La paroisse Sacré-Coeur de Chicoutimi - REVUE D'HISTOIRE DU SAGUE AV-LAC-SAINT-JEAN
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REVUE D'HISTOIRE DU SAGUE AV-LAC-SAINT-JEAN - - 1....� C: � a, "'O t:: &. d ...... N - 00 0 C: C: a, E ; -� C: a, c:- 0 -� �� o.. � 8. a, "'O ·g C: LLI La paroisse Sacré-Cœur de Chicoutimi 7,95$
' , , MERCI A NOS GENEREUX DONATEURS! MEMBRES HONORAIRES Alcan Me Marcel Claveau, Chicoutimi M. Albert Larouche, Chicoutimi M. Robert Bergeron, Saint-Lambert Mgr Jean-Guy Couture, Chicoutimi M. Paul-Gaston Tremblay, Chicoutimi MEMBRES CORPORATIF S ( 500 $ ET PLUS) Abitibi-Consolidated inc. Sœurs Antoniennes-de-Marie, Chicoutimi Sœurs Ursulines, Roberval CEM Consultants inc., Chicoutimi Sœurs Augustines, Chicoutimi MEMBRES À VIE Dr Louis Bélanger, Montréal M. Desmond Hudson, Plainfield, NH Mme Monique Perron, Québec M. Paul-A. Bergeron, Chicoutimi M. Patrick Lapointe, Jonquière M. Gilles Rinfret, Chicoutimi Dr Jean-Charles Claveau, Québec M. Roger Larouche, Falardeau Scierie Saguenay, La Baie Mme Annette S.-Fortin, Hébertville M. Jean-Marie Lemay, Alma M. Roger Samson, Beauport M. Réjean Fournier, Jonquière M. Paul-Eugène Lemieux, Jonquière M. Gérard Tremblay, Chicoutimi M. Gérard Gaudreault, Chicoutimi Abbé Ernest Lévesque, Chicoutimi M. Jean-Hugues Tremblay, Chicoutimi Me Claude Gauthier, Chicoutimi M. Réal Lévesque, Jonquière M. René Tremblay, Chicoutimi Mme Pierrette Girard-Beaulieu, La Tuque M. Maurice Ouellette, Chicoutimi Mme Céline Turcotte, Chicoutimi M. Gilbert Gravel, Chicoutimi M. Bernard Pelletier, Chicoutimi Abbé Jean-Paul Vincent, Albanel Dr Richard Harvey, Sherbrooke M. Georges-Henri Perron, Chicoutimi MEMBRES BIENFAITEURS ( 100 $ À 499 $) Mme Laurette Angers, Jonquière Mme Michelle Harvey, Québec M. Maurice Potvin, Montréal Mme Gemma Boulianne, Chicoutimi M. Jean Lacasse, Piedmont M. Rémi Roussel, Chicoutimi M. Jacques Chouinard, Chicoutimi Mme Ruth B. Lachapelle, Boucherville M. Jean-Pierre Saint-Laurent, Alma Mme Marie Dharmalingam, Toronto M. Alyre Martin, Chicoutimi Dr Yves Savard, Chicoutimi M. Aimé Gagné, Outremont M. Gérard-A. Morin, Alma Sœurs de Notre-Dame du Bon Conseil, Chicoutimi M. Fernand Gagnon, La Baie M. Jean-Marc Patoine, Jonquière MEMBRES DE SOUTIEN (20 $ À 99 $) (SO $ À 99 $) (20 $À 49 $) M. William Amyot, Chicoutimi M.Bernard Angers, Chicoutimi M. Raymond Labbé, Scott-Jonction Mme Céline T-Beaulieu, Québec M.Raoul Bastarache, Ville d'Anjou M. Jacques Lambert, Sainte-Foy M. Michel-Marc Bouchard, Montréal M. Jean-Eudes Bergeron, Métabetchouan M. Alayn Larouche, Montréal M. Rosaire Desgagné, La Salle Mme Jacqueline Beaulieu, Chicoutimi M. Benoit Larouche, Saint-Léonard Mme Janine Dufour-Boucher, Jonquière M. Ronald Blair, Québec M. Réginald Lavoie, Saint-Fulgence R. P. Albert Dumont, Montréal M. Gabriel Bouchard, Charlesbourg M. Jean Lessard, Boisbriand M. Thomas Donohue, Montréal Mme Antoinette Brassard, Jonquière Abbé Camil Lévesque, Chicoutimi M. Jean-Marie Hachey, Chicoutimi M. P. -E. Carrier, Montréal M. Gilles Maltais, Chicoutimi M. Éric Gagnon, Chicoutimi M.Bernard Cauchon, Laterièrre Mgr Roch Pedneault, Chicoutimi M. C.A. Gauthier, Jonquière Abbé Rosaire Côté, Métabetchouan M. Jean Perron, Saint-Charles-Boromée M. Albert-E. Jean, Chicoutimi M. Jean Coutu, Chicoutimi Mme Julienne Perron, La Baie M. Maurice Ouellette, Chicoutimi M. Pierre De Champlain, La Baie Dr Alyre J. Picard, Alma M. Camil Plourde, Chicoutimi M. Constant Dallaire, St-Ambroise M. François Plourde, Montréal M. Henri-Louis Renaud, Jonquière M. Ernest Dauphinais, Falardeau M. Claude Potvin, Laterrière M. Jean Riverin, Chicoutimi Mme Jacqueline L. Demers, Saint-Félicien M. Claude Richard, La Baie M. Eugène Roy, Métabetchouan-Lac-à-La-Croix M. Jean-François Drapeau, Notre-Dame-du-Lac M. Marcel Sainte-Croix, Saint-Fulgence M. Aurélien Tremblay, Chicoutimi Mme Marthe Drolet, Jonquière Sœur du Bon-Pasteur de Chicoutimi M. Armand Gagnon, La Baie M.Michel Savard, Chicoutimi M. Jean-Rock Gagnon, Chicoutimi Mme Claire Simard, Jonquière M. Victor Gagnon, Chicoutimi Daniel Tremblay, Jonquière M. Fernand Grave!, Chicoutimi M. Jean Tremblay, Chicoutimi M. Jacques Grave!, Chicoutimi M. Joseph-Édouard Tremblay, Chicoutimi M. Joseph Grave!, Chicoutimi Mme Pierrette Tremblay, Chocoutimi La Société historique du Saguenay tient à remercier ceux et celles qui donnent 20 $ et moins.
