N 8 - Les Cahiers du Tourisme Tourisme et ressources naturelles Commissariat général au Tourisme Décembre 2013 - Commissariat ...
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Les Cahiers du Tourisme
Tourisme et ressources naturelles
Commissariat
général
au Tourisme
Décembre 2013
8
Les Cahiers du Tourisme | Tourisme et ressources naturelles | Commissariat général au Tourisme | Décembre 2013
N°
Les Cahiers du Tourisme
Commissariat
général
au Tourisme
N°8 | Décembre 2013
http://strategie.tourismewallonie.be
8
N°
2
8
Tourisme et ressources naturelles
Agenda
rendez-vous, événements, colloques...
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Table des matières Le 21 février 2014 “Printemps du Tourisme 2014” dans le cadre du Salon “Idées Vacances“ à Charleroiexpo
Présentation aux professionnels du secteur du tourisme wallon du bilan des actions
du Programme “Destination 2015” élaboré en 2009 par le Département du Tourisme wallon.
www.printempsdutourisme.be
Éditorial (M. J.-P. Lambot) 4
Le tourisme, un levier important pour le développement durable ? (M. Gérard Ruiz) 5
La mission du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) est de montrer la voie et d’encoura- Le 28 et 29 avril 2014 “Concilier expertise touristique et participation : le défi posé par la convention européenne des paysages”
ger la coopération pour protéger l’environnement. Elle se doit aussi d’être une source d’inspiration et d’informa- à l’ULB, Bruxelles
tion pour les Etats et les populations et un instrument de facilitation leur permettant d’améliorer la qualité de leur
www.igeat.ulb.ac.be
vie sans compromettre celle des générations à venir.
Tourisme et modifications climatiques en Région wallonne (Mme C. d’Andrimont, Mme I. Bauthier, M. JM. Decroly) 11
Dans le cadre d’une recherche initiée par le Commissariat général au Tourisme et financée par la CPDT (Confé- Le 2 juin 2014 “Rendez-vous Champlain 2014 - Tourisme et événementiel”
rence permanente du développement territorial), une équipe de chercheurs de l’IGEAT (Institut de gestion de à la Rochelle
l’environnement et d’aménagement du territoire -ULB) étudie les changements climatiques prévus en Wallonie et www.rendezvouschamplain.com
les impacts qu’ils pourraient avoir sur le tourisme wallon. Les changements annoncés pourraient en effet modifier
l’attractivité des différentes destinations touristiques et de ce fait, les flux touristiques également.
Paysages, du statique au mobile - Freins et opportunités de la mise en tourisme des paysages
(M. Didier Moulin) 16
Force est de constater que la mise en tourisme des paysages n’a pas été concluante : centres, musées, maisons
thématiques, routes, espaces d’interprétation… n’ont pas mobilisé les publics. L’apparition des technologies
mobiles (m-tourisme) ne devrait-elle pas présenter de nouvelles opportunités ?
Tourisme et Nature, un exercice périlleux d’équilibriste (Mme Alexandra Neufcoeur) 21
Depuis quelques années, les professionnels du tourisme wallon, publics et privés, sont bien conscients de
l’impact de la qualité des milieux naturels sur l’engouement pour les destinations touristiques. Trouver l’équilibre
entre les attentes et les perceptions de différents utilisateurs de la Nature est un exercice périlleux. L’essentiel
est de concilier les intérêts de production, de préservation et de valorisation de la Nature wallonne.
A la rencontre des Forêts d’Ardenne et de ses 3 massifs forestiers
(Ressources Naturelles Développement) 25
Le concept “Les Forêts d’Ardenne” repose sur une stratégie élaborée, à la demande du Gouvernement wallon,
par le Professeur Daniel Bodson de l’UCL. L’étude vous a été présentée dans le deuxième numéro des Cahiers du
Tourisme, voici maintenant les premiers produits.
3
Les Lacs de l’Eau d’Heure. Un site touristique majeur de Wallonie intégré dans une nature respectée
(Mme Ariane Cabaraux) 29
Les Lacs de l’Eau d’Heure sont aujourd’hui un modèle de développement de tourisme durable à l’échelle
de l’Europe. Cela n’a pas toujours été une évidence, ni une priorité, le chemin fut parfois semé d’embûches
comme l’asbl des Lacs nous le rappelle.
Les Parcs naturels, un atout pour le tourisme wallon (Mme Françoise Erneux) 32
Les Parcs naturels occupent une place importante au sein du paysage wallon et participent de manière
indirecte et directe au développement touristique de leur territoire.
Jardins exceptionnels de Wallonie 36
Présentation de l’ASBL “Valorisation touristique des parcs et jardins exceptionnels”.
Tourisme et ressources naturelles, une prometteuse union (M. Lionel Delvaux) 37
La Fédération Inter-Environnement Wallonie se bat pour un développement durable et lutte contre les at-
teintes à l’environnement à tous les échelons. Son action vise à faire intégrer l’environnement dans toutes les
politiques sectorielles, à côté des dimensions sociale, économique et culturelle. Elle nous livre ici sa réflexion.
Un nouveau concept de centre de loisirs Nature et Sports à Antoing (M. Nicolas Plouvier) 41
Le Domaine des Bois de Péronnes abrite un nouveau concept de centre de loisirs Nature et Sports. Il est une
vitrine vivante et innovante du développement durable. Un endroit de ressourcement et de découverte. Ce
premier parc transfrontalier dans l’Eurométropole sera implanté dans un domaine boisé à Antoing.
