ et Lagardère, actionnaires de CanalSatellite, réalisaient, pour leur part, un chiffre d’affaires éditeur de « secret des affaires » milliard d’euros, et France Télévision avec Arte 2,4 milliards. Le poids respectif de TF1 et de Métropole Télévision sur le marché de la commercialisation des services de télévision pour la télévision payante doit également être analysé en termes d’attractivité pour les distributeurs soucieux de composer un bouquet de chaînes susceptible d’intéresser des consommateurs de télévision payante. Plusieurs indicateurs peuvent contribuer à mesurer cette attractivité. 1° Leur audience globale, qui permet d’apprécier l’intérêt potentiel du futur abonné. L’audience de TF1 et M6 et des chaînes thématiques appartenant à ces deux groupes représentait, en 2003, 42,7 % de l’audience de la télévision des individus de 4 ans et plus dans 18 Y compris la chaîne Paris Première, pour laquelle Métropole Télévision vient de faire jouer son droit d’option pour le rachat de la participation de 89,34 % mise en vente par Suez, mais hors TV Breizh (voir annexe 3).
— 14 — l’ensemble des foyers français équipés de télévision et abonnés à une offre élargie de télévision (réception de quinze chaînes ou plus) (voir annexe 3). Au sein de cette part d’audience de 42,7 %, les deux chaînes hertziennes TF1 et M6 totalisent à elles seules 34,2 % (26,0 % pour TF1 et 8.2 % pour M619). Ces deux chaînes conservent donc une audience élevée auprès des foyers multichaînes, qui ne consacrent que 34,1 % de leur écoute aux chaînes du câble et du satellite, dont les plus populaires dépassent rarement 1 % d’audience, ce qui les situe loin derrière les chaînes hertziennes comme TF1 et M6 (voir annexe 4). TF1, en particulier, dépasse de 11 points la chaîne suivante, France 2, qui réunit 14,8 % de part d’audience. Le téléspectateur multichaînes, bien que bénéficiant d’un choix abondant, considère donc toujours les chaînes hertziennes, et notamment TF1, comme un service essentiel de l’offre de télévision. 2° Leur image et leur notoriété, qui leur permettent de réaliser les plus fortes écoutes de la télévision sur leur cible de public et « créer l’événement » susceptible de déclencher des décisions d’abonnement et concentrer les audiences. Les chaînes thématiques éditées par les groupes TF1, Métropole Télévision et TPS sont, en termes d’audience, d’image et de notoriété, parmi les mieux positionnées sur le marché (voir annexe 4). Les résultats du Médiamat20 montrent, en outre, que TF1 a réalisé 95 des 100 plus fortes audiences21 de la télévision sur 2003, contre 4 pour France 2, une pour France 3 et aucune pour M6. L’absence de TF1 (mais également de M6, dont la structure d’audience, plus jeune, se rapproche du public des internautes) dans une offre de télévision affaiblit donc substantiellement son attractivité. L’absence de chaînes hertziennes ne condamne cependant pas nécessairement commercialement l’offre d’un distributeur, comme le montre le succès de CanalSatellite depuis 1996. Mais cette absence rend impossible pour Free de se positionner comme service alternatif d’offre de télévision multichaînes « de base » (notamment en concurrence par rapport au premier prix du câble) puisqu’il n’a pas accès à ces chaînes leader en audience. Son offre, limitée aux chaînes du service public et à quelques chaînes gratuites, reste ainsi condamnée à rester un « gadget » offert en plus de l’offre haut débit. Par ailleurs, contrairement aux actionnaires de CanalSatellite, Free ne dispose pas de multiples chaînes thématiques en exclusivité dont la diversité, la notoriété et la qualité des programmes lui permettraient de présenter une offre haut de gamme très attractive de télévision payante. 19 Tous modes de réception confondus, sur l’ensemble des individus de 4 ans et plus disposant d’une télévision, TF1 a obtenu, sur l’ensemble de l’année 2003, 31,5 % de parts d’audience et M6 12,6% (enquête Médiamétrie- Médiamat, voir annexe 5) 20 Enquête Médiamétrie-Médiamat sur 2003, résultats des parts d’audience (tous modes de réception confondus) sur la cible des individus de 4 ans et plus disposant d’au moins un poste de télévision. 21 Les meilleures audiences de la télévision sont réalisées le soir de 19h à 22h (le pic d’audience est atteint vers 21h40-21h50).
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