Le syndrome d'Ehlers-Danlos: l'architecture matricielle en question The Ehlers-Danlos syndrome: the extracellular matrix scaffold in question ...
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Document generated on 03/29/2021 2:34 p.m. M/S : médecine sciences Le syndrome d’Ehlers-Danlos: l’architecture matricielle en question The Ehlers-Danlos syndrome: the extracellular matrix scaffold in question Agnès Fichard, Hélène Chanut-Delalande and Florence Ruggiero Volume 19, Number 4, avril 2003 Article abstract Ehlers-Danlos syndrome (EDS) is a heterogeneous heritable connective tissue URI: https://id.erudit.org/iderudit/006496ar disorder characterized by hyperextensible skin, hypermobile joints and fragile vessels. The molecular causes of this disorder are often, although not strictly, See table of contents related to collagens and to the enzymes that process these proteins. The classical form of the syndrome, which will be principally discussed in this review, can be due to mutations on collagen V, a fibrillar collagen present in Publisher(s) small amounts in affected tissues. However, collagen I and tenascin have also been demonstrated to be involved in the same type of EDS. Moreover gene SRMS: Société de la revue médecine/sciences disruption of several other matrix molecules (thrombospondin, SPARC, small Éditions EDK leucine rich proteoglycans...) in mice, lead to phenotypes that mimic EDS and these molecules have thus emerged as new players. As collagen V remains the ISSN prime candidate, we discuss, based on fundamental and clinical observations, its physiological role. We also explore its potential interactions with other 0767-0974 (print) matrix molecules to determine tissue properties. 1958-5381 (digital) Explore this journal Cite this article Fichard, A., Chanut-Delalande, H. & Ruggiero, F. (2003). Le syndrome d’Ehlers-Danlos: l’architecture matricielle en question. M/S : médecine sciences, 19(4), 443–452. Tous droits réservés © M/S : médecine sciences, 2003 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
MEDECINE/SCIENCES 2003 ; 19 : 443-52 Le syndrome d’Ehlers-Danlos : l’architecture > Le syndrome d’Ehlers-Danlos constitue un matricielle REVUES groupe hétérogène de maladies génétiques du en question tissu conjonctif. Il est caractérisé par une peau Agnès Fichard, Hélène Chanut-Delalande, hyper-extensible, des articulations anormale- Florence Ruggiero ment mobiles et des vaisseaux fragiles. Les ano- malies moléculaires responsables de cette mala- die portent souvent sur les collagènes et les enzymes assurant leur maturation. La forme clas- SYNTHÈSE sique du syndrome, qui sera principalement dis- cutée dans cet article, est majoritairement due à des mutations du collagène V, un collagène fibril- laire présent en petite quantité dans les tissus affectés. Cependant, des anomalies moléculaires du collagène I ou de la ténascine peuvent aussi être responsables de ce syndrome. De plus, chez la souris, l’invalidation de gènes codant pour d’autres molécules matricielles (SPARC, throm- Institut de Biologie et bospondine, petits protéoglycanes riches en leu- Chimie des Protéines, cine) conduit à des phénotypes mimant ce syn- UMR Cnrs 5086, drome et suggère que ces molécules pourraient que l’os, la peau, la 7, passage du Vercors, donc être impliquées. Comme les anomalies du cornée ou encore les 69367 Lyon Cedex 07, France. tendons, sont structu- f.ruggiero@ibcp.fr collagène V restent à ce jour principalement res- rés à partir des mêmes ponsables de cette affection, nous discuterons matériaux de base et notamment à partir des collagènes son rôle physiologique à la lumière des observa- (Figure 1). Les propriétés tissulaires doivent donc résul- tions cliniques et fondamentales. Nous tenterons ter de différences quantitatives entre les composés de comprendre comment le collagène V interagit matriciels d’un tissu à l’autre, d’interactions spéci- avec les autres molécules pour déterminer les fiques ou encore d’agencements topologiques particu- caractéristiques tissulaires. < liers à un type de tissu (Figure 1). L’imbrication des divers constituants matriciels au service du maintien des propriétés tissulaires est particulièrement bien illustrée par une maladie, le syndrome d’Ehlers-Danlos (EDS). Il s’agit d’un groupe assez hétérogène de mala- La matrice extracellulaire est constituée de quatre dies génétiques, classées en six types différents selon la grandes familles de composés, les collagènes, les pro- nouvelle nosologie [1], et qui affectent les tissus téoglycanes, les glycoprotéines et les protéines élas- conjonctifs non cartilagineux (Tableau I). Les atteintes tiques. Ces composés peuvent, pour la plupart, s’auto- cardinales sont cutanées, articulaires et vasculaires. La assembler mais également interagir entre eux ou par peau, fréquemment contusionnée, présente un aspect l’intermédiaire de récepteurs, avec les cellules. C’est doux et velouté. Elle est hyperextensible tout comme le grâce à cette trame de connexions que se réalise la vie sont les articulations [2]. Les facultés de contorsions cellulaire (adhérence, morphogenèse, apoptose…) et des sujets atteints sont telles que jadis, certains purent que se forgent les caractéristiques tissulaires (solidité, faire l’objet d’attraction dans les foires. Les vaisseaux souplesse, transparence). Il est frappant de constater à sont fragiles et cette fragilité se révèle extrême dans quel point des tissus aux propriétés aussi différentes l’un des types d’EDS, l’EDS vasculaire, qui est le plus M/S n° 4, vol. 19, avril 2003 443