A la rencontre de M. Ph. Blérot, Inspecteur Général du Département de la Nature et des Forêts- SPW 45
Actualités 47
Le guide méthodologique du balisage des itinéraires touristiques permanents en Région Wallonne
Proposition de décret relatif à la valorisation touristique, récréative
ou didactique des massifs forestiers et aux parcs animaliers
Les Atlas des Paysages de Wallonie
Publications 50
Agenda 51
| Table des matières
Les Cahiers du Tourisme
Commissariat
général
8
au Tourisme
Décembre 2013
Éditorial
N° Tourisme et ressources naturelles
Les lecteurs attentifs que vous êtes s’en souviennent
probablement, le deuxième numéro des Cahiers du
Tourisme portait sur le tourisme et la forêt. Quelques
Lorsqu’on associe tourisme et ressources naturelles,
on ne peut éluder la question majeure du climat,
son évolution dans les prochaines années aura en
années ont passé depuis, des études stratégiques effet un impact tant sur l’offre touristique que sur la
se sont transformées en produits touristiques, et il demande. C’est l’objet d’une étude de longue haleine
était temps qu’un nouveau numéro soit consacré aux de la Conférence permanente pour le Développement
liens entre le tourisme et les ressources naturelles. territorial (CPDT). Comme face à tout grand défi, il
sera question de capacité d’adaptation, et vous y
Quoi de plus logique en effet que d’associer tourisme découvrirez notamment que parmi les différents
en Wallonie et ressources naturelles ? La nature au acteurs touristiques, ce sont les touristes qui dis-
sens large, constitue notre produit d’appel phare, posent de la faculté d’adaptation la plus importante…
les enquêtes sur les motivations des touristes le
démontrent régulièrement. Les réalisations existent, les réflexions sont en cours,
il convient de les partager, et de les prolonger. Vous
Mais disposer de ressources naturelles à haut poten- donner des pistes pour transformer le “risque tou-
tiel touristique n’est pas suffisant : il convient de les ristique” en “levier touristique”, tel est l’objet de ce
valoriser touristiquement, en tenant compte des numéro des Cahiers du Tourisme.
attentes (évolutives) des touristes, tout en respec-
tant leur spécificité. Dans ce cadre, la Wallonie est Bonne lecture,
riche d’exemples et d’initiatives. Les prestataires
touristiques wallons, publics ou privés, rivalisent Jean-Pierre Lambot
Les Cahiers du Tourisme d’inventivité pour valoriser et protéger nos ressources Commissaire général au Tourisme.
Revue professionnelle éditée par naturelles. Ce numéro, que nous avons voulu plus
le Commissariat général au Tourisme wallon que d’habitude, vous le démontrera pleine-
ment. Il est d’ailleurs particulièrement intéressant
Éditeur Responsable : de confronter l’évolution de notre prise en compte de
Jean-Pierre Lambot, cette problématique au regard des réflexions ayant
Commissaire général au Tourisme lieu au plus haut niveau international, notamment au
74, avenue Gouverneur Bovesse niveau des mesures “tourisme” du Programme des
5100 Jambes Nations Unies pour l’Environnement.
Comité de rédaction :
Barbara Destrée,
Vanessa Grandgagnage,
Jean-Pierre Lambot, Alexandra Neufcoeur.
Contact :
Cahier@tourismewallonie.be
Graphisme et mise en page :
Globule Bleu, Embourg
Impression :
Imprimerie Massoz - Liège
Par respect pour l’environnement,
imprimé sur papier recyclé “Cyclus print”
5
Le tourisme ,
important
levier
un
pour le développement durable ?
6
Le tourisme, un levier important
pour le développement durable ?
Le tourisme : une activité une décennie et les prévisions tablent rapport au tourisme international, s’est
économique majeure dans sur une croissance de 4,4 % pour les renforcée depuis 2009 sous l’effet de
le monde dix ans à venir. la crise mondiale et du chômage, qui
ont limité les revenus des touristes et
Aujourd’hui, l’activité touristique figure Cette santé insolente par rapport à la donc favorisé le tourisme de proxi-
parmi les activités de services les plus faible croissance de l’économie mon- mité, à l’exception du tourisme “haut
importantes dans le monde. Les flux diale (2,3 % en 2012 selon le WTTC) de gamme”, réservé à une clientèle
touristiques internationaux ne cessent couvre cependant de fortes disparités fortunée mais très volatile.
de battre des records malgré la crise selon les régions : la croissance du
économique mondiale. Selon l’Orga- tourisme international vers l’Asie et Pour certains pays récepteurs, le tou-
nisation Mondiale du Tourisme (OMT) l’Amérique du Sud est forte, alors que risme constitue une activité exporta-
“L’activité touristique plus d’un milliard de touristes ont les grands pays touristiques tradition- trice2 essentielle, pouvant atteindre 20
figure parmi les activités voyagé en 2012, soit une croissance nels, en Europe et Amérique du Nord, à 40 % du PIB. Il s’agit, pour l’essentiel,
de 4 %. Ils étaient 680 millions en 2000. connaissent une stagnation de leur fré- de petits États insulaires ou de pays ne
de services les plus
L’OMT et le World Travel and Tourism quentation, même s’ils se maintiennent, disposant pas d’autres revenus liés à
importantes dans le Council (WTTC) fournissent annuelle- en termes de recettes, dans les pre- une activité primaire ou secondaire.
monde.” ment des chiffres impressionnants sur miers rangs du classement des pays Ainsi, “entre 1998 et 2008, les arrivées
son poids dans l’économie mondiale : touristiques mondiaux. Cependant, en de touristes dans les PMA (pays les
pour l’année 2012, cela représente 2012, la Chine a, pour la première fois, moins avancés) ont triplé, affichant un
globalement 6 600 milliards de dol- pris la première place des dépenses taux moyen de croissance record de
lars de contribution au PIB mondial touristiques de ses ressortissants à 13 %. 30 des 49 PMA ont misé sur le
(environ 9 %), 1 200 milliards de dol- l’étranger devant les États-Unis et tourisme en tant que secteur important
lars de recettes d’exportations (5 % du l’Allemagne1. de croissance et de développement.
