La saga Dexia: une impression de déjà vu! - Par Stéphane Balthazar, Economiste (FAR)
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La saga Dexia: une impression de déjà vu! Par Stéphane Balthazar, Economiste (FAR) de refreiner l’appétit cynique des Du moins, jusqu’en 2006 et les ©7sur7.be spéculateurs financiers qui cherchent déboires de sa filiale américaine FSA, à faire toujours plus de profits en un rehausseur de crédit dont les fragilisant un peu plus les Etats et les comptes plongent dans le rouge suite moyens d’actions publics. à l’effondrement de l’immobilier aux Etats-Unis. Dexia est alors contrainte Quelles sont les modalités pratiques d’injecter du capital frais (500 millions de cette intervention ? Et quels sont de dollars !) afin de renflouer FSA. En les effets attendus sur la collectivité ? vain. Sachant que les finances publiques du pays se trouvent dans une très mauvaise posture depuis le L’Etat belge vient de sauvetage particulièrement coûteux s’engager à reprendre la C’est désormais officiel. Après avoir (un peu plus de 20 milliards d’euros) totalité du capital de DBB. occupé la une des médias depuis la des banques à ancrage belge à Coût immédiat de l’opération: fin du mois de septembre, le groupe l’automne 2008. 4 milliards d’euros. Dexia va être démantelé. Le conseil d’administration de la banque franco- belge a accepté, le dimanche 9 L’histoire tragique d’une petite octobre, l’offre de rachat du A l’instar d’une multitude d’autres banque belge spécialisée dans groupes financiers, les dirigeants de gouvernement belge de Dexia le financement des pouvoirs Dexia, poussés par leur ego Banque Belgique (DBB). Un accord portant sur les garanties devant être locaux voulant devenir leader démesuré, ont cherché à faire de l’ex- apportées par les Etats belge, mondial… Crédit communal un leader mondial français et luxembourgeois a pu être dans le domaine du financement des également conclu. Afin de tâcher de collectivités locales et des services couvrir les risques liés à la centaine Dexia est née de l’alliance, en 1996, publics. Et comme les arbres ne de milliards d’euros d’actifs toxiques entre le Crédit communal de Belgique montent pas jusqu’au ciel, ce qui détenus par la société holding Dexia et le Crédit local de France. Très vite, devait arriver, arriva. En 2008, la et ses filiales. trop vite, le top management franco- finance mondiale connaît des belge se lance dans de vastes turbulences sans précédent, en raison L’objectif principal de l’intervention de opérations d’acquisitions de la crise du subprime partie du l’Etat était de sécuriser les activités de d’établissements financiers à marché immobilier américain. Dexia en Belgique - réputées saines -, l’étranger, mais aussi en Belgique et de les isoler des actifs risqués du (absorption de la Bacob et de Les dépôts des millions d’épargnants groupe. Pour ce faire, moins de trois l’assureur AP en 2001). En outre, qui ont fait confiance à Dexia, tout ans après avoir payé 9,4 milliards Dexia rachète sans compter des comme la faiblesse du niveau de ses d’euros pour prendre le contrôle de paquets d’obligations émises par des fonds propres, ne lui permettent plus Fortis Banque alors en pleine collectivités locales partout dans le de faire face à ses engagements: les déconfiture, l’Etat belge vient de monde: des achats qui s’avèrent très bénéfices de Dexia fondent comme s’engager à reprendre la totalité du rémunérateurs car ils permettent à la neige au soleil. Dexia doit emprunter capital de DBB1. Coût immédiat de banque belgo-française de se toujours plus, à des taux plus élevés. l’opération: 4 milliards d’euros. Pour financer facilement, à des taux Sauf qu’en raison de la crise garantir l’emploi et l’épargne des « plancher ». Les actionnaires financière internationale, clients, mais aussi pour tenter apprécient. le marché interbancaire s’assèche drastiquement. Les institutions Un article de la revue en ligne www.dautresreperes.be – Créé le 19/10/11 – Page 1 sur 8 – © FAR 2011 …
financières rechignent à se faire banques britanniques, allemandes ou nationaliser. Intégralement et confiance, et donc à se prêter les françaises, Dexia possède de immédiatement. capitaux dont elles ont besoin. grandes quantités de titres de la dette (obligations ou bons du Trésor) émis D’une part, l’extrême fragilité du A l’instar de KBC, d’Ethias, d’ING et par les Etats grec, italien ou groupe Dexia (qui était en quasi- de…Fortis, en septembre 2008, le portugais…et qui sont caractérisés faillite) ne permettait pas de groupe Dexia est proche de la faillite. aujourd’hui par un risque de défaut de s’imaginer un seul instant un scénario Comme pour les autres institutions paiement très élevé. de stand alone pour DBB. C’est-à-dire précitées, avec la participation des poursuivre les activités sans Etats français et luxembourgeois, les Inutile donc de rappeler que quinze s’adosser à un plus grand groupe autorités belges décrètent l’injection ans à peine après la fusion du Crédit financier. Primo, parce que les de quelque 6,4 milliards d’euros pour communal et du Crédit local de marchés financiers internationaux éviter la banqueroute. Le France, et trois ans après une sont beaucoup trop instables, depuis gouvernement fédéral sollicite les première tentative de sauvetage, plus de trois ans, pour espérer qu’une Régions qui mettent la main au l’aventure Dexia s’avère désastreuse aussi petite institution puisse survivre portefeuille (1 milliard d’euros à elles à bien des égards. Aussi, pour éviter seule, face aux attaques des grandes trois), pour tenter de sauver « la la faillite dont les conséquences banques concurrentes, au chantage banque des pouvoirs locaux ». seraient catastrophiques pour les permanent des agences de notation épargnants, le personnel du groupe et donc aux spéculateurs. Secundo, Profondément désavouée, l’ancienne Dexia, les actionnaires (que sont parce que Dexia dispose d’un volume structure dirigeante est débarquée, et entre autres les pouvoirs locaux), trop important d’actifs toxiques (qui remplacée par le duo constitué de pour l’économie du pays en général, plombent la rentabilité de l’institution) Pierre Mariani (un proche de N. les autorités publiques belges, pour trouver un repreneur susceptible Sarkozy) et de…Jean-Luc Dehaene françaises et luxembourgeoises n’ont de proposer un plan de rachat (qui cumule, en plus de son mandat pas eu d’autres choix que d’intervenir acceptable pour toutes les parties de député européen, plusieurs autres dans l’urgence. Et négocier les prenantes du dossier: salariés, clients postes d’administrateurs - grassement modalités concrètes du et actionnaires de Dexia. rémunérés - de multinationales cotées démembrement du groupe. C’est en Bourse: InBEV, Umicore, Lotus désormais chose faite. D’autre part, choisir de revendre Bakeries, Thrombogenetics). Dexia à un autre groupe bancaire (à Rapidement, la nouvelle structure ancrage belge ou étranger), c’était Le régime imposé par dirigeante décide de se séparer de la prendre le risque qu’il la restructure l’Europe à Dexia s’avérera filiale FSA. Dexia y parviendra, aussitôt en profondeur. Pour ne payant jusqu’à l’éclatement de retrouvera quelques menues conserver que les activités rentables la crise de la zone euro. liquidités, mais devra conserver un ou susceptibles de l’être rapidement. portefeuille d’actifs toxiques Avec les conséquences dramatiques conséquent qui n’en finit pas de que l’on peut imaginer sur l’emploi dégrader ses comptes. Pour l’année Un vaudeville bancaire dont la dans l’entreprise. D’autant que Dexia, 2008, la perte du groupe Dexia atteint Belgique a le secret en Belgique, emploie tout de même le niveau record de…3,3 milliards un peu plus de 13.500 salariés2. d’euros. Les actionnaires n’ont plus Le week-end dernier, c’est bien que leurs yeux pour pleurer. Les malgré lui que le gouvernement Enfin, il était impératif de prendre en clients-épargnants, eux, sont des plus fédéral (en affaires courantes) a considération les intérêts des inquiets. Certains n’hésitent pas à décidé de nationaliser toutes les principaux actionnaires historiques de retirer leur épargne, pour la confier à entités de Dexia Banque Belgique Dexia. A savoir: le Holding Communal d’autres banques réputées plus (DBB, le pôle bancaire belge du qui détient 14,14 % du capital et qui solides. groupe Dexia) et d’apporter sa est donc très proche de la garantie. banqueroute, lui aussi ; le Groupe La Commission européenne finit par Arco3 (13,81 % des parts de Dexia); s’en mêler. Elle exige de Dexia qu’elle Pour éviter de mettre la main au le Groupe Ethias4 (5,04 %) ; l’Etat s’impose une cure d’amaigrissement. portefeuille et accroître inévitablement fédéral belge qui a acquis 5,73 % de En d’autres termes, Dexia doit se la charge de la dette publique belge, Dexia lors de son intervention en restructurer pour se donner plusieurs membres influents du urgence en 2008. 