La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 42 - automne 2018 - Astrogaac

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La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 42 - automne 2018 - Astrogaac
la porte des étoiles
        le journal des astronomes amateurs du nord de la France

Numéro 42 - automne 2018                             42
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 42 - automne 2018 - Astrogaac
À la une
                                                      Nuages noctulescents

                                                      Auteur : Simon Lericque
                                                      Date : 16/06/2018
                                                      Lieu : Monchy-le-Preux (62)
GROUPEMENT D’ASTRONOMES                               Matériel : Canon EOS 7D et
                                                      téléobjectif Canon 70-300
  AMATEURS COURRIEROIS

                                                                                                               Édito
Adresse postale
GAAC - Simon Lericque
12 lotissement des Flandres
62128 WANCOURT

Internet                                              Avec ce numéro d’automne, le GAAC entame sa dixième
Site : http://www.astrogaac.fr                        année d’existence... À l’image de cette (encore) jeune histoire,
Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62            cette 42ème porte des étoiles met l’accent sur le patrimoine
E-mail : contact@astrogaac.fr                         scientifique et les balades astronomiques, deux domaines dont
                                                      sont particulièrement friands les membres de l’association. Dans
                                                      les pages qui vont suivre, vous pourrez voyager de par le vaste
                                                      monde et découvrir un certain nombre d’horloges exotiques. La
                                                      mesure du temps et les lunettes mérdiennes étaient jadis utilisées
Les auteurs de ce numéro                              de concert pour l’établissement des cartes du ciel. L’article
                                                      d’ouverture raconte justement l’intérêt de ces instruments que
André Amossé - membre du GAAC
                                                      l’on croise encore parfois dans les observatoires astronomiques.
E-mail : aamosse@nordnet.fr
                                                      D’observatoires astronomiques, il en est aussi question puisque
Site : http://astroequatoriales.free.fr
                                                      quelques uns de nos adhérents ont pu en visiter deux ces derniers
Jean-Pierre Auger - membre du GAAC
                                                      mois : celui de la Sorbonne à Paris, et l’Observatoire Centre
E-mail : francoise.auger95@wanadoo.fr                 Ardenne chez nos voisins belges. Ils vous racontent à nouveau
                                                      de belles découvertes et de belles rencontres. Pour finir, la galerie
Fabienne et Jérôme Clauss - membres du GAAC           finale met à l’honneur deux phénomènes astronomiques rares :
E-mail : claussjerome@yahoo.fr                        une éclipse totale de Lune et les nuages noctulescents...
Site : http://astrosurf.com/shootingstar

Simon Lericque - membre du GAAC
E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr
Site : http://lericque.simon.free.fr
                                                                                 Sommaire
                                                      5.........................................................Les lunettes méridiennes
                                                                                                                      par André Amossé
                                                      15.................................................................Sens et contresens
                                                                                                                   par Jean-Pierre Auger
L’équipe de conception
Simon Lericque : rédac’ chef tyrannique               19....................................................Astronomie et vexillologie
Arnaud Agache : relecture et diffusion                                                                            par Simon Lericque
Catherine Ulicska : relecture et bonnes idées
Fabienne Clauss : relecture et bonnes idées           25..........................................................Une nuit à la Sorbonne
Émeline Taubert : relecture et bonnes idées                                                                         par Simon Lericque
Olivier Moreau : conseiller scientifique
                                                      31....................De passage par l’Observatoire Centre Ardenne
    Edition numérique sous Licence Creative Commons
                                                                                          par Fabienne et Jérôme Clauss

                                                      35����������������������������������������������������������������������������� La galerie
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• • • • LA VIE DU GAAC

C’était cet été
 Nuit Astro de Grévillers du 7 septembre
                                      Conférence de Simon Lericque à Mont Bernenchon

Assemblée Générale 2018
                                                          La Nuit des Étoiles
    Rencontres Astrociel                                    Visite de l’Observatoire de Calern

Portes ouvertes de l’observatoire
    de Thury-sous-Clermont
                                                                                31ème Nuit Noire
                                                                                du Pas-de-Calais

                     Visite de l’Observatoire de Nice

                                               Exposition ‘‘Carnets de voyages astronomiques’’
                                                       à la médiathèque de Courrières

Ce sera cet automne
        Mission 2018                                  RCE                                     Nuit Noire
Du 7 au 14 octobre, le GAAC           C’est le grand rendez-vous des              Le 8 décembre, ce sera (déjà)
prendra à nouveau de la               astronomes amateurs. Du 1er au              la 32ème Nuit Noire du Pas-
hauteur : direction Saint-Véran       3 novembre, les Rencontres du               de-Calais. Toujours au lycée
et l’observatoire Astroqueyras        Ciel et de l’Espace se dérouleront          agricole de Radinghem, le beau
pour une nouvelle mission             à la Cité des Sciences et de                temps a été commandé pour les
d’observation en autarcie...          l’Industrie de la Villette.                 nombreux astronomes présents !

                Retrouvez l’agenda complet de l’association sur http://www.astrogaac.fr/agenda.html
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• • • • LA VIE DU GAAC

Les instantanés

                       La tête à l’envers
                     Marzy (58) - 16/04/2018

                                                                                Michel a décroché la Lune !
                                                                                Grévillers (62) - 05/05/2018

                                                                                 Chez les bons amis !
                                                                                Rouy (58) - 13/04/2018
          Le menu des observations du soir...
               Lille (59) - 02/06/2018

                                                                      Gervais se lance dans le dessin solaire
                    Un phallus martien                                    Tauxigny (37) - 08/05/2018
                  Lille (59) - 09/01/2018
          Retrouvez la vie ‘‘officieuse’’ de l’association sur la page Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62

la porte des étoiles n°42                                                                                           
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• • • • HISTOIRE

Les lunettes méridiennes
 Instruments de mesure du ciel et de mesure du temps

Par André Amossé

Dans de nombreux observatoires astronomiques historiques, outre un instrument d’observation principal
– télescope ou équatorial – on trouve également des lunettes méridiennes. C’est notamment le cas à
l’observatoire de Lille où l’instrument méridien, rénové par les membres de l’association Jonckheere, trône
désormais dans la salle du patrimoine pour le plus grand plaisir des visiteurs de passage. Les plus curieux
d’entre eux s’intéressent souvent à l’histoire de ces instruments particuliers et à leur fonctionnement, très
utile notamment en astronomie de position.

