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de la Fondation de la Résistance Reconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République n° 92 – mars 2018 – 5,50 € Dossier thématique Les timbres et la mémoire de la Résistance
Histoire d’objets de la Résistance Cette rubrique de La Lettre présente, chaque trimestre, l’histoire d’un objet emblématique de la Coll. privée mnemosyne 78 Résistance. Elle montre comment ces objets ont marqué durablement l’histoire et la mémoire de la Résistance. Les lecteurs peuvent retrouver d’autres objets commentés de la sorte grâce au musée de la Résistance en ligne www.museedelaresistanceenligne.org Prises de guerre et trophées des résistants La fonction utilitaire de la prise de guerre, se procurer des moyens pour combattre, se prolonge Des résistants décorent parfois les étuis des par une fonction symbolique, celle de collecter des trophées comme preuves de sa victoire sur armes qu’ils capturent avec des attributs de l’ennemi . l’ennemi (insignes de grades ou d’armes, décorations…). C’est le cas, pour ce FFI du Les prises de guerre une nécessité de Toulouse le 3 septembre 1944, présente des Finistère qui a agrafé sur l’étui d’un pistolet pour équiper les résistants guérilleros espagnols engagés dans la Résistance allemand P38 des insignes de casquette d’un Jusqu’au printemps 1944, la Résistance fran- française coiffés de casques pris aux Allemands officier de la Luftwaffe, lesquels attestent au çaise manque cruellement d’armes et ce malgré qu’ils ont eu soin de repeindre en bleu. premier coup d’œil de son origine adverse. la récupération de celles abandonnées par l’armée française en 1940. Face à cette situation, Les trophées de guerre peau ennemi. La force symbolique du trophée certains résistants n’hésitent pas à s’en procurer et leurs fonctions symboliques atteint son paroxysme au Berghof, la résidence en attaquant des soldats allemands isolés ou des S’emparer des armes et des attributs de secondaire d’Adolf Hitler à Berchtesgaden en membres des forces de répression. D’autres uti- l’ennemi n’a pas qu’une fonction utilitaire pour Autriche. En ce lieu les soldats américains de la lisent des stratagèmes tout aussi efficaces comme les résistants. Elle relève également de pratiques 101 e division aéroportée et les soldats français les élèves du lycée Le Braz de Saint Brieuc qui et rituels qui semblent d’un autre âge mais de la 2e division blindée de Leclerc se livrent à dérobent des armes laissées sans surveillance dont la fonction symbolique reste universelle. une compétition acharnée pour la récupération aux portemanteaux de cafés par des soldats Dans la Rome antique, les généraux victorieux de trophées. Certains de ces « souvenirs » sont allemands(1). Même au moment de la Libération sont honorés lors d’un Triomphe, cérémonie aujourd’hui exposés dans des musées tels le la capture d’armes sur l’ennemi est toujours durant laquelle ils défilent à la tête de leurs musée de l’Armée ou le musée de l’Ordre de la une nécessité pour bon nombre d’insurgés. Par troupes et présentent leurs butins de guerre : Libération à Paris. Ils sont les signes tangibles exemple, à la libération de Paris, André Noin, armes et enseignes prises à l’ennemi, images du rôle de l’armée française dans la capitulation ancien des brigades internationales, combat dans des villes et des forteresses du pays conquis, du Reich. le 17e arrondissement avec un Mauser 98K, fusil trésors et insignes des rois vaincus… Signes Certains n’hésitent pas à risquer leur vie lors de dotation standard dans l’infanterie allemande, concrets d’une victoire sur l’ennemi, ces prises des combats pour cette chasse aux trophées. qu’il s’approprie en gravant sur le côté gauche de guerre permettent alors de s’approprier Jesse Glenn Gray, docteur en philosophie de la crosse le « V » de la Victoire et la croix de symboliquement la force vitale de l’adversaire. américain qui a participé à la Seconde Guerre Lorraine, marques qui symbolisent le passage Comme dans l’Antiquité, après la victoire sur mondiale en tant qu’officier, explique ainsi ce de cette arme dans l’arsenal de la Résistance(2). un ennemi, les résistants s’emparent de son arme phénomène pour les unités américaines : « Les Mais, il n’y a pas que les armes, les munitions mais aussi de tout attribut qui signale son appar- souvenirs ont pour fonction essentielle de donner au et les explosifs qui font défaut aux résistants, tenance au camp adverse comme les casques, soldat l’assurance qu’il a encore un avenir au-delà tous les autres équipements sont aussi acti- les casquettes, les décorations et les insignes de de l’environnement destructeur qui constitue son vement recherchés et saisis sur l’ennemi. Les grades… Cependant certains trophées ont plus présent. Ils représentent une promesse de survie(3).» ceinturons, les cartouchières, les brodequins, les de valeur que d’autres. C’est le cas des drapeaux Ce qui est vrai pour les soldats américains l’est calots et dans certains cas les casques reprennent nazis dont la capture est très souvent associée aussi pour les résistants qui prennent parfois du service dans les rangs de la Résistance après à une victoire sur une unité ou à la prise d’un des risques inconsidérés pour se procurer ces avoir été débarrassés de leurs insignes nazis. Ainsi, bâtiment. Pour s’en convaincre, il suffit de voir « souvenirs de guerre ». un cliché du photographe professionnel Jean le nombre de clichés pris pendant la guerre qui Au-delà de la preuve pour son propriétaire de Dieuzaide, pris lors du défilé de la Libération ont pour sujet le thème de la capture du dra- sa participation à la libération d’une ville, aux combats victorieux d’un maquis ou à la prise Le 3 septembre d’un bâtiment occupé par les forces allemandes, 1944, des certains de ces trophées vont devenir des objets guérilleros à usage commémoratif comme ce calot récupéré espagnols sur un soldat de la Wehrmacht qu’un résistant équipés de pièces du Finistère a transformé à son usage en y d’uniformes substituant les insignes nazis par son insigne (casques, FFI et une croix de Lorraine certainement pour ceinturons, le porter lors de cérémonies patriotiques(4). brodequins) et Frantz Malassis d’armes prises sur des soldats (1) Cf. Xavier Aumage et Julie Baffet, Mémoire d’objets. His- allemands toires de résistants, éd. Ouest France, 2016, p. 45. (Mauser 98K), (2) Pièce conservée au musée de la Résistance nationale à défilent dans les Champigny-sur-Marne. rues de Toulouse (3) Cf. Jesse Glenn Gray, The Warriors: Reflections on Men in à la Libération. Battle, New York, Harper & Row, 1959, p. 119. (4) Ce calot fait partie des collections du musée ©Photo Jean Dieuzaide/Service historique de la Défense, CHA-Vincennes, Fonds du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne. En couverture: Un des projets non retenus du timbre-poste Résistance (1947) dessiné par Paul-Pierre Lemagny. Bon à tirer, essai de couleurs du premier timbre Jean Moulin dessiné et gravé par René Cottet pour la première série des « héros de la Résistance. Coll. musée de la Poste, Paris/ © La Poste, 2018. 2 2 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 92 - mars 2018
Sommaire I l y a 75 ans, le 9 février 1943, le général de Gaulle créait la Médaille de le Résistance française, trois ans après avoir fondé l’Ordre de la Libération. Au cœur de la guerre, dans la tension de la préparation de la Libération du territoire national, il tenait à ce que l’engagement des hommes et des femmes qui l’avaient rejoint dans cette « aventure incertaine » DOSSIER THÉMATIQUE reçoivent l’hommage de la Nation. Patria non immemor, la Patrie qui n’oublie pas, telle fut la devise latine qui fut frappée à son revers. L’attribution de cette DR décoration repose sur la constitution d’un mémoire de proposition dont Les timbres et la mémoire de la Résistance les archives sont aujourd’hui ■« ■ La Résistance oblitérée »......................p. I à V Par Laurent Douzou et Jean Novosseloff L es timbres comme enjeu de pouvoir ......p. VI Par Fabrice Grenard une source inestimable pour mesurer la grande diversité des engagements, des parcours et Le mot du Président des formes d’action de cette cohorte de volontaires. Comme les dossiers d’homologation des ■ Les timbres de la France libre résistants gérés par le Service historique de la Défense, comme les archives collectées par le Comité gravés par Edmond Dulac..................... p. VII historique de la Deuxième guerre mondiale conservées par les Archives nationales, comme la presse Par Bruno Leroux et Frantz Malassis clandestine recueillie par la Bibliothèque nationale de France, l’accès plus aisé à tous ces corpus permet ■ L e faux timbre Pétain aux jeunes historiens d’investir de nouveaux champs de cette Histoire. de Défense de la France : un objet Il y a 25 ans, très exactement le 5 mars 1993, les résistants survivants créaient notre fondation. mémoriel à la Libération........................p. VIII Après la disparition inéluctable de ceux qui avaient lutté dans l’ombre pour la France et la Liberté, au Par Frantz Malassis pire moment de notre histoire, ils voulaient que le souvenir de leur combat et les valeurs qui les avaient motivés survivent et inspirent les générations suivantes. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons créer des synergies, des partenariats avec les différents Histoire d’objets de la Résistance......p. 2 organismes qui œuvrent, comme nous, à mieux faire connaître l’Histoire de la Résistance. D’ores et La vie de la Fondation déjà, la Fondation de la Résistance a signé des conventions avec les Archives nationales, le Service de la Résistance historique de la Défense, l’Ordre de la Libération, la Bibliothèque nationale de France. - Activités du département Mais toutes les actions que nous menons, qu’elles touchent aux domaines de la recherche recherche et pédagogie............................ p. 4 historique, de la pédagogie, de la mémoire et de la diffusion de ces connaissances par nos publications - Activités du département AERI ................ p. 7 ou nos sites internet, nécessitent des moyens financiers qu’il est de plus en plus difficile à réunir de - Hommage ................................................ p. 7 nos jours. C’est pourquoi vous trouverez, joint à ce numéro, un document qui vous présentera tous - Activités du département les moyens à votre disposition pour soutenir la Fondation de la Résistance : don, legs, donation documentation et publications..................p. 8 assurance-vie ou tout simplement un abonnement de soutien à notre revue… Tous vos soutiens, Les activités de l’Association même les plus modestes nous conforteront et nous permettront de poursuivre les missions assignées des amis de la Fondation par nos fondateurs depuis 25 ans. de la Résistance.................................... p. 5 Depuis 25 ans des hommes et des femmes venus de tous les horizons se sont engagés au sein À lire......................................................... p. 6 de la Fondation de la Résistance. Beaucoup de ceux de la génération des acteurs de cette période nous ont quittés, hélas. Récemment, avec la disparition de François Archambault, qui fut pendant Malgré toutes les démarches entreprises, la Fondation très longtemps notre secrétaire général et le président de Mémoire et Espoirs de la Résistance, de la Résistance n’a pas pu retrouver les ayants droit c’est la deuxième génération des enfants des acteurs qui a encore été touchée. Je voudrais ici de certaines photographies et œuvres graphiques. Les personnes disposant de ces droits peuvent prendre saluer son dévouement à transmettre l’héritage de la Résistance mais aussi présenter mes sincères contact avec la Fondation de la Résistance. condoléances à son épouse et à ses deux enfants. La Fondation de la Résistance ne l’oubliera pas ! Éditeur : Fondation de la Résistance Reconnue d’utilité publique par décret Monument Jean Moulin, dit le glaive brisé à Chartres. Œuvre conçue et réalisée par le sculpteur Marcel Courbier (DR) du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République 30, boulevard des Invalides – 75007 Paris Gilles Pierre LEVY Téléphone : 01 47 05 73 69 Télécopie : 01 53 59 95 85 Président de la Fondation de la Résistance Site internet : www.fondationresistance.org Courriel : contact@fondationresistance.org Directeur de la publication : Gilles Pierre Levy, Président de la Fondation de la Résistance. Rédacteur en chef : Frantz Malassis Comité de rédaction : Fabrice Bourrée, Paulina La Fondation vous invite Brault, Laurent Douzou, Fabrice Grenard, Frantz Malassis, Jean Novosseloff, Hélène Staes à la journée nationale de la Résistance le 27 mai 2018 Fichier des abonnés : Amélia Polonia-Vaz Le 27 mai prochain, dans le cadre de la journée nationale de la Résistance commémorant Maquette et impression : humancom – 2 bd du l’anniversaire de la séance constitutive du Conseil National de la Résistance, la Fondation général de Gaulle – 92120 Montrouge. Revue trimestrielle. Abonnement pour un an : 20 €. de la Résistance présidera comme chaque année la cérémonie quotidienne du ravivage de n° 92 : 5,50 € la Flamme sur la tombe du soldat inconnu. La Fondation y présentera symboliquement Commission paritaire plusieurs drapeaux qui lui ont été confiés par des associations issues de la Résistance lors n° 1120 A 07588 – ISSN 1263-5707 de leur dissolution. Dépôt légal : mars 2018 Nous vous invitons à venir partager ce moment de recueillement avec les membres du conseil Ce numéro comporte, sur l’ensemble du tirage, un d’administration de la Fondation de la Résistance. encart jeté La Fondation de la Résistance ne perdurera pas Réserver cette date dans vos agendas. sans vous !. Rendez-vous à 17h30 heures sous l’Arc de Triomphe. La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 92 - mars 2018 33
La vie de la Fondation de la Résistance Activités du département recherche et pédagogie Formations et conférences sur l’enseignement de la Résistance Photo Hélène Staes Le premier trimestre de l’année 2018 a été l’occasion pour l’équipe de la Fondation d’aller à la rencontre de la communauté éducative dans de nombreuses académies. Enseigner la Résistance Formation interdisciplinaire Intervention à deux voix d’Anne Bervas- Leroux et Bruno Leroux sur la poésie de la Résistance. La promotion active de l’ouvrage Enseigner la Pour la quatrième année consécutive, la Résistance (Canopé Éditions) s’est poursuivie en formation académique interdisciplinaire « Résis- ce début d’année par des événements d’enver- tance, répression, écriture » a eu lieu les 1er et gure. Dans l’académie de Dijon, l’IA-IPR d’his- 2 février 2018 au siège de la Fondation de la toire-géographie référent « mémoire et citoyen- Résistance et aux Archives nationales. Elle a neté », Pascale Goutagny, a organisé le 12 janvier réuni vingt-six enseignants de l’académie de dernier une formation sur le thème « Enseigner Versailles inscrits via le Plan académique de for- la Résistance ». Une quarantaine d’enseignants mation. Cette formation académique s’adresse étaient réunis aux Archives départementales de en priorité, mais sans exclusivité, à des binômes Photo Frantz Malassis Dijon pour accueillir les directeurs de l’ouvrage ou trinômes d’enseignants d’histoire-géogra- Tristan Lecoq et Laurent Douzou, accompa- phie, de lettres, de documentation et d’autres gnés d’Hélène Staes, responsable des activités disciplines de mêmes établissements scolaires. pédagogiques de la Fondation. Au siège de la Fondation de la Résistance, la Le 21 février 2018, la Fondation de la Résis- première journée a été consacrée aux différents Patricia Gillet dans les magasins où sont tance était présente aux « 10 ans du Mémorial registres d’écriture. Laurent Douzou, professeur conservés les cartons de la sous-série 72AJ de l’internement et de la Déportation, camp des universités, a présenté l’historiographie de la correspondant aux archives du Comité de Royallieu » à Compiègne à l’invitation de la Résistance au travers de textes puisés dans des d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale et directrice du Mémorial, Anne Bonamy, et du registres variés écrits pendant et après la guerre. La fonds privés de la période. directeur de l’atelier Canopé-Oise, Jean-Yves matinée a été aussi l’occasion de présenter l’ouvrage Bonnard. Fabrice Grenard a évoqué dans une Enseigner la Résistance. L’après-midi, une confé- ensuite présenté la salle des inventaires virtuelle conférence les enjeux actuels de l’enseigne- rence à deux voix sur la poésie de la Résistance a consultable en ligne(1) et le travail de collecte des ment de la Résistance. Hélène Staes a pré- été donnée par Anne Bervas-Leroux, agrégée de archives privées de la Seconde Guerre mondiale, senté l’ouvrage Enseigner la Résistance (Canopé lettres et formatrice dans l’académie de Versailles, dans lequel la Fondation de la Résistance a Éditions). et l’historien Bruno Leroux. Des poèmes ont été un rôle actif, en mettant l’accent sur les écrits Le 14 mars 2018, à l’initiative de François étudiés sous un double regard littéraire et histo- d’Albert Grunberg(2). Des documents originaux Icher, IA-IPR d’histoire-géographie référent rique, montrant ainsi la pertinence d’un travail ont été exposés à cette occasion. Annick Pegeon, « mémoire et citoyenneté », une centaine de interdisciplinaire en classe. Ces conférences sont responsable du service éducatif des Archives personnes assisteront au lycée Pierre de Fermat consultables sur le site du Musée de la Résistance nationales, a présenté l’offre pédagogique et à Toulouse dans la salle Jean-Pierre Vernant à en ligne. les ressources en ligne. Frantz Malassis, chef la présentation du livre Enseigner la Résistance Sur le site de Pierrefitte-sur-Seine des du département documentation et publica- par Tristan Lecoq, Laurent Douzou et Hélène Archives nationales, la deuxième journée de tions de la Fondation, a ensuite proposé une Staes, en présence de Réseau Canopé Toulouse. formation a été consacrée à la question de typologie des photographies de la Résistance Cet événement marquera la fin d’une véritable la transmission des archives et à la produc- et une exploitation pédagogique sur le mou- campagne de promotion coordonnée par la tion littéraire contemporaine. Patricia Gillet, vement Défense de la France. Pascale Pérard, Fondation, et commencée aux Rendez-vous conservateur en chef du patrimoine, a ouvert de la Maison des écrivains et de la littérature, de l’histoire de Blois en octobre 2016. Le aux enseignants les magasins où sont conser- a rappelé les modalités d’intervention d’un livre pourra bien sûr toujours être présenté à vés les cartons de la sous-série 72AJ (archives écrivain dans un établissement scolaire, avant l’invitation des partenaires et dans le cadre des du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre que Françoise Henry, auteure du livre Plusieurs formations académiques. mondiale et fonds privés de la période). Elle a mois d’avril (Gallimard, 2011) ne présente les archives familiales qui ont inspiré son travail. Un dialogue entre Anne Bervas-Leroux et Françoise Henry a permis d’interroger le travail Visite à Blois de l’écrivain et la question de la transmission d’une histoire familiale. Pour conclure, Hélène À l’invitation de Jean-Marie Génard, des Rendez-vous Staes, organisatrice de ces journées de forma- de l’histoire de Blois, et de la DSDEN de l’académie tion, a présenté une sélection d’archives privées d’Orléans-Tours, Fabrice Grenard et Hélène Staes ont issues du fonds Octave Simon consultable sur le présenté le thème et les ressources du CNRD 2018, Musée de la Résistance en ligne. La formation Photo Hélène Staes « S’engager pour libérer la France », à un public d’ensei- sera renouvelée l’an prochain. gnants et d’élèves à la bibliothèque Abbé Grégoire à Blois. Hélène Staes Ce déplacement a été l’occasion de visiter le musée de la Résistance et de la Déportation de Blois en présence de (1) Salle des inventaires virtuelle « Seconde Guerre mon- Michel Duru, résistant, de Yves Olivier, conseiller municipal délégué aux associations patriotiques diale » des Archives nationales www.archives-nationales. et aux ordres nationaux, et du conservateur Laurent Quilichini. Cette visite a permis de présenter le culture.gouv.fr/seconde-guerre-mondiale projet de refonte du musée dans un nouvel espace et une scénographie repensée. La Fondation de (2) Son journal personnel a été publié aux éditions de la Résistance, à travers son directeur historique, Fabrice Grenard, jouera un rôle de conseil. HS l’Atelier en 2001 sous le titre Journal d’un coiffeur juif à Paris sous l’Occupation. 4 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 92 - mars 2018
Dossier thématique Les timbres et la mémoire de la Résistance Ce dossier fait suite à la récente parution aux éditions du Félin du livre La Résistance SOMMAIRE oblitérée. Sa mémoire gravée par les timbres par Laurent Douzou et Jean Novosseloff. Il nous a paru intéressant de proposer à leurs auteurs d’en présenter les principaux ■ « La Résistance oblitérée »....................p. I à V acquis à nos lecteurs. Par Laurent Douzou et Jean Novosseloff ■ Les timbres comme enjeu de pouvoir .... p. VI « La Résistance oblitérée » ■ Par Fabrice Grenard Les timbres de la France libre gravés par Edmond Dulac..................... p. VII Par Laurent Douzou, professeur d’histoire contemporaine à Sciences-Po Par Bruno Leroux et Frantz Malassis Lyon, spécialiste de la Résistance et de la Seconde Guerre mondiale et Jean Novosseloff, président de l’association des amis de la Fondation ■ Le faux timbre Pétain de Défense de la France : de la Résistance un objet mémoriel à la Libération......... p. VIII Par Frantz Malassis Q ue peuvent nous apprendre sur la mémoire de la Résistance les images véhiculées par les timbres- poste émis en hommage aux femmes et aux hommes qui se sont levés contre l’occupant et le régime de Vichy, à celles et ceux à qui leur action résistante a valu d’être déportés (1) ? Que peut- on comprendre des mémoires, distinctes et complexes, qui se sont élaborées, affrontées parfois, depuis 1945 à propos de la Résistance ? L’évolution que dessinent les émissions des timbres-poste, leurs figurines et leurs dates de mise en circulation coïncide- t-elle avec les lectures couramment faites de la concrétion de la mémoire de l’Occupation ? Parallèlement aux cérémonies et discours officiels, aux productions cinématographiques, aux récits publiés par les actrices et les acteurs de ces luttes, à l’historiographie élaborée par plusieurs générations d’historiens, que pouvons-nous comprendre du devenir de la mémoire de la Résistance en scrutant les timbres émis à son propos ? Ces questions sont d’autant plus pertinentes et potentiellement fécondes que le processus par lequel les sujets des timbres commémoratifs sont choisis et conçus ne laisse pas le moindre interstice au hasard ou à l’improvisation. Il s’agit d’un parcours tout entier inséré dans une optique publique et officielle. Si les méandres n’en sont pas toujours faciles à repérer et à comprendre, il reste que c’est bien le pouvoir exécutif représenté par le ministre en charge de l’administration des Postes qui définit une ligne porteuse de sens. Les timbres commémoratifs expriment très exactement les faits, les événements, les épisodes, et par là, les valeurs, que les pouvoirs publics entendent promouvoir en même temps qu’ils reflètent le poids et l’influence des acteurs qui demandent, souvent avec insistance, leur réalisation. En conséquence, les émissions de timbres dédiés à la Résistance française constituent une sorte de baromètre de l’influence qu’ont pu exercer celles et ceux qui portaient sa mémoire. Si la représentation philatélique ne permet évidemment pas à elle seule de mesurer la force d’expression et de réception de la mémoire d’une période aussi dense que celle des années troubles de l’Occupation, elle en constitue tout de même un assez bon indicateur. Créé en France sous la Seconde République, le timbre-poste constitue, en effet, un indice hors pair des orientations et impulsions que l’État entend donner à la mémoire officielle. Miniature réalisée avec un art consommé par de talentueux artistes, il a ceci de remarquable qu’il peut être considéré à la fois comme un élément constitutif, révélateur et fixateur de la mémoire nationale. Tous droits réservés/ Coll. privée/©La Poste, 2018. Le timbre-poste Résistance émis le 10 novembre 1947. Imprimé en taille-douce, ce timbre a été dessiné par Paul-Pierre Lemagny et gravé par Charles-Paul Dufresne. Le dessin de Paul- Pierre Lemagny offre la représentation d’une Résistance anonyme et démunie. Le résistant légèrement vêtu ne porte ni symbole politique affirmé (pas de brassard) ni arme. La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 92 - mars 2018 I
Libération, en particulier celui émis le 16 janvier 1945 Leclerc est honoré par des émissions en 1948, Eugène Thomas. Coll. FNDIR-UNADIF qui consacre le retour d’une nouvelle « Marianne 1953 et 1954 tandis que le maréchal de Lattre est Résistant-déporté, cavalière à la coiffe révolutionnaire (2) » dessinée et gravée célébré par deux timbres en 1952 et 1954. Les deux dirigeant de la par Pierre Gandon. chefs de guerre sont ainsi hissés sur le pavois de la FNDIR-UNADIF, Il faut attendre novembre 1947 pour que les Postes reconnaissance publique, leurs exploits exaltés, leur treize fois ministre françaises rendent un premier et tardif hommage à souvenir pieusement cultivé. Dans le même temps, ou secrétaire d’État la Résistance à l’instigation de l’ancien Président du trois timbres rappellent des faits d’armes glorieux : des PTT, Eugène Thomas fut l’initiateur et Conseil Félix Gouin et du ministre des PTT Eugène les combats de Narvik en 1940 en Norvège et de le défenseur farouche des cinq séries des Thomas. Comme il est de règle en pareil cas, un Bir Hakeim en 1942 (1952) ; les débarquements « Héros de la Résistance ». concours est organisé et pas moins de 31 projets d’Afrique du Nord, de Normandie et de Provence sont proposés avec une déclinaison de toutes les (1954). En somme, l’exaltation de la dimension militaire représentations de l’époque. Leur variété même de l’épopée de la Résistance extérieure se fait au Une mémoire quasi absente démontre que l’évocation du terme générique de détriment de la Résistance intérieure qu’elle éclipse du paysage philatélique « Résistance » recouvre alors un très large spectre totalement.Au demeurant, le timbre émis en 1947, par (1945-1957) de représentations, d’une Résistance souffrante et sa simplicité, par le dépouillement de la représentation anonyme à une Résistance guerrière et active en qu’il propose, célèbre bien une Résistance sans arme Une étude poussée des timbres « commémoratifs » passant par des figures allégoriques féminines incarnant et dépourvue du moindre attribut de puissance, très mis sur le marché année après année met une République opprimée et emprisonnée qui se loin d’une peinture en majesté. sérieusement à mal l’idée généralement admise selon défend à mains nues et où bien souvent la croix de laquelle la Résistance aurait été omniprésente dans Lorraine est absente. Un éclatant regain la mémoire collective jusqu’au tournant des années En fin de compte, l’image retenue − celle de Paul- avec les cinq séries des « Héros 1970 marqué par un retour de bâton dont Le chagrin Pierre Lemagny, un des plus remarquables dessinateurs de la Résistance » (1957-1961) et la pitié de Marcel Ophüls (1971) et La France de de l’époque − représente la Résistance sous les traits Vichy de Robert Paxton (1973) auraient été les signes d’un homme à la poitrine à demi nue que deux soldats Au fil des ans, de nombreux résistants posent les plus marquants. allemands arrêtent et menottent. Le corps visiblement le diagnostic d’une disparition progressive de la À rebours de ce que chacun croit savoir et tient musculeux est légèrement vêtu comme pour souligner Résistance dans la mémoire collective et s’en pour solidement établi, la mémoire de la Résistance le dépouillement de la Résistance. émeuvent. Jean Cassou note ainsi en 1953 dans telle qu’on peut la percevoir à travers le prisme de Finalement durant cette période, c’est la dimension La mémoire courte : « On peut passer l’éponge sur l’édition de timbres de collection est étonnamment militaire de la Résistance extérieure qui est mise en la Résistance, […] prêcher la réconciliation dans absente du paysage philatélique de la Libération avant au détriment de la Résistance intérieure. Les l’aveuglement ... Mais les morts ? » C’est dans jusqu’en 1957. De 1945 à 1947, si aucun timbre ne hauts faits militaires de l’épopée de la France libre, ce contexte que germe le projet des séries traite de la Résistance, plusieurs sont consacrés à la de l’armée de Libération sont célébrés. Le maréchal « Héros de la Résistance ». Le ministre des PTT La première série des « Héros de la Résistance », 1957. Cette première série des « Héros de la Résistance » comprend cinq hommes (dont trois compagnons de la Libération) appartenant à ce que Georges Altman appelait « la haute société résistante ». Étaient ainsi distinguées des personnalités qui avaient joué un rôle de premier plan dans la Résistance pionnière. Ces cinq timbres sont imprimés en taille douce. Jean Moulin, dessin et gravure de René Cottet. Honoré d’Estienne d’Orves, dessin et gravure par Albert Decaris (Adagp, Paris, 2018). Robert Keller, dessin de Pierre-Paul Lemagny, gravure de Pierre Munier. Pierre Brossolette, dessin d’André-Spitz, gravure d’Henry Cheffer (Adagp, Paris, 2018). Jean-Baptiste Lebas, dessin et gravure de Robert Cami. Coll. privée/©La Poste, 2018. Coll. privée/©La Poste, 2018. Coll. privée/©La Poste, 2018. Coll. privée/©La Poste, 2018. Coll. privée/©La Poste, 2018. La cinquième série des « Héros de la Résistance », 1961. Cette cinquième et dernière série agrège un compagnon de la Libération (Jacques Renouvin), un postier fusillé en juin 1944 (Paul Gateaud), un jeune résistant fusillé en 1944 (Lionel Coll. privée/©La Poste, 2018. Coll. privée/©La Poste, 2018. Coll. privée/©La Poste, 2018. Coll. privée/©La Poste, 2018. Dubray) et une religieuse morte héroïquement à Ravensbrück (Mère Élisabeth de l’Eucharistie). Ces quatre timbres sont imprimés en taille douce. Jacques Renouvin, dessin d’André-Spitz, gravure de René Cottet. Lionel Dubray, dessin d’André-Spitz, gravure de René Cottet. Paul Gateaud, dessin d’André-Spitz, gravure de Jean Pheulpin. Mère Elisabeth, dessin d’André-Spitz, gravure de Jean Pheulpin. II La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 92 - mars 2018
Dossier Archives UNADIF, non classées. Archives UNADIF, non classées. Une des trois cartes philatéliques « Premier jour » illustrant le parcours de Léonce Vieljeux. Celle reproduite ici illustre son premier acte d’opposition aux Allemands. Reproduction de l’affiche de Gonzague parue dans Le Déporté Alors maire de La Rochelle, il « refuse en 1940 de remplacer le drapeau (revue de l’UNADIF-FNDIR) n°104-105, avril-mai 1957. français par le drapeau allemand. » Deux autres cartes évoquent Chacune des émissions des séries « Héros de la Résistance » et des « Hauts lieux de successivement son arrestation le 13 avril 1944 « avec son petit-fils et ses la Résistance » fut l’occasion d’une grande manifestation philatélique dans le hall et les neveux » et son exécution « avec les siens et 114 membres du réseau salons du ministère des Postes, situés à l’époque avenue de Ségur à Paris. Toutes étaient Alliance dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944 ». placées sous le patronage du président de la République et organisées par l’Association Le timbre Léonce Vieljeux est dessiné par André-Spitz et gravé des déportés, internés et familles de disparus (UNADIF). par Pierre Munier. Eugène Thomas en prend l’initiative en 1956. fusillés en 1943, Pierre Masse, Maurice Ripoche, Au total, les séries des héros reflètent donc une Cinq séries verront le jour entre 1957 et 1961. Là Léonce Vieljeux, René Bompain, Jacques Renouvin, mémoire particulière de la Résistance avec une encore, cette initiative a de quoi désarçonner parce Lionel Dubray, Mère Elisabeth). surreprésentation de la mémoire socialiste et une qu’elle infirme la manière dont sont habituellement Eugène Thomas ayant posé pour règle qu’un postier, place de choix octroyée à la résistance des PTT. appréhendées la propagation et la dissémination de la « ceux qui avaient été l’œil et l’oreille de la Résistance », Les vingt-trois timbres qui constituent ces mémoire de la Résistance. Résistant-déporté, dirigeant figurerait dans chaque série, cinq d’entre eux accèdent séries furent conçus et réalisés par des graveurs et de la Fédération nationale des déportés et internés à l’effigie postale : Robert Keller, Simone Michel-Lévy, dessinateurs de haute réputation. Ces femmes et de la Résistance-Union nationale des associations des Gaston Moutardier, Edmond Debeaumarché et Paul hommes étaient représentés en buste, les visages déportés internés et familles de disparus (FNDIR- Gateaud. de profil ou de face : « volontaires et résolus ». En UNADIF), pur représentant du socialisme du Nord, En vertu d’une autre règle formulée publiquement haut de chaque vignette postale, en caractères gras solidement anticommuniste, son auteur, Eugène et abruptement par Eugène Thomas le 18 mai 1957 à leur titre : « HÉROS DE LA RÉSISTANCE » avec le Thomas, prend cette décision parce qu’il ressent l’occasion de l’émission de la première série, il n’y a portrait de chacun encadré par des gerbes de blés. l’urgente nécessité de contrebattre l’effacement de aucun résistant dûment estampillé communiste parmi Le nombre de timbres émis au cours de ces la mémoire de la Résistance dans la phase de grands les vingt-sept héros. « Je le dis carrément : sur le terrain cinq années fut considérable, soixante-dix millions troubles que traverse la IVe République. Il en résulte de la Résistance, tous ceux qui – quelles que soient leurs de timbres, soit de 22 à 32 % des émissions totales que la manifestation la plus spectaculaire entreprise opinions politiques – ont “bougé” dès 1940, sont mes (hormis, bien sûr, les timbres d’usage courant) au pour promouvoir le souvenir de la Résistance est frères. Ceux qui ont attendu 1941 ne seront jamais pour cours de ces cinq années. étrangère à la fois aux communistes et aux gaullistes, moi que des “alliés” faits en cours de route, le jour où L’examen des manifestations publiques et officielles pourtant toujours présentés comme les deux versants, Hitler, oubliant les félicitations qu’il avait reçues de Staline, auxquelles donnent lieu ces émissions montre à la antithétiques mais complémentaires, d’une mémoire après sa victoire sur l’armée française, décida d’attaquer fois l’éclat que le pouvoir entend leur donner et le résistante hégémonique (3). la Russie (4). » très bon accueil qui leur est réservé dans la presse. L’examen des conditions dans lesquelles les À l’exception notable du parti communiste, les On redécouvre à cette occasion la Résistance. Lors héros choisis pour illustrer les séries philatéliques cinq séries émises entre 1957 et 1961 reflètent assez de ces manifestations, les associations, en particulier de prestige émises entre 1957 et 1961 ont été bien la diversité de la Résistance (France combattante, l’UNADIF et les postes, eurent à cœur d’éditer des retenus démontre aussi la complexité du réseau mouvements et réseaux de la Résistance intérieure) séries de cartes philatéliques qui « racontent par des porteurs de mémoire à l’œuvre dans le avec toutefois un net déséquilibre en défaveur l’image » le ou les parcours de ces héros. processus de désignation. À côté de personnages des femmes, trois seulement ayant été choisies(5). de premier plan ayant exercé des responsabilités Dix des vingt-sept héros sont compagnons de la En même temps, la ritualisation de l’exercice importantes et dont il n’est pas surprenant que Libération. Tous les héros, à l’exception d’Edmond ne résiste pas à une certaine érosion d’autant la mémoire subsiste (Pierre Brossolette, Honoré Debeaumarché (compagnon de la Libération, décédé que la cinquième et dernière série paraît au d’Estienne d’Orves, Jean Moulin, Jean Cavaillès, en 1959, honoré dans la quatrième série un an jour moment précis où le pouvoir gaulliste est Fred Scamaroni, Jacques Bingen), on trouve dans pour jour après sa disparition), sont morts pendant brutalement défié par la tentative de putsch mené ces séries des individualités dont le souvenir est l’Occupation : fusillés, abattus, torturés, décédés par des généraux depuis Alger en avril 1961. porté par des proches (famille, amis, camarades de en déportation ou des suites immédiates de leur Cette collision entre l’exaltation de la mémoire combat, etc.) qui multiplient les démarches pour déportation. Ils donnent plutôt à voir l’ image d’une résistante et les feux d’une actualité dramatique qu’hommage soit rendu à leur sacrifice (Jean- Résistance issue de la France d’en haut, à travers marque le chant du cygne de cette phase Baptiste Lebas, Yvonne Le Roux, Louis Martin- ses élites et ses cadres. Les paysans, employés et aussi intense que brève au cours de laquelle la Bret, Médéric-Védy, les cinq élèves du lycée Buffon ouvriers sont absents de l’éventail qu’ils dessinent. Résistance a été remise au tout premier plan. Fondation de la Résistance La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 92 - mars 2018 III
Poste, 2018 La agp, Paris 2018/© Archives UNADIF, non classées. Coll. privée/© Ad Une des trois cartes philatéliques qui retracent le parcours de Mère Elisabeth de l’Eucharistie depuis sa naissance en Algérie. Timbre-poste À la mémoire des résistants Celle-ci montre sa mort héroïque. « Le Vendredi Saint 30 mars 1945, de l’Ile de Sein émis le 9 avril 1962. à Ravensbrück, Elise Rivet prend la place d’une mère de famille désignée pour la chambre à gaz. » Imprimé en taille-douce, il a été dessiné et gravé Le timbre Mère Elisabeth est dessiné par André-Spitz et gravé par Jean Pheulpin. par Albert Decaris. La dilution de la mémoire prêtait mal à la mise en avant de figures individuelles femme » (1983) alors même que cette résistante, de la Résistance (1961-2017) à caractère héroïque. Quoi qu’il en soit, la parenthèse morte en déportation, avait fait l’objet d’un véritable se referma. culte dès le temps de la clandestinité, son souvenir Maintenues après le retour du général de Gaulle Depuis lors, des femmes et des hommes ayant étant ensuite entretenu par les organisations au pouvoir en 1958, les séries des héros de la appartenu à la Résistance ont été occasionnellement féminines communistes lors de grandes soirées Résistance connaissent leur cinquième et dernière distingués par des timbres. Ainsi, le général Diego commémoratives(14) ; Pierre Mendès France parti émission en 1961. À cette date, le ministre des Brosset, commandant de la 1ère Division Française rejoindre Charles de Gaulle à Londres en février 1942 Postes, Michel Maurice-Bokanowski, ancien de la Libre (1ère DFL) et le général Charles Delestraint, et engagé dans les Forces aériennes françaises libres, France combattante et compagnon de la Libération, chef de l’Armée secrète, ont chacun fait l’objet d’un le timbre émis à son effigie en 1983 ne comportant annonce que les membres de la Commission timbre en 1971 mais cette distinction leur a été aucune mention pour rappeler son appartenance à la consultative des timbres-poste ont décidé à attribuée dans une classique « série des célébrités » France combattante. C’est également le cas pour les l’unanimité de mettre fin au cycle inauguré en 1957. aux côtes du prix Nobel de chimie Victor Grignard, effigies postales consacrées à René Cassin, au titre Sa justification est la suivante : « Le choix auquel ils du prestidigitateur Robert Houdin, de l’aviateur des « Droits de l’Homme » (1983), Pierre Cot (15) en étaient obligés de procéder entre d’authentiques héros Henry Farman et du compositeur Daniel-François- 1986 ; Max Hymans, au titre du rôle qu’il avait joué était trop délicat et aussi arbitraire à l’égard de ceux dont Esprit Auber. On n’aurait pas pu mieux signifier, en dans l’aviation sans mention aucune de son action au le nom ne pourrait jamais être retenu(6). » Il propose les incluant dans cet inventaire à la Prévert, que le sein du Special Operations Executive, pourtant célébrée donc « d’honorer au-delà des personnes, l’idéal commun temps des héros de la Résistance, élus en qualité de au Royaume-Uni jusqu’à nos jours (1990) ; Marcel qui a uni tous ceux de la Résistance » par l’entremise représentants d’une frêle cohorte valeureuse, était Paul, pour le dixième anniversaire de la mort de cet d’une série de trois timbres reproduisant des lieux révolu. ancien député communiste, déporté à Buchenwald, symbolisant la Résistance : le Mémorial de la France La Résistance et aussi le souvenir de l’horreur que le timbre caractérisait en tant que ministre de combattante du Mont-Valérien officiellement inauguré concentrationnaire ont ensuite continué à être la Production industrielle à la Libération et créateur par le général de Gaulle le 18 juin 1960, l’île de Sein, évoqués, avec une intensité variable mais, tout d’EDF-GDF (1992) ; Félix Eboué, compagnon de la le Vercors. Les trois timbres sont émis le 9 avril 1962. bien considéré, extrêmement faible. De nouvelles Libération, gouverneur du Tchad en 1940, rallié au L’année suivante, deux timbres « glorifiant les idéaux figures ont été honorées au fil des ans : Frédéric- général de Gaulle représenté en arrière-plan du de la Résistance et de la déportation » voient le jour : le Henri Manhès(7), Pierre Kaan(8) et Jean Verneau(9) timbre lors de sa visite à Brazzaville en janvier 1944 premier sorti le 25 mars 1963 représente la crypte représentés côte à côte sur un même timbre pour (2004) ; Guy Môquet qui constitue une exception car des déportés de l’île de la Cité à Paris, le second émis le 30e anniversaire de la libération des camps de son nom s’identifie aux exécutions de Châteaubriant le 23 novembre reproduit le monument du cimetière concentration (1975) ; Edmond Michelet, résistant et le 22 octobre 1941 (2007) sans pour autant qu’il en militaire de Morette près de Thônes érigé en Haute- déporté, sans mention de ces deux qualités-là (1975) ; soit fait état et quelques autres, peu nombreux à Savoie en mémoire des maquisards des Glières. Eugène Thomas, ce qui était bien le moins compte dire vrai. En mars 1964, deux vignettes sont émises. La tenu de son statut de résistant et de l’action qu’il avait Très significatif de cet estompage étonnant est le première reproduit la statue du sculpteur français déployée en faveur de la mémoire de la Résistance timbre conçu en 2015 pour Laure Diebold, une des Gaston Watkin érigée dans les jardins du Luxembourg (1975) ; les martyrs de Châteaubriant (1981) ; Louis six femmes compagnon de la Libération, qui ne fait en 1956 en hommage à la jeunesse étudiante Armand, académicien et compagnon de la Libération, pas référence à son engagement résistant si ce n’est résistante. La seconde est dédiée à la déportation avec l’un des promoteurs de Résistance-fer, qui « participa par la présence d’une croix de la Libération sur le le sobre dessin des deux mains d’un déporté agrippées sans relâche à cette glorieuse Bataille du Rail que l’écran côté gauche de son uniforme. Il faut, pour déterminer à des barbelés avec un mirador en arrière-plan. a rendue légendaire(10) … » mais dont la qualité n’était pour quelle raison un tel honneur est dispensé à Que les séries des héros se soient interrompues pas précisée sur le timbre (1981) au contraire de cette femme à propos de laquelle le timbre ne livre et aient cédé la place à une exaltation de lieux Berty Albrecht(11) et Renée Levy(12) célébrées chacune aucune autre indication que ses dates de naissance éminemment représentatifs de la mémoire de la comme « héroïne de la Résistance » (1983) ; Danièle et de décès (1915-1965), être capable d’identifier la Résistance signifiait sans doute que l’époque se Casanova(13) honorée au titre d’un « hommage à la décoration qu’elle porte… IV La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 92 - mars 2018
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