La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 42 - automne 2018 - Astrogaac
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la porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France Numéro 42 - automne 2018 42
À la une Nuages noctulescents Auteur : Simon Lericque Date : 16/06/2018 Lieu : Monchy-le-Preux (62) GROUPEMENT D’ASTRONOMES Matériel : Canon EOS 7D et téléobjectif Canon 70-300 AMATEURS COURRIEROIS Édito Adresse postale GAAC - Simon Lericque 12 lotissement des Flandres 62128 WANCOURT Internet Avec ce numéro d’automne, le GAAC entame sa dixième Site : http://www.astrogaac.fr année d’existence... À l’image de cette (encore) jeune histoire, Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62 cette 42ème porte des étoiles met l’accent sur le patrimoine E-mail : contact@astrogaac.fr scientifique et les balades astronomiques, deux domaines dont sont particulièrement friands les membres de l’association. Dans les pages qui vont suivre, vous pourrez voyager de par le vaste monde et découvrir un certain nombre d’horloges exotiques. La mesure du temps et les lunettes mérdiennes étaient jadis utilisées Les auteurs de ce numéro de concert pour l’établissement des cartes du ciel. L’article d’ouverture raconte justement l’intérêt de ces instruments que André Amossé - membre du GAAC l’on croise encore parfois dans les observatoires astronomiques. E-mail : aamosse@nordnet.fr D’observatoires astronomiques, il en est aussi question puisque Site : http://astroequatoriales.free.fr quelques uns de nos adhérents ont pu en visiter deux ces derniers Jean-Pierre Auger - membre du GAAC mois : celui de la Sorbonne à Paris, et l’Observatoire Centre E-mail : francoise.auger95@wanadoo.fr Ardenne chez nos voisins belges. Ils vous racontent à nouveau de belles découvertes et de belles rencontres. Pour finir, la galerie Fabienne et Jérôme Clauss - membres du GAAC finale met à l’honneur deux phénomènes astronomiques rares : E-mail : claussjerome@yahoo.fr une éclipse totale de Lune et les nuages noctulescents... Site : http://astrosurf.com/shootingstar Simon Lericque - membre du GAAC E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr Site : http://lericque.simon.free.fr Sommaire 5.........................................................Les lunettes méridiennes par André Amossé 15.................................................................Sens et contresens par Jean-Pierre Auger L’équipe de conception Simon Lericque : rédac’ chef tyrannique 19....................................................Astronomie et vexillologie Arnaud Agache : relecture et diffusion par Simon Lericque Catherine Ulicska : relecture et bonnes idées Fabienne Clauss : relecture et bonnes idées 25..........................................................Une nuit à la Sorbonne Émeline Taubert : relecture et bonnes idées par Simon Lericque Olivier Moreau : conseiller scientifique 31....................De passage par l’Observatoire Centre Ardenne Edition numérique sous Licence Creative Commons par Fabienne et Jérôme Clauss 35����������������������������������������������������������������������������� La galerie
• • • • LA VIE DU GAAC C’était cet été Nuit Astro de Grévillers du 7 septembre Conférence de Simon Lericque à Mont Bernenchon Assemblée Générale 2018 La Nuit des Étoiles Rencontres Astrociel Visite de l’Observatoire de Calern Portes ouvertes de l’observatoire de Thury-sous-Clermont 31ème Nuit Noire du Pas-de-Calais Visite de l’Observatoire de Nice Exposition ‘‘Carnets de voyages astronomiques’’ à la médiathèque de Courrières Ce sera cet automne Mission 2018 RCE Nuit Noire Du 7 au 14 octobre, le GAAC C’est le grand rendez-vous des Le 8 décembre, ce sera (déjà) prendra à nouveau de la astronomes amateurs. Du 1er au la 32ème Nuit Noire du Pas- hauteur : direction Saint-Véran 3 novembre, les Rencontres du de-Calais. Toujours au lycée et l’observatoire Astroqueyras Ciel et de l’Espace se dérouleront agricole de Radinghem, le beau pour une nouvelle mission à la Cité des Sciences et de temps a été commandé pour les d’observation en autarcie... l’Industrie de la Villette. nombreux astronomes présents ! Retrouvez l’agenda complet de l’association sur http://www.astrogaac.fr/agenda.html
• • • • LA VIE DU GAAC Les instantanés La tête à l’envers Marzy (58) - 16/04/2018 Michel a décroché la Lune ! Grévillers (62) - 05/05/2018 Chez les bons amis ! Rouy (58) - 13/04/2018 Le menu des observations du soir... Lille (59) - 02/06/2018 Gervais se lance dans le dessin solaire Un phallus martien Tauxigny (37) - 08/05/2018 Lille (59) - 09/01/2018 Retrouvez la vie ‘‘officieuse’’ de l’association sur la page Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62 la porte des étoiles n°42
• • • • HISTOIRE Les lunettes méridiennes Instruments de mesure du ciel et de mesure du temps Par André Amossé Dans de nombreux observatoires astronomiques historiques, outre un instrument d’observation principal – télescope ou équatorial – on trouve également des lunettes méridiennes. C’est notamment le cas à l’observatoire de Lille où l’instrument méridien, rénové par les membres de l’association Jonckheere, trône désormais dans la salle du patrimoine pour le plus grand plaisir des visiteurs de passage. Les plus curieux d’entre eux s’intéressent souvent à l’histoire de ces instruments particuliers et à leur fonctionnement, très utile notamment en astronomie de position. La lunette méridienne de Hem, exposée dans la salle du patrimoine à l’observatoire de Lille Les premiers catalogues d’étoiles Les plus anciens catalogues d’étoiles connus remontent à la Chine antique. À l’époque des Royaumes combattants aux IVème et IIIème siècles avant notre ère, on trouve déjà des nomenclatures de plus d’un millier d’étoiles réparties en plus de 200 astérismes. La plus ancienne carte du ciel qui nous soit parvenue, la carte de Dunhuang, date du VIIème siècle de notre ère. Elle a été réalisée à partir de trois anciens catalogues du ciel provenant de cette ancienne époque antique. Cette carte représente 1300 étoiles réparties en 257 constellations et la position relative des étoiles les plus brillantes est donnée avec une précision de 2 à 4°. la porte des étoiles n°42