                La lunette méridienne de Hem, exposée dans la salle du patrimoine à l’observatoire de Lille

                              Les premiers catalogues d’étoiles
Les plus anciens catalogues d’étoiles connus remontent à la Chine antique. À l’époque des Royaumes
combattants aux IVème et IIIème siècles avant notre ère, on trouve déjà des nomenclatures de plus
d’un millier d’étoiles réparties en plus de 200 astérismes. La plus ancienne carte du ciel qui nous soit
parvenue, la carte de Dunhuang, date du VIIème siècle de notre ère. Elle a été réalisée à partir de trois
anciens catalogues du ciel provenant de cette ancienne époque antique. Cette carte représente 1300 étoiles
réparties en 257 constellations et la position relative des étoiles les plus brillantes est donnée avec une
précision de 2 à 4°.

la porte des étoiles n°42                                                                                               
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• • • • HISTOIRE

                                                                     Cependant, c’est à Hipparque de Nicée
                                                                     (-190,-120) que nous attribuons souvent
                                                                     le plus ancien recensement d’étoiles
                                                                     (plus de 800) et leur répartition en six
                                                                     catégories d’éclats. Il le réalise vers
                                                                     140/130 avant notre ère. En comparant
                                                                     ses propres mesures à celles réalisées
                                                                     par Timocharis d’Alexandrie 150 ans
                                                                     plus tôt, il découvre la précession des
                                                                     équinoxes.
                                                                    Le plus connu et le plus utilisé des
                                                                    catalogues antiques est bien sûr celui de
                                                                    Claude Ptolémée (90 – 168). Il contient
                                                                    1025 étoiles avec une précision moyenne
                                                                    de 15’. Ce catalogue reste la référence
                                                                    pendant de nombreux siècles. Il est copié et
                                                                    réduit à d’autres équinoxes, notamment par
             Une partie de la carte du ciel du Dunhuang             l’astronome arabe Al-Sufi en 964 et lors de
                                                                    l’établissement des Tables Alphonsines vers
1250. Cette base d’étoiles sert à l’élaboration de cartes, à déterminer des positions géographiques, à suivre le
cheminement des astres errants, à établir les tympans d’astrolabes... Tout ceci pour des applications pratiques
de mesures du temps, d’estimation de sa localisation sur Terre et sur mer, d’établissements d’éphémérides...
Plus tard, d’autres catalogues voient le jour, comme celui d’Ulug-Beg (1394-1449) en 1437 (Samarcande).
Les instruments utilisés pour mesurer la position des étoiles, bien qu’à l’allure rudimentaire atteignent déjà
une précision de l’ordre d’une dizaine de minutes d’angle. Le Triquetrum est l’un des plus anciens et des plus
utilisés à poste fixe.
L’apparition de comètes ou d’étoiles nouvelles, mais aussi la détermination précise du cheminement des
planètes, poussent les astronomes à établir des catalogues de plus en plus précis et contenant davantage d’étoiles.
De génération en génération, les techniques de mesures et les instruments se perfectionnent jusqu’au ‘‘raffinement’’
des instruments de Tycho Brahé (1546-1601). Il fait, entre autres, construire un quadrant de 2 mètres de
diamètre avec lequel il est capable de mesurer des angles à 20’’ près (mesures relatives entre deux astres).
Les catalogues de
Johannes Hévélius
(1611-1687)
atteignent        une
précision d’environ
2’ en position absolue
et recensent plus de
1500 étoiles. C’est
avec ses catalogues
que le système
de      coordonnées
équatoriales
commence             à
s’imposer.

Illustration d’une mesure
   sur le ciel à l’aide d’un
        triquetrum - Tycho
        Brahé et son grand
                    quadrant

la porte des étoiles n°42                                                                                         
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• • • • HISTOIRE

                            Les premiers instruments méridiens
Au XVIIème siècle, l’instrumentation de l’astronomie de position va bénéficier de plusieurs avancées
techniques : d’abord l’amélioration des techniques de division des cercles gradués, puis l’invention du vernier
(échelle fractionnaire mobile, inventée par Pierre Vernier (1580-1637) en 1631, l’arrivée des instruments
d’optique, l’invention du micromètre à fils par Adrien Auzout (1622-1691) et Jean Picard (1620-1682) en 1668,
et enfin, les débuts de l’horlogerie de précision avec
l’horloge à balancier de Christian Huygens (1629-
1695) en 1656.
Tout est réuni pour permettre d’accéder à une
précision toujours plus grande afin de satisfaire
les besoins des astronomes toujours plus exigeants
dans la mesure du ciel et de la Terre. Picard et
Auzout débutent cette course à l’observatoire de
Paris avec leurs sextants et leurs quarts de cercle
équipés de micromètres et de lunettes. Ils mesurent
simultanément la hauteur des astres et l’instant de
leur passage au méridien à l’aide de deux instruments
différents. Ils bâtissent ainsi les fondements de
l’astrométrie. C’est à Jean Picard que l’on attribue
l’idée de sceller un quart de cercle dans le plan
méridien. Un instrument de cinq pieds (environ
1,5 mètre) est installé à l’observatoire de Paris. Il
est opérationnel un an après le décès de Picard.
Quasiment au même moment, John Flamsteed
(1646-1719) en fait installer un à l’observatoire de
Greenwich.
Durant son séjour à l’observatoire de Paris, Olaüs
Roemer (1644-1710) est élève et assistant de Picard.
De retour à Copenhague en 1681, inspiré par son
expérience acquise à Paris, Roemer travaille sur un          La lunette méridienne de Roemer dans son habitation de
nouvel instrument, conçu vers 1690 : la Machina                                   Copenhague
Domestica. C’est l’ancêtre de la lunette méridienne : c’est-à-dire une lunette qui ne possède qu’un axe de
rotation horizontal et orienté perpendiculairement au méridien. L’instrument est installé à travers une ouverture
face au sud. L’axe de rotation horizontal est directement fixé au mur. Un secteur gradué permet de lire la
hauteur de l’astre visé. À l’aide d’une loupe située sur l’index, on lit aisément les angles à la minute près.
Cette méridienne est installée chez Roemer. Sur la figure ci-dessus, on aperçoit deux horloges pour mesurer
l’instant des passages au méridien. L’instrument est en cours de montage. On constate la mise en place d’un
poids permettant d’éviter les flexions de l’axe de rotation. Le tube de la lunette est constitué de deux cônes
afin, là aussi, d’atténuer les contraintes mécaniques. Ceci montre la préoccupation de disposer d’un instrument
de mesures le plus stable possible.
En 1704, Roemer améliore son système de mesure : il équipe une lunette d’un cercle gradué et fait reposer l’axe
de rotation horizontal sur des coussinets qui, eux-mêmes, reposent sur deux piliers. Cette version a l’avantage
de viser les astres sur les 180° du méridien ce qui n’était pas possible avec son premier instrument. Deux
lectures d’angle sont possibles et pour une étoile circumpolaire, on peut obtenir sa hauteur à la culmination au
sud et au passage inférieur au nord. Ce second instrument va devenir le modèle à suivre.
Cependant, bizarrement, les astronomes vont mettre près d’un siècle avant d’en faire ‘‘l’instrument roi’’ de
l’astrométrie. Ils lui préfèrent le quart de cercle mural puis le cercle mural, tous deux équipés d’une petite
lunette. Largement utilisés jusqu’au début du XIXème siècle, ces instruments sont associés à une lunette des
passages qui ne mesure que l’instant de passage au méridien. À l’observatoire de Greenwich, James Bradley
(1693-1762) dispose d’une lunette méridienne, mais c’est surtout avec un quart de cercle mural de 2,4 mètres

