Le sommeil et ses troubles - Insomnies et troubles du rythme circadien
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Le sommeil et ses troubles Chapitre I Insomnies et troubles du rythme circadien Nous passons près du tiers de notre vie à dormir1. Mais à quoi sert de dormir ? Bien qu’elle commence à avoir des hypothèses solides, la science n’a pas encore de réponse complète. Les études menées sur la privation de sommeil et ses troubles ont permis d’appréhen- der les fonctions physiologiques impactées par la qualité et la quantité de sommeil2-5 : ● l’homéostasie énergétique : le sommeil permet à l’organisme de reconstituer ses réserves car la dépense énergétique diminue. ● les fonctions immunitaires : le sommeil est impliqué dans l’initiation et le maintien des réponses immunitaires adaptatives et dans la formation de la mémoire immu- nologique. ● les fonctions cognitives : le sommeil paradoxal est nécessaire à la mémorisation (stockage à long terme, plasticité cérébrale) ; le sommeil permettrait de restaurer les performances cognitives lors de l’état de veille. D’autres rôles du sommeil émergent comme l’élimination plus importante des déchets métaboliques et toxines du cerveau, mais ils restent à être démontrés4. Les individus sont-ils égaux devant le sommeil ? Quels sont les systèmes de régulation du sommeil ? sommaire ● Introduction P1 ● Physiologie du sommeil P3 ● Les principaux troubles du sommeil P6 ● La démarche diagnostique P 10 ● Les outils thérapeuthiques P 14 ● Conclusion P16 ● Références bibliographiques P 18 1
Le sommeil et ses troubles Chapitre I Insomnies et troubles du rythme circadien 1 - Physiologie du sommeil Le sommeil est un état de vigilance particulier6. C’est un 1.2 • Évolution du sommeil aux âges extrêmes de la vie processus actif : une alternance veille/sommeil finement régulée et dynamique2,3. La durée de sommeil de l’enfant passe de 16 heures à 17 heures chez le nourrisson à 12 heures chez l’enfant d’âge préscolaire. Puis elle diminue progressivement 1.1 • Description du sommeil normal et de ses fonctions pour atteindre 9 heures chez les pré-adolescents. D’un Chez l’adulte, l’organisation du sommeil au cours de la point de vue qualitatif, la proportion de sommeil lent nuit se fait par cycles (fig 1). Chaque cycle comprend une augmente et celle de sommeil paradoxal diminue phase de sommeil lent (SL), suivie d’une phase de som- (fig. 2) meil paradoxal (SP). Le SL est découpé en quatre stades de 1 à 4, selon la pro- fondeur croissante du sommeil. Autrement dit le réveil est d’autant plus difficile que le sommeil évolue du stade 1 au stade 4. En moyenne, chez l’adulte, le nombre de cycles varie de 4 à 6 et la durée de chaque cycle est d’environ 90 minutes7-9. La durée moyenne d’une nuit est de 7 à 8 h9. Néanmoins, cette durée varie en fonction de l’âge, de facteurs géné- tiques et des horaires de coucher et de lever. Les différents stades du sommeil sont caractérisés par des modifications de l’activité cérébrale, du comporte- ment et de fonctions physiologiques. Celles-ci se tra- duisent par des mouvements des yeux et une paralysie musculaire pendant la phase de SP, à l’inverse du som- meil lent (SL) pendant lequel les yeux sont immobiles mais les membres possiblement agités10. Lumière Lumière OFF Temps au lit ON Figure 2 : Évolution de la durée de sommeil lent, paradoxal et de veille à travers les âges8 délai PTS Veille TTS SP Chez la personne âgée, une diminution du temps de sommeil est observée (≤ 6 heures vs 7 à 8 heures pour 1 SLL les adultes jeunes) ainsi que l’apparition de longues 2 périodes d’éveil interrompant les phases de sommeil7,11,12. 3 SLP SLP SLL et REM 1.3 • La régulation du cycle veille - sommeil 4 domine dominent 4 à 6 cycles (90-110 min) La capacité à rester éveillé ou à s’endormir résulterait 22 0 2 4 6 8h d’un équilibre entre les processus homéostatique et circadien7. Figure 1 : Hypnogramme d’un adulte jeune 9 PTS : période totale de sommeil (durée écoulée entre le premier endormissement et le > Le processus homéostatique réveil final) TTS : temps total de sommeil : représente la PTS moins le temps d’éveil intrasommeil ; Le processus homéostatique ou processus « S » repose Lumière OFF : heure d’extinction des lumières qui représente le point de départ du temps sur l’accumulation d’un besoin de sommeil : on parle au lit. de « pression de sommeil »7,13. Ce processus S a souvent Lumière ON : heure d’ouverture des lumières le matin. SLP : sommeil lent profond. été interprété comme une sorte de fatigue cellulaire Sll : sommeil lent léger. ou métabolique, l’adénosine, produit de dégradation REM : (rapid eye mouvements) sommeil paradoxal 2
de l’ATP, étant une des molécules responsables de cette rones du NSC sur une période de 24 heures dépend pression de sommeil7. fortement de l’alternance entre lumière/obscurité. Les variations de luminosité sont reçues par la rétine qui > Le processus circadien possède des cellules spécialisées capables de détecter la lumière bleue présente à l’aube (450-470 nm). L’in- Le processus circadien ou processus « C » repose sur les formation est relayée directement au NSC qui l’inter- variations de fonctionnement de l’horloge biologique prète et régule ensuite son activité3,16. centrale. Il détermine le moment d’endormissement et de réveil. D’autres facteurs extérieurs sont capables de moduler dans une moindre mesure, l’activité de l’horloge bio- • L’horloge biologique centrale logique. Ces facteurs appelés « synchroniseurs » sont, L’horloge biologique centrale se situe dans le noyau par exemple, les activités sociales (horaires de travail) suprachiasmatique (NSC) de l’hypothalamus, juste au- et biologiques (digestion, exercice physique)7,9,17. dessus du chiasma optique (fig 3)8. • La mélatonine : le signal de nuit subjective Cette horloge fonctionne spontanément de manière Cette neurohormone est produite principalement par la cyclique sur une durée légèrement supérieure à glande pinéale et uniquement en l’absence de lumière. 24 heures. Elle régule l’alternance des phases de veille Elle est libérée dans l’organisme via la circulation géné- et de sommeil8. En effet, la lésion du NSC abolit le rale pour distribuer un signal de nuit (nuit subjective)18,19. rythme circadien des états de vigilance : les phases La mélatonine est un synchroniseur endogène puissant d’éveil sont entrecoupées aléatoirement par des qui stabilise et renforce les rythmes circadiens9. phases de sommeil14. La mélatonine (N-acétyl-5-méthoxytryptamine) est synthétisée à partir de la sérotonine (dont le précur- L’activité intrinsèque des neurones de l’horloge bio- seur est le tryptophane alimentaire). La voie de bio- logique repose sur l’expression rythmique de gènes synthèse nécessite deux étapes enzymatiques20 dont appelés gènes de l’horloge (par exemple : CLOCK, PER1, la première est limitante car, l’enzyme N-acétyltrans- TIMELESS)9,15. La synchronisation de l’activité des neu- férase (NAT) est active uniquement en l’absence de Figure 3 : Localisation du noyau suprachiasmatique dans le cerveau8 3
Le sommeil et ses troubles Chapitre I Insomnies et troubles du rythme circadien lumière. C’est le NSC qui par l’intermédiaire de relais d’expliquer que l’endormissement survient lorsque la synaptique régule l’activité de la NAT (fig 4) 21,22. température corporelle décroît, quelques heures après Apres synthèse, l’hormone est libérée dans le sang et le maximum thermique (à 18 h ; 37-37,5°C), et que le les taux plasmatiques de mélatonine sont directement réveil se produit peu après le début de l’augmentation corrélés à la sécrétion hormonale. La concentration de la température à partir du minimum thermique (à maximale est atteinte en moyenne vers 3-4 heures du 3-4 h, 36-36,5°C)7. matin pour ensuite diminuer et devenir quasi indétec- Ces variations de températures influencent donc la table en journée). La sécrétion de mélatonine diminue rapidité d’endormissement et la durée des épisodes de avec l’âge et peut parfois disparaitre chez la personne sommeil. âgée21. • Transition veille – sommeil et sa régulation L’effet de la mélatonine sur le sommeil pourrait être la conséquence de deux mécanismes : d’une part, son Pour expliquer le phénomène de transition entre veille action sur des régions cérébrales impliquées dans la et sommeil, un modèle à bascule (« flip flop ») a été régulation de l’état veille/sommeil (inhibition des proposé26,27. Cette bascule (fig 6) repose sur l’inhibition centres de l’éveil) et, d’autre part, via son action sur réciproque entre les réseaux neuronaux de l’éveil (sys- l’horloge circadienne qu’elle régule9,24. tème ascendant du tronc cérébral) et du sommeil (aire préoptique ventrolatérale de l’hypothalamus ou VLPO). La mélatonine est également capable d’abaisser la L’activité de ces deux réseaux neuronaux étant elle- température de l’organisme25. il existe un lien entre le même sous l’influence de facteurs extérieurs (lumière, rythme veille/sommeil et la température corporelle3 bruit, facteurs sociaux, stress) et intérieurs (horloge (fig 5). Lorsque la température s’élève, notre organisme biologique, pression de sommeil)9. se prépare à une phase active. Lorsque la température Pour stabiliser cette bascule et éviter des transitions baisse, la vigilance ne tarde pas à diminuer. Cela permet veille/sommeil trop fréquentes, l’hypocrétine (ou Figure 4: Relais nerveux entre le NSC et la glande pinéale 23 4
°C 18 h Hypocrétine 37,5 ° 3h Sommeil Veille Noradrénaline, 36,5° GABA histamine, (aire préoptique dopamine, ventrolatérale sérotonine, hypothalamus) acétylcholine 7 23 7 pg/ml 3-4 h 80 40 Figure 6: Bascule veille sommeil 7 23 7 Figure 5: Evolution circadienne de la température et de la sécrétion de mélatonine7 orexine) exerce une relation asymétrique en appuyant uniquement le système de l’éveil. Cela se constate en particulier dans la narcolepsie, pathologie caractéri- sées par un déficit du système hypocrétinergique, où la balance veille/sommeil est moins stable et est plus sujette à des transitions soudaines et inappropriées26,27. 5
Le sommeil et ses troubles Chapitre I Insomnies et troubles du rythme circadien 2 - Les principaux troubles du sommeil Avoir mal ou pas assez dormi est une plainte extrême- D’après le Baromètre santé 2010 réalisé par l’Institut ment fréquente, et tellement banalisée que nombre national de prévention et d’éducation pour la santé, de patients ne pensent pas à en parler à leur médecin l’insomnie affecte 15,8 % des 15-85 ans : 19,3 % des traitant28. Selon les populations étudiées, les troubles femmes et 11,9 % des hommes. Quel que soit l’âge, du sommeil affectent 15 à 50% des sujets29. les femmes sont plus souvent insomniaques que les D’après des données de 2008, en France, 10 millions hommes. Le risque d’insomnie chronique est aug- d’adultes sont concernés par les troubles du som- menté chez les personnes travaillant en rythme décalé meil, soit 19 % d’insomniaques et 9 % d’insomniaques (3 x 8, travail de nuit, etc.) et chez les individus consi- sévères, 5 à 10 % d’apnéiques, 7 % de syndrome des dérés comme les plus précaires socialement. De plus, jambes sans repos et 10 % d’hypersomniaques28. la prévalence est significativement plus faible chez les personnes célibataires (13,5 %) que chez les sujets La disparité des prévalences des troubles du sommeil vivant en couple (mariés, pacsés ou vivant en concu- et de la veille est importante du fait notamment de binage) (20 %) et les sujets divorcés, séparés ou veufs l’hétérogénéité de leur définition30. En effet, diffé- (25 %)31,37. rentes classifications co-existent et sont révisées ré- gulièrement. Selon la dernière version de 2014 de la classification internationale des troubles du sommeil • Les différents types d’insomnie (ICSD-3), sept groupes31 sont identifiés : Selon La classification retenue par la Haute Autorité • l es insomnies ; de Santé publique et la Société de formation thérapeu- • les troubles respiratoires du sommeil (syndromes d’ap- tique du généraliste, on distingue1,7,36: nées centrales du sommeil, syndromes d’apnées obs- • Insomnie par hygiène du sommeil inadéquate tructives du sommeil, syndromes d’hypoventilation) ; L’insomnie, présente depuis au moins un mois, est en • les troubles moteurs du sommeil (syndrome des rapport avec des horaires impropres, des consomma- jambes sans repos…) ; tions ou des activités inappropriées par rapport au • les troubles centraux d’hypersomnolence (hyper- sommeil. somnies, narcolepsie) ; • Insomnies d’ajustement • les troubles du rythme circadien ; Il s’agit d’insomnies occasionnelles (transitoires ou • les parasomnies (somnambulisme, cauchemars, ter- de court terme), d’une durée de quelques jours à reurs nocturnes) ; 3 mois, liées à des événements stressants ou à des • les autres troubles du sommeil. situations nouvelles équivalant à un stress (parfois récidivantes ou pouvant, néanmoins, se chroniciser). Les troubles du sommeil ont des conséquences en terme • Insomnies chroniques sans comorbidité (ancienne- de santé publique : ils affectent le fonctionnement de ment appelées primaires) l’organisme (somnolence diurne, risques cardio-mé- - Insomnie psycho-physiologique : elle est caracté- taboliques pour l’insomnie et le syndrome d’apnée du risée par un conditionnement mental et physiolo- sommeil) et du psychisme, pesant sur de nombreux gique qui s’oppose au sommeil, indépendamment aspects de la vie sociale et professionnelle (accidents de de pathologies anxieuses ou dépressives. travail, absentéisme, accidents de la route...)31-35. - Insomnie paradoxale, subjective, ou par mauvaise perception du sommeil : les plaintes d’insomnie 2 .1 • Les insomnies coexistent avec les résultats normaux des enregis- • Données épidémiologiques trements de sommeil. - Insomnies idiopathiques : début dans l’enfance avec Il n’existe pas à l’heure actuelle de définition unique et des difficultés d’endormissement et de maintien du universelle de l’insomnie, ce qui a pour conséquence une sommeil ; insomnie permanente et stable. variabilité de sa prévalence en fonction des études1 et de • Insomnies avec comorbidité (anciennement appelées la durée minimale considérée pour définir le caractère secondaires) chronique de l’insomnie36. - Insomnie liée à une pathologie mentale : état 6
dépressif, trouble bipolaire, trouble anxieux difications propres du sommeil avec le vieillissement généralisé, attaques de panique, troubles compulsifs, (diminution de la durée du sommeil lent profond et etc. augmentation du nombre d’éveils nocturne)41. - Insomnie liée à une pathologie physique : pathologie douloureuse, hyperthyroïdie, épilepsie, cardiopathie, Enfin, chez la femme, on présume que les variations troubles respiratoire, reflux gastro-œsophagien, hormonales au cours du cycle et de la ménopause neuropathie dégénérative, etc. pourraient influencer les épisodes d’insomnie41,43. • Insomnies associées à d’autres troubles du sommeil 2.2 • Les troubles du rythme circadien - Troubles dits « organiques » : syndrome des jambes sans repos, apnées du sommeil, bruxisme etc. La compréhension des mécanismes moléculaires de - Parasomnies : terreurs nocturnes, cauchemars, som- régulation de l’horloge biologique interne a permis de nambulisme. mieux appréhender les troubles de la synchronisation • Insomnies liées à une drogue ou une substance per- du rythme veille-sommeil et les différentes typologies turbant le sommeil : psychostimulants (caféine, ni- (matinale, vespérale, intermédiaire) observées dans la cotine, etc.), alcool, hypnotiques, médicaments pres- population 9. Les troubles du rythme circadien du som- crits, aliment ou toxique, etc. meil sont la conséquence d’une désynchronisation entre notre rythme endogène circadien et le rythme Plusieurs mécanismes sont suspectés d’être à l’origine imposé par les synchroniseurs externes (alternance de l’insomnie : une mauvaise régulation homéostatique, jour/nuit, contraintes sociales et professionnelles). des troubles du rythme circadien, un état d’hyperéveil38 Cette désynchronisation peut être due à la nécessité et/ou une moindre activité du système anti-éveil14. de prendre un rythme différent de celui des synchroni- L’insomnie peut être considérée comme un trouble de seurs locaux (troubles liés au travail posté ou au déca- l’éveil. En effet, l’observation des individus insomniaques lage horaire) ou être le fruit d’une pathologie intrin- a montré des niveaux d’éveil élevés39. Cet état d’hype- sèque du système circadien (syndromes de retard ou réveil peut être de nature physiologique (activation du d’avance de phase)1. système nerveux central et autonome), de nature cogni- • Les troubles circadiens du sommeil extrinsèques tive (rumination, difficulté à contrôler ses pensées) ou émotionnelle (suite à un stress, l’individu n’arrive pas à Les troubles circadiens du sommeil extrinsèques, c’est- revenir à un niveau émotionnel de base)40,41. L’hyperéveil à-dire d’origine comportementale, sont fréquents40. Le est un niveau d’éveil incompatible avec l’endormisse- système circadien tend à demeurer en phase avec les ment ou le maintien du sommeil et expliquerait la per- synchroniseurs de l’environnement (lumière, activités ception d’un mauvais sommeil41. sociales…) et lorsque ceux-ci changent d’horaires, le système circadien met un certain temps à se resyn- Ainsi, la plupart du temps, l’insomnie est un trouble chroniser44. de l’éveil, lié à la persistance de l’activité du réseau de l’éveil ou à l’hypoactivité du système anti-éveil (dimi- Le travail posté, c’est-à-dire de nuit ou à horaires dé- nution de l’efficacité du système anti-éveil localisé calés, provoque chez 40 à 80 % de travailleurs des dans le VLPO)14,41. Derrière ce dysfonctionnement, il troubles du sommeil et de l’éveil40, mais aussi d’autres y aurait une dérégulation du système sérotoniner- perturbations physiologiques (troubles digestifs, de gique42. l’humeur …) et sociales45. Chez la personne âgée, on suspecte une hypoactivité Le décalage horaire du voyageur ( jet lag) induit par du système anti-éveil car le nombre de neurones dans le franchissement de plusieurs fuseaux horaires la VLPO serait diminué, contribuant ainsi à un déséqui- se manifeste par des troubles du sommeil, par les libre de la balance veille-sommeil26. De plus, l’insomnie conséquences du manque de sommeil, par des signes pourrait être attribuée à d’autres facteurs comme le propres à la désynchronisation externe (heures déca- développement de pathologies liées à l’âge ou des mo- lées des repas…) et à la dissociation des rythmes bio- 77
Le sommeil et ses troubles Chapitre I Insomnies et troubles du rythme circadien logiques. Ces signes demandent plusieurs jours pour Le syndrome d’avance de phase du sommeil est très s’amender7,44 et jusqu’à plusieurs semaines pour réa- rare45 et sa prévalence n’est pas connue 46. Néanmoins, dapter certains rythmes hormonaux44. il est plus souvent observé chez les personnes âgées, notamment à typologie matinale45. Ce syndrome se • Les troubles circadiens du sommeil intrinsèques manifeste par un besoin de sommeil particulièrement Ce trouble circadien est moins fréquent que le type tôt, en fin d’après-midi ou tôt dans la soirée. Ces sujets extrinsèque. terminent leur nuit vers 2 ou 3 heures du matin. La du- Il affecte le plus souvent des hommes, débute souvent rée et la qualité du sommeil sont normales29. Les sujets à l’adolescence29 et la typologie de ces sujets est en gé- se plaignent essentiellement de somnolence en fin de nérale vespérale45. Sa prévalence chez les adolescents journée gênant leur vie sociale, ainsi qu’une insom- serait de 7 %46 et il est généralement estimé que 7 à nie du petit matin45. Chez les personnes âgées, le rac- 10 % des insomniaques pourraient être atteints par ce courcissement de la périodicité circadienne endogène syndrome 7. pourrait expliquer ce syndrome45. Le syndrome de retard de phase se caractérise par une Il existe d’autres troubles du rythme circadien comme impossibilité à s’endormir avant 2 h du matin au moins, le syndrome hypernychtéméral (absence de synchroni- autrement dit, toute tentative de s’endormir plus tôt sation du rythme veille sommeil sur 24 h), rare mais est vouée à l’échec. Le sommeil de nuit, une fois dé- plus fréquent chez les aveugles, et le rythme veille- buté, se fait sans discontinuité ; il est de quantité et sommeil irréguliers (endormissements et éveils im- de qualité normales si l’heure de réveil spontané peut prévisibles au cours des 24 h, plus de trois épisodes de être respectée29. La symptomatologie apparait dès lors sommeil par 24h) qui se rencontre dans les atteintes que l’heure de réveil doit être avancée47 : les sujets cérébrales dégénératives45 et chez les artistes, musi- éprouvent alors les plus grandes difficultés à émerger ciens ou poètes, chez qui les horaires de veille-sommeil de leur sommeil et peuvent ressentir une céphalée7, de ne sont réglés que par leur inspiration créatrice40. l’asthénie ou des troubles de l’humeur47. 8
La désynchronisation de l’horloge nocturne. Cela entraîne une augmentation des œs- ZOOM biologique : impacts sur la santé publique trogènes, facteur de risque du cancer du sein, et la perte des effets protecteurs de la mélatonine (effet L’exposition chronique à la lumière artificielle la nuit antioxydant, inhibition de l’aromatase, effet anti- est considérée comme une source nouvelle de pol- œstrogénique par interaction avec les récepteurs lution car elle affecte le système circadien48. En effet, aux œstrogènes….). Un autre mécanisme est relié à elle augmenterait le risque de cancer du sein chez la dette de sommeil, induit par le travail posté, qui la femme en travail posté ou de nuit. Elle est égale- impacte le système neuro-immuno-endocrinien et ment suspectée de perturber un nombre croissant donc la régulation de la prolifération cellulaire et d’enfants et d’adolescent en créant chez eux une des défenses immunitaires48. dette de sommeil. Les adolescents sont eux aussi affectés par un dys- Des études épidémiologiques ont montré une cor- fonctionnement du système circadien et souffrent rélation entre l’exposition à la lumière la nuit et de troubles du sommeil en raison de l’utilisation le cancer du sein. Dans les années 90, il s’agissait jusqu’à des heures tardives de médias électro- d’une augmentation de l’incidence du cancer du niques qui les exposent à une lumière artificielle. sein chez les hôtesses de l’air et les infirmières. Par Une intensité lumineuse aussi faible que celle la suite, les observations ont confirmé que le risque délivrée par les LED dans les écrans d’ordinateurs de cancer du sein était significativement augmen- ou de téléphone est capable d’agir sur l’horloge té de 50 à 100 % chez les femmes en travail posté biologique en entraînant un retard de phase et en ou de nuit48,49. En 2010, le Centre International de freinant la sécrétion de mélatonine. L’augmenta- Recherche sur le Cancer a publié une monographie tion de la vigilance induite par la lumière favorise à propos des modes de travail responsables d’une un coucher tardif et entraine ainsi une privation modification du rythme circadien (tel que le travail de sommeil. Environ 30 % des adolescents ont une de nuit) comme étant un facteur de risque probable dette de sommeil et ils sont 25 % à dormir moins de cancer humain (cancérigène groupe 2A). Plus de 7 heures par nuit au lieu de 9 heures recomman- précisément, l’exposition à la lumière la nuit et un dées. La désynchronisation de l’horloge circadienne rythme de sommeil perturbé sont capables de dé- et la dette de sommeil chez les adolescents seraient synchroniser les horloges biologiques impliquées également responsables de nombreux troubles : dans la régulation de nombreuses fonctions dans somnolence diurne, fatigue, troubles de l’appétit, l’organisme49. diminution de la vigilance et de l’attention, baisse des performances scolaires, troubles de l’humeur, Un des mécanismes proposés est l’inhibition de la repli sur soi48. sécrétion de la mélatonine par la lumière en période 9 9
Le sommeil et ses troubles Chapitre I Insomnies et troubles du rythme circadien 3 - La démarche diagnostique 3.1 • L’interrogatoire Les praticiens pourront également s’aider des question- naires sur le sommeil (index de sévérité de l’insomnie Les explorations de la qualité du sommeil et de la vigilance (ISI), Hôtel-Dieu 42 (HD 42 …), la somnolence ou de ques- se font à l’aide de techniques subjectives 50,51. tionnaires sur les troubles associés de l’insomnie tels que L’interrogatoire doit intégrer l’histoire des troubles du l’échelle d’Epworth, l’inventaire de Beck ou le test de Ford1. sommeil, les traitements antérieurs et les antécédents, la Si l’interrogatoire n’est pas suffisant ou lorsqu’il existe plainte actuelle (date d’origine des symptômes, à quel mo- une suspicion de pathologies organiques du sommeil, ment ils se produisent, à quelle fréquence) et la recherche des examens paracliniques complémentaires sont né- d’une pathologie psychiatrique. Un examen clinique doit cessaires51. rechercher une éventuelle pathologie organique associée51. ZOOM L’agenda du sommeil bon dormeur à un score de 95 % ce qui signifie qu’il se met au lit, qu’il s’endort, puis se réveille et se lève. Il ne fait pas d’autres activités au lit et n’a pas be- L’agenda du sommeil est l’un des meilleurs moyens soin d’attendre pour s’endormir. d’investigation des troubles du sommeil. Il consiste en une évaluation subjective des horaires de som- L’agenda va aussi aider la personne à prendre meil, des délais d’endormissement, des éveils noc- conscience du lien qui existe entre les éléments de turnes, ainsi que de la qualité du sommeil. Le prin- la journée et la qualité de son sommeil. Par exemple cipe de base est de recueillir ces informations sous certaines personnes peuvent avoir une plainte d’in- une forme analogique graphique, généralement somnie avec difficulté d’endormissement, notam- pendant 3 semaines à 1 mois. Sur une échelle hori- ment le dimanche soir en raison de l’anxiété provo- zontale comprenant 24 subdivisions – pour chacune quée par le fait de retourner au travail le lendemain. des 24 h – le sujet doit indiquer ses heures de cou- D’autres situations de la vie courante peuvent être cher et de lever par des flèches, et noircir les cases mises en évidence par cet outil: par exemple, la pra- correspondant aux heures de sommeil supposées. tique du sport peut entraîner des difficultés d’en- Il peut permettre de préciser par ailleurs les médi- dormissement41. caments consommés, notamment les hypnotiques L’exemple ci-contre (fig 7), montre une hygiène de avec leur heure de prise, ainsi que les événements sommeil déplorable avec un rythme irrégulier et importants survenus au cours de la journée et de un comportement fortement imprévisible vis-à-vis la nuit52. des médicaments et de l’alcool. La simple visualisa- L’interprétation de l’agenda va permettre de four- tion de cet agenda donne des informations intéres- nir de nombreuses informations. Ordinairement, santes pour mettre en place des conseils personna- les horaires de coucher et de lever doivent se situer lisés, en particulier sur les horaires souhaités et sur dans une tranche régulière. Si on observe de trop le renforcement des rythmes à travailler53. grandes différences d’horaires au coucher ou au Malgré son caractère subjectif, l’agenda du som- lever, notre horloge interne peut être perturbée. meil permet d’obtenir des résultats fiables et une L’agenda permet aussi de calculer le délai d’endor- estimation valide des caractéristiques du sommeil. missement c’est-à-dire le moment où l’on éteint la De plus, plusieurs études ont mis en évidence l’im- lumière et celui où l’on dort. On considère qu’un portante corrélation qu’il existe entre une auto-éva- bon dormeur s’endort en moins d’une demi-heure. luation obtenue avec un agenda du sommeil et une Grâce à cet outil, on va aussi pouvoir mesurer l’effi- analyse objective du sommeil (polysomnographie cience du sommeil (rapport entre le temps de som- ou actimétrie)54. meil et le temps passé au lit). On considère qu’un 10
Figure 7: Agenda du sommeil 53 3.2 • Les examens paracliniques la vigilance50. Bien que cette mesure ne soit pas très précise, elle reflète la durée totale de la période d’inac- Les techniques d’enregistrement du sommeil sont tivité et des réveils en cours de nuit et permet donc nécessaires pour confirmer le diagnostic si l’interro- d’apprécier : gatoire n’est pas suffisant ou lorsqu’il existe une sus- > la régularité des horaires de coucher et de lever ; picion de pathologies organiques du sommeil (syn- drome d’apnées du sommeil, jambes sans repos). Par > le temps passé au lit, le temps de sieste au cours de la la suite, ces examens permettront d’évaluer l’efficacité journée, le nombre et la durée des éveils nocturnes ; du traitement mis en œuvre35,51. > les paramètres chronobiologiques (caractère soir-ma- tin, décalage de phase, travail posté, jet lag). • L’actimétrie L’actimétrie permet ainsi d’identifier certaines causes Il s’agit de l’enregistrement des mouvements par un (apnées du sommeil, mouvements périodiques des bracelet enregistreur de la taille d’une montre, porté jambes)52. au poignet. Il permet de rendre compte des rythmes d’activité et de repos du patient pendant plusieurs • L’enregistrement polysomnographique jours et nuits consécutifs52. du sommeil C’est un examen très informatif dans le cadre de l’in- La polysomnographie ou enregistrement polysom- somnie52 et des troubles du rythmes circadien du som- nographique permet la mesure objective du som- meil 7, il permet d’explorer la qualité du sommeil et de meil 28,52,55. 11 11
Le sommeil et ses troubles Chapitre I Insomnies et troubles du rythme circadien Vidéo Électro- encéphalogramme Électro- oculogramme EMG mentonnier ECG Thermistance Débit Sangle thoracique Sangle abdominale Saturation EMG tibial antérieur Figure 8 : Polysomnographie 55 Plusieurs paramètres sont enregistrés au cours du 3.3 • Les critères de diagnostic sommeil, en continu et en simultané (fig 8) : • Les insomnies > l’activité électrique du cerveau par électro- encéphalogramme (EEG); Les critères retenus pour évoquer l’insomnie sont : > les mouvements oculaires par électro-oculogramme une difficulté d’endormissement (plus de 30 minutes), (EOG); ou des réveils nocturnes ou trop précoces, ou encore un sommeil non réparateur ou de mauvaise qualité > les données musculaires par électromyogramme avec un retentissement diurne (fatigue, troubles de (EMG) au niveau du menton et/ou des jambiers an- l’attention et de la concentration, irritabilité …)55,56. Ces térieurs. plaintes doivent se produire au moins trois fois par semaine, et ceci malgré de bonnes conditions de som- D’autres signaux sont aussi enregistrés en fonction de meil (absence de lumière, de bruit, température adé- la cause recherchée (respiratoire, cardiaque, mouve- quate). D’après la Société de Formation des Thérapeu- ments périodiques...). tiques du Généraliste36, si ces plaintes durent depuis L’enregistrement polysomnographique peut se prati- 3 mois, on parlera d’insomnie chronique . quer en laboratoire de sommeil (avec contrôle du pa- tient par caméra infrarouge et enregistrement vidéo) Une consultation dédiée et la réalisation d’un agenda ou en ambulatoire grâce à des appareils portables du sommeil sont des moyens simples d’évaluation miniaturisés. Dans de rares cas, il peut être effectué pour diagnostiquer une insomnie, apprécier sa gravité, au domicile du patient. Cet examen est réservé aux détecter une éventuelle cause. insomnies complexes et pour lesquelles on recherche Les causes d’insomnies peuvent être nombreuses et une comorbidité ou une pathologie du sommeil intri- multiples28,36. L’interrogatoire du patient nécessitera quée (apnées, syndrome des jambes sans repos).Il donc de s’intéresser à plusieurs dimensions : soma- oriente le diagnostic en apportant des précisions sur tique (autres pathologies y compris autres troubles la cause et la sévérité de l’insomnie et renseigne sur du sommeil), psychologique (circonstances d’appari- l’architecture du sommeil. tion du trouble, croyances erronées sur le sommeil…) 12
et environnementale (habitudes de sommeil, usage de identifier : substances perturbatrices, bruit dans la chambre…). > une insomnie d’ajustement (ou transitoire, ou de court terme), le plus souvent liée à un évènement ponctuel En fonction de l’interrogatoire, les différents question- ou une situation nouvelle, déclenchant un stress et naires dédiés au sommeil aident à préciser les contours nécessitant une adaptation ; de l’insomnie. Les échelles psychologiques (anxiété, > une insomnie chronique : dépression) sont toujours utiles dans le cadre d’une • avec une comorbidité : pathologie associée, soma- insomnie chronique28,40. Il est d’ailleurs à noter que tique ou psychique, ou usage de substance défavo- l’insomnie liée à l’anxiété provoque surtout des difficul- rable au sommeil, tés d’endormissement et des réveils nocturnes, quant à • sans comorbidité, psychophysiologique ou liée à une l’insomnie liée à la dépression, souvent plus insidieuse, mauvaise perception du sommeil (appelé aussi in- elle affecte l’endormissement mais plus fréquemment somnie subjective), la seconde partie de nuit avec un réveil précoce ou un • imputable à un trouble du rythme circadien. sommeil morcelé 57. Apprécier la sévérité de l’insomnie L’échelle d’Epworth peut être utile en cas de recherche Celle-ci est fonction de plusieurs paramètres : ancien- de somnolence diurne excessive et le questionnaire de neté de l’insomnie, ampleur du déficit de sommeil (fré- typologie circadienne en cas de suspicion d’un trouble quence, durée effective moyenne pendant la période du rythme circadien veille/sommeil. Dans tous les cas, d’insomnie), conséquences diurnes et répercussions sur un agenda du sommeil est remis. Cet outil simple et la vie du patient. objectif qui permet de visualiser les horaires et le temps de sommeil peut aider certains patients à relativiser Cette catégorisation schématique ne doit pas faire ou- l’importance de leur insomnie28,40. blier que certaines insomnies occasionnelles ou transi- toires peuvent se chroniciser; de la même manière, les L’actimétrie, qui reflète les rythmes de repos et d’activité, insomnies chroniques peuvent avoir un caractère récur- le profil du soir ou du matin, renseigne sur la cause de rent, donc intermittent. l’insomnie. • Les troubles du rythme L’enregistrement polysomnographique n’est pas systé- matique et ne se justifie que dans certains cas : suspi- Les troubles du rythme circadien doivent être investi- cion d’une cause organique à l’origine du mauvais som- gués par l’interrogatoire associé à un agenda de som- meil (par exemple, le syndrome des jambes sans repos, meil, et/ou un questionnaire de Hörne, une actimétrie, troubles respiratoires), insomnie chronique atypique, une polysomnographie qui confirme l’absence d’ano- complexe ou rebelle au traitement 28. malie du sommeil et élimine ainsi d’autres pathologies du sommeil. Un enregistrement de la température rec- Ce bilan diagnostique permet de préciser le type d’in- tale pendant 24 heures est souvent utile. Il objective un somnie et de rechercher certains facteurs étiologiques41. décalage de phase de la température, tout comme les Les insomnies sans comorbidité, anciennement appe- rythmes de sécrétion de la mélatonine7,29. Un examen lées « primaires », sont diagnostiquées après l’élimina- psychiatrique et éventuellement un test de personnali- tion de toute pathologie associée 56. té dont indiqués pour préciser une fréquente pathologie À l’issue de cette investigation clinique, il est possible, psychiatrique associée7. en fonction de la durée des troubles 36 de : différencier : > ce qui n’est pas une insomnie : petit dormeur (moins de 6 heures par nuit, absence de répercussions diurnes), narcolepsie (génératrice de mauvais sommeil) ; > un trouble du sommeil associé (apnée du sommeil, mouvements périodiques, jambes sans repos) 13 13
Le sommeil et ses troubles Chapitre I Insomnies et troubles du rythme circadien 4 - Les outils thérapeutiques La prise en charge des troubles du sommeil dépend du type selon qu’il est du « soir » (chronotype vespéral) ou du de trouble, de sa sévérité, et nécessite une approche indivi- « matin » (chronotype matinal)52. dualisée avec plusieurs modalités de prise en charge pou- vant combiner des moyens médicamenteux et non médica- Les sujets insomniaques du soir doivent : menteux (hygiènes des rythmes, approches psychologiques > éviter de décaler leurs activités le soir en maintenant et comportementales, médecines alternatives). des horaires de dîner et de coucher assez précoces, > ne pas faire de sport ou une activité trop active le soir, 4.1 • L’hygiène de sommeil > ne pas trop se décaler le week-end, > éviter l’excès de lumière, les bains ou les douches chaudes, Les conseils d’hygiène de sommeil permettent de réduire une température ambiante trop élevée le soir, les facteurs physiologiques et psychologiques éveillants, > s’exposer à la lumière le matin (luminothérapie). de ne pas perturber les facteurs circadiens et de renforcer la synchronisation circadienne59. Ils consistent à 58 : Les sujets insomniaques « du matin » quant à eux doivent : > essayer de se stimuler le soir ; > A pprendre à connaître ses besoins de sommeil et à > prendre un bain chaud, une douche chaude ou aug- respecter ses rythmes menter la luminosité ; > Maintenir des horaires de sommeil réguliers, surtout > se lever au maximum 8 heures après le coucher ; ceux du lever > s’exposer à la lumière le soir (si avance de phase). > S’exposer quotidiennement à la lumière du jour > Favoriser une activité physique, si possible le matin Dans le syndrome de retard de phase du sommeil, > Être attentif aux signes du sommeil : bâillements, pau- l’heure du coucher est retardée de 3h tous les jours en pières lourdes, etc. conservant une durée de sommeil fixe avec l’interdic- > Créer un environnement favorable au sommeil : tion des siestes, ce qui entraîne un allongement de la chambre aérée, calme, température entre 18 et 20 °C période du cycle veille sommeil. Le patient retrouve un > Respecter un temps de détente avant le coucher, pour cycle normal en 7 jours (3h de moins que l’heure ini- favoriser un rituel tiale du coucher). Les horaires doivent alors être main- > Mettre son portable sur mode avion tenus strictement par la suite. > Réserver le lit au sommeil et à l’intimité > Ne pas chercher à rester au lit si on ne dort pas Dans le syndrome d’avance de phase du sommeil, l’heure de coucher est avancée de 3h tous les jours Il est aussi conseillé d’éviter : ce qui entraîne un raccourcissement de la période du > Un temps passé au lit excessif cycle veille-sommeil. Le patient retrouve un cycle nor- > Les excitants (café, thé, vitamine C, boissons énergi- mal en 7 jours60. Chez ces sujets, la chronothérapie est santes ou à base de coca, tabac) plus difficile à mettre en œuvre, les sujets ayant des > Les dîners trop copieux le soir difficultés à s’endormir si l’on diminue la durée de la > La prise d’alcool le soir période circadienne 7. Le syndrome d’avance de phase > Une pratique tardive du sport est beaucoup plus difficile à traiter par chronothérapie > Des activités trop stimulantes le soir que le syndrome de retard de phase 60. > La télévision dans la chambre > La lumière des écrans électroniques le soir et dans le lit • Luminothérapie 4.2 • Interventions chronobiologiques La luminothérapie repose sur une exposition à une lumière de forte intensité et de durée précise, à un ho- Le but est de resynchroniser une horloge biologique dé- raire particulier qui dépend des individus et du trouble. calée en utilisant notamment la chronothérapie (chan- Couplée à une bonne hygiène de sommeil et au res- gement progressif des horaires de coucher et de lever), pect des rythmes, la luminothérapie est actuellement la luminothérapie et la prise de mélatonine55. le traitement de référence en cas de désynchronisation • Chronothérapie de l’horloge 61, comme dans le syndrome d’avance de phase 29. Elle repose sur une exposition à une lumière Cette méthode permet de recentrer les habitudes de de forte intensité et de durée précise, à un horaire par- sommeil d’un sujet sur son profil chronobiologique, ticulier qui dépend des individus et du trouble. 14
• Mélatonine et minuit) à l’arrivée d’un vol transméridien améliore les troubles liés au décalage horaire chez 70 à 80% des La mélatonine apportée de manière exogène est ca- voyageurs, d’après une évaluation basée sur la synthèse pable d’agir comme un synchroniseur sur l’horloge d’études cliniques réalisées en double aveugle contre biologique, car elle indique l’alternance jour/nuit 60. placebo. Le bénéfice est d’autant plus important que le La mélatonine exogène modifie la phase de sécrétion décalage horaire est grand. L’heure de prise est cruciale : endogène en l’avançant ou en la retardant. Il n’y a pas administrée trop tôt dans la journée, la mélatonine peut de phénomène de rétrocontrôle négatif 62. être à l’origine de somnolences et d’un retard d’adapta- Tout comme la lumière, le moment de prise de méla- tion au jet-lag 63. Le moment de la de prise de mélato- nine doit être adapté en fonction du nombre de fuseaux tonine influence la remise à l’heure de l’horloge biolo- horaires traversés et le sens du vol (est/ouest) 62. gique (fig 9). Une des propriétés de la mélatonine exogène démontrée Dans le syndrome de retard de phase, l’administration dans plusieurs études cliniques chez des sujets sains et de mélatonine permet de choisir une heure d’endor- avec un trouble du sommeil a fait l’objet d’une évaluation missement plus compatible avec une vie scolaire ou par l’autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA). sociale « normale ». La prise de quelques milligrammes L’EFSA a validé l’allégation selon laquelle la prise de 1 mg de de mélatonine à libération immédiate le soir, environ mélatonine peu avant l’heure du coucher diminue le temps d’endormissement 64. Il est à noter que selon les études, des améliorations significatives d’autres paramètres (qualité, efficacité du sommeil) ont pu être observées 65-67. La mélato- nine exogène est donc intéressante pour l’insomnie 68-70 et plus particulièrement pour l’insomnie de la personne âgée 71. L’intérêt particulier