• • • • HISTOIRE Cependant, c’est à Hipparque de Nicée (-190,-120) que nous attribuons souvent le plus ancien recensement d’étoiles (plus de 800) et leur répartition en six catégories d’éclats. Il le réalise vers 140/130 avant notre ère. En comparant ses propres mesures à celles réalisées par Timocharis d’Alexandrie 150 ans plus tôt, il découvre la précession des équinoxes. Le plus connu et le plus utilisé des catalogues antiques est bien sûr celui de Claude Ptolémée (90 – 168). Il contient 1025 étoiles avec une précision moyenne de 15’. Ce catalogue reste la référence pendant de nombreux siècles. Il est copié et réduit à d’autres équinoxes, notamment par Une partie de la carte du ciel du Dunhuang l’astronome arabe Al-Sufi en 964 et lors de l’établissement des Tables Alphonsines vers 1250. Cette base d’étoiles sert à l’élaboration de cartes, à déterminer des positions géographiques, à suivre le cheminement des astres errants, à établir les tympans d’astrolabes... Tout ceci pour des applications pratiques de mesures du temps, d’estimation de sa localisation sur Terre et sur mer, d’établissements d’éphémérides... Plus tard, d’autres catalogues voient le jour, comme celui d’Ulug-Beg (1394-1449) en 1437 (Samarcande). Les instruments utilisés pour mesurer la position des étoiles, bien qu’à l’allure rudimentaire atteignent déjà une précision de l’ordre d’une dizaine de minutes d’angle. Le Triquetrum est l’un des plus anciens et des plus utilisés à poste fixe. L’apparition de comètes ou d’étoiles nouvelles, mais aussi la détermination précise du cheminement des planètes, poussent les astronomes à établir des catalogues de plus en plus précis et contenant davantage d’étoiles. De génération en génération, les techniques de mesures et les instruments se perfectionnent jusqu’au ‘‘raffinement’’ des instruments de Tycho Brahé (1546-1601). Il fait, entre autres, construire un quadrant de 2 mètres de diamètre avec lequel il est capable de mesurer des angles à 20’’ près (mesures relatives entre deux astres). Les catalogues de Johannes Hévélius (1611-1687) atteignent une précision d’environ 2’ en position absolue et recensent plus de 1500 étoiles. C’est avec ses catalogues que le système de coordonnées équatoriales commence à s’imposer. Illustration d’une mesure sur le ciel à l’aide d’un triquetrum - Tycho Brahé et son grand quadrant la porte des étoiles n°42
• • • • HISTOIRE Les premiers instruments méridiens Au XVIIème siècle, l’instrumentation de l’astronomie de position va bénéficier de plusieurs avancées techniques : d’abord l’amélioration des techniques de division des cercles gradués, puis l’invention du vernier (échelle fractionnaire mobile, inventée par Pierre Vernier (1580-1637) en 1631, l’arrivée des instruments d’optique, l’invention du micromètre à fils par Adrien Auzout (1622-1691) et Jean Picard (1620-1682) en 1668, et enfin, les débuts de l’horlogerie de précision avec l’horloge à balancier de Christian Huygens (1629- 1695) en 1656. Tout est réuni pour permettre d’accéder à une précision toujours plus grande afin de satisfaire les besoins des astronomes toujours plus exigeants dans la mesure du ciel et de la Terre. Picard et Auzout débutent cette course à l’observatoire de Paris avec leurs sextants et leurs quarts de cercle équipés de micromètres et de lunettes. Ils mesurent simultanément la hauteur des astres et l’instant de leur passage au méridien à l’aide de deux instruments différents. Ils bâtissent ainsi les fondements de l’astrométrie. C’est à Jean Picard que l’on attribue l’idée de sceller un quart de cercle dans le plan méridien. Un instrument de cinq pieds (environ 1,5 mètre) est installé à l’observatoire de Paris. Il est opérationnel un an après le décès de Picard. Quasiment au même moment, John Flamsteed (1646-1719) en fait installer un à l’observatoire de Greenwich. Durant son séjour à l’observatoire de Paris, Olaüs Roemer (1644-1710) est élève et assistant de Picard. De retour à Copenhague en 1681, inspiré par son expérience acquise à Paris, Roemer travaille sur un La lunette méridienne de Roemer dans son habitation de nouvel instrument, conçu vers 1690 : la Machina Copenhague Domestica. C’est l’ancêtre de la lunette méridienne : c’est-à-dire une lunette qui ne possède qu’un axe de rotation horizontal et orienté perpendiculairement au méridien. L’instrument est installé à travers une ouverture face au sud. L’axe de rotation horizontal est directement fixé au mur. Un secteur gradué permet de lire la hauteur de l’astre visé. À l’aide d’une loupe située sur l’index, on lit aisément les angles à la minute près. Cette méridienne est installée chez Roemer. Sur la figure ci-dessus, on aperçoit deux horloges pour mesurer l’instant des passages au méridien. L’instrument est en cours de montage. On constate la mise en place d’un poids permettant d’éviter les flexions de l’axe de rotation. Le tube de la lunette est constitué de deux cônes afin, là aussi, d’atténuer les contraintes mécaniques. Ceci montre la préoccupation de disposer d’un instrument de mesures le plus stable possible. En 1704, Roemer améliore