Enfin, le tourisme représente la prin-
cipale exportation de services dans les
PMA, soit 33 % de leurs exportations et
65 % pour les pays insulaires.”3
Le tourisme international a donc sou-
vent un poids significatif dans l’écono-
mie globale de ces pays comme source
de devises et d’emplois.
Notons que l’Europe reçoit un peu plus
de la moitié de ce flux touristique inter-
national et que le tourisme représente
entre 6 et 9 % du PIB des grands pays
touristiques du Sud de l’Europe, France
comprise.
“La part du tourisme de
proximité s’est renfor-
total des exportations mondiales), 760 Les flux touristiques internationaux
cée depuis 2009 sous
milliards de dollars d’investissements sont en train de se réorienter avec l’effet de la crise mon-
(5 % des investissements mondiaux) et l’apparition de classes moyennes, diale et du chômage, qui
260 millions d’emplois (soit un emploi qui privilégient le tourisme régional
ont limité les revenus
sur onze dans le monde). Cette activité ou domestique, dans les pays émer-
connaît une croissance régulière de gents. La part de ce dernier, qui avait des touristes”
l’ordre de 4 à 5% chaque année depuis une croissance relativement faible par
1 OMT, “La Chine devient le premier 2 L’arrivée de touristes étrangers dans un 3 Guillaume Cromer, “Le modèle inclusif
marché émetteur de tourisme au monde”, pays réceptif, génère des recettes qui sont dans le secteur du tourisme”, Liaisons
Communiqué de presse, Madrid, 4 Avril assimilées à des recettes d’exportation de Energie-Francophonie, n°95 (à paraître).
2013. C’est aussi devenu un pays réceptif services pour ce pays.
fortement concurrentiel avec plus de 57
millions de visiteurs étrangers accueillis en
2011 contre 31 millions en 2000.
Les Cahiers du Tourisme | N°8
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Le tourisme : une réalité rentabilité, mesurées au regard de la faibles entrainant par là un refus, voire
ambivalente masse de touristes voyageant vers ces une hostilité des populations locales
destinations, constituaient le critère qui ne bénéficient pas d’une répartition
Le tourisme, activité de services mul- décisif d’implantation d’équipements équitable des revenus du tourisme.
tiformes, recourt à de nombreuses de standard international, de nature à
autres branches de la chaîne de pro- sécuriser le touriste au détriment des • À l’inverse, le tourisme peut avoir
duction : les transports, la construc- particularités locales. des répercussions positives lorsqu’il
tion, le commerce local, l’agriculture, participe d’une stratégie globale visant
la consommation d’eau et d’énergies, Ce manque de prise en considéra- à son encadrement et à la valorisation
le traitement des déchets, etc. Par cette tion au niveau international a permis des ressources patrimoniales des pays
transversalité, il est donc sensible aux le développement d’un tourisme aux récepteurs. Ainsi, le tourisme, par ses
évolutions des modes de production de conséquences ambivalentes : retombées économiques directes, peut
ces activités, qui lui sont complémen- participer efficacement à la lutte contre
taires, mais il peut aussi être prescrip- • L’aspect négatif du tourisme se traduit la pauvreté et contribuer à la création
teur de nouveaux processus de fabrica- par la destruction de richesses et de d’emplois pour les populations locales,
tion de biens et services. C’est aussi un paysages naturels ou de patrimoine en constituant notamment un débouché
secteur fort utilisateur de main d’œuvre culturel lorsqu’il ne fait l’objet d’aucune pour l’artisanat et le commerce local.
à faible qualification, donc souvent ac- régulation locale, lorsque ces richesses
cessible à des populations locales peu ne bénéficient pas d’une réglemen-
formées et donc peu coûteuses. Par tation protectrice, ou lorsque n’existe “L’aspect négatif du tou-
ailleurs, le tourisme international est aucune infrastructure adaptée pour risme se traduit par la
perçu comme un facteur d’exportation absorber les effets de la fréquentation destruction de richesses
pour les pays réceptifs, dans la mesure touristique. En effet, le secteur touris-
et de paysages natu-
où ceux-ci bénéficient des dépenses tique est fortement émetteur de gaz à
des touristes provenant de pays à haut effet de serre liés aux déplacements rels ou de patrimoine
revenu. Ces dépenses seront d’autant (surtout aériens), il est également pro- culturel lorsqu’il ne fait
plus importantes qu’ils auront la pos- ducteur de déchets et consommateur l’objet d’aucune régula-
sibilité d’offrir à leurs visiteurs toute de ressources naturelles au détriment tion locale, lorsque ces
une gamme de produits à haute valeur de populations locales qui ne possèdent
richesses ne bénéficient
ajoutée et pas seulement des paysages pas toujours la technicité nécessaire
ou des équipements balnéaires favori- pour atténuer ces effets négatifs. De pas d’une réglemen-
sant l’héliotropisme. plus, il génère une augmentation du tation protectrice, ou
coût de la vie dans les sites touristiques lorsque n’existe aucune
Jusqu’à présent, les acteurs du tou- et auprès des communautés rurales infrastructure adaptée
risme international, publics et privés, et indigènes, entraînant délinquance
pour absorber les effets
se sont peu préoccupés des consé- et prostitution chez les plus pauvres.
quences liées au développement tou- Enfin, selon les règlementations et le
de la fréquentation
ristique dans les pays récepteurs. Seule niveau de corruption, les retombées touristique.”
l’attractivité des destinations et leur économiques locales peuvent être très
| Le tourisme , un levier important pour le développement durable ?
