La Vie économique - Die Volkswirtschaft
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Revue de politique économique La Vie économique 1-2003 76 e année CHF 14.90 Page 4 Thème du mois: La révision de la loi sur les Page 49 télécommunications: Mondialisation le «dernier kilomètre» et dialogue Page 52 La responsabilité des entreprises Page 59 La nouvelle loi sur les étrangers et sa politique d’admission 0 1 9 7 7 1 0 1 1 386001
Editorial La lutte pour le «dernier kilomètre» Depuis les années nonante, le domaine des télécommunications est partout sur la brèche. Rien n’est plus comme avant. C’est la liquidation des monopoles et l’ouverture des marchés qui ont donné l’impulsion à la branche des télécommuni- cations. La concurrence a permis au consommateur de profiter d’offres à meilleur prix et plus diversifiées; elle a également dynamisé le secteur technologique dans un élan sans pareil et, par conséquent, le volume des investissements dans la branche. En 1997, la Suisse procèdait également à une réforme fondamentale de sa régle- mentation. L’ancienne PTT était partagée en la Poste et Swisscom tandis que cette dernière se trouvait en partie privatisée. Le marché des télécommunications suisses a été libéralisé et la concurrence fit son apparition. Le bilan des cinq premières années est positif: la desserte de base et son excellente qualité traditionnelle sont garanties, les prix des services téléphoniques ont fortement baissé, le choix dans l’offre s’est élargi; de nouvelles places de travail, la plupart qualifiées, se sont en outre créées. Face à toute cette dynamique et cette concurrence, le raccordement domestique – ou «dernier kilomètre» – demeure un monopole et la propriété de Swisscom, ce qui lui procure encore aujourd’hui un avantage sur le marché. Certes, tous ses concurrents ont la possibilité d’aménager un réseau parallèle, mais ce serait absurde à la fois d’un point de vue entrepreneurial et économique. C’est pour ce «dernier kilomètre» que la lutte s’ouvre maintenant. Après que les autorités de régulation et que les plus hautes instances de recours aient chacune pris une position différente, la balle est de nouveau dans le camp du Conseil Fédéral, qui décidera de trancher ce «nœud gordien» par voie d’ordonnance ou au niveau légis- latif. Il sera également sous une double influence: sa vision économique favorable à l’ouverture du marché le poussera à l’achever; mais il faudra aussi compter sur ses solides intérêts pécuniaires puisqu’il est l’actionnaire majoritaire de Swiss- com. Ce nœud, soyons-en certain, ne sera pas facile à trancher. Oscar Zosso Ambassadeur, membre de la direction de Secrétariat d’État à l’Économie (seco), chef du centre de prestations Domaines spécialisés, Berne
Centres de congrès et hôtels séminaires L’abbaye de Fischingen Centre de formation L’atmosphère idéale pour des cours, des séminaires et des congrès: une infrastructure moderne, des chambres d’hôtes chargées d’histoire, une cuisine de qualité supérieure, une salle à manger authentique. – Une buvette est également mis à votre disposition et permet de faire connaissance en toute convivialité. Forfait pour séminaire: pension complète – L’abbaye de style baroque est un monument historique protégé avec salle de séminaire et infrastructure de par la Confédération; Impressum Fr. 86.– à Fr. 153.–. L’abbaye vous propose – Une situation de choix au centre d’une zone d’excursion et de 4 salles de séminaire pour 10 à 35 person- randonnée, un accès facile grâce aux transports publics et Publication: nes, des salles pour le travail en groupe, une des voies de communication à proximité (autoroute A1, sortie Département fédéral de l’Économie (DFE), salle de conférence de 70 places sans table. Münchwilen; gare CFF de Wil SG puis bus direct vers le cloître); Secrétariat d’État à l’économie (seco) Bildungshaus Kloster Fischingen – Un monastère exceptionnel en Thurgovie animé par une com- Postfach, 8376 Fischingen munauté de bénédictins; possibilité de participer à la prière Comité de rédaction: Tél.: (071) 978 72 20 Fax: (071) 978 72 15 des moines; Aymo Brunetti (président du comité), iddazell@bluewin.ch, www.klosterfischingen.ch – Visites guidées et requêtes particulières examinées sur demande. Rita Baldegger, Christian Maillard, Eric Scheidegger, Geli Spescha, Markus Tanner, Robin Tickle, Boris Zürcher Rédaction Effingerstrasse 1, 3003 Berne Téléphone 031/322 29 39/18 Fax 031/322 27 40 E-Mail: kaethi.gfeller@seco.admin.ch Damit Ihre Kongresse, Schulungen, Direction générale: Markus Tanner Rédacteur en chef: Geli Spescha Tagungen ein Erfolg werden! Rédaction: Urs Birchmeier, 32 geschmackvoll eingerichtete Zimmer. Hallenbad mit Sauna und Solarium. Rendez-vous au château Simon Dällenbach, Käthi Gfeller, Christian Maillard, René Sintucci Gruppenräume nach Absprache. Pour un travail créatif et détendu dans une atmos- phère stimulante à seulement 15 minutes de Berne. La teneur des articles reflète l’opinion Hotel Säntis, 9657 Unterwasser HOTEL SCHLOSS HÜNIGEN, KONOLFINGEN de leurs auteurs et ne correspond pas Telefon 071 988 50 20 Seminar-, Bankett- und Ferienhotel nécessairement à celle de la Rédaction. saentis@beutler-hotels.ch, www.beutler-hotels.ch Tél. 031 791 26 11, Internet: www.schlosshuenigen.com Reproduction autorisée avec l’accord de la Rédaction, avec indication de la source; remise de justificatifs souhaitée. Edition, Production Resorthotel Zollikofer AG, Fürstenlandstrasse 122, 9001 St-Gall, Téléphone 071/272 77 77, Fax 071/272 75 86 www.zollikofer.ch Mogelsberg Annonces Zollikofer AG, Alfred Hähni, Téléphone 01/788 25 78, Fax 01/788 25 79, Seminarzeit & Freizeit E-Mail: dievolkswirtschaft@zollikofer.ch Abonnements/Service aux lecteurs Zollikofer AG, Lena Yesilmen, Téléphone CH-9122 Mogelsberg / St.Gallen 071/272 74 01, Fax 071/272 75 86, Tel: +41 (0)71 374 21 21 Fax: +41 (0)71 374 12 92 E-Mail: dievolkswirtschaftabo@zollikofer.ch e-mail: info@resorthotel.ch http://www.resorthotel.ch Couverture Fix & Flex GmbH, Horgen Prix de l’abonnement Suisse Fr. 149.–, Étranger Fr. 169.– Étudiants Fr. 69.– Vente au numéro Fr. 14.90 (TVA comprise) Parution mensuelle en français et en alle- mand (en allemand: Die Volkswirtschaft), 76e année, avec suppléments de la Commis- sion pour les questions conjoncturelles et de la Banque nationale suisse. ISSN 1011-386X
Sommaire Thème du mois 4 La révision de la loi sur les télécommunications: objectifs et instruments Matthias Ramsauer et René Dönni 9 Le dégroupage du «dernier kilomètre» et le développement de la société de l’information Peter Ehrsam et Christoph Kummer 4 La Suisse a-t-elle besoin de dégrouper son 14 Entretien avec Adrian Bult, CEO de Swisscom Fixnet AG «dernier kilomètre»? Depuis un certain temps, 17 La concurrence sur le «dernier kilomètre» offre de gros avantages à la Suisse la lutte qui s’est engagée sur la question est vive Kim Frimer dans la branche des télécommunications. Tandis que Swisscom, en tant qu’ancien détenteur du 20 Il faut absolument adapter la LTC à l’évolution du marché monopole, voit dans le dégroupage une atteinte Peter Trinkl à ses droits de propriété et désirerait en rester à la réglementation actuelle, les nouveaux fournis- 26 L’absence de libéralisation handicape les investissements et les innovations seurs en télécommunication déplorent les impor- Peter Schöpfer tants dommages que provoque le manque de con- 28 Le dégroupage anime le marché et crée des emplois ... même en Suisse currence sur le dernier kilomètre pour l’économie Peter Schmid de notre pays. 30 Une analyse politologique de la réforme des télécommunications en Suisse Pascal Sciarini, Sarah Nicolet et Alex Fischer Points de vue politico-économiques 34 Pour l’ouverture du «dernier kilomètre» – contre de nouvelles réglementations spécifiques au secteur René Buholzer 35 Encourager la concurrence n’est pas un but en soi Rolf Zimmermann 49 Un débat politique polarisé accompagne aujourd’hui jusqu’à des affrontements ouver- 36 La libéralisation du marché dans les réseaux de télécommunication menace d’échouer tement violents, les forums internationaux sur Hanspeter Lingg la mondialisation. La fondation «In the Spirit of Davos» a été fondée par la Confédération, 37 Dégrouper le «dernier kilomètre» n’est pas une solution pour le réseau de télévision câblé le canton des Grisons et la région de Davos dans Claudia Bolla-Vincenz la perspective du WEF de janvier 2003. La fon- dation prend fait et cause pour un dialogue Économie suisse ouvert et constructif entre pro et anti-mondia- lisation. 38 Agenda de politique économique 43 Les finances fédérales: une évaluation de la situation budgétaire Andreas Pfammatter 45 Estimations trimestrielles du PIB 3/2002: légère croissance de l’économie suisse Bettina Muller et Sabine Noormamode International 52 La responsabilité d’entreprise désigne celle 49 Mondialisation: le dialogue s’impose que leurs activités implique envers l’État, la Carol Franklin Engler société et l’environnement. Une multitude 52 La responsabilité des enterprises: ébauches et perspectives d’instruments ont été développés dans ce Ivo Kaufmann et Thomas Stauffer domaine ces dernières années. Dans les États de l’OCDE, le défi est d’un autre niveau que dans 56 L’accord de libre-échange avec Singapour: l’AELE élargit sa politique ceux où le développement est moindre et où la Christian Etter priorité va au respect des normes minimales. Travail, formation et recherche 58 Le conseil de lecture en politique économique: Paul Krugman, The Return of Depression Economics Jean-Christian Lambelet 59 La nouvelle loi sur les étrangers et sa politique d’admission d’un point de vue économique Bernhard A. Weber Présentation de services fédéraux 64 L’Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d’argent 59 La politique d’admission de la nouvelle loi sur les étrangers obéit en premier lieu aux Données économiques actuelles fluctuations du marché du travail. L’analyse démontre qu’un afflux illimité de main-d’œuvre 67 Sélection de tableaux statistiques non qualifiée alors que la demande en Suisse va, au contraire, vers plus de qualification, est un réel problème. Le danger d’un manque de Thème du mois du prochain numéro: La nouvelle politique régionale main-d’œuvre n’est pas plus étayé à long terme.
Thème du mois La révision de la loi sur les télécommunications: objectifs et instruments Jusqu’à ce jour, la libéralisation du marché des télécommunica- tions est l’exemple même de la le 29 mars 2002, toutes les conversations télé- réussite. L’avènement de la con- Un marché des télécommunications phoniques locales transitent automatiquement en expansion currence a intensifié la lutte pour par l’opérateur sélectionné. Swisscom estime La libéralisation du secteur des télécom- que, suite à ce changement, sa part de marché la compétitivité dans maints munications a dynamisé le marché suisse: pour les communications locales s’est ajustée secteurs, ce qui a permis de for- alors que les prix baissaient, son volume est à celle qu’il détient pour les communications passé de 6,6 milliards d’euros en 1999 à quel- interurbaines (Swisscom, 2002). Par contre, le tement diversifier l’offre et de que 8,6 milliards d’euros en 2002 (Institut secteur des raccordements n’a pas été touché diminuer les prix. Maintenant WIK, 2002). Selon l’indice OFS des prix à la par ces baisses, puisqu’il reste l’apanage de consommation, les tarifs des services de télé- Swisscom. que l’euphorie initiale est passée, communication ont en effet chuté d’environ Dans les premiers temps qui ont suivi la il apparaît que les instruments 30% au total en 1999 et en 2000; à noter toute- libéralisation, le marché a rapidement vu arri- fois qu’ils n’ont guère évolué depuis le prin- ver des entreprises spécialisées dans la revente employés pour libéraliser le temps 2000 (voir graphique 1). Les répercus- de services de télécommunication; il s’agissait marché présentent des lacunes sions sur le marché de l’emploi sont également de fournisseurs soumis à l’obligation d’an- positives dans l’ensemble, puisque le nombre noncer qui n’exploitent pas leurs propres ins- structurelles et que leur portée de postes de travail est passé de 22 871 en 1998 tallations. Depuis 2000, le nombre de ces so- est limitée. Afin d’assurer une à 24 772 fin 2001 (Ofcom, 2001). Certaines ciétés à faible valeur ajoutée propre s’est entreprises comme Swisscom ont cependant stabilisé aux environs de 140-150. Quant aux concurrence durable, le Conseil procédé à d’importantes réductions de per- fournisseurs soumis à l’obligation d’obtenir Fédéral se tourne donc vers des sonnel. une concession et possédant une certaine in- frastructure (p.ex. centres de commutation) instruments plus sophistiqués, Les conséquences de la libéralisation ainsi qu’une valeur ajoutée propre, ils étaient comme le dégroupage du réseau du marché en matière de réseau fixe 132 au milieu de l’année 2002. Contraire- En ce qui concerne les services, une situa- ment au nombre d’entreprises de revente, ce- de raccordement, la fourniture de tion de concurrence s’est rapidement installée lui des sociétés soumises à concession n’a pas lignes louées à des prix alignés dans le secteur de la téléphonie fixe à bande cessé de croître, même après 2000 (voir gra- étroite. Conformément à une étude réalisée phique 2). sur les coûts ou la réglementa- pour le compte de l’Ofcom (Institut WIK, tion ex ante en cas de position 2002), Swisscom détenait encore, deux ans Moins de concurrence après la libéralisation, 84% de part de marché en matière d’infrastructure dominante au sens du droit de pour les communications locales, 66% pour Si l’on analyse la structure actuelle du mar- la concurrence. les communications interurbaines et 47% ché dans le secteur du réseau fixe, on constate pour les communications internationales. La qu’hormis Swisscom, un seul autre grand diminution de ces parts de marché – par rap- fournisseur y exploite sa propre infrastructure port au 100% que possédait Swisscom avant téléphonique. A relever que des services de 1998 – découle de l’introduction en 1998 du télécommunication sont également proposés libre choix du fournisseur («carrier selection») par un opérateur de moyenne importance et des diverses opportunités commerciales sans infrastructure propre bien développée et qui en résultent. Enfin, grâce au nouveau par quelques fournisseurs plus modestes dis- plan suisse de numérotation, valable depuis posant ou non d’éléments d’infrastructure. Il existe également un gros fournisseur de servi- ces internet, qui utilise son propre réseau câblé de télévision. Cette évolution montre que l’euphorie qui prévalait au début – notam- ment en raison des gains qui pouvaient être obtenus grâce aux prix encore élevés des servi- ces de téléphonie à faible valeur ajoutée propre Matthias Ramsauer René Dönni – a cédé le pas à un modèle commercial dura- Chef suppléant de la Chef du secteur Ecostat, ble, qui accorde une place significative surtout division Services de Télé- Office fédéral de la communication, Office Communication (Ofcom), à la production propre et à la revente de servi- fédéral de la Communi- Bienne ces. Ainsi, des relations éphémères, telles que cation (Ofcom), Bienne celles nouées avec les clients qui optent pour le 4 La Vie économique Revue de politique économique 1-2003
Thème du mois Graphique 1 libre choix du fournisseur appel par appel Indice OFS des prix à la consommation des services de télécommunication, 1994-2002 («carrier selection call by call»), ont perdu en (téléphonie fixe, téléphonie mobile et accès à l’internet, janvier 1994 = indice 100) importance dernièrement, au profit de rela- tions durables comme celles que les fournis- 120 seurs sans réseau propre de raccordement ont créées grâce à la présélection du fournisseur 100 («carrier preselection»; Ofcom, 2001). 80 Un goulot d’étranglement monopolistique sur le réseau de raccordement Si un fournisseur veut offrir ses propres ser- 60 vices de télécommunication,il doit être en me- sure d’exploiter de manière indépendante des 40 éléments de réseau qui lui appartiennent. Plus il se rapproche de ses clients finaux,plus la part 20 de valeur ajoutée à laquelle il peut prétendre s’accroît. Dans le domaine de la téléphonie filaire à bande étroite, il est par exemple indé- 0 niable que Swisscom SA dispose d’avantages considérables par rapport à ses concurrents, 4 94 5 95 6 96 7 97 8 98 9 99 0 00 1 01 2 02 .9 .9 .9 .9 .9 .9 .0 .0 .0 et et et et et et et et et nv nv nv nv nv nv nv nv nv ill ill ill ill ill ill ill ill ill avec le réseau téléphonique national qu’elle Ja Ja Ja Ja Ja Ja Ja Ja Ja Ju Ju Ju Ju Ju Ju Ju Ju Ju Source: OFS, Ofcom / La Vie économique a mis en place à l’époque de son monopole. Ainsi, l’opérateur historique continue d’ex- Graphique 2 ploiter, aujourd’hui encore, la quasi-totalité Nombre de concessions délivrées depuis 1998 aux fournisseurs des raccordements, avec une part de marché de services de télécommunication en Suisse, 1998-2002 de 99,9% dans le secteur de la clientèle com- merciale et de 100% dans celui de la clientèle Services réseaux fixes, annonce obligatoire Services réseaux fixes, concession obligatoire privée. En raison des économies d’échelle et 180 de la suprématie exercées par Swisscom, les entreprises nouvellement arrivées sur le mar- 160 ché de la téléphonie fixe n’ont aucun intérêt à 140 construire un réseau filaire parallèle incluant de nombreux raccordements. Dans ce secteur, 120 on se trouve donc en présence d’un véritable 100 goulot d’étranglement monopolistique («bott- leneck»). Il n’est ainsi pas surprenant que, 80 depuis la libéralisation, la part du chiffre d’af- faires réalisée par Swisscom SA avec les raccor- 60 dements ait sensiblement augmenté (26% en 40 1998, contre environ 50% en 2001) par rap- port aux recettes globales obtenues avec les 20 services de téléphonie vocale, accentuant en- 0 core la prépondérance de l’exploitation du Mars 98 Sept. 98 Mars 99 Sept. 99 Mars 00 Sept. 00 Mars 01 Sept. 01 Mars 02 réseau de raccordement sur l’établissement Source: Ofcom / La Vie économique de communications (Institut WIK, 2002). Les autres possibilités de raccordement théoriquement disponibles, telles que la boucle locale sans fil (WLL), l’utilisation du câble électrique à des fins de télécommunication (PLC), les services par satellite ou le remplace- ment des réseaux fixes par des réseaux de télé- phonie mobile (GSM 1, UMTS 2) fournissant des prestations équivalentes, n’ont pas (en- core) réussi à s’implanter ou se sont révélées irréalistes. En réalité, les réseaux câblés de télé- vision constituent la seule véritable alternative au réseau de raccordement de Swisscom dans le domaine des services à large bande (Ofcom, 2002). Mais puisqu’il n’existe pas encore d’of- fres de téléphonie par le câble de télévision, 1 Global System for Mobile Communications. cette possibilité de substitution est également 2 Universal Mobile Telephone System. écartée. 5 La Vie économique Revue de politique économique 1-2003
Thème du mois effectuent leurs communications auprès d’un autre fournisseur. Par ailleurs, le contrôle exercé par l’opérateur historique dans ce secteur signifie que les décisions portant sur des services novateurs comme l’ADSL3 se trouvent aux mains de Swisscom, ce qui em- pêche toute concurrence de s’instaurer. Un consensus international Il convient donc d’ouvrir le secteur du rac- cordement compte tenu de la présence d’un opérateur qui domine le marché et y provoque un goulot d’étranglement monopolistique. Pour y parvenir, la possibilité de recourir au dégroupage des lignes de raccordement est de plus en plus souvent invoquée lors des discus- sions menées au niveau international. Ainsi, l’introduction de cet instrument est recom- mandée par des organisations économiques telles que l’OCDE et la Banque Mondiale. Les États-Unis ont institué le dégroupage dès 1996 et cette pratique est obligatoire depuis le 1er janvier 2001 au sein de l’UE. Dans le cadre Photo: Ascom Depuis la libéralisation du marché des télé- de la réglementation en vigueur aux États- communications, le volume du marché a Unis, le dégroupage fait l’objet d’un examen augmenté d’environ 2 à 8,6 milliards d’euros. tous les trois ans. C’est l’occasion de déter- Dans le même temps, les prix ont baissé Le secteur de la téléphonie mobile d’environ 30%. En dépit de ce succès, des miner comment la réglementation peut tenir lacunes dans les instruments permettant Quant au secteur de la téléphonie mobile, compte au mieux des questions d’innovations la libéralisation du marché apparaissent il évolue tout différemment. En effet, la mise et d’investissements auxquelles sont confron- maintenant clairement. en place de plusieurs réseaux parallèles – une tées les entreprises dominant le marché. De pratique courante au niveau international – plus, la «Federal Communications Commis- a jusqu’ici pu être financée. Parmi les trois sion» (FCC) intégrera prochainement dans opérateurs exploitant en Suisse leur propre ses études de marché d’autres technologies réseau GSM, Swisscom détenait, en juin d’accès aux raccordements à large bande (mo- 2002, une part de marché relativement élevée dem câble, services par satellite, etc.). Il est en d’environ 62,7% par rapport à celle de TDC outre question de renoncer à la réglementa- (18,8%) et d’Orange (17,8%) (Ofcom, 2002). tion unilatérale imposée aux exploitants de ré- La grande avance de Swisscom sur ses deux seaux de téléphonie et de soumettre à l’obliga- concurrents, quand on la compare avec la si- tion de dégroupage également les exploitants tuation internationale, découle notamment de réseaux câblés de télévision, pour autant de l’ouverture plutôt tardive du marché et du qu’ils offrent des services de télécommunica- fait que l’opérateur disposait déjà d’un réseau tion. Neutre du point de vue technologique, lors du remaniement du marché de la télépho- une telle réglementation correspond aux dis- nie mobile (ce qu’on appelle le «first mover positions discutées en Suisse. advantage»). Le dégroupage du réseau de raccordement s’inscrit dans l’évolution précitée du marché, qui s’oriente vers la fourniture de services de Le dégroupage: un instrument télécommunication dans un environnement de libéralisation du marché local concurrentiel à forte valeur ajoutée. Il impli- Étant donné que le réseau de raccordement que que le fournisseur dominant le marché a constitue un goulot d’étranglement monopo- l’obligation d’autoriser ses concurrents à uti- listique dans le domaine des télécommunica- liser son réseau de raccordement à des prix tions, son contrôle est devenu une question orientés selon les coûts. Pour les investisse- capitale pour les acteurs du marché. En effet, ments consentis et les risques encourus, l’opé- quiconque dispose du libre accès aux lignes de rateur dominant reçoit une compensation raccordement peut offrir aux usagers finaux sous la forme de tarifs calculés en fonction des une palette entière de services de télécom- coûts pour les lignes dégroupées et d’une ré- munication et construire ainsi des relations munération du capital conforme aux usages durables avec sa clientèle. A titre d’exemple, en vigueur dans la branche. Enfin, le dégrou- la facture du raccordement téléphonique est page doit permettre aux consommateurs de 3 Asymmetrical Digital Subscriber Line; il s’agit d’un actuellement établie dans une majorité écra- choisir librement leur fournisseur pour tou- nouveau type de technologie à large bande. sante des cas par Swisscom, même si les clients tes les prestations qu’ils souhaitent obtenir 6 La Vie économique Revue de politique économique 1-2003
Thème du mois (y compris le raccordement). Les opérateurs de dégroupage, une grande partie des in- ne possédant pas leur propre réseau de raccor- vestissements supplémentaires réalisés dans dement ont ainsi également la possibilité d’of- le secteur des télécommunications sont con- frir un éventail complet de prestations à leur sentis par les fournisseurs qui ne disposaient clientèle. jusqu’alors pas d’un réseau propre; suivant Si l’on considère le dégroupage comme un l’étendue du dégroupage, ils doivent en effet instrument de libéralisation du marché des non seulement installer de nouveaux appareils communications locales profitant non seule- dans les centrales de raccordement existantes, ment à la téléphonie traditionnelle à bande mais aussi dédommager l’exploitant des cen- étroite, mais aussi aux nouveaux services à trales pour la co-utilisation de ces dernières et large bande, il peut également, selon l’OCDE, pour les lignes utilisées. encourager le développement de la société de l’information. D’après des sondages récents, il Les mesures proposées existe en Suisse un énorme potentiel de de- et leur application mande en raccordements à large bande, que ce soit auprès des ménages privés ou des PME Outre les trois formes de dégroupage, il (Ofcom, 2002). A l’heure actuelle, seuls 10% existe d’autres instruments permettant de dé- des ménages disposent d’un raccordement à bloquer la situation dans le domaine des rac- large bande. Par ailleurs, force est de constater cordements: soumettre les lignes louées au que l’utilisation des technologies de l’infor- régime de l’interconnexion (prix des lignes mation et de la communication, notamment louées alignés sur les coûts en cas de position par les PME, n’a pas encore déployé tous ses dominante sur le marché) et réglementation effets en matière d’innovation et d’accroisse- ex ante des marchés sur lesquels un opérateur ment de la valeur ajoutée. En effet, on observe occupe une position dominante. Du 15 juillet encore certaines lacunes dans la transmission au 15 octobre 2002, le Conseil Fédéral a mené du savoir et la sensibilisation aux nouvelles une consultation portant sur diverses révi- technologies.Outre des mesures d’encourage- sions du droit des télécommunications et pro- ment à la concurrence comme le dégroupage, posant notamment l’introduction de ces me- des efforts doivent donc être consentis dans le sures (voir à ce sujet «La Vie économique» domaine de la formation ainsi que dans celui 11-2002, p. 26s.). de la diffusion des connaissances et de l’expé- rience acquise. Les résultats de la consultation Un premier dépouillement des prises de Un service universel garanti position reçues laisse entrevoir qu’une nette sur tout le territoire majorité des participants à la consultation Lors de l’ouverture du marché suisse des considère qu’il est nécessaire d’introduire la télécommunications, la garantie d’un service concurrence dans le domaine du réseau de universel couvrant l’ensemble du territoire a raccordement. En revanche, l’application des constitué un élément de poids. En principe, le mesures proposées soulève la controverse. dégroupage du réseau de raccordement n’en- Alors que l’élaboration d’une base légale for- traîne aucune répercussion sur le service uni- melle dans la loi sur les télécommunications versel, dont la fourniture est réglementée par (LTC) pour introduire une réglementation ex une concession spécifique. Le Conseil Fédéral ante est incontestée,les avis divergent quant au en adapte régulièrement le contenu à l’évo- dégroupage et aux lignes louées. lution technique ainsi qu’aux besoins de la société et de l’économie. Quant à son finance- La position du Conseil Fédéral ment, il est assuré grâce aux contributions Dans le projet soumis à consultation, le versées par l’ensemble des fournisseurs. Conseil Fédéral estime que l’article 11 de la loi Les détracteurs du dégroupage craignent sur les télécommunications (LTC) constitue que son introduction ne décourage les opéra- une base légale suffisante pour soumettre les teurs à investir dans l’entretien et l’aména- trois formes de dégroupage et les lignes louées gement des réseaux de télécommunication. au régime de l’interconnexion, moyennant Les expériences réalisées au sein des pays de une révision de l’ordonnance sur les services l’OCDE et de l’UE prouvent cependant que ces de télécommunication (OST). L’application craintes sont infondées. Bien au contraire, la par voie d’ordonnance permet surtout de pression à la concurrence conduit souvent les gagner du temps. En effet, une solution ra- opérateurs historiques disposant d’un réseau pide s’impose en raison des changements in- national à redoubler d’efforts pour maintenir cessants observés dans la branche des télé- une offre de qualité en tous points du pays, communications (la répartition des parts du précisément dans le domaine prometteur des marché des services à large bande a lieu ac- services ADSL, et à profiter ainsi pleinement tuellement), des défaillances de la concurrence de leur «first mover advantage». En situation dans le domaine des infrastructures,des signes 7 La Vie économique Revue de politique économique 1-2003
Thème du mois Photo: Keystone Le dégroupage pourrait en particulier avoir des effets positifs sur l’offre de services à large bande. Les enquêtes actuelles prouvent l’existence d’un grand potentiel de demande alarmants donnés par le marché suisse (fu- Encadré 1 pour de tels services. En illustration: téléphone sions, sursis concordataires, retraits) et de Bibliographie avec accès à Internet au Zürcher Schiffbau. l’importance que revêtent les télécommunica- tions pour l’économie de notre pays. À relever – Ofcom, Statistique officielle des télécommunications que, sur la base d’avis de droit internes et de di- 2001: Collecte de données réalisée auprès des four- verses publications dans la doctrine, le Conseil nisseurs de services de télécommunication. Résultats définitifs pour les réseaux mobiles GSM et estimations Fédéral tient compte de l’argument selon le- pour les autres variables observées. (www.ofcom.ch, quel le Tribunal Fédéral risque, dans le cadre rubrique: Services de télécommunication, Principes d’un contrôle des dispositions en vigueur, de et consultations). qualifier d’insuffisante la base légale actuelle. – Ofcom, Technologies à large bande: point sur la situation en Suisse, 2002 (www.ofcom.ch, rubrique: De différents côtés, on a objecté que des dé- Informations pour les médias, Communiqués de cisions qui entraînent des conséquences d’une presse). telle portée pour la Suisse (notamment pour – Ofcom, Statistiques des télécommunications: Évolu- tion jusqu’au 30 juin 2002 pour certains indicateurs les régions périphériques, les milieux écono- «Recueil de sources diverses» (www.ofcom.ch, rubri- miques, Swisscom) devraient être prises par que: Services de télécommunication, Principes et le législateur et non par un Conseil Fédéral consultations, Service de la statistique sur les télé- sans participation du souverain. De surcroît, communications). – Ofcom, Utilisation de l’internet en Suisse: Bref exa- Swisscom a déjà annoncé, à titre préventif, men du marché et tour d’horizon des principaux son- qu’il déposerait un recours de droit adminis- dages d’opinions réalisés en 2001-2002. tratif si le dégroupage était introduit par une – Swisscom, Rapport intermédiaire, 3e trimestre 2002, modification de l’OST. disponible en allemand (www.swisscom.com/mr/ pdf/report03_02-de.pdf) et en anglais. Communi- En février 2003 vraisemblablement, après qué de presse en français sur www.swisscom.ch/ir/ avoir analysé les diverses prises de position, le pdf/2002_Medienmitteilung_Q_3f.pdf. Conseil Fédéral décidera des étapes de la libé- – Institut WIK, Situation du marché suisse des télécom- ralisation du dernier kilomètre et de la rapidité munications en comparaison internationale, Bad Honnef, 2002 (www.ofcom.ch, rubrique: Services du processus d’ouverture. Les modifications de télécommunication, Analyses de marché). des ordonnances d’exécution entreraient en vigueur au printemps 2003, alors que celles apportées à la LTC ne prendraient pas effet avant la seconde moitié de l’année 2004. 8 La Vie économique Revue de politique économique 1-2003
Thème du mois Le dégroupage du «dernier kilomètre» et le développement de la société de l’information Le dégroupage du dernier kilomè- tre est hautement controversé dans les milieux de la télécom- munication. Le Tribunal Fédéral estimant qu’aucune base légale n’existe pour le dégroupage, on tente désormais de l’introduire en Suisse, au moyen d’une révi- sion de la loi sur les télécommu- nications (LTC). Les partisans du dégroupage estiment nécessaire cet instrument supplémentaire de régulation, arguant que la libéralisation jusque là con- cluante, en particulier la concur- rence sur le marché de la techno- logie à large bande, pourrait s’en Swisscom doit déjà offrir ses infrastructures à des conditions réglementées aux fournisseurs de services de trouver compromise. Pour les télécommunications. En illustration: la centrale téléphonique de Swisscom à Wabern, Berne. Photo: Swisscom adversaires du dégroupage, en revanche, aucune raison ne justi- d’interconnexion, selon laquelle Swisscom Le marché suisse de la fie une intervention sur le mar- doit proposer son infrastructure aux autres télécommunication fournisseurs de services de télécommunica- ché de la large bande, celui-ci se Le marché suisse de la télécommunication tion à des conditions réglementées. Cette ré- distinguant par une concurrence a été entièrement libéralisé le 1er janvier 1998. glementation leur permet dès lors de pénétrer La LTC en vigueur a pour but d’assurer aux le marché de la télécommunication sans avoir en termes d’infrastructures et un particuliers et aux milieux économiques des à réaliser d’importants investissements. Au développement extrêmement services de télécommunication variés, avanta- final, ce sont les consommateurs qui en profi- geux, de qualité et concurrentiels, dans tout le tent, puisqu’ils ont le choix entre différents dynamique. Selon des études au- pays (art. 1 LTC, but). Ces objectifs doivent, opérateurs. tant théoriques qu’empiriques, en premier lieu, être atteints au travers d’une La garantie du service universel dans tout le concurrence efficace. Dans les secteurs où la pays est essentielle du point de vue politique. la réglementation proposée concurrence ne fonctionne pas ou ne peut Le Conseil Fédéral peut déterminer l’offre jouera de manière négative sur fonctionner, l’État tente de pallier cette défail- minimale en services de télécommunication lance du marché par des instruments de régu- qui doit être proposée partout en Suisse. C’est l’investissement et pourrait lation. L’exemple le plus connu est l’obligation également dans le cadre du service public qu’il même nuire au développement de détermine les prix plafond de ces services. Ainsi, Swisscom, qui fournit ce service public, la société de l’information. n’a aucune marge de manœuvre quant à la détermination des taxes mensuelles de raccor- dement téléphonique. La libéralisation: un bilan positif Peter Ehrsam Christoph Kummer Économiste MSC, Regulatory and Economic Le bilan de l’ouverture du marché inter- Regulatory and Economic Affairs, Swisscom Fixnet Affairs, Swisscom SA, Berne venue il y a cinq ans et des conditions-cadres Fixnet SA, Berne qui, depuis, l’accompagnent doit être dressé en tenant compte des objectifs fixés dans 9 La Vie économique Revue de politique économique 1-2003
Thème du mois Indépendamment de savoir s’il faut ré- soudre les problèmes actuels ou s’il faut parer à de prétendus problèmes futurs, le législateur doit justifier ce besoin de régulation, cette der- nière constituant, au sein de notre système économique, une exception dont la motiva- tion doit être établie (voir encadré 1). La Tableau 1 question centrale est donc de savoir si le mar- Principales évolutions des prix depuis l’ouverture du marché le 1.1.1998 ché de la large bande présente ou présentera Téléphonie nationale (clientèle privée) Ô 17–22% (selon la source) une défaillance. Aujourd’hui, outre le réseau Téléphonie nationale (clientèle commerciale) Ô 24% de Swisscom, ce sont surtout les réseaux câblés Téléphonie internationale Ô 70% de télévision, de plus en plus sophistiqués, qui Téléphonie mobile Ô 20% jouent un rôle primordial dans le domaine de Internet Ô 45% l’accès aux services Internet à large bande. Ac- Source: Ofcom, OCDE / La Vie économique tuellement, ce sont les exploitants de réseaux câblés, et non Swisscom, qui dominent ce marché des accès à large bande avec près de Encadré 1 60% de part de marché en volume; avec l’article relatif au but de la LTC. Le critère le 1,8 million de raccordements2, tous compa- Détermination des besoins en plus répandu pour mesurer la réalisation des tibles avec Internet, ces exploitants disposent matière de régulation objectifs est l’évolution des prix. Cette der- d’une excellente base pour élargir davantage Il y a besoin en matière de régulation nière est particulièrement éloquente: depuis la leur portefeuille clients. Le graphique 1 lorsque les objectifs définis par le législateur libéralisation, la population et les milieux éco- montre la diffusion des accès à large bande pour un secteur économique déterminé ne nomiques ont pu profiter de baisses de prix depuis l’introduction de cette technologie sur sont pas atteints ou risquent, à terme, de ne pas être atteints. Il peut s’agir d’objectifs de considérables dans le secteur de la télécom- le marché suisse. répartition (service universel dans tout le munication (voir tableau 1). En raison d’une couverture élevée par les pays, à des prix homogènes, par ex.) ou Cette réjouissante évolution des prix réseaux câblés de télévision et de la concur- d’objectifs d’efficacité (services à prix avan- s’accompagne d’une offre de services très rence entre les différentes technologies,il existe tageux et d’excellente qualité, par ex.). L’obligation de dégroupage proposée dans variée, au niveau de qualité élevé. Ainsi, dans en Suisse une concurrence efficace en termes le cadre de la consultation est motivée par une étude comparative réalisée par l’OCDE et d’infrastructures. Cette dernière s’exprime au la menace future qui plane sur l’offre de ser- portant sur l’offre en technologies de l’infor- travers de baisses de prix pour les consomma- vices à large bande avantageux et d’excel- mation et de la communication dans les pays teurs ainsi que par la transformation et le dé- lente qualité, donc sur des objectifs d’effica- cité. Dans l’industrie de réseaux, de telles de l’OCDE, la Suisse occupe le quatrième rang. veloppement constants des infrastructures de défaillances du marché sont souvent occa- Pour dresser un bilan, l’Ofcom a non seule- réseaux. Il est important de mettre l’accent sur sionnées par des goulots d’étranglement dus ment recouru aux informations publiques, ce contexte, étant donné qu’il se différencie à une situation monopolistique. Ces derniers se caractérisent comme suit: mais il a également commandé une analyse de sensiblement du cas allemand, fréquemment a) un prestataire est en mesure de répondre marché1. L’étude parvient notamment à la cité à titre de comparaison. A l’inverse de son à toute la demande du marché à des conclusion que, en ce qui concerne l’intensité homologue suisse, Deutsche Telekom est pro- coûts globaux plus faibles que si deux ou de la concurrence, la Suisse arrive en troisième priétaire de la plupart des réseaux câblés de plusieurs prestataires opéraient sur le marché (fonction de coût sous-additive) position dans une comparaison avec les pays télévision. Par conséquent, les investissements et de l’UE. Par ailleurs, nul ne conteste que le dans le développement de réseaux (câblés) b) aucune autre utilisation ne peut être faite cadre réglementaire suisse permet une con- sont faibles, ce qui se reflète dans le faible ni- des biens créés ou achetés pour la produc- currence efficace et que, dans ce contexte, les veau de compatibilité avec Internet. En tant tion (coûts dits irréversibles ou irrécupé- rables). objectifs de la LTC sont bel et bien atteints. La qu’ancienne détentrice du monopole au Da- pression concurrentielle manifeste ne permet nemark, la maison mère de Sunrise continue Le législateur doit donc apporter la preuve ni à Swisscom ni à ses concurrents de «se de posséder la majorité des réseaux câblés de de l’existence d’une défaillance du marché reposer sur leurs lauriers» après ce bilan satis- télévision. Il est évident que ces marchés s’ins- (dans le domaine de la large bande). Cette défaillance doit être palliée au moyen d’une faisant. crivent dans une autre logique en ce qui con- régulation de la concurrence appropriée. cerne les besoins en régulation. L’intervention de l’État doit se limiter à une Sur le marché de la large bande, la concur- régulation des goulots d’étranglement dus à Il n’est pas nécessaire de légiférer rence en termes d’infrastructures se traduit une situation monopolistique. Étant donné les succès jusqu’ici enregistrés, donc, même sans interventions régulatrices il n’y a aucune urgence pour le législateur de (vraisemblablement en raison même de cette créer un cadre réglementaire. La nécessité absence de régulation),par un développement d’une révision de la LTC n’est pas motivée par extrêmement dynamique qui se reflète égale- des problèmes actuels, mais par la mise en ment dans les comparaisons internationales.Il danger de la concurrence, notamment sur ce ne saurait en tous les cas être question d’un be- marché d’avenir qu’est celui de la large bande. soin urgent d’action. 1 Voir l’étude WIK, Situation du marché suisse des Par large bande,on entend,en simplifiant con- Les documents afférents à la proposition de télécommunications en comparaison internationale, sidérablement, une connexion permanente et révision de la LTC affirment qu’une accentua- www.bakom.ch., Service de télécommunication, Analyse de marché. rapide à Internet ainsi que l’utilisation des ser- tion de la régulation est impérative en raison 2 Source : www.swisscable.ch. vices qui lui sont liés. du manque de dynamisme du marché. Or, une 10 La Vie économique Revue de politique économique 1-2003
Thème du mois biais des câbles téléphoniques en cuivre classi- ques pour le «dernier kilomètre» étaient pla- cées au premier plan des préoccupations. Graphique 1 Swisscom propose à d’autres fournisseurs (de L’accès à la large bande en Suisse, fin 2000 à fin 2002 services Internet) cet accès au client final et élargit son offre en permanence, en l’adaptant aux besoins des clients4. ADSL Télévision par cable Total Pour les câbles en cuivre, la largeur de Nombre de raccordements bande est restreinte pour des raisons 600000 physiques et à cause d’interférences. Si la de- mande en largeurs de bande de plus en plus 500000 importantes augmente, et il faut s’y attendre, Swisscom devra, face à la concurrence d’autres 400000 fournisseurs d’accès Internet tels que les exploitants de réseaux câblés de télévision, 300000 remplacer les câbles en cuivre sur le dernier kilomètre par des câbles à fibres optiques per- formants. Cette transformation des réseaux 200000 d’accès entraînera des investissements de plu- sieurs milliards de francs. 100000 0 La réglementation proposée freine les Fin 2000 Fin 2001 Milieu 2002 Fin 2002 investissements (estimation) En ce qui concerne la société de l’informa- Source: Swisscable, Swisscom / La Vie économique tion, il est prouvé que l’environnement nécessaire à optimiser le développement des infrastructures passe par l’existence d’une Encadré 2 analyse et une justification détaillées des besoins concurrence efficace. Cela l’Ofcom le con- supplémentaires en matière de régulation telles firme, elle qui met l’accent sur les avantages de Bibliographie que présentées plus haut font défaut. On la concurrence au niveau des infrastructures – Laffont, J.J. et Jean Tirole, Competition déplorera encore davantage, au regard du sur le marché de la téléphonie mobile. Il n’ex- in Telecommunications, M.I.T. Press, processus décisionnel sur le plan politique, plique pas, en revanche, pourquoi cette con- Cambridge MA-London, 2000. que l’analyse d’impact d’une obligation de dé- currence ne pourrait contribuer à développer – Hausman, Jerry. A, et J. Gregory Sidak, A Consumer-Welfare Approach to the groupage n’ait été qu’en partie effectuée. Une le marché de la large bande ni pourquoi une Mandatory Unbundling of Telecommunica- telle analyse d’impact de la réglementation réglementation devrait être nécessaire. tions Networks, NBER Working Paper devrait impérativement s’appuyer sur l’état Une telle justification devrait être d’autant Series, 2000. actuel des connaissances exprimées dans des plus difficile que les études empiriques et éco- – Caillaud, B. et J. Tirole, Essential Facility Financing and Market Structure, CEPR publications économiques renommées (voir nomico-industrielles démontrent clairement Discussion Paper no. 2802. London, Centre encadré 2) et tenir compte de l’expérience pra- que l’obligation de dégroupage est une entrave for Economic Policy Research,2000. tique des autres pays. Même sur le plan formel aux investissements. Dans l’environnement – Jorde, Thomas M., Sidak, J. Gregory, et et juridique, l’absence de justification ne dynamique décrit plus haut, les investisse- David J. Teece, «Innovation, Investment, and Unbundling», Yale Journal on Regula- manque pas de surprendre, étant donné que ments ne sont pas sans risques. Dans d’autres tion, vol. 17/1, 2000, p. 1. des dispositions3 relatives à l’analyse d’impact secteurs économiques, on corrige cet environ- – Macavoy, Paul W. Macavoy et J. Gregory de la réglementation prévoient une telle mise nement plutôt dommageable pour les inves- Sidak, What is Wrong with American au point.Ces oublis pèsent d’autant plus lourd tissements, en protégeant ceux qui sont por- Telecommunications?, Yale SOM Working Paper n°OL-17, 2000. que des analyses théoriques et des expériences teurs (brevets par ex.). En revanche, avec – Robert, G. Harris et C. Jeffrey Kraft, réalisées à l’étranger révèlent que l’obligation l’obligation de dégroupage proposée pour le «Meddling Through: Regulation Local Tele- de dégroupage a de fortes répercussions sur les marché de la télécommunication, on doit phone Competition in the United States», systèmes d’incitation des entreprises, en parti- s’attendre à ce que les recettes générées par des Journal of Economic Perspectives, vol. 11, n°4 – Fall 1997, p. 93-112. culier pour la construction ou le développe- investissements performants ne se trouvent li- – Joskow, Paul L. et Nancy L. Rose, «The ment d’infrastructures. mitées. Ainsi, la probabilité de rentabiliser un effects of economic regulation», in Hand- investissement tout en libérant les moyens né- book of industrial organization, Vol II, cessaires à de futurs développements est ma- R. Schmalensee et R.D. Willig (éd.), Les investissements se chiffrent en Elsevier Science Publishers B.V., 1989. milliards 3 Voir la directive du Conseil Fédéral relative à l’analyse de l’impact Par le passé, les marchés de la télécommu- de la réglementation (www.seco-admin.ch, rubrique Politique et nication étaient l’objet d’une évolution tech- chiffres économiques, Analyses et réformes structurelles, Analyse d’impact de la réglementation). Voir également le chiffre 2455 du nique fulgurante et d’un développement guide pour l’élaboration de la législation fédérale, Office fédéral de constant de services nouveaux et innovants. la Justice, 2e éd. Berne 2002 (www.ofj.admin.ch, rubrique Méthode législative, Guide de législation). L’introduction et la poursuite du développe- 4 Les largeurs de bande courantes proposées actuellement par ment d’accès Internet à large bande par le Swisscom sont 256, 512, 1024 et 2048 Kbit/s. 11 La Vie économique Revue de politique économique 1-2003
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