La prise en compte du risque dans le voyage d'affaire
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La prise en compte du risque dans le voyage d’affaire Étienne Pénaud, Karim Machat, David Ospital To cite this version: Étienne Pénaud, Karim Machat, David Ospital. La prise en compte du risque dans le voyage d’affaire. Management & Sciences Sociales, Kedge Business School, 2018, Risque : débattre et surtout décider, pp.68-80. �hal-01894938� HAL Id: hal-01894938 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01894938 Submitted on 13 Oct 2018 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Copyright
La prise en compte du risque dans le voyage d’affaires Étienne Pénaud Consultant en Travel Management, Université de Pau et des Pays de l’Adour/ E2S UPPA, Centre de Recherche et d’Études en Gestion, EA4580 etienne.penaud@atlans.fr Karim Machat Maître de conférences, HDR, Université de Pau et des Pays de l’Adour/ E2S UPPA, Centre de Recherche et d’Études en Gestion, EA4580ANCE karim.machat@iutbayonne.univ-pau.fr David Ospital Maître de conférences, Université de Pau et des Pays de l’Adour/ E2S UPPA, Centre de Recherche et d’Études en Gestion, EA4580 david.ospital@iutbayonne.univ-pau.fr Cet article présente les résultats d’une première recherche exploratoire sur la prise en compte du risque dans le voyage d’affaires. Une revue de littérature permet tout d’abord d’identifier la fonction même de travel management dans l’entreprise tout autant que l’émergence d’un nouveau métier, le travel manager (TM) dont nous montrons que la mission principale repose sur la prise en compte du risque dans ses différentes dimen- sions (financière, physique, de performance, etc.). Une étude qualitative et exploratoire, réalisée auprès d’un échantillon de 10 gestionnaires de voyages, nous amène ensuite à identifier la nature du risque tel qu’il est pris en compte par ces mêmes gestionnaires de voyage d’affaires (ou TM). Les principaux résultats de notre recherche révèlent la difficulté de l’évaluation des risques par les TM et suggèrent des leviers d’actions pour y parvenir. Mots clés : risque, voyage d’affaires, Travel Manager, contrôle, engagement. This paper reports findings of a first exploratory research on how travel managers (TM) assess risk in the business travel industry. Firstly, literature review allows identifying the function of travel management as well as the role of the TM whose main mission consists in taking into account risk in its various dimensions (financial, physical, perfor- mance risk, etc.). Secondly, an exploratory qualitative study based on a sample of 10 TM illustrates how they effectively deal with the specific risk of travelling within their company. The main results of our research reveal the difficulty for them to assess risk and also suggest some levers for potential action. Keywords : risk, business trip, Travel Manager, control, commitment. 68 Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
Le déplacement des collaborateurs au sein Cet article propose tout d’abord une revue d’un territoire national ou international est de littérature visant à déterminer les do- devenu une nécessité pour les organisations maines d’analyse du voyage d’affaires. Nous privées ou publiques. La mobilité est en effet confrontons cette revue de littérature aux une réalité de l’entreprise qui connaît un be- publications des professionnels pour en faire soin de déplacement de plus en plus impor- ressortir un inventaire des risques générés tant pour des motifs très variés : entreprises par le voyage d’affaires. Par risque, nous en- multi-sites (Brousseau et Rallet, 1997), pro- tendons l’ensemble des aléas générant des jets intra ou interentreprises, mondialisation pertes (Knight, 1921) et donc dans le cas du du commerce, remplacement d’expatriés par voyage d’affaires, pouvant survenir et impac- des cadres pendulaires internationaux (Des- ter le voyageur ou son entreprise. Puis dans marais, 2012), etc. Le poids de ce secteur est un second temps, cet article apporte une d’ailleurs devenu considérable, estimé à 292 contribution empirique sur la détermination milliards de $ aux USA en 2014 selon GBTA et la prise en compte des risques générés par (Global Business Travel Association), et 25 les voyages d’affaires et complète ainsi l’ana- milliards d’euros pour la France en 2011 se- lyse de Gustafson (2012, 2013) en répondant lon American Express (Baromètre EVP, 2012). à la question de recherche suivante : « Quelle Dans son rapport annuel 2016, GBTA estime est la nature du risque dans le voyage d’af- que le budget global du business travel pas- faires ? ». Les résultats de l’étude empirique sera de 1,2 trillion de $ en 2015 à 1,6 trillion exploratoire réalisée auprès de dix Travel de $ en 2020. Managers (TM) mettent en exergue les rai- sons qui expliquent les difficultés de la prise Dans ce contexte, tentons tout d’abord de re- en compte du risque dans le voyage d’affaires censer et décomposer - pour mieux en com- par les entreprises. prendre la complexité - la multitude d’acteurs interconnectés par les opérations indispen- Les principales dimensions du risque sables à la réalisation du voyage d’affaires. Pour les déplacements de ses collaborateurs, dans le voyage d’affaires l’entreprise cliente utilise en effet les services de plusieurs catégories de fournisseurs. Les La littérature aborde le voyage d’affaires selon prestataires primaires tout d’abord (compa- quatre domaines d’analyse : la fonction de gnies aériennes, ferroviaires, hôtels, apparts travel management, le métier de TM, l’orga- hôtel, taxis, bus, métros…) sont des entre- nisation voyages et la dimension stratégique prises ayant une action opérationnelle durant du voyage d’affaires. Étonnamment, le risque le voyage. Les intermédiaires de réservation n’est pas pris en compte par les recherches (agences de voyages, plateformes hôtelières, sur le voyage d’affaires. Nous tenterons donc GDS, brookers, sites web) assurent quant à d’en évaluer la nature ainsi que les principales eux un accès aux stocks de places disponibles. dimensions. Les prestataires de paiement (banques) as- Le risque n’est pas évalué dans les re- surent l’interface financière et fournissent des cherches sur le voyage d’affaires statistiques enrichies sur le secteur du voyage d’affaires. En outre, l’entreprise cliente fait Aucune recherche portée à notre connais- également appel à des sociétés informatiques sance n’a pour objet de prendre en compte facilitant l’organisation interne de ses propres le risque dans le voyage d’affaires1. C’est déplacements de collaborateurs. Enfin, des donc à partir des travaux de Harland et al. sociétés de services viennent répondre aux (2003)2, réalisés dans un tout autre contexte, besoins des voyageurs ou de leur employeur que nous proposons d’identifier le risque par (assureur, assisteur, data crunching, négocia- six catégories de pertes encourues lors du teurs, sûreté, interprètes, etc.). voyage d’affaires. Il s’agit des pertes finan- 1. Dans les travaux de Gustafson (2012, 2013), la sécurité des voyageurs et le risque sont simplement abordés, sans faire l’objet d’une analyse ni même d’un quelconque inventaire. 2. Les auteurs ont travaillé sur la supply chain. N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales 69
cières (surcoût des prestations, prime d’assu- performance lorsque le Travel Management rance, déplacement inutile), de performance n’a pas servi le voyageur selon ses attentes (déplacement mal organisé, voyageur trop fa- (Tableau 1). tigué, réunion écourtée), physiques (petite et grande criminalité, terrorisme, maladie, acci- Les dimensions du risque dans le métier dent), psychologiques (notamment le stress ; de Travel Manager (TM) Ivancevich et al. 2003), sociales (image de l’entreprise ou du collaborateur, Derudder et Il faut attendre les années 1960 pour voir ap- al. 2011 ), juridique (obligation de l’employeur paraître la profession de Travel Manager (Jen- inscrite au code du travail) et, enfin, la perte kins, 1993) et c’est bien plus tard que Gustaf- de temps (l’organisation du déplacement, sa son se penche sur le TM dans son quotidien, réalisation et sa clôture, dont la gestion des son rôle et ses capacités d’action. Exposons frais, des litiges…). ses recherches tout en poursuivant notre De manière à étoffer cette première approche interrogation quant aux pertes encourues des risques dans le voyage d’affaires, nous identifiables aux travers des missions du TM nous sommes également appuyés sur les pu- (Tableau 1). Pour Gustafson (2012), celui-ci blications professionnelles. Les risques y sont organise ses missions selon quatre objectifs. généralement présentés en deux grandes - Limiter les dépenses du poste voyages ; catégories : les risques pour le voyageur et les ce qui est à l’origine d’un risque financier risques pour l’entreprise (cf. Annexe 1 - Détail dont nous essaierons d’évaluer la véritable des risques professionnels lors du voyage d’af- nature lors de notre étude empirique. faires). Les risques pour le voyageur sont au - Favoriser le confort (à l’origine d’un risque nombre de six : stress du voyageur induit par de performance). les déplacements, petite criminalité, attentat, - Assurer de bonnes conditions de travail maladie, accidentologie et enlèvement. Les lors du voyage (à l’origine d’un risque de risques pour l’entreprise sont ceux dont l’ef- fet touchera le donneur d’ordres : efficience performance). de la mission, surcoût des prestations, perte - Garantir la sécurité des voyageurs (source d’équipe, perte ou vol d’informations de des risques physique et psychologique, es- l’entreprise, mise en jeu de sa responsabilité. sentiellement). Cette dichotomie (risques pour le voyageur/ risques pour l’entreprise) ne rend pas compte Les dimensions du risque dans de la complexité du management des risques l’organisation voyages de l’entreprise dans le voyage d’affaires. C’est pourquoi nous confronterons ces risques identifiés aux do- Selon Gustafson (2012) le Travel Manager maines d’analyse du voyage d’affaires relevés travaille autour de 6 axes principaux afin de préalablement dans la littérature. déployer l’organisation permettant de gérer et contrôler les voyages d’affaires. Les dimensions du risque dans - Il définit la politique voyages pour établir la fonction Travel Management les règles devant être appliquées par les voyageurs. Le non-respect de ces règles est La gestion du voyage d’affaires est éminem- à l’origine d’une grande variété de pertes ment transversale. Elle apparaît toutefois, encourues dont les pertes juridiques. dans les années 1940, en tant que fonction - il définit un process de commande et cen- distincte au sein de grandes entreprises amé- tralise les réservations sur une agence de ricaines pourvues d’un département ayant voyages unique favorisant ainsi le contrôle la fonction Travel Management (Morrison et et la centralisation des informations sta- al., 1994). Elle a alors pour objectif de déli- tistiques ; ce qui vise à réduire les risques vrer le meilleur service aux voyageurs tout en financier et physique essentiellement. limitant les coûts (Douglas et Lubbe, 2009). - il déploie des outils de gestion spécifiques Deux principales pertes encourues peuvent (réservation, ordre de mission, note de frais) donc être identifiées du point de vue de cette et standardise le mode de paiement ; ce qui fonction : la perte financière lorsque les coûts vise à limiter le risque de perte de temps et ne sont pas contrôlés ainsi que la perte de sécurise les commandes et paiements. 70 Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
- il gère les relations avec les fournisseurs d’affaires comme un élément central des primaires en négociant les contrats cadres relations commerciales mais la corrélation et les grilles tarifaires ; ce qui limite le risque stratégie d’entreprise - stratégie voyages n’est financier essentiellement. pas systématique. Cette absence de stratégie - il analyse les statistiques pour suivre les voyages se traduit souvent par une position budgets, les dépenses et auditer l’organisa- du Travel Manager non dédiée, peu valorisée tion ; ce qui vise à réduire le risque financier et peu reconnue. Il est généralement (dans de dérive des collaborateurs. l’organigramme de l’entreprise), en position - il communique avec les prestataires et inférieure aux voyageurs. Sans l’appui de la les salariés de son entreprise ; ce qui vise à direction de son entreprise, et en l’absence réduire principalement les risques psycholo- d’une véritable vision stratégique du voyage gique et social. d’affaires, il lui sera difficile d’imposer des règles aux voyageurs. De ce fait, il doit trouver L’organisation voyages se distingue de l’orga- un équilibre entre contrôle et engagement nisation formelle de l’entreprise puisqu’elle y pour faire appliquer la politique voyages (Gus- est transversale. Les quatre premiers axes de tafson, 2013). L’implication de la direction et Gustafson (2012) portent sur la définition des des voyageurs est alors nécessaire (Holma, règles et des process. L’organisation voyages 2009) pour limiter les risques dans l’ensemble de l’entreprise permet une maîtrise des flux de leurs composantes. d’informations et financiers. Le cinquième axe relève du contrôle. Le dernier axe est primor- dial : il permet au TM de créer un lien avec les Les dimensions du risque généré par voyageurs pour tenter de leur faire accepter la relation triadique TM - Fournisseurs des projets souvent considérés comme des primaires - Intermédiaires contraintes. Le TM est alors susceptible de devoir gérer un large éventail de risque (phy- L’acceptation des règles et contraintes par sique, de performance, etc.) à chaque fois que les voyageurs est complexifiée par la relation le voyageur (qui peut être son supérieur hié- commerciale triadique entre l’entreprise, les rarchique) n’adhère pas à la politique voyages fournisseurs et l’agence de voyages (Lubbe, (éventuellement de manière délibérée). 2003). Une gestion saine du risque dans le voyage d’affaires doit donc inclure l’ana- Même si la mission principale du TM est lyse des acteurs en relation dans la gestion de contrôler les coûts, la dépense liée aux du voyage d’affaires (Holma, 2009) : le ser- voyages d’affaires est en réalité souvent corré- vice achat de l’entreprise (qui inclut le TM), lée à la position du voyageur dans l’entreprise l’agence de voyages (ou tout autre intermé- (Gustafson, 2013). En outre, la flexibilité des diaire) et les compagnies aériennes (ou tout billets et l’obtention d’avantages personnels autre fournisseur primaire : ferroviaire, mari- par l’adhésion aux programmes marketing time, hôtelier, etc.). En effet, les intérêts de des fournisseurs peuvent devenir prioritaires, chaque acteur étant divergents, des conflits aux dépens d’économies pour son entreprise apparaissent et peuvent être à l’origine de (Holma, 2009). De nombreux voyageurs ne pertes financières encourues pour l’entre- sont pas prêts à perdre leurs avantages et prise. C’est le cas lorsque certains voyageurs leur position en suivant une politique voyages souhaitent favoriser le confort au détriment qui les entrave (Derudder, 2011). Le TM doit du prix par exemple, et le fournisseur pri- donc, de surcroît, prendre en compte l’inci- maire en tire profit. L’agence de voyages dence psychologique des règles imposées aux pouvant obtenir des avantages directs ou voyageurs. indirects du fournisseur primaire (e.g. compa- gnie aérienne), elle aura tendance à orienter Les dimensions du risque dans la à son seul profit le choix du voyageur, quitte à stratégie voyages de l’entreprise contourner les consignes du TM. Comme le souligne Aguilera (2008), de Le tableau 1 synthétise notre analyse du nombreuses études positionnent le voyage risque dans la gestion du voyage d’affaires N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales 71
Tableau 1 Les pertes encourues dans la gestion du voyage d’affaires pour y inclure à la fois son acceptation fonc- la gestion du risque dans le voyage d’affaires, tionnelle et stratégique. nous nous sommes engagés dans une quali- Dans la seconde partie de cet article, nous tative exploratoire. Celle-ci a été réalisée par présentons les résultats d’une étude qualita- entretiens semi-directifs dans dix organisa- tive exploratoire sur la gestion du voyage d’af- tions. Ses résultats nous permettent notam- faires. Son objectif principal est d’identifier la ment d’identifier les étapes de la prise en réalité d’une prise en compte du risque dans compte du risque dans la gestion du voyage la gestion du voyage d’affaires. d’affaires. Méthodologie de la recherche qualitative L’étude exploratoire auprès des Travel Managers Nous avons procédé à des entretiens semi- directifs auprès d’entreprises dont les sièges Étant donné le peu de recherches relevant de sociaux sont basés en France. Comme le laisse 72 Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
supposer notre revue de la littérature, nous sources classiques : la littérature de recherche, pouvons constater que l’achat de voyage les experts et praticiens, la problématique de d’affaires n’est pas toujours pris en charge par recherche, l’intuition du chercheur, la littéra- une fonction ni même un métier de Travel ture professionnelle… » L’échantillon est suffi- Manager. Notre échantillon étant constitué samment varié s’il comporte par exemple au de 10 organisations, nous y avons interrogé moins une ou deux observations sur chaque des responsables voyages, des acheteurs ou niveau de chaque critère selon Romelaer des Travel Managers (Tableau 3). La construc- (2005). tion de l’échantillon des personnes interro- gées repose sur le critère de « saturation sé- Compte tenu de la deuxième condition, nous mantique » (Romelaer, 2005). Il y a saturation avons retenu plusieurs critères en fonction sémantique si deux conditions sont remplies : desquels il nous semblait que les phéno- - les nouveaux entretiens n’apportent plus de mènes étudiés pouvaient varier (Tableau « descripteurs ou de modalités différents » 2). L’échantillon s’est construit autour d’une (Romelaer, 2005) ; dichotomie acteurs concernés par les dépla- - l’échantillon des entretiens est suffisamment cements nationaux/acteurs concernés par divers au sens suivant : d’abord on regarde la les déplacements internationaux. Cette di- population dans son ensemble ; ensuite on se chotomie nous est apparue pertinente car demande quels sont les critères en fonction les risques générés par ces deux types de desquels les phénomènes auxquels on s’inté- déplacements ne sont pas de même nature. resse dans la recherche peuvent varier dans Enfin, au sein de chacune de ces catégories, la population. « On recueille le plus grand plusieurs critères de sélection des personnes nombre de critères importants auprès de ont été pris en compte. Tableau 2 La construction de l’échantillon Notons cependant que certaines personnes déplacements nationaux et internationaux. interrogées sont à la fois concernées par des Tableau 3 L’échantillon de l’étude qualitative exploratoire N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales 73
Les entretiens3 ont été construits autour de Les résultats de l’analyse de contenu 4 thèmes : la reconnaissance des risques, l’organisation, la sensibilisation aux risques, Notre investigation empirique souligne la né- les moyens d’action dont le contrôle et l’enga- cessaire prise en compte du risque par le TM, gement. À l’issue des entretiens, les contenus notamment par une valorisation financière. ont été analysés « artisanalement » en cher- Elle révèle surtout les étapes pour y parvenir : chant à faire ressortir une analyse du sens se- connaissance, sensibilisation, implication, lon Wacheux (1996). Il ressort trois objectifs organisation et contrôle. possibles d’analyse du sens : Un risque souvent considéré mais rarement valorisé financièrement - faire ressortir la représentation d’événe- ments vécus par l’acteur (la perception des Selon les résultats de notre étude empirique, risques, de l’organisation, du contrôle et de le gestionnaire de voyage d’affaires - qu’il soit l’engagement) ; Travel Manager, acheteur ou responsable de - comprendre les modes de raisonnement et mission – prend effectivement en compte les structures de la pensée (chercher à com- le risque dans son métier (Tableau 4). En re- prendre pourquoi le risque est parfois mal vanche, le risque voyages n’est valorisé finan- perçu, mal évalué voire mal géré) ; cièrement que par 20 % de notre échantillon. - faire ressortir des savoirs et référents com- Peu d’entreprises de notre échantillon ont va- muns à un groupe d’appartenance (analyses lorisé le coût de gestion ou la perte en cas de récurrentes en fonction des types d’acteurs, survenance d’un risque. Le seul risque étant des types d’organisation et/ou de voyage systématiquement valorisé et géré par l’en- d’affaires). semble des entreprises est le risque financier. Tableau 4 Les risques effectivement pris en compte dans la gestion du voyage d’affaires E : risque considéré, reconnu par l’entreprise / EN : risque considéré par entreprise mais non intégré dans l’organisation / T : risque considéré par le TM et pas par l’entreprise/ N risque non considéré / Gris = risque valorisé financièrement / Blanc = risque non valorisé financièrement 74 Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
Nous retenons d’abord que deux risques sont de la gestion du risque : la méconnaissance considérés et valorisés par l’ensemble des so- des risques par ses collaborateurs. Selon notre ciétés rencontrées : échantillon, 75 % des TM estiment que les - le risque financier de surcoût des prestations voyageurs ne sont pas ou trop peu sensibilisés (Aguilera, 2008) et le contrôle des coûts ; aux risques. - le risque d’attentat pour les déplacements dans les pays considérés dangereux par le Quelles sont alors les origines de cet écart ministère des Affaires étrangères. Cette recon- entre perception des risques par le Travel Ma- naissance qui préexiste dans les plus grandes nager, la Direction et sensibilisation des colla- entreprises s’est étendue au sein de toutes les borateurs ? Dans un premier cas, l’entreprise entreprises depuis les attentats de Paris et de ne reconnaît tout simplement pas les risques Bamako en 2015. et n’a pas mis en œuvre l’organisation néces- saire. Dans le cas où l’entreprise reconnaît les La direction d’une entreprise se réfugie sou- risques, une corrélation semble exister entre vent derrière les simples obligations sanitaires, sa taille et la sensibilisation des voyageurs. Les principalement de vaccination. Rares sont les entreprises de taille moyenne considèrent que entreprises qui prennent en compte le stress le voyageur est sensibilisé au risque financier. du voyageur. « Les déplacements étant partie Quant aux autres risques, des facteurs externes intégrante de la définition de poste, le stress (principalement médiatiques) suffiraient à sa fait partie du métier », souligne un gestionnaire sensibilisation. Son degré de connaissance dé- de voyages. pend de son engagement personnel à chercher et recevoir les informations nécessaires pas ses Les autres risques pour l’entreprise sont peu propres moyens. Les entreprises plus impor- considérés. L’efficience de la mission est uni- tantes considèrent que la sensibilisation est de quement traitée par des politiques voyages leur devoir mais n’ont pas toujours les moyens autorisant l’accès à des classes de confort de bien le faire. supérieures selon la durée des déplacements et à des plafonds de remboursements de frais Dans le dernier cas, les sociétés les plus avan- élevés dans des villes considérées à risque. cées ont créé 3 niveaux de sensibilisation : Mais rien n’est prévu pour aider le voyageur en sensibilisation des voyageurs aux risques spéci- cas de problème de transport. Il est considéré fiques de chaque pays, sensibilisation des supé- devant « réagir seul comme s’il était dans un rieurs hiérarchiques à l’importance de la prise déplacement personnel ». en considération des recommandations par les voyageurs, et sensibilisation du Top Manage- À plusieurs reprises, ces deux raisons de non- ment sur la responsabilisation des managers reconnaissance des risques ont été évoquées dans les obligations de sécurité. Cette sensibili- dans les entretiens. Reconnaître, c’est se sation passe par l’envoi systématique de docu- contraindre. En effet, les managers voyageurs mentations sur les pays, les risques généraux ne souhaitent pas modifier leurs habitudes et et particuliers ainsi que par des procédures perdre des libertés, ce qui confirme les tra- voyages. vaux d’Holma (2009). Ils préfèrent souvent ne pas reconnaître le risque plutôt que de devoir L’étape critique de l’implication du top mana- s’adapter et adapter l’organisation de l’entre- gement prise. La prise en compte des risques dans les entre- Connaître le risque et y être sensibilisé : deux prises étudiées nécessite leur bonne connais- étapes préalables à sa gestion dans le voyage sance par la direction ou le top management. d’affaires Tous nos entretiens confirment le caractère fondamental de l’implication de la direction « Pour respecter les consignes, la première comme le souligne Gustafson dans ses travaux étape est de les connaître » précise un Travel (2012) sur le « process voyages ». Les TM inter- Manager mettant en avant un point critique rogés intègrent dans leur mission un travail sur 3. Nous avons conduit les entretiens d’une heure en moyenne. N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales 75
la mise en lumière des risques permettant au L’organisation voyages limite principalement Top Management de bien les comprendre. le risque financier « L’ensemble des risques de l’entreprise Les TM qui prennent en compte un risque sont gérés par la Direction de la Sûreté. mettent en place une organisation voyages. Elle a le pouvoir d’interdire un voyage. L’objectif premier est de limiter le risque finan- Nous avons reçu des instructions très cier : le contrôle des réservations et la politique précises sur les pays autorisés et le Di- voyages sont alors les outils les plus fréquem- recteur de la Sûreté est en relation avec ment utilisés. la Direction Générale pour analyser les cas particuliers. Au final, c’est lui qui « Notre entreprise a fait le choix de décen- est responsable de la mission et unique traliser les réservations sur les voyageurs. décisionnaire des conditions de voyages Ils sont autonomes dans l’achat de leurs ou de l’annulation de la mission. Notre titres de transport. La voie hiérarchique nouveau Directeur a reçu une formation directe valide les billets. Le risque financier aux risques voyages par le Directeur de la est encadré. Si un achat n’est pas conforme Sureté lors de sa prise de fonction. » à la politique voyages, le manager est in- formé au moment de la validation. Même Mais l’implication de la direction de l’entreprise dans ce cas, un voyageur peut contourner dans la gestion du risque dans le voyage d’af- la règle en achetant son billet au dernier faires est loin d’être naturelle en raison de la re- moment ou en réalisant une note de frais présentation même du risque par les dirigeants. après le déplacement. L’entreprise est dans l’obligation de le rembourser. Pour les « Le responsable doit être conscient qu’un risques pays, chaque réservataire, voya- risque peut survenir même si sa probabi- geur et validateur doit être conscient des lité est très faible. Nous sommes confron- risques, connaître les solutions proposées tés à des décideurs qui sont avant tout par l’entreprise et les appliquer. Souvent, des cadres dirigeants de l’entreprise. Ils par manque de temps ou d’information, ont comme objectif la rentabilité de l’en- les voyageurs ne prennent pas connais- treprise et voyagent beaucoup. Pour les sance des documents mis à disposition. Ils voyages, ils ont deux souhaits : limiter les ne se rendent pas forcément compte de la dépenses et satisfaire les voyageurs. Ils complexité des procédures mises en œuvre portent peu d’intérêt aux risques liés aux dans leur intérêt. » voyages même si régulièrement je tente de leur démontrer leur existence. Leur ré- Pour les autres risques, les entreprises ponse tourne autour de leurs expériences comptent essentiellement sur l’engagement qui se sont toujours bien déroulées, ils personnel du voyageur. Que les consignes n’ont jamais rencontré de problèmes soient formalisées ou pas, finalement : « seul le majeurs, le risque n’existe donc pas. C’est voyageur décide ». L’organisation a seulement un raisonnement simpliste et compliqué à pour objectif de l’aider à prendre les bonnes contredire quand on parle à un patron ». décisions. Quand le Top Management perçoit un risque, Un contrôle pour permettre l’engagement des il subsiste tout de même une réelle résistance voyageurs de ceux qui ne souhaitent pas s’impliquer. Cela revient à mésestimer les risques pour éviter Une fois reconnus, les risques sont intégrés par d’avoir à agir en conséquence. les fonctions supports au voyage d’affaires et leur gestion s’inscrit en prérequis des organi- « Reconnaître qu’un risque existe entraine sations. L’organisation voyages s’accompagne deux actions ; une prise en compte indivi- concrètement d’un investissement dans des duelle dans ses propres déplacements et outils adaptés. Des circuits de validation per- une prise en compte dans les procédures mettent d’éviter des déplacements à risques, internes entrainant lourdeurs administra- des books-pays donnent des instructions sani- tives et pertes d’opportunités marchés. » taires et comportementales précises, des poli- 76 Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
tiques voyages intègrent la sécurité dans les règles de voyage (Holma), des formations spé- Nous décrivons également dans cette re- cifiques sont proposées aux voyageurs, des dis- cherche l’émergence d’un nouveau métier qui positifs de sécurisation (véhicule blindé, garde est intimement lié à la gestion du risque dans du corps…) sont déployés. le voyage d’affaires : Travel Manager (TM). C’est notamment dans la perspective de mieux Gustafson (2012, 2013) aborde les notions de comprendre la fonction émergente dont il contrôle et d’engagement de manière conco- relève dans l’entreprise que nous avons réa- mitante en proposant un modèle où l’équilibre lisé une investigation qualitative par une série entre ces deux variables est nécessaire pour d’entretiens semi-directifs auprès de dix Travel permettre une bonne gestion du voyage d’af- Managers. Les intitulés même de leur poste té- faires. Cependant, selon nos premiers résultats moignent d’ailleurs, dans leur variété, de cette exploratoires, la gestion des risques autres que émergence : acheteur de voyages, gestionnaire financiers ne suit pas ce modèle. de voyages, responsable de mission, TM, etc. Selon nos premiers résultats empiriques, si le « Toutes les réservations sont réalisées risque est bien considéré par les TM interrogés, il ne fait que très rarement l’objet d’une véri- dans notre outil d’ordre de mission. Si une table gestion, notamment par une valorisation réservation concerne un déplacement à financière complète. Sauf pour le surcoût de risque, un pop-up s’ouvre indiquant la pro- prestations (perte financière) qui est vérita- cédure à suivre. Selon le niveau de risque, blement intégré dans les entreprises de notre un message est envoyé aux services Travel échantillon. La perte physique (liée notamment et RH pour que nous nous assurions que à la criminalité ou aux attentats) n’est valorisée les informations aient bien été reçues et financièrement que par une très faible partie comprises par le voyageur. Une fois en des entreprises interrogées. Ceci est surpre- déplacement, le voyageur est le seul à nant dans le contexte d’une menace terroriste décider s’il va suivre les consignes. Même permanente couplée à la hausse du nombre si nous lui demandons par exemple de ne des voyages d’affaires. pas se séparer de son localisateur, il peut le laisser dans sa chambre d’hôtel. » Nos résultats permettent surtout d’illustrer les étapes d’une prise en compte du risque dans Ainsi, le contrôle permet-il de s’assurer de la la gestion du voyage d’affaires. La connaissance prise d’information par le voyageur. L’applica- du risque par les acteurs du voyage d’affaires tion des consignes ne dépend que de ce der- est tout d’abord primordiale bien qu’elle ne soit nier. Le contrôle favorise l’engagement. pas toujours effective, selon les TM interrogés, essentiellement par manque de sensibilisation Conclusion à cette problématique. Ensuite, l’implication du top management (selon les propos recueillis), Cet article dresse l’inventaire des risques à semble être un facteur explicatif d’une ges- considérer dans la gestion du voyage d’affaires. tion optimale du risque. Une relation forte Un état de l’art sur le risque fait tout d’abord se dégage d’ailleurs entre cette implication et ressortir le décalage entre les travaux acadé- l’organisation voyages (procédures et politique miques, rares (Gustafson, 2012, 2013 ; Holma, voyages). 2009), ne traitant d’ailleurs du risque que de manière périphérique, et la littérature profes- Enfin, le contrôle et l’engagement sont les deux sionnelle, foisonnante sur cet objet (Annexe leviers d’actions incontournables pour que le 1). C’est ainsi que nous avons pu considérer le TM puisse réaliser pleinement sa mission. Le risque comme un ensemble de pertes encou- contrôle est une variable importante pour s’as- rues dans la gestion du voyage d’affaires : finan- surer que le voyageur dispose de l’ensemble cières (e.g. surcoût des prestations, prime d’as- des informations lui permettant de connaître surance), de performance (e.g. voyageur trop les risques et les consignes. Mais la limita- fatigué), physiques (e.g. criminalité, maladie), tion des risques ne peut se faire que par son psychologiques (e.g. stress), sociales (image engagement individuel. L’hypothèse de Gus- de l’entreprise ou du collaborateur), juridiques tafson sur la nécessité de trouver un équilibre et, enfin la perte de temps (l’organisation du entre contrôle et engagement dans la gestion déplacement liée éventuellement à des litiges). des voyages ne semble pas s’appliquer par- N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales 77
faitement à la gestion des risques du voyage d’affaires. Finalement, une fois en mission, le Jenkins, D. (1993). Business Travel : management tips from the pros (Irwin, Illinois) voyageur est seul décisionnaire de ses actions et des risques qu’il encourt tout autant que des Knight, F.H. (1921). Risk, uncertainty and profit, pertes pour son entreprise. New York : Hart, Schaffner and Mark. Nous sommes conscients du caractère explo- ratoire de cette recherche qualitative : ces Lubbe, B. (2003). A study of corporate travel man- agement in selected South African organizations premiers résultats ne sont statistiquement pas and a conceptual model for effective corporate représentatifs. Ils nous encouragent cepen- travel management, South African Journal of Eco- dant à poursuivre nos travaux sur le risque nomic and Management Sciences, 6(2), 304-330. dans le voyage d’affaires avec des questions Masson, JK. (1999). The effect of corporate influ- de recherche complémentaires sur les facteurs ence of the short haul business travel market, Jour- de l’engagement du voyageur d’affaires, par nal of Air Transport Management (4-2), 66-83. exemple. Nous devrons également envisager, à terme, le recours à des méthodologies quanti- Morrison, A.M., Ladig, K.A., Hsieh, S. (1994). Cor- porate travel in the USA : Characteristics of manag- tatives dans une démarche confirmatoire. ers and departments, Tourism Management (15-3), 177-184. Références bibliographiques Romelaer, P. (2005). L’entretien de recherche, in Aguilera, A. (2008). Policy and Practice Business Roussel, P. et Wacheux, F. (2005), Management travel and mobile workers, Transportation Research des ressources humaines, Méthodes de recherche Part A (42-8), 1109-1116. en sciences humaines et sociale, Editions De Boeck. Brousseau, E. & Rallet, A. (1997). Le rôle des tech- Wacheux, F. (1996). Méthode Qualitatives de Re- nologies de l’information et de la communication cherche en Gestion, Economica. dans les changements organisationnels, in Guilham, B. (sous la direction de), Économie de la connais- sance et organisations. Entreprises, territoires, ré- Étienne PÉNAUD seaux. Paris, Montréal : L’Harmattan, 286-309. Consultant spécialiste en Travel Management, doctorant Defrank, S R., Konopaske, R., John, M. (2000). ����� Exec- en Sciences de Gestion. Après des études de sciences utive Travel Stress : Perils of the Road Warrior, The à l’université de Bordeaux 2 et un Master spécialisé en Academy of Management Executive (1993-2005) Achats, il intègre un cabinet de conseil. Depuis 2001, il (14-2), 58-71. accompagne les entreprises dans l’organisation de la Derudder, B., Beaverstock, J.V., Faulconbridge, J., fonction voyage d’affaires et forme les Travel Managers à Storme, T., Witlox, F. (2011). You are the way you la bonne gestion de leur poste. fly : on the association between business travel and business class travel , Journal of Transport (6-2), Karim MACHAT 304-330. Maître de conférences en Sciences de Gestion, Habilité Desmarais, C., Ghislieri, C., Wodociag, S. (2012). Les à Diriger des Recherches, il est titulaire d’un doctorat de cadres pendulaires internationaux, Revue française l’IAE de Montpellier en 2003, sa thèse a reçu le prix Paul de gestion(7), 91-106. Nicolas décerné par l’académie des sciences commer- ciales en 2004. Ses travaux portent sur le marketing BtoB. Douglas, A. & Lubbe, B. (2009). ��������������������� Violation of the Cor- Il s’intéresse à la problématique des PME confrontées à porate Travel Policy : An Exploration of Underlying des donneurs d’ordres qui les situent dans une relation Value-Related Factors, Journal of Business Ethics (84-1), 97-111. d’asymétrie relationnelle que ce soit dans l’industrie agroalimentaire, l’aéronautique ou les services. L’interac- Gustafson, P. (2012). Managing business travel : De- tion dyadique développée par l’école de l’IMP (Industrial velopments and dilemmas in corporate travel man- Marketing and Purchasing Group) constitue son premier agement, Tourist Management (33-2), 276-284. ancrage théorique. Ses recherches récentes s’orientent Gustafson, P. (2013). Control and commitment in vers une analyse de la capacité d’interaction du fournis- corporate travel management, Research in Trans- seur-PMI. portation Business & Management (9), 21-28. David OSPITAL Harland C., Brenchley R., Walker H. (2003). Risk in Maître de conférences en Sciences de Gestion, ancien supply networks, Journal of Purchasing and Supply élève normalien de l’Ecole Normale Supérieure de Ca- Management, 9(1), 51-62. Holma, A. (2009). Adaptation in triadic business chan, il est titulaire d’un doctorat de l’Université Paris relationship settings : A study in corporate travel 1 Panthéon Sorbonne depuis 2007. Ses travaux portent management, PhD dissertation, Swedish School of sur des problématiques organisationnelles et de GRH commerce, Helsinki. concernant la mise en place de systèmes de délégations et de responsabilisation des acteurs. En particulier, ses Ivancevich, J.M., Konopaske, R., DeFrank, RS. (2003). Business travel stress : a model, proposi- recherches ont porté sur les organisations bancaires et tions and managerial implications. Work and Stress, plus récemment sur les ONG autour de la problématique 138-157. de la construction du sens. 78 Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
Annexe térature détermine aussi des grandes catégo- ries de risques : Les risques lors du voyage d’affaires Stress : La multiplicité des déplacements selon la littérature professionnelle a un effet direct sur la santé et le bien-être Les risques pour le voyageur des voyageurs. Des études en ressources humaines (Richard, 2000 ; Ivancevich, 2003) La littérature professionnelle4 analyse le rap- mettent en parallèle, déplacements profes- port entre typologie de risque sur la santé, sionnels, sentiment d’isolement, stress et typologie de zone de déplacement et anté- santé. L’organisation logistique du déplace- cédent du voyageur. Les zones de déplace- ment est un facteur de stress important pour ment ne présentent pas toutes les mêmes le voyageur. En zone rurale ou urbaine, la probabilités de survenance d’un risque. Un méconnaissance des lieux, la mauvaise appré- déplacement routier dans un pays limitrophe hension des distances et temps de trajet ne présentera des risques de circulation et peu favorisent pas le bien-être des collaborateurs. de risque d’infection parasitaire alors qu’un Selon une étude réalisée par Booking.com5, déplacement aérien dans un pays tropical 93% des voyageurs d’affaires subissent un en voie de développement présentera des stress lors d’un déplacement. Les principaux risques sanitaires bien plus élevés. Cette lit- facteurs sont : Criminalité : Contrairement à la plupart des richesse, un individu à réaliser un acte délic- voyageurs de tourisme, les voyageurs d’af- tuel. faires se déplacent souvent dans des zones non sécurisées par les autorités. Le voyageur Attentats : Facteur de stress et risque sécuri- d’affaires est une cible recherchée de la petite taire, le nombre d’attaques est en forte évo- et la grande criminalité. Cette criminalité peut lution. Une compilation du Nouvel Observa- prendre 2 formes : teur montre l’évolution du nombre d’attaques dans le monde entre 2000 et 2014. Criminalité ciblée : le voyageur ou son entre- prise sont repérés et attendus par une orga- L’année 20156 a suivi cette tendance. Une nisation qui souhaite tirer profit du vol de étude réalisée en 2016 auprès de 607 voya- données ou de produits, nuire à l’entreprise geurs7 montre que seulement 10 % d’entre ou réaliser un acte de « communication » eux ne pensent pas du tout au risque de ter- rorisme dans le voyage. La multiplicité des Criminalité d’opportunité : le voyageur n’est événements terroristes ainsi que leur média- pas repéré mais « se trouve au mauvais tisation peuvent être considérées comme un endroit, au mauvais moment » et motive, facteur aggravant du stress des voyageurs. par une attitude une mise en évidence de 4. Officiel prévention Santé Sécurité au travail – dossier La prévention des risques des voyages et missions à l’étranger. 5. L’étude «Business Etiquette» a été réalisée pour Booking.com auprès de 4555 personnes entre 18 et 65 ans, ayant effectué au moins 4 voyages d’affaires à l’étranger l’année dernière. Elle a été menée entre le 29 janvier et le 11 février 2016 aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Espagne, au Japon, en Chine et en Italie. 6. Scrutum Security First. 7. ACTE - Traveller behaviour : threats & opportunities, How global events are driving change in business travel. Étude réalisée entre le 16/03 et le 12/04 2016. N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales 79
Maladies : La confrontation d’un voyageur à leures dispositions pour mener à bien sa mis- un environnement différent, les besoins en sion. La mauvaise réalisation du voyage peut vaccination, le changement de régime alimen- générer une perte d’efficacité. taire sont des facteurs facilitant la survenance L’organisation du déplacement par lui-même de maladies. Une étude de International SOS8 peut être incriminée. L’amplitude horaire des place la maladie en première menace ma- voyageurs d’affaire démarrant leur déplace- jeure du voyageur. ment souvent très tôt le matin, jumelée au décalage horaire, est une source de fatigue Accidentologie : L’accidentologie est princi- forte. Les conditions de transport prévues palement routière. En France, les accidents dans des politiques voyages restrictives ne de la route sont la première cause de décès permettent pas au voyageur de se reposer par accident du travail9 (1/4 des décès). Deux dans le temps de transport mais au contraire facteurs principaux influent sur le comporte- aggravent la fatigue initiale. ment du voyageur : son besoin de respecter des horaires de rendez-vous, d’avion, sa mé- Les conditions prévues de transport sont fré- connaissance des lieux et des habitudes de quemment modifiées par des aléas des pres- circulation des pays visités. tataires : retard, annulation de transport, sur- booking, ou des aléas conjoncturels : manque Enlèvement : Le kidnapping est traité dans de taxi lors d’un événement majeur de la ville cette partie mais pourrait aussi bien figurer de destination (grève, manifestation, accident dans l’impact économique. Les principaux qui bloque un accès, fashion week). chiffres10 à retenir sur le kidnapping en 2015 dans le monde : Surcoût prestations : Le budget global des dé- • 80 000 cas environ placements professionnels est souvent le pre- • Durée moyenne de 4 à 5 jours mier budget des achats hors production. Le • 73 % des cas sont résolus par le paiement morcellement de la dépense crée une diver- d’une rançon. gence entre la prise de décision ponctuelle du • 12 % des prises d’otages se voient réglées voyageur pour la dépense qu’il engage et le par l’intervention de forces de police ou ar- budget global, consolidation de la totalité des mées. dépenses individuelles. L’entreprise finance • 8 % des otages meurent, en raison de bles- un service mais l’acte d’achat est décidé par sures, carences nutritionnelles vitales ou ma- chaque voyageur (Masson, 2009). ladies que d’exécutions. • 80 % des victimes sont des voyageurs pro- Le gaspillage financier est un point d’attention fessionnels de petites et moyennes entre- fort des entreprises qui voient les voyages prises non sensibilisés au risque d’enlève- autant comme un centre de coût que comme ment en amont. un investissement. Le comportement des voyageurs peut entrainer des pertes sèches Les risques pour l’entreprise pour l’entreprise. Dans son livre blanc, CWT11 valorise la perte issue du comportement des Efficience mission : Tout déplacement se doit voyageurs masculins : 50 000 USD pour 1 000 d’avoir un objectif, raison des investissements voyageurs d’affaires et 1 million USD pour une en temps du voyageur et des fonctions sup- multinationale de 20 000 voyageurs. port, et investissement financier. Rencontre commerciale, intervention technique, suivi de projet, salon, prospection ou quelque autre objectif, le voyageur doit être dans les meil- 8. www.voyages-d-affaires.com/etude-la-gestion-du-risque-voyage-en-questions-avec-international-sos-20120201.html 9. Officiel prévention Santé Sécurité au travail – dossier La prévention des risques des voyages et missions à l’étranger. 10. Selon François Dominguez, Int Consulting. 11. Gender differences in booking business travel: advance booking behavior and associated financial impact, avril 2016. 80 Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
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