8
Le tourisme peut également contribuer à la protection des espaces naturels et
des sites historiques, ainsi qu’à la valorisation des richesses patrimoniales et
culturelles locales. Il peut, de plus, favoriser la formation des jeunes pour pourvoir
les emplois dont il a besoin localement, pousser à la réalisation d’infrastructures et
d’équipements pouvant bénéficier aux populations autochtones (routes, aéroports,
stations d’épuration, réseaux de distribution d’eau et d’énergie), et donc contribuer
à l’élévation du niveau de vie des populations concernées.
La réalité du tourisme sur le terrain et la prédominance des aspects positifs ou
négatifs de ce secteur dépendent pour beaucoup de la situation politique et de
la sécurité locales, du niveau d’organisation administrative et économique, de la
réglementation pour la protection du patrimoine naturel et culturel, des infras-
tructures existantes et de la facilité d’accès aux zones et de déplacements sur
place, etc. Mais ces données dépendent aussi de l’attente des touristes et de ce
qu’ils recherchent dans les pays récepteurs.
Aujourd’hui, on constate que des évolutions et des changements se produisent
au plus haut niveau de la gouvernance mondiale, telles les conclusions de la
conférence de RIO + 20 qui, dans les points 130 et 131 de son document final , a
inspiré de nouvelles réflexions sur la durabilité de l’économie et sur le rôle que le
tourisme durable peut jouer comme instrument d’une croissance verte. Il s’agit
là d’une prise de conscience de l’impact que le tourisme peut avoir sur les modes
de croissance des économies nationales.
Les nouvelles formes de tourisme au cœur de la dynamique
du développement durable
Les choses changent sous l’effet de plusieurs facteurs convergents. C’est, tout
d’abord, la prise de conscience, lente mais réelle, du réchauffement climatique et de
la nécessité de lutter contre celui-ci. Il s’agit ensuite de la volonté des responsables
politiques des États récepteurs les plus dépendants du tourisme de protéger leurs
richesses patrimoniales et de faire en sorte que le tourisme bénéficie au dévelop-
pement de leur économie par un meilleur partage des bénéfices. C’est, enfin, le
développement des réseaux sociaux via Internet et les possibilités qu’offrent les
nouveaux outils de communication (smartphones, tablettes,..) de consulter des
plateformes d’informations touristiques, tant par les consommateurs des pays
émetteurs que les populations sur place, qui favorise la prise de conscience des
responsables de projets touristiques locaux au regard des composantes écono- “Le tourisme durable
miques, sociales et environnementales du développement durable. correspond à une prise
de conscience collec-
De nouvelles formes de tourisme se sont développées depuis de nombreuses
tive de la nécessité de
années, visant à promouvoir un type de tourisme vertueux, au bénéfice des
populations locales. Les concepts de tourisme solidaire, tourisme responsable, produire et consommer
tourisme équitable, tourisme communautaire ont ainsi été développés par des durablement dans toute
opérateurs spécialisés, pour des consommateurs attentifs à la manière dont ils la chaîne de l’offre et de
pratiquent leur tourisme et en visant une répartition plus équitable des recettes la demande et ne peut
générées par le tourisme en faveur des populations locales.
s’inscrire que dans une
stratégie de long terme”
© Markus Vogelbacher - pixelio.de
Les Cahiers du Tourisme | N°8
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Ces diverses formes de tourisme ver- Plusieurs signaux laissent présager international peut fournir des contre-
“Plusieurs signaux tueux constituent cependant des seg- qu’il sera la forme touristique prati- exemples quotidiens à cette conviction
laissent présager que ments de l’offre touristique s’adressant quée par les nouvelles générations de d’avancée inévitable vers un tourisme
le tourisme durable à des catégories de consommateurs touristes. La reconnaissance interna- durable ( faible implication du secteur
ayant fait la démarche de consommer tionale du tourisme durable comme hôtelier dans la démarche d’écolabelli-
sera la forme touris-
de manière durable. outil de la croissance verte est ainsi sation des hébergements, réalisation de
tique pratiquée par les
acquise depuis RIO + 20. De plus, stations touristiques en zone de mon-
nouvelles générations Le tourisme durable, lui, participe d’une les pays récepteurs, pour qui le tou- tagne, en Asie, sans réelle protection
de touristes” autre approche. Il ne se veut pas un risme constitue une branche d’acti- de l’environnement, comportements
segment isolé mais se conçoit comme vité économique majeure, élaborent consuméristes de touristes dans des
un principe de développement durable des politiques touristiques visant à espaces dédiés sans véritable intégra-
applicable à tous les types d’activités protéger leurs ressources et les ri- tion locale, etc…).
touristiques, agissant sur les compor- chesses naturelles ou patrimoniales
tements des consommateurs et des dont dépend leur attractivité, tout en L’analyse de ces évolutions implique de
producteurs du secteur, et supposant redéfinissant les règles de partage des se placer non dans une perspective de
une évolution de ceux-ci, motivée par résultats en faveur de leurs popula- court terme, mais plutôt de moyen et
une culture du changement. Il constitue tions permanentes. De leur côté, les long terme, qui correspondent davan-
alors un outil d’intégration de “l’éco- pays développés intègrent de plus en tage au temps nécessaire au change-
nomie verte” dans la production et la plus la durabilité à travers leur propre ment des comportements des futures
consommation durable des produits stratégie de développement durable et générations de touristes, ainsi qu’aux
touristiques Au final, il correspond à par l’interaction qui en résulte entre le évolutions dans les modes de produc-
une prise de conscience collective de tourisme et les autres branches de leur tion des professionnels du tourisme.