5,73 %, c’est progressivement, mais sans plus gouvernement Leterme III auraient également la part du capital de Dexia attendre, une taille plus modeste. Et préféré revendre les activités belges détenue conjointement 5 par les réduire au passage ses besoins de de Dexia à une institution bancaire Régions flamande, wallonne et de financement. Le régime imposé à étrangère aux reins plus solides. Bruxelles-Capitale qui, ensemble, Dexia s’avère payant jusqu’à Mais, pour plusieurs raisons avaient apporté 1 milliard d’euros de l’éclatement de la crise de la zone évidentes, le gouvernement fédéral capital frais, pour lui éviter la faillite en euro. Car, comme beaucoup de a dû se résoudre à les octobre 2008. … Un article de la revue en ligne www.dautresreperes.be – Créé le 19/10/11 – Page 2 sur 8 – © FAR 2011
Structure de l'actionnariat au 31 décembre 2010 prendre à leur charge une partie de l’addition (estimée à 2 milliards d’euros): les communes, les Régions, l’Etat fédéral (nouvel actionnaire de Dexia Banque Belgique), et la Banque Dexia elle-même. « Et c’est ici que les Romains s’empoignèrent ». La négociation entre l’Etat fédéral et les Régions est effectivement des plus tendue. Car l’Etat fédéral, qui a déjà « mis quelques milliards d’euros sur la table » pour éviter la faillite à Dexia, refuse de se porter garant au-delà de 50 % du coût de la liquidation. Un effort que les Régions 9 jugent insuffisant. Elles rappellent à l’envi que c’est sous la pression du gouvernement fédéral que les actionnaires historiques belges de Dexia ont accepté de recapitaliser Dexia (et donc de continuer de s’endetter pour ce faire) en 2008. Au Fédéral, il a été rétorqué aux Régions ©dexia.com qu’elles sont largement responsables de cette situation vu que ce sont elles L’inexplicable déni des intérêts qui sont chargées d’exercer la tutelle régionaux et locaux sur les pouvoirs locaux. Il n’est donc pas farfelu de penser que ce bras de Les représentants des trois Régions si la coupe n’était pas suffisamment fer politique, entre le Fédéral (surtout ont fait pression sur le gouvernement pleine, suite au démantèlement de le ministre des Finances, Didier fédéral jusqu’au tout dernier moment Dexia, le bras financier des pouvoirs Reynders, MR) et les Régions - qui afin d’éviter que Dexia ne soit locaux de Belgique devrait subir ainsi risque de ne plus amuser grand revendue à une banque étrangère. La une perte supplémentaire estimée à 1 monde encore longtemps, à un an raison est simple, et double. Un: les milliard d’euros6 ! Ce qui le met en des élections locales -, est mené du Régions ont déjà été mises faillite virtuelle. Ses jours sont donc côté régional pour tenter de faire significativement à contribution en comptés. Aussi, parce qu’il est proche porter aussi le chapeau à D. 2008 (1 milliard d’euros), ce qui a eu du défaut de paiement - c’est-à-dire Reynders en cas d’échec, et du côté pour effet de détériorer un peu plus dans l’incapacité absolue de trouver fédéral, surtout par le MR, pour leurs finances. Deux: les Régions ont des liquidités pour honorer ses dettes affaiblir les gouvernements wallon et la tutelle sur les institutions immédiatement exigibles -, le Holding bruxellois dont ils ne sont pas communales et provinciales, des communal vient de faire savoir, par membres. clients historiques majeurs de l’ex- l’entremise de son conseil Crédit communal dont le bras d’administration, qu’il ne pourrait plus financier est le…Holding communal fonctionner au-delà du 22 octobre. Faute de liquidités. Sauf si les Les représentants des trois qui porte ainsi la participation des Régions et l’Etat fédéral viennent à Régions ont fait pression sur pouvoirs locaux dans Dexia. son secours d’ici là. Le temps le gouvernement fédéral d’organiser sa « liquidation jusqu’au tout dernier moment Or, ce dernier est déjà fortement volontaire »7. De façon ordonnée8. afin d’éviter que Dexia ne soit endetté (1,7 milliard d’euros). revendue à une banque Notamment parce qu’il a été contraint Dans tous les cas, cette mise en étrangère. d’apporter 500 millions d’euros pour recapitaliser Dexia en 2008. Mais liquidation du Holding communal aussi parce que les investissements pèsera lourdement sur les finances opérés par Dexia (et donc par le publiques, à tous les étages de la Notons qu’au tout début du mois Holding communal) ont été « maison Belgique ». Personne ne d’octobre, ensemble, les particulièrement inadéquats ces sera épargné. Tous les échelons représentants des trois Régions ont quelques dernières années. Comme institutionnels seront contraints de fait connaître leurs exigences quant … Un article de la revue en ligne www.dautresreperes.be – Créé le 19/10/11 – Page 3 sur 8 – © FAR 2011