SAGUENA."VENSIA Publiée depuis 1959 par la Société historique du Saguenay Volume 47, numéro 4, octobre-décembre 2005 La revue d'histoire régionale Saguenayensia est pu bliée trimestriellement par la Société historique du Saguenay 930, Jacques-Cartier Est, Sommaire Chicoutimi, Québec G7H 7K9 Tél. : (418) 549-2805 3 Le quartier du Bassin de Chicoutimi : haut lieu de l'histoire Fax : (418) 549-3701 Courriel : shs@cybernaute.com industrielle au Saguenay Site internet : www.shistoriquesaguenay.com par Jérôme Cagnon Les avis de changement d'adresse, les exemplaires non distribués et les demandes d'abonnement doivent parvenir à l'adresse mentionnée ci-dessus. Port de 13 Un lieu de mémoire des Eudistes : l'église et le presbytère Sacré retour garanti. Envoi de publication : enregistrement n° 08720. Postes Canada : # client 02093618. Cœur de Chicouti m par Luc Noppen La revue Saguenayensia reconnaît l'aide financière du gouvernement du Canada, par l'entremise du Programme d'aide aux publications (PAP), pour ses dépenses d'envoi postal. 23 L'église et le presbytère Sacré-Cœur, monuments historiques La direction de Saguenayensia laisse aux auteurs l'en nationaux du Ouébec tière responsabilité de leur texte. Les articles parus par Luc Noppen dans Saguenayensia ne peuvent être reproduits, traduits ou adaptés sans l'autorisation écrite de l'au teur et de la Société historique du Saguenay. 58 Un méconnu de notre histoire : l'architecte René-Pamphile Lemay La Société historique du Saguenay est membre de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec. (1870-1915) La revue Saguenayensia est subventionnée par la par Luc Noppen Fondation de l'Université du Québec à Chicoutimi. Dépôt légal: 4e trimestre 2005 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISSN0581-295X Tarifs d'abonnement : Particulier : 30 $ 64 EN BREF..• Institutions : 40 $ Autres pays : 45 $ 65 SITE ET MONUMENT Ce numéro : 7,95 $ Couverture : .L'église du Sacré-Cœur au cœur du quartier du Bassin en 2000. (Luc Noppen) SAGUENAYENSIA-OCTOBRE-DÉCEMBRE 2005
LE MOT Saguenayensia Rédactrice DE PRESENTATION Louise Bouchard Comité de rédaction Dany Côté, Centre d'histoire Sir-William-Price Jérôme Gagnon, Étudiant en maitrise UOAC Érik Langevin, UQAC, Laboratoire d'archéologie Éric Tremblay, Société historique du Saguenay Une année prolifique pour la revue! Gervais Tremblay, Groupe de recherche en histoire Caroline Toulouse, Étudiante bac en histoire Comité de correction Louise Bouchard, Dany Côté, Colombe Dallaire Avec la parution de ce numéro, nous terminons la 47e année de la revue Représentante de la Fondation de l'UQAC Saguenayensia. Cette dernière année aura été riche et diversifiée en ce qui con Suzie Robichaud cerne les sujets présentés. Les quatre numéros de l'année 2005 comptent 36 articles, en plus des nombreuses chroniques offertes aux lecteurs dans chaque Mise en page parution. Je profite de l'occasion pour remercier toutes les personnes qui colla Louise Bouchard borent de près ou de loin à la réalisation de la revue - comité de rédaction, Numérisation des photographies auteurs, correcteurs, bénévoles, etc. - sans eux ce travail serait difficilement réa Jean-Pierre Villeneuve lisable. Révision des épreuves Louise Bouchard, Dany Côté, Colombe Dallaire Ce dernier numéro de l'année 2005 est consacré à l'histoire de la paroisse Sacré-Cœur de Chicoutimi qui célébrait en 2003, son centenaire. Nous débutons Impression avec l'historique de la paroisse, réalisé en 2003 par l'historien Jérôme Gagnon. Imprimerie commerciale Ensuite, nous avons trois articles de Luc Noppen, historien de l'architecture qui reprennent l'essentiel d'un rapport préparé en 2000 en vue d'appuyer une Société historique du Saguenay demande de classement de l'église et du presbytère Sacré-Cœur. Le premier, nous les présentse comme lieu de mémoire. Le second, nous fait état de la valeur Conseil d'administration des bâtiments comme monuments historiques nationaux du Québec et finale Lorenzo Beaulieu, président ment le dernier texte, nous propose des notes biographiques sur l'architecte Jean-Claude Basque, vice-président René-P. Lemay, concepteur de plusieurs trésors régionaux d'architecture. Ronald Boivin, trésorier Mimi-Constance Couture, J.-E. Falardeau, Dans un tout autre ordre d'idée, je désire vous faire une suggestion. Noël sera Laurence Pedneault, Michel Savard, bientôt à nos portes! Pourquoi ne pas offrir à vos amis et parents, un abonnement Val Rasmussen, Patrice Tremblay, administrateurs. à la revue Saguenayensiéf? Ainsi, vous offrirez un cadeau de Noël original qui Bénévoles dure toute l'année, tout en contribuant au financement de la Société historique Miville Corneau, Bernard Cauchon, du Saguenay. Thérèse Coulombe, Monique Desgagné, Albert Larouche, Rita Lavoie, André Marchand, Bonne lecture! Sophie Simard. Louise Bouchard, Directrice générale La fondation Mgr-Victor-Tremblay Eddy Lalancette, président Gilbert Grave!, Jean Laflamme, vice-présidents Ronald Boivin, trésorier Louise Bouchard, secrétaire Lorenzo Beaulieu, Marcel Claveau, Jean Grimard, Mona Lessard, Aurélien Tremblay, Gaston Tremblay. 2 SAGUENAYENSIA - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2005