son système de mesure : il équipe une lunette d’un cercle gradué et fait reposer l’axe de rotation horizontal sur des coussinets qui, eux-mêmes, reposent sur deux piliers. Cette version a l’avantage de viser les astres sur les 180° du méridien ce qui n’était pas possible avec son premier instrument. Deux lectures d’angle sont possibles et pour une étoile circumpolaire, on peut obtenir sa hauteur à la culmination au sud et au passage inférieur au nord. Ce second instrument va devenir le modèle à suivre. Cependant, bizarrement, les astronomes vont mettre près d’un siècle avant d’en faire ‘‘l’instrument roi’’ de l’astrométrie. Ils lui préfèrent le quart de cercle mural puis le cercle mural, tous deux équipés d’une petite lunette. Largement utilisés jusqu’au début du XIXème siècle, ces instruments sont associés à une lunette des passages qui ne mesure que l’instant de passage au méridien. À l’observatoire de Greenwich, James Bradley (1693-1762) dispose d’une lunette méridienne, mais c’est surtout avec un quart de cercle mural de 2,4 mètres la porte des étoiles n°42
• • • • HISTOIRE et un secteur zénithal qu’il réalise des mesures régulières lui permettant de mettre en évidence l’aberration annuelle et la nutation. À Paris, Jérôme de Lalande (1732-1807), au début des années 1780, entreprend la réalisation d’un nouveau catalogue de près de 47000 étoiles allant jusqu’aux magnitudes 8/9. C’est un énorme travail qui n’a encore jamais été tenté à l’époque. Il est aidé par ses élèves successifs, notamment Michel Lefrançois, qui est aussi le neveu de Lalande. Le catalogue est terminé en 1801 mais ne sera publié qu’en 1847. L’instrument utilisé est le quart de cercle de Bird (voir ci-contre) muni d’une lunette de sept centimètres de diamètre. La réduction des observations pour l’équinoxe de 1800 donne une précision des positions à 0,01’’ et 0,1’’. En comparant ses mesures avec celles de Flamsteed, Lalande détermine le mouvement propre de près de 500 étoiles (publication posthume dans ‘‘la connaissance des temps’’ de 1808). Ainsi durant toutes ces années, la lunette méridienne est presque Quart de cercle mural de l’observatoire de Paris, construit oubliée ou n’est utilisée que pour mesurer les instants par John Bird - 1774 de passage des astres au méridien. Il faut attendre 1839, l’année où Wilhem Struve (1793-1864) fonde l’observatoire impérial russe à Poulkovo, pour que la lunette de passage soit rééquipée de cercles gradués précis comme l’avait expérimenté Roemer. Struve a la charge de cartographier l’immense territoire du tsar Nicolas Ier. Pour cela, il lui faut établir une liste d’étoiles de références aux coordonnées connues très précisément à partir desquelles il pourra déterminer la situation géographique de différentes localités réparties sur l’ensemble de l’empire russe. Il fait donc installer à Poulkovo plusieurs instruments dont une lunette méridienne de 15 centimètres d’ouverture munie de deux cercles gradués de 1,2 mètre de diamètre. Struve collabore lui-même avec les ateliers Repsold d’Hambourg pour la construction de cet instrument. C’est une réussite ! L’observatoire de Poulkovo devient une référence, copié non seulement pour sa grande lunette équatoriale de 38 centimètres d’ouverture mais aussi pour ses instruments méridiens. À Greenwich, Georges Airy, (1801-1892) persuadé de la nécessité d’effectuer les mesures de temps et de hauteur avec le même instrument, fait construire une lunette méridienne de 20,5 centimètres d’ouverture équipée de deux cercles de 1,2 mètre. Le but d’avoir un instrument avec une aussi grande ouverture est de pouvoir mesurer le plus précisément possible la position des astéroïdes, petits astres errants de faible éclat découverts depuis peu, et d’établir des catalogues comprenant davantage d’étoiles. L’appareil est installé en 1850. C’est le méridien La lunette méridienne de 20,5 centimètres d’ouverture de de cet instrument qui devient en 1884 le méridien l’observatoire de Greenwich international. la porte des étoiles n°42
•• •• •• •• SCIENCES HISTOIRE Les trois instruments méridiens de l’observatoire de Paris en 1920. Dans les années 1830, on installe à l’observatoire de Paris un cercle mural de deux mètres de diamètre équipé d’une lunette de 12 centimètres d’ouverture et une lunette des passages de 15 centimètres. Ces deux instruments sont construits par Henri-Prudence Gambey (1787-1847). En 1863, Urbain Le Verrier fait construire par les ateliers Secretan une lunette méridienne de 23 centimètres d’ouverture et équipée d’un cercle gradué de deux mètres de diamètre. Elle est installée à proximité des instruments de Gambey. D’autres lunettes méridiennes vont être installées notamment à l’US Naval Observatory à Washington, en Allemagne (observatoire de Königsberg, de Bonn …), dans l’hémisphère sud... Cependant avant de poursuivre cette histoire, détaillons les principes de la lunette méridienne. Description et principe de fonctionnement La lunette méridienne est un réfracteur dont l’axe optique ne peut se déplacer que dans le plan du méridien sud-zénith-nord, ceci par l’intermédiaire d’un axe de rotation horizontal et perpendiculaire à la direction nord- sud. Elle peut couvrir le méridien en entier du nord au sud et inversement et est équipée d’au moins un cercle gradué solidaire de l’axe de rotation et de la lunette. Ce cercle est lui aussi dans le plan du méridien, centré et perpendiculaire à l’axe de rotation horizontal. L’instrument vise les astres lors de leur passage au méridien. Des verniers et des microscopes de lecture sont disposés tout autour du cercle gradué. On équipe la lunette d’un micromètre à fils qui permet de marquer précisément les passages des astres dans l’axe optique de la lunette. Associé à une horloge de précision, cet instrument mesure les coordonnées équatoriales d’un astre, mesure le temps et détermine la marche d’une pendule sidérale. Selon le degré de précision et le but souhaité, on a développé des versions ‘‘transportables’’, plus pratiques mais moins précises et des versions ‘‘lourdes’’ à poste fixe. Ces derniers instruments mesurent le plus précisément possible des étoiles dites fondamentales à partir desquelles, par exemple, on peut se référer pour la cartographie du ciel, le suivi astrométrique des comètes ou des astéroïdes, ou encore la mesure des mouvements propres des étoiles. la porte des étoiles n°42
