Le business model du low cost - Comprendre, appliquer et contrecarrer - Michel SANTI

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Michel SANTI                              Véronique NGUYEN

Le business model du low cost
     Comprendre, appliquer et contrecarrer

                    © Groupe Eyrolles, 2012
                  ISBN : 978-2-212-55397-0
Le business model du low cost : perturbateur, original et économiquement performant

en définissant clairement ce qu’elles ne veulent pas faire (what NOT to do),
elles évitent les travers du mimétisme.
Les magasins Hard Discount ont ainsi décidé de ne pas distribuer les cinq
mille à huit mille références d’un supermarché classique et ne proposent
que mille références à leurs clients. En limitant le choix de véhicules à la
location, la société Ucar, spécialisée dans la location low cost, n’a pas à
entretenir un parc pléthorique qui, compte tenu des préférences aléatoires
des clients, ne peut pas être aussi utilisé qu’un parc restreint en diversité. La
décision des compagnies aériennes low cost de n’offrir que des liaisons
court-courriers leur permet de fonctionner avec une flotte mono-modèle
(Boeing 737 ou Airbus famille A-320), ce qui limite leur investissement
initial et réduit fortement leurs frais de maintenance et de formation.
Ces trois exemples illustrent les vertus d’un positionnement différencié et
des choix structurants que celui-ci induit. La simplification de l’assise
matérielle ainsi que la duplication d’actifs délibérément uniformes consti-
tuent des éléments fondamentaux du choix initial des low cost. Pour imiter
leur proposition de valeur, les acteurs traditionnels devraient remettre en
cause leur identité, la conception même de leur métier et le business model
qu’ils connaissent et pratiquent si bien.

Une architecture de valeur originale autorisant une réduction
radicale des coûts et une maximisation de la valeur créée
Les négociations avec les fournisseurs, les programmes d’économies, les
optimisations opérationnelles ne permettent pas de distancer durablement
les concurrents, comme nous l’avons déjà expliqué. Seule une reconfigura-
tion de la chaîne de valeur assure une réduction radicale des coûts compa-
tible avec une dégradation modérée de la valeur offerte. Pour cela, les acteurs
low cost doivent impérativement suivre les étapes successives suivantes.
                                                                                           © Groupe Eyrolles

Brûler les vaches sacrées
Imaginer une nouvelle manière d’agencer la chaîne de valeur suppose tout
d’abord de s’affranchir des modèles mentaux dominants et de leurs hypothèses

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Le low cost : un modèle gagnant-gagnant paradoxal

                    implicites. Les acteurs dans une industrie sont tellement imprégnés des
                    modes d’organisation habituels qu’ils jugent impossible de faire autre-
                    ment. Or la rupture avec les principes structurants ordinaires est le point
                    de départ de toute démarche low cost.
                    En renonçant au dogme de la traditionnelle collection bi-annuelle, « Du
                    Pareil au Même », dans le secteur du prêt-à-porter, est ainsi parvenu à créer
                    un business model original et déstabilisant. Cette chaîne de vêtements pour
                    enfants a proposé, dès 1992, un flux continu de micro-collections, qu’elle
                    conçoit et fait fabriquer. Ce système présente le double avantage de doper
                    les ventes, en relançant la fabrication des modèles qui plaisent en magasin,
                    et de réduire les invendus, qui représentent dans la profession, même après
                    écoulement par les soldes, jusqu’à 20 % de la production. « Du Pareil Au
                    Même » (DPAM) sort ainsi plus de huit cents modèles par an de ses ateliers
                    de création, chaque modèle étant proposé en six ou sept tailles et en trois à
                    cinq coloris. Le renouvellement permanent de l’offre raccourcit la durée de
                    vie du produit en magasin, qui est de l’ordre de cinq jours. La cliente ne
                    peut dès lors se permettre de tergiverser avant d’acheter le produit qui lui
                    plaît, au risque de ne pas le retrouver lors de sa prochaine visite. Elle est
                    également incitée à passer dans une des boutiques du réseau le plus souvent
                    possible, non pas pour acheter quelque chose en particulier, mais simple-
                    ment pour découvrir les nouveautés. L’effet croisé de la fréquence des visites
                    et du panier moyen, dopé par des prix, cinq à six fois inférieurs à celui des
                    grandes marques (Jacadi…), se traduit par des ventes, au mètre carré, trois à
                    cinq fois supérieures à celles des magasins des concurrents à marque.
                    DPAM assouvit le besoin de ses clientes de trouver des produits stylés, de
                    qualité et au juste prix. DPAM se refuse d’ailleurs à faire des soldes, par
                    souci de transparence sur les prix pratiqués.
                    Autre exemple, Ucar a pris ses distances par rapport aux dogmes structu-
                    rants dans le secteur de la location automobile de courte durée : une gamme
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                    de véhicules extrêmement restreinte, pas d’agences dans les aéroports, pas
                    de distribution via des agences. Certains low cost du secteur vont même
                    jusqu’à louer des véhicules d’occasion en lieu et place de véhicules neufs.

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Le business model du low cost : perturbateur, original et économiquement performant

Dans le secteur du transport aérien, une compagnie aérienne classique est
organisée pour transporter des passagers de n’importe quel point A à n’im-
porte quel point B, ce qui lui impose de passer par des aéroports centraux (les
fameux hubs) qui rayonnent en étoile sur d’autres hubs. Comme les trajets
sont longs, elle est obligée de prévoir des repas et comme elle doit gérer les
transferts d’un vol à un autre, il faut qu’elle enregistre et transfère les bagages.
À l’inverse, les compagnies aériennes low cost ont choisi un système dit
point to point se limitant volontairement à un nombre défini de trajets
directs court et moyen-courriers, généralement non desservis en direct par
les majors, majoritairement à partir d’aéroports peu encombrés, ce qui leur
permet d’optimiser le temps de vol de leurs avions et de proposer des
départs plus fréquents. La suppression des repas et l’absence de bagages à
transférer sur des trajets directs contribuent encore à diminuer le temps
d’immobilisation de leur flotte entre deux vols.

Externaliser les activités dont on n’est pas le spécialiste
Les entreprises low cost désarticulent la chaîne de valeur classique en exter-
nalisant systématiquement les activités qui ne font pas partie de leur cœur
de métier. Ce système présente le double intérêt de maximiser la producti-
vité, en ayant un spécialiste sur chaque maillon de la chaîne de valeur, et de
rendre l’organisation plus agile, en réduisant le niveau de coûts fixes.
C’est ainsi que les activités support (RH, IT ou logistique), tout comme
certaines activités jugées essentielles par les acteurs traditionnels, sont exter-
nalisées, telles que le nettoyage des chambres d’hôtels (Formule 1) ou la
livraison d’ordinateurs (FedEx pour Dell). Des attributs de valeur considérés,
jusqu’à l’apparition d’un acteur low cost, comme « essentiels » peuvent ainsi
être confiés à des spécialistes, à l’image d’easyJet qui a recours à pas moins de
six fournisseurs sur chaque vol londonien :
◗   un spécialiste au sol pour la gestion des bagages et l’enregistrement ;
                                                                                            © Groupe Eyrolles

◗   un prestataire pour la gestion des horaires de vol, de l’agenda des pilotes
    et du personnel naviguant ;
◗   un fournisseur pour les boissons et encas servis en vol ;

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Le low cost : un modèle gagnant-gagnant paradoxal

                    ◗   un sous-traitant en charge de la maintenance de la flotte et du support
                        technique ;
                    ◗   une compagnie pétrolière qui lui fournit le carburant ;
                    ◗   l’aéroport de Londres Luton pour l’équipement aéroportuaire.

                    Être innovant dans le « cœur de métier »
                    Sur les activités de la chaîne de valeur conservées, les entreprises low cost
                    ont su faire preuve d’inventivité et d’originalité. Elles ont introduit une
                    multitude de « petites » innovations incrémentales qui leur ont permis de
                    baisser massivement les coûts tout en maîtrisant l’altération de la valeur.
                    On pourrait multiplier les exemples, tant les acteurs low cost ont su régé-
                    nérer les pratiques de leur secteur :
                    ◗   les systèmes de clés électroniques ainsi que les automates de paiement et
                        de distribution de clés dans les hôtels low cost, permettant la quasi-sup-
                        pression du personnel d’accueil ;
                    ◗   la non-affectation des sièges dans le low cost aérien ;
                    ◗   l’utilisation des emballages de regroupement carton comme présentoirs
                        dans les magasins de Hard Discount alimentaire ;
                    ◗   la réduction du cycle de conception-fabrication d’un vêtement de 12-
                        18 mois à 0,5-2 mois, grâce à l’étalement de la charge de fabrication,
                        plutôt que sa concentration sur quelques mois de l’année ;
                    ◗   l’introduction du yield management par le low cost aérien ;
                    ◗   l’utilisation de l’avion comme espace publicitaire ciblé (l’immense sticker
                        « easyjet.com » qui rappelle aux clients actuels et potentiels, puisque fré-
                        quentant un aéroport, l’adresse du site de vente des billets).

                    Aligner les coûts sur une proposition de valeur épurée
                    en travaillant les couples valeur-coûts
                    On ne peut espérer abaisser la structure de coûts supportée par les acteurs
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                    historiques tout en proposant une offre identique et en la produisant de
                    manière analogue ! Si l’on aspire à être low cost, il faut procéder différem-
                    ment et réussir la gageure de repenser les couples coûts-valeurs.

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Le business model du low cost : perturbateur, original et économiquement performant

Les coûts sont en effet imputables à des attributs de la valeur d’utilité
perçue par le client (VUPC) et on peut identifier quatre types de combi-
naisons coûts-valeurs qu’il est possible de retravailler dans une optique low
cost :
◗   Couple 1 : coûts supprimables/attributs de VUPC supprimables. Cer-
    tains attributs de valeur de l’offre de référence n’apportent pas, ou pas suf-
    fisamment, de valeur perçue par rapport aux coûts qu’ils génèrent. Une
    partie non négligeable des clients peut ainsi avoir le sentiment de payer
    pour des prestations dont ils n’ont pas besoin : le téléphone dans les
    chambres d’hôtels, la décoration dans les supermarchés, les journaux dans
    les avions…, ce qui permet la suppression pure et simple de ces postes de
    coûts, lors de la simplification de l’offre proposée aux consommateurs.
    Les entreprises low cost sont donc revenues aux fondamentaux et à une
    offre que les Américains qualifient de no frill : une offre constituée uni-
    quement d’attributs nécessaires. On vient dans un hôtel pour dormir,
    dans un avion pour se déplacer, dans un supermarché pour subvenir aux
    besoins alimentaires du ménage. Chez les Hard Discounters alimen-
    taires, l’épure est immédiatement perceptible en magasin. On n’y trouve
    qu’une gamme restreinte, composée des seuls produits de commodité,
    sans possibilité de choix par article, ni PLV, ni décoration, ni promotion,
    ni animation.
◗   Couple 2 : coûts compressibles (voire supprimables)/attributs de VUPC
    réduits (voire inchangés). Des agencements intelligents ou des choix
    judicieux peuvent alléger les coûts, en affectant modérément, voire nul-
    lement, la valeur perçue. La VUPC diminue donc moins que les coûts,
    ce qui crée proportionnellement un supplément de valeur par rapport à
    l’offre de référence (la valeur créée étant égale, rappelons-le, à la diffé-
    rence entre la VUPC et les coûts). Deux mécanismes sont en jeu : l’esca-
    motage et l’effet volume.
                                                                                            © Groupe Eyrolles

    L’escamotage consiste à transférer habilement un maillon de la chaîne de
    valeur au client. Les opérations sont assumées directement par les clients,
    sans baisse substantielle de la valeur perçue. Ikea vend, par exemple, des

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Le low cost : un modèle gagnant-gagnant paradoxal

                        meubles en kit et c’est au client qu’incombe la tâche de les assembler. Les
                        meubles sont conçus pour être montés par des néophytes, qui compren-
                        dront en un coup d’œil la marche à suivre dans les gros schémas didacti-
                        ques de la notice d’utilisation. Les économies réalisées par Ikea sont
                        considérables, alors que la VUPC n’est que faiblement diminuée.
                        Un autre exemple est celui de la suppression pure et simple des points
                        de vente pour les clients de certaines compagnies aériennes ou de loca-
                        tion automobile low cost. Le seul point de contact et de commande est
                        le site Internet. Les coûts de commercialisation et de distribution sont
                        limités au développement et au maintien de l’interface informatique, ce
                        qui ne représente qu’une infime partie du coût d’un réseau physique de
                        type Avis. L’impact de ces économies sur la VUPC est négligeable, voire
                        positif, tant ces interfaces sont conviviales et permettent au client de
                        gagner du temps.
                        Le paradoxe est que client réalise une partie de la prestation qu’il achetait
                        précédemment et qu’il s’en trouve entièrement satisfait. Son impatience
                        se trouve comblée par ces dispositifs qui permettent de consommer
                        immédiatement, sans attendre la livraison ou devoir faire la queue à un
                        guichet.
                        Les acteurs low cost savent également utiliser au mieux les effets volume.
                        Certes, toutes les entreprises à coûts fixes élevés s’efforcent d’étaler leurs
                        coûts fixes sur le plus grand nombre d’unités possibles, mais les acteurs
                        low cost ont poussé cette logique jusqu’à son paroxysme. Ils minimisent
                        tout d’abord les coûts fixes en ne faisant que des investissements de capa-
                        cité raisonnés, puis optimisent, mieux que les acteurs classiques, le taux
                        d’utilisation de leurs équipements. Un avion d’une compagnie low cost
                        vole ainsi en moyenne 11 heures par jour, alors que les avions des
                        « majors » ne volent que 8 heures par jour. Nous reviendrons par la suite
                        sur cet aspect essentiel.
© Groupe Eyrolles

                    ◗   Couple 3 : coûts incompressibles/attributs de VUPC indispensables. Cer-
                        tains coûts sont incompressibles car inhérents au métier exercé. Les attri-
                        buts de l’offre auxquels ils sont liés ne peuvent être supprimés sans
                        provoquer une forte dégradation de la valeur perçue. Ce sont des attributs

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Le business model du low cost : perturbateur, original et économiquement performant

    de VUPC indispensables que le client s’attend à trouver dans toutes les
    offres. Si une offre devait ne pas présenter ces attributs, elle ne rencontre-
    rait aucune demande. On peut citer l’exemple des caddies/paniers dans
    les chaînes Hard Discount, qui ne peuvent être supprimés sans provo-
    quer une perte de VUPC très préjudiciable. Il est peu probable que la
    ménagère aille faire ses courses dans un magasin sans caddie ou panier
    pour transporter ses achats – composés généralement, dans le Hard Dis-
    count, de produits de commodité basiques, pondéreux et volumineux
    (pack de bouteilles d’eau, de lait, cartons de couches…).
    D’autres coûts sont incontournables, tant ils sont logés au cœur de la
    chaîne de valeur. Il peut s’agir d’actifs économiques, certes externalisa-
    bles (avions des compagnies aériennes, bâtiments des chaînes d’hôtels,
    usines…), mais également de taxes obligatoires ou de coûts liés à des
    obligations légales (dispositifs anti-incendie dans les hôtels, mainte-
    nance des avions de ligne).
◗   Couple 4 : coûts supplémentaires/nouveaux attributs de VUPC. La
    mise au point d’une offre low cost suppose de faire des choix d’épura-
    tion et de simplification, comme on l’a vu, mais aussi parfois d’adjonc-
    tion. De nouveaux attributs de VUPC peuvent être ajoutés à l’offre de
    référence, pour renforcer la proposition de valeur. Les acteurs low cost
    peuvent donc être amenés, dans certaines circonstances, à supporter des
    coûts supplémentaires, qui doivent cependant rester modérés pour ne
    pas annihiler les efforts faits par ailleurs. Les dernières évolutions des
    compagnies aériennes low cost aux États-Unis vers du premium low
    cost en sont une illustration.
Cette revue des couples coûts/valeurs montre que les choix et les arbitrages
opérés à ce niveau forment le substrat des avantages concurrentiels des
acteurs low cost. La figure 1.9 résume l’ensemble des choix effectués sur les
attributs de valeur, avec leurs effets induits sur les coûts, par la chaîne
                                                                                            © Groupe Eyrolles

d’hôtels Suitehotel du groupe Accor. Par rapport à l’offre de référence,
constituée par les hôtels trois étoiles, Suitehotel s’est positionnée de manière
originale. La chaîne a d’abord fait le choix de ne pas proposer de salles de

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Le low cost : un modèle gagnant-gagnant paradoxal

                    réunion, de piscine ou de restaurant (attributs jugés superflus), ce qui a
                    permis d’alléger considérablement les investissements (les mètres carrés
                    gagnés ont été reconvertis en « suites » aisément monétisables) et les coûts.
                    La chaîne a ensuite réduit ses coûts en dégradant l’offre sur quelques
                    attributs : des petits déjeuners en libre-service, une durée d’ouverture de la
                    réception raccourcie, une décoration minimaliste, comparativement aux
                    hôtels trois étoiles de référence. Inversement, d’autres attributs, fortement
                    valorisés par une clientèle professionnelle, ont été renforcés, tels que
                    l’hygiène (un espace forme plus qu’une salle de bain), l’espace de vie et de
                    travail (un espace repos et un véritable espace de travail individuel ou pour
                    un petit groupe avec tous les services modernes liés).

                            Figure 1.9 – L’offre comparative des hôtels Suitehotel (en gris clair)1

                                                                             Valeur
                                                              –                                +

                                          Salles de réunion
                             Enlevé       Piscine
                                          Restaurant

                                          Petit déjeuner
                             Réduit       Concierge
                                          Décoration

                                          Confort

                             Accru        Hygiène
                                          Espace de travail
                                          Espace
                                                                       1*   2*   3*    4*
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                    1. Source : cas Suitehotel, Alain Dumont, professeur HEC.

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Le business model du low cost : perturbateur, original et économiquement performant

Une équation de valeur inaccessible grâce à une rotation
maximale de l’actif économique
La faiblesse des prix pratiqués par les acteurs low cost pourrait laisser penser
que la conquête de parts de marché a été obtenue au détriment de la renta-
bilité financière. Il n’en est rien car la rentabilité des capitaux employés
s’appuie sur deux piliers : les marges et la rotation de l’actif.
                    Rentabilité = résultat/capitaux employés
                                  = résultat/CA * CA/capitaux employés
                                  = marge * rotation actif
La promesse client d’un prix faible, malgré une structure de coûts allégée,
limite théoriquement le potentiel de génération de marge opérationnelle.
Quand les marges sont faibles, c’est le levier de la rotation de l’actif qui
doit être actionné au maximum. Dans le low cost, les taux de marge opéra-
tionnelle ne sont pas toujours plus élevés que ceux des acteurs traditionnels
mais ce sont en revanche les rotations d’actif qui sont toujours supérieures.
Ainsi, dans le transport aérien (tableau 1.2), si les acteurs historiques n’ont
toujours pas, collectivement, trouvé la martingale pour alléger la pression
concurrentielle et leur structure de coûts, ils n’ont pas non plus réussi à
combler leur retard en termes de rotation de l’actif (même en laissant vieillir
leur flotte).

                   Tableau 1.2 – Taux de marge et de rotation des actifs
                            dans l’aérien classique et low cost

      Entreprise                                   Rotation de l’actif
                            Taux de marge                                  Immobilisation
       données                                      (CA/Capitaux
                            brut (EBIT1/CA)                                    /CA
  financières 2010                                     engagés)
 Air France-KLM                – 7,8 %                    1,37                 94,1 %

 British Airways               – 2,9 %                    1,38                 100,1 %

 Southwest Airlines             2,5 %                     1,62                 105,4 %
                                                                                             © Groupe Eyrolles

 easyJet                        2,3 %                     1,62                 82,2 %

1. EBIT = earnings before interest and tax, en français, résultat d’exploitation = revenus
   d’exploitation – charges d’exploitation.

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Le low cost : un modèle gagnant-gagnant paradoxal

                    L’impératif de la rotation de l’actif se vérifie d’autant plus que les entreprises
                    low cost sont généralement (cf. deuxième partie) des nouveaux entrants sur
                    des marchés matures, protégés par d’importantes barrières à l’entrée. Ces
                    barrières à l’entrée se manifestent par de lourds investissements, que non
                    seulement les acteurs low cost réduisent au minimum, grâce notamment à
                    leur choix d’offre dégradée et d’externalisation, mais dont ils doivent tirer le
                    maximum en utilisant au mieux la capacité disponible.
                    Les investissements initiaux sont effectivement réduits par les choix d’offre
                    épurée. Les compagnies aériennes low cost n’ont qu’un seul type d’avion ;
                    les low cost de la location automobile ne disposent que d’une gamme
                    réduite de véhicules et n’hésitent pas à acheter des véhicules d’occasion. Les
                    Hard Discounters dans l’alimentaire ont des frais d’agencement minimes
                    en exposant les marchandises directement sur les palettes qui ont servi à leur
                    transport.
                    Le recours à l’externalisation permet aussi de minimiser les investissements,
                    en transférant à d’autres le soin de financer et d’entretenir les actifs néces-
                    saires.
                    Le taux d’utilisation des actifs est ensuite maximisé. Les avions de Ryanair
                    volent en moyenne 11 heures par jour, contre huit pour les compagnies
                    traditionnelles ; 85 % de la flotte d’Ucar est en moyenne louée contre 60 %
                    pour ses concurrents. Les choix initiaux pour réduire les investissements
                    contribuent en fait à accélérer la rotation de l’actif, dans un cercle vertueux
                    (cf. tableau 1.3).
                    C’est ainsi qu’easyJet a pu générer jusqu’à plus de six euros de chiffre
                    d’affaires avec un euro de capital employé, là où Finnair, une compagnie
                    traditionnelle, n’en génère au mieux que 1,8, soit plus de trois fois moins.
                    C’est la conséquence directe de la politique des acteurs low cost : limiter la
                    base d’actifs et maximiser son taux d’utilisation… pour mieux franchir les
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                    barrières à l’entrée et doper la rentabilité : une leçon de management qui
                    devrait séduire le monde financier… et le fait.

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