pour la mélatonine chez la personne âgée vient du fait que les concentrations nocturnes plasma- tiques de mélatonine baissent avec l’âge et qu’une produc- tion particulièrement faible de mélatonine a été mesurée- chez des sujets âgés se plaignant d’insomnie (fig 10). Figure 9 : Effet du moment de prise de mélatonine exogène sur la courbe de libération endogène 62 cinq heures avant l’endormissement habituel, contri- bue à avancer l’heure d’endormissement. Ce traite- Figure 10 : Evolution de la sécrétion de mélatonine sanguine en fonction de l’ âge (d’après72) ment est généralement mieux accepté que la photo- thérapie matinale, qui peut être ressentie comme une Il se pourrait donc que la diminution de la sécrétion de agression par le patient après un lever précoce 62. mélatonine joue un rôle dans l’accroissement de l’inci- dence de l’insomnie chez le sujet âgé 62. Pour compen- Dans le syndrome de franchissement rapide de plu- ser cette insuffisance tout au long de la nuit, une forme sieurs fuseaux horaires ( jet-lag), la prise de 0,5 à galénique a été développée pour obtenir un pic plas- 5 mg de mélatonine à l’heure du coucher (entre 22 h matique de mélatonine moins ample, mais un temps 15 15
Le sommeil et ses troubles Chapitre I Insomnies et troubles du rythme circadien de présence plasmatique prolongé, plus proche de la priétés de cette plante dans l’insomnie ont fait l’objet courbe physiologique de sécrétion de mélatonine que de plusieurs études cliniques. Si les méta-analyses77,80 ne celle obtenue avec une forme à libération immédiate. concluent pas à un effet en faveur de la valériane en rai- Plusieurs études randomisées, contrôlées, en double son de nombreux biais (hétérogénéité des types d’insom- aveugle et contre placebo réalisées chez le sujet âgé de nies, des extraits et doses…), certaines études en double plus de 55 ans et présentant une insomnie ont permis aveugle contre placebo mettent en évidence un effet de montrer une réduction de la latence d’endormisse- modeste sur l’insomnie76,79-82 : chez plus de 200 sujets ment, une amélioration de la qualité de sommeil et de insomniaques, la prise de de 3,6 g de valériane pendant 2 sa fonction réparatrice. La prise de mélatonine à libéra- semaines améliore sensiblement la qualité ressentie du tion prolongée entraîne également une amélioration sommeil83 ; une amélioration significative de 78 % de la de la vigilance matinale 73. qualité subjective du sommeil a également été consta- tée chez une dizaine d’insomniaques ayant ingéré une 4.3 • La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) dose unique de 400 mg d’une préparation de valériane84 ; Une thérapie cognitivo-comportementale peut être bé- le temps d’endormissement a été diminué d’environ 40% néfique chez le sujet se plaignant de troubles du som- chez un petit nombre d’insomniaques qui avait consom- meil, troubles dont les causes organiques auront au pré- mé 450 mg d’un extrait de valériane85 . alable été éliminées 29. L’agence européenne du médicament (EMA) reconnaît l’usage traditionnel de la racine de valériane sous cer- La TCC permet une rééducation du sommeil avec une ef- taines formes pour faciliter le sommeil81. ficacité au moins comparable aux hypnotiques55. Dans la pratique, ces thérapies sont longues et demandent • Les autres plantes un investissement fort des patients et des thérapeutes52. Dans les cahiers de l’agence du médicament, plusieurs Deux méthodes sont utilisées : la restriction du temps médicaments à base de plantes bénéficient d’une indica- passé au lit qui augmente la pression de sommeil et le tion thérapeutique traditionnelle dans les états neuroto- contrôle du stimulus qui réduit l’anxiété de tout ce qui niques de l’adulte notamment en cas de troubles mineurs est en lien avec le sommeil et l’incapacité de le trouver74. du sommeil86. Parmi ces plantes sont retrouvés la valériane, le houblon, l’aubépine, la lavande, la verveine, et aussi : Dans certains cas, il est nécessaire de compléter cette approche comportementale par un travail cognitif qui > L’eschscholtzia (Eschscholtzia californica) : certains de permet de corriger les croyances erronées concernant le ses constituants ont une affinité pour les récepteurs sommeil « normal »55,74. GABA 77,87. Chez l’animal, une étude montre un effet d’un extrait sur le temps de sommeil qui est prolongé 4.4 • La phytothérapie et l’activité locomotrice spontanée qui est réduite 88. L’EMA reconnaît l’usage traditionnel des parties aé- Grâce à leurs propriétés calmantes, sédatives ou hypno- riennes fleuries en poudre pour faciliter le sommeil et tiques, certaines plantes bénéficient d’une utilisation diminuer la nervosité 87. traditionnelle ancienne dans les troubles du sommeil75. Quelques-unes de ces plantes ont fait l’objet d’une éva- > La mélisse (Melissa officinalis) : dans une étude pilote luation vis-à-vis de leur effet sur l’insomnie au moyen ouverte menée chez 20 sujets avec une anxiété légère d’études chez l’animal et chez l’homme 40,77,78. à modérée et des perturbations du sommeil, la prise La présence de composés agissant notamment sur la de 600 mg d’un extrait de mélisse pendant 15 jours voie GABAergique expliquerait leurs propriétés76,77. En diminue de 42% le score d’insomnie et cet effet est effet, le GABA, principal neurotransmetteur inhibiteur, fa- plus marqué pour l’insomnie d’endormissement 89. vorise l’endormissement et son récepteur est la cible des L’EMA reconnaît un usage traditionnel des feuilles de traitements médicamenteux pour induire le sommeil76 mélisse sous différentes formes pour faciliter le som- meil et diminuer la nervosité 90. • La valériane > La passiflore (Passiflora incarnata) : dans une étude me- Les racines de valériane (Valeriana offi- née chez la souris, un effet sédatif a pu être observé91. cinalis) sont utilisées comme remède de Dans une étude clinique en double aveugle contre pla- l’insomnie depuis l’antiquité79. Les pro- cebo menée chez 41 sujets sains, une infusion de passi- 16
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