Le quartier du Bassin de Chicoutimi •• haut lieu de l'histoire industrielle du Saguenay* par Jérôme Cagnon Historien, Musée Louis-Hémon Depuis le début de son histoire, le quartier du Bassin de Le Bassin de Chicoutimi : maillon important Chicoutimi est lié à l'industrie locale. Carrefour commercial impor d'un réseau de traite de fourrures (1676-1856) tant pour la traite des fourrures lors de la période qui précède l'ou verture du Saguenay à la colonisation, ce secteur est celui qui L'histoire officielle du Saguenay, de Chicoutimi, et plus pré accueille l'industrie de l'exploitation forestière jusqu'à la grande cisément du Bassin s'ouvre au XVIIe siècle avec le commerce des crise économique des années 1930. Comme pour d'autres éta fourrures qui anime toute la colonie de la Nouvelle-France. blissements industriels de la région, le quartier Ouest de Organisé en 1652 en territoire d'exploitation exclusive sous l'au Chicoutimi constitue une zone d'urbanisation dont le développe torité du roi de France, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, appelé le ment résulte de l'installation, de l'opération et de la production « Domaine du Roi », ouvre son territoire à l'établissement d'un d'une industrie. Par contre, le cas de Chicoutimi ne peut se com réseau de comptoirs de commerce de fourrures avec les parer tout à fait à celui d'autres villes planifiées par des compa autochtones qui habitent la région. Un poste de traite est construit gnies, comme Kénogami, Arvida, Port-Alfred, Val-Jalbert, à Chicoutimi en 1676, à un endroit déjà fort achalandé et ayant Riverbend ou Dolbeau. Il ne s'agit une importance notoire pour les pas à Chicoutimi de créer de Amérindiens qui parcourent depuis toutes pièces les infrastructures déjà longtemps le réseau hydro urbaines nécessaires à l'établisse- graphique de la région2 • ment de la main-d'œuvre, mais bien de développer un quartier La rivière Chicoutimi est un dans une ville existante, déjà maillon important de ce qu'on organisée et comportant certains appelle la route des fourrures. Il services publics. L'industrie locale s'agit d'une étape obligatoire pour pousse cependant le concept de passer du Saguenay au Lac-Saint quartier ouvrier à un niveau élevé. Jean (Piékouagami). Ainsi, le site La participation du clergé, con choisi pour l'installation du poste de tribue à former une véritable traite offre d'excellentes conditions enclave à l'intérieur des limites de à l'établissement d'un havre com Chicoutimi. Le Bassin, devient véri mercial. Toutes les facilités au tablement une ville dans la ville1 • transbordement des canots et des Regroupée autour de son église, la i bateaux de marchandises se population de la paroisse Sacré , i retrouvent dans le bassin de ��------11111111 � Cœur a perpétué depuis 1 00 ans � Chicoutimi. La forêt et la faune cette image de quartier à part, par abondantes à cet endroit sont ticipant ainsi à l'élaboration de ._________________________. � autant d'utilités offertes aux promo- l'identité chicoutimienne. Esquisse de la chapelle de Chicoutimi vers 1840. teurs et aux employés du poste. SAGUENAYENSIA - OCTOBRE•DÉCEM BRE 2005 3
Ainsi, après une première incursion réalisée en 1671, Charles La première phase d'industrialisation au Bassin: Bazire, associé de Jean Oudiette, adjudicataire de la Ferme du l'exploitation d'une scierie (1843-1901) Domaine du Roi, préside, en juin 1676, au début des travaux de construction du comptoir commercial à Chicoutimi. Arrivés par L'histoire de la colonisation de Chicoutimi, débute sous le bateau, les artisans construisent un magasin, une chapelle, des signe de l'industrie du bois de sciage. En 1842, William Price s'as dépendances et un appartement pour le desservant jésuite de la socie au métis Peter McLeod junior pour implanter une usine de mission de Chicoutimi, en l'occurrence, le père François bois de sciage dans le secteur du Haut-Saguenay. Après de Crespieul. L'activité au poste de Chicoutimi la construction d'un premier établissement, à débute véritablement à l'automne. Le magasin Rivière-du-Moulin, les deux industriels forestiers reçoit alors ses premières marchandises et les procèdent à l'aménagement du pouvoir échanges peuvent s'amorcer. Contre des hydraulique de la rivière Chicoutimi et y éta peaux de castor et des pelleteries de toutes blissent une scierie d'envergure. sortes. les Européens offrent aux Amérin diens des marchandises nécessaires à leur Le site de la construction du nouveau subsistance (farine. pois, blé d'Inde, lard moulin est déterminé de façon judicieuse salé, graisse. etc.), toute la gamme du par les avantages du milieu. La force du matériel employé pour la chasse (pièges, courant de la rivière Chicoutimi et la fusils, poudre et munitions), du tabac, des matière première qui se trouve en grande pipes de plâtre, ainsi que de l'eau-de-vie. quantité le long de son cours et dans le bassin hydrographique du lac Kénogami La vie au poste de Chicoutimi, nonobstant les favorisent l'implantation de l'usine, qui bénéficie quelques périodes d'abandon du site, suit la succes en outre d'un havre idéal avec le site naturel du sion des saisons et les habitudes des Amérindiens Bassin. pourvoyeurs de marchandise. En ce sens, la présence Peter Mcleod (Source : ANQC, Coll. de la SHS, n° 17) du missionnaire est essentielle; les mystères de la reli- Construite sur la rive ouest de la rivière, la scierie gion catholique constituent un incitatif pour que les du Bassin, terminée au printemps 1844, est de dimen Amérindiens se rendent vers le poste saguenéen. sion appréciable: 47,5 m de longueur par 22 m de Au fil des ans, Chicoutimi vit au gré des vicissi largeur. Munie de six systèmes de scies rondes, tudes de la traite des fourrures. En 1726, sous elle est alimentée en énergie hydraulique par l'initiative et le zèle du père Pierre Laure, qui un canal aménagé à partir d'une écluse arrive à Chicoutimi après des années de construite sur la première chute de l'im déclin, une nouvelle chapelle est construite pétueux cours d'eau. En plus de l'usine de et le service religieux régulier est rétabli. sciage, les installations Price-McLeod com Cette période correspond à l'âge d'or de la prennent également un quai de 152 m de traite des fourrures. Les comptoirs de la longueur par 12 m de large ainsi que trois région prospèrent au rythme des fluctua maisons et un magasin4 • tions des populations animales et de la santé du commerce des fourrures en général. Après Les installations du Bassin ne tardent pas la capitulation de Montréal et la chute de la à s'imposer comme étant le centre le plus Nouvelle-France en 1760, la traite du Domaine du important de production de bois