sévère, les sujets atteints étant prédisposés notamment tion de collagènes de type différents, qui peuvent être à des ruptures vasculaires. synthétisés dans une même cellule et qui s’assemblent à Cette maladie a longtemps semblé résulter d’anomalies l’extérieur de la cellule pour former des fibres mixtes, génétiques portant sur les collagènes fibrillaires I et III, dites alors hétérotypiques (Figure 2). De telles fibres, ou encore sur des enzymes assurant la maturation des composées de collagènes I, III et V sont présentes dans les collagènes, telles que la N-protéinase, qui est respon- tissus atteints des sujets porteurs d’EDS (peau, tendon et sable du clivage amino-terminal de ces collagènes, ou os) alors que les assemblages II et XI sont presque exclu- la lysyl-hydroxylase garante de la réticulation des col- sivement restreints aux tissus cartilagineux. La quantité lagènes. En ce qui concerne la forme la plus fréquente de relative de chacun de ces composants au sein d’une même la maladie, l’EDS classique, objet de cet article, il a été fibre a une incidence directe sur son diamètre, qui, en établi que des mutations affectant le collagène V, un retour, semble déterminer certaines propriétés tissu- collagène fibrillaire peu abondant, fréquemment asso- laires. Par exemple, un tissu comme l’os, où la solidité est cié au collagène I, sont responsables de 30 à 50 % des cas rapportés. requise, présente de larges fibres hétérotypiques I/V Cette forme classique peut également, mais plus rarement, être en rap- (100-150 nm de diamètre moyen) pour lesquelles la port avec des mutations siégeant sur le collagène I. Cependant, il est quantité de collagène V est largement minoritaire (moins désormais acquis que l’EDS n’est pas strictement lié à des mutations de 1 % par rapport au collagène I). La cornée contient des affectant la synthèse ou la maturation des collagènes. Des anomalies fibres comportant les mêmes types de collagène, mais où d’une protéine matricielle non collagénique, la ténas- cine X, sont à l’origine de quelques cas d’EDS classique [3]. De plus, des expériences d’inactivation de gènes Ultrastructure des matrices extracellulaires chez la souris laissent présumer que d’autres consti- CORNÉE PEAU TENDON tuants matriciels (thrombospondine-2, SPARC [secreted Cornée Peau Tendon protein acidic and rich in cystein], décorine, lumi- cane…) pourraient être en cause, élargissant ainsi le spectre des protéines impliquées dans cette maladie. Ces données de la recherche fondamentale, alliées à l’analyse de l’impact des défauts moléculaires sur la présentation clinique de l’EDS classique, permettent d’appréhender la contribution des protéines matricielles 2µm 2µm 2µm et notamment du collagène V à la spécificité fonction- nelle de certains tissus. Caractéristiques moléculaires des collagènes I et V et de la ténascine X 500nm 500nm 500nm Ces protéines sont les cibles principales des mutations Composition en macromolécules conduisant à un EDS classique. Le rôle que jouent les col- Collagènes Glycoprotéines Protéoglycanes lagènes I et V dans cette maladie ne peut être appréhendé Collagène I Thrombospondine 2 (P, T) Lumicane (C, P) Collagène III Ténascine X Décorine (P) sans une brève description de leurs principales caracté- Collagène V (C, P, T) SPARC/ostéonectine Fibromoduline (T) ristiques (voir [4] pour une présentation plus exhaus- tive). Les collagènes sont des protéines extracellulaires Figure 1. Ultrastructure des matrices extracellulaires et composition en macromo- constituées de trois chaînes polypeptidiques comportant lécules. A. Organisation du réseau collagénique adaptée à la fonction des tissus: au moins un domaine replié en triple hélice. Cette confor- la cornée, où les fibres s’agencent en un contre-plaqué extrêmement régulier dont mation caractéristique est adoptée, du fait de la pré- dépend la transparence de ce tissu; la peau, où les fibres de collagènes, de sec- sence dans la séquence primaire de chacune des chaînes, tion hétérogène, ne présentent aucune direction privilégiée et sont garantes de la d’une succession de triplets Gly-X-Y, pour lesquels X est le cohésion de ce tissu particulièrement élastique et déformable; le tendon, où les plus souvent représenté par une proline et Y par une faisceaux de fibres, parallèles les uns aux autres, forment de solides câbles hydroxyproline. Les collagènes I, III, V, de même que les capables de résister aux forces de tensions considérables que subit ce tissu. B. collagènes II et XI, forment le groupe des collagènes Composants matriciels présents dans quelques-uns des tissus cibles de l’EDS de fibrillaires, ainsi désignés par leur aptitude à s’assembler type classique: la cornée (C), la peau (P) et le tendon (T). En vert, molécules dont en agrégats spécifiques formant des fibres à striation l’absence totale ou une mutation provoquée affectent en priorité l’un des tissus périodique. Ces agrégats résultent souvent de l’associa- présentés (d’après les connaissances actuelles [3,26-30,33]). 444 M/S n° 4, vol. 19, avril 2003
