Le secret bancaire en Suisse

La page est créée Mickaël Devaux
 
CONTINUER À LIRE
DROIT
                                                         Nicolas Reichen

              Le secret bancaire en Suisse
                                                       Passé et avenir

Depuis quelques années, la presse fait presque quoti-                                       tobre 1932, à Paris, trois banques
                                                                                            suisses virent leurs bureaux de la capi-
diennement état de la notion de secret bancaire, thème                                      tale française perquisitionnés par la
qui semble être un sujet de discorde entre les Etats le                                     police de la métropole. Le résultat de
                                                                                            cette action se solda notamment par la
connaissant et bon nombre d’autres pays. Mais avant                                         découverte de listes de clients français
tout, se pose une question sans doute extraordinaire-                                       fortunés qui utilisaient ces établisse-
                                                                                            ments bancaires pour éviter d’être im-
ment banale, mais qui mérite néanmoins d’être posée:                                        posés sur leurs capitaux. Les montants
qu’est-ce que le secret bancaire au juste?                                                  en question étaient importants: environ
                                                                                            deux milliards de francs français de
                                                                                            l’époque. Les autorités françaises ten-
                                                                                            tèrent d’exiger la production de livres
                                                                                            comptables par l’une des banques in-
                                                                                            criminées en Suisse et allèrent même
1. Origines du secret bancaire              aboutit à l’adoption, le 8 novembre             jusqu’à mettre plusieurs cadres de cet
                                            1934, de la Loi fédérale sur les banques        établissement au secret pendant plu-
en Suisse                                   et les caisses d’épargne, qui entra en vi-      sieurs mois. Ces mêmes autorités pré-
Jusque dans les années 1930, bien que       gueur le 1er mars 1935. Des normes en-          sentèrent une demande d’entraide ju-
connaissant une pratique de discré-         térinant le secret bancaire y furent in-        diciaire transnationale à la Suisse qui la
tion dans les milieux bancaires en fa-      cluses. Ainsi, le secret bancaire naquit,       rejeta. Dès fin 1932, le gouvernement
veur de leur clientèle, la Suisse ne dis-   d’un point de vue législatif, d’une façon       français alors en place ayant démis-
posait d’aucune législation fédérale sur    relativement peu spectaculaire. Son in-         sionné, l’affaire se calma. Cette der-
les banques et le secret bancaire.          troduction fut «noyée» dans une masse           nière mit toutefois en exergue, en
                                            législative réglementant le domaine             Suisse, le problème de la fragilité rela-
Avec la montée de l’extrémisme, no-         bancaire de façon générale.                     tive de la protection des relations que
tamment en Italie et surtout en Alle-                                                       les banques suisses entretenaient avec
magne, le besoin d’une réglementation       Une intéressante affaire se produisit           leurs clients, notamment vis-à-vis de
du secret professionnel du banquier         quelques années avant l’introduction            l’étranger – soit des gouvernements de
se fit progressivement sentir. A titre      législative du secret bancaire. En oc-          différents Etats dont les résidents bé-
d’exemple, dès l’avènement du ré-                                                           néficiaient de comptes en Suisse – et
gime national-socialiste en Allemagne,                                                      confirma la volonté croissante de pro-
Adolf Hitler et son gouvernement exi-                                                       téger les clients de ces banques de l’in-
gèrent l’obtention d’une parfaite trans-                                                    trusion de tiers dans leurs affaires.
parence du patrimoine de tous les ré-
sidents allemands, citoyens ou non.
D’autres Etats prélevèrent des impôts
de guerre destinés à la reconstruction                                                      2. Définition
de très nombreuses infrastructures                                                          du secret bancaire
nationales détruites durant la guerre
de 14–18. Ces politiques eurent pour                                                        Le secret bancaire n’est rien d’autre
conséquence d’engendrer une deman-                                                          qu’un secret de fonction de tout em-
de toujours plus grande provenant de                                                        ployé de banque ou société assimilée,
nombreux contribuables européens                                                            l’obligeant à la discrétion sur ses rap-
d’obtenir un moyen efficient de placer                                                      ports avec sa clientèle [1]. En effet, le
une partie de leurs capitaux à l’abri                                                       secret de l’avocat, celui du notaire ou
des autorités fiscales nationales.                                                          encore celui inhérent à la profession de
                                                                                            médecin est une obligation comporte-
En Suisse, le besoin de réglementer              Nicolas Reichen, juriste, doctorant        mentale qui ne se distingue du secret
l’activité bancaire – de très nombreuses         en droit international privé, Fiduciaire   bancaire que par le sujet à qui est im-
                                                 Michel Favre SA, Lausanne et
faillites dans le domaine ayant eu des           Echallens/VD                               posée une obligation [2]. Ces secrets
conséquences extrêmement graves –                                                           professionnels quels qu’ils soient n’ont
L’Expert-comptable suisse 8/03                                                                                                    581
DROIT
                                             Nicolas Reichen, Le secret bancaire en Suisse