la porte des étoiles n°42                                                                                        
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 42 - automne 2018 - Astrogaac
• • • • HISTOIRE

                                                                et un secteur zénithal qu’il réalise des mesures
                                                                régulières lui permettant de mettre en évidence
                                                                l’aberration annuelle et la nutation.
                                                                À Paris, Jérôme de Lalande (1732-1807), au début des
                                                                années 1780, entreprend la réalisation d’un nouveau
                                                                catalogue de près de 47000 étoiles allant jusqu’aux
                                                                magnitudes 8/9. C’est un énorme travail qui n’a
                                                                encore jamais été tenté à l’époque. Il est aidé par ses
                                                                élèves successifs, notamment Michel Lefrançois, qui
                                                                est aussi le neveu de Lalande. Le catalogue est terminé
                                                                en 1801 mais ne sera publié qu’en 1847. L’instrument
                                                                utilisé est le quart de cercle de Bird (voir ci-contre)
                                                                muni d’une lunette de sept centimètres de diamètre.
                                                                La réduction des observations pour l’équinoxe de
                                                                1800 donne une précision des positions à 0,01’’
                                                                et 0,1’’. En comparant ses mesures avec celles de
                                                                Flamsteed, Lalande détermine le mouvement propre
                                                                de près de 500 étoiles (publication posthume dans
                                                                ‘‘la connaissance des temps’’ de 1808). Ainsi durant
                                                                toutes ces années, la lunette méridienne est presque
 Quart de cercle mural de l’observatoire de Paris, construit    oubliée ou n’est utilisée que pour mesurer les instants
                   par John Bird - 1774                         de passage des astres au méridien.
Il faut attendre 1839, l’année où Wilhem Struve (1793-1864) fonde l’observatoire impérial russe à Poulkovo, pour
que la lunette de passage soit rééquipée de cercles gradués précis comme l’avait expérimenté Roemer. Struve a
la charge de cartographier l’immense territoire du tsar Nicolas Ier. Pour cela, il lui faut établir une liste d’étoiles
de références aux coordonnées connues très précisément à partir desquelles il pourra déterminer la situation
                                                               géographique de différentes localités réparties sur
                                                               l’ensemble de l’empire russe. Il fait donc installer
                                                               à Poulkovo plusieurs instruments dont une lunette
                                                               méridienne de 15 centimètres d’ouverture munie
                                                               de deux cercles gradués de 1,2 mètre de diamètre.
                                                               Struve collabore lui-même avec les ateliers
                                                               Repsold d’Hambourg pour la construction de cet
                                                               instrument. C’est une réussite ! L’observatoire
                                                               de Poulkovo devient une référence, copié non
                                                               seulement pour sa grande lunette équatoriale de
                                                               38 centimètres d’ouverture mais aussi pour ses
                                                               instruments méridiens.
                                                                  À Greenwich, Georges Airy, (1801-1892)
                                                                  persuadé de la nécessité d’effectuer les mesures
                                                                  de temps et de hauteur avec le même instrument,
                                                                  fait construire une lunette méridienne de 20,5
                                                                  centimètres d’ouverture équipée de deux cercles
                                                                  de 1,2 mètre. Le but d’avoir un instrument
                                                                  avec une aussi grande ouverture est de pouvoir
                                                                  mesurer le plus précisément possible la position
                                                                  des astéroïdes, petits astres errants de faible
                                                                  éclat découverts depuis peu, et d’établir des
                                                                  catalogues comprenant davantage d’étoiles.
                                                                  L’appareil est installé en 1850. C’est le méridien
    La lunette méridienne de 20,5 centimètres d’ouverture de      de cet instrument qui devient en 1884 le méridien
                  l’observatoire de Greenwich                     international.

la porte des étoiles n°42                                                                                            
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 42 - automne 2018 - Astrogaac
•• •• •• •• SCIENCES
                                                                                                                HISTOIRE

                            Les trois instruments méridiens de l’observatoire de Paris en 1920.

Dans les années 1830, on installe à l’observatoire de Paris un cercle mural de deux mètres de diamètre équipé
d’une lunette de 12 centimètres d’ouverture et une lunette des passages de 15 centimètres. Ces deux instruments
sont construits par Henri-Prudence Gambey (1787-1847). En 1863, Urbain Le Verrier fait construire par les
ateliers Secretan une lunette méridienne de 23 centimètres d’ouverture et équipée d’un cercle gradué de deux
mètres de diamètre. Elle est installée à proximité des instruments de Gambey.
D’autres lunettes méridiennes vont être installées notamment à l’US Naval Observatory à Washington, en
Allemagne (observatoire de Königsberg, de Bonn …), dans l’hémisphère sud... Cependant avant de poursuivre
cette histoire, détaillons les principes de la lunette méridienne.

                      Description et principe de fonctionnement
La lunette méridienne est un réfracteur dont l’axe optique ne peut se déplacer que dans le plan du méridien
sud-zénith-nord, ceci par l’intermédiaire d’un axe de rotation horizontal et perpendiculaire à la direction nord-
sud. Elle peut couvrir le méridien en entier du nord au sud et inversement et est équipée d’au moins un cercle
gradué solidaire de l’axe de rotation et de la lunette. Ce cercle est lui aussi dans le plan du méridien, centré et
perpendiculaire à l’axe de rotation horizontal. L’instrument vise les astres lors de leur passage au méridien.
Des verniers et des microscopes de lecture sont disposés tout autour du cercle gradué. On équipe la lunette
d’un micromètre à fils qui permet de marquer précisément les passages des astres dans l’axe optique de la
lunette. Associé à une horloge de précision, cet instrument mesure les coordonnées équatoriales d’un astre,
mesure le temps et détermine la marche d’une pendule sidérale.
Selon le degré de précision et le but souhaité, on a développé des versions ‘‘transportables’’, plus pratiques mais
moins précises et des versions ‘‘lourdes’’ à poste fixe. Ces derniers instruments mesurent le plus précisément
possible des étoiles dites fondamentales à partir desquelles, par exemple, on peut se référer pour la cartographie
du ciel, le suivi astrométrique des comètes ou des astéroïdes, ou encore la mesure des mouvements propres
des étoiles.

la porte des étoiles n°42                                                                                        
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• • • • HISTOIRE

                    Les lunettes méridiennes de l’observatoire de Nice et de l’observatoire de Besançon

                 Mesure du temps et de la marche d’une horloge
Le temps qui sépare deux passages consécutifs d’une même étoile au méridien correspond au temps que met
la Terre pour faire un tour sur elle-même, soit 23 heures 56 minutes et 4 secondes en temps universel ou 24
heures en temps sidéral. Ainsi, une horloge sidérale marquera une différence de temps de 24 heures exactement
entre deux passages consécutifs d’une même étoile au centre du champ de la lunette.
Mais, comme le temps sidéral, à un instant donné, n’est autre que l’angle dont le ciel a tourné en apparence
depuis le passage du point vernal au méridien, il est identique à l’ascension droite des étoiles qui passent au
méridien à cet instant. Ainsi, mesurer l’instant de passage d’une étoile de référence dont on connaît l’ascension
droite donne directement le temps sidéral. On peut donc comparer l’ascension droite de cette étoile avec
l’heure de la pendule sidérale associée à la lunette méridienne et connaître ainsi l’avance ou le retard de cette
horloge. Si différence il y a, on se garde bien de rectifier la marche de l’horloge. On tiendra tout simplement
compte de cette différence lors de la réduction des observations dans le cas de la mesure de position.

                            Mesure des coordonnées équatoriales
Il faut au préalable connaître la latitude du lieu d’observation. Cette donnée peut-être déterminée à l’aide
de l’instrument lui-même. Il faut bien comprendre que la lunette méridienne ne mesure pas la hauteur d’un
astre par rapport à l’horizon, mais sa distance angulaire avec le zénith (distance zénithale Z). Pour une étoile
circumpolaire, on peut mesurer deux distances zénithales, l’une lors du passage supérieur (Zs) et l’autre lors
de son passage inférieur (Zi). Or, dans le plan méridien, nous avons les relations Zs = L – D et Zi = L + D – 180°
où D est la déclinaison de l’étoile et L la latitude du lieu d’observation.
On déduit de ces relations que L = 90° + 1/2( Zs+Zi). Connaissant maintenant la latitude du lieu d’observation
L (sans avoir eu besoin de connaître la déclinaison de l’étoile), la seule mesure de Zs permet d’obtenir la
déclinaison de n’importe quelle autre étoile : D = L – Zs. L’ascension droite se déduit simplement en lisant
l’heure de la pendule sidérale à l’instant de passage de l’étoile au centre du champ de la lunette.

  Les difficultés de réglage et d’accès à la précision des instruments lourds
Tout ceci semble simple en théorie. Dans la pratique, obtenir des mesures de temps à 0,1 seconde près et des
angles à 0,1’’ tient de l’art et d’une très bonne connaissance des problèmes mécaniques liés aux instruments
méridiens. Pour accéder à un tel degré de finesse dans les mesures, il faudrait disposer d’un instrument parfait,
c’est-à-dire possédant, entre autres, des graduations uniformément réparties sur un cercle parfaitement circulaire,
un cercle gradué parfaitement centré sur l’axe horizontal, un axe optique parfaitement perpendiculaire à l’axe
de rotation horizontal, un axe horizontal parfaitement horizontal, un axe horizontal parfaitement aligné est-
ouest et des tourillons pour l’axe de rotation horizontal parfaitement cylindriques.

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• • • • HISTOIRE

Dans la pratique, c’est impossible ! On tente alors de s’en approcher au mieux et on veille à ce que l’instrument
soit le plus stable possible. Ainsi, l’emploi de cônes dans la confection du tube de la lunette et de l’axe de
rotation permet d’éviter les flexions. On soulage parfois l’axe de rotation horizontal des plus grands instruments
par l’ajout de poids comme pour la méridienne de l’observatoire de Greenwich. On soigne particulièrement la
construction du sous-bassement et l’encrage des deux piliers de soutien. Les pièces mécaniques sont réalisées
avec précision, notamment les deux tourillons cylindriques à l’extrémité de l’axe de rotation qui sont polis
avec le même soin que s’il s’agissait de pièces d’optiques.
Lors de la construction, puis de l’installation
de l’instrument, on essaye d’atteindre au
mieux les différents points énumérés ci-
dessus. Cependant, afin d’obtenir la précision
exigée, on préfère déterminer les écarts et en
tenir compte (établissement des constantes
de l’instrument) ou les compenser. Le plus
souvent, le cercle est gradué de 2’ en 2’,
soit 10800 graduations ! On augmente la
précision de lecture par l’intermédiaire de
verniers et de microscopes micrométriques.
On compense les défauts en installant
deux cercles de lecture des angles de part
et d’autre de la lunette. Les défauts n’étant
pas les mêmes sur les deux cercles, on
peut les mettre en évidence. On dispose
aussi autour de chacun d’eux quatre, voir Collimateur et dispositif de retournement de la lunette méridienne de
six microscopes, de lecture aux sommets                             l’observatoire de Besançon
d’un carré ou d’un hexagone centré sur le
cercle gradué. C’est finalement la multiplicité de la lecture et des pointés qui élimine les défauts des cercles
ainsi que les erreurs de lecture. On pousse quelque fois l’étude des défauts des cercles afin d’établir une table
de correction. Ce travail peut prendre plusieurs années !
Pour connaître l’écart de perpendicularité entre l’axe optique et l’axe de rotation, on détermine à l’aide du micromètre
de la lunette le point du champ qui reste immobile par retournement de l’axe horizontal de la lunette (le tourillon
ouest passe à l’est et inversement pour l’autre tourillon). Pour cela, on place un collimateur à poste fixe à quelques
mètres devant l’instrument et on pointe la lunette vers la mire du collimateur. À l’aide du micromètre, on mesure
                                                       l’écart avec le centre optique avant et après retournement.
                                                       La moyenne des deux pointés donne la position de ce point
                                                       immobile dont on peut ensuite déterminer l’écart avec le centre
                                                       du champ et en tenir compte lors des mesures. Si l’instrument
                                                       est trop lourd pour être retourné, on aligne un autre collimateur
                                                       de l’autre coté de la lunette méridienne.
                                                        La mesure de l’horizontalité de l’axe de rotation de la lunette
                                                        est réalisée en pointant la lunette vers le nadir, sous la lunette,
                                                        où est installée une cuvette contenant un bain de mercure.
                                                        Cette cuvette est scellée sur un pilier bien stable. Au niveau
                                                        du logement de l’oculaire, on place un auto-collimateur formé
                                                        d’un éclairage qui permet de regarder l’image du fil mobile
                                                        du micromètre réfléchit par le bain de mercure. La mesure de
                                                        l’écart visuel entre le centre du champ et l’emplacement de la
                                                        superposition du fil mobile et de son image donne l’inclinaison
                                                        par rapport à l’horizontale. Pour les instruments plus légers et
                                                        ‘‘portatifs’’, on utilise un niveau à bulle, comme pour l’ancienne
  Vérification de l’horizontalité de la méridienne de
             l’observatoire de Besançon                 méridienne, aujourd’hui exposée à l’observatoire de Lille.