de sciage au Roi passe entre les mains des Anglais mais conserve Saguenay. Entre 1843 et 1846, les deux moulins à sa vocation de territoire affermé en portant dorénavant William Price scie de Chicoutimi exportent tout près de 250 000 le nom de King's Posts. Le poste de Chicoutimi survit (Source: ANQC, Coll. de la SHS, n 13665) madriers de pin par année. La scierie du Bassin à elle ° encore près d'un siècle en voyant se succéder les com- seule en fournit les trois quarts. Il n'est donc pas sur pagnies locataires du monopole d'exploitation sur le territoire. A prenant que Chicoutimi soit le théâtre des développements socio compter de 1821, c'est la célèbre Compagnie de la Baie d'Hudson économiques les plus rapides et les plus importants des débuts de qui s'installe dans les Postes du Roi. Le commerce, à ce moment, la colonisation dans la région. Lors de sa visite en 1845, l'arpen est en déclin. La concurrence est extrêmement forte. Les nom teur Duncan-Stephen Ballantyne constate, qu'en plus des installa breuses pressions pour ouvrir le territoire à la colonisation, puis l'ex tions Price et celles de la Baie d'Hudson, le secteur compte une ploitation forestière et l'arrivée des colons à compter de 1838 vingtaine de maisons. Il s'agit pour la plupart des demeures des ruinent la traite qui s'éteint, au Saguenay, en 1856, avec le départ employés du moulin à scie. Un an après la construction du moulin, des deux derniers employés du poste de Chicoutimi3. l'embryon de société devient la base d'un établissement agro- 4 SAGUENAYENSIA- OCTOBRE-DÉCEMBRE 2005
forestier appelé à desservir une ville d'importance majeure au Saguenay. Ballantyne constate d'ailleurs, en 1845, que la puissance de la rivière Chicoutimi sera utilisée sous peu pour faire fonction ner un moulin à farine. En effet, un groupe de citoyens s'affaire à construire ce moulin qui servira à moudre le grain des habitants et à approvisionner les chantiers de bûcherons. Bien que le Bassin reste un lieu où l'activité est centrée presque exclusivement sur l'industrie du bois de sciage, il n'en demeure pas moins que quelques commerces et établissements d'artisans s'y installent. En périphérie du 8 c.5 0 quartier proprement dit s'établissent quelques agriculteurs qui viennent corn- Le Bassin en 1896. piéter le paysage social de la population de Chicoutimi Ouest. bois d'œuvre a considérablement diminué. La crise économique Afin d'approvisionner en matière première la scierie, des de 1873, l'adoption de la politique du libre-échange de la part de chantiers forestiers hivernaux sont organisés à proximité des l'Angleterre, l'utilisation du fer dans la construction navale et la cours d'eau, qui constituent le mode d'acheminement du bois le diminution des forêts de résineux de bonne dimension près des plus efficace. Dès les premières années, la plupart des rivières scieries obligent la Compagnie Price à ralentir ses activités de saguenéennes sont utilisées et le plus clair des « bouquets » de sciage pour finalement fermer le moulin de Chicoutimi en 1901. pins, essence répondant aux besoins du marché sont exploités. A cette époque, le quartier est déjà entré dans une nouvelle Au cours de la décennie 1850, c'est dans les forêts du Lac-Saint phase industrielle qui change considérablement les habitudes et Jean que sont coupés une bonne partie des arbres transformés à les conditions de vie des habitants du secteur, tournant ainsi la la scierie du Bassin qui devient la plus importante de la région. page sur la période pionnière chicoutimienne que nous décrit un Afin de faciliter le passage des billots du Lac-Saint-Jean au témoin de cette époque, Eugène Lapointe, qui arrive au Saguenay Saguenay, une glissoire à bois est construite entre 1856 et 1860 en 1882. le long de la Grande Décharge. L'ouvrage de bois long de près [...] sur les deux rivières du Moulin et du Bassin, de magnifiques d'un mille achemine le bois vers les scieries du Saguenay pen chutes tout près du Saguenay, jusqu'au pied desquelles pouvaient dant trente ans. Entre 1873 et 1882, ce sont près de 560 000 pénétrer à marée haute de petits et de moyens bateaux. Site incom billots qui passent par la « dalle », comme on l'appelait à parable pour la construction de scieries et le chargement du bois, l'époque. puisque les bâtiments d'autre-mer pouvaient remonter le Saguenay jusqu'à l'embouchure de ces deux rivières. En 1882, celle de la Rivière-du-Moulin [la scierie] la seconde en cet Après la mort du métis Peter McLeod en 1852, les installations endroit je crois, existait encore mais était abandonnée, tandis que du Bassin passent entièrement entre les mains de son associé, celle du Bassin était en pleine activité. Inutile de dire qu'à ce William Price. Sous l'administration de ce dernier et de ses suc moment-là le tout appartenait à la maison Price... cesseurs, la scierie du Bassin et la plupart des autres moulins du La population de Chicoutimi en 1882 se ressentait quant à sa com Saguenay continuent à rythmer la vie des pionniers de cette position, de son origine. Autour du moulin du Bassin un groupe époque. Les Price sont les principaux employeurs de Chicoutimi. d'ouvriers et quelques employés du bureau ou du magasin de Bon an mal an, une centaine d'hommes travaillent à la scierie du M. Price... Bassin. Le cycle de l'exploitation du bois détermine la vie des habi Il y avait donc à Chicoutimi, dans ce temps-là, deux classes sociales bien distinctes et assez éloignées l'une de l'autre, celle des ouvriers tants du Saguenay : l'hiver dans les chantiers à couper le bois, le et celle des bourgeois. Entre les deux, un certain nombre d'inter printemps à pratiquer la drave et l'été c'est le moulin qui trans médiaires participants plus ou moins de l'une ou de l'autre. forme la matière première en marchandise exportable vers les Les ouvriers étaient en général très pauvres, gagnant peu: 8,00 $ à chantiers de construction d'Angleterre et des États-Unis. 10,00 $ par mois dans les chantiers en hiver, 0,50 $ par jour au moulin l'été, pour une journée de 12 heures. Ils étaient tous très mal L'industrie du bois de sciage au Saguenay connaît ses heures logés. La vie n'était pas chère, parce qu'ils dépensaient très peu, de gloire jusqu'à la décennie 1870. A cette date, la demande en vivant de si peu5 . SAGUENAYENSIA- OCTOBRE-DÉCEMBRE 2005 5
