LE JARDIN BOTANIQUE DE MONTRÉAL - NATHALIE CLERK - DalSpace

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                                                                     LE JARDIN BOTANIQUE DE MONTRÉAL
NATHALIE CLERK est historienne d’architecture à
                                                                                                         > N AT H A L I E C L E R K
Parcs Canada. Elle a préparé des rapports sur une

variété de sujets (paysages culturels, architecture

religieuse et domestique, etc.) pour la Commission

des lieux et monuments historiques du Canada et

pour le Bureau d’examen des édifices fédéraux

du patrimoine.                                                                                     E  n décembre 2007, la Commission des
                                                                                                      lieux et monuments historiques du
                                                                                                   Canada recommandait que le Jardin bota-
                                                                                                   nique de Montréal soit désigné lieu histori-
                                                                                                   que national pour les raisons suivantes :

                                                                                                     - l’étendue de ses collections et de
                                                                                                       ses installations, tels ses vingt-deux
                                                                                                       mille espèces et cultivars de plantes,
                                                                                                       ses dix grandes serres d’exposition,
                                                                                                       sa trentaine de jardins thématiques
                                                                                                       et son vaste arboretum, en fait un
                                                                                                       des plus importants jardins bota-
                                                                                                       niques au monde ;

                                                                                                     - dès la fondation du jardin en 1931,
                                                                                                       le frère Marie-Victorin, qui a été
                                                                                                       l’âme de cet ambitieux projet, et
                                                                                                       Henry Teuscher, l’architecte pay-
                                                                                                       sagiste qui en a dressé les plans et
                                                                                                       lui a donné ses grandes orienta-
                                                                                                       tions, ont voulu en faire un jar-
                                                                                                       din botanique idéal, ce qu’il est
                                                                                                       demeuré jusqu’à nos jours en raison
                                                                                                       de ses grandes qualités esthétiques,
                                                                                                       de sa vocation scientifique et de ses
                                                                                                       fonctions éducative et sociale ;

                                                                                                     - la richesse et la diversité de ses col-
                                                                                                       lections destinées à la recherche, à
                                                                                                       la conservation, à la présentation et
                                                                                                       à l’éducation mettent clairement en
                                                                                                       évidence la mission qui est particu-
                                                                                                       lière aux jardins botaniques.

                                                                                                   Le Jardin botanique de Montréal est un
                                                                                                   lieu d’exception qui se démarque tout
                                                                                                   particulièrement par son histoire, par
                                                                                                   les grandes qualités esthétiques de ses
                                                                                                   jardins ainsi que par la richesse et la di-
                                                                                                   versité de ses collections, dévolues à des
                                                                                                   fins de recherche, de conservation, de
ILL. 1. LE JARDIN BOTANIQUE DE MONTRÉAL. LES JARDINS D’EXPOSITION CRÉÉS DÈS 1938 SELON UN PLAN
        DE L’ARCHITECTE PAYSAGISTE HENRY TEUSCHER. ON VOIT ICI LE JARDIN DES PLANTES VIVACES,
        LA PLUS ANCIENNE SECTION DES JARDINS D’EXPOSITION. | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.

JSSAC | JSÉAC 34 > N o 2 > 2009 > 113-139                                                                                                         113
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NATHALIE CLERK > REPORT | RAPPORT

      ILL. 2. L’EMPLACEMENT DU JARDIN BOTANIQUE DE MONTRÉAL. | COMMUNAUTÉ URBAINE      ILL. 3. L’EMPLACEMENT DES PRINCIPAUX JARDINS ET BÂTIMENTS SUR LE SITE
            DE MONTRÉAL, MAP ART.                                                              DU JARDIN BOTANIQUE DE MONTRÉAL. | TIRÉ DE LA BROCHURE PRODUITE
                                                                                             PAR LE JARDIN BOTANIQUE DE MONTRÉAL.

      présentation et d’éducation. Il a été dé-                 les réaménagements menés à l’entrée du                    en face du Parc olympique, présente la
      signé lieu d’importance historique natio-                 Jardin soient terminés.                                   forme d’un quadrilatère de soixante-quin-
      nale en 2008. Le présent article reprend                                                                            ze hectares (ill. 1 à 4). Avec ses vingt-deux
      essentiellement le rapport présenté aux                   DESCRIPTION DU LIEU                                       mille espèces et cultivars3 de plantes, ses
      membres de la Commission des lieux et                                                                               dix grandes serres d’exposition, sa trentai-
      monuments historiques du Canada en                        Fondé le 9 juin 1931, le Jardin botanique                 ne de jardins thématiques (dont la rose-
      vue de l’évaluation du Jardin. On y pro-                  de Montréal est issu de la collaboration                  raie, le jardin de Chine, le jardin japonais
      pose une description du lieu ainsi qu’une                 entre le frère Marie-Victorin (PHN1, 1987),               et le jardin des Premières-Nations) et son
      analyse de son importance historique et                   professeur et scientifique de grand renom                 vaste arboretum4, la propriété constitue
      de son intégrité. Le Jardin botanique de                  qui a initié et mené cet ambitieux projet,                un impressionnant îlot de verdure au sein
      Montréal est ensuite comparé à d’autres                   et Henry Teuscher, horticulteur, botanis-                 de la ville et l’un des principaux jardins
      jardins afin de bien faire ressortir ses ca-              te et architecte paysagiste qui en est le                 botaniques au monde. Ses collections do-
      ractéristiques spécifiques. Mentionnons                   concepteur et en a dressé les plans 2. Ce                 cumentées de plantes vivantes servent à
      que ce rapport a été préparé avant que                    vaste jardin, situé dans l’est de Montréal                des fins de recherche, de conservation, de

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NATHALIE CLERK > REPORT | RAPPORT

ILL. 4. UNE VUE AÉRIENNE DATANT DU MILIEU DES ANNÉES 1990, MONTRANT LA PORTION   ILL. 5. LE PAVILLON ADMINISTRATIF (1932-1938, LUCIEN KÉROACK, ARCHITECTE)
        DU JARDIN BOTANIQUE DE MONTRÉAL COMPRISE ENTRE LA RUE SHERBROOKE                 ET UNE PARTIE DU JARDIN D’ACCUEIL AVEC SES BASSINS (1938). | NATHALIE CLERK,
        ET LE BOULEVARD PIE IX. | PIERRE LAHOUD.                                        PARCS CANADA, 2006.

présentation et d’éducation, témoignant                Sherbrooke. Un chemin bordé d’arbres en                  sur les grands phénomènes associés aux
ainsi du mandat scientifique et pédagogi-              forme de boucle part des jardins d’accueil               plantes et abrite une collection de mono-
que propre aux jardins botaniques.                     et du pavillon administratif et permet de                cotylédones (palmiers, bananiers et bam-
                                                       parcourir le Jardin jusqu’à son extrémité                bous). La salle Chlorophylle, destinée aux
L’AMÉNAGEMENT GÉNÉRAL                                  nord et de revenir vers l’entrée de la rue               enfants, est jointe à cette serre centrale.
                                                       Sherbrooke.                                              La serre d’accueil est encadrée de part et
Ce jardin botanique est constitué d’un                                                                          d’autre par des serres qui ont chacune
ensemble diversifié de jardins – aux sty-              Les jardins d’accueil, le pavillon                       leur spécialité : serre des forêts tropica-
les et aux tracés variés, dont le caractère            administratif et les serres                              les humides, serre des plantes tropicales
est tant formel que pittoresque – harmo-                                                                        économiques, serre des orchidées et des
nieusement interreliés par un réseau de                Après avoir franchi l’entrée sud-ouest du                aracées, serre des fougères, serre des
chemins et de sentiers. La vaste propriété             Jardin, le visiteur parcourt d’abord les jar-            bégonias et des gesnériacées, serre des
de forme rectangulaire peut être sommai-               dins d’accueil (1938) – des jardins formels              régions arides, hacienda, jardin céleste et
rement découpée en quatre grands sec-                  aménagés à la française comptant selon                   grande serre d’exposition. Cette dernière
teurs : d’abord les jardins d’accueil mènent           les saisons des plantes bulbeuses et des                 grande serre abrite différentes expositions
vers le pavillon administratif et les serres ;         annuelles – entrecoupés de trois voies,                  et activités en fonction des saisons : fête
le secteur ouest, qui longe le boulevard               dont celle du centre mène au pavillon                    du printemps, bal des citrouilles, papillons
Pie IX, présente des jardins d’apparence               administratif (1932-1938) (ill. 5). Ce long              en liberté, etc. Adossée au côté ouest du
formelle ; la partie centrale entrecoupée              bâtiment de brique et de pierre calcaire,                pavillon administratif, la cour des sens
d’avenues et de petits sentiers où les                 de styles Beaux-Arts et Art déco, se pro-                est un petit jardin destiné aux personnes
différents aménagements se succèdent                   longe à l’arrière par le complexe d’accueil,             aveugles. Derrière ces serres, se trouvent
de façon plus pittoresque jusqu’à l’arbo-              destiné à recevoir les visiteurs. Dix serres             les serres de service et les pépinières aux-
retum ; enfin, le côté est constitue une               d’exposition, dont la construction a été                 quelles le public n’a pas accès.
étroite bande de verdure ponctuée de                   entreprise en 1956, sont regroupées der-
divers jardins longeant le parc Maison-                rière le complexe d’accueil (ill. 6). Quelque            Le côté ouest du Jardin botanique
neuve. Le public a accès au site par trois             trente-six mille plantes et arbres exoti-
entrées du côté de la rue Sherbrooke. Il               ques, répartis en douze mille espèces et                 Les jardins d’exposition (1938) s’étendent
y a aussi une entrée du côté du boule-                 variétés, en provenance de régions équa-                 en une étroite bande le long du boule-
vard Rosemont. Deux entrées de service                 toriales ou tropicales, y sont présentés.                vard Pie IX, à partir de l’édifice qui abrite
sont situées sur Pie IX et une autre sur               La serre d’accueil fournit des explications              le restaurant (1956) jusqu’aux jardins des-

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      ILL. 6. L’UNE DES SERRES D’EXPOSITION, DONT LA CONSTRUCTION A ÉTÉ ENTREPRISE                             ILL. 8. LES JARDINS AMÉNAGÉS PAR LES JEUNES, DONT LE BUT EST DE LEUR FAIRE
              EN 1956. | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.                                                           DÉCOUVRIR L’HORTICULTURE. | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.

      ILL. 7. UN APERÇU DES JARDINS D’EXPOSITION (1938). | PIERRE LAHOUD 2004 ; NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.

      tinés aux jeunes. Les jardins d’exposition                           du monastère, le coin du Québec, les jar-                        qui servent à produire les fleurs utilisées
      regroupent une dizaine de différents pe-                             dins de ville, le jardin des nouveautés, le                      par la Ville de Montréal.
      tits jardins, ordonnés de façon rigoureuse                           jardin des plantes vivaces et le jardin des
      et formelle, que séparent des murets, des                            plantes économiques (ill. 7). Des jardins                        La portion centrale
      marches ou encore des tonnelles, dont la                             aménagés par des jeunes se trouvent à                            du Jardin botanique
      vocation est à la fois esthétique et pé-                             l’extrémité nord des jardins d’exposition,
      dagogique : on trouve ici le jardin des                              dans un cadre champêtre (ill. 8). À l’ex-                        Dans la portion centrale du Jardin s’amor-
      arbustes, le jardin des plantes toxiques,                            trémité nord, se trouvent aussi les serres                       ce la visite des grands jardins thémati-
      le jardin des plantes médicinales, le jardin                         Louis-Dupire, non accessibles au public, et                      ques, reliés par un réseau de sentiers

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ILL. 9. LA ROSERAIE REGROUPE QUELQUE 10 000 ROSIERS, DONT CERTAINES VARIÉTÉS                                ILL. 10. LE JARDIN AQUATIQUE (1938). | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.
        TRÈS ANCIENNES. | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.

ILL. 11. LE JARDIN DE CHINE, LE « JARDIN DU LAC DE RÊVE » (1991). | PIERRE LAHOUD ; NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006 ; GUILLAUME ST-JEAN, 2009.

et de petits chemins. Le premier jardin                                À gauche du Jardin aquatique et de la                                    Au nord du jardin aquatique, le jardin ja-
rencontré par le visiteur du côté est de                               roseraie, le jardin de Chine (1991), nommé                               ponais (1988) présente un aménagement
cette portion du site est l’immense ro-                                le « jardin du lac de rêve », est inspiré des                            naturaliste où l’eau et la pierre symbolisent
seraie (1976) dont l’entrée est protégée                               anciens jardins de l’époque Ming : c’est un                              respectivement le calme et la continuité, la
par un imposant lion de pierre, offert par                             jardin de deux hectares et demi sans pe-                                 longévité et les forces de la nature (ill. 12).
la ville de Lyon à l’occasion du trois cent                            louse, doté de plantes, de plans d’eau et                                Les plantes ainsi que l’eau et la pierre s’y
cinquantième anniversaire de Montréal                                  de sept pavillons traditionnels, jouant sur                              conjuguent pour exprimer la paix intérieu-
(ill. 9). Cette roseraie d’une superficie de                           les contrastes du yin et du yang (ill. 11).                              re, une valeur traditionnelle des Japonais.
six hectares regroupe quelque dix mille                                L’accès à ce jardin se fait par la cour d’en-                            Les plantes ont été choisies pour assurer
rosiers, dont neuf cents variétés de roses                             trée gardée par deux lions de pierre et do-                              une succession de floraisons et ainsi ex-
anciennes. Elle est constituée de plates-                              tée de nombreux éléments symboliques.                                    primer une vision idéale de la nature. La
bandes aux formes sinueuses, entre les-                                La porte en forme de lune mène vers le                                   cour du pavillon japonais abrite des bon-
quelles sont intercalés arbres et arbustes                             pavillon de l’amitié, puis à la cour du prin-                            saïs et un jardin zen. Des petits ponts, des
ornementaux. Suit le jardin aquatique                                  temps où se trouvent des penjings (arbres                                carpes Koï – considérées comme des fleurs
(1938) dont les bassins surélevés abritent                             miniatures) et au pavillon des lotus avec                                vivantes –, une lanterne kukimi-gata ou
des plantes aquatiques et des plantes de                               son plan d’eau où poussent des centaines                                 lanterne de neige – plus haute que les
milieux humides du Québec et de régions                                de lotus. Une petite montagne de pierre                                  autres pour dépasser de la neige en hi-
tropicales (ill. 10).                                                  s’élève au pied du lac de rêve.                                          ver – complètent ce paysage.

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      ILL. 12. LA COUR DU PAVILLON DU JARDIN JAPONAIS AVEC SES BONSAÏS (1988). | NATHALIE      ILL. 13. LE JARDIN ALPIN (1937, COMPLÉTÉ EN 1962). | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.
               CLERK, PARCS CANADA, 2006.

      ILL. 14. LE JARDIN DES LILAS (ANNÉES 1930). | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.        ILL. 15. LE RUISSEAU FLEURI (1976). | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.

      ILL. 16. LE SECTEUR DES ÉTANGS (AMORCÉ EN 1936). | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.   ILL. 17. LE JARDIN DES PREMIÈRES-NATIONS (2001). | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.

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ILL. 18. L’ARBORETUM AMORCÉ DANS LES ANNÉES 1940 ET DÉVELOPPÉ VERS LE NORD     ILL. 19. LA FORÊT DES MONTRÉAL DE FRANCE (1992). | GUILLAUME ST-JEAN, 2009.
         À COMPTER DES ANNÉES 1960. | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.

Le jardin alpin (1937, complété en 1962),              de l’arboretum et protégé par des conifè-               d’évaluation de l’importance historique
situé à côté du jardin de Chine, présente              res, le jardin Leslie-Hancock (1976) com-               nationale de la Commission des lieux et
la flore qui est particulière à onze régions           prend une impressionnante collection                    monuments historiques du Canada, afin
montagneuses du globe (ill. 13). Ce jardin             d’éricacées (rhododendrons, bruyères,                   d’évaluer si ce lieu « illustre une réalisa-
se développe autour d’un grand massif                  azalées, etc.).                                         tion exceptionnelle par sa conception et
rocheux et d’une chute d’eau et toutes les                                                                     son élaboration, sa technologie ou son
plantes qui y sont présentées peuvent vi-              Le côté est du Jardin botanique                         aménagement, ou représente une pério-
vre à plus de mille mètres d’altitude. Sui-                                                                    de importante de l’évolution du Canada »,
vent les pittoresques secteurs du jardin               Le long du parc Maisonneuve, le visiteur                et selon le critère 1 c) afin de déterminer
des lilas (années 1930) (ill. 14) et du ruis-          découvre d’abord la forêt des Montréal de               s’il « est surtout associé d’une manière évi-
seau fleuri (1976) (ill. 15), puis la section          France (1992), un petit boisé constitué de              dente et importante à une ou plusieurs
plus romantique des étangs (années 1930)               vingt-trois espèces d’arbres, provenant de              personnes considérées d’importance his-
(ill. 16). Non loin des étangs, le jardin              six villes françaises qui s’appellent « Mon-            torique nationale ».
des Premières-Nations (2001) reproduit                 tréal », et qui ont été données à l’occasion
les trois grands écosystèmes des Premiè-               du trois cent cinquantième anniversaire                 La Commission adoptait en 1994 des li-
res Nations (forêt de conifères, forêt de              de Montréal (ill. 19). La visite se poursuit            gnes directrices pour évaluer l’importan-
feuillus et zone nordique) et présente                 par le jardin du Sous-bois (1960) avec ses              ce nationale des parcs et des jardins. Le
certaines des connaissances et des acti-               plantes (petits prêcheurs, sanguinaires,                Jardin botanique de Montréal sera donc
vités particulières aux Amérindiens et aux             astilbes, géraniums vivaces, hostas) qui                évalué plus spécifiquement en raison :
Inuits, telles que la cueillette des plantes           nécessitent peu de lumière (ill. 20). Enfin,
alimentaires et médicinales, la culture des            à l’extrémité nord-est du Jardin botani-                    - de l’excellence de ses qualités esthé-
plantes alimentaires et l’utilisation du               que se dresse la maison de l’arbre (1996),                    tiques (ligne directrice 1) ;
bois et des arbres (ill. 17). L’arboretum              un centre d’interprétation de l’arbre et du
(amorcé dans les années 1940 ; développé               bois qui comporte aussi une collection de                   - du caractère remarquable ou unique
à compter de la fin des années 1960) oc-               bonsaïs nord-américains (ill. 21).                            de son type et de ses styles qui
cupe la moitié de la portion centrale du                                                                             témoignent ainsi d’une période
Jardin botanique. Environ neuf mille cinq              ANALYSE DE L’IMPORTANCE                                       importante de l’histoire du Canada ou
cents spécimens d’arbres appartenant à                 HISTORIQUE DU LIEU                                            de l’horticulture (ligne directrice 2) ;
trois mille espèces y sont regroupés. Cha-
que arbre est identifié et regroupé selon              Le Jardin botanique de Montréal sera                        - de l’importance de l’influence qu’il
sa famille et son genre (ill. 18). Au centre           examiné selon le critère 1 a) des critères                    a exercée dans le temps ou sur un

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      ILL. 20. LE JARDIN DU SOUS-BOIS (1960). | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.                     ILL. 21. LA MAISON DE L’ARBRE (1996). | NATHALIE CLERK, PARCS CANADA, 2006.

           territoire donné, du fait de son                                ment celui-ci se situe en regard des lignes                    De même, dans l’Agenda international
           ancienneté, de son type, de son                                 directrices de la Commission.                                  pour la conservation dans les jardins bo-
           style (ligne directrice 4) ;                                                                                                   taniques, l’organisme Botanic Gardens
                                                                           Définition des jardins botaniques                              Conservation International en fournit la
         - de la présence de spécimens horti-                                                                                             définition suivante : « un jardin botanique
           coles d’une rareté ou d’une valeur                              La majorité des spécialistes s’entendent                       est une institution possédant des collec-
           exceptionnelle (ligne directrice 5) ;                           pour dire que les véritables jardins bo-                       tions documentées de plantes cultivées
                                                                           taniques modernes desservent quatre                            pour la recherche scientifique, la conser-
         - des liens qui existent entre lui et                             grandes fonctions, à savoir la recher-                         vation, l’exposition et l’éducation »6.
           des personnages ou des événements                               che, la conservation, l’enseignement et
           historiques d’intérêt national (ligne                           l’information. Voici en quels termes le                        Ces jardins se démarquent des parcs et
           directrice 7) ;                                                 professeur Warren T. Byrd, directeur du                        des jardins d’exposition par la présence
                                                                           Département d’architecture du paysage à                        de collections de plantes ligneuses (des
         - de l’importance des architectes, des                            l’Université de Virginie à Charlottesville,                    arbres) ou herbacées servant à des fins
           dessinateurs ou des horticulteurs                               décrit ce type de jardin :                                     de recherche et d’éducation7. Les plantes
           qui en ont conçu les plans (ligne                                                                                              vivantes présentées y sont documentées,
           directrice 8).                                                        The principal components of all botanic                  organisées et exposées en tenant compte
                                                                                 gardens and arboreta are their living plant              de certains critères tels que leur histoire,
      Dans cette section du rapport, nous dé-                                    collections, which are arranged according to             leur origine géographique, leurs diffé-
      finirons d’abord brièvement ce qu’est un                                   some accepted system of classification with              rentes utilités et leur évolution. Le jardin
      jardin botanique et verrons quelles sont                                   appropriate labeling and documentation of                botanique possède aussi habituellement
      les origines de ce type de paysage. Nous                                   each plant’s history and origin. Historically            un herbier et une bibliothèque spécialisée
      décrirons ensuite le contexte historique                                   these collections are augmented by two                   dans les domaines de la botanique et de
      qui a favorisé la fondation d’un jardin bo-                                other primary facilities: a herbarium of dried           l’horticulture. Les jardins botaniques sont
      tanique à Montréal dans les années 1930,                                   labeled and curated plant specimens, and a               classés en fonction du nombre, de la va-
      ainsi que les moments marquants qui ont                                    library devoted to botanical and horticultural           riété et de la diversité de leurs collections
      modelé son histoire et son évolution. Nous                                 science. Added elements and functions may                et de leurs plantations 8. Non seulement
      verrons brièvement de quelle façon ce jar-                                 include greenhouses, propagation houses,                 les jardins botaniques exercent des fonc-
      din botanique se voulait un « jardin idéal »                               laboratories, conservatories, nurseries,                 tions d’ordre scientifique, social, éducatif,
      et comment il s’acquitte de ses différentes                                plants breeding quarters, specialty gardens,             récréatif et culturel, mais, depuis les dix
      missions. Enfin, nous examinerons com-                                     publication center and other ancillary places5.          dernières années, ils sont aussi devenus

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des centres importants pour la conserva-          Le premier jardin botanique canadien             on en compterait une trentaine, la ma-
tion de la biodiversité, en intégrant les vo-     aurait été créé en 1836 dans les Jardins         jorité d’entre eux étant associés à une
lets développement et conservation9. On           publics d’Halifax par la Halifax Horticul-       université ou à des services municipaux
y pratique toujours la botanique systéma-         tural Society11. Ce jardin comprenait des        ou gouvernementaux15.
tique traditionnelle, c’est-à-dire la classifi-   plates-bandes, des arbres, un ruisseau,
cation et l’identification des plantes, mais      des serres, une grange, une cour pour le         L’histoire du Jardin botanique
les préoccupations contemporaines pour            tir à l’arc et une grotte. Acheté par la ville   de Montréal
l’environnement y ont favorisé la mise en         d’Halifax en 1875 et combiné à un autre
place d’études à caractère écologique, no-        jardin, il deviendra plutôt un grand parc        L’idée de créer un jardin botanique à
tamment sur des espèces rares ou sur des          d’esprit victorien : les Jardins botaniques      Montréal est proposée à quelques repri-
plantes en voie de disparition.                   royaux à Halifax (LHN12, 1983). Un premier       ses au cours du dix-neuvième siècle, mais
                                                  jardin botanique associé à une institution       ne parvient à se concrétiser que dans les
L’origine des jardins botaniques                  d’éducation est aménagé en 1861 par              années 1930. Ainsi, en 1863 et en 1870, sir
                                                  George Lawson de l’École de médecine du          John William Dawson (PHN, 1943), géolo-
Le Jardin botanique de Montréal s’inscrit         Queen’s College (aujourd’hui l’Université        gue et recteur de l’Université McGill, es-
dans une longue et ancienne tradition. En         Queen’s) à Kingston en Ontario, mais son         saie en vain d’encourager cette institution
effet, on peut faire remonter l’origine des       existence est de courte durée puisqu’il          à soutenir l’aménagement d’un jardin bo-
jardins botaniques aux premiers jardins           cesse d’exister dans les années 1870.            tanique sur ses terrains ; ce jardin aurait
d’herbes médicinales qu’aménageaient                                                               par ailleurs été associé à la Faculté des
les médecins et les étudiants en méde-            En 1886, l’adoption de la Loi sur les sta-       sciences naturelles16. Un projet de jardin
cine qui souhaitaient avoir accès à des           tions agronomiques du ministère fédéral          botanique et d’arboretum près du mont
plantes dotées de propriétés médicinales          de l’Agriculture entraîne la mise sur pied       Royal est aussi mis de l’avant en 1873 par
ou pharmaceutiques10. Par la suite, des           d’un réseau de fermes expérimentales et          la Montreal Horticultural Society, mais il
jardins plus spécialisés sont créés à Pise        de stations de recherche13. C’est ainsi que      ne se réalise pas. Puis, en 1885, la Mon-
(1543) et à Padoue (1545) en Italie pour          la Ferme expérimentale centrale d’Ot-            treal Botanical Garden Association lance
permettre l’étude des particularités horti-       tawa (LHN, 1997) voit le jour en 1886.           l’idée d’un jardin botanique de soixante-
coles et économiques des plantes. D’autres        Dès 1887, on y aménage un arboretum              quinze acres sur le mont Royal ; ce projet
sont ensuite mis sur pied à Leipzig en Al-        et semble-t-il un jardin botanique. Des          ne voit cependant pas le jour en raison
lemagne (1580), à Leyden en Hollande              centres de recherche agricole sont par           du manque d’appui politique.
(1587) et à Montpellier en France (1593).         la suite créés dans d’autres régions du
Au cours des dix-septième et dix-huitième         pays, mais surtout dans l’Ouest, afin            Il faut attendre les années 1920-1930 pour
siècles, plusieurs jardins sont ouverts pour      de partager la recherche et de diffuser          que le climat social et politique soit favo-
permettre l’observation scientifique des          auprès des fermiers et des jardiniers de         rable à la création d’un jardin botanique
nouvelles plantes rapportées en Europe            nouvelles connaissances14.                       à Montréal. Il faut savoir qu’au Québec
par des voyageurs. À titre d’exemple, on                                                           ces années sont marquées par un vérita-
sait que le Royal Botanic Garden à Kew en         Après celui de Kingston en 1861, un              ble réveil scientifique initié en partie par
Angleterre (1759) a été le premier jardin         deuxième jardin botanique associé à une          la Faculté des sciences de l’Université de
botanique à cultiver le caoutchouc, la ba-        université est créé en 1916 à l’Université       Montréal17, où gravite le frère Marie-Vic-
nane, le thé, l’ananas, le café et le cacao.      de la Colombie-Britannique par le bota-          torin (PHN, 1987) qui est alors en charge
Les diverses possibilités que pouvait of-         niste John Davidson. Le Jardin botanique         de la Chaire de botanique de l’institution
frir la culture de ces plantes intéressaient      de Montréal est créé en 1931 et son amé-         (ill. 22a). Celui-ci est d’ailleurs considéré
particulièrement les gouvernements qui y          nagement entrepris au cours des années           comme « l’incarnation du mouvement
voyaient certains avantages économiques.          1930. Les Jardins botaniques royaux (LHN,        scientifique »18 qui est en voie de s’im-
C’est ainsi que progressivement les jardins       1993) à Hamilton sont fondés à la fin des        planter car, par ses travaux, ses écrits et
botaniques ont été amenés à jouer un rôle         années 1920, mais ne sont véritablement          ses conférences, il va contribuer à donner
important dans l’introduction de nouvel-          aménagés qu’à compter de 1941. Plusieurs         une plus grande visibilité et importance à
les plantes, ainsi que dans l’expérimenta-        jardins botaniques sont fondés après la          ce qu’on appelle alors « les petites scien-
tion et dans l’enseignement.                      Seconde Guerre mondiale. De nos jours,           ces ». Le frère Marie-Victorin dénonce

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      ILL. 22A. LE FRÈRE MARIE-VICTORIN (1885-1944). | JBM : QUATRE-TEMPS, VOL. 22, N   o
                                                                                            2, 1998, P. 9.                    ILL. 22B. HENRY TEUSCHER (1891-1984). | JBM : QUATRE-TEMPS,
                                                                                                                                        VOL. 30, Nos 2-3, 2006, P. 20.

      l’inexistence d’une tradition scientifique                          comme Léon Trépanier et Camilien Hou-               sont interrompus en 1933 en raison de la
      au Québec, la pénurie d’éducation et                                de22, faisant valoir que plusieurs grandes          crise économique.
      de recherches scientifiques et l’absence                            villes du monde possèdent un tel jardin. Il
      d’une d’élite scientifique19. En 1923, il                           souligne les nombreux mérites que pour-             Entre-temps, en 1932, sur la recomman-
      crée l’Institut botanique, qui regroupe                             rait présenter un jardin botanique pour             dation du directeur du Jardin botanique
      des botanistes et dont la vocation est la                           Montréal, en particulier celui « de placer          de New York, le frère Marie-Victorin a
      recherche, la constitution de collections et                        Montréal sur la carte des villes que l’on           déjà choisi celui qui fera l’aménagement
      d’herbiers ainsi que la diffusion20. Cet Ins-                       peut visiter, où il y a quelque chose pour          du Jardin de Montréal : il s’agit de Henry
      titut donnera naissance à la Société cana-                          l’œil et pour l’esprit »23. Il décrit les mérites   Teuscher, biologiste, horticulteur et archi-
      dienne d’histoire naturelle, qui facilitera                         des jardins botaniques modernes, dont la            tecte paysagiste expérimenté qui rêve de
      la fondation du Jardin botanique.                                   mission est à la fois utilitaire, esthétique,       créer un jardin botanique idéal (ill. 22b).
                                                                          scientifique et philanthropique. Dans une           Ce dernier a étudié l’horticulture et l’ar-
      Le frère Marie-Victorin lance l’idée d’éta-                         entrevue accordée au Devoir, il affirme :           chitecture de paysage en Allemagne et
      blir un jardin botanique à Montréal pour                            « Je reviens pénétré de la nécessité, pour          travaille alors comme dendrologue (spé-
      une première fois en 1925 21, puis une                              une ville comme la nôtre et pour une uni-           cialiste des arbres) au Jardin botanique de
      deuxième fois en 1929, après avoir par-                             versité comme celle de Montréal, d’avoir            New York. À l’époque où Henry Teuscher
      ticipé au Congrès international de bota-                            un grand jardin botanique scientifique-             étudie en Allemagne, il existe dans ce pays
      nique à Cape Town en Afrique du Sud.                                ment organisé24. » Et il en propose déjà            un grand intérêt pour les parcs populai-
      Il a alors l’occasion de visiter différents                         l’emplacement : le côté nord-ouest du               res à vocation utilitaire et pédagogique.
      jardins botaniques (notamment le Jardin                             grand parc Maisonneuve. Ce terrain offre            On s’intéresse aussi à la création de nou-
      des Plantes à Paris, les jardins botaniques                         une grande variété de sols convenant à              veaux jardins aménagés de manière plus
      de Kew, de Prague et de Cologne ainsi                               différents types de culture25. L’Association        rigoureuse et ordonnée, selon des préoc-
      que l’Arnold Arboretum à Boston), de                                du Jardin botanique de Montréal est créée           cupations d’ordre social et hygiénique27.
      rencontrer des botanistes de renom et de                            sous l’égide du frère Marie-Victorin et de          Les mêmes idées circulent aux États-Unis
      découvrir la flore étrangère. À son retour,                         la Société canadienne d’histoire naturelle          et influencent le projet de Jardin botani-
      il relance l’idée d’un jardin botanique, qui                        le 27 janvier 1930. Le maire de Montréal            que de Montréal. Même si jusqu’en 1936
      pourrait être comparable à celui de New                             Camilien Houde soutient le projet et l’em-          le projet est à plusieurs fois menacé, le
      York, de Paris ou d’Édimbourg, et cette                             placement proposé au parc Maisonneuve               frère Marie-Victorin et Henry Teuscher
      fois-ci le projet reçoit l’aval de la Société                       est accepté en 1931. Le 4 mars 1932, des            lui donnent forme et élaborent l’aména-
      canadienne d’histoire naturelle. Dans un                            fonds sont octroyés pour entreprendre le            gement des terrains dans un échange de
      discours, que reprend intégralement Le                              projet. Des travaux de canalisation et de           correspondance assidu. Lorsque le projet
      Devoir, le frère Marie-Victorin cherche                             nivellement de même que la construction             reprend finalement vie en 1936, le comité
      non seulement l’appui de ses concitoyens,                           d’une serre, d’une chaufferie et d’un petit         exécutif de la Ville constitue la Commis-
      mais aussi celui de journalistes, tel Louis                         pavillon de pierre (Lucien F. Kéroack, ar-          sion du Jardin botanique de Montréal et
      Dupire du Devoir, et d’hommes politiques                            chitecte) sont entrepris26. Mais les travaux        nomme le frère Marie-Victorin directeur

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ILL. 23. UNE VUE AÉRIENNE DU JARDIN BOTANIQUE DE MONTRÉAL EN 1938. | JARDIN BOTANIQUE   ILL. 24. UNE VUE AÉRIENNE DU JARDIN BOTANIQUE DE MONTRÉAL EN 1948. | JBM : QUATRE-
       DE MONTRÉAL.                                                                             TEMPS, VOL. 30, Nos 2-3, 2006, P. 13.

scientifique et Henry Teuscher surinten-                   sont entrepris, comme l’aménagement                                    l’avenir du Jardin botanique est encore
dant et chef horticulteur. En 1937-1938, ce                du jardin alpin, du jardin aquatique, de                               une fois menacé et des discussions avec le
dernier prépare un plan qui précise dans                   l’entrée principale avec sa fontaine et ses                            gouvernement provincial et le ministère
le détail le tracé des chemins et l’empla-                 cascades d’eau, des premiers jardins pour                              de la Défense, qui entend réquisitionner
cement des jardins et des bâtiments (ill. 3                les écoliers et du terrain de jeux.                                    le terrain, se poursuivent au cours de ces
et 23). C’est ce plan, remis à jour en 1939,                                                                                      années. Au printemps 1942, la Ville de
qui garantira la pérennité du Jardin, tout                 Même si les travaux sont loin d’être ter-                              Montréal en devient l’unique proprié-
en lui permettant de se renouveler.                        minés, certaines sections du Jardin sont                               taire. À ce moment, dix des vingt-trois
                                                           semble-t-il accessibles au public dès                                  sections sont complétées (ill. 24).
Plusieurs résolutions sont adoptées par                    1936 29. Le personnel de l’Institut bota-
la Ville pour permettre la réalisation du                  nique de l’Université de Montréal em-                                  Le décès tragique du frère Marie-Victorin,
Jardin botanique et le projet reçoit aussi                 ménage dans les nouveaux bureaux du                                    à la suite d’un accident d’automobile sur-
l’appui du premier ministre Maurice Du-                    pavillon administratif en 1939. Au même                                venu en 1944 alors qu’il revenait d’une ex-
plessis. Bénéficiant du programme d’aide                   moment, la collection horticole du Jardin                              cursion d’herborisation, fait en sorte que
aux chômeurs mis sur pied par le gouver-                   est vraiment entreprise et un programme                                le Jardin botanique connaît une période
nement du Québec, Teuscher peut enga-                      d’activités éducatives est mis en place                                où, selon André Bouchard, « une grande
ger deux mille hommes pour effectuer                       (grâce notamment à l’École d’apprentis-                                partie de son œuvre s’effrita. Plusieurs
une grande partie des travaux manuels                      sage horticole qui forme des jardiniers                                des groupes et sociétés associés au Jardin
dans le Jardin. Entre 1936 et 1939, on                     professionnels, aux jardinets d’écoliers                               et qui donnaient tout son dynamisme à
peut ainsi mettre en place une pépinière                   et à l’École de l’éveil)30. Au moment où                               l’institution disparurent. Le Jardin botani-
et des serres de service ; on aménage cer-                 éclate la Seconde Guerre mondiale, une                                 que, parc d’expositions botaniques et hor-
tains des jardins d’exposition et on pose                  grande partie du Jardin a déjà été aména-                              ticoles, a survécu grâce à la force du plan
les clôtures28 ; on creuse aussi les étangs et             gée au coût de onze millions de dollars31.                             de Teuscher, mais ne demeura pas le lieu
on utilise la terre ainsi obtenue pour créer               Le Jardin botanique ouvre véritablement                                de stimulation intellectuelle qu’il avait
le remblai du côté du boulevard Pie IX.                    ses portes en 1939 et connaît très tôt un                              été33. » Les cercles des jeunes naturalistes
Les mille plants d’arbres et d’arbustes                    grand succès : une première exposition                                 et les jardinets d’écoliers, qui avaient été
donnés par le Boyce Thompson Arbore-                       sur les chrysanthèmes attire plus de dix                               initiés par le frère Marie-Victorin, sont
tum de New York sont enfin mis en terre.                   mille visiteurs en 1940. À cette époque,                               toutefois maintenus. Henry Teuscher est
Une partie du pavillon administratif est                   on y reçoit parfois de quinze à vingt mille                            alors nommé conservateur et demeure
complétée, les fondations des serres d’ex-                 visiteurs le dimanche et les écoliers y vont                           au Jardin jusqu’au moment de sa retraite
position sont coulées et d’autres travaux                  la semaine32. Malgré cela, de 1939 à 1942,                             en 1962. Jacques Rousseau, botaniste et

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      ethnologue réputé, en devient le direc-        On accroît alors la superficie de certains      qu’il considère avant tout comme « une
      teur de 1944 à 1956 et il contribue à son      jardins et le nombre de spécimens aug-          institution d’éducation », ainsi que la nou-
      rayonnement par ses publications et ses        mente36. Certaines serres d’exposition et       velle vocation sociale du jardin moderne,
      recherches34. Les premières serres d’expo-     de service sont réaménagées, d’autres           qui contraste avec celle des anciens jar-
      sition qui avaient été démantelées au dé-      construites. Une grande serre d’exposi-         dins, qui étaient plutôt réservés aux scien-
      but des années 1940 commencent à être          tion est ainsi bâtie à l’extrémité ouest des    tifiques. Pour lui, le jardin botanique doit
      reconstruites et certaines sont inaugurées     serres d’exposition. Le complexe d’accueil      évidemment être un centre de recherche,
      en 1956. Les années 1960 sont marquées         est érigé pour recevoir des présentations       mais il doit aussi aider « le citadin déraciné
      par un certain déclin dans les activités et    sur les volets éducatif et scientifique du      à retrouver ou à conserver le lien salutaire
      les projets. De grandes expositions flo-       jardin. Le bâtiment administratif est ré-       avec la nature dont, après tout, il fait par-
      rales y sont cependant montées dans la         nové et on lui ajoute une annexe pour           tie »39. Il recommande deux types d’aména-
      serre centrale. C’est même à cette époque      accueillir les laboratoires de l’Institut de    gement pour rapprocher le grand public
      qu’est agrandi l’arboretum ; on utilise à      recherche en biologie végétale. Le Jardin       de la nature et l’intéresser aux sciences :
      cet effet l’ancienne carrière au nord du       s’implique également dans de nombreux           le jardin où se trouvent la flore indigène
      site, ce qui permet de prolonger le Jardin     projets comme la promotion en 1977 du           ainsi que quelques types de végétation
      jusqu’au boulevard Rosemont.                   parc écologique de Saraguay (une forêt si-      exotique et les jardins floraux (regroupant
                                                     tuée au nord de Montréal) et les Floralies      notamment des plantes vivaces, annuelles
      Il faut attendre les années 1970 marquées      internationales de 1980, qui marquent une       et aquatiques, une rocaille, un arboretum,
      par une conjoncture économique favo-           ouverture sur le monde. C’est aussi au cours    un jardin médicinal avec des plantes mé-
      rable et l’apparition des préoccupations       de ces années qu’apparaissent de nouveaux       dicinales utilisées par les Amérindiens et
      environnementales pour que le Jardin           aménagements : le ruisseau fleuri (1976), la    un jardin économique 40). Comme autres
      botanique de Montréal s’épanouisse à           roseraie (1976), les jardins du Japon (1988)    possibilités de jardins, il propose un jardin
      nouveau, tout en demeurant dans la             et de Chine (1991). Même après le départ        de rhododendrons et d’azalées, un jardin
      continuité de la vision mise de l’avant par    de Pierre Bourque en 1993, cette tendance       oriental et un jardin anglais ; tous ces amé-
      ses fondateurs. Avec l’arrivée de Pierre       se poursuit avec la maison de l’arbre (1996),   nagements verront le jour au cours des
      Bourque à titre de responsable des jardins     la cour des sens (1999) et le jardin des Pre-   années 1970 à 1990. Pour Henry Teuscher,
      extérieures dans les années 1970 et de di-     mières-Nations (2001). Tous ces nouveaux        les possibilités offertes par les différents
      recteur en 1980, les activités scientifiques   projets et ces installations permettent au      types de jardins sont nombreuses et il est
      et culturelles reprennent, redonnant tout      Jardin botanique de Montréal d’avoir un         important de savoir se renouveler. Il pré-
      son dynamisme à l’institution : travaux de     plus grand rayonnement et d’acquérir une        voit aussi une section destinée aux jardins
      recherches dont les résultats sont publiés,    réputation internationale.                      des enfants, comme on en trouve alors
      constitution de collections et d’inventai-                                                     au jardin de Brooklyn ; mais, selon lui, ces
      res, activités de vulgarisation, fondation     Le Jardin botanique de Montréal :               jardins doivent être assez à l’écart pour
      de la Société d’animation du Jardin et de      un jardin botanique « idéal »                   ne pas déranger les autres activités qui se
      l’Institut botanique – qui permet à ses                                                        déroulent sur le site. Dans ce texte, il s’in-
      membres d’approfondir leurs connais-           Le frère Marie-Victorin a dès l’origine une     téresse aussi à l’aménagement physique
      sances en botanique et en horticulture         vision précise de ce qui définit un jardin      des lieux : présence d’avenues bordées
      notamment par la publication d’une re-         botanique moderne, lequel doit se distin-       d’arbres, d’un restaurant, de terrains de
      vue de vulgarisation scientifique –, créa-     guer des jardins ordinaires par sa beauté,      jeux et d’aires de pique-nique. Il prépare
      tion de la nouvelle école d’horticulture       son organisation et son utilité37. Il perçoit   un premier plan très détaillé du Jardin bo-
      Louis-Riel, en collaboration avec la Ville     le côté esthétique particulier à ce type        tanique de Montréal dès 1937-1938. À cet
      et la Commission des écoles catholiques        de jardin comme une façon de piquer la          égard, le Jardin botanique de Montréal
      de Montréal, et fondation de l’Institut de     curiosité du public et de susciter l’intérêt    serait l’un des seuls à avoir été entrepris
      recherche en biologie végétale. En outre,      pour les sciences. Henry Teuscher partage       dès le départ avec un tel plan41.
      une plus grande coopération se dévelop-        la même vision. Déjà en 1933, celui-ci ré-
      pe avec l’Université de Montréal et on as-     dige un texte intitulé « Programme d’un         Cette vision orientée par des considé-
      siste à la mise sur pied d’un programme        jardin botanique idéal »38, où il souligne      rations d’ordres social, pédagogique et
      de formation et de diverses sociétés35.        l’importance pédagogique d’un tel lieu,         scientifique se poursuit avec Jacques Rous-

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seau qui prend la relève à la suite du décès   delà de neuf cent mille spécimens repré-        que, une oasis de beauté et de fraîcheur,
du frère Marie-Victorin. Par ailleurs, avec    sentant quatre-vingt-dix-neuf pour-cent         mais surtout d’éducation pour le peuple
l’arrivée de Pierre Bourque dans les années    de la flore du Québec. Les collections du       et pour l’enfant » 48 . Dès 1938, il fonde
1970, les activités à caractère pédagogi-      Jardin sont toujours enrichies par les ré-      l’École d’apprentissage horticole et ré-
que, tout en s’inscrivant dans la continui-    coltes effectuées par les botanistes lors       serve une section du Jardin à des jardinets
té des idées mises de l’avant par Henry        d’expéditions de recherche et grâce aux         destinés aux jeunes écoliers. Puis, en 1939,
Teuscher, sont renforcées, en favorisant la    échanges avec d’autres institutions. On y       il y installe l’École de l’éveil, fondée par sa
création de jardins qui mettent en vedette     trouve actuellement plus de vingt-deux          collègue Marcelle Gauvreau, dans le but
un type de plantes (comme la roseraie) ou      mille espèces et cultivars de plantes prove-    de permettre aux jeunes citadins de dé-
des jardins thématiques (comme le jardin       nant de différentes régions du monde.           couvrir la nature. En 1943, peu de temps
de Chine ou le jardin japonais que men-                                                        avant sa mort, il entreprend un projet
tionnait déjà Teuscher en 1933).               Tout ce patrimoine végétal est essentiel        d’association entre le Jardin et l’Institut
                                               à la recherche menée par l’Institut de          botanique de l’Université de Montréal.
Le jardin botanique de Montréal :              recherche en biologie végétale, orga-
ses missions42                                 nisme affilié à la Ville de Montréal et à       Cette vocation pédagogique se perpétue
                                               l’Université de Montréal45. La recherche        de nos jours par des programmes destinés
Nous verrons ici brièvement comment ce         se fait sous l’égide de cet Institut qui re-    au grand public, dont diverses activités
Jardin botanique s’acquitte de ses gran-       groupe des professeurs du Département           de vulgarisation scientifique et d’anima-
des missions, soit la recherche scientifique   des sciences biologiques de l’Université        tion dans les domaines de l’horticulture,
et la conservation, l’exposition et l’éduca-   de Montréal et des botanistes du jardin.        de la botanique et des sciences naturel-
tion, lesquelles ont orienté le développe-     Créé en 1990, cet Institut origine en fait      les : visites guidées, ventes de plantes,
ment de ce lieu depuis ses tout débuts et      de l’Institut botanique qui avait été fondé     expositions thématiques et didactiques,
lui ont donné ses caractéristiques actuel-     en 1923 par le frère Marie-Victorin ; l’as-     événements spéciaux pour faire décou-
les, tout en contribuant à son essor et à      sociation avec l’Université de Montréal         vrir de nouvelles cultures aux visiteurs,
en faire un grand jardin botanique.            remonte également au tout début de la           renseignements horticoles, ateliers et
                                               création du Jardin. L’Institut de recherche     cours d’horticulture, publications de vul-
La recherche scientifique                      en biologie végétale se consacre surtout        garisation, dont la revue Quatre-Temps,
et la conservation                             à la biologie moléculaire, à la biodiversité    et l’accès à une bibliothèque spécialisée.
                                               et à l’écologie46. Il a acquis une réputation   Il existe aussi toute une gamme d’activi-
Depuis sa fondation en 1931, le Jardin         de chef de file mondial dans la recherche       tés destinées spécifiquement aux jeunes :
botanique de Montréal joue un rôle             sur la diversité de la vie végétale 47. Les     camps de jour, jardins-jeunes, visites pour
dans l’avancement de la recherche en           chercheurs de l’Université de Montréal          la clientèle scolaire, site Internet, etc. Une
botanique et est un important centre de        mènent surtout des recherches dans des          salle adjacente aux serres leur est même
référence en horticulture tant à l’échelle     disciplines comme la génétique, la biochi-      réservée, la salle Chlorophylle. Dans le
nationale qu’internationale 43. Les collec-    mie des plantes ou la biologie molécu-          Jardin même, des panneaux informatifs
tions commencent très tôt à y être orga-       laire. Ceux du Jardin orientent davantage       renseignent le visiteur sur l’histoire, l’évo-
nisées. Des dons de semences arrivent dès      leurs recherches vers les besoins du Jar-       lution et les qualités horticoles de chaque
1936 de Chine, des États-Unis, d’Écosse, de    din ; ils assurent la gestion des collections   jardin. Les plantes et les arbres y sont aussi
France, etc. ; à cette même époque Henry       de végétaux et sont responsables des in-        identifiés. Les espèces rares ou menacées
Teuscher et le frère Marie-Victorin entre-     ventaires et des répertoires.                   y sont signalées. Une simple promenade
prennent des excursions d’herborisation                                                        dans ce Jardin est donc une occasion de
au Québec et au Nouveau-Brunswick. En          L’exposition et l’éducation                     dépaysement, mais aussi de multiples
1937, le registre du jardin compte déjà                                                        découvertes, occasionnées tant par la
douze mille lots de plants 44 . Présente-      Dès le début, le frère Marie-Victorin ac-       présence de la flore du Québec et du Ca-
ment, le Jardin compte une collection de       corde une grande importance à la voca-          nada que par celle de régions exotiques
semences classifiées selon les normes des      tion éducative du Jardin, qu’il considère       et lointaines. Par ailleurs, de nombreuses
grands instituts botaniques. Il abrite aussi   comme essentielle. Il écrit en 1937 dans Le     sociétés, fondations ou écoles s’intéres-
l’Herbier Marie-Victorin qui compte au-        Devoir qu’il est « une institution scientifi-   sant à l’horticulture, à la botanique ou

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