la nécessité de produire et consommer économie. Les évolutions des consom-
durablement dans toute la chaîne de mations des touristes des pays déve-
l’offre et de la demande. loppés témoignent, en outre, de la prise
de conscience par ces populations de la
Le tourisme durable ne peut s’inscrire nécessité d’assurer un développement
que dans une stratégie de long terme, durable. Leur comportement durable
impliquant la prise en compte des au quotidien se retrouve plus ou moins
évolutions nécessaires tant dans ses dans leur comportement touristique
processus de production que dans les (habitude de tri des déchets, sensibilité
modes de consommation à tous les à la consommation d’eau, sensibilité à
niveaux décisionnaires: gouvernements la nourriture bio, sous réserve que les
nationaux et régionaux, responsables équipements d’accueil le permettent).
locaux, population locale. Si ces évolutions sont encore limitées,
elles sont appelées à se développer
Il a besoin de développer des méthodo- à l’échelle des générations futures5.
logies et des outils d’évaluation de ses Par ailleurs, les modes d’information
retombées économiques, sociales et et de commercialisation par le biais
environnementales sur les territoires. d’Internet et de plateformes spécia-
lisées permettent d’avoir, de façon
instantanée, une information géoloca-
Le tourisme à venir sera–t-il lisée sur l’exemplarité des prestataires
vraiment durable ? touristiques, et donc de procéder à des
comparaisons entre prestataires pour
Le tourisme durable sera-t-il le modèle un endroit donné. Enfin, les grandes
du tourisme de demain ou restera-t- entreprises dans le secteur du tourisme
il confiné à une pratique spécifique d’affaires et les MICE6 intègrent de
à une catégorie de consommateurs plus en plus des critères de durabilité
responsables ? dans leurs achats. Certes, l’observation
des pratiques actuelles du tourisme
5 Une enquête menée en 2011 par la Commission européenne a montré que 72 % 6 Meetings, Incentives, Conferences and
des consommateurs européens souhaitaient acheter des produits “verts” mais que Events: termes anglo-saxons pour
seulement 17 % le traduisait en acte. CE, “Attitude des citoyens européens vis à vis de désigner toutes les activités touristiques
l’environnement”, Eurobaromètre spécial, mars 2008.. liées aux foires et salons.
| Le tourisme , un levier important pour le développement durable ?
10
“C’est pour soutenir et
accélérer les évolutions
qu’a été institué le Par-
tenariat mondial pour
le tourisme durable
(PMTD), sous l’égide du
Programme des Nations
Unies pour l’environne-
ment (PNUE).”
Ainsi, la volonté des pays nouvellement
Le partenariat mondial pour ouverts au développement touristique
un tourisme durable de s’orienter vers des pratiques de tou-
risme durable et de mettre en œuvre les
C’est pour soutenir et accélérer ces conditions de leur réalisation, le modèle
évolutions qu’a été institué le Partena- de l’économie inclusive appliqué au
riat mondial pour le tourisme durable secteur du tourisme dans les pays en
(PMTD), sous l’égide du Programme développement, les orientations des
des Nations Unies pour l’environne- flux touristiques internationaux vers ces
ment (PNUE). Le PMTD résulte du pays en concurrence avec les pays dé-
groupe de travail international sur le naturel et culturel, la protection de l’en- veloppés, leaders traditionnels du tou-
tourisme durable créé dans le cadre vironnement et de la biodiversité, l’aide risme international, les changements
du processus de Marrakech7 en 2006, au secteur privé à adopter des pratiques de comportement des consommateurs
groupe qui, pendant trois ans, a éla- de gestion durable, l’intégration de la des pays développés, qui pour l’instant
boré une série de recommandations durabilité dans les financements et les constituent la grande majorité des tou-
politiques pour l’établissement d’un investissements. ristes internationaux, l’apparition de
cadre stratégique en faveur du dévelop- nouveaux outils de communication et
pement du tourisme durable, à partir D’autre part, le partenariat mondial d’information (plateforme d’échanges,
des connaissances et des expériences pour le tourisme durable s’inscrit information des consommateurs sur les
pratiques acquises par ses membres. complètement dans la promotion des performances écologiques des presta-
Ce groupe de travail s’est transformé, modes de consommation et de produc- taires touristiques par l’intermédiaire
en 2010, en un partenariat de type II8 tion durable dans le cadre décennal des réseaux sociaux), et toutes les
des Nations Unies, sous présidence de de programmation (10YFP selon son transformations qui interagissent sur
la France – qui en a transmis la prési- acronyme anglais) adopté à Rio + 20, les modes de consommation et de pro-
dence au Maroc lors de la conférence dont les principaux objectifs intègrent duction touristiques, tendent à conforter
Gérard RUIZ annuelle qui s’est tenue à Bonn fin mars parfaitement les objectifs poursuivis l’idée que les prochaines générations
2013 –, avec un secrétariat assuré par par le PMTD. de touristes seront celles du tourisme
D’abord professeur de Sciences Eco- le PNUE en lien avec l’OMT. durable. Si celui-ci n’est pas encore une
nomiques et Techniques de Gestion, réalité à l’échelle mondiale, il n’est déjà
Gérard Ruiz a été, entre autres fonctions Les objectifs poursuivis par le PMTD plus une utopie.