la porte des étoiles n°42                                                                                               11
• • • • HISTOIRE

La détermination de l’orientation de l’axe de rotation par rapport à la direction est-ouest est plus délicate. Une
méthode consiste à mesurer les instants de passage inférieur et supérieur d’étoiles circumpolaires. En théorie,
il se passe 12 heures sidérales exactement entre ces deux passages. Si l’axe de rotation horizontal n’est pas
bien aligné avec la direction est-ouest, on ne mesure pas 12 heures, mais un écart de temps plus court ou plus
long. La valeur de l’écart à 12 heures et qu’elle soit supérieure ou inférieure donne la valeur de l’orientation
de l’axe horizontal et son signe. Une autre méthode consiste à placer deux mires à grande distance de part
et d’autre de la lunette méridienne et de déterminer l’orientation de la méridienne par rapport à ces mires. À
partir de la mesure d’étoiles de références, on peut déterminer l’orientation géographique de l’alignement des
mires et donc de la méridienne. À l’observatoire de Nice, la mire nord du grand cercle méridien était placée
sur le mont Macaron à 6,5 kilomètres de l’instrument et la mire sud à 67 mètres.
Enfin, mesurer de manière précise l’instant de passage d’une étoile au centre du champ de la lunette à l’aide
d’un seul fil n’est vraiment pas très précis. On installe donc, dans le champ d’observation, une série de fils
parallèles et symétriques au fil méridien. On mesure les instants de passage devant chaque fil. La moyenne
donne l’instant de passage au méridien avec une meilleure précision et permet d’atténuer les erreurs de mesure
de l’observateur.
Ainsi, l’accès précis aux données de position ou de mesure de temps passe par toute une série de lectures, de
calculs et de corrections réalisée après coup. De plus, l’instrument n’est pleinement opérationnel qu’après
une batterie initiale de tests qui peuvent être très longs. Il ne le reste que par des vérifications régulières des
constantes qui le caractérisent.

                                      Les catalogues modernes
Reprenons notre petite histoire des catalogues. Les catalogues modernes vont contenir énormément
d’étoiles d’éclat toujours de plus en plus faibles. La détermination de leurs coordonnées se fait relativement
à des étoiles plus brillantes dont la position est connue très précisément. Nevil Maskelyne (1732-1811)
à Greenwich, puis Friedrich Wilhelm Bessel (1784-1846) à Königsberg établissent des listes de ces
étoiles fondamentales. Le travail de Bessel est impressionnant. Il reprend les observations de Bradley et
de Maskelyne et, en 1830, il dresse un catalogue de plus de 3200 étoiles fondamentales publié dans les
                                                            ‘‘tabulae Regiomontanae’’. Les réductions des
                                                            mesures méridiennes sont réalisées à 0,01’’. Cette
                                                            base, lui permet d’entreprendre l’établissement
                                                            d’un catalogue d’étoiles plus important où
                                                            sont référencées 75000 étoiles situées entre les
                                                            déclinaisons -15° et +45°. Friedrich Wilhelm
                                                            Argelander (1799-1875), ancien élève de Bessel,
                                                            s’engage dans un projet encore plus vaste. En
                                                            1852, depuis l’observatoire de Bonn, il entreprend
                                                            de préparer un catalogue de positions de toutes les
                                                            étoiles comprises entre -2° et +90° de déclinaison
                                                            et jusqu’à la magnitude 9,5, soit plus de 320000
                                                            étoiles. Ceci donne les fameux catalogues et atlas
                                                            ‘‘BD’’ (Bonner Durchmusterung), publiés en
                                                            1863. C’est le dernier catalogue de cette envergure
                                                            qui est établi sans l’aide de la photographie.
                                                             Viennent ensuite des projets de catalogues
                                                             astrométriques internationaux :
                                                             - le premier FK (Fundamental Katalog), catalogue
                                                             de 539 étoiles de référence d'Auwers (1838-1915),
                                                             publié en 1879,
                                                             − l'établissement du premier AGK (Astronomischer
                                                             Gesellschaft Katalog), initié parArgelander et l'association
          Portrait de Friedrich Wilhelm Argelander           astronomique allemande publié de 1890 à 1910,

la porte des étoiles n°42                                                                                             12
• • • • HISTOIRE

                            Extrait d’un atlas BD issu de la bibliothèque de l’observatoire de Lille

− le vaste projet photographique de ‘‘La carte du ciel’’ et de son catalogue, initié par l’observatoire de Paris et
mené de 1887 à 1970 sans être complètement achevé,
- le catalogue Tycho établi en 1997 à partir des observations astrométriques du satellite Hipparcos.
– et enfin les tous derniers catalogues DR1 et DR2 du satellite Gaïa
Ne sont cités ici que quelques uns d'entre eux. Il existera plusieurs révisions de ces catalogues qui sont
périodiquement mis à jour ne serait ce que pour tenir compte des mouvements propres des étoiles. La dernière
version du Fundamental Katalog, le FK6 date de 2005. Il contient 1535 étoiles de référence dont la magnitude
est inférieure à 7,5.
Il est difficile de se rendre compte du travail énorme effectué de génération en génération par des astronomes
du monde entier, sur près de trois siècles, pour aboutir à nos données actuelles facilement accessibles via des
logiciels tels que Cartes du ciel, Guide ou encore Stellarium !