pour seul sujet que le professionnel qui     nappeur retors qui pose comme condi-            cret bancaire qui protège le détenteur
y est soumis et, par là, n’ont d’effet di-   tion à la libération de la personne sé-         d’un tel compte, comme pour n’im-
rect que sur ce dernier. Ainsi, un mé-       questrée le versement de la rançon sur          porte quel autre client de la banque.
decin ne peut pas, en théorie, révéler à     un compte numéroté ou à pseudonyme              Par conséquent, en cas de levée du
un tiers, y compris à une autorité éta-      auprès d’une banque, par exemple ge-            secret, seuls les employés connaissant
tique, sauf norme législative expresse       nevoise, dont il remet allègrement les          l’identité du détenteur seront maté-
prévoyant le cas contraire dans des si-      coordonnées à la victime de l’extorsion.        riellement à même de renseigner la jus-
tuations particulières, ou ordre éma-        Cet exemple est, à plus d’un titre illus-       tice et ils devront s’exécuter comme
                                                                                             dans n’importe quelle autre procédure
                                                                                             de levée du secret bancaire.

          «Tant les Etats-Unis d’Amérique que
       l’Union européenne s’opposent de manière                                              4. Le secret bancaire face
         toujours plus claire au secret bancaire.»                                           à l’actualité
                                                                                             Aujourd’hui, le secret bancaire semble
                                                                                             être de plus en plus mal coté [6]. En
                                                                                             effet, il est souvent présenté comme
nant d’une autorité judiciaire, quelque      tratif des mensonges colportés sur le se-       constitutif d’un moyen efficient ex-
information sur l’état de santé de l’un      cret bancaire.                                  ploité dans le dessein de se livrer à des
de ses patients sans son consentement.                                                       comportements criminels, à l’instar du
Le secret incombant à toute personne         En effet, les limites de la sphère de pro-      recyclage de capitaux ou, plus simple-
employée ou liée par un autre lien           tection [4] offerte par le secret bancaire      ment, on lui reproche de permettre une
contractuel à une banque crée exacte-        aux clients sont extrêmement claires: la        soustraction fiscale, tant interne que
ment les mêmes effets: le professionnel      législation interne suisse contraint à sa       transnationale. S’il est vrai qu’il a cer-
ne peut pas divulguer quelque rensei-        levée en cas de délit réprimé pénale-           tainement contribué à offrir un véhi-
gnement que ce soit sur un client de         ment (p. ex. fraude fiscale ou recyclage        cule aux candidats à l’évitement d’im-
l’établissement bancaire à un tiers, le      de capitaux). De plus, la Suisse colla-         pôt, il ne peut pas être décrit comme la
consentement du client étant réservé.        bore internationalement en matière              cause d’un tel mal. En effet, les lois fis-
                                             pénale avec les Etats étrangers dans les        cales de bon nombre d’Etats voisins
De qui le secret bancaire protège-t-il le    mêmes conditions [5]. A titre anecdo-           sont tellement confiscatoires qu’elles
client? Le secret professionnel du ban-      tique, si on reprend l’exemple susmen-          ont naturellement poussé le contri-