dans le secteur touristique en France, visent à transformer la manière dont “Les prochaines
Président du partenariat mondial pour les activités touristiques se réalisent à générations de tou-
le tourisme durable dans le cadre du travers le monde en soutenant des poli-
ristes seront celles du
Programme des Nations Unies pour tiques claires, des projets exemplaires
l’Environnement (PNUE) de 2011 à mars et en favorisant le partage des connais- tourisme durable. Si
2013. Il a également occupé le poste sances et de l’expérience. Il privilégie celui-ci n’est pas encore
d’Inspecteur Général, membre de la les projets répondant à sept domaines une réalité à l’échelle
3ème section “Aménagement durable d’actions thématiques significatifs d’un
mondiale, il n’est déjà
des territoires” au conseil général de développement touristique durable: la 7 Processus mondial multipartite
l’environnement et du développement promotion de cadres stratégiques et plus une utopie.” en vue de la mise en œuvre d’une
durable (CGEDD) – coordonnateur de d’une gouvernance efficaces, la partici- consommation et d’une production
la mission d’appui “Economie durable pation à la lutte contre le réchauffement durable sous la responsabilité du PNUE
des territoires” de 2007 à 2012. climatique, la promotion du tourisme avec la participation des gouvernements
durable comme outil de réduction de la nationaux, des agences de développement
pauvreté, la préservation du patrimoine et des acteurs économiques et de la
société civile. Il comprenait sept groupes
de travail, dont un groupe sur le tourisme
durable, piloté par la France.
8 Partenariat associant les secteurs public et
privé et la société civile.
Les Cahiers du Tourisme | N°811
Tourisme
climatiques
modifications
et
en Wallonie12
Tourisme et modifications Pour une meilleure compréhen-
climatiques en Wallonie sion du tableau, certains éléments
méritent d’être explicités :
Dans le cadre d’une recherche initiée Le travail se poursuit Les aléas pris en compte sont
par le Commissariat Général au Tou- actuellement sur deux les principaux événements cli-
risme et financée par la CPDT (Confé- fronts : matiques susceptibles d’avoir un
rence permanente du développement impact sur l’activité touristique
territorial), une équipe de chercheurs • D’une part, la mise au point de scéna- wallonne.
de l’IGEAT (Institut de gestion de l’envi- rii permettant de faire varier les flux
ronnement et d’aménagement du ter- touristiques futurs en tenant compte Les impacts sont les principaux
ritoire -ULB) étudie les changements à la fois des modifications climatiques impacts de ces aléas climatiques
climatiques prévus en Wallonie et les à venir et de changements d’autres sur les activités touristiques. Il peut
impacts qu’ils pourraient avoir sur le types telle l’évolution démographique s’agir d’impacts directs ou induits.
tourisme wallon. Les changements ou économique.
annoncés pourraient en effet modifier L’exposition est le degré de
l’attractivité des différentes destina- • D’autre part, l’élaboration d’un dia- probabilité d’occurrence des
tions touristiques et de ce fait, les flux gnostic de sensibilité des différentes impacts identifiés.
touristiques également. ressources et activités touristiques
wallonnes face au changement cli- L’ampleur des conséquences éva-
Une première étape du travail a matique. Il s’agit, en identifiant les lue l’importance des conséquences
consisté à faire le point sur les flux opportunités et les vulnérabilités qui que les impacts pourraient avoir
touristiques en Europe. Une note de se feront jour, de mettre en évidence sur les flux touristiques.
recherche présente les principaux les champs d’action prioritaires pour
résultats issus de ce travail. Elle est le secteur du tourisme. L’objet de cet Degré d’opportunité versus
consultable sur le site de la CPDT, à article est de présenter cette partie degré de vulnérabilité : est
l’adresse suivante: http://cpdt.wallonie. du travail. fonction du degré d’exposition et
be/publications/note-de-recherche/ de l’ampleur des conséquences
note-de-recherche-39 La vulnérabilité des territoires est fonc- sur les milieux. Tant les impacts
tion de trois éléments : l’exposition du positifs que négatifs sont donc
système au changement climatique, pris en compte pour évaluer la
sa sensibilité au changement clima- sensibilité des différents milieux.
tique (i-e les conséquences possibles La couleur varie selon le degré
des aléas climatiques), et ses capa- global d’opportunité ou de vul-
cités d’adaptation. Nous produisons nérabilité.
ci-dessous le résultat de l’analyse
des différents éléments. Il s’agit d’une
matrice représentant la plus ou moins
grande sensibilité de différents milieux, Vulnérabilité forte
en tant que supports ou moteurs des
activités touristiques, aux impacts des Vulnérabilité moyenne
aléas climatiques. Nous le verrons, un
à faible
même aléa climatique peut avoir des
impacts opposés sur les ressources
touristiques. Pas d’impact significatif
Opportunité moyenne
à faible
Forte opportunité
© Gabi Eder
Les Cahiers du Tourisme | N°813
“Un des éléments qui ressort le plus de ce tableau est le fait qu’un même aléa climatique peut avoir des conséquences tant posi-
tives que négatives en termes de potentiel touristique sur des milieux différents. Ceci peut rendre malaisée l’appréciation globale
de la sensibilité des différents milieux.”
Degré
d’opportunité
Ampleur des versus degré de
Milieu Aléa climatique Impact identifié Exposition conséquences vulnérabilité
Tous Diminution des Une température plus agréable et des précipitations Elevée Elevée
milieux pluies estivales/ moindres en été pourraient inciter un plus grand
Augmentation de nombre de touristes (particulièrement des Belges) à
la température séjourner en Wallonie.
estivale
Augmentation
du nombre de Augmentation de la fréquence des pics d’ozone, Elevée Moyenne
périodes de augmentation de la sensibilité des touristes.
canicule
Aquatique Diminution des Baisse de la disponibilité de la ressource en eau Elevée Elevée
pluies estivales pour les infrastructures touristiques (arrosage
des espaces verts des hébergements et activités
touristiques, piscines).
