La scolarité des enfants Roma à Bruxelles Analyse et recommandations

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La scolarité des enfants Roma à Bruxelles
Analyse et recommandations
                                                                                     CRI Foyer Bruxelles
                                                                                       16 novembre 2006

1. Intro

Les dernières années, plusieurs associations bruxelloises sont confrontées au thème de la
scolarité des enfants d’origine Roma. Malgré les efforts de beaucoup de familles pour envoyer
les enfants à l’école, une problématique d’irrégularité et d’absentéisme se pose pour un
certain nombre d’élèves Roma (comme pour d’autres enfants avec une situation de séjour
comparable). Une partie de ces enfants on retrouve pendant les heures scolaires dans les rues
en train de mendier. Dans le cadre de la recherche d’une approche sociale, le RORA1
(Concertation Régionale des Affaires Roma) a réalisé une réflexion sur base des expériences
et des recherches2 faites à Bruxelles. Ainsi le RORA veut ouvrir le débat avec les acteurs
politiques et sociaux pour dégager des pistes de solution pour une meilleure intégration
scolaire des enfants Roma.

Pour les Roma, le bas degré d’éducation et de formation dans leur pays d’origine déjà,
contribue fortement au cercle vicieux de chômage, pauvreté, marginalisation et même
discrimination. Pourtant l’enseignement est une des institutions principales de socialisation
où les enfants s’approprient des compétences et des valeurs, et qui contribue à une bonne
intégration des allochtones dans la société.

Attention aux généralisations! ‘LE Roma’ n’existe pas. Il y a une diversité énorme qui se
manifeste entre autre par rapport à l’évolution de la carrière scolaire. L’absentéisme mais
aussi les efforts de présence scolaire existent dans toutes les gradations. Une bonne partie des
familles est venue en Belgique pour assurer un meilleur avenir pour leurs enfants.

En tout cas le plus grand souhait des Roma est clair : trouver une connexion avec le reste de
l’UE de la 21ième siècle (statut de résidence stable, travail, enseignement, …). Mais jusqu’à
maintenant le sentiment et la réalité d’exclusion de la plus grande minorité ethnique de
l’Europe persistent.

1
 Le RORA est une plate-forme d’associations bruxelloises qui rencontrent des Roma dans leur travail quotidien.
2
 Foyer, ‘De Roma van Brussel’, 2004
Joppart, C., 'Recherche relative au développement d'une réponse sociale à la question de la mendicité des
enfants en Belgique', CODE, Brussel, 2003.
Carpentier, S., en Van Houcke, F., ‘Recherche pilote sur la sensibilisation des autorités publiques à la
Communauté Rom et sur l’intégration scolaire des enfants Roms’, CODE, Brussel, 2004
Geurts, K., ‘Over-leven van Roma in Brussel’, Eindverhandeling Departement Sociale en Culturele
Antropologie, K.U.Leuven, juni 2005
2. Constats

2.1 Sources d’information

Cette analyse est basée sur plusieurs recherches qui ont été menées sur la situation des Roma
à Bruxelles, la mendicité et la scolarisation des enfants Roma (Service des Gens de Voyage et
des Roms du Foyer, La Code3), mais aussi sur l’expérience pratique en accompagnement et
médiation des nombreuses familles Roma pendant plusieurs années par le Service des Gens de
Voyage et Diogenes.

2.2 Ecoles de concentration

•     Les Roma ont beaucoup de difficultés à trouver une école, surtout ceux qui n’ont pas de
      séjour légal. Plusieurs écoles participant à l’enquête relevaient le problème de certains
      élèves Roma qui avaient été refusés dans d’autres écoles, officiellement par ‘manque de
      place’. En réalité, pour des raisons financières et pédagogiques, l’image négative des
      Roma et parfois la pression d’autres parents sur la direction empêchent que dans certaines
      écoles ces enfants (comme d’autres enfants allochtones) y soient les bienvenus. De plus,
      un manque de connaissances sur les devoirs de l’école et leurs propres droits par rapport à
      l’inscription et un manque de ponctualité (dates limites!) de la part des parents rendent
      souvent difficiles une inscription.
•     A Bruxelles, on retrouve les écoliers Roma pour la plupart dans l’enseignement
      francophone, et surtout dans les écoles de concentration avec un grand nombre
      d’allochtones.
•     Presque toutes ces écoles sont des écoles à ‘discrimination positive’. Ce sont des écoles
      qui reçoivent des subventions spéciales du Ministère de l’enseignement et du Ministère de
      la Culture pour promouvoir l’intégration sociale et l’égalité des chances. Certaines de ces
      écoles disposent de classes passerelles.
•     Contrairement aux écoles primaires, il y a très peu d’écoles secondaires avec un grand
      nombre de Roma.
•     Dans l’enseignement secondaire, on les retrouve dans des orientations techniques et
      surtout professionnelles.

2.3 Problème n°1

Malgré le fait que la plupart des enfants entre 6 et 12 ans aillent à l’école et soient motivés, on
note que :
• Beaucoup d’écoles remarquent une scolarité irrégulière et un absentéisme pour un
   nombre important des élèves Roma (surtout à l’école primaire), ce qui creuse encore le
   retard d’apprentissage. Ceci est davantage le cas pour les Roma que pour d’autres
   allochtones dans la même situation.
• Dans l’école secondaire, beaucoup de Roma décrochent, ce qui explique la rareté des
   diplômés de l’enseignement secondaire.

3
    Code: Coordination des ONG pour les droits de l’enfant
2.4 Des seuils à traverser

2.4.1 Situation précaire de séjour

•   La plus grande partie des Roma n’a pas de titre de séjour et par conséquent pas d’aide du
    CPAS, ni de droit à travailler, ni d’allocations familiales. Ainsi beaucoup d’entre eux
    vivent dans une situation précaire (pauvreté de chances). Leur situation de logement est
    peu stable et il y a un mouvement énorme (déménagements fréquents, victimes des
    marchands de sommeil, expulsions, etc.). Leur situation financière précaire les oblige à
    développer des stratégies de survie (mendicité, vente de fleurs, débrouillardise, …) dans
    lesquelles les jeunes aident les parents à gagner un peu d’argent. A cela s’ajoute encore
    des problèmes de santé, à cause d’un logement insalubre, de l’insécurité alimentaire, etc.
•   Le problème du paiement du loyer est considérée par les Roms comme premier seuil
    financier. Y chercher des solutions est la plus grande priorité. Envoyer les enfants à
    l’école n’est pas à l’ordre du jour.
•   S’ils vont à l’école, ils ont souvent une attitude pragmatique. Certains parents sont déjà
    très contents que leurs enfants apprennent des compétences nécessaires et directement
    utiles (langue, lire, écrire, calculer).

 Ainsi, il y a un manque de perspective envers le pays d’accueil. On est dans une logique
de survie avec des objectifs à court terme qui entrent en conflit avec les objectifs à long
terme de l’enseignement. Dans une logique de survie, l’école n’est pas une priorité.

2.4.2 Antécédents individuels

•   Les Roma qui arrivent ont généralement un bas degré de scolarisation et ainsi un retard
    d’apprentissage. Suivant le rapport du PNUD de 2002, seulement un tiers des enfants
    Roma en Europe de l’Est termine l’école primaire, 6 % l’école secondaire et 1 %
    l’enseignement supérieur. 1/3 des élèves Roma se trouve d’ailleurs dans des écoles
    spéciales (pour les Roma). En Roumanie, seulement 17% des petits enfants vont à l’école
    maternelle (> 60% de la population totale), et seulement 70% entre 7 et 10 ans (> 94
    %).
•   A cause de la pauvreté, des discriminations et du racisme qu’ils rencontrent dans leur pays
    d’origine, les Roma s’y trouvent très souvent dans des écoles ghettos. Beaucoup d’entre
    eux ont gardé une expérience négative par rapport à l’école et n’ont jamais ressenti les
    avantages de l’enseignement.
•   Beaucoup de Roma vont à l’école à un âge plus tardif que l’élève moyen. Le retard
    d’apprentissage et par conséquent la différence d’âge est démotivante pour la suite de la
    scolarité.

Pourtant :
 Plus jeune on commence, plus facile c’est de s’intégrer et de rattraper le niveau des
autres, et plus régulière sera la scolarité.
 Ceux qui sont réguliers présentent le même progrès que les autres.

2.4.3 Seuils socio-culturels

•   Les parents manquent souvent d’intérêt envers l’école, surtout quand ils viennent d’un
    milieu traditionnel et qu’ils sont analphabètes. Souvent le milieu familial n’est pas
    favorable à l’enseignement et des personnes de référence motivantes y manquent.
•   Le problème de langue rend difficile la bonne intégration à l’école. En dehors de l’école,
    la langue apprise n’est pas souvent utilisée.
•   Il y a une différence de normes et valeurs. Le bien-être collectif de la famille (culture de
    groupe) est souvent estimé plus important que les ambitions individuelles de
    l’enseignement. Certaines familles Roma préfèrent ainsi d’éduquer leurs enfants dans les
    limites de leur propre réalité et culture.
•   Lors du passage vers l’école secondaire surtout, un nombre inconnu arrête les études. A
    cet âge critique, les Roma entrent dans le monde des adultes. Les filles doivent apprendre
    à entretenir une maison avec la perspective d’un mariage avant 18 ans. Les garçons
    choisissent le chemin de leur père et apprennent comment se débrouiller pour gagner de
    l’argent.
•   Dans certains groupes de Roma, l’enseignement est associé de manière négative avec le
    monde civil. ‘Attacher une importance à l’école et y stimuler les enfants’ est méprisé dans
    certains milieux comme un comportement ‘gadjé’, ce qui peut engendrer une perte de
    reconnaissance sociale dans la communauté.

Pourtant :
 Les écoles notent une croissance de la conscience des parents de l’importance de
l’enseignement. Selon elles, l’implication et la conscience des parents sont des raisons très
importantes d’un absentéisme réduit.

3. Motivation interne - externe

•   En Belgique, on suppose qu’au fond toutes les personnes ont une motivation interne par
    rapport à l’enseignement puisque c’est dans leur propre intérêt. On part du principe que
    ‘plus longtemps les enfants apprennent, plus large sera la porte d’entrée vers la société’.
    C’est pourquoi quand la scolarité ne va pas comme il faut, on a l’idée qu’il y a d’autres
    causes à la base (pauvreté, manque d’aptitudes sociales) qui font qu’on n’arrive pas à
    réaliser ce dont on est conscient.
•   La plupart des primo-arrivants partagent la notion de l’école comme ‘porte d’entrée vers
    la nouvelle société’. Pourtant il y a des gradations. Certains ne partagent pas cette notion
    ou bien dans une moindre mesure (à voir avec les seuils socio-culturels).
•   Pour beaucoup de Roma, le plafond de ce qu’ils espèrent atteindre dans la société se
    trouve au niveau de la satisfaction des besoins de base et de survie. C’est généralement
    un vain espoir de penser que les besoins de développement personnel (et aussi la
    motivation d’envoyer les enfants régulièrement à l’école) se réveilleront spontanément
    une fois que les besoins de survie seront satisfaits. A ce moment, un levier de motivation
    externe est nécessaire, par ex. par les allocations familiales liées à une présence scolaire
    régulière (push factor) pour des enfants de parents en séjour légal. Il faut pourtant rester
    bien conscient qu’à long terme une motivation interne ne peut être développée que par
    des expériences positives avec l’école et l’effet favorable sur les enfants. Ici il est
    important de ne pas exagérer les attentes et de ne pas vouloir atteindre trop d’objectifs
    dans une génération.
•   Des personnes sans séjour légal doivent être motivées par une augmentation de l’attirance
    des écoles (pull factors), par ex. par un appui financier minimal (repas chauds,
    abonnement de transport gratuit, etc.). Ici il manque encore une technique de motivation
    externe comme moyen de pression (puisque pas d’appui du CPAS).

 Si on suppose que l’école, après la famille, est le milieu le plus important où les enfants
s’approprient des valeurs et des compétences, prévoir assez de ‘pull factors’ devient une
priorité. En augmentant l’attirance de l’école, les enfants commencent à s’y attacher et à
garder de bons souvenirs et ainsi le cercle vicieux peut être rompu. Pour ceux dont des pull-
factors ou un accompagnement ne fonctionne pas, la priorité est la création des ‘push factors’
pour qu’ils fréquentent au moins l’école.

4. La scolarité obligatoire

4.1 Scolarité obligatoire : oui ou non ?

L’attitude politique en Belgique envers la scolarité obligatoire pour des personnes sans
papiers est pour le moins ambiguë. D’un côté il y a la Communauté Flamande qui a pris une
position claire par la voix de l’ex-Ministre de l’Enseignement Vanderpoorten. Dans une
réponse à une question de l’ICEM, elle a clairement posé que la seule exception à la scolarité
obligatoire compte pour des mineurs durant 60 jours après l’inscription dans le registre de
population. Ainsi, les enfants des parents sans séjour légal doivent respecter la scolarité
obligatoire. Pourtant la Justice ne suit pas forcement cette thèse, comme c’est le cas à Anvers.

En communauté française, la prise de position par le gouvernement est encore moins claire.
L’administration de l’enseignement (Direction générale de l’Enseignement obligatoire) a
laissé savoir dans une lettre au Foyer le 26/9/2005 que concernant la scolarité obligatoire
aucune distinction relative au statut, légal ou non, n’est applicable pour tout mineur qui réside
habituellement sur le territoire belge.

Un flou sur la scolarité obligatoire pour les enfants sans statut légal a déjà fait en sorte que des
instances comme par ex. le Service Jeunesse et Famille a douté qu’obliger les familles à
envoyer les enfants à l’école soit une pratique légale.

Puisque la plupart des Roma à Bruxelles fréquente une école francophone, il est nécessaire
que le Ministre de l’Enseignement fixe et communique une position univoque envers la
scolarité obligatoire pour les personnes sans statut légal, par laquelle les actions suivantes
auront une base légale.

4.2 Paradoxe

Clarté sur la scolarité obligatoire rend plus visible un paradoxe. D’un côté l’Etat belge oblige
les enfants des parents sans titre de séjour à suivre des cours, de l’autre côté ceux-ci restent
sans aucun appui de l’Etat (ni aide du CPAS, ni allocations familiales). Pourtant en signant la
Convention internationale des droits de l’enfant, l’Etat belge s’est engagé à tout mettre en
œuvre pour favoriser l’accès à l’école, garantir le droit à l’instruction de tous les enfants, sans
distinction, notamment de statut. La réalité actuelle met en danger la scolarisation des enfants,
ce qui est une violation des Droits de l’Enfant.

La seule alternative prévue par l’Etat est l’accueil dans un centre fédéral où ils reçoivent une
aide matérielle (adaptation de l’Art. 57§2 de la Loi organique des CPAS). La réalité montre
que ce système n’a pas de succès. Relativement très peu de familles se dirigent vers un centre
d’accueil. Les tribunaux du travail n’ont pas encore une jurisprudence univoque, ce qui
n’offre pas de sécurité juridique. D’ailleurs un recours en annulation a été introduit auprès de
la Cour d’Arbitrage.
La scolarité obligatoire pour des enfants des parents sans titre de séjour imposée de manière
‘claire’, bien contrôlée et bien suivie peut devenir un instrument de négociation pour
convaincre le CPAS de prévoir une intervention financière. Les CPAS devraient au moins être
prêts à faire disparaître le seuil financier et à intervenir dans les frais scolaires (repas,
classes vertes, transport et autres frais éventuels). A Bruxelles, peu de CPAS règlent ce genre
d’intervention.

4.3 Impact sur la société

Ne pas forcer la scolarité obligatoire a un impact négatif sur la société. Les mineurs qui
connaissent un absentéisme trop élevé ou bien qui arrêtent carrément leurs études, risquent
davantage d’être impliqués dans des milieux illégaux criminels ou de prostitution. Comme
adultes, ils auront beaucoup moins de chances sur le marché de travail et ils contribueront à
un taux de chômage plus élevé. Le coût financier et social pour l’Etat belge en est très cher.

Chaque manque d’investissement (aussi financier) pour prévenir des irrégularités dans la
scolarité des enfants porte atteinte à la qualité de l’enseignement. Le fait que des enfants de
parents sans titre de séjour sont souvent expulsés du pays a un impact démoralisant sur les
autres enfants et les professeurs qui eux-mêmes voient leur investissement de temps et
d’énergie réduit à zéro.

S’il y a possibilité d‘investir de ‘petits moyens’ pour garantir une scolarité plus élevée des
enfants, on doit tout faire pour les mettre en œuvre pour éviter de recourir aux ‘grands
moyens’ en essayant de ‘redresser’ la situation quand les enfants sont devenus des adultes.

5. Initiatives existantes à Bruxelles

•   Le Foyer coordonne un groupe de concertation structurelle en Région bruxelloise sur la
    scolarité des enfants Roms : négociations actuelles sur 2 pistes :
    1) Encadrement des familles par des médiateurs scolaires (Roma)
    2) Intervention financière pour les frais scolaire (à travers l’école)

•   Service des Gens de Voyage et des Roms du Foyer:
    - Travail de 1ière ligne : inscriptions à l’école, suivi de la scolarisation en collaboration
    avec la direction, encadrement de la famille, visites à domicile, …
    - Registration systématique de la situation de scolarisation dans le dossier des nouveaux
    familles

•   Le CPAS de Molenbeek (Cellule AMU) intervient financière, avec leurs propres moyens,
    pour la scolarité pour toutes les personnes qui bénéficient de l’AMU :
    - Les repas chauds pour enfants scolarisés
    - Excursions scolaires
    - Une aide de 30 / 50 Euro pour les enfants dans le primaire / dans le secondaire
    - Les activités sportives et culturelles (puisées dans les subsides alloués pour le sport et
       la culture)

•   Actions entreprises par les écoles-mêmes pour constituer une caisse scolaire :
    Action Coup de pouce à Molenbeek (9 écoles communales qui organisent ensemble des
    activités de collecte des fonds), Ecole Zaveldal à BXL, Ecole 1 à Schaerbeek…
•   Les écoles entreprennent différentes actions pour motiver des élèves qui manifestent un
    absentéisme : une offre pédagogique attractive, impliquer/engager les parents à l’école par
    des réunions, animations, parfois des visites à domicile, … Un accompagnement
    individuel supplémentaire ne suffit souvent pas.

•   Des initiatives où le contact personnel et concret avec l’école et le personnel a la priorité,
    ont plus de succès que de grands projets.

•   Des écoles essaient de contrôler l’absentéisme de manière stricte (Inspection  Service
    Jeunesse et Famille).

•   Par ex., l’ école d’enseignement professionnel adapté Zaveldal : accent sur l’apprentissage
    de la langue par des ateliers actifs, des habiletés sociales, un accompagnement individuel,
    en petits groupes, etc.

6. Recommandations

•   Si l’on veut tenir compte des causes structurelles qui sont à la base de la situation précaire
    des Roma, il est clair qu’une approche positive est préférable, une ‘lutte pour la
    scolarisation’ (au lieu de la lutte contre la mendicité).
•   On devra mettre plus l’accent sur la reconnaissance des efforts (ce qui permet de créer
    une motivation interne).
•   Ce contexte multi-problématique nécessite une approche intégrée, une combinaison de
    différents types de solutions et une collaboration entre différents acteurs.

6.1 Développement de la motivation interne

Objectif : garantir que l’enseignement devienne une expérience positive :

6.1.1 L’amélioration des conditions de base est un préalable

•   Les droits de base doivent être garantis, comme un logement salubre, sécurité
    alimentaire, accès aux soins de santé.
•   Le droit à l’inscription à l’école doit être garanti. Cela nécessite une politique
    d’inscription claire et contrôlée.
•   Les règles de subvention devraient être adaptées :
    o Subventions générales : Elaborer un règlement de subvention plus flexible en vue
        d’aider des écoles avec de nombreux enfants des parents sans-papiers, de garantir la
        qualité de l’enseignement et de prévenir des refus d’inscription. Aussi faut-il continuer
        à militer pour un enseignement réellement gratuit.
    o D+ : Adapter la procédure de calcul de D+ pour qu’on évite de contribuer à la
        formation des écoles de concentration.
    o Classes passerelles : Agrandir le nombre d’écoles avec des classes passerelles et
        élargir les critères des primo-arrivants dans les classes passerelles de telle sorte que
        tous les élèves qui ont besoin d’une classe passerelle y aient droit, et ceci pour la
        période nécessaire pour chacun avant de passer dans une classe régulière.
6.1.2 Une meilleure implication des parents est nécessaire

•   Une sensibilisation systématique de leurs droits et devoirs, surtout concernant
    l’importance des écoles de devoirs et des écoles maternelles, mais aussi sur le
    fonctionnement de l’école, la protection des enfants, les activités scolaires, etc.
•   Il est préférable de développer une approche intégrée de médiateurs scolaires. Cette
    approche dans laquelle des médiateurs comme des personnes de confiance suivent
    personnellement les familles des élèves s’est déjà montrée fructueuse par rapport à
    l’augmentation de la participation scolaire et la réduction de l’absentéisme. Dans des
    écoles avec un nombre important d’élèves Roma, il est préférable d’engager des
    médiateurs qui sont eux-mêmes d’origine Roma (par ex. une collaboratrice primo-
    arrivants à l’école St. Jean Baptiste à Gand).
•   Les parents doivent être impliqués de manière plus concrète dans les activités scolaires
    (par ex. jours mondiaux, cours de langue ou d’alphabétisation, …).

6.1.3 Une meilleure implication du personnel scolaire est nécessaire

•   Des formations du personnel sur la situation et la culture des Roma et sur la
    communication interculturelle auront une influence positive sur l’attitude envers les
    Roma.

6.1.4 Une pédagogie adaptée est souvent nécessaire

•   Dans l’enseignement multiculturel, une approche pédagogique diversifiée est nécessaire
    et elle doit tenir compte des besoins et capacités propres.

6.2 Techniques de motivation externe

6.2.1 ‘Pull-factors’

Avec des ‘pull-factors’ on essaie de rendre la scolarisation plus attractive et de mettre la
famille en position de demandeur.

•   Une accompagnement sociale doit être prévu avec l’assistance des médiateurs.
•   Pour garantir le droit à l’enseignement pour des personnes sans séjour légal, le seuil
    financier doit disparaître (comme c’est le cas pour d’autres enfants). Une intervention
    financière du CPAS pour des frais minimaux (repas chauds, excursions, transport, …) est
    nécessaire. Eventuellement la création d’un Fonds Bruxellois qui prend en charge de tels
    frais scolaires peut constituer une solution à court terme.
•   Un système de récompenses en collaboration avec d’autres partenaires sociaux (par ex.
    centres de distribution, abonnement transport public, …) encouragera les familles à insérer
    les enfants dans le système scolaire. Une récompense doit toujours être le résultat d’une
    négociation.
•   Le loi du CPAS nécessite d’être adapté pour que le droit à l’enseignement soit garanti
    pour chaque enfant, indépendamment de son statut, comme c’est le cas pour le droit aux
    soins de santé, garanti par l’aide médicale urgente.
6.2.2 ‘Push-factors’

Quand les ‘pull-factors’ et l’accompagnement social ne suffisent pas pour mettre les enfants à
l’école, des mesures plus restrictives seront nécessaires comme des ‘bâtons derrière la porte’.

•   Tout d’abord, les autorités politiques doivent être stimulées à prendre ét à communiquer
    une position univoque envers la scolarité obligatoire des enfants sans statut légal, mais
    aussi envers le contrôle et le suivi. La scolarité obligatoire doit pouvoir être forcée.
•   En cas de mal volonté persistante, pour ceux qui ont le droit à une aide du CPAS, il est
    favorable de lier la présence scolaire aux équivalences des allocations familiales. Des
    mesures du CPAS et du Service Jeunesse et Famille se sont déjà montrées fructueuses.
•   Pour les familles en séjour illégal on peut leur avertir qu’on fera le lien entre l’irrégularité
    scolaire (et la mendicité des enfants) et leur dossier de la demande de régularisation.
    Les avocats peuvent être sensibilisés pour mettre la pression sur leurs clients.
•   Les structures qui sont chargées du contrôle et du suivi de l’absentéisme scolaire doivent
    être renforcées.
•   D’autres mesures devraient être prises par les brigades de jeunesse, le Service Aide à la
    jeunesse (SAJ), le Service Protection Judiciaire (SPJ) et le Parquet, tout en donnant la
    priorité à une approche sociale, mais comme dernier recours utilisant les mêmes mesures
    restrictives qu’on utilise pour des enfants en séjour légal.
•   Seul un système conséquent, sans faille et harmonisé dans toutes les communes peut être
    efficace. Ceci doit se faire en collaboration avec (un réseau) d’autres partenaires sociaux :
    travailleurs de rue, écoles, PMS, centres d’intégration, …

6.3 Etablir des concertations structurelles

Si on est convaincu que l’avenir de ces enfants dépend des chances qu’ils reçoivent dans
l’enseignement, on doit plaider pour la réalisation des conditions de base pour que la loi sur
la scolarité obligatoire puisse être appliquée à tout le monde, de manière contrainte si
nécessaire. Pour obtenir des résultats effectifs dans cette lutte pour la scolarisation et dans le
suivi de l’absentéisme, on a besoin d’une concertation structurelle dans les communes
bruxelloises entre les services qui s’occupent de la scolarisation des enfants (écoles, centre
d’intégration, CPAS, Service Jeunesse et Famille, travailleurs de rue, PMS, …). A cause d’un
travail trop dispersé, les efforts actuels de ces services n’atteignent pas toujours leurs
objectifs. Si l’approche n’est pas cohérente, ceux qui ne veulent pas participer trouveront des
manières de détourner la scolarité obligatoire.

Ainsi une approche coordonnée, cohérente, conséquente et sans faille est nécessaire avec
des conventions structurelles, une répartition claire des tâches et un suivi proche. Une
approche conséquente peut avoir un effet préventif sur les autres familles par l’effet de
bouche à bouche. Pour les acteurs sociaux et les services concernés il est encourageant de
travailler en réseau et avoir une délimitation de la propre tâche.
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