La grande industrie tian de la ville. Ainsi, de 1891 à 1901, on assiste à un accroisse et la fondation de la paroisse Sacré-Cœur (1896-1930) ment significatif, voire spectaculaire de près de 70 % de la popu lation qui passe de 2 227 à 3 826 habitants. L'apport démo En 1896, des changements majeurs surviennent au Saguenay. graphique bat son plein ; Chicoutimi est plus que jamais sur la voie Une classe de jeunes capitalistes chicoutimiens, dont le proprié de la prospérité. Dans les décennies subséquentes, de 1901 à taire du journal local, Joseph-Dominique Guay et un gérant de 1921, le boom démographique s'atténue tout en maintenant une banque du nom de Julien-Édouard-Alfred Dubuc entreprennent augmentation des plus appréciables de la population, soit de d'aménager sur la rivière Chicoutimi des usines de production de 3 826 à 8 937 habitants7 • La pulperie ne cesse, au cours de cette pâte à papier. C'est le début de la grande industrie au Saguenay. période d'augmenter sa production par l'ajout de nouveaux L'aménagement des moulins de la Compagnie de pulpe de moulins. De son côté, la ville de Chicoutimi ressent les bienfaits de Chicoutimi dans le quartier Ouest entraîne un véritable renouveau. la prospérité. Le fonctionnement à plein régime de la production C'est en fait à partir de 1896 que se développe à Chicoutimi un de pâte entraîne une vitalité économique qui se transpose sur tous quartier ouvrier véritablement structuré et planifié. Si la les plans. Compagnie Price n'avait accordé que peu d'importance au développement urbain, il n'en va pas de même pour les nouveaux L'augmentation de la population n'a pu se produire sans l'ap promoteurs qui contribuent à faire naître au Bassin une véritable port d'un mouvement migratoire important. La prospérité de « ville industrielle ». Déjà en 1898, la Compagnie de pulpe influe Chicoutimi, due à son activité industrielle, est connue partout. Il sur le paysage du Bassin notamment par l'installation sur la rue n'est donc pas surprenant que de forts contingents en provenance Montcalm de structures portuaires et de voies ferroviaires pour de la vallée du Saint-Laurent, d'autres provinces du Canada, des l'expédition de la pâte produite par ses usines6 • États-Unis et même de la France et de la Belgique soient attirés par les possibilités qu'offrent Chicoutimi et ses usines. En ce sens, le Une donnée majeure quant à l'évolution du quartier du Bassin développement industriel semble offrir une solution au problème de est son indéniable accroissement démographique. Devant le suc l'exode des Québécois vers les usines de la Nouvelle-Angleterre, cès de la nouvelle société industrielle, c'est non seulement la puisque la majorité des immigrants arrivant des États-Unis sont population locale mais aussi ceux qui proviennent de l'extérieur de d'anciens exilés du Québec. Plus d'une génération viendra y trou la ville qui peuvent profiter de cet apport économique. La popula ver de l'ouvrage, comme en témoigne l'ouvrier Joseph Chantal tion de Chicoutimi s'accroît de façon substantielle au cours des [Mon père] était cultivateur dans le comté de Portneuf. Ma mère est trente années de fonctionnement de la Compagnie de pulpe de morte jeune et il s'était remarié avec une veuve qui avait neuf Chicoutimi. enfants. Chez-nous, on était déjà treize, imaginez la famille que ça faisait. Un peu plus tard, il est venu travailler à la Pulperie mais il n'a jamais résidé d'une façon permanente à Chicoutimi. Un de mes A partir de l'ouverture des usines de pâte à papier à frères a repris la terre dans Portneuf. Mon père allait vivre chez l'un Chicoutimi, une évolution se dénote dans la hausse de la popula- et l'autre de ses treize enfants. Quand je suis arrivé à Chicoutimi en 1917-1918, j'avais à peu près 18 ans. Mon futur lql beau-père, Adélard Bilodeau, était "foreman" au moulin d'en haut... 8 Essor de l'urbanisation : la construction du quartier Ouest de Chicoutimi Ce sont les principaux investisseurs de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi, Joseph Dominique Guay en tête, qui prennent l'initia tive de s'assurer que les ouvriers s'installent le plus près possible des usines de pulpe. Les industriels s'impliquent activement dans le � développement de l'environnement social de la g population ouvrière. Ainsi, à compter de 1898, � de nombreux terrains sont achetés dans le � secteur du Bassin, ils sont minutieusement � cadastrés et chaînés et sont mis en vente à ----..aK---· � toute la population chicoutimienne. On incite Le moulin rri 1 de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi vers 1911. alors fortement les ouvriers à les acquérir. 6 SAGUENAYENSIA- OCTOBRE-DÉCEMBRE 2005