• • • • HISTOIRE Les lunettes méridiennes de l’observatoire de Nice et de l’observatoire de Besançon Mesure du temps et de la marche d’une horloge Le temps qui sépare deux passages consécutifs d’une même étoile au méridien correspond au temps que met la Terre pour faire un tour sur elle-même, soit 23 heures 56 minutes et 4 secondes en temps universel ou 24 heures en temps sidéral. Ainsi, une horloge sidérale marquera une différence de temps de 24 heures exactement entre deux passages consécutifs d’une même étoile au centre du champ de la lunette. Mais, comme le temps sidéral, à un instant donné, n’est autre que l’angle dont le ciel a tourné en apparence depuis le passage du point vernal au méridien, il est identique à l’ascension droite des étoiles qui passent au méridien à cet instant. Ainsi, mesurer l’instant de passage d’une étoile de référence dont on connaît l’ascension droite donne directement le temps sidéral. On peut donc comparer l’ascension droite de cette étoile avec l’heure de la pendule sidérale associée à la lunette méridienne et connaître ainsi l’avance ou le retard de cette horloge. Si différence il y a, on se garde bien de rectifier la marche de l’horloge. On tiendra tout simplement compte de cette différence lors de la réduction des observations dans le cas de la mesure de position. Mesure des coordonnées équatoriales Il faut au préalable connaître la latitude du lieu d’observation. Cette donnée peut-être déterminée à l’aide de l’instrument lui-même. Il faut bien comprendre que la lunette méridienne ne mesure pas la hauteur d’un astre par rapport à l’horizon, mais sa distance angulaire avec le zénith (distance zénithale Z). Pour une étoile circumpolaire, on peut mesurer deux distances zénithales, l’une lors du passage supérieur (Zs) et l’autre lors de son passage inférieur (Zi). Or, dans le plan méridien, nous avons les relations Zs = L – D et Zi = L + D – 180° où D est la déclinaison de l’étoile et L la latitude du lieu d’observation. On déduit de ces relations que L = 90° + 1/2( Zs+Zi). Connaissant maintenant la latitude du lieu d’observation L (sans avoir eu besoin de connaître la déclinaison de l’étoile), la seule mesure de Zs permet d’obtenir la déclinaison de n’importe quelle autre étoile : D = L – Zs. L’ascension droite se déduit simplement en lisant l’heure de la pendule sidérale à l’instant de passage de l’étoile au centre du champ de la lunette. Les difficultés de réglage et d’accès à la précision des instruments lourds Tout ceci semble simple en théorie. Dans la pratique, obtenir des mesures de temps à 0,1 seconde près et des angles à 0,1’’ tient de l’art et d’une très bonne connaissance des problèmes mécaniques liés aux instruments méridiens. Pour accéder à un tel degré de finesse dans les mesures, il faudrait disposer d’un instrument parfait, c’est-à-dire possédant, entre autres, des graduations uniformément réparties sur un cercle parfaitement circulaire, un cercle gradué parfaitement centré sur l’axe horizontal, un axe optique parfaitement perpendiculaire à l’axe de rotation horizontal, un axe horizontal parfaitement horizontal, un axe horizontal parfaitement aligné est- ouest et des tourillons pour l’axe de rotation horizontal parfaitement cylindriques. la porte des étoiles n°42 10
• • • • HISTOIRE Dans la pratique, c’est impossible ! On tente alors de s’en approcher au mieux et on veille à ce que l’instrument soit le plus stable possible. Ainsi, l’emploi de cônes dans la confection du tube de la lunette et de l’axe de rotation permet d’éviter les flexions. On soulage parfois l’axe de rotation horizontal des plus grands instruments par l’ajout de poids comme pour la méridienne de l’observatoire de Greenwich. On soigne particulièrement la construction du sous-bassement et l’encrage des deux piliers de soutien. Les pièces mécaniques sont réalisées avec précision, notamment les deux tourillons cylindriques à l’extrémité de l’axe de rotation qui sont polis avec le même soin que s’il s’agissait de pièces d’optiques. Lors de la construction, puis de l’installation de l’instrument, on essaye d’atteindre au mieux les différents points énumérés ci- dessus. Cependant, afin d’obtenir la précision exigée, on préfère déterminer les écarts et en tenir compte (établissement des constantes de l’instrument) ou les compenser. Le plus souvent, le cercle est gradué de 2’ en 2’, soit 10800 graduations ! On augmente la précision de lecture par l’intermédiaire de verniers et de microscopes micrométriques. On compense les défauts en installant deux cercles de lecture des angles de part et d’autre de la lunette. Les défauts n’étant pas les mêmes sur les deux cercles, on peut les mettre en évidence. On dispose aussi autour de chacun d’eux quatre, voir Collimateur et dispositif de retournement de la lunette méridienne de six microscopes, de lecture aux sommets l’observatoire de Besançon d’un carré ou d’un hexagone centré sur le cercle