Références
- Lunettes et télescopes – André Danjon et André Couder – Blanchard – 1979
− L'observation des étoiles doubles visuelles – Paul Couteau – Flammarion - 1978
− L'observatoire de Besançon – collectif – Parcours du patrimoine – Franche-Comté – 2009
− L'astronomie méridienne – René Dejaiffe – Ciel et Terre – vol85 – 1969
− Argelander, un astronome partagé entre Finlande et Prusse – Tönu Viik – L'Astronomie – Mars 2015
− Jérôme Lalande – Simone Dumont – L'Astronomie – Juillet/Août 2007
− Friedrich Wilhelm Bessel, un astronome destiné au commerce – Frans Van't Veere – L'Astronomie Vol99 – 1985
− Friedrich Wilhelm Bessel, l'astronome de Königsberg – Les Cahiers Clairaut 27 – CLEA
− La bonne étoile de James Bradley – Les Cahiers Clairaut 43 – CLEA
− L'inventaire et le patrimoine de l'astronomie : l'exemple des cercles méridiens et de leurs abris – Françoise
Leguet-Tully et Jean Davoigneau – In Situ, revue des patrimoines – 2005
− Représentation et mesure de la Terre au XVIe siècle - Karim Bouchamma – Irem d'Aix-Marseille - 2012
− Histoire de l'astronomie au XVIIIe siècle – Delambre – 1827
− Le ciel d'une vie, Robert Jonckheere – Jean-Claude Thorel – Le temps présent – 2009
− Histoire atypique d’un établissement scientifique nordiste, la porte des étoiles n°12
− Brève histoire du méridien 0, la porte des étoiles n°35

la porte des étoiles n°42                                                                                       13
• • • • HISTOIRE

   La méridienne de l’observatoire
              de Hem
   Robert Jonckheere a fait installer cet instrument
   lors de la construction de son observatoire en 1909.
   Elle a été construite par la société Mailhat, la même
   entreprise qui a fabriqué la grande lunette et le
   micromètre à fils de Robert Jonckheere.
   La lunette a un diamètre de 81 millimètres et une
   distance focale de 1,15 mètre. C’est un instrument
   ‘‘portatif’’. Il ne possède qu’un seul cercle gradué
   et les tourillons reposent sur un cadre métallique.
   On vérifie l’horizontalité de l’axe de rotation de la
   lunette par l’intermédiaire d’un niveau à bulle fixé
   sur un portique qui vient s’installer sur les deux
   tourillons.
   Le disque gradué de 0° à 360° est en argent et les
   traits les plus fins marquent les 10’. Le vernier est
   gradué de 0 à 10 de part et d’autre de son 0 central
   et les graduations sont similaires à celles du grand
   disque. L’écart angulaire entre le 0 et le 10 du vernier
   correspond à un écart de 9°50’ sur le grand disque.                    La méridienne de l’observatoire à Hem en 1909
   Cette configuration permet une résolution de 10” sur                          (Collection Jean-Claude Thorel)
   la lecture d’un angle en déclinaison.
                                                                               Cet instrument a régulièrement servi
                                                                               pour la mesure de position d’étoiles
                                                                               de 1909 à 1914. Robert Jonckheere l’a
                                                                               aussi utilisé pour réaliser une série de
                                                                               mesures du diamètre apparent du Soleil
                                                                               de 1909 à 1910. Durant la première
                                                                               guerre mondiale, la ville de Hem a été
                                                                               occupée par l’armée allemande. À la fin
                                                                               du conflit, on dépouille la lunette de son
                                                                               objectif et de ses deux microscopes de
                                                                               lecture du cercle gradué. On sectionne
                                                                               le tube et une partie du cube central de
                                                                               la monture.
                                                                               En 1929, lors de la vente du matériel
                                                                               de l’observatoire de Hem, l’université
                                                                               de Lille rachète cet instrument.
                                                                               Cependant, il n’est ni réinstallé ni
                                                                               réparé. Le micromètre servira pour une
                                                                               autre lunette méridienne fabriquée à
                                                                               l’observatoire pour les travaux pratiques
      Détail du cercle gradué de la méridienne de l’observatoire de Hem        des étudiants.
   Les restes de la lunette méridienne de Hem ont été retrouvés dans les sous-sols de l’observatoire de Lille en
   2006. Le bâti de 1909, ainsi que le système de mouvement lent de la lunette ont sans doute disparu en 1918.
   En 2015, les éléments restants ont été rassemblés et rénovés. Le micromètre a repris sa place sur l’instrument
   d’origine et un objectif fictif a été installé, le tout posé sur les piliers de l’instrument construit à Lille.

la porte des étoiles n°42                                                                                                 14
• • • • PATRIMOINE

Sens et contresens
Par Jean-Pierre Auger

Toujours les mêmes repères, comme des chiffres sur un cadran. Mais comment dormir au
milieu d’une horloge qui ne sait pas de quel côté va le temps ? Erik Orsenna.
Étant un curieux insatiable qui aime partager le savoir qu’il recueille au fil du temps, comme moi vous êtes
vous déjà posé la question de savoir pourquoi les aiguilles d’une horloge ou d’une montre tournent de la droite
vers la gauche ? La mesure du temps date des égyptiens qui inventèrent la clepsydre (système hydraulique
dénué d’aiguilles). Il faudra attendre l’année 1275 pour voir en Europe l’apparition de la première horloge
mécanique.
Comment s’est fait le choix du sens de rotation de ses aiguilles ? Il s’avère que c’est notre Soleil qui répond
implicitement à cette question. En effet, avant l’invention de l’horloge mécanique, le meilleur moyen de mesurer le
temps restait le cadran solaire. Or, l’on sait que dans l’hémisphère Nord, le Soleil se lève à l’Est, culmine au Sud et
se couche à l’Ouest. Sur un cadran solaire au sol, l’ombre du gnomon vertical se déplace naturellement dans le sens
opposé, de la gauche vers la droite. Les concepteurs des horloges mécaniques se sont inspirés de ce phénomène
pour déterminer le sens de rotation de leurs aiguilles… Que l’on nommera beaucoup plus tard ‘‘sens horaire’’.
Mais existe-t-il des horloges donnant l’heure avec un sens de
rotation antihoraire ? Surprenant, mais la réponse est oui !