sait du bon bois. C'était pas du bouleau ... Tout le monde qui travaillait au moulin de pulpe faisait ça13. Comme dans toute bonne ville de compagnie, il y a une distinction très prononcée entre les maisons des ouvriers et celles des employés supérieurs. Ainsi, en février 1904, on annonce la construction, par Ludger Cimon, d'une dizaine de maisons pour les cadres et les contremaîtres de la Compagnie de pulpe, de style vernaculaire améri- � cain, donc plus luxueuses14 . Un tel développement domiciliaire requiert également de nombreux travaux publics afin Z3 L.;..:;1i:..-----�--=---....;....::....... --ll....-..;______ ....__·����:!�-•� � d'accommoder la population sans cesse grandis- La côte des Saints-Anges. sante du quartier. De nouvelles voies publiques sont aménagées aux alentours de la pulperie. Les premières décennies du siècle voient donc appa L'offre est attrayante : les ouvriers peuvent alors se procurer raître la rue Dréan, la côte des Saints-Anges, la côte Fortin et bien un terrain d'environ 23 m x 45 m pour une somme qui varie, selon d'autres. L'établissement s'intensifie sur les hauteurs du chemin le cours de la propriété foncière et la localisation, entre 200 et de la Réserve qui, jusque-là comptait parmi les zones agricoles du 400 dollars. Il est même offert aux ouvriers d'acheter des canton de Chicoutimi. Ces hauteurs étaient d'ailleurs désignées emplacements possédant déjà les fondations de la maison. Le sous le vocable de « village Jobin », du nom d'un des cultivateurs montant peut alors varier de 500 à 600 dollars. Les preneurs sont les plus importants du coin : Isaïe Jobin. Par ailleurs, les rues déjà nombreux, d'autant plus que la Compagnie de pulpe offre toutes existantes, Lorne, Bossé et Taché, sont prolongées jusqu'aux les facilités pour financer les investissements de leurs employés. usines de pulpe. La ville entreprend également à partir de 1900, On met ainsi sur pied un système de paiement à terme qui con la construction de trottoirs sur certaines rues du quartier Ouest. tribue à développer très rapidement la construction immobilière dans le quartier Ouest de Chicoutimi. En ce sens, le 16 juin 1906, Toutes ces innovations visent à affermir la vocation du secteur est formée La Société de construction ouvrière de Chicoutimi qui et à améliorer une partie de la municipalité trop longtemps con- sera incorporée au consortium de la Compagnie de pulpe et qui favorise considérablement l'achat, la vente, le loyer et le lotisse- 1 ment de biens immeubles. Dans la même veine, et en raison du développement urbain important que connaît Chicoutimi à cette époque, le même consortium fonde, le 31 décembre 1913, la Chicoutimi Freehold Estates Ltd 9. Toute cette activité immobilière se fait à grands coups de publicité. Le Progrès du Saguenay expose à ses lecteurs l'évolution complète des ventes de terrains et des maisons que l'on construit. Ainsi, dans son édition du 23 mars 1905, on estime que d'ici le printemps de 1906, 100 nouvelles maisons seront érigées10 • Les maisons habitées par les ouvriers sont généralement bâties sur un étage et demi. L'architecture de ces bâtiments, évalués entre 2 800 et 3 300 dollars, s'inspire pour la plupart du style québécois avec toiture à double versant. Bien que fort modestes, ces maisons sont confortables et peuvent posséder toutes les commodités disponibles à Chicoutimi à cette époque11 • Selon M. Chantal, on chauffait généralement les demeures avec le bois qui pouvait être acheté à même les stocks de la compagnie. On payait un voyage double, $1.00... Un voyage à deux chevaux; une grande boîte [tirée par deux chevaux]... Ça c'était du bois« colle12 » Résidence de Joseph Tremblay, surintendant à la Compagnie de pulpe on le faisait sécher, on le faisait débiter comme il faut et ça nous fai- de Chicoutimi. SAGUENAYENSIA - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2005 7
sidérée comme l 1 endroit mal famé de la ville. Bien entendu, l 1 endroit reste un peu suspect. C 1 est là, le plus souvent, que surviennent les entorses les plus criantes aux bonnes manières. C 1 est d 1 ailleurs près de l 1 emplacement de la future église du Sacré-Cœur qu'à la fin du XIXe siècle, se situe le « Cran Chaud » réputé depuis de nombreuses années par la présence de femmes aux mœurs légères. Il s 1 agit, en effet, du lieu de résidence de la célèbre « Gourgane ». Elle et sa consœur « Maringouin » étaient réputées pour occuper le métier de prostituée. Un témoin de l 1 époque, Thomas Dassylva, nous donne une description de ce lieu peu recommandable Il y avait dans le temps deux ou trois familles de mauvaise réputa tion; et dans ce temps-là, vous savez que quand il y avait une mau ' vaise femme c'était quelque chose d'abominable. On regardait ça comme bien terrible. Ces familles vivaient isolées sur le rocher, et les gens appelaient cela « Le Cran des Femmes Chaudes ». Parmi celles-là, il y avait celle dont on parlait le plus : « La gourgane », qui C: avait sa maison juste où est aujourd'hui l'église du Bassin15. Les services de la religion au Bassin: l'arrivée des Eudistes et l'ouverture de la paroisse du Sacré-Cœur La nouvelle chapelle du Bassin, construite en 1893. Le salut des âmes de la population ouvrière du Bassin est une préoccupation constante pour les autorités diocésaines au XIXe siècle. À son arrivée à Chicoutimi, à l'automne 1892, le nou vit surgir de la terre une chapelle, où elle pourrait désormais servir vel évêque, Mgr Michel-Thomas Labrecque, constate le dénue Dieu avec une ferveur, jusque-là un peu assoupie dans son cœur ment presque complet de ses ouailles du Bassin en regard des pourtant si croyant 16. services de la religion. La décision est alors prise de construire une chapelle sur le site même où étaient érigés les deux bâti La nouvelle chapelle est en fait une desserte de la cathédrale ments qui avaient servi jadis à évangéliser les Amérindiens et à dont les prêtres en assurent le service religieux pendant dix an� abriter la ferveur chrétienne des premiers Blancs établis au avant que la nécessité de construire un temple plus grand n'appa Saguenay. raisse. Elle servira alors à des organismes religieux et commu nautaires qui l'utiliseront comme lieu de rassemblement et de réu Le 11 mai 1893, l'évêque bénit en personne et avec grand nion. Dans ces murs, entre autres, vont se dérouler plusieurs déploiement la première pierre de la nouvelle chapelle du Sacré assemblées houleuses du Syndicat catholique local. C'est là Cœur de Chicoutimi. Cette chapelle dont les travaux se également qu'aura lieu, le 1er octobre 1911, l'assemblée de fon termineront au mois d'août 1893, devait rendre de précieux servi dation de la première caisse populaire de Chicoutimi, en présence ces à la population du Bassin. Auparavant les habitants du quar d'Alphonse