gradué. C’est finalement la multiplicité de la lecture et des pointés qui élimine les défauts des cercles ainsi que les erreurs de lecture. On pousse quelque fois l’étude des défauts des cercles afin d’établir une table de correction. Ce travail peut prendre plusieurs années ! Pour connaître l’écart de perpendicularité entre l’axe optique et l’axe de rotation, on détermine à l’aide du micromètre de la lunette le point du champ qui reste immobile par retournement de l’axe horizontal de la lunette (le tourillon ouest passe à l’est et inversement pour l’autre tourillon). Pour cela, on place un collimateur à poste fixe à quelques mètres devant l’instrument et on pointe la lunette vers la mire du collimateur. À l’aide du micromètre, on mesure l’écart avec le centre optique avant et après retournement. La moyenne des deux pointés donne la position de ce point immobile dont on peut ensuite déterminer l’écart avec le centre du champ et en tenir compte lors des mesures. Si l’instrument est trop lourd pour être retourné, on aligne un autre collimateur de l’autre coté de la lunette méridienne. La mesure de l’horizontalité de l’axe de rotation de la lunette est réalisée en pointant la lunette vers le nadir, sous la lunette, où est installée une cuvette contenant un bain de mercure. Cette cuvette est scellée sur un pilier bien stable. Au niveau du logement de l’oculaire, on place un auto-collimateur formé d’un éclairage qui permet de regarder l’image du fil mobile du micromètre réfléchit par le bain de mercure. La mesure de l’écart visuel entre le centre du champ et l’emplacement de la superposition du fil mobile et de son image donne l’inclinaison par rapport à l’horizontale. Pour les instruments plus légers et ‘‘portatifs’’, on utilise un niveau à bulle, comme pour l’ancienne Vérification de l’horizontalité de la méridienne de l’observatoire de Besançon méridienne, aujourd’hui exposée à l’observatoire de Lille. la porte des étoiles n°42 11
• • • • HISTOIRE La détermination de l’orientation de l’axe de rotation par rapport à la direction est-ouest est plus délicate. Une méthode consiste à mesurer les instants de passage inférieur et supérieur d’étoiles circumpolaires. En théorie, il se passe 12 heures sidérales exactement entre ces deux passages. Si l’axe de rotation horizontal n’est pas bien aligné avec la direction est-ouest, on ne mesure pas 12 heures, mais un écart de temps plus court ou plus long. La valeur de l’écart à 12 heures et qu’elle soit supérieure ou inférieure donne la valeur de l’orientation de l’axe horizontal et son signe. Une autre méthode consiste à placer deux mires à grande distance de part et d’autre de la lunette méridienne et de déterminer l’orientation de la méridienne par rapport à ces mires. À partir de la mesure d’étoiles de références, on peut déterminer l’orientation géographique de l’alignement des mires et donc de la méridienne. À l’observatoire de Nice, la mire nord du grand cercle méridien était placée sur le mont Macaron à 6,5 kilomètres de l’instrument et la mire sud à 67 mètres. Enfin, mesurer de manière précise l’instant de passage d’une étoile au centre du champ de la lunette à l’aide d’un seul fil n’est vraiment pas très précis. On installe donc, dans le champ d’observation, une série de fils parallèles et symétriques au fil méridien. On mesure les instants de passage devant chaque fil. La moyenne donne l’instant de passage au méridien avec une meilleure précision et permet d’atténuer les erreurs de mesure de l’observateur. Ainsi, l’accès précis aux données de position ou de mesure de temps passe par toute une série de lectures, de calculs et de corrections réalisée après coup. De plus, l’instrument n’est pleinement opérationnel qu’après une batterie initiale de tests qui peuvent être très longs. Il ne le reste que par des vérifications régulières des constantes qui le caractérisent. Les catalogues modernes Reprenons notre petite histoire des catalogues. Les catalogues modernes vont contenir énormément d’étoiles d’éclat toujours de plus en plus faibles. La détermination de leurs coordonnées se fait relativement à des étoiles plus brillantes dont la position est connue très précisément. Nevil Maskelyne (1732-1811) à Greenwich, puis Friedrich Wilhelm Bessel (1784-1846) à Königsberg établissent des listes de ces étoiles fondamentales. Le travail de Bessel est impressionnant. Il reprend les observations de Bradley et de Maskelyne et, en 1830, il dresse un catalogue de plus de 3200 étoiles fondamentales publié dans les ‘‘tabulae Regiomontanae’’. Les réductions des mesures méridiennes sont réalisées à 0,01’’. Cette base, lui permet d’entreprendre l’établissement d’un catalogue d’étoiles plus important où sont référencées 75000 étoiles situées entre les déclinaisons -15° et +45°. Friedrich Wilhelm Argelander (1799-1875), ancien élève de Bessel, s’engage dans un projet encore plus vaste. En 1852, depuis l’observatoire de Bonn, il entreprend de préparer un catalogue de positions de toutes les étoiles comprises entre -2° et +90° de déclinaison et jusqu’à la magnitude 9,5, soit plus de 320000 étoiles. Ceci donne les fameux catalogues et atlas ‘‘BD’’ (Bonner Durchmusterung), publiés en 1863. C’est le dernier catalogue de cette envergure qui est établi sans l’aide de la photographie. Viennent ensuite des projets de catalogues astrométriques internationaux : - le premier FK (Fundamental Katalog), catalogue de 539 étoiles de référence d'Auwers (1838-1915), publié en 1879, − l'établissement du premier AGK (Astronomischer Gesellschaft Katalog), initié parArgelander et l'association Portrait de Friedrich Wilhelm Argelander astronomique allemande publié de 1890 à 1910, la porte des étoiles n°42 12