quier interdit tout échange d’informa-       tionné du kidnappeur, il serait extrê-          buable à tenter d’amoindrir son far-
tions entre tout employé et tout tiers, y    mement simple de geler tout avoir sur           deau fiscal. Il faut relever ici que cette
compris l’Etat ou tout organe gouver-        un compte dont le numéro est connu et           manœuvre n’a jamais été à la portée de
nemental, notamment étranger. D’un           d’obtenir l’identité de son titulaire. De       toute personne désireuse de dissimuler
point de vue juridique, le secret pro-       surcroît, le système du compte à nu-            une partie de son patrimoine au fisc na-
fessionnel du banquier constitue une
source d’obligations pour les banques
et non un privilège [3].
                                                 «En effet, les limites de la sphère de protection
                                                   offerte par le secret bancaire aux clients
3. Limites du secret bancaire                       sont extrêmement claires: la législation
Le secret bancaire est très souvent fort               interne suisse contraint à sa levée
maladroitement décrit, notamment par
le cinéma, et subit parfois des distor-              en cas de délit réprimé pénalement.»
sions grossières de son image. En effet,
il n’est pas rare de voir un film ou une
série télévisée présentant des criminels
de haut vol qui se doivent tous d’être ti-   méro ou à pseudonyme ne protège son             tional; on ne commet pas une soustrac-
tulaires d’un compte auprès d’un téné-       titulaire que d’éventuelles indiscré-           tion fiscale internationale simplement
breux établissement bancaire situé aux       tions – et, par là, des violations du se-       en déposant des capitaux auprès d’une
Iles Caïmans ou encore à Zurich. Le cas      cret bancaire – par l’un ou l’autre des         banque étrangère, sans autres précau-
trahissant de façon flagrante l’absence      membres du personnel de la banque en            tions. De surcroît, les sanctions internes
de professionnalisme des scénaristes         restreignant le nombre d’employés               pour de tels agissements ont certaine-
ou réalisateurs de ce type de divertisse-    connaissant l’identité du titulaire des         ment des effets dissuasifs. Enfin, le
ments est sans doute le cliché du kid-       avoirs déposés. C’est précisément le se-        compte bancaire dans un Etat connais-
582                                                                                                          L’Expert-comptable suisse 8/03
DROIT
                                              Nicolas Reichen, Le secret bancaire en Suisse

sant la législation entérinant un secret      Or, l’Union a adopté un système                 refusent catégoriquement pour l’heure.
professionnel du banquier n’est pas le        d’échange automatique d’informations            Subsidiairement, le gouvernement de
seul véhicule mis à la disposition du         entre les différentes autorités fiscales        notre Etat affirme que les autres Etats
contribuable indélicat; les trusts anglo-     des Etats membres impliquant une ab-            non-membres, à l’instar des Etats-
saxons ou les montages de sociétés-           sence de secret bancaire [7], ce qui si-        Unis ou de Singapour, par exemple,
écrans sont des exemples de mise en           gnifie une disparition pure et simple de        devraient aussi être parties à un tel
pratique que les Etats proposant ce           la pratique ad hoc de la Belgique, du           système d’échange d’informations pour
type de services nomment hypocrite-           Luxembourg et de l’Autriche, notam-             que la Suisse envisage une ratifica-
ment «optimisation fiscale».                  ment. Ces Etats sont contraints à cet           tion.