le collagène V représente 25 % par rapport au collagène I. deux extrémités amino- et carboxy-propeptidiques. Une (➜) m/s Les fibres sont plus fines, d’un diamètre de 25 à 30 nm et fois sécrétée dans la matrice, la molécule de collagène 2002, n° 10, agencées de manière très régulière, caractéristiques dont subit une excision de ces extrémités amino- et carboxy- p. 982 on sait l’importance pour la transparence de ce tissu. terminales effectuée par des enzymes spécifiques, les Chez l’adulte, une blessure profonde de la cornée cica- amino- et carboxy-protéinases. Cet élagage va pratique- trise en une zone opaque résultant de la formation de ment réduire la molécule à sa simple triple hélice. REVUES fibres de diamètre irrégulier. Plusieurs études conver- Cependant, contrairement aux collagènes I et III, le colla- gentes montrent que le collagène V serait un des facteurs gène V retient un large globule amino-terminal qui, par responsables de la régulation du diamètre des fibres encombrement stérique, limite le dépôt de molécules de hétérotypiques I/V, notamment grâce à une particularité collagène I au sein des fibres hétérotypiques I/V [5] dans la maturation de son extrémité amino-terminale. En (Figure 2). effet, les collagènes fibrillaires sont synthétisés sous Les ténascines sont des molécules mystérieuses quant à forme de pro-collagène, présentant une triple hélice inin- leur fonction. Elles sont au nombre de cinq, notées C, R, X, terrompue d’environ 1000 acides aminés, flanquée de Y et W [6] (➜). Les isoformes les mieux connues sont la SYNTHÈSE NOUVELLE NOSOLOGIE SYMPTÔMES CLINIQUES SYMPTÔMES CLINIQUES CAUSE GÉNÉTIQUE MODE DE FRÉQUENCE NUMÉRO OMIM ANCIENNE CLASSIFICATION PRINCIPAUX MINEURS OU MOLÉCULAIRE TRANSMISSION Classique Hyperextensibilité de la peau Peau douce et veloutée Mutations AD Commun 130000 EDS I ou II Cicatrices atrophiques Pseudo-tumeurs molluscoïdes des gènes 130010 Hypermobilité des articulations Hypotonie musculaire COL5A1 ou COL5A2 Développement moteur retardé Complications dues à l’hypermobilité Mutations des articulations du gène COL1A1 (subluxations, déboîtements…) Contusions fréquentes Mutation Fragilité des tissus (hernie…) du gène TénascineX Hyper-mobile Hyperextensibilité variable Déboîtement fréquent ? AD Commun 130020 EDS III de la peau (pas de cicatrice des articulations, atrophique) Douleurs chroniques des membres Hypermobilité généralisée et des articulations des articulations Vasculaire Peau mince et translucide Acrogérie (atrophie cutanée) Mutations AD Commun 130050 EDS IV Fragilité ou rupture des artères, Hypermobilité du gène COL3AI de l’intestin ou de l’utérus des petites articulations Contusions étendues Rupture des tendons et des muscles Aspect caractéristique de la face Pied-bot Veines variqueuses Fistule artério-veineuse Pneumothorax Atrophie des gencives Cypho-scoliotique Articulations lâches Fragilité des tissus Déficit AR Rare 225400 EDS VI Hypotonie musculaire sévère Cicatrices atrophiques en lysyl-hydroxylase à la naissance Contusions fréquentes Scoliose à la naissance Ruptures artérielles Autre cause Fragilité de la sclérotique Type marfanoïde inconnue Rupture du globe oculaire Microcornée Ostéoporose Arthrochalasique Hypermobilité sévère Hyper-élasticité de la peau Maturation AD Rare 130060 EDS VIIA des articulations avec Fragilité des tissus défectueuse de EDS VIIB subluxations récurrentes Cicatrices atrophiques l’amino-pro-peptide de Luxation congénitale Contusions fréquentes la chaîne α1(I) (type A) bilatérale des hanches Hypotonie musculaire ou α2(I)(type B) Cypho-scoliose causée par une Ostéopénie moyenne délétion de l’exon 6 dans COL1A1 ou COL1A2 Tableau I. Classification des syndromes d’Ehlers-Danlos selon la nouvelle nosologie [1]. AD: autosomique dominant; AR: autosomique récessif; OMIM: on line mendelian inheritance in man. M/S n° 4, vol. 19, avril 2003 445
ténascine C, forme la plus répandue, fortement exprimée sième affection génétique du tissu conjonctif. La forme durant le développement, particulièrement dans les sites classique de cette maladie héréditaire est à transmission de condensation du mésenchyme, la ténascine R, dont autosomique dominante en ce qui concerne les gènes de l’expression est restreinte au système nerveux central et collagènes I et V mais pourrait être récessive dans le cas du qui aurait un rôle dans la croissance neuronale et le gui- gène de la ténascine X. dage axonal, et la ténascine X, présente dans les mêmes Les symptômes principaux de l’EDS classique sont l’hy- tissus que la ténascine C, mais dans des zones distinctes. per-extensibilité de la peau, la présence de cicatrices Du point de vue structural, les ténascines partagent une atrophiques et l’hypermobilité des articulations. Les organisation commune à base de répétitions de motifs EGF mutations sur les gènes de collagène V constituent l’une (epidermal growth factor) et de modules fibronectine de des causes les plus fréquemment répertoriées de l’EDS type III. Les monomères, larges polypeptides d’une masse classique, forme la plus commune de cette maladie. Dès moléculaire variant de 190 à 300 kDa selon l’isoforme, 1994, des études de liaison génétique chez des patients peuvent s’assembler pour former des structures oligomé- atteints d’EDS ont permis de mettre en évidence l’impor- riques à plusieurs bras, comme l’hexabrachion caractéris- tance fonctionnelle de ce collagène pourtant peu abon- tique de la ténascine de type C. Les capacités d’interaction des ténas- dant dans les tissus [7]. Depuis lors, de nombreuses cines, notamment de la ténascine C, avec les composés extracellulaires mutations des gènes de collagène V conduisant à des ont été largement étudiées, de même que leurs interactions avec les cel- EDS ont été décrites (Tableau II). lules. Les fonctions de la ténascine C sont duelles puisque la molécule La chaîne α1 du collagène (V), le plus fréquemment, et peut se révéler in vitro adhérente ou, au contraire, anti-adhérente selon la chaîne α2 (V) plus rarement, peuvent être affectées le type cellulaire. Ces propriétés sont fondamentales car, en fragilisant les [8, 9]. Les mutations sont de nature variée (délétion interactions cellules/matrices, ces protéines pourraient permettre aux d’exon, mutation ponctuelle, translocation), et tou- cellules de migrer ou de se diviser [6]. 1. Synthèse des collagènes Le syndrome et autres composés matriciels : PG, SPARC, tsp, TN… d’Ehlers-Danlos: RER présentation clinique, Fibroblaste nosologie, anomalies génétiques Noyau Col III Col V α2β1, α1β1 Le syndrome prit son nom Col I dans les années 1930, après 2. Sécrétion des protéines * les travaux de deux derma- matricielles, maturation tologues, l’un danois Edward Ehlers (1863-1937), des collagènes * Matrice extracellulaire l’autre français Alexandre Danlos (1844-1912), ayant * * chacun rapporté, au début du XXe siècle, des cas de * patients présentant une 3. Association en fibres et interaction avec d’autres * TN composants matriciels PG hyper-élasticité de la SPARC peau. La fréquence de tsp cette maladie pourrait être voisine de 1/5000 nais- sances, mais reste impré- Figure 2. Synthèse des collagènes par les fibroblastes et organisation supramoléculaire des protéines matricielles dans cise, car il existe probable- le compartiment extracellulaire. La biosynthèse d’une molécule de procollagène fibrillaire nécessite l’association de ment de nombreux cas trois chaînes par le domaine carboxy-pro-peptidique puis leur enroulement en triple hélice (étape 1). Le pro-collagène infra-cliniques. Cette af- formé est alors sécrété dans le compartiment extracelullaire où il est converti en une molécule mature: le collagène fection, sans prédisposi- (étape 2). Cette étape de maturation est indispensable pour permettre l’association en fibres: la fibrillogenèse (étape tion ethnique ou raciale, se 3). Les fibroblastes synthétisent aussi d’autres molécules matricielles, comme les petits protéoglycanes (PG), SPARC place, en terme de nombre (secreted protein acidic and rich in cystein), la thrombospondine (Tsp), qui, en se liant aux fibres de collagène, parti- de patients, comme la troi- cipent à la fibrillogenèse. RER: réticulum endoplasmique rugueux; Col: collagène; TN: ténascine. 446 M/S n° 4, vol. 19, avril 2003
GÈNE MUTATION DONNÉES CLINIQUES COMMENTAIRES RÉFÉRENCES Nature et localisation Atteintes autres que cutanées et articulaires COL5A1 Translocation chromosome 9/chromosome X Développement retardé [10] Interruption dans l’intron 24 Scoliose Interruption de la triple hélice Hypomélanose d’Ito COL5A1 Délétion de 4 pb dans l’intron 65 conduisant Accouchement prématuré [11] à la délétion de l’exon 65 REVUES Carboxy-pro-peptide COL5A1 Mutation ponctuelle G/T en 5’ d’un site d’épissage. Cyphoscoliose thoracique moyenne Aspect clinique entre type [12] Délétion de l’exon 49 (54 pb) Prolapsus de la valvule mitrale arthrochalasique et Triple hélice Hypermétropie (cornée aplatie) type classique 1 fausse couche, 1 grossesse à terme COL5A1 Mutation ponctuelle G/C aboutissant à une substitution Pour le patient référent: [13] Cys/Ser en position 1181 pectus excavatum, scoliose moyenne, Carboxy-pro-peptide pied-bot, varicosité, hernie inguinale Délétion de l’exon 42 Hernie ombilicale Triple hélice Dislocation des hanches SYNTHÈSE Mutation ponctuelle T/A en position -11 sur site d’épissage Luxation des chevilles de l’exon 65 aboutissant au niveau de l’ARNm soit à une insertion de 9 pb soit à une délétion de 45 nucléotides de l’exon 65. Carboxy-pro-peptide COL5A1 Mutation ponctuelle T/G au niveau d’un site de branchement 1re description [14] d’épissage de l’intron 32 d’une mutation dans un site Délétion de l’exon 33 (15 aa) dans 60 % des transcrits de branchement Triple hélice d’épissage (lariat) COL5A2 Mutation ponctuelle G/T dans le site 5’ donneur Pied-bot Effet dominant négatif [8] de l’intron 28 Pas de signes cliniques d’anomalies oculaire, Délétion de l’exon 28 squelettique ou viscérale Triple hélice Délétion de 7 pb à la jonction intron/exon de l’exon 27 Dislocation récurrente des épaules Délétion de l’exon 27 Triple hélice COL5A2 Mutation ponctuelle G/C G934R [9] Triple hélice COL5A1 Mutation ponctuelle G/A dans l’exon 58 et mutation Varicosité des jambes La mutation sur la partie [15] ponctuelle G/A dans l’exon 13 Microcornée amino-pro-peptidique entraîne Double substitution: G530S et G1489D un phénotype discret, Petite triple hélice de l’amino-pro-peptide et triple hélice mais renforce la gravité du syndrome EDS dû à la mutation Mutation ponctuelle G/A dans l’exon 58 Microcornée sur la triple hélice Substitution G1489D Triple hélice Mutation ponctuelle G/A dans l’exon 13 Substitution G530S Petite triple hélice de l’amino-pro-peptide COL5A1 Mutations non-sens dues à l’insertion ou à la délétion Haplo-insuffisance [16] d’un nucléotide chez cinq individus différents dans les exons 48, 49, 53, 54 Pour un cas: Perte d’hétérozygotie au niveau de l’ARNm qui n’est les bases moléculaires pas exprimé ou qui est instable. de l’expression d’un seul Triple hélice allèle restent à déterminer Mutation ponctuelle T/A Omission d’exon 15 Triple hélice COL5A1 Mutation sur le site accepteur d’épissage de l’exon 14 4 cas étudiés dans la même famille: [17] Arrêt de la transcription au niveau de l’exon 17 • un pectus excavatum Triple hélice • une grossesse normale, une avec rupture prématurée des membranes Tableau II. Mutations sur les gènes codant pour le collagène V provoquant un syndrome d’Ehlers-Danlos. 447 M/S n° 4, vol. 19, avril 2003
chent principalement la triple hélice et le carboxy-pro- chaînes α3 ou α4 ont été plus récemment caractérisés peptide [10-14]. Au sein d’une famille affectée par [18, 19], et leurs mutations pourraient peut-être rendre cette maladie, des mutations dans la partie amino-pro- compte de quelques cas. peptidique ont été également rapportées, mais elles Cependant, les mutations sur le collagène V ne sont cer- conduisent à un phénotype discret (peau fine, cicatrisa- tainement pas responsables à elles seules de toute la tion retardée) qui ne peut être apparenté à un EDS clas- pathologie classique. Des anomalies moléculaires res- sique [15]. Toutefois, cette mutation constitue un fac- ponsables de ce syndrome ont également été identifiées teur aggravant lorsqu’elle est couplée à une autre au niveau de la chaîne α1 du collagène I ou de la ténas- mutation située dans la partie codant pour la triple cine X [20, 21]. Le rôle de la ténascine X dans la genèse hélice, qui, par ailleurs, induit à elle seule un EDS [15]. de l’EDS reste cependant encore à clarifier car les Dans le cas de l’ostéogenèse imparfaite, une autre patients souffrent également d’hyperplasie médullo- maladie héréditaire affectant les tissus osseux et dont surrénalienne congénitale. De plus, le phénotype diffère les anomalies moléculaires portent sur les chaînes de légèrement par rapport aux cas où les collagènes V et I collagène I, les substitutions au niveau de la glycine, ce sont impliqués, puisqu’il n’y a pas de cicatrices atro- petit acide aminé crucial dans la structure en triple phiques et que les fibres de collagène n’ont pas l’aspect hélice de la molécule, sont largement majoritaires et singulier en « chou-fleur » [2]. Une autre étude a entraînent des phénotypes sévères. Dans l’EDS classique confirmé le rôle de la ténascine X dans l’EDS (5 cas sur lié au collagène V, il est remarquable que les mutations 151 patients souffrant de cette maladie) et la caracté- responsables d’anomalies d’épissage d’introns, sont ristique récessive de la transmission de la maladie [22]. plus fréquentes et que, dans les quelques cas où un L’implication de la ténascine X empêche donc cependant résidu glycine est substitué, le phénotype n’est pas de considérer l’EDS classique comme une maladie stric- aggravé [9, 15]. Les répercussions de ces mutations au tement liée aux collagènes. Certaines maladies géné- niveau protéique peuvent être quantitatives (haplo- tiques matricielles comme l’ostéogenèse imparfaite ou insuffisance ou nombre de molécules diminué) ou quali- le syndrome de Marfan résultent de défauts qui touchent tatives (protéines anormales produisant un effet domi- principalement une seule molécule matricielle, en l’oc- nant négatif), sans que puisse y être associé un degré de curence respectivement le collagène I et la fibrilline I gravité [16, 17]. (protéine impliquée dans l’élasticité des tissus). Au Une quinzaine de cas d’EDS classique, clairement liés au contraire, l’EDS classique résulte de mutations siégeant collagène V, ont été rapportés jusqu’ici. Il faudra sans sur des gènes de protéines différentes, qui cependant doute que l’échantillonnage soit plus important pour donnent lieu à des manifestations cliniques proches. Ces mieux appréhender les relations génotype/phénotype et caractéristiques seraient à rapprocher de celles de apprécier au plus juste la participation de ce collagène l’épidermolyse bulleuse. à l’architecture tissulaire. Il faut aussi garder à l’esprit Les causes moléculaires de l’EDS classique ne sont pas que l’EDS classique est à transmission dominante et toutes élucidées, mais les techniques d’invalidation de qu’une proportion de molécules intactes reste donc tou- gène chez la souris orientent les recherches vers des pro- jours sécrétée. Les biopsies, dont le nombre est bien évi- téines matricielles non collagéniques. demment limité, apportent peu de renseignements sur la structure des tissus conjonctifs atteints, mais ont per- Invalidation de gènes codant mis de montrer que, d’un point de vue ultrastructural, pour les protéines matricielles les fibres apparaissent fusionnées, clairsemées, que chez la souris et syndrome d’Ehlers-Danlos leurs contours et leurs diamètres sont irréguliers (fibres en « chou-fleur »). Ce diamètre n’est pas systématique- Les mutations nulles sur les collagènes I et III sont très ment accru alors que dans les tissus, plus le collagène V rapidement létales chez la souris et n’ont donc pu est faiblement représenté, plus les fibres sont grosses. Il apporter d’éléments fondamentaux à la connaissance existe quatre chaînes α de collagène V pouvant s’asso- de l’EDS [23-25] (Tableau III). Il n’existe pas encore de cier en au moins quatre formes moléculaires modèle de souris dont le gène codant pour le collagène différentes : une majoritaire, l’hétérotrimère V a été invalidé, mais la lignée porteuse d’une mutation [α1(V)]2α2(V), et trois minoritaires les isoformes de délétion sur l’amino-télopeptide de la chaîne α2(V) α1(V)α2(V)α3(V), [α1(V)]2α4(V) et l’homotrimère présente des manifestations cutanées voisines de celles [α1(V)]3. Dans plusieurs cas d’EDS classique, il a été observées dans le syndrome d’Ehlers-Danlos, sans pour montré que les gènes des chaînes α1 et α2 du collagène autant que le phénotype observé en soit la réplique V ne sont pas impliqués dans la maladie. Les gènes des exacte (pas d’hypermobilité démontrée des articula- 448 M/S n° 4, vol. 19, avril 2003
tions) [26]. Quelques équipes, dont la nôtre, s’atta- cornéenne montrant le rôle essentiel de ce protéogly- chent à étudier en profondeur les répercussions précises cane dans la transparence de la cornée [28]. La peau de de cette mutation sur la fibrillogenèse. ces souris est anormalement élastique. Dans le cas des Les souris dont le gène de la ténascine a été invalidé souris dont le gène codant pour la fibromoduline a été présentent une hyper-extensibilité cutanée progressive invalidé, les tendons montrent une laxité particulière- s’apparentant à un syndrome d’Ehlers-Danlos. Cette ment importante [29]. Ces observations suggèrent une REVUES hyper-extensibilité résulterait d’un dépôt plus faible de participation de ces deux protéoglycanes à la physiopa- collagène I dans la matrice, ce qui est en faveur d’un thogénie du syndrome d’Ehlers-Danlos chez l’homme. rôle régulateur de la ténascine X dans la synthèse de Les souris transgéniques, dont le gène codant pour la collagène [27]. décorine a été invalidé, ont une peau fragile avec une Curieusement, chez la souris, les mutations dont les capacité d’extension réduite [30], ce que confirment conséquences s’apparentent le plus au phénotype EDS, des données recueillies dans deux cas isolés d’EDS, pour concernent plutôt des petits protéoglycanes comme la lesquels des altérations de la synthèse de protéoglycane décorine, le lumicane, la fibromoduline et des protéines à dermatane sulfate, et notamment de décorine, ont été SYNTHÈSE matricielles, comme SPARC (secreted protein acidic and décrites [31, 32]. Un phénotype avec des manifesta- rich in cysteins) et la thrombospondine. La décorine et tions cutanées, mais surtout articulaires, proche de la fibromoduline, conjointement impliquées dans la l’EDS classique, est observé chez les souris dont le gène régulation du diamètre des fibres in vitro, et le lumicane codant pour la thrombospondine-2 (TSP-2) a été inva- font partie de la famille des petits protéoglycanes riches lidé [33]. en leucine, appelés ainsi du fait de la répétition en tan- Les thrombospondines sont au nombre de 5. Ces macro- dem de tels motifs au sein de leur protéine-cœur. Chez molécules multimériques résultent de l’association de la souris, l’absence de lumicane entraîne une opacité trois (TSP-1 et TSP-2) ou cinq (TSP-3, 4 et 5) chaînes GÈNE SOURIS HOMOZYGOTES -/- MALADIES RÉFÉRENCES Souche/Génotype Phénotype HUMAINES ÉVOQUÉES PAR LE PHÉNOTYPE MURIN COL1A1 Mov13 Mutation létale à 14 jours de gestation par [23] rupture des vaisseaux principaux Intégration du virus Monkey Moloney dans l’intron 1 Régulation du diamètre et de l’organisation orthogonale des fibres de la cornée perturbée COL1A2 Oim Mutation entraînant des fractures, des difformités Ostéogenèse imparfaite [24] des membres, une ostéopénie généralisée et modérée à sévère Délétion d’une base dans une petite stature le carboxy-pro-peptide modifiant le cadre de lecture COL3A1 Inactivation Mutation le plus souvent létale par rupture des vaisseaux Ehlers-Danlos vasculaire [25] par recombinaison homologue 2 jours après la naissance. Taux de survie de 5 % au moment du sevrage. Fibres dermiques anormales Décorine Inactivation Fibrillogenèse anormale de la peau (fragile et distendue) et Ehlers-Danlos [30] par recombinaison homologue des tendons (fibres irrégulières) Pas de défaut dans la cornée Thrombospondine 2 Inactivation Peau fragile et distendue, queue flexible (fibres irrégulières) Ehlers-Danlos [33] par recombinaison homologue Atteinte des tendons. Augmentation de la densité osseuse Temps de saignement allongé et augmentation du nombre de vaisseaux sanguins Ténascine C, R, X Inactivation Absence de phénotype marquant Ehlers-Danlos [27] par recombinaison homologue Ténascine R et C: anomalies subtiles du système nerveux Ténascine X: hyper-élasticité de la peau Lumicane Inactivation Peau fragile et distendue (fibres plus grosses, section irrégulière) Ehlers-Danlos [28] par recombinaison homologue Opacification de la cornée (grosses fibres, avec Dystrophie cornéenne des fusions latérales anormales, accroissement de l’espace inter-fibrillaire) Tableau III. Phénotypes de mutations nulles chez la souris reflétant un syndrome d’Ehlers-Danlos. M/S n° 4, vol. 19, avril 2003 449
polypeptidiques identiques d’une taille d’environ 145 elles (pour seuls exemples [4, 35]). Pour ajouter à cette kDa, liées par des ponts disulfures. TSP-1 et TSP-2 sont complexité, lorsqu’un constituant est défectueux, la souvent co-localisées dans la matrice, même si la TSP-2 présence des autres est modifiée, ce qui laisse supposer présente une expression plus restreinte et se retrouve de que des mécanismes régulateurs d’origine probablement manière prépondérante dans le cartilage et l’os en déve- cellulaire sont alors mis en jeu. loppement. TSP-1 et 2 partagent d’ailleurs certaines pro- Il est également frappant de constater que les mêmes priétés, comme l’inhibition de l’angiogenèse et de la pièces matricielles forment des puzzles aussi différents croissance tumorale et sont toutes deux des facteurs chi- (Figure 1). Comme nous l’avons déjà fait remarquer, miotactiques pour de nombreuses cellules. La peau et les l’os, la cornée, la peau, les tendons, les vaisseaux ont tendons des souris dont le gène codant pour la TSP-2 a été des compositions moléculaires très voisines et des pro- invalidé sont hyper-élastiques. La densité des tissus en priétés très différentes. Il existe certes des variations vaisseaux sanguins est accrue. Il convient donc de rappe- quantitatives des constituants matriciels d’un tissu à un ler, même si le phénotype n’est pas rigoureusement iden- autre, mais elles ne peuvent rendre compte totalement tique, que les vaisseaux sont également affectés dans de ces différences. Par exemple, le collagène V est un l’EDS. Le rôle de la TSP-2 pourrait se situer au niveau cel- collagène peu abondant dans la peau et les tendons où lulaire. Les fibroblastes des animaux dont le gène codant il ne représente guère que 2 à 5 % des collagènes fibril- pour la TSP-2 a été invalidé présentent des propriétés de laires alors qu’il en représente environ 15 à 20 % dans la surface altérées, ce qui pourrait modifier leur adhérence cornée [4]. Or, les manifestations d’EDS classique aux collagènes et perturber le réseau du tissu conjonctif impliquant ce collagène sont principalement cutanées sous-jacent. Ce pourrait être également le cas pour et articulaires, alors qu’elles sont secondaires ou SPARC, petite glycoprotéine anti-adhérente de 32 kDa, absentes dans la cornée. également connue pour sa capacité d’inhiber la proliféra- Pourquoi un tissu comme le tendon est affecté lors de tion cellulaire. De fait, si son absence provoque originel- l’EDS classique alors que la cornée est indemne? Tout lement des altérations oculaires (cataractes), des symp- d’abord, rien ne permet d’exclure que les formes molé- tômes proches de ceux de l’EDS, comme la présence de culaires du collagène V trouvées dans la cornée soient fibres aberrantes dans la peau, sont également évoqués rigoureusement identiques à celles présentes dans le [34]. Le rôle joué par les interactions cellules/compo- tendon. Il existe différentes isoformes du collagène V sants matriciels dans la genèse de l’EDS, notamment par qui pourraient assumer des rôles différents, comme le l’intermédiaire de récepteurs de surface, est donc une suggèrent nos travaux [36-38]. Compte tenu du profil piste à ne pas mésestimer. d’expression de chacune des isoformes, l’hypothèse d’une fonction dépendante du tissu paraît également L’architecture matricielle plausible. Le collagène V pourrait participer à la régula- à la lueur du syndrome d’Ehlers-Danlos tion du diamètre des fibres dans la cornée ou les vais- seaux, mais pourrait avoir un rôle distinct, qui reste Il est désormais acquis que le collagène V n’est pas seul encore à déterminer, dans les autres tissus. De plus, il responsable de toute la pathologie classique de l’EDS. est probable que la contribution du collagène V à la Des anomalies moléculaires touchant des gènes de transparence cornéenne ait été mal évaluée lors des familles différentes conduisent donc à un même phéno- approches expérimentales réalisées jusqu’à présent. La type, ce qui confirme que la matrice extracellulaire doit transparence résulte de phénomènes complexes. Les bien être considérée comme un ensemble architectural, protéoglycanes y participent, comme notamment le où plusieurs éléments participent à la genèse d’une lumicane [28]. De plus, des données biophysiques sur fonction. l’orientation et sur les angles de disposition des molé- Il nous paraît intéressant d’évoquer quelques interroga- cules au sein des fibres et des études sur les modalités tions soulevées par les connaissances actuelles sur le de la fibrillogenèse montrent que ces paramètres varient collagène V, les composés matriciels que nous avons d’un tissu à un autre [39]. Notamment, les fibres crois- évoqués et la présentation clinique de l’EDS. sent linéairement dans la cornée et latéralement dans le De nombreuses molécules semblent vouées à la régula- tendon. tion de la croissance des fibres des tissus affectés par Ainsi, même si l’aspect des fibres d’un tissu à un autre l’EDS, fibres qui sont essentiellement composées de col- semble grossièrement similaire, leur architecture fine et lagène I. C’est le cas du collagène V, du collagène III, du la manière dont elles s’élaborent au cours du développe- lumicane ou encore de la thrombospondine. De plus, ment divergent subtilement et pourraient expliquer que toutes ces protéines sont capables d’interagir entre les tissus soient diversement affectés lors des maladies. 450 M/S n° 4, vol. 19, avril 2003
