LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France

La page est créée Carole Guerin
 
CONTINUER À LIRE
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
LE MOT DU PRÉSIDENT
Chers sociétaires,
Mes chers amis,

Avec le décès de Paul Bocuse, « Monsieur
Paul », l’année 2018 a démarré bien
tristement.
Monsieur Paul, leader incontesté et
incontestable de notre profession, est
parti rejoindre au paradis des cuisiniers
ses vieux copains, Jean Troisgros, Roger
Vergé, Gaston Lenôtre, Bernard Loiseau,
Jean Ducloux, Jean Delaveyne et tant
d’autres.
Il doit y avoir une belle ambiance dans
cette auberge éternelle.
La question se pose aujourd’hui : qui
pour succéder à Monsieur Paul et
reprendre le flambeau de chef de file
de notre métier ?
Je pense que la succession se fera
naturellement et qu’un nouveau chef
charismatique émergera parmi les élites
de notre profession.
Dormez tranquille Monsieur Paul, votre
« après » sera certainement bien assuré.

Le 19 mars dernier, s’est tenu au Pavillon                   adeline.pannier@cuisiniersdefrance.fr ou
Dauphine notre traditionnel déjeuner                         au 01.42.61.52.75. Seules les personnes
des disciples d’Antonin Carême. Cette                        disposant d’un badge d’entrée seront
manifestation fut une réussite totale.                       autorisées à assister à l’évènement.
L’ensemble des plus de 300 participants,
était d’un avis unanime pour le                              Lundi 25 juin 2018
reconnaître. Nous avons profité de cet                       L’assiette d’or au Château de Janvry.
évènement pour distinguer certains de                        Les cuisiniers de France seront une fois
nos partenaires et confrères en leur                         de plus les partenaires de cette belle
remettant des médailles, grand or, or                        manifestation.
et argent des cuisiniers de France.
                                                             Vendredi 6 juillet 2018
Le samedi 7 avril, s’est tenue à notre                       Soirée blanche des Escoffier au
siège une première réunion informative                       Pavillon Gabriel nouvellement rénové.
sur la future création de la maison                          Là encore les cuisiniers de France sont
des cuisiniers de France. Sur 23                             partenaires de cette belle fête amicale
administrateurs, 17 étaient présents,                        et gastronomique.
ce qui prouve l’intérêt que nos élus
portent à ce projet. Beaucoup d’idées                        Votre bien dévoué,
intéressantes ont été avancées, tant au                      Christian Millet
niveau de la conception du projet que                        Président
de son financement.

Pour conclure, quelques dates à retenir :

Samedi 9 juin 2018
Journée familiale au boulodrome
AS B 1 2 Lé o L a g ra n g e 6 - 9 ro u te
d e s F o r t i f i c a t i o n s 75 0 1 2 P a r i s .
Renseignements et réservations par mail

                  La Revue Culinaire N°913               mai/juin 2018                                  1
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
2   La Revue Culinaire N°913   mai/juin 2018
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
Sommaire
                                                                   N°913
                                                                   MAI/JUIN
                                                                   2018
©Stéphane de Bourgies

                                                                   4
                                                                   Hommage
                                                                   Paul Bocuse
                                                                   1926 - 2018

  p.4                                                              58
                                                                   PARCOURS
                                                                   Roger Benhassoun

                                                                   72
                                                                   UN MÉTIER, UNE PASSION
                                                                   Mathieu Brécy

                                                                   VIE DE LA SOCIÉTÉ
                                                                   80
                                                                   Antonin Carême 2018
                                                                   88
                                                                   Iron Cook France 2018

                                                                   92
                                                                   LIVRES À DÉGUSTER

        p.58                                       p.72

            p.80
                                                                               En couverture,
                                                                                 Paul Bocuse
                                                                      © Stéphane de Bourgies.

                        La Revue Culinaire N°913   mai/juin 2018                                3
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
Hommage à Paul Bocuse
    1926-2018
    Le cuisinier rassembleur
                                                                                    par Gérard Gilbert

    Le dessin d’Alain Vavro, représentant Mon-             en 1986 aujourd’hui coprésidé par Guillaume
    sieur Paul les bras ouverts s’élançant vers son        Gomez et Michel Roth. Un an plus tard, en 1987
    prochain, compte parmi les chefs d’œuvre des           c’est le Bocuse d’Or, concours révolutionnaire
    artistes qui ont su saisi leur modèle. Il y a du       en matière de gastronomie, calqué sur les plus
    sacré là-dedans ; et en même temps la plus             grandes manifestations sportives culturelles
    criante des vérités …                                  ou populaires, dont le succès est aujourd’hui
                                                           universel.

    Rien de plus juste que son intitulé ‘ Cuisinier
    rassembleur’. Rassembler : sonner le rassem-           Visionnaire mais aussi communicant d’excep-
    blement ; action de réunir ce qui est éparpillé.       tion, autre talent qui lui valut, dans les années
    Monsieur Paul aura su rassembler contribuant           80, d’être le français le plus célèbre dans le
    grandement à sortir la profession des sous-sols        monde. Un statut qu’il mit avant tout au ser-
    pour l’élever à la lumière. De cette lumière qui       vice du rayonnement de nos trois couleurs, de
    attire tant de jeunes aujourd’hui, sans avoir à        notre gastronomie et du métier de cuisinier sur
    craindre de s’y brûler les ailes.                      les cinq continents. La gloire attisant la jalou-
                                                           sie, d’aucuns lui reprocheront le ‘culte du moi’.
                                                           Rappelons -leur que pour un homme qui avait
    Rassembleur mais aussi visionnaire. ‘ Il a tou-        le culte du moi il avait plus encore le culte des
    jours eu une longueur d’avance sur nous n’aura         autres, ceux de sa profession.
    cessé d’affirmer Pierre Troisgros…
    De fait ; à l’heure où nous vénérons avant tout
    la qualité du produit et ou leurs veilleurs, à leur    Un communicant au magnétisme et au cha-
    tour, deviennent idoles des média, rappelons-          risme évidents, sachant communier et faire
    nous qu’il fut un grand précurseur en la matière.      sourire d’une blague de son invention comme
    C’est à lui que l’on doit le slogan ‘ Notre lobby      lorsqu’il expliquait que le mot ‘canular’ venait de
    c’est le produit’ et la création d’Euro-Toques         ‘canut’, nom des ouvriers soyeux de Lyon et de ‘

4                               La Revue Culinaire N°913      mai/juin 2018
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
Hommage des Cuisiniers de France

                                                       Lard’. Le rire était aussi le propre de Monsieur
                                                       Paul. Ce pouvait être aussi un mot d’esprit qui
                                                                                                   titil-
                                                       se transformait vite en flèche lorsqu’on le titil
                                                       lait. Christian Millau l’apprendra à ses dépens :
                                                       Monsieur Paul, montait à l’assaut, respirant
                                                       assez facilement la fumée de la poudre.

                                                       Et puis, c’est, bien sûr, l’immense cuisinier
                                                       que l’on sait, grand apôtre de la cuisine clas
                                                                                                  clas-
                                                       sique et bourgeoise. Un cadeau du Ciel que le
                                                       doigt de Dieu l’ait désigné gardien du temple.
                                                       A l’Auberge de Collonges, on veille aujourd’hui
                                                       à ne trahir en rien la philosophie de Monsieur
                                                       Paul pour qui ‘ce qui était à la mode était déjà
                                                       démodé’. En revanche, on a toujours applaudi
                                                       une pièce de Molière !

                                                       Voici donc cet hommage à Monsieur Paul, ‘Her ‘Her-
                                                       cule’ de la profession. Nous avons jugé inutile
                                                       de retracer sa carrière, pour avoir été mille fois
                                                       ressassée. Mais préférer donner la parole à ses
                                                       familiers, ses vrais, ses authentiques compa
                                                                                                compa-
                                                       gnons de route. Pour que leurs témoignages
                                                       soulignent que le grand cuisinier fut aussi un
Dessin d’Alain Vavro.                                  homme vraiment exceptionnel.

                        La Revue Culinaire N°913   mai/juin 2018                                            5
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
Pierre Troisgros
    Paul Bocuse :
    70 ans d’amitié !
6      La Revue Culinaire N°913   mai/juin 2018
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
La Revue Culinaire N°913   mai/juin 2018   7
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
Pierre Troisgros - Paul Bocuse :
    70 ans d’amitié !
    Pierrot, Paulo•! Soixante-dix ans d’amitié, moins hélas avec Jean (ce
    frère qu’il n’aura pas eu). Nés à Chalon-sur-Saône, ils étaient comme
    Paul des enfants de la Saône. Des blagues de potaches de deux
    apprentis aux trois étoiles et à la notoriété planétaire, carnet de route
    à cœur ouvert de Pierre en hommage à Paul.

    Tout a commencé chez Lucas Car-
    ton en 1950. Jean et Pierre Trois-
    gros arrivent du Pavillon d’Arme-
    nonville, Paul de la Pyramide*** à
    Vienne après une autre institution
    de taille, la Mère Brazier***.
    C’est Paul qui tire le premier. Après
    avoir cloué les espadrilles de Pierre
    dans les vestiaires de l’enseigne
    doublement étoilée de la place de
    la Madeleine, il ne perd rien pour
    attendre… Pierre coud des ailes
    de faisan sur sa veste de cuisinier
    puis double la mise en inventant
    un rendez-vous galant sur le par-
    vis de l’église de la Madeleine. Paul
    poireaute. Personne ! Sauf toute la
    brigade qui, à la queue leu leu, lui
    demande, goguenarde, ce qu’il fait
    planté là. Après le coup des espa-
    drilles, ça lui fera les pieds !
    Paul n’en reste pas là. En guise
    de trêve, il propose sa chambre
    à Pierre après avoir planqué huit
    réveils préalablement réglés pour
    sonner de demi-heure en demi-
    heure. Impossible de fermer l’œil.
    Pierre traque les réveils toute la
    nuit en fulminant « Mais quel
    c… ! »
    N’empêche ! Une nuit même sans
    sommeil portant conseil et l’union
    faisant la force, Paul, Jean et Pierre
    décident de signer un armistice,         nière fort peu connue, devant le   chais tout sur la vitrine. Il me
    mettant leurs talents de comiques        bijoutier Cartier, rue Royale :    demandait si ça allait mieux,
    en commun pour prendre comme             « Je me mettais discrètement       “Ah ! oui, merci !... Ça va drôle-
    tête de Turc leur chef Gaston Ri-        du mou de poulet frais dans la     ment mieux !” Entre-temps, les
    chard, en lâchant des pigeons dans       bouche et je feignais une vio-     badauds qui léchaient la vitrine
    la cuisine. Loin des fourneaux, c’est    lente quinte de toux. Paul me      s’étaient égayés complètement
    du pareil au même, une petite der-       tapait dans le dos et je recra-    dégoûtés. Et les vendeurs sor-

8                               La Revue Culinaire N°913        mai/juin 2018
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
taient de la boutique en trombe           graisser la surface des sauces       c’était vraiment génial ! »
pour nous alpaguer. Fallait dé-           avec du papier hygiénique qui        Les liens tissés tant par leur sérieux
guerpir ! »                               n’était pas alors en rouleau, mais   aux fourneaux que par leurs facé-
                                          en feuilles. Ce qui n’en finissait   ties sont désormais indéfectibles.
Génial¨!                                  plus. Quand on a vu Paul plonger
                                          un tuyau en caoutchouc dans le
                                          fond du rondeau et siphonner
                                                                               Au fil de la Saône
Blagues de potache ou de cara-            jusqu’à ce qu’il ne reste plus que
bins qui marquent l’insouciance           la graisse. Où avait-il été pêcher   Par la suite, Pierre, par l’entremise
des années 1950, aube des Trente          ça ? En siphonnant des réservoirs    de Paul, entrera chez Point au
Glorieuses. Des plaisanteries fai-        d’essence ou des tonneaux ? En       garde-manger et se distinguera en
sant aussi office de soupapes de          tout cas, on s’est tous dit que      remplaçant Paul Mercier, malade.
sécurité pour mieux décompresser
quand on travaille dur dix-huit par
jour, avec l’ambition de devenir les
grands chefs et restaurateurs que
Paul, Jean et Pierre sont devenus.
Autant de souvenirs que
Pierre Troisgros aura évoqués en
plissant tellement ses yeux mali-
cieux qu’ils en viennent à se fermer.
Comme pour mieux savourer ce
passé. Avant d’ajouter que ces bla-
gues, ce n’est pas immoral. Ce qui
l’est, c’est la bêtise ! Pour le moins,
Paul n’est pas bête. Sacré bosseur,
ingénieux, il passe même aux yeux
du chef pour un génie :
« On passait notre temps à dé-

                             La Revue Culinaire N°913         mai/juin 2018                                             9
LE MOT DU PRÉSIDENT - Les Cuisiniers de France
Puis retrouvera la capitale chez        étourdissait systématiquement         qu’il ne digérait pas, c’était que
     Maxim’s*** dans la brigade alors        pour ne pas prendre de risque.        son père l’ait semé à vélo dans
     dirigée par Alex Humbert avant de       Et quand aucun nageur n’était en      le col de la Luère ! »
     rejoindre son frère Jean dans ce qui    péril, il faisait le clown crawlant
     est devenu l’hôtel restaurant des       au milieu de la Saône demandant       Une longueur
     Frères Troisgros couronné d’une
     première étoile en 1955, précédant
                                             aux pêcheurs la direction pour
                                             Grenoble ! Quand ce n’était pas       d’avance
     ainsi de trois ans celle que décroche   moi, il y en avait toujours un
     Paul, en 1958 à l’enseigne de l’Au-     pour lui répondre “l’Isère, pre-      J e a n - B a p t i s t e Tr o i s g r o s ,
     berge Pont de Collonges.                mière à gauche !” En revanche, ce     Georges Bocuse et leurs enfants
     Entre-temps de l’eau aura coulé
     sous le pont de Collonges. Et Pierre
     se souvient que le mardi, jour de
     fermeture chez Point il a souvent
     rejoint Paul sur les bords de Saône,
     à l’époque où il reprenait l’affaire
     de ses parents :
     « Je pêchais à la dandine les plus
     gros brochets en père peinard,
     tandis que Paul repêchait les
     nageurs en difficulté. Chacun
     sa spécialité. C’est ce qui lui a
     valu son premier article dans le
     journal. Il y a pris tout de suite
     goût. Non pas la toque sur la
     tête, mais le bonnet de bain, ver-
     sion homme-grenouille. C’était
     les coulisses de ses premiers
     exploits. Sauveteur, comme
     Georges son père, il était fier
     d’avoir sauvé seize personnes
     de la noyade et un cygne blessé
     par une flèche. Tout en précisant
     qu’il avait moins de mérite que
     son paternel qui se faisait fort
     de ramener les baigneurs sur
     la rive sans les avoir assommés
     au préalable, tandis que lui les

10                               La Revue Culinaire N°913         mai/juin 2018
Vous pouvez aussi lire