Desjardins. En 1930, lors de sa démolition, la chapelle tier Ouest devaient se rendre à la cathédrale pour y entendre la du Bassin s'inscrit définitivement dans les livres d'histoire. messe. La chapelle du Sacré-Cœur est un modeste bâtiment de 46 m par 22 m, fait essentiellement de brique et dont Au cours des premières années du XXe siècle, il n'y a pas les plans sont l'œuvre de l'industrieux secrétaire de l'évêché, qu'un lieu de culte plus spacieux qui puisse combler les besoins l'abbé Thomas Roberge. Monseigneur Labrecque lui-même spirituels de la population du Bassin. De par sa situation géo voyait à la régularité des offices religieux dans cette chapelle. Le graphique et par l'importance de son peuplement, le quartier samedi et les veilles de fêtes, les confessions étaient entendues revient au centre des préoccupations de l'évêque de Chicoutimi. et chaque dimanche la parole sainte était livrée à ce peuple qui, Une solution d'envergure s'impose et l 1 ouverture d'une seconde selon les dires de l'évêque, était des plus disposé à la grâce de paroisse à Chicoutimi semble se présenter comme la solution tout la religion. indiquée. Des démarches sont entreprises et en 1902, Je le constatai avec chagrin [le manque de structures religieuses au Mgr Labrecque entre en contact avec des représentants de la Bassin] et, sans retard, une humble église s'éleva au milieu de vous, communauté religieuse française des Eudistes. au prix de sacrifices que l'état financier de l'Évêché à cette époque reculée rendait assez lourds. Jamais, je n'oublierai la joie que mani Au début du siècle la situation des Eudistes est peu reluisante. festa votre population, quand un bon matin, sans avis préalable, elle En France, les forces de la déconfessionnalisation et de l 1 anticléri- 8 SAGUENAYENSIA - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2005
calisme entraînent le gouvernement de la Ille République à prendre avec la Compagnie Price qui cède à la paroisse une série de ter la décision de fermer les portes de nombreuses institutions à rains bornés par la rue Bossé et les terrains de Louis Robin et de caractère religieux. Les Eudistes, cherchant une porte de sortie, la Compagnie de chemin de fer Québec-Lac-Saint-Jean20 • En con entreprennent un voyage en Amérique du Nord pour y trouver un trepartie, la paroisse cède à Price le terrain sur lequel est située la refuge propre à la reprise de leurs œuvres. C 1 est ainsi qu 1 au mois chapelle du Bassin2 1• Quelque temps auparavant, le 28 septembre d 1 août 1902, le père Gustave Blanche, en visite à Québec, con 1903, les Eudistes avaient acquis, pour la somme de 3000 dol vient d 1 une entente avec l 1 évêque de Chicoutimi qui conduit à la lars, les lots de Louis Robin situés en contiguïté avec ceux de la prise en charge d 1 une nouvelle paroisse, celle du quartier des Compagnie Price22 • C'est donc à cet endroit que seront cons ouvriers par les eudistes. La décision de fonder la paroisse du truits l 1 église et le futur presbytère. Sacré-Cœur est prise au mois de décembre et dès le 6 janvier 1903, arrivent à Chicoutimi les pères Louis Le Doré, premier curé Entre-temps, les Eudistes ont donné à l 1 architecte René de la paroisse, et Édouard Travers, son vicaire. Le 16 septembre Pamphile Lemay, le même qui a signé les plans de quelques bâti 1903, Mgr Labrecque érige officiellement le Bassin en paroisse ments de la pulperie, et qui réalisera ceux de la nouvelle cathé consacrée au Sacré-Cœur de Jésus. drale en 1913, le soin de dessiner Le décret officiel est lu à la cathé- les plans de l 1 église. Le 19 mars drale et à la chapelle du Bassin pen 1903, Le Progrès du Saguenay en dant deux dimanches. À leur arrivée à publie fièrement un croquis23• On Chicoutimi, les pères Eudistes, qui affirme avec certitude que cette nou 1 logent quelque temps à l évêché puis velle construction constituera le cen dans une maison qu'ils acquièrent tre d 1 une véritable ville. A la fin de dans le quartier Ouest, se consacrent l 1 année 1903, la direction des immédiatement à leur tâche17 . Il y a travaux est confiée à Joseph beaucoup à faire au Bassin. Les nou ♦. _l Gasselin de Lévis. Il s 1 engage à veaux arrivants déploient un esprit t;VYt·l- fournir la main-d 1 œuvre, les maté fl 1 1 d initiative étonnant, d autant plus ' riaux et les outils pour effectuer les 1 1 qu ils bénéficient d une liberté qui, il ouvrages de maçonnerie, de taille de faut l 1 admettre, leur permet d 1 agir à pierre, de charpenterie et de menui leur guise. Les pères Eudistes entre r- ' ,, , serie. La somme allouée à monsieur prennent en premier lieu de se con Gasselin est assez considérable 1 sacrer à l'édification d un temple 32 581 $ 24• Si on ajoute le coût des répondant aux besoins de la nouvelle travaux intérieurs et les rénovations entité religieuse18 • qui auront lieu par la suite, le temple coûtera à la communauté la ron L'église du Sacré-Cœur delette somme de 62 000 $. ..... ..... N Le 16 septembre 1903, Les travaux débutent avec le nivel- C) 'l=_ Mgr Labrecque érige officiellement le � lement des terrains en octobre 1903 Bassin en paroisse consacrée au ; et se terminent avec la bé�édiction Sacré-Cœur de Jésus. Le décret offi g du nouveau temple le 13 aout 1905. ciel est lu à la cathédrale et à la � Cet imposant édifice de 177 m de chapelle du Bassin pendant deux L'église du Sacré-Cœur de Chicoutimi. longueur par 45 m de largeur est dimanches19 . A partir de ce geste offi- construit avec le granit du cran qu 1 il ciel, les Eudistes rivaliseront d 1 au- domine, sauf pour la pierre blanche dace et d 1 imagination pour diriger de la façade et du clocher qui toutes les facettes de la vie sociale des ouvriers. Le premier pro provient de Rivière-à-Pierre. A l 1 intérieur du clocher qui s 1 élève à jet d 1 envergure auquel se consacrent les révérends pères est de 93 m, sont installées quatre cloches dont le poids varie de 341 kg doter la paroisse d 1 un temple répondant aux besoins de la nouvelle pour la plus petite à 2848 kg pour la plus grosse. Elles sont bap entité religieuse. tisées lors d 1 une cérémonie qui a lieu le 20 août 1905. Ces cloches sont acquises grâce à la générosité de plusieurs citoyens, Le projet de construire une véritable église dans le quartier du les principaux promoteurs de l 1 industrie, les personnalités poli Bassin de Chicoutimi ne concerne pas seulement que les Eudistes. tiques, les commerçants, tous les gens bien en vue de la société Le 13 novembre 1903, les pères concluent un contrat d 1 échange chicoutimienne de l 1 époque25 • SAGUENAYENSIA- OCTOBRE-DÉCEMBRE 2005 9