au dossier Dexia au gouvernement Ethias et le Holding communal), mais communal, s’avère délicate. Car, si le fédéral. Pour éviter une également celui des communes qui, Holding devait être démantelé nationalisation « pur sucre ». Ces faut-il le rappeler, figurent parmi les (liquidation), les Régions seront exigences n’étaient rien d’autre que clients principaux de Dexia Banque11. contraintes de passer à la caisse. Une les conditions auxquelles elles fois de plus. accepteraient d’intervenir aux côtés de l’Etat. Une sorte de contre- proposition, du genre « plan B ». Et Focus sur le plan de reprise logiquement, compte tenu de leur (nationalisation) de Dexia responsabilité à l’égard des pouvoirs locaux (et du Holding communal), les Comme mentionné ci-avant, les Etats trois Régions ont demandé au belge, luxembourgeois et français Fédéral d’être associées à toutes les sont parvenus ces 8 et 9 octobre à négociations liées au cas Dexia. En s’entendre sur les modalités vain! principales inhérentes à une prise de contrôle, dans l’urgence, du groupe Le « plan B » suggéré par les Dexia. Et donc sur les responsabilités trois Régions en guise incombant aux uns et aux autres. d’alternative à la nationalisation. Il leurs reste cependant plusieurs Le plan B déposé par les Régions points non négligeables à régler. consistait à scinder le Groupe Dexia ©lalibre.be Comme le sort des filiales opérant en trois entités distinctes: Crédit local ailleurs en Europe12, les prêts de France, Dexia Banque Belgique, et intragroupes13 ou encore ce qu’il une « banque résiduelle »10 afin d’y Ce « plan B », le gouvernement adviendra des quelque 2.500 parquer les actifs financiers toxiques fédéral l’a balayé quasi aussitôt d’un travailleurs qui sont employés en du groupe (valeur totale estimée: revers de la main, négligeant ainsi les Belgique au sein des structures qui entre 100 et 125 milliards d’euros), à intérêts régionaux (et donc d’une sont communes à l’ensemble du l’instar de celle qui a été constituée en certaine façon, le fait communal) dans groupe (société holding, département mai 2009 en vue de tenter de gérer ce dossier épineux, mais crucial pour informatique central14, pôle de gestion les produits structurés très risqués de les finances locales! Les motifs des actifs15, etc.). Fortis Banque (que BNP Paribas a invoqués par certains ministres pris soin de...ne pas racheter). fédéraux étaient que ce plan Les organisations syndicales, en front consistait à confier à nouveau le sort commun, ont immédiatement Il prévoyait aussi de constituer une d’une Dexia assainie, débarrassée de revendiqué les éléments suivants16: la société ad hoc au sein du Groupe ses actifs toxiques, à des actionnaires garantie d’emploi dans chaque entité Dexia (dite société « spin-off ») pour y historiques qui sont co-responsables rachetée par l’Etat belge ; le retour du loger les activités de Dexia Banque de la mauvaise gestion qui y a été personnel des filiales DAM et DTS Belgique ; et ce, pour éviter à l’Etat menée depuis 1996. Or, il se dit dans Dexia Banque Belgique ; et fédéral de devoir la racheter. Ce plan aujourd’hui que c’est sous la pression enfin le respect des engagements pris préservait par ailleurs le droit, pour des représentants de l’Etat français envers le personnel travaillant au sein chacune des trois Régions, de rester (une fois de plus) que le du Holding Dexia SA, à savoir la actionnaire de Dexia, histoire de leur gouvernement belge aurait renoncé à possibilité, pour chaque collaborateur garantir un droit réel de regard dans retenir la proposition émanant des de Dexia SA dont l’emploi serait la politique de financement des Régions belges. Pour privilégier in supprimé, suite au démantèlement du entités publiques locales (dont elles fine une formule qui agrée les groupe, de réintégrer son entité ont la tutelle). Il était question, dès décideurs français, lesquels d’origine tout en conservant ses lors, dans cette contre-proposition rechignaient à voir des institutions droits. alternative, de garantir le principe françaises (CDC, Etat français) rester qu’une action du groupe donne droit actionnaires d’une banque redevenue Néanmoins, le nœud du dossier était automatiquement à une action de la plus belge. de savoir comment la Belgique et la nouvelle banque « spin-off ». Les France allaient se répartir la deux sociétés auraient ensuite été En attendant, plus le temps passe sur responsabilité liée aux garanties à cotées en Bourse de manière bien les marchés financiers, plus le titre apporter tant aux entités du groupe distincte. Ce scénario aurait permis Dexia risque de dégringoler en Dexia, pour assurer la continuité de de détacher la banque du groupe, tout Bourse, et plus la position des leurs activités, qu’à la « bad bank ». en gardant le même actionnariat. Régions, qui ont systématiquement Yves Leterme (CD&V) comme Didier Sans grande surprise, cette formule a « joué le jeu » depuis 2008 en Reynders (MR), respectivement bénéficié du soutien des trois grands acceptant de recapitaliser Dexia et premier ministre et ministre des actionnaires belges de Dexia (Arco, d’apporter leur garantie au Holding finances en affaires courantes, Un article de la revue en ligne www.dautresreperes.be – Créé le 19/10/11 – Page 4 sur 8 – © FAR 2011 …
avaient annoncé fin septembre qu’il dépendra de Dexia SA. Ce sont bousculeront probablement pas au n’était pas question cette fois-ci de surtout les actifs logés dans la bad portillon. C’est la raison pour laquelle faire porter le poids principal sur la bank qui seront cotés en Bourse. Et l’Etat luxembourgeois va accepter Belgique, comme ce fut le cas en c’est donc Dexia SA qui récoltera les vraisemblablement la proposition de 2008 (l’Etat belge avait supporté alors produits de la revente des actifs du rachat de Dexia BIL (le pôle deux tiers de la garantie), et qu’ils Groupe Dexia. Comme notamment luxembourgeois du groupe Dexia) accorderaient une attention les presque 4 milliards d’euros émanant du fonds souverain du Qatar particulière aux actionnaires déboursés par l’Etat belge pour le pour environ 1 milliard d’euros (hors historiques (Arco, Holding communal). rachat de Dexia Banque Belgique filiales). Pour le reste, l’objectif est (DBB). que toutes les filiales à l’étranger Mais l’histoire semble se répéter. Les puissent être vendues avant la fin du négociateurs belges semblent avoir Car, nous dit-on, tous les actifs du printemps 2012. été incapables, une fois encore, de groupe Dexia ne sont pas de tenir tête aux émissaires de Nicolas mauvaise qualité pour autant. Ce Quid des épargnants dans ce Sarkozy. Preuve s’il en est: l’accord serait le cas de Dexia Banque « maelström»? Si, malgré les intervenu prévoit que l’Etat belge sera Belgique, le pôle qui vient d’être interventions massives des autorités contraint de supporter 60,5 % de la racheté par l’Etat belge. C’est publiques, Dexia devait déposer le garantie sur les actifs qui seront logés d’ailleurs la bonne santé financière de bilan - ou toute autre banque active dans la bad bank. Contre à peine 36,5 DBB, et sa capacité à collecter des en Belgique -, l’Etat interviendrait % pour la France et 3 % pour l’Etat montants considérables d’épargne également pour protéger, garantir, luxembourgeois. Tandis qu’aucune auprès des clients belges, qui a l’épargne des clients confiée aux solution n’a été dégagée à ce jour permis au Crédit Local d’octroyer des banques. Ces garanties sont toutefois pour éviter la banqueroute du Holding financements (crédits hypothécaires limitées à 100.000 euros par communal, et protéger ainsi les aux particuliers, prêts aux collectivités personne physique et par institution finances locales. locales) à « la pelle »…de l’autre côté (et non par compte bancaire ouvert). de la frontière, en territoire français. Idem pour les produits d’assurance- En d’autres termes, cela signifie que Pour un montant global d’une vie de la branche 21. Et, nous dit-on, si certains actifs détenus par Dexia trentaine de milliards d’euros! Ce c’est par l’intermédiaire du Fonds de sont à risques (et donc réputés point épineux devra être réglé bientôt, protection des dépôts et instruments toxiques, pourris), comme par car il semble évident que l’économie financiers19, qui dispose d’une réserve exemple des titres de la dette belge ne peut pas se permettre de se directement disponible de 1,22 publique de la Grèce (que Dexia priver plus longtemps d’une telle milliard d’euros et qui peut compter possède à concurrence de 3,8 manne. Encore faudrait-t-il que par ailleurs, en cas de faillite d’une milliards d’euros), et que la Grèce est certains ministres, au Fédéral, osent banque, sur un Fonds spécial géré réputée à 50 % en défaut de tenir tête aux dirigeants français à ce par l’Administration fédérale de la paiement, Dexia perdrait dans titre. Rien n’est moins sûr. Trésorerie (1,8 milliard d’euros de l’aventure 1,9 milliards d’euros rien réserves), que la garantie de l’Etat que sur les titres grecs. En raison des (donc l’indemnisation des épargnants) garanties qu’il apporte à ces titres, L’accord intervenu prévoit s’opérerait. Bien que conséquentes l’Etat belge devrait honorer quant à lui que l’Etat belge sera contraint au demeurant, ces réserves sont une ardoise de 1,14 milliard d’euros17 de supporter 60,5 % de la cependant ridicules au regard de (soit 60,5 % de 1,9 milliard d’euros). garantie sur les actifs qui l’épargne globale qui repose dans les Mais ce n’est qu’une simple seront logés dans la banques en Belgique (un peu plus de hypothèse. bad bank. 200 milliards d’euros…toutes institutions confondues!). Or, 1,22 milliard d’euros ne permet jamais de Les garanties que le gouvernement Quant aux autres filiales du groupe dédommager que l’équivalent de fédéral vient d’accorder à Dexia sont Dexia, elles sont toutes à vendre. 12.000 épargnants à hauteur de sensiblement inférieures (54 milliards Certaines sont dans une situation 100.000 euros. Peanuts! d’euros) à celles de 2008 (90 saine, d’autres moins. Mais une milliards). En contrepartie de cette chose est certaine, pour tâcher de Qu’attend-on pour réformer intervention, la maison mère de Dexia récupérer quelque peu leurs mises, enfin la finance? Banque Belgique - donc Dexia SA - les trois Etats actionnaires devra reverser une prime de 270 n’hésiteront pas longtemps à Les interventions des Etats français, millions d’euros18 à l’Etat belge. revendre les actifs qui peuvent luxembourgeois et belge pour éviter la Notons qu’il est prévu de faire gérer la l’être...car, par les temps qui courent faillite du groupe Dexia, tendent à banque résiduelle (qui est à créer) (crise de la zone euro, risque élevé de démontrer que le secteur bancaire et dans une structure exclusive relevant faillite de plusieurs grandes banques financier, contrairement aux bonnes du Crédit Local (filiale française du en Europe, plongeon continu des intentions proférées par ses groupe Dexia), qui lui-même cours boursiers), les amateurs ne se … Un article de la revue en ligne www.dautresreperes.be – Créé le 19/10/11 – Page 5 sur 8 – © FAR 2011
représentants et certains décideurs doivent donc en prendre conscience, « Je pense que les institutions politiques au lendemain des coûteux et empêcher à l’avenir que de tels bancaires sont plus dangereuses sauvetages opérés in extremis en mastodontes aux pieds d’argile pour nos libertés que des armées 2008, est profondément incapable de puissent encore être constitués à entières prêtes au combat. Si le tirer les enseignements de ses l’initiative de quelques dirigeants peuple américain permet un jour propres errances. financiers mégalomanes. Car, qu’on que des banques privées le veuille ou non, « nos » grandes contrôlent leur monnaie, les L’état de quasi-banqueroute dans banques finissent par coûter banques et toutes les institutions lequel se trouve aujourd’hui l’ex- manifestement trop cher à leurs qui fleuriront autour des banques banque des communes ranime le actionnaires (publics), à leurs priveront les gens de toute spectre d’un second Fortisgate. Un salariés, à leurs clients, mais aussi et possession, d’abord par l’inflation, séisme socio-économique qui, à surtout…aux contribuables. Or, ces ensuite par la récession, jusqu’au l’instar de la fermeture de Renault derniers sont en droit d’exiger jour où leurs enfants se Vilvorde (1997), la faillite de la davantage de considération, donc réveilleront, sans maison et sans Sabena (2001), ou encore l’annonce d’honnêteté, de modestie et de toit, sur la terre que leurs parents récente d’ArcelorMittal de cessation transparence de la part de leur ont conquis » définitive de la sidérurgie (activités du banquier. « chaud ») dans le bassin liégeois, (Thomas Jefferson, 1802) continue de susciter bien des Aussi, pour toutes ces raisons, et bien inquiétudes en Belgique. En d’autres encore, pour préserver particulier auprès des salariés du l’intérêt général étant donné que c’est secteur bancaire et des épargnants. systématiquement la collectivité qui Mais aussi dans le chef des est mise à contribution quand le mandataires locaux. Sommes-nous « navire tangue, ou pire, qu’il prend confrontés dès lors à un risque de l’eau », il est impératif que les métiers Dexiagate ? Il est probablement trop de la banque et de la finance se tôt pour l’affirmer. Une seule certitude: recentrent sur leurs missions il n’y a plus aucune raison objective originelles, à savoir: collecter des aujourd’hui de retarder l’indispensable dépôts, les mettre à disposition des réforme dont a grandement besoin le porteurs de projets locaux de secteur financier20. Pour que celui-ci l’économie réelle, et conseiller au puisse redevenir plus modeste, donc mieux ces derniers de sorte que leurs s’adonner à des pratiques initiatives soient pérennes pour sensiblement moins risquées, et qu’il autoriser une amélioration continue soit à nouveau au service de de la qualité de vie des populations. l’économie réelle. Cela, pour mieux Pourtant, ne dit-on pas souvent: « répondre aux besoins de financement Small is beautiful ». qui sont exprimés par les ménages, les pouvoirs publics et les entreprises. En outre, il faut bien reconnaître L’état de quasi-banqueroute qu’après les déconfitures de Fortis, dans lequel se trouve d’ING, ou de Dexia, le « modèle » aujourd’hui l’ex-banque des visant la constitution de grands (trop communes ranime le spectre grands) ensembles bancaires d’un second Fortisgate. transfrontaliers a vécu. Les responsables politiques belges 1 Le pôle « Dexia Banque Belgique » qui vient d’être racheté par l’Etat belge correspond aux entités suivantes: Dexia Banque, Dexia Insurances ainsi que les filiales Dexia Lease, Dexia Commercial Finance, Crefius et Elantis. 2 Au 31 décembre 2010, le groupe Dexia employait pas moins de 35.185 salariés, répartis de la manière suivante: 13.825 en Belgique, 9.348 en Turquie (au sein de la filiale Denizbank), 3.763 au Grand-Duché du Luxembourg, 2.314 en France, et quelque 5.935 salariés employés dans une multitude d’autres pays comme l’Allemagne, l’Italie ou encore l’Espagne où Dexia possède des intérêts voire des filiales. 3 Très lié au Mouvement ouvrier chrétien flamand (ACW), au cours actuel de l’action Dexia (dont la valeur est passée sous la barre de 1 euro), le Groupe coopératif Arco devra essuyer une perte sèche estimée à quelque 300 millions d’euros en 2011 ! Une note salée qu’auront du mal à digérer ses 800.000 coopérateurs. Mais il semble qu’Arco ait les reins suffisamment solides pour surmonter les conséquences de ce très amer investissement. Un article de la revue en ligne www.dautresreperes.be – Créé le 19/10/11 – Page 6 sur 8 – © FAR 2011
4 Contrairement au Holding communal, en juillet dernier, sous la pression de la Commission européenne qui lui imposait à elle aussi un « régime minceur » draconien, Ethias SA (l’assureur) a eu le bon réflexe de transférer à sa maison mère (Ethias Finance) son paquet d’actions Dexia et ce, en actant dans ses comptes une valeur de 2,81 euros l’action (contre 3,85 euros en 2010). Le Groupe Ethias s’attend dès lors à devoir essuyer une perte d’environ 100 millions d’euros (deux fois plus si Ethias revendait ses titres Dexia au cours actuel). Une tuile certes, mais que l’assureur devrait pouvoir digérer. 5 Notons que le reste du capital du Groupe Dexia, au 31/12/2010, était réparti comme suit: 28,17 % dans les mains d’une multitude d’acteurs institutionnels et individuels ; 17,61 % détenus par la CDC (Caisse des dépôts et consignations, le bras financier de l’Etat français) ; 5,73 % par l’Etat français ; 2,96 % par CNP Assurances ; et enfin, 1,07 % par des salariés de Dexia (principalement des cadres supérieurs). 6 La raison de cette perte colossale est simple: dans ses comptes, le Holding communal valorise ses actions Dexia à 8,27 euros. Sauf que la valeur du titre Dexia est descendue aujourd’hui sous la barre de…1 euro ! Ce qui est valable pour le Holding l’est également pour les autres actionnaires qui ont réinjecté des capitaux conséquents en 2008 dans Dexia. L’Etat fédéral avait alors recapitalisé la banque à 9,9 euros l’action (tout comme Arco). Soit plus de 10 fois la valeur du cours actuel de l’action! Perte sèche pour l’Etat fédéral liée à cette opération de recapitalisation: un peu plus de 900 millions d’euros. 7 Le conseil d’administration du Holding communal vient d’annoncer, à ce titre, qu’une assemblée générale extraordinaire des actionnaires sera convoquée prochainement pour acter, le 7 décembre 2011, sa mise en liquidation. Il se dit aujourd’hui que pour faire face à ses engagements jusqu’à la fin de l’année, il aurait besoin de 194 millions d’euros! (LaLibre.be, 17/10/2011). Ce n’est tout de même pas rien. Pour l’Etat fédéral comme pour les Régions. Tant leurs finances sont en mauvaise posture. 8 Deux autres hypothèses concernant le sort du Holding communal ont circulé ces derniers jours. Mais aucune n’a récolté l’unanimité des voix des principales parties intéressées: Option 1) Son adossement à une autre institution publique de financement, comme la SFPI (le bras financier de l’Etat fédéral), mais cette option gonflera inévitablement la dette de l’Etat - une option que ne privilégie évidemment pas le gouvernement fédéral tant il craint une dégradation de la cote de la Belgique, par les satanées agences de notation, sur les marchés financiers internationaux - ; Option 2) La solution prônée par la Flandre consistant à procéder au démembrement du Holding, chaque Région reprenant donc ses billes: un scénario des plus coûteux pour les comptes régionaux. 9 Sous certaines conditions (coulées récemment dans un « pacte d’actionnaires »), dans l’intérêt des pouvoirs locaux, les Régions ont fait savoir presque immédiatement qu’elles étaient disposées à prolonger - jusqu’en 2013 -, voire augmenter (jusqu’à 800 millions d’euros contre 450 millions d’euros actuellement), leurs garanties sur certains prêts à long terme du Holding. Parmi ces conditions, figurent les suivantes: restaurer une gestion plus saine et plus réfléchie au sein du Holding, via notamment l’abandon de la politique de diversification financière à tout-va tel que menée jusqu’ici ; la diminution du nombre d’administrateurs siégeant au sein du Holding communal ainsi que la réduction de leurs rémunérations ; le contrôle des décisions portant à la redistribution de dividendes à ses actionnaires ; ou encore la nomination de commissaires de gouvernement pour représenter les intérêts des Régions dans ses organes de décision et de gestion. Faute de pouvoir disposer chacune, jusqu’à présent, d’un administrateur au conseil d’administration de Dexia, les Régions ont voulu marquer ainsi toute leur détermination à peser davantage sur la stratégie du Holding dans Dexia. 10 Par banque « résiduelle » ou « structure de défaisance » (terme politiquement correct), il convient d’entendre une institution financière qui est créée spécifiquement, de toute pièce, par les grands organismes financiers afin d’y loger leurs actifs les plus à risque (c’est-à-dire les plus susceptibles de leurs occasionner de lourdes pertes), pour les isoler du reste de leurs activités peu risquées ou non à risque. Dans le jargon financier, on a coutume de l’appeler Bad Bank (soit une mauvaise banque, traduit de l’anglais). Dans le cas de Dexia, il s’agit d’y concentrer notamment des titres de la dette émis par des pays comme la Grèce, ou le Portugal, et qui sont caractérisés aujourd’hui par un risque de défaut de paiement très élevé. Ou encore des prêts de très longue durée (d’une durée de 30 à 50 ans!), consentis à des collectivités territoriales, que Dexia ne peut pas vendre sauf en acceptant de perdre 10 à 20 % (selon les cas). 11 www.uvcw.be (Union des Villes et Communes de Wallonie). 12 Des sociétés telles que Crediop (Italie), Dexia Sabadell (Espagne), Denizbank (Turquie), Dexia Kommunalbank Deutschland (Allemagne), RBC Dexia Investor Services (Royaume-Uni), etc. 13 Le groupe Dexia est un holding (Dexia SA) constitué de quatre grandes entités (DBB, donc Dexia Banque Belgique, Dexia Crédit Local en France, Dexia Banque Internationale à Luxembourg, et enfin Denizbank en Turquie) vis-à-vis desquelles la maison-mère est endettée à concurrence de…3,86 milliards d’euros. Un montant conséquent qui ne pourra probablement pas être remboursé intégralement via la seule vente des actifs. 14 C’est-à-dire la filiale Dexia Technology Services (DTS) qui est de droit luxembourgeois, mais qui emploie plusieurs centaines de salariés en Belgique. 15 La gestion des actifs (fortunes et placements) y est assurée via la filiale DAM (Dexia Asset Management). 16 www.setca.org Un article de la revue en ligne www.dautresreperes.be – Créé le 19/10/11 – Page 7 sur 8 – © FAR 2011
17 LaLibre.be (11/10/2011). 18 Outre la prime de 270 millions d’euros devant être reversée à l’Etat belge, Dexia SA rétribuera un total de 180 millions d’euros aux Etats français et luxembourgeois pour les garanties qu’ils ont accepté d’apporter. 19 www.protectionfund.be 20 Lire à ce titre, sur D’autres Repères (http://dautresreperes.typepad.com/dautresreperes/economie-finance/page/3/), l’étude de Stéphane Balthazar « Crise financière : des pistes pour en sortir » dont le contenu reste plus que jamais d’actualité. Un article de la revue en ligne www.dautresreperes.be – Créé le 19/10/11 – Page 8 sur 8 – © FAR 2011
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