Baisse du niveau des cours d’eau. Les activités
nautiques pourraient être fortement perturbées ou
empêchées en période d’étiage.
Aquatique Augmentation de Eau et air ambiant plus chauds : confort accru pour Elevée Elevée
la température la baignade.
estivale (et aussi
intersaisons)
Allongement de la saison touristique. Elevée Moyenne
Réchauffement des eaux de surface : risque Moyenne Moyenne
de développement de bactéries pathogènes et
d’altération de la qualité des eaux. Nécessité de
gestion sanitaire.
Aquatique Augmentation Durant les périodes caniculaires, les cours ou Elevée Elevée
du nombre de plans d’eau pourraient bénéficier d’un avantage
périodes de comparatif.
canicule
Aquatique Augmentation Débordement des cours d’eau dans les zones Elevée Elevée
de la fréquence soumises aux aléas d’inondation. Limitation de
de phénomènes l’accès à certaines activités/zones.
extrêmes
(sécheresse,
inondation) Rationalisation de la ressource en eau sanitaire et Moyenne Moyenne
potable en cas de longue période de sécheresse.
| Tourisme et modifications climatiques en Wallonie14
Degré
d’opportunité
Ampleur des versus degré de
Milieu Aléa climatique Impact identifié Exposition conséquences vulnérabilité
Gisement Diminution des Perturbation de la faune et de la flore installées. Elevée Moyenne
vert pluies estivales Impact du stress hydrique sur la santé des
peuplements. Diminution de l’attractivité des
paysages.
Gisement Augmentation de Réduction/modification de la répartition de certaines Elevée Faible
vert la température espèces. Hausse du nombre d’espèces et de la taille
estivale (et aussi des populations pour les espèces méridionales,
intersaisons) baisse pour les espèces de climat froid
Développement de certaines espèces envahissantes.
Diminution de l’attractivité des paysages.
Les espaces verts pourraient voir leur attractivité Elevée Elevée
augmenter en tant qu’espaces de fraîcheur.
Le risque d’incendies est actuellement peu présent. Faible Moyenne
Certains habitats pourraient y être particulièrement
sensibles, d’autant plus que les espèces présentes
en Wallonie ne sont pas aussi bien adaptées au
passage du feu que les espèces des régions où il
s’agit d’un phénomène naturel et régulier.
Gisement Hivers plus doux Réduction/modification des aires de répartition de Elevée Moyenne
vert et humides certaines espèces. Développement de certaines
espèces envahissantes.Les espèces des zones
froides pourraient disparaître1. Modification possible
d’écosystèmes remarquables (Hautes Fagnes).
Perte d’attractivité des territoires.
Plus pluvieux en hiver : moins attractif à cette Elevée Elevée
période.
Diminution de la quantité et de la durée de Elevée Elevée
l’enneigement. Impossibilité de pratiquer les sports
d’hiver.
Gisement Augmentation Surmortalité de certaines espèces animales et Moyenne Faible
vert de la fréquence végétales. Dégradation/destruction de biotopes,
des phénomènes déplacement d’espèces. Perte d’attractivité des
extrêmes territoires.
Cadre bâti Augmentation de Formation d’îlots de chaleur en zone urbaine. Moyenne Moyenne
la température Inconfort thermique dans l’espace public et l’habitat.
estivale
Surmortalité estivale. Perte d’attractivité des
Augmentation espaces touristiques peu ombragés (type parcs
du nombre de d’attraction).
périodes de
canicule Augmentation des besoins liés à la climatisation et à
la réfrigération.
Cadre bâti Augmentation Destruction partielle ou totale de certains Moyenne Elevée
de la fréquence hébergements et infrastructures touristiques.
des phénomènes Arrêt des activités à court ou long terme. Fragilité
extrêmes économique.
1 Hêtre et épicéa entre autres.
Les Cahiers du Tourisme | N°815
Isabelle Bauthier est licenciée
en géographie et a réalisé une
thèse de doctorat portant sur le
Les résultats suivants • La question de l’eau est essentielle. Toutes les évolutions et impacts en- développement touristique des
méritent d’être soulignés : L’eau est en effet une ressource visagés devraient amener à la prise territoires découlant des grands
cruciale du tourisme wallon. Cette de mesures d’adaptation. Il convient événements sportifs. Depuis 2011
• L’augmentation de la température ressource sera vulnérable tant en tout d’abord de mettre l’accent sur le elle a rejoint la CPDT comme
ainsi que la diminution des précipita- été3 (manque) qu’en hiver et peut-être fait que, parmi les différents acteurs chercheuse.
tions en été devraient augmenter le aux intersaisons (trop plein). Dans les touristiques, ce sont les touristes qui
pouvoir d’attractivité de la Wallonie. deux cas de figure, des effets négatifs disposent de la faculté d’adaptation la
Le nombre de touristes séjournant importants sur le tourisme devraient plus importante.
en Wallonie pourrait donc croître. Il se faire sentir.
s’agirait sans doute plus de touristes Les temporalités, lieux ou activités pra-
belges qu’étrangers, les régions • En ce qui concerne les espaces bâtis, tiquées pourraient ainsi être amenés à
limitrophes de la Wallonie devant et singulièrement les espaces ur- évoluer dans l’avenir, sans nécessiter
sans doute connaître les mêmes bains, différentes mesures devraient trop d’investissements. Les valeurs
Caroline d’Andrimont est licen-
évolutions. Durant les intersaisons, être prises en termes d’urbanisme, des sociétés et individus pourraient
ciée en tourisme et titulaire d’un
il convient toutefois de rester prudent, d’aménagement, de techniques de se modifier.