Le nouveau temple a fière allure. Il s 1 inspire de l 1 architecture confréries et rassemblements à saveur religieuse de tout genre gothique et s 1 harmonise à merveille avec la nature environnante. visant à orienter les aspirations des ouvriers vers des avenues L 1 église du Sacré-Cœur s 1 avère être un des joyaux du paysage dévotes. Ainsi se succèdent les fondations. Dès 1903 sont mis sur urbain de Chicoutimi. Cependant, plusieurs travaux restent à faire. pied la congrégation des dames de Sainte-Anne, les enfants de La communauté est pauvre et doit attendre 1928 pour compléter Marie et la conférence Saint-Vincent-de-Paul. L 1 année suivante, l 1 aménagement intérieur de l 1 église. Les travaux sont alors confiés on procède à la création de la chorale, en 1905, c 1 est la grande à Alfred Lamontagne. Celui-ci remplacera toutes les charpentes de ligue du Sacré-Cœur qui voit le jour et en 1906, la petite ligue du bois par des poutres en acier et utilisera des matériaux protégeant Sacré-Cœur commence à embrigader les jeunes gens. L 1 arrivée le bâtiment contre le feu. On procède au même moment à la déco en 1908 du père Jean-Marie Dréan à la tête de la paroisse pour ration intérieure de l 1 église. On meuble l 1 église de façon à lui don suit le mouvement de fondation d 1 organismes. Sous son autorité ner le même style qu'à I·extérieur26 • sont formées les sociétés des Saints-Anges, de Sainte-Jeanne d 1 Arc et de Sainte-Marthe pour les jeunes filles. En 1922, c 1 est le En ce qui concerne le presbytère. les pères Eudistes. par souci cercle Dréan de l 1 A.C.J.C. (Association canadienne de la jeunesse 1 d économie. achètent une maison au coin des rues Bossé et Taché catholique) qui débute ses activités avec le concours de plusieurs qui les logera jusqu 1 au 24 avril 1919. Sous l 1 initiative du vicaire, le jeunes hommes, et au mois d 1 avril de la même année le père père Joseph-Marie Courtois27• des travaux de construction d 1 un Joseph Courtois procède à la fondation d 1 un corps de zouaves presbytère seront enclenchés en 1918. Le bâtiment de trois pontificaux. À cela s 1 ajoutent les mouvements de tempérance, et étages, dont les plans sont signés aussi par l 1 architecte Alfred les très nombreuses dévotions et manifestations religieuses pério Lamontagne, est la réplique presque parfaite d 1 un château diques30. d 1 Auvergne datant de la Renaissance. L I édifice est impressionnant et constitué de matériaux somptueux. Le presbytère offre toutes Les Eudistes s 1 impliquent également, à compter de 1907, les commodités aux Eudistes de Chicoutimi. En plus des chambres dans les œuvres syndicales de Mgr Eugène Lapointe. Ce dernier et des bureaux personnels, les révérends pères bénéficient d I une fait alors œuvre de fondation en appliquant chez les ouvriers des grande bibliothèque, d'une verrière et de salles de repos spa usines de pulpe de Chicoutimi les principes de la doctrine sociale cieuses. En annexe au corps principal du bâtiment, se trouve le de l'Église catholique énoncée par l'encyclique Rerum Novarum du logement des sœurs de Sainte-Marie de la Présentation chargées, pape Léon XIII en 1891. La Fédération ouvrière de Chicoutimi, qui à compter de 1920, de la tenue du presbytère. L 1 intérieur de l 1 édi devient en 1912 la Fédération ouvrière mutuelle du Nord fice, décoré de structures de chêne et d 1 épais murs recouverts de (F.O.M.N.) fait adopter différentes mesures visant à améliorer les plâtre, offre à l 1 œil une impression de solennité et de tranquille conditions de travail des ouvriers tout en protégeant la paix sociale recueillement. existant entre le prolétariat et le capital local. De concert avec les autorités religieuses, le syndicat catholique chicoutimien orchestre Comme nous l 1 avons vu précédemment, les autorités le combat contre les syndicats internationaux et celui contre le tra dirigeantes de la pulperie s 1 impliquent à fond dans l 1 installation vail du dimanche3 1. L'union ouvrière supervise aussi avec les capi des Eudistes dans le quartier de leurs ouvriers. Un autre exemple talistes de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi la Caisse des en est donné lorsque le 31 mai 1905, Le Progrès du Saguenay petites économies mise sur pied quelques années auparavant. annonce en grande pompe que la paroisse du Sacré-Cœur pos Cette dernière se saborde en 1911 au profit de la Caisse populaire sède maintenant un vaste cimetière et que le terrain est offert, encore une fois, par l 1 industrie nourricière de la paroisse28 • Le journal se plaît d 1 ailleurs à préci ser que la paroisse et tous les développements qui s•y font sont dus à la seule activité de la pulperie29• L 1 œuvre des Eudistes au Bassin Les Eudistes déploient un zèle formidable à la mise en œuvre de leur mission d 1 encadrement moral et spirituel de la population ouvrière. Peu de temps après leur arrivée, ils s 1 attaquent à la lourde tâche qui leur incombe. Ils chercheront par tous les moyens à impliquer les habitants dans de nombreuses activités à caractère spirituel et temporel. On compte au Bassin, vers 1930, 23 organismes, ligues, groupes, Intérieur de la succursale de la Banque Nationale au Bassin vers 1918. 10 SAGUENAYENSIA- OCTOBRE-DÉCEMBRE 2005
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