Lorsqu’une protéine est défectueuse, le déclenchement SUMMARY de mécanismes compensatoires est mis en évidence dans The Ehlers-Danlos syndrome: the extracellular matrix des maladies liées au collagène comme l’hypochondro- scaffold in question genèse ou l’achondrogenèse, le collagène de type II Ehlers-Danlos syndrome (EDS) is a heterogeneous heri- défectueux étant remplacé plutôt efficacement dans le table connective tissue disorder characterized by hyper- cartilage par les collagènes I et III [40]. Cette compen- extensible skin, hypermobile joints and fragile vessels. REVUES sation pourrait se produire dans la cornée mais comment The molecular causes of this disorder are often, expliquer alors qu’elle soit absente dans la peau ou les although not strictly, related to collagens and to the tendons? Faut-il, comme nous l’avons déjà évoqué, enzymes that process these proteins. The classical form mieux considérer le rôle des cellules souvent spécifiques of the syndrome, which will be principally discussed in des tissus? Il est intéressant de noter que des souris por- this review, can be due to mutations on collagen V, a teuses d’une mutation sur la partie amino-pro-pepti- fibrillar collagen present in small amounts in affected dique de la chaîne α2(V) présentent un grand nombre de tissues. However, collagen I and tenascin have also been follicules pileux ayant une disposition ectopique dans demonstrated to be involved in the same type of EDS. SYNTHÈSE l’hypoderme qui, de plus, est six fois plus épais que la Moreover gene disruption of several other matrix mole- normale [26]. Or, la genèse des follicules pileux est un cules (thrombospondin, SPARC, small leucine rich pro- exemple d’école, illustrant le rôle des interactions cel- teoglycans...) in mice, lead to phenotypes that mimic lules/matrices. Dans le même ordre d’idée, l’absence de EDS and these molecules have thus emerged as new ténascine X chez les souris modifie en retour le dépôt de players. As collagen V remains the prime candidate, we collagène I par les cellules. Les maladies matricielles discuss, based on fundamental and clinical observa- doivent donc aussi se concevoir en intégrant l’aspect tions, its physiological role. We also explore its potential cellulaire. Plusieurs récepteurs cellulaires ont été identi- interactions with other matrix molecules to determine fiés pour le collagène V, mais leur rôle in vivo reste à élu- tissue properties. ◊ cider [37, 41-43]. La connaissance des causes moléculaires responsables de l’EDS a beaucoup pro- RÉFÉRENCES in search of functions. Curr Cole WG. A splice junction Opin Cell Biol 1993; 5: mutation in the region of gressé, mais est loin d’être exhaustive. Il 1. Beighton P, De Paepe A, 869-76. COL5A1 that codes for the est permis de penser que d’autres pro- Steinmann B, Tsipouras P, 7. Nicholls AC, McCarron SM, carboxyl propeptide of pro- téines aux rôles mal définis, comme les Wenstrup RJ. Ehlers-Danlos Narcisi P, Pope FM. Molecular α1(V) chains results in collagènes XII et XIV qui se lient aux fibres syndromes: revised abnormalities of type V gravis form of Ehlers- nosology, Villefranche, 1997. collagen in the Ehlers- Danlos syndrome (type I). collagéniques, pourraient être impli- Hum Mol Genet 1996; 5: Am J Med Genet 1998; Danlos syndrome. Am J Hum quées. Cette maladie constitue un para- 77: 31-7. Genet 1994; 62: 1733-6. digme illustrant l’intrication complexe 2. Steinmann B, Royce PM, 523-8. 12. Nicholls AC, Oliver JE, des composés matriciels. La connais- Supeti-Furga A. the Elhers- 8. Michalickova K, Susic M, McCarron S, Harrison JB, danlos syndrome. In: Royce Willing MC, Wenstrup RJ, Cole Greenspan DS, Pope FM. An sance des modalités de leur biosynthèse, WG. Mutations of the α 2(V) exon skipping mutation of a PM, Steinman B, eds. de leur agencement, de leurs interactions Connective tissue and its chain of type V collagen type V collagen gene et de leur coopération étroite et réglée heritable disorders. New impair matrix assembly and (COL5A1) in Ehlers-Danlos permet d’appréhender comment, à partir York: Wiley-Liss, 1993 : produce Ehlers-Danlos syndrome. J Med Genet 1996; 351-408. syndrome type I. Hum Mol 33: 940-6. d’un même matériau de base, les archi- 3. Mao JR, Bristow J. The Genet 1998; 7: 249-55. 13. De Paepe A, Nuytinck L, tectures et les fonctions tissulaires Ehlers-Danlos syndrome: on 9. Richards AJ, Martin S, Hausser I, Anton- varient. Malheureusement, l’avancée des beyond collagens. J Clin Nicholls AC, Harrison JB, Lamprecht I, Naeyaert JM. recherches n’a pas actuellement permis Invest 2001; 107: 1063-9. Pope FM, Burrows NP. A Mutations in the COL5A1 4. 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