• • • • HISTOIRE Extrait d’un atlas BD issu de la bibliothèque de l’observatoire de Lille − le vaste projet photographique de ‘‘La carte du ciel’’ et de son catalogue, initié par l’observatoire de Paris et mené de 1887 à 1970 sans être complètement achevé, - le catalogue Tycho établi en 1997 à partir des observations astrométriques du satellite Hipparcos. – et enfin les tous derniers catalogues DR1 et DR2 du satellite Gaïa Ne sont cités ici que quelques uns d'entre eux. Il existera plusieurs révisions de ces catalogues qui sont périodiquement mis à jour ne serait ce que pour tenir compte des mouvements propres des étoiles. La dernière version du Fundamental Katalog, le FK6 date de 2005. Il contient 1535 étoiles de référence dont la magnitude est inférieure à 7,5. Il est difficile de se rendre compte du travail énorme effectué de génération en génération par des astronomes du monde entier, sur près de trois siècles, pour aboutir à nos données actuelles facilement accessibles via des logiciels tels que Cartes du ciel, Guide ou encore Stellarium ! Références - Lunettes et télescopes – André Danjon et André Couder – Blanchard – 1979 − L'observation des étoiles doubles visuelles – Paul Couteau – Flammarion - 1978 − L'observatoire de Besançon – collectif – Parcours du patrimoine – Franche-Comté – 2009 − L'astronomie méridienne – René Dejaiffe – Ciel et Terre – vol85 – 1969 − Argelander, un astronome partagé entre Finlande et Prusse – Tönu Viik – L'Astronomie – Mars 2015 − Jérôme Lalande – Simone Dumont – L'Astronomie – Juillet/Août 2007 − Friedrich Wilhelm Bessel, un astronome destiné au commerce – Frans Van't Veere – L'Astronomie Vol99 – 1985 − Friedrich Wilhelm Bessel, l'astronome de Königsberg – Les Cahiers Clairaut 27 – CLEA − La bonne étoile de James Bradley – Les Cahiers Clairaut 43 – CLEA − L'inventaire et le patrimoine de l'astronomie : l'exemple des cercles méridiens et de leurs abris – Françoise Leguet-Tully et Jean Davoigneau – In Situ, revue des patrimoines – 2005 − Représentation et mesure de la Terre au XVIe siècle - Karim Bouchamma – Irem d'Aix-Marseille - 2012 − Histoire de l'astronomie au XVIIIe siècle – Delambre – 1827 − Le ciel d'une vie, Robert Jonckheere – Jean-Claude Thorel – Le temps présent – 2009 − Histoire atypique d’un établissement scientifique nordiste, la porte des étoiles n°12 − Brève histoire du méridien 0, la porte des étoiles n°35 la porte des étoiles n°42 13
• • • • HISTOIRE La méridienne de l’observatoire de Hem Robert Jonckheere a fait installer cet instrument lors de la construction de son observatoire en 1909. Elle a été construite par la société Mailhat, la même entreprise qui a fabriqué la grande lunette et le micromètre à fils de Robert Jonckheere. La lunette a un diamètre de 81 millimètres et une distance focale de 1,15 mètre. C’est un instrument ‘‘portatif’’. Il ne possède qu’un seul cercle gradué et les tourillons reposent sur un cadre métallique. On vérifie l’horizontalité de l’axe de rotation de la lunette par l’intermédiaire d’un niveau à bulle fixé sur un portique qui vient s’installer sur les deux tourillons. Le disque gradué de 0° à 360° est en argent et les traits les plus fins marquent les 10’. Le vernier est gradué de 0 à 10 de part et d’autre de son 0 central et les graduations sont similaires à celles du grand disque. L’écart angulaire entre le 0 et le 10 du vernier correspond à un écart de 9°50’ sur le grand disque. La méridienne de l’observatoire à Hem en 1909 Cette configuration permet une résolution de 10” sur (Collection Jean-Claude Thorel) la lecture d’un angle en déclinaison. Cet instrument a régulièrement servi pour la mesure de position d’étoiles de 1909 à 1914. Robert Jonckheere l’a aussi utilisé pour réaliser une série de mesures du diamètre apparent du Soleil de 1909 à 1910. Durant la première guerre mondiale, la ville de Hem a été occupée par l’armée allemande. À la fin du conflit, on dépouille la lunette de son objectif et de ses deux microscopes de lecture du cercle gradué. On sectionne le tube et une partie du cube central de la monture. En 1929, lors de la vente du matériel de l’observatoire de Hem, l’université de Lille rachète cet instrument. Cependant, il n’est ni réinstallé ni réparé. Le micromètre servira pour une autre lunette méridienne fabriquée à l’observatoire pour les travaux pratiques Détail du cercle gradué de la méridienne de l’observatoire de Hem des étudiants. Les restes de la lunette méridienne de Hem ont été retrouvés dans les sous-sols de l’observatoire de Lille en 2006. Le bâti de 1909, ainsi que le système de mouvement lent de la lunette ont sans doute disparu en 1918. En 2015, les éléments restants ont été rassemblés et rénovés. Le micromètre a repris sa place sur l’instrument d’origine et un objectif fictif a été installé, le tout posé sur les piliers de l’instrument construit à Lille. la porte des étoiles n°42 14
• • • • PATRIMOINE Sens et contresens Par Jean-Pierre Auger Toujours les mêmes repères, comme des chiffres sur un cadran. Mais comment dormir au milieu d’une horloge qui ne sait pas de quel côté va le temps ? Erik Orsenna. Étant un curieux insatiable qui aime partager le savoir qu’il recueille au fil du temps, comme moi vous êtes vous déjà posé la question de savoir pourquoi les aiguilles d’une horloge ou d’une montre tournent de la droite vers la gauche ? La mesure du temps date des égyptiens qui inventèrent la clepsydre (système hydraulique dénué d’aiguilles). Il faudra attendre l’année 1275 pour voir en Europe l’apparition de la première horloge mécanique. Comment s’est fait le choix du sens de rotation de ses aiguilles ? Il s’avère que c’est notre Soleil qui répond implicitement à cette question. En effet, avant l’invention de l’horloge mécanique, le meilleur moyen de mesurer le temps restait le cadran solaire. Or, l’on sait que dans l’hémisphère Nord, le Soleil se lève à l’Est, culmine au Sud et se couche à l’Ouest. Sur un cadran solaire au sol, l’ombre du gnomon vertical se déplace naturellement dans le sens opposé, de la gauche vers la droite. Les concepteurs des horloges mécaniques se sont inspirés de ce phénomène pour déterminer le sens de rotation de leurs aiguilles… Que l’on nommera beaucoup plus tard ‘‘sens horaire’’. Mais existe-t-il des horloges donnant l’heure avec un sens de rotation antihoraire ? Surprenant, mais la réponse est oui ! L’heure du Sud En 2014, la Bolivie, pour affirmer son identité à inventé ‘‘l’heure du Sud’’, car dans l’hémisphère Sud, le Soleil se lève à l’Est, culmine au Nord et se couche à l’Ouest. L’ombre d’un gnomon vertical tourne donc de la droite vers la gauche ; en sens inverse que celle de l’hémisphère Nord. L’horloge sur le fronton du parlement à La Paz tourne en conséquence dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Mais nous retrouvons également cette spécificité dans l’hémisphère Nord. En voici quelques exemples. L’horloge du parlement à La Paz en Bolivie L’horloge antihoraire de Prague Située sur le fronton de l’ancienne mairie de Josefov à Prague en Tchéquie, cette horloge a été réalisée en 1764 par Sébastien Landersberger, un horloger de Prague. Avec son mouvement antihoraire et ses caractères hébreux, cette horloge est unique au monde. Les chiffres de 1 à 12 sont remplacés par les premières lettres de l’alphabet hébreu : aleph pour le 1, beth pour le 2, (...) jusqu’à yod pour le 10, yod + aleph pour le 11, mais le 12ème caractère n’est pas décrypté. Noter que les lettres sont inscrites dans le sens inverse de celui des aiguilles d’une montre. Les caractères comme les aiguilles sont dorées et brillent sur le fond noir du cadran. L’horloge antihoraire du quartier juif de Prague la porte des étoiles n°42 15
• • • • PATRIMOINE L’horloge astronomique de Münster La première horloge astronomique de la cathédrale de Münster en Allemagne a été construite en 1408. Elle fut détruite en 1534 lors d’un pillage de la ville par les anabaptistes ; puis reconstruite en 1540 par le mathématicien et imprimeur Dietrich Tewyvel, le moine franciscain Johan von Aachen et le forgeron Nikolaus Indenaker. Elle fut rénovée en 1696 et démontée en 1927 car elle faisait trop de bruit ! En 1929-1932, le journaliste Peter Werland et le conservateur du diocèse Théodor Wieschebrink prirent l’initiative de la faire restaurer avec un nouveau mécanisme calculé par Ernst Schulz et Erich Hüttenhain de la section astronomie de l’Université de Münster et construit par l’horloger Heinrich Eggeringhaus. C’est l’une des rares horloges existantes fonctionnant dans le sens antihoraire. Le cadran comporte 24 heures, l’aiguille de l’heure tourne en sens inverse, le 1 est à la place du 11 et ainsi de suite. La plus petite unité lisible est de 4 minutes, représentée par les liserés rouges et blancs. L’horloge astronomique de Münster La tour de l’horloge, place Saint-Marc à Venise Cette tour fut peut-être construite par l’architecte Pierre Lombard de 1496 à 1499. Gian Paolo Raineri fut chargé d’en exécuter l’horloge astronomique. Gian Paolo décédé, ce fut son fils Carlo Raineri qui termina l’œuvre. Le cadran de 24 heures en chiffres romains, entoure un système solaire géocentrique (avec la Terre au centre) qui donne la position du Soleil par rapport aux signes du zodiaque et les phases de la Lune. L’aiguille des heures semble être fixe et faire corps avec le cadran zodiacal mais en fait celui-ci va un peu plus vite, ce qui fait que l’aiguille des heures met un an à chevaucher chaque signe du zodiaque. Le cadran des 24 heures tourne dans le sens antihoraire. La légende raconte que les concepteurs du mécanisme de l’horloge ont été aveuglés après leur réalisation pour qu’ils n’aillent pas en fabriquer dans d’autres villes ! Vue rapprochée de l’horloge astronomique de Venise la porte des étoiles n°42 16
• • • •• •PATRIMOINE • • VOYAGE À gauche sur l’image, l’horloge antihoraire parmi les dorures de la salle du Sénat Les horloges antihoraires du palais ducal à Venise La salle du Sénat du palais ducal de Venise était le lieu où se prenaient les décisions concernant l’économie et les finances de l’État de Venise. Cette salle est décorée par des fresques de Palma il Giovane et Jacopo Tintoretto évoquant les guerres contre la Ligue de Cambrai. Dans la salle, l’aiguille de l’une des deux horloges tourne dans le sens antihoraire. Le cadran fixe est gradué sur 24 heures avec des chiffres romains. Dans la salle du collège se réunissaient les Sages et la Seigneurie constituée par le doge et six de ses conseillers. C’était le lieu où se prenaient les décisions concernant la politique étrangère et la politique maritime de l’État de Venise. Elle est décorée au plafond par des toiles de Véronèse et sur les murs par des tableaux de Tintoret. Dans la salle du Collège, l’aiguille de l’horloge tourne dans le sens antihoraire. Le cadran fixe est, là encore, gradué sur 24 heures avec des chiffres romains. L’horloge antihoraire de la cathédrale de Florence Construite en 1443 par l’horloger Florentin Angelo di Niccolò, l’horloge du Duomo de Florence dans la cathédrale Santa Maria del Fiore n’a qu’une aiguille et indique l’heure Sur le mur de droite, l’horloge antihoraire de la italique ; heure qui remonte à l’Antiquité lorsque Jules salle du collège la porte des étoiles n°42 17