Tant les Etats-Unis d’Amérique que
l’Union européenne s’opposent de
manière toujours plus claire au secret           «Avec la montée de l’extrémisme, notamment
bancaire. Depuis les évènements tra-
giques du 11 septembre 2001, les Amé-           en Italie et surtout en Allemagne le besoin d’une
ricains, pourtant d’obédience libérale,       réglementation du secret professionnel du banquier
sans compter que leur président actuel
est issu des rangs républicains, ont                    se fait progressivement ressentir.»
changé d’attitude face au secret ban-
caire en exerçant une pression accrue,
particulièrement sur la Suisse. Ce n’est
pourtant pas la première fois que le se-      abandon par la majorité des autres              En effet, ainsi que le prétend Berne, il
cret bancaire est pris pour cible par cet     Etats de l’Union. Ils ont toutefois réussi      semble que le fait de supprimer le se-
Etat. Les premières pressions améri-          à obtenir un système transitoire ayant          cret bancaire, ou du moins de le limiter
caines sur le gouvernement suisse dé-         pour effet le maintien du secret ban-           très strictement, aura pour consé-
butèrent à la fin des années soixante.        caire jusqu’en 2010 et la perception            quence de créer un déplacement massif
En effet, c’est à cette époque que fut        d’un impôt à la source, dont le but est         de capitaux vers des places financières
conclu l’accord sur l’entraide judiciaire     de dissuader les contribuables de sous-         n’étant pas parties à de telles conven-
en matière pénale entre ces deux Etats.       traire des actifs imposables au fisc. Ce        tions, ce qui aura pour effet de vider
Cette ratification fit suite à une affaire    système transitoire pourra être appli-          partiellement le système d’échange
de blanchiment de fonds provenant de          qué au-delà de 2010 par les pays le             d’informations de son sens, ou du
la mafia new-yorkaise, dont le chef           connaissant, les derniers pourparlers           moins d’en paralyser les effets.
d’orchestre fut Meyer Lansky, affaire         européens sur la fiscalité de l’épargne
qui fut découverte par hasard en 1965.        n’ayant pu aboutir qu’à ce compromis            Le blanchiment de capitaux est de plus
En effet, un employé d’une banque             qui forme un excellent présage pour             en plus indissociablement lié au secret
suisse perdit à l’aéroport de Miami un        l’avenir du secret bancaire suisse au           bancaire, notamment par la presse, ou
reçu de USD 350 000, certifiant un            travers des négociations bilatérales en         du moins une certaine presse. Il lui est
dépôt sur un compte d’une banque ge-          cours.                                          reproché de faciliter grandement cette
nevoise. La Suisse avait été choisie par                                                      activité criminelle consistant à conférer
Meyer Lansky en raison de la révolu-          Dans ses négociations, la Suisse a donc         une apparente légitimité à des actifs
tion castriste de 1959, qui l’avait obligé    laissé entendre aux Européens qu’elle           dont l’origine est criminelle (commerce
à ne plus utiliser La Havane comme            n’abandonnerait pas sa législation sur          de stupéfiants, vente d’armes, corrup-
principal lieu de blanchiment. Il faut re-    le secret bancaire, mais qu’elle serait         tion, etc.). En effet, pour justifier ces
connaître que si son choix se porta sur       en revanche disposée à prélever une             avoirs, notamment par rapport au fisc,
notre Etat, ce fut sans doute partielle-      un impôt à la source sur les capitaux et        ou plus simplement pour être en me-
ment en raison d’un secret bancaire qui       revenus provenant de clients domici-            sure de les utiliser (achat d’immeubles,
était alors moins limité qu’il ne l’est au-   liés dans l’Union, dont les modalités           investissements dans des sociétés, etc.),
jourd’hui, notamment du fait de l’ab-         de redistribution entre les fiscs inté-         ceux-ci ne doivent présenter aucune
sence de législation en matière de lutte      ressés ne sont pas pour l’heure arrê-           origine suspecte. Dès lors, des finan-
contre le blanchiment à cette époque,         tées de manière définitive. C’est préci-        ciers peu scrupuleux vont s’atteler à
mais aussi en raison de l’éloignement         sément ce système qui sera appliqué             rendre ces capitaux apparemment
géographique entre notre Etat et New          au sein de l’Union européenne, à la             propres en utilisant divers canaux et
York.                                         suite du récent accord trouvé dont              moyens financiers.
                                              il est fait mention ci-dessus [8]. Les
Dans leurs pourparlers actuels, connus        Etats de l’Union sont prêts à consentir         Des cas de blanchiment ont été recen-
en Suisse sous le nom de «bilatérales         que la Suisse use d’un tel système, à sa-       sés dans la plupart des Etats industria-
bis», l’Union Européenne et la Suisse         voir qu’elle maintienne son secret              lisés du monde (Etats-Unis, Royaume-
ont pour tâche de conclure un accord          bancaire, mais qu’à terme, elle se sou-         Uni, Suisse, France, Espagne, etc.). Bon
sur la fiscalité de l’épargne qui consti-     mette aussi à l’échange d’informa-              nombre de ces Etats n’ont aucune tra-
tue l’un des volets de ces discussions.       tions, ce que les négociateurs suisses          dition du secret bancaire (et ce sont
L’Expert-comptable suisse 8/03                                                                                                     583
DROIT
                                             Nicolas Reichen, Le secret bancaire en Suisse

