2017 1987 LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA - CDA Institute

 
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2017 1987 LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA - CDA Institute
L'institut de la CAD                                       CDA Institute
        Cahier Vimy      CDA
                       Institute
                                              L'Institