La prise en compte du risque dans le voyage d'affaire

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La prise en compte du risque dans le voyage d’affaire
                       Étienne Pénaud, Karim Machat, David Ospital

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    Étienne Pénaud, Karim Machat, David Ospital. La prise en compte du risque dans le voyage d’affaire.
    Management & Sciences Sociales, Kedge Business School, 2018, Risque : débattre et surtout décider,
    pp.68-80. �hal-01894938�

                                 HAL Id: hal-01894938
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La prise en compte
du risque dans
le voyage d’affaires
Étienne Pénaud
Consultant en Travel Management, Université de Pau et des Pays de l’Adour/ E2S UPPA, Centre de
Recherche et d’Études en Gestion, EA4580
etienne.penaud@atlans.fr

Karim Machat
Maître de conférences, HDR, Université de Pau et des Pays de l’Adour/ E2S UPPA, Centre de
Recherche et d’Études en Gestion, EA4580ANCE
karim.machat@iutbayonne.univ-pau.fr

David Ospital
Maître de conférences, Université de Pau et des Pays de l’Adour/ E2S UPPA, Centre de Recherche
et d’Études en Gestion, EA4580
david.ospital@iutbayonne.univ-pau.fr

Cet article présente les résultats d’une première recherche exploratoire sur la prise en
compte du risque dans le voyage d’affaires. Une revue de littérature permet tout d’abord
d’identifier la fonction même de travel management dans l’entreprise tout autant que
l’émergence d’un nouveau métier, le travel manager (TM) dont nous montrons que la
mission principale repose sur la prise en compte du risque dans ses différentes dimen-
sions (financière, physique, de performance, etc.). Une étude qualitative et exploratoire,
réalisée auprès d’un échantillon de 10 gestionnaires de voyages, nous amène ensuite à
identifier la nature du risque tel qu’il est pris en compte par ces mêmes gestionnaires
de voyage d’affaires (ou TM). Les principaux résultats de notre recherche révèlent la
difficulté de l’évaluation des risques par les TM et suggèrent des leviers d’actions pour
y parvenir.
Mots clés : risque, voyage d’affaires, Travel Manager, contrôle, engagement.

This paper reports findings of a first exploratory research on how travel managers (TM)
assess risk in the business travel industry. Firstly, literature review allows identifying
the function of travel management as well as the role of the TM whose main mission
consists in taking into account risk in its various dimensions (financial, physical, perfor-
mance risk, etc.). Secondly, an exploratory qualitative study based on a sample of 10
TM illustrates how they effectively deal with the specific risk of travelling within their
company. The main results of our research reveal the difficulty for them to assess risk
and also suggest some levers for potential action.
Keywords : risk, business trip, Travel Manager, control, commitment.

68   Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
Le déplacement des collaborateurs au sein                           Cet article propose tout d’abord une revue
d’un territoire national ou international est                       de littérature visant à déterminer les do-
devenu une nécessité pour les organisations                         maines d’analyse du voyage d’affaires. Nous
privées ou publiques. La mobilité est en effet                      confrontons cette revue de littérature aux
une réalité de l’entreprise qui connaît un be-                      publications des professionnels pour en faire
soin de déplacement de plus en plus impor-                          ressortir un inventaire des risques générés
tant pour des motifs très variés : entreprises                      par le voyage d’affaires. Par risque, nous en-
multi-sites (Brousseau et Rallet, 1997), pro-                       tendons l’ensemble des aléas générant des
jets intra ou interentreprises, mondialisation                      pertes (Knight, 1921) et donc dans le cas du
du commerce, remplacement d’expatriés par                           voyage d’affaires, pouvant survenir et impac-
des cadres pendulaires internationaux (Des-                         ter le voyageur ou son entreprise. Puis dans
marais, 2012), etc. Le poids de ce secteur est                      un second temps, cet article apporte une
d’ailleurs devenu considérable, estimé à 292                        contribution empirique sur la détermination
milliards de $ aux USA en 2014 selon GBTA                           et la prise en compte des risques générés par
(Global Business Travel Association), et 25                         les voyages d’affaires et complète ainsi l’ana-
milliards d’euros pour la France en 2011 se-                        lyse de Gustafson (2012, 2013) en répondant
lon American Express (Baromètre EVP, 2012).                         à la question de recherche suivante : « Quelle
Dans son rapport annuel 2016, GBTA estime                           est la nature du risque dans le voyage d’af-
que le budget global du business travel pas-                        faires ? ». Les résultats de l’étude empirique
sera de 1,2 trillion de $ en 2015 à 1,6 trillion                    exploratoire réalisée auprès de dix Travel
de $ en 2020.                                                       Managers (TM) mettent en exergue les rai-
                                                                    sons qui expliquent les difficultés de la prise
Dans ce contexte, tentons tout d’abord de re-                       en compte du risque dans le voyage d’affaires
censer et décomposer - pour mieux en com-                           par les entreprises.
prendre la complexité - la multitude d’acteurs
interconnectés par les opérations indispen-                         Les principales dimensions du risque
sables à la réalisation du voyage d’affaires.
Pour les déplacements de ses collaborateurs,                        dans le voyage d’affaires
l’entreprise cliente utilise en effet les services
de plusieurs catégories de fournisseurs. Les                        La littérature aborde le voyage d’affaires selon
prestataires primaires tout d’abord (compa-                         quatre domaines d’analyse : la fonction de
gnies aériennes, ferroviaires, hôtels, apparts                      travel management, le métier de TM, l’orga-
hôtel, taxis, bus, métros…) sont des entre-                         nisation voyages et la dimension stratégique
prises ayant une action opérationnelle durant                       du voyage d’affaires. Étonnamment, le risque
le voyage. Les intermédiaires de réservation                        n’est pas pris en compte par les recherches
(agences de voyages, plateformes hôtelières,                        sur le voyage d’affaires. Nous tenterons donc
GDS, brookers, sites web) assurent quant à                          d’en évaluer la nature ainsi que les principales
eux un accès aux stocks de places disponibles.                      dimensions.

Les prestataires de paiement (banques) as-                          Le risque n’est pas évalué dans les re-
surent l’interface financière et fournissent des                    cherches sur le voyage d’affaires
statistiques enrichies sur le secteur du voyage
d’affaires. En outre, l’entreprise cliente fait                     Aucune recherche portée à notre connais-
également appel à des sociétés informatiques                        sance n’a pour objet de prendre en compte
facilitant l’organisation interne de ses propres                    le risque dans le voyage d’affaires1. C’est
déplacements de collaborateurs. Enfin, des                          donc à partir des travaux de Harland et al.
sociétés de services viennent répondre aux                          (2003)2, réalisés dans un tout autre contexte,
besoins des voyageurs ou de leur employeur                          que nous proposons d’identifier le risque par
(assureur, assisteur, data crunching, négocia-                      six catégories de pertes encourues lors du
teurs, sûreté, interprètes, etc.).                                  voyage d’affaires. Il s’agit des pertes finan-

1. Dans les travaux de Gustafson (2012, 2013), la sécurité des voyageurs et le risque sont simplement abordés, sans faire l’objet
d’une analyse ni même d’un quelconque inventaire.
2. Les auteurs ont travaillé sur la supply chain.

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cières (surcoût des prestations, prime d’assu-              performance lorsque le Travel Management
rance, déplacement inutile), de performance                 n’a pas servi le voyageur selon ses attentes
(déplacement mal organisé, voyageur trop fa-                (Tableau 1).
tigué, réunion écourtée), physiques (petite et
grande criminalité, terrorisme, maladie, acci-              Les dimensions du risque dans le métier
dent), psychologiques (notamment le stress ;                de Travel Manager (TM)
Ivancevich et al. 2003), sociales (image de
l’entreprise ou du collaborateur, Derudder et               Il faut attendre les années 1960 pour voir ap-
al. 2011 ), juridique (obligation de l’employeur            paraître la profession de Travel Manager (Jen-
inscrite au code du travail) et, enfin, la perte            kins, 1993) et c’est bien plus tard que Gustaf-
de temps (l’organisation du déplacement, sa                 son se penche sur le TM dans son quotidien,
réalisation et sa clôture, dont la gestion des              son rôle et ses capacités d’action. Exposons
frais, des litiges…).                                       ses recherches tout en poursuivant notre
De manière à étoffer cette première approche                interrogation quant aux pertes encourues
des risques dans le voyage d’affaires, nous                 identifiables aux travers des missions du TM
nous sommes également appuyés sur les pu-                   (Tableau 1). Pour Gustafson (2012), celui-ci
blications professionnelles. Les risques y sont             organise ses missions selon quatre objectifs.
généralement présentés en deux grandes                         - Limiter les dépenses du poste voyages ;
catégories : les risques pour le voyageur et les               ce qui est à l’origine d’un risque financier
risques pour l’entreprise (cf. Annexe 1 - Détail
                                                               dont nous essaierons d’évaluer la véritable
des risques professionnels lors du voyage d’af-
                                                               nature lors de notre étude empirique.
faires). Les risques pour le voyageur sont au
                                                               - Favoriser le confort (à l’origine d’un risque
nombre de six : stress du voyageur induit par
                                                               de performance).
les déplacements, petite criminalité, attentat,
                                                               - Assurer de bonnes conditions de travail
maladie, accidentologie et enlèvement. Les
                                                               lors du voyage (à l’origine d’un risque de
risques pour l’entreprise sont ceux dont l’ef-
fet touchera le donneur d’ordres : efficience                  performance).
de la mission, surcoût des prestations, perte                  - Garantir la sécurité des voyageurs (source
d’équipe, perte ou vol d’informations de                       des risques physique et psychologique, es-
l’entreprise, mise en jeu de sa responsabilité.                sentiellement).
Cette dichotomie (risques pour le voyageur/
risques pour l’entreprise) ne rend pas compte               Les dimensions du risque dans
de la complexité du management des risques                  l’organisation voyages de l’entreprise
dans le voyage d’affaires. C’est pourquoi nous
confronterons ces risques identifiés aux do-                Selon Gustafson (2012) le Travel Manager
maines d’analyse du voyage d’affaires relevés               travaille autour de 6 axes principaux afin de
préalablement dans la littérature.                          déployer l’organisation permettant de gérer
                                                            et contrôler les voyages d’affaires.
Les dimensions du risque dans                                 - Il définit la politique voyages pour établir
la fonction Travel Management                                 les règles devant être appliquées par les
                                                              voyageurs. Le non-respect de ces règles est
La gestion du voyage d’affaires est éminem-                   à l’origine d’une grande variété de pertes
ment transversale. Elle apparaît toutefois,                   encourues dont les pertes juridiques.
dans les années 1940, en tant que fonction                    - il définit un process de commande et cen-
distincte au sein de grandes entreprises amé-                 tralise les réservations sur une agence de
ricaines pourvues d’un département ayant                      voyages unique favorisant ainsi le contrôle
la fonction Travel Management (Morrison et                    et la centralisation des informations sta-
al., 1994). Elle a alors pour objectif de déli-               tistiques ; ce qui vise à réduire les risques
vrer le meilleur service aux voyageurs tout en                financier et physique essentiellement.
limitant les coûts (Douglas et Lubbe, 2009).                  - il déploie des outils de gestion spécifiques
Deux principales pertes encourues peuvent                     (réservation, ordre de mission, note de frais)
donc être identifiées du point de vue de cette                et standardise le mode de paiement ; ce qui
fonction : la perte financière lorsque les coûts              vise à limiter le risque de perte de temps et
ne sont pas contrôlés ainsi que la perte de                   sécurise les commandes et paiements.

70   Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
- il gère les relations avec les fournisseurs              d’affaires comme un élément central des
 primaires en négociant les contrats cadres                 relations commerciales mais la corrélation
 et les grilles tarifaires ; ce qui limite le risque        stratégie d’entreprise - stratégie voyages n’est
 financier essentiellement.                                 pas systématique. Cette absence de stratégie
 - il analyse les statistiques pour suivre les              voyages se traduit souvent par une position
 budgets, les dépenses et auditer l’organisa-               du Travel Manager non dédiée, peu valorisée
 tion ; ce qui vise à réduire le risque financier           et peu reconnue. Il est généralement (dans
 de dérive des collaborateurs.                              l’organigramme de l’entreprise), en position
 - il communique avec les prestataires et                   inférieure aux voyageurs. Sans l’appui de la
 les salariés de son entreprise ; ce qui vise à             direction de son entreprise, et en l’absence
 réduire principalement les risques psycholo-               d’une véritable vision stratégique du voyage
 gique et social.                                           d’affaires, il lui sera difficile d’imposer des
                                                            règles aux voyageurs. De ce fait, il doit trouver
L’organisation voyages se distingue de l’orga-              un équilibre entre contrôle et engagement
nisation formelle de l’entreprise puisqu’elle y             pour faire appliquer la politique voyages (Gus-
est transversale. Les quatre premiers axes de
                                                            tafson, 2013). L’implication de la direction et
Gustafson (2012) portent sur la définition des
                                                            des voyageurs est alors nécessaire (Holma,
règles et des process. L’organisation voyages
                                                            2009) pour limiter les risques dans l’ensemble
de l’entreprise permet une maîtrise des flux
                                                            de leurs composantes.
d’informations et financiers. Le cinquième axe
relève du contrôle. Le dernier axe est primor-
dial : il permet au TM de créer un lien avec les            Les dimensions du risque généré par
voyageurs pour tenter de leur faire accepter                la relation triadique TM - Fournisseurs
des projets souvent considérés comme des                    primaires - Intermédiaires
contraintes. Le TM est alors susceptible de
devoir gérer un large éventail de risque (phy-              L’acceptation des règles et contraintes par
sique, de performance, etc.) à chaque fois que              les voyageurs est complexifiée par la relation
le voyageur (qui peut être son supérieur hié-               commerciale triadique entre l’entreprise, les
rarchique) n’adhère pas à la politique voyages              fournisseurs et l’agence de voyages (Lubbe,
(éventuellement de manière délibérée).                      2003). Une gestion saine du risque dans le
                                                            voyage d’affaires doit donc inclure l’ana-
Même si la mission principale du TM est                     lyse des acteurs en relation dans la gestion
de contrôler les coûts, la dépense liée aux                 du voyage d’affaires (Holma, 2009) : le ser-
voyages d’affaires est en réalité souvent corré-            vice achat de l’entreprise (qui inclut le TM),
lée à la position du voyageur dans l’entreprise             l’agence de voyages (ou tout autre intermé-
(Gustafson, 2013). En outre, la flexibilité des             diaire) et les compagnies aériennes (ou tout
billets et l’obtention d’avantages personnels               autre fournisseur primaire : ferroviaire, mari-
par l’adhésion aux programmes marketing                     time, hôtelier, etc.). En effet, les intérêts de
des fournisseurs peuvent devenir prioritaires,              chaque acteur étant divergents, des conflits
aux dépens d’économies pour son entreprise                  apparaissent et peuvent être à l’origine de
(Holma, 2009). De nombreux voyageurs ne                     pertes financières encourues pour l’entre-
sont pas prêts à perdre leurs avantages et                  prise. C’est le cas lorsque certains voyageurs
leur position en suivant une politique voyages              souhaitent favoriser le confort au détriment
qui les entrave (Derudder, 2011). Le TM doit                du prix par exemple, et le fournisseur pri-
donc, de surcroît, prendre en compte l’inci-                maire en tire profit. L’agence de voyages
dence psychologique des règles imposées aux                 pouvant obtenir des avantages directs ou
voyageurs.                                                  indirects du fournisseur primaire (e.g. compa-
                                                            gnie aérienne), elle aura tendance à orienter
Les dimensions du risque dans la                            à son seul profit le choix du voyageur, quitte à
stratégie voyages de l’entreprise                           contourner les consignes du TM.

Comme le souligne Aguilera (2008), de                       Le tableau 1 synthétise notre analyse du
nombreuses études positionnent le voyage                    risque dans la gestion du voyage d’affaires

                N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales   71
Tableau 1
Les pertes encourues dans la gestion du voyage d’affaires

pour y inclure à la fois son acceptation fonc-               la gestion du risque dans le voyage d’affaires,
tionnelle et stratégique.                                    nous nous sommes engagés dans une quali-
Dans la seconde partie de cet article, nous                  tative exploratoire. Celle-ci a été réalisée par
présentons les résultats d’une étude qualita-                entretiens semi-directifs dans dix organisa-
tive exploratoire sur la gestion du voyage d’af-             tions. Ses résultats nous permettent notam-
faires. Son objectif principal est d’identifier la           ment d’identifier les étapes de la prise en
réalité d’une prise en compte du risque dans                 compte du risque dans la gestion du voyage
la gestion du voyage d’affaires.                             d’affaires.

                                                             Méthodologie de la recherche qualitative
L’étude exploratoire auprès des
Travel Managers                                              Nous avons procédé à des entretiens semi-
                                                             directifs auprès d’entreprises dont les sièges
Étant donné le peu de recherches relevant de                 sociaux sont basés en France. Comme le laisse

72    Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
supposer notre revue de la littérature, nous               sources classiques : la littérature de recherche,
pouvons constater que l’achat de voyage                    les experts et praticiens, la problématique de
d’affaires n’est pas toujours pris en charge par           recherche, l’intuition du chercheur, la littéra-
une fonction ni même un métier de Travel                   ture professionnelle… » L’échantillon est suffi-
Manager. Notre échantillon étant constitué                 samment varié s’il comporte par exemple au
de 10 organisations, nous y avons interrogé                moins une ou deux observations sur chaque
des responsables voyages, des acheteurs ou                 niveau de chaque critère selon Romelaer
des Travel Managers (Tableau 3). La construc-              (2005).
tion de l’échantillon des personnes interro-
gées repose sur le critère de « saturation sé-             Compte tenu de la deuxième condition, nous
mantique » (Romelaer, 2005). Il y a saturation             avons retenu plusieurs critères en fonction
sémantique si deux conditions sont remplies :              desquels il nous semblait que les phéno-
- les nouveaux entretiens n’apportent plus de              mènes étudiés pouvaient varier (Tableau
« descripteurs ou de modalités différents »                2). L’échantillon s’est construit autour d’une
(Romelaer, 2005) ;                                         dichotomie acteurs concernés par les dépla-
- l’échantillon des entretiens est suffisamment            cements nationaux/acteurs concernés par
divers au sens suivant : d’abord on regarde la             les déplacements internationaux. Cette di-
population dans son ensemble ; ensuite on se               chotomie nous est apparue pertinente car
demande quels sont les critères en fonction                les risques générés par ces deux types de
desquels les phénomènes auxquels on s’inté-                déplacements ne sont pas de même nature.
resse dans la recherche peuvent varier dans                Enfin, au sein de chacune de ces catégories,
la population. « On recueille le plus grand                plusieurs critères de sélection des personnes
nombre de critères importants auprès de                    ont été pris en compte.
Tableau 2
La construction de l’échantillon

Notons cependant que certaines personnes                   déplacements nationaux et internationaux.
interrogées sont à la fois concernées par des
Tableau 3
L’échantillon de l’étude qualitative exploratoire

               N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales   73
Les entretiens3 ont été construits autour de                 Les résultats de l’analyse de contenu
4 thèmes : la reconnaissance des risques,
l’organisation, la sensibilisation aux risques,              Notre investigation empirique souligne la né-
les moyens d’action dont le contrôle et l’enga-              cessaire prise en compte du risque par le TM,
gement. À l’issue des entretiens, les contenus               notamment par une valorisation financière.
ont été analysés « artisanalement » en cher-                 Elle révèle surtout les étapes pour y parvenir :
chant à faire ressortir une analyse du sens se-              connaissance, sensibilisation, implication,
lon Wacheux (1996). Il ressort trois objectifs               organisation et contrôle.
possibles d’analyse du sens :                                Un risque souvent considéré mais rarement
                                                             valorisé financièrement
 - faire ressortir la représentation d’événe-
 ments vécus par l’acteur (la perception des                 Selon les résultats de notre étude empirique,
 risques, de l’organisation, du contrôle et de               le gestionnaire de voyage d’affaires - qu’il soit
 l’engagement) ;                                             Travel Manager, acheteur ou responsable de
 - comprendre les modes de raisonnement et                   mission – prend effectivement en compte
 les structures de la pensée (chercher à com-                le risque dans son métier (Tableau 4). En re-
 prendre pourquoi le risque est parfois mal                  vanche, le risque voyages n’est valorisé finan-
 perçu, mal évalué voire mal géré) ;                         cièrement que par 20 % de notre échantillon.
 - faire ressortir des savoirs et référents com-             Peu d’entreprises de notre échantillon ont va-
 muns à un groupe d’appartenance (analyses                   lorisé le coût de gestion ou la perte en cas de
 récurrentes en fonction des types d’acteurs,                survenance d’un risque. Le seul risque étant
 des types d’organisation et/ou de voyage                    systématiquement valorisé et géré par l’en-
 d’affaires).                                                semble des entreprises est le risque financier.

Tableau 4
Les risques effectivement pris en compte dans la gestion du voyage d’affaires

E : risque considéré, reconnu par l’entreprise / EN : risque considéré par entreprise mais non intégré dans
l’organisation / T : risque considéré par le TM et pas par l’entreprise/ N risque non considéré / Gris = risque
valorisé financièrement / Blanc = risque non valorisé financièrement

 74   Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
Nous retenons d’abord que deux risques sont                    de la gestion du risque : la méconnaissance
considérés et valorisés par l’ensemble des so-                 des risques par ses collaborateurs. Selon notre
ciétés rencontrées :                                           échantillon, 75 % des TM estiment que les
 - le risque financier de surcoût des prestations              voyageurs ne sont pas ou trop peu sensibilisés
 (Aguilera, 2008) et le contrôle des coûts ;                   aux risques.
 - le risque d’attentat pour les déplacements
 dans les pays considérés dangereux par le                     Quelles sont alors les origines de cet écart
 ministère des Affaires étrangères. Cette recon-               entre perception des risques par le Travel Ma-
 naissance qui préexiste dans les plus grandes                 nager, la Direction et sensibilisation des colla-
 entreprises s’est étendue au sein de toutes les               borateurs ? Dans un premier cas, l’entreprise
 entreprises depuis les attentats de Paris et de               ne reconnaît tout simplement pas les risques
 Bamako en 2015.                                               et n’a pas mis en œuvre l’organisation néces-
                                                               saire. Dans le cas où l’entreprise reconnaît les
La direction d’une entreprise se réfugie sou-                  risques, une corrélation semble exister entre
vent derrière les simples obligations sanitaires,              sa taille et la sensibilisation des voyageurs. Les
principalement de vaccination. Rares sont les                  entreprises de taille moyenne considèrent que
entreprises qui prennent en compte le stress                   le voyageur est sensibilisé au risque financier.
du voyageur. « Les déplacements étant partie                   Quant aux autres risques, des facteurs externes
intégrante de la définition de poste, le stress                (principalement médiatiques) suffiraient à sa
fait partie du métier », souligne un gestionnaire              sensibilisation. Son degré de connaissance dé-
de voyages.                                                    pend de son engagement personnel à chercher
                                                               et recevoir les informations nécessaires pas ses
Les autres risques pour l’entreprise sont peu                  propres moyens. Les entreprises plus impor-
considérés. L’efficience de la mission est uni-                tantes considèrent que la sensibilisation est de
quement traitée par des politiques voyages                     leur devoir mais n’ont pas toujours les moyens
autorisant l’accès à des classes de confort                    de bien le faire.
supérieures selon la durée des déplacements
et à des plafonds de remboursements de frais                   Dans le dernier cas, les sociétés les plus avan-
élevés dans des villes considérées à risque.                   cées ont créé 3 niveaux de sensibilisation :
Mais rien n’est prévu pour aider le voyageur en                sensibilisation des voyageurs aux risques spéci-
cas de problème de transport. Il est considéré                 fiques de chaque pays, sensibilisation des supé-
devant « réagir seul comme s’il était dans un                  rieurs hiérarchiques à l’importance de la prise
déplacement personnel ».                                       en considération des recommandations par les
                                                               voyageurs, et sensibilisation du Top Manage-
À plusieurs reprises, ces deux raisons de non-                 ment sur la responsabilisation des managers
reconnaissance des risques ont été évoquées                    dans les obligations de sécurité. Cette sensibili-
dans les entretiens. Reconnaître, c’est se                     sation passe par l’envoi systématique de docu-
contraindre. En effet, les managers voyageurs                  mentations sur les pays, les risques généraux
ne souhaitent pas modifier leurs habitudes et                  et particuliers ainsi que par des procédures
perdre des libertés, ce qui confirme les tra-                  voyages.
vaux d’Holma (2009). Ils préfèrent souvent ne
pas reconnaître le risque plutôt que de devoir                 L’étape critique de l’implication du top mana-
s’adapter et adapter l’organisation de l’entre-                gement
prise.
                                                               La prise en compte des risques dans les entre-
Connaître le risque et y être sensibilisé : deux               prises étudiées nécessite leur bonne connais-
étapes préalables à sa gestion dans le voyage                  sance par la direction ou le top management.
d’affaires                                                     Tous nos entretiens confirment le caractère
                                                               fondamental de l’implication de la direction
« Pour respecter les consignes, la première                    comme le souligne Gustafson dans ses travaux
étape est de les connaître » précise un Travel                 (2012) sur le « process voyages ». Les TM inter-
Manager mettant en avant un point critique                     rogés intègrent dans leur mission un travail sur

3. Nous avons conduit les entretiens d’une heure en moyenne.

                  N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales   75
la mise en lumière des risques permettant au                  L’organisation voyages limite principalement
Top Management de bien les comprendre.                        le risque financier

      « L’ensemble des risques de l’entreprise                Les TM qui prennent en compte un risque
      sont gérés par la Direction de la Sûreté.               mettent en place une organisation voyages.
      Elle a le pouvoir d’interdire un voyage.                L’objectif premier est de limiter le risque finan-
      Nous avons reçu des instructions très                   cier : le contrôle des réservations et la politique
      précises sur les pays autorisés et le Di-               voyages sont alors les outils les plus fréquem-
      recteur de la Sûreté est en relation avec               ment utilisés.
      la Direction Générale pour analyser les
      cas particuliers. Au final, c’est lui qui                    « Notre entreprise a fait le choix de décen-
      est responsable de la mission et unique                      traliser les réservations sur les voyageurs.
      décisionnaire des conditions de voyages                      Ils sont autonomes dans l’achat de leurs
      ou de l’annulation de la mission. Notre                      titres de transport. La voie hiérarchique
      nouveau Directeur a reçu une formation                       directe valide les billets. Le risque financier
      aux risques voyages par le Directeur de la                   est encadré. Si un achat n’est pas conforme
      Sureté lors de sa prise de fonction. »                       à la politique voyages, le manager est in-
                                                                   formé au moment de la validation. Même
Mais l’implication de la direction de l’entreprise                 dans ce cas, un voyageur peut contourner
dans la gestion du risque dans le voyage d’af-                     la règle en achetant son billet au dernier
faires est loin d’être naturelle en raison de la re-               moment ou en réalisant une note de frais
présentation même du risque par les dirigeants.                    après le déplacement. L’entreprise est
                                                                   dans l’obligation de le rembourser. Pour les
      « Le responsable doit être conscient qu’un                   risques pays, chaque réservataire, voya-
      risque peut survenir même si sa probabi-                     geur et validateur doit être conscient des
      lité est très faible. Nous sommes confron-                   risques, connaître les solutions proposées
      tés à des décideurs qui sont avant tout                      par l’entreprise et les appliquer. Souvent,
      des cadres dirigeants de l’entreprise. Ils                   par manque de temps ou d’information,
      ont comme objectif la rentabilité de l’en-                   les voyageurs ne prennent pas connais-
      treprise et voyagent beaucoup. Pour les                      sance des documents mis à disposition. Ils
      voyages, ils ont deux souhaits : limiter les                 ne se rendent pas forcément compte de la
      dépenses et satisfaire les voyageurs. Ils                    complexité des procédures mises en œuvre
      portent peu d’intérêt aux risques liés aux                   dans leur intérêt. »
      voyages même si régulièrement je tente
      de leur démontrer leur existence. Leur ré-              Pour les autres risques, les entreprises
      ponse tourne autour de leurs expériences                comptent essentiellement sur l’engagement
      qui se sont toujours bien déroulées, ils                personnel du voyageur. Que les consignes
      n’ont jamais rencontré de problèmes                     soient formalisées ou pas, finalement : « seul le
      majeurs, le risque n’existe donc pas. C’est             voyageur décide ». L’organisation a seulement
      un raisonnement simpliste et compliqué à                pour objectif de l’aider à prendre les bonnes
      contredire quand on parle à un patron ».                décisions.

Quand le Top Management perçoit un risque,                    Un contrôle pour permettre l’engagement des
il subsiste tout de même une réelle résistance                voyageurs
de ceux qui ne souhaitent pas s’impliquer. Cela
revient à mésestimer les risques pour éviter                  Une fois reconnus, les risques sont intégrés par
d’avoir à agir en conséquence.                                les fonctions supports au voyage d’affaires et
                                                              leur gestion s’inscrit en prérequis des organi-
      « Reconnaître qu’un risque existe entraine              sations. L’organisation voyages s’accompagne
      deux actions ; une prise en compte indivi-              concrètement d’un investissement dans des
      duelle dans ses propres déplacements et                 outils adaptés. Des circuits de validation per-
      une prise en compte dans les procédures                 mettent d’éviter des déplacements à risques,
      internes entrainant lourdeurs administra-               des books-pays donnent des instructions sani-
      tives et pertes d’opportunités marchés. »               taires et comportementales précises, des poli-

 76    Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
tiques voyages intègrent la sécurité dans les
règles de voyage (Holma), des formations spé-               Nous décrivons également dans cette re-
cifiques sont proposées aux voyageurs, des dis-             cherche l’émergence d’un nouveau métier qui
positifs de sécurisation (véhicule blindé, garde            est intimement lié à la gestion du risque dans
du corps…) sont déployés.                                   le voyage d’affaires : Travel Manager (TM).
                                                            C’est notamment dans la perspective de mieux
Gustafson (2012, 2013) aborde les notions de                comprendre la fonction émergente dont il
contrôle et d’engagement de manière conco-                  relève dans l’entreprise que nous avons réa-
mitante en proposant un modèle où l’équilibre               lisé une investigation qualitative par une série
entre ces deux variables est nécessaire pour                d’entretiens semi-directifs auprès de dix Travel
permettre une bonne gestion du voyage d’af-                 Managers. Les intitulés même de leur poste té-
faires. Cependant, selon nos premiers résultats             moignent d’ailleurs, dans leur variété, de cette
exploratoires, la gestion des risques autres que            émergence : acheteur de voyages, gestionnaire
financiers ne suit pas ce modèle.                           de voyages, responsable de mission, TM, etc.
                                                            Selon nos premiers résultats empiriques, si le
     « Toutes les réservations sont réalisées               risque est bien considéré par les TM interrogés,
                                                            il ne fait que très rarement l’objet d’une véri-
     dans notre outil d’ordre de mission. Si une
                                                            table gestion, notamment par une valorisation
     réservation concerne un déplacement à
                                                            financière complète. Sauf pour le surcoût de
     risque, un pop-up s’ouvre indiquant la pro-
                                                            prestations (perte financière) qui est vérita-
     cédure à suivre. Selon le niveau de risque,            blement intégré dans les entreprises de notre
     un message est envoyé aux services Travel              échantillon. La perte physique (liée notamment
     et RH pour que nous nous assurions que                 à la criminalité ou aux attentats) n’est valorisée
     les informations aient bien été reçues et              financièrement que par une très faible partie
     comprises par le voyageur. Une fois en                 des entreprises interrogées. Ceci est surpre-
     déplacement, le voyageur est le seul à                 nant dans le contexte d’une menace terroriste
     décider s’il va suivre les consignes. Même             permanente couplée à la hausse du nombre
     si nous lui demandons par exemple de ne                des voyages d’affaires.
     pas se séparer de son localisateur, il peut
     le laisser dans sa chambre d’hôtel. »                  Nos résultats permettent surtout d’illustrer les
                                                            étapes d’une prise en compte du risque dans
Ainsi, le contrôle permet-il de s’assurer de la             la gestion du voyage d’affaires. La connaissance
prise d’information par le voyageur. L’applica-             du risque par les acteurs du voyage d’affaires
tion des consignes ne dépend que de ce der-                 est tout d’abord primordiale bien qu’elle ne soit
nier. Le contrôle favorise l’engagement.                    pas toujours effective, selon les TM interrogés,
                                                            essentiellement par manque de sensibilisation
Conclusion                                                  à cette problématique. Ensuite, l’implication du
                                                            top management (selon les propos recueillis),
Cet article dresse l’inventaire des risques à               semble être un facteur explicatif d’une ges-
considérer dans la gestion du voyage d’affaires.            tion optimale du risque. Une relation forte
Un état de l’art sur le risque fait tout d’abord            se dégage d’ailleurs entre cette implication et
ressortir le décalage entre les travaux acadé-              l’organisation voyages (procédures et politique
miques, rares (Gustafson, 2012, 2013 ; Holma,               voyages).
2009), ne traitant d’ailleurs du risque que de
manière périphérique, et la littérature profes-             Enfin, le contrôle et l’engagement sont les deux
sionnelle, foisonnante sur cet objet (Annexe                leviers d’actions incontournables pour que le
1). C’est ainsi que nous avons pu considérer le             TM puisse réaliser pleinement sa mission. Le
risque comme un ensemble de pertes encou-                   contrôle est une variable importante pour s’as-
rues dans la gestion du voyage d’affaires : finan-          surer que le voyageur dispose de l’ensemble
cières (e.g. surcoût des prestations, prime d’as-           des informations lui permettant de connaître
surance), de performance (e.g. voyageur trop                les risques et les consignes. Mais la limita-
fatigué), physiques (e.g. criminalité, maladie),            tion des risques ne peut se faire que par son
psychologiques (e.g. stress), sociales (image               engagement individuel. L’hypothèse de Gus-
de l’entreprise ou du collaborateur), juridiques            tafson sur la nécessité de trouver un équilibre
et, enfin la perte de temps (l’organisation du              entre contrôle et engagement dans la gestion
déplacement liée éventuellement à des litiges).             des voyages ne semble pas s’appliquer par-

                N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales   77
faitement à la gestion des risques du voyage
d’affaires. Finalement, une fois en mission, le              Jenkins, D. (1993). Business Travel : management
                                                             tips from the pros (Irwin, Illinois)
voyageur est seul décisionnaire de ses actions
et des risques qu’il encourt tout autant que des             Knight, F.H. (1921). Risk, uncertainty and profit,
pertes pour son entreprise.                                  New York : Hart, Schaffner and Mark.
Nous sommes conscients du caractère explo-
ratoire de cette recherche qualitative : ces                 Lubbe, B. (2003). A study of corporate travel man-
                                                             agement in selected South African organizations
premiers résultats ne sont statistiquement pas               and a conceptual model for effective corporate
représentatifs. Ils nous encouragent cepen-                  travel management, South African Journal of Eco-
dant à poursuivre nos travaux sur le risque                  nomic and Management Sciences, 6(2), 304-330.
dans le voyage d’affaires avec des questions
                                                             Masson, JK. (1999). The effect of corporate influ-
de recherche complémentaires sur les facteurs                ence of the short haul business travel market, Jour-
de l’engagement du voyageur d’affaires, par                  nal of Air Transport Management (4-2), 66-83.
exemple. Nous devrons également envisager, à
terme, le recours à des méthodologies quanti-                Morrison, A.M., Ladig, K.A., Hsieh, S. (1994). Cor-
                                                             porate travel in the USA : Characteristics of manag-
tatives dans une démarche confirmatoire.                     ers and departments, Tourism Management (15-3),
                                                             177-184.
Références bibliographiques                                  Romelaer, P. (2005). L’entretien de recherche, in
Aguilera, A. (2008). Policy and Practice Business            Roussel, P. et Wacheux, F. (2005), Management
travel and mobile workers, Transportation Research           des ressources humaines, Méthodes de recherche
Part A (42-8), 1109-1116.                                    en sciences humaines et sociale, Editions De Boeck.
Brousseau, E. & Rallet, A. (1997). Le rôle des tech-         Wacheux, F. (1996). Méthode Qualitatives de Re-
nologies de l’information et de la communication             cherche en Gestion, Economica.
dans les changements organisationnels, in Guilham,
B. (sous la direction de), Économie de la connais-
sance et organisations. Entreprises, territoires, ré-          Étienne PÉNAUD
seaux. Paris, Montréal : L’Harmattan, 286-309.
                                                               Consultant spécialiste en Travel Management, doctorant
Defrank, S R., Konopaske, R., John, M. (2000). �����
                                                Exec-          en Sciences de Gestion. Après des études de sciences
utive Travel Stress : Perils of the Road Warrior, The          à l’université de Bordeaux 2 et un Master spécialisé en
Academy of Management Executive (1993-2005)                    Achats, il intègre un cabinet de conseil. Depuis 2001, il
(14-2), 58-71.                                                 accompagne les entreprises dans l’organisation de la
Derudder, B., Beaverstock, J.V., Faulconbridge, J.,            fonction voyage d’affaires et forme les Travel Managers à
Storme, T., Witlox, F. (2011). You are the way you             la bonne gestion de leur poste.
fly : on the association between business travel and
business class travel , Journal of Transport (6-2),            Karim MACHAT
304-330.                                                       Maître de conférences en Sciences de Gestion, Habilité
Desmarais, C., Ghislieri, C., Wodociag, S. (2012). Les         à Diriger des Recherches, il est titulaire d’un doctorat de
cadres pendulaires internationaux, Revue française             l’IAE de Montpellier en 2003, sa thèse a reçu le prix Paul
de gestion(7), 91-106.                                         Nicolas décerné par l’académie des sciences commer-
                                                               ciales en 2004. Ses travaux portent sur le marketing BtoB.
Douglas, A. & Lubbe, B. (2009). ���������������������
                                Violation of the Cor-          Il s’intéresse à la problématique des PME confrontées à
porate Travel Policy : An Exploration of Underlying            des donneurs d’ordres qui les situent dans une relation
Value-Related Factors, Journal of Business Ethics
(84-1), 97-111.                                                d’asymétrie relationnelle que ce soit dans l’industrie
                                                               agroalimentaire, l’aéronautique ou les services. L’interac-
Gustafson, P. (2012). Managing business travel : De-           tion dyadique développée par l’école de l’IMP (Industrial
velopments and dilemmas in corporate travel man-               Marketing and Purchasing Group) constitue son premier
agement, Tourist Management (33-2), 276-284.                   ancrage théorique. Ses recherches récentes s’orientent
Gustafson, P. (2013). Control and commitment in                vers une analyse de la capacité d’interaction du fournis-
corporate travel management, Research in Trans-                seur-PMI.
portation Business & Management (9), 21-28.
                                                               David OSPITAL
Harland C., Brenchley R., Walker H. (2003). Risk in            Maître de conférences en Sciences de Gestion, ancien
supply networks, Journal of Purchasing and Supply              élève normalien de l’Ecole Normale Supérieure de Ca-
Management, 9(1), 51-62.
Holma, A. (2009). Adaptation in triadic business               chan, il est titulaire d’un doctorat de l’Université Paris
relationship settings : A study in corporate travel            1 Panthéon Sorbonne depuis 2007. Ses travaux portent
management, PhD dissertation, Swedish School of                sur des problématiques organisationnelles et de GRH
commerce, Helsinki.                                            concernant la mise en place de systèmes de délégations
                                                               et de responsabilisation des acteurs. En particulier, ses
Ivancevich, J.M., Konopaske, R., DeFrank, RS.
(2003). Business travel stress : a model, proposi-             recherches ont porté sur les organisations bancaires et
tions and managerial implications. Work and Stress,            plus récemment sur les ONG autour de la problématique
138-157.                                                       de la construction du sens.

 78   Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
Annexe                                        térature détermine aussi des grandes catégo-
                                                                      ries de risques :
Les risques lors du voyage d’affaires
                                                                      Stress : La multiplicité des déplacements
selon la littérature professionnelle
                                                                      a un effet direct sur la santé et le bien-être
Les risques pour le voyageur                                          des voyageurs. Des études en ressources
                                                                      humaines (Richard, 2000 ; Ivancevich, 2003)
La littérature professionnelle4 analyse le rap-                       mettent en parallèle, déplacements profes-
port entre typologie de risque sur la santé,                          sionnels, sentiment d’isolement, stress et
typologie de zone de déplacement et anté-                             santé. L’organisation logistique du déplace-
cédent du voyageur. Les zones de déplace-                             ment est un facteur de stress important pour
ment ne présentent pas toutes les mêmes                               le voyageur. En zone rurale ou urbaine, la
probabilités de survenance d’un risque. Un                            méconnaissance des lieux, la mauvaise appré-
déplacement routier dans un pays limitrophe                           hension des distances et temps de trajet ne
présentera des risques de circulation et peu                          favorisent pas le bien-être des collaborateurs.
de risque d’infection parasitaire alors qu’un                         Selon une étude réalisée par Booking.com5,
déplacement aérien dans un pays tropical                              93% des voyageurs d’affaires subissent un
en voie de développement présentera des                               stress lors d’un déplacement. Les principaux
risques sanitaires bien plus élevés. Cette lit-                       facteurs sont :

Criminalité : Contrairement à la plupart des                          richesse, un individu à réaliser un acte délic-
voyageurs de tourisme, les voyageurs d’af-                            tuel.
faires se déplacent souvent dans des zones
non sécurisées par les autorités. Le voyageur                         Attentats : Facteur de stress et risque sécuri-
d’affaires est une cible recherchée de la petite                      taire, le nombre d’attaques est en forte évo-
et la grande criminalité. Cette criminalité peut                      lution. Une compilation du Nouvel Observa-
prendre 2 formes :                                                    teur montre l’évolution du nombre d’attaques
                                                                      dans le monde entre 2000 et 2014.
Criminalité ciblée : le voyageur ou son entre-
prise sont repérés et attendus par une orga-                          L’année 20156 a suivi cette tendance. Une
nisation qui souhaite tirer profit du vol de                          étude réalisée en 2016 auprès de 607 voya-
données ou de produits, nuire à l’entreprise                          geurs7 montre que seulement 10 % d’entre
ou réaliser un acte de « communication »                              eux ne pensent pas du tout au risque de ter-
                                                                      rorisme dans le voyage. La multiplicité des
Criminalité d’opportunité : le voyageur n’est                         événements terroristes ainsi que leur média-
pas repéré mais « se trouve au mauvais                                tisation peuvent être considérées comme un
endroit, au mauvais moment » et motive,                               facteur aggravant du stress des voyageurs.
par une attitude une mise en évidence de

4. Officiel prévention Santé Sécurité au travail – dossier La prévention des risques des voyages et missions à l’étranger.
5. L’étude «Business Etiquette» a été réalisée pour Booking.com auprès de 4555 personnes entre 18 et 65 ans, ayant effectué au
moins 4 voyages d’affaires à l’étranger l’année dernière. Elle a été menée entre le 29 janvier et le 11 février 2016 aux États-Unis,
au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Espagne, au Japon, en Chine et en Italie.
6. Scrutum Security First.
7. ACTE - Traveller behaviour : threats & opportunities, How global events are driving change in business travel. Étude réalisée
entre le 16/03 et le 12/04 2016.

                    N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider Management & Sciences Sociales                79
Maladies : La confrontation d’un voyageur à                        leures dispositions pour mener à bien sa mis-
un environnement différent, les besoins en                         sion. La mauvaise réalisation du voyage peut
vaccination, le changement de régime alimen-                       générer une perte d’efficacité.
taire sont des facteurs facilitant la survenance                   L’organisation du déplacement par lui-même
de maladies. Une étude de International SOS8                       peut être incriminée. L’amplitude horaire des
place la maladie en première menace ma-                            voyageurs d’affaire démarrant leur déplace-
jeure du voyageur.                                                 ment souvent très tôt le matin, jumelée au
                                                                   décalage horaire, est une source de fatigue
Accidentologie : L’accidentologie est princi-                      forte. Les conditions de transport prévues
palement routière. En France, les accidents                        dans des politiques voyages restrictives ne
de la route sont la première cause de décès                        permettent pas au voyageur de se reposer
par accident du travail9 (1/4 des décès). Deux                     dans le temps de transport mais au contraire
facteurs principaux influent sur le comporte-                      aggravent la fatigue initiale.
ment du voyageur : son besoin de respecter
des horaires de rendez-vous, d’avion, sa mé-                       Les conditions prévues de transport sont fré-
connaissance des lieux et des habitudes de                         quemment modifiées par des aléas des pres-
circulation des pays visités.                                      tataires : retard, annulation de transport, sur-
                                                                   booking, ou des aléas conjoncturels : manque
Enlèvement : Le kidnapping est traité dans                         de taxi lors d’un événement majeur de la ville
cette partie mais pourrait aussi bien figurer                      de destination (grève, manifestation, accident
dans l’impact économique. Les principaux                           qui bloque un accès, fashion week).
chiffres10 à retenir sur le kidnapping en 2015
dans le monde :                                                    Surcoût prestations : Le budget global des dé-
• 80 000 cas environ                                               placements professionnels est souvent le pre-
• Durée moyenne de 4 à 5 jours                                     mier budget des achats hors production. Le
• 73 % des cas sont résolus par le paiement                        morcellement de la dépense crée une diver-
d’une rançon.                                                      gence entre la prise de décision ponctuelle du
• 12 % des prises d’otages se voient réglées                       voyageur pour la dépense qu’il engage et le
par l’intervention de forces de police ou ar-                      budget global, consolidation de la totalité des
mées.                                                              dépenses individuelles. L’entreprise finance
• 8 % des otages meurent, en raison de bles-                       un service mais l’acte d’achat est décidé par
sures, carences nutritionnelles vitales ou ma-                     chaque voyageur (Masson, 2009).
ladies que d’exécutions.
• 80 % des victimes sont des voyageurs pro-                        Le gaspillage financier est un point d’attention
fessionnels de petites et moyennes entre-                          fort des entreprises qui voient les voyages
prises non sensibilisés au risque d’enlève-                        autant comme un centre de coût que comme
ment en amont.                                                     un investissement. Le comportement des
                                                                   voyageurs peut entrainer des pertes sèches
Les risques pour l’entreprise                                      pour l’entreprise. Dans son livre blanc, CWT11
                                                                   valorise la perte issue du comportement des
Efficience mission : Tout déplacement se doit                      voyageurs masculins : 50 000 USD pour 1 000
d’avoir un objectif, raison des investissements                    voyageurs d’affaires et 1 million USD pour une
en temps du voyageur et des fonctions sup-                         multinationale de 20 000 voyageurs.
port, et investissement financier. Rencontre
commerciale, intervention technique, suivi de
projet, salon, prospection ou quelque autre
objectif, le voyageur doit être dans les meil-

8. www.voyages-d-affaires.com/etude-la-gestion-du-risque-voyage-en-questions-avec-international-sos-20120201.html
9. Officiel prévention Santé Sécurité au travail – dossier La prévention des risques des voyages et missions à l’étranger.
10. Selon François Dominguez, Int Consulting.
11. Gender differences in booking business travel: advance booking behavior and associated financial impact, avril 2016.

 80    Management & Sciences Sociales N°24 Janvier-Juin 2018 • Risque : débattre et surtout décider
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