DEC2 en géographie humaine. Elle
étant donné que les conditions pour- construction et d’architecture, pour travaille à l’IGEAT depuis 2006. En
raient bien aussi être plus attractives rendre ces espaces plus vivables lors Certaines mesures d’adaptation, qui ce moment, elle participe à deux
en région méditerranéenne, et que la des périodes de forte chaleur. Ceci semblent assez évidentes (climatisa- recherches pour la CPDT et une
question de l’évolution des précipita- nécessite un travail concerté et une tion, tourisme hors-sol par exemple), pour l’Institut bruxellois de statis-
tions n’est pas claire. révision importante des pratiques même si il y a sans aucun doute un tique et d’analyse.
en matière d’urbanisme et d’archi- effet positif sur les flux touristiques
• Le tourisme vert étant la caractéris- tecture, d’autant que, étant donné (ou permettraient de neutraliser les
tique principale de la Wallonie, cette la croissance démographique en impacts négatifs) pourraient ne faire
région dispose d’un atout sans doute Wallonie, ces espaces sont sans doute que renforcer les pressions sur l’en-
important face aux futurs change- amenés à se densifier dans le futur. vironnement. Les défis qui se posent
ments. En effet, la présence d’es- et se poseront de plus en plus dans
paces de fraîcheur telles les zones le futur peuvent donc être une occa-
boisées et plans d’eau, combinée “Toutes les évolutions sion, pour les acteurs touristiques, de
Jean-Michel Decroly est doc-
à une température plus agréable et impacts envisagés trouver des solutions innovantes et non
teur en sciences géographiques et
que ce qui est envisagé pour le sud standardisées.
devraient amener à professeur de géographie, démo-
de l’Europe, pourraient renforcer le graphie et tourisme à l’Université
pouvoir attractif de la Wallonie en la prise de mesures Enfin, les différentes mesures d’adap- Libre de Bruxelles. Il y dirige l’unité
tant que destination touristique, entre d’adaptation. Il convient tation ont un coût qui devra être au final de recherche “Géographie appli-
autres pour les touristes belges. Par tout d’abord de mettre supporté par les touristes. La question quée et géomarketing” de l’IGEAT.
contre, la nécessité de gestion de la de l’accès au tourisme au plus grand Ses travaux actuels de recherche
l’accent sur le fait que, portent sur les transformations des
fréquentation en hausse, se fera sans nombre, ou au contraire de la duali-
doute sentir. parmi les différents sation de celui-ci, mérite sans aucun territoires par les mobilités.
acteurs touristiques, ce doute une réflexion approfondie.
• Les espaces et attractions très vul- sont les touristes qui Isabelle Bauthier, Caroline d’Andri-
nérables seraient sans doute rares,
disposent de la faculté mont et Jean-Michel Decroly font
mis à part les cours d’eau pour le partie de l’Institut de Gestion de l’En-
kayak, les sports d’hiver et peut être
d’adaptation la plus vironnement et d’Aménagement du
les espaces naturels visités pour importante.” Territoire (IGEAT). Cet institut mène
leur spécificité. A noter qu’en ce qui des recherches interdisciplinaires
concerne les sports d’hiver, une forte dans les champs de l’environne-
variabilité s’observe déjà actuelle- ment, du développement territo-
rial et du tourisme et coordonne des
ment dans la quantité et la durée de
© Rainer Sturm enseignements universitaires de 2e
l’enneigement.
cycle (Master) et 3e cycle (Doctorat)
en environnement et en tourisme.
Depuis 2006, l’Institut est un dépar-
tement de la Faculté des Sciences
2 La pression du tourisme se produit au de l’Université Libre de Bruxelles.
moment où la ressource est la plus rare,
même si la consommation touristique ne
représente que peu par rapport au total de
la consommation.
| Tourisme et modifications climatiques en Wallonie16
Paysages
statique
mobile
du
au
Freins et opportunités de la mise en tourisme des paysages
© Gerd Altmann - pixelio.de17
Paysages - du statique au mobile
Freins et opportunités de la mise
en tourisme des paysages
I | Des contraintes mobiliserait des (ses) publics, créerait
“Force est de constater constatées ou supposées… son économie touristique… et, pour-
que la mise en tourisme quoi pas, rencontrerait le succès et la
Le paysage comme une offre touris- reconnaissance.
des paysages n’a pas tique ? Comme un objet que l’on valo-
été concluante: centres, rise pour ce public spécifique qu’est Pourquoi ? Avant de proposer une
musées, maisons théma- le touriste ? Difficile à imaginer, alors approche active et interventionniste
tiques, routes, espaces que le paysage semble si insaisissable. pour cette mise en tourisme supposée,
Croisement de plusieurs dimensions et il semble pertinent de se demander
d’interprétation… n’ont perceptions - historique, géographique quelles contraintes, quels handicaps,
pas mobilisé les publics. et représentation mentale -, le paysage quelles duretés empêchent, ou du
ne s’appréhende pas au même titre que moins limitent ou freinent, cette valo-
L’apparition des techno-
d’autres objets ou sujets touristiques. risation touristique.
logies mobiles (m-tou-
risme) ne devrait-elle En premier lieu, malgré les intérêts
pas présenter de nou- contemporains qui se cristallisent sur
le paysage - écologie et environnement,
velles opportunités pour cadre de vie, espace construit et espace
le paysage?” naturel, matière première et espace
(outils ?) de production… parmi tant
d’usages - on constate que, malgré des
réflexions qui se poursuivent depuis de
nombreuses années, voire des décen-
nies, le paysage a du mal à constituer
une offre touristique à part entière, qui
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