• • • • PATRIMOINE César promulgua en 46 avant J.-C. le calendrier conçu par Sosigène d’Alexandrie. Les heures italiques – par opposition au système babylonique – indiquent depuis combien de temps le Soleil s’est couché. C’est un souvenir du temps où les codes de l’heure telle que nous la pratiquons aujourd’hui n’étaient pas encore formalisés. En 1497, le mécanisme a été réparé par la famille d’horlogers Della Volpaia. D’abord par Lorenzo, puis par son fils Camillo, qui le refait presque entièrement entre 1546 et 1547. L’ancien mécanisme qui fonctionnait certainement avec un système de poids et contrepoids est remplacé en 1688 par un mécanisme à pendule qui reste en fonction jusqu’en 1761, année pendant laquelle l’horloger florentin Giuseppe Borgiacchi met en place le mécanisme qui fonctionne toujours. À cette occasion, le cadran, œuvre du peintre florentin Paolo Ucello (1397-1475) est modifié pour passer de 24 à 12 heures et l’aiguille originale est remplacée. L’horloge n’a retrouvé ses caractéristiques originales qu’il y a une quarantaine d’années lors d’une restauration qui rétablit l’ancien fonctionnement du mécanisme, avec l’aiguille qui effectue un tour en 24 heures. L’horloge s’inscrit dans un carré aux quatre coins duquel l’artiste Paolo Ucello a peint les quatre évangélistes. La première chose qui nous interpelle en la regardant est qu’à l’inverse des horloges classiques, la première heure de la journée – en chiffres romains – et la vingt-quatrième se trouvent en bas du cercle. La seconde chose qui interpelle est que la première heure de la journée commence à l’heure du coucher du Soleil. Elle indique 19h45 sur la photo ci-contre mais c’est 19h45 en temps universel après le coucher du Soleil. Or l’heure du coucher du Soleil varie tous les jours… L’horloge devrait donc être recalée tous les jours. L’erreur introduite sur une semaine n’est pas énorme et c’est la raison pour laquelle l’horloge du Duomo n’est recalée qu’une fois L’horloge antihoraire de la cathédrale de Florence par semaine. L’horloge de Testour La ville de Testour, au Nord-Ouest de la Tunisie a été profondément marquée par son passé, où les maures andalous vinrent s’y réfugier. L’horloge installée sur le haut minaret de la grande mosquée de la ville À gauche, le minaret de la mosquée de Testour ; à droite, une vue rapprochée de l’horloge antihoraire possède l’une des curiosités architecturales de cette époque. À l’initiative d’Abdel Halim Koundi, ingénieur d’origine andalouse, l’horloge de Testour a été remise en service en décembre 2014, après trois siècles de sommeil et trois ans de restauration. Outre que ses aiguilles tournent dans le sens anti-horaire, elle se singularise par ses chiffres orientés vers le centre, tels que le 6 qui se lit comme un 9 couché sur le dos et le 3 qui se lit comme s’il était couché sur le ventre. Conclusion Erik Orsenna écrit en avant-propos de cet article : ‘‘comment dormir au milieu d’une horloge qui ne sait pas de quel côté va le temps ?’’ Mais quelle drôle d’idée que celle de vouloir vous faire dormir au milieu d’une horloge… En plus, si elle ne sait dire de quel côté va le temps, comment le lecteur de cet article pourra-t-il savoir s’il est un couche tard ou un lève-tôt ? C’est bien compliqué tout cela. J’en ai la tête qui tourne… Mais dans quel sens tourne-t-elle ? la porte des étoiles n°42 18
• • • • VOYAGE Astronomie et vexillologie Par Simon Lericque Le ciel et ses principaux astres font partie du paysage de l’humanité depuis la nuit des temps. Même si ce lien avec le firmament se fait de plus en plus distant, il n’est pas étonnant que ce contexte astronomique se glisse dans de nombreuses représentations symboliques. Ainsi, la vexillologie – l’étude des étendards et pavillons – nous montre qu’une cinquantaine d’états et territoires de par le monde figurent aujourd’hui encore sur leur drapeau des représentations célestes : souvent la Lune, parfois le Soleil ou les étoiles... Découverte. Afrique En Afrique, berceau de l’humanité, on retrouve forcément une grande diversité de représentations célestes. L’astre solaire, omniprésent dans le ciel de la majorité des contrées africaines, est représenté sur certains drapeaux. Il figure sur celui du Niger comme un disque orange et il est symbolisé en jaune en Namibie et au Rwanda. Sur le pavillon du Malawi, on voit l’astre du jour au levant, rougi, symbolisant l’avènement de l’espoir et Le Soleil se lève sur le Malawi de la liberté... Tout un programme ! Les phases de Lune sont à la base de l’établissement du calendrier musulman. Dans les régions méditerranéennes en effet, les saisons y sont moins marquées qu’en France métropolitaine. Les quatre saisons n’y sont pas forcément notables et l’astre de référence pour la mesure du temps n’y était pas historiquement le Soleil, comme sous nos latitudes, mais bien la Lune. Le premier croissant marque ainsi le premier jour de chaque mois du calendrier musulman. Il n’est donc pas étonnant que ce croissant lunaire se retrouve sur les drapeaux d’états du Maghreb, dont l’islam est la religion la plus pratiquée comme la Libye, l’Algérie ou la Tunisie. Tous montrent aussi une étoile à cinq branches (pour les cinq piliers de l’islam) qui accompagne ce croissant. Cette ‘‘conjonction’’ entre ce croissant et l’étoile commémore traditionnellement le rapprochement de la Lune et de Vénus qui a eu lieu le jour où le prophète Mohammed reçut sa première révélation de la part d’Allah. Conjonction serrée du croissant de Lune et de Vénus La Lune et Vénus sur le drapeau Tunisien la porte des étoiles n°42 19
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