                 L’heure du Sud
En 2014, la Bolivie, pour affirmer son identité à inventé
‘‘l’heure du Sud’’, car dans l’hémisphère Sud, le Soleil
se lève à l’Est, culmine au Nord et se couche à l’Ouest.
L’ombre d’un gnomon vertical tourne donc de la droite
vers la gauche ; en sens inverse que celle de l’hémisphère
Nord. L’horloge sur le fronton du parlement à La Paz tourne
en conséquence dans le sens contraire des aiguilles d’une
montre. Mais nous retrouvons également cette spécificité
dans l’hémisphère Nord. En voici quelques exemples.                     L’horloge du parlement à La Paz en Bolivie

   L’horloge antihoraire de Prague
Située sur le fronton de l’ancienne mairie de Josefov à
Prague en Tchéquie, cette horloge a été réalisée en 1764
par Sébastien Landersberger, un horloger de Prague. Avec
son mouvement antihoraire et ses caractères hébreux, cette
horloge est unique au monde. Les chiffres de 1 à 12 sont
remplacés par les premières lettres de l’alphabet hébreu :
aleph pour le 1, beth pour le 2, (...) jusqu’à yod pour le 10,
yod + aleph pour le 11, mais le 12ème caractère n’est pas
décrypté. Noter que les lettres sont inscrites dans le sens
inverse de celui des aiguilles d’une montre. Les caractères
comme les aiguilles sont dorées et brillent sur le fond noir
du cadran.                                                             L’horloge antihoraire du quartier juif de Prague

la porte des étoiles n°42                                                                                                 15
• • • • PATRIMOINE

                                                                    L’horloge astronomique de
                                                                             Münster
                                                                    La première horloge astronomique de la
                                                                    cathédrale de Münster en Allemagne a
                                                                    été construite en 1408. Elle fut détruite
                                                                    en 1534 lors d’un pillage de la ville par
                                                                    les anabaptistes ; puis reconstruite en
                                                                    1540 par le mathématicien et imprimeur
                                                                    Dietrich Tewyvel, le moine franciscain
                                                                    Johan von Aachen et le forgeron Nikolaus
                                                                    Indenaker. Elle fut rénovée en 1696 et
                                                                    démontée en 1927 car elle faisait trop de
                                                                    bruit !
                                                                    En 1929-1932, le journaliste Peter
                                                                    Werland et le conservateur du diocèse
                                                                    Théodor Wieschebrink prirent l’initiative
                                                                    de la faire restaurer avec un nouveau
                                                                    mécanisme calculé par Ernst Schulz et
                                                                    Erich Hüttenhain de la section astronomie
                                                                    de l’Université de Münster et construit
                                                                    par l’horloger Heinrich Eggeringhaus.
                                                                    C’est l’une des rares horloges existantes
                                                                    fonctionnant dans le sens antihoraire. Le
                                                                    cadran comporte 24 heures, l’aiguille
                                                                    de l’heure tourne en sens inverse, le 1
                                                                    est à la place du 11 et ainsi de suite. La
                                                                    plus petite unité lisible est de 4 minutes,
                                                                    représentée par les liserés rouges et
                                                                    blancs.

                                                                    L’horloge astronomique de Münster

       La tour de l’horloge, place
          Saint-Marc à Venise
Cette tour fut peut-être construite par l’architecte Pierre
Lombard de 1496 à 1499. Gian Paolo Raineri fut chargé
d’en exécuter l’horloge astronomique. Gian Paolo décédé,
ce fut son fils Carlo Raineri qui termina l’œuvre. Le cadran
de 24 heures en chiffres romains, entoure un système
solaire géocentrique (avec la Terre au centre) qui donne la
position du Soleil par rapport aux signes du zodiaque et les
phases de la Lune. L’aiguille des heures semble être fixe et
faire corps avec le cadran zodiacal mais en fait celui-ci va
un peu plus vite, ce qui fait que l’aiguille des heures met
un an à chevaucher chaque signe du zodiaque. Le cadran
des 24 heures tourne dans le sens antihoraire. La légende
raconte que les concepteurs du mécanisme de l’horloge
ont été aveuglés après leur réalisation pour qu’ils n’aillent
pas en fabriquer dans d’autres villes !
                                                                Vue rapprochée de l’horloge astronomique de Venise

la porte des étoiles n°42                                                                                            16
• • • •• •PATRIMOINE
                                                                                                                     • • VOYAGE

                     À gauche sur l’image, l’horloge antihoraire parmi les dorures de la salle du Sénat

               Les horloges antihoraires du palais ducal à Venise
La salle du Sénat du palais ducal de Venise était le lieu où se prenaient les décisions concernant l’économie
et les finances de l’État de Venise. Cette salle est décorée par des fresques de Palma il Giovane et Jacopo
Tintoretto évoquant les guerres contre la Ligue de Cambrai.
Dans la salle, l’aiguille de l’une des deux horloges tourne
dans le sens antihoraire. Le cadran fixe est gradué sur 24
heures avec des chiffres romains.
Dans la salle du collège se réunissaient les Sages et la
Seigneurie constituée par le doge et six de ses conseillers.
C’était le lieu où se prenaient les décisions concernant
la politique étrangère et la politique maritime de l’État
de Venise. Elle est décorée au plafond par des toiles de
Véronèse et sur les murs par des tableaux de Tintoret. Dans
la salle du Collège, l’aiguille de l’horloge tourne dans le
sens antihoraire. Le cadran fixe est, là encore, gradué sur
24 heures avec des chiffres romains.

        L’horloge antihoraire de la
          cathédrale de Florence
Construite en 1443 par l’horloger Florentin Angelo di
Niccolò, l’horloge du Duomo de Florence dans la cathédrale
Santa Maria del Fiore n’a qu’une aiguille et indique l’heure
                                                                         Sur le mur de droite, l’horloge antihoraire de la
italique ; heure qui remonte à l’Antiquité lorsque Jules                                 salle du collège

la porte des étoiles n°42                                                                                                    17
• • • • PATRIMOINE

César promulgua en 46 avant J.-C. le calendrier conçu par Sosigène d’Alexandrie. Les heures italiques –
par opposition au système babylonique – indiquent depuis combien de temps le Soleil s’est couché. C’est
un souvenir du temps où les codes de l’heure telle que nous la pratiquons aujourd’hui n’étaient pas encore
formalisés.
En 1497, le mécanisme a été réparé par la famille d’horlogers Della Volpaia. D’abord par Lorenzo, puis par
son fils Camillo, qui le refait presque entièrement entre 1546 et 1547. L’ancien mécanisme qui fonctionnait
certainement avec un système de poids et contrepoids est remplacé en 1688 par un mécanisme à pendule qui
reste en fonction jusqu’en 1761, année pendant laquelle l’horloger florentin Giuseppe Borgiacchi met en place
le mécanisme qui fonctionne toujours. À cette occasion, le cadran, œuvre du peintre florentin Paolo Ucello
(1397-1475) est modifié pour passer de 24 à 12 heures et l’aiguille originale est remplacée. L’horloge n’a
retrouvé ses caractéristiques originales qu’il y a une quarantaine d’années lors d’une restauration qui rétablit
l’ancien fonctionnement du mécanisme, avec l’aiguille qui effectue un tour en 24 heures.
                                                             L’horloge s’inscrit dans un carré aux quatre coins duquel
                                                             l’artiste Paolo Ucello a peint les quatre évangélistes. La
                                                             première chose qui nous interpelle en la regardant est qu’à
                                                             l’inverse des horloges classiques, la première heure de la
                                                             journée – en chiffres romains – et la vingt-quatrième se
                                                             trouvent en bas du cercle. La seconde chose qui interpelle est
                                                             que la première heure de la journée commence à l’heure du
                                                             coucher du Soleil. Elle indique 19h45 sur la photo ci-contre
                                                             mais c’est 19h45 en temps universel après le coucher du
                                                             Soleil. Or l’heure du coucher du Soleil varie tous les jours…
                                                             L’horloge devrait donc être recalée tous les jours. L’erreur
                                                             introduite sur une semaine n’est pas énorme et c’est la raison
                                                             pour laquelle l’horloge du Duomo n’est recalée qu’une fois
 L’horloge antihoraire de la cathédrale de Florence          par semaine.

    L’horloge de
      Testour
La ville de Testour, au
Nord-Ouest de la Tunisie a
été profondément marquée
par son passé, où les
maures andalous vinrent s’y
réfugier. L’horloge installée
sur le haut minaret de la
grande mosquée de la ville
                                   À gauche, le minaret de la mosquée de Testour ; à droite, une vue rapprochée de l’horloge antihoraire
possède l’une des curiosités
architecturales de cette époque. À l’initiative d’Abdel Halim Koundi, ingénieur d’origine andalouse, l’horloge
de Testour a été remise en service en décembre 2014, après trois siècles de sommeil et trois ans de restauration.
Outre que ses aiguilles tournent dans le sens anti-horaire, elle se singularise par ses chiffres orientés vers le
centre, tels que le 6 qui se lit comme un 9 couché sur le dos et le 3 qui se lit comme s’il était couché sur le
ventre.

                                                        Conclusion
Erik Orsenna écrit en avant-propos de cet article : ‘‘comment dormir au milieu d’une horloge qui ne sait pas
de quel côté va le temps ?’’ Mais quelle drôle d’idée que celle de vouloir vous faire dormir au milieu d’une
horloge… En plus, si elle ne sait dire de quel côté va le temps, comment le lecteur de cet article pourra-t-il
savoir s’il est un couche tard ou un lève-tôt ? C’est bien compliqué tout cela. J’en ai la tête qui tourne… Mais
dans quel sens tourne-t-elle ?

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• • • • VOYAGE

                                                   Astronomie
                                                   et         vexillologie
                                                                                       Par Simon Lericque

Le ciel et ses principaux astres font partie du paysage de l’humanité depuis la nuit des temps. Même si ce lien
avec le firmament se fait de plus en plus distant, il n’est pas étonnant que ce contexte astronomique se glisse
dans de nombreuses représentations symboliques. Ainsi, la vexillologie – l’étude des étendards et pavillons
– nous montre qu’une cinquantaine d’états et territoires de par le monde figurent aujourd’hui encore sur leur
drapeau des représentations célestes : souvent la Lune, parfois le Soleil ou les étoiles... Découverte.

                                Afrique
En Afrique, berceau de l’humanité, on retrouve forcément une grande
diversité de représentations célestes. L’astre solaire, omniprésent
dans le ciel de la majorité des contrées africaines, est représenté sur
                                 certains drapeaux. Il figure sur celui du
                                 Niger comme un disque orange et il est
                                 symbolisé en jaune en Namibie et au
                                 Rwanda. Sur le pavillon du Malawi,
                                 on voit l’astre du jour au levant, rougi,
                                 symbolisant l’avènement de l’espoir et
 Le Soleil se lève sur le Malawi de la liberté... Tout un programme !
Les phases de Lune sont à la base de l’établissement du calendrier musulman. Dans les régions méditerranéennes
en effet, les saisons y sont moins marquées qu’en France métropolitaine. Les quatre saisons n’y sont pas forcément
notables et l’astre de référence pour la mesure du temps n’y était pas historiquement le Soleil, comme sous nos
latitudes, mais bien la Lune. Le premier croissant marque ainsi le premier jour de chaque mois du calendrier
musulman. Il n’est donc pas étonnant que ce croissant lunaire se retrouve sur les drapeaux d’états du Maghreb,
                                                                 dont l’islam est la religion la plus pratiquée
                                                                 comme la Libye, l’Algérie ou la Tunisie. Tous
                                                                 montrent aussi une étoile à cinq branches (pour
                                                                 les cinq piliers de l’islam) qui accompagne ce
                                                                 croissant. Cette ‘‘conjonction’’ entre ce croissant
                                                                 et l’étoile commémore traditionnellement le
                                                                 rapprochement de la Lune et de Vénus qui a eu
                                                                                                    lieu le jour où
                                                                                                    le     prophète
                                                                                                    Mohammed
                                                                                                    reçut         sa
                                                                                                    première
                                                                                                    révélation de la
                                                                                                    part d’Allah.
        Conjonction serrée du croissant de Lune et de Vénus     La Lune et Vénus sur le drapeau Tunisien

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