ceux-là mêmes qui présentent cette           est une illustration de la protection de        fraude fiscale permet à la justice d’exi-
«transparence» théorique comme               la sphère privée de tout justiciable face       ger sa levée. D’autre part, la banque
exemple à suivre en vue de l’obtention       aux autorités étatiques [9]. Cette justifi-     n’est que l’un des nombreux vecteurs
d’une place financière respectable). Il      cation n’est a priori pas dénuée de sens.       permettant la dissimulation de capi-
apparaît donc que le secret bancaire         En effet, diverses dispositions légales         taux aux autorités fiscales, enfouir ses
n’est absolument pas indispensable au        protègent l’individu face à la puissance        économies dans son jardin en étant un
recyclage de capitaux de réseaux crimi-      de l’Etat, notamment les droits fonda-          autre. Le secret bancaire n’est en tout
nels organisés. D’ailleurs, la banque        mentaux que chaque Etat démocra-                cas pas la cause de la soustraction fis-
elle-même n’est pas un intermédiaire         tique reconnaît, à des degrés variables,        cale, qu’elle soit interne ou transnatio-
nécessaire à une telle pratique. En          à sa population. La liberté de culte par        nale.
effet, des casinos furent abondamment
utilisés pour le blanchiment, dès le
début du XXème siècle. Tout investisse-
ment peut s’avérer être l’une des com-
posantes du crime de blanchissage, à           «Le blanchiment de capitaux est de plus en plus
l’instar de l’investissement immobilier,     indissociablement lié au secret bancaire, notamment
par exemple.
                                               par la presse, ou du moins une certaine presse.»
Au-delà de ces considérations, il est à
rappeler que le crime de base – celui qui
est une condition sine qua non au blan-
chiment, puisque ce dernier nécessite        exemple, concrétisée en Suisse par l’ar-        Faut-il dès lors le supprimer ou le res-
une activité criminelle préalable déga-      ticle 15 de la Constitution fédérale, ga-       treindre à un point qui le viderait de
geant des bénéfices – est souvent tota-      rantit à chacun une libre détermination         toute portée juridique? Si l’on consi-
lement ou partiellement commis sur le        de ses croyances en la matière, ce qui          dère que la soustraction et la fraude fis-
territoire d’Etats critiquant ouverte-       interdit à l’Etat d’imposer ou même de          cales ne sont pas défendables et ne doi-
ment le secret bancaire, ce qu’ils se gar-   restreindre cette liberté de choix. Les         vent pas être aidées de quelque façon
dent de souligner lorsqu’ils prétendent      diverses libertés fondamentales ten-            que ce soit par le secret bancaire, l’in-
que ce secret est propice au recyclage       dent donc à offrir aux citoyens une pro-        troduction d’un impôt à la source à un
de capitaux. C’est a priori le laxisme, le   tection contre l’ingérence de la puis-          taux dissuadant les candidats à de tels
manque de méthodes ou de moyens              sance publique dans divers domaines.            évitements fiscaux, ainsi que la Suisse
mis en œuvre en vue de combattre les         Il semble raisonnable de considérer             le propose dans ses négociations avec
activités criminelles de base dans ces       que le choix d’entretenir des relations         l’Union européenne, semble être en ac-
                                                                                             cord avec l’idée de réduire le plus pos-
                                                                                             sible l’évitement fiscal. Dès lors, il pa-
                                                                                             raît indéfendable de persister à exiger
                                                                                             la disparition du secret professionnel
    «Le secret bancaire est pourtant aujourd’hui                                             du banquier. Quant à l’argument
      difficilement justifiable, d’un point de vue                                           consistant à prétendre que le blanchi-
                                                                                             ment est grandement favorisé par le se-
         rationnel, autrement que par le biais                                               cret bancaire, il dénote d’une mécon-
  des libertés fondamentales protégeant les citoyens                                         naissance du phénomène de recyclage
                                                                                             de capitaux.
                de leur gouvernement.»
                                                                                             Il faut encore souligner que, même en
                                                                                             l’absence de toute législation ou cou-
                                                                                             tume sur le secret bancaire, il est aisé à
mêmes Etats, à l’instar du trafic de nar-    d’affaires avec une banque, ne con-             tout Etat d’engendrer un secret ban-
cotiques par exemple, qui engendrent         cerne en soi pas plus l’Etat que l’achat        caire de facto, en n’offrant dans la pra-
un besoin de blanchir chez les délin-        de biens de consommation ordinaires             tique aucune collaboration internatio-
quants. Pas de blanchiment sans crime.       qu’un client ferait chez un commerçant          nale en matière fiscale ou pénale, par
                                             plutôt qu’un autre, par exemple.                exemple.
Si l’on considère que le secret bancaire
n’est pas intrinsèquement nuisible,          Mais, lorsque le secret bancaire offre
dans la mesure où des limites claires lui    indirectement une protection au con-
sont associées, peut-on pour autant le       tribuable désireux de soustraire des ac-        5. Conclusion
justifier par une autre voie que la tradi-   tifs de son patrimoine à l’imposition,
tion ou la coutume? Un argument sou-         celui-ci reste-t-il défendable? Il faut         Le secret bancaire est, ainsi que nous
vent avancé par les banquiers qui le         garder à l’esprit que le secret profes-         l’avons exposé, souvent mal perçu et
connaissent est celui de prétendre qu’il     sionnel du banquier est limité: une             mal compris du grand public, notam-
584                                                                                                         L’Expert-comptable suisse 8/03
DROIT
                                               Nicolas Reichen, Le secret bancaire en Suisse

ment dans des Etats ne le connaissant          pays, à savoir le principe de souverai-               3 A. Bizzozens, Le secret bancaire, l’entraide
                                                                                                       judiciaire et administrative, in Le Monde et la
pas. S’il est difficile de nier qu’il est un   neté nationale. L’utilisation de ce prin-               pratique bancaire suisse, tome I, p. 85.
moyen potentiel de soustraire des capi-        cipe concrétiserait une fin de non rece-
                                                                                                     4 Cf. www.swissbanking.org/fr/medienmittei-
taux aux fiscs étrangers, il n’est en rien     voir légitime face à ces attaques.                      lungen-02-06-04.html
la cause et encore moins le seul vecteur
à la disposition de candidats à l’évite-       La survie du secret bancaire, à terme et              5 Cf. articles 27 ss de la Loi fédérale sur l’en-
                                                                                                       traide judiciaire en matière pénale (RS 351.1).
ment fiscal.                                   pour autant que la Suisse ne devienne
                                               pas membre de l’Union européenne,                     6 André Cuendet, L’histoire scabreuse de la
                                                                                                       lutte contre le blanchiment d’argent en Suisse,
Le secret bancaire est pourtant au-            dépendra en grande partie de la pra-                    l’Expert-comptable suisse 1–2/99, p. 100.
jourd’hui difficilement justifiable, d’un      tique de l’art de la négociation de nos
                                                                                                     7 Cf. par exemple le rapport sur la taxation des
point de vue rationnel, autrement que          dirigeants et sans doute aussi du lob-                  opérations de change, la régulation des mou-
par le biais des libertés fondamentales        bying des milieux bancaires et finan-                   vements de capitaux et sur les conséquences
protégeant les citoyens de leur gouver-        ciers suisses.                                          de la concurrence fiscale entre Etats, du Mi-
                                                                                                       nistère français de l’économie, des finances
nement. Mais, dans un climat de mon-                                                                   et de l’industrie, du 22 août 2000: http:/www.
dialisation et d’échanges transnatio-                                                                  finances.gouv.fr/pole_ecofin/international/
naux d’informations, notamment fis-                                                                    institutions/dptaxtobin.htm
cales, le poids de cet argument semble                                                               8 Cf. http://www.europa.admin.ch/nbv/medien/
                                                                    Notes                              2003/f/pm_030307.pdf
relativement modeste. Dans la situa-
tion présente, la Suisse pourrait ou de-       1 Cf. article 47 de la Loi fédérale sur les banques   9 Paolo Bernasconi et Lorenzo Rossini, Le se-
                                                 et les caisses d’épargne.                             cret bancaire et le contrôle de l’Etat sur les
vrait toutefois invoquer l’un des piliers
                                               2 Cf. Michel Kunz, Banques ou négoces virtuels          opérations de change et sur leurs effets délic-
de la démocratie moderne aux Etats               en valeurs mobilières. L’Expert-comptable             tuels, blanchiment d’argent et secret bancaire,
combattant le secret bancaire de notre           suisse 10/01, p. 902.                                 1996, p. 225.

                           ZUSAMMENFASSUNG

                    Das schweizerische
                     Bankgeheimnis
 Seit einigen Jahren wird das Bankge-          dem Staat oder ausländischen Regie-
 heimnis fast täglich in der Presse er-        rungen.
 wähnt, und das Thema scheint sich
 zum Zankapfel zwischen Staaten, die           Die Grenzen des durch das Bankge-
 es kennen, und einer Vielzahl anderer         heimnis geschützten Bereichs sind
 Staaten zu entwickeln. In diesem Zu-          eindeutig festgelegt: Die schweizeri-
 sammenhang drängt sich eine zweifel-          sche Gesetzgebung verlangt seine
 los banale, aber nichtsdestoweniger           Aufhebung bei Straftaten.
 angemessene Frage auf: Was ist das
 Bankgeheimnis denn eigentlich?                Gegenwärtig verliert das Bankge-
                                               heimnis immer mehr Ansehen und
 Das Bankgeheimnis könnte als die              wird zur Zielscheibe der internationa-
 Grundlage des Berufsgeheimnisses              len Kritik.
 eines jeden Bankangestellten oder
 Mitarbeiters einer gleichgestellten           Sein Überleben wird langfristig, und
 Gesellschaft beschrieben werden,              sofern die Schweiz sich nicht der Eu-
 welches ihn zur Verschwiegenheit              ropäischen Union anschliesst, gröss-
 über die Beziehungen zu seinen Kun-           tenteils vom Verhandlungsgeschick
 den verpflichtet. Dieses Geheimnis            unserer Regierung abhängen und
 verbietet jeglichen Informationsaus-          zweifellos auch vom Lobbyismus der
 tausch zwischen dem Bankangestell-            schweizerischen Bank- und Finanz-
 ten und allen Dritten, einschliesslich        welt.                      NR/CHW

Der Schweizer Treuhänder 8/03                                                                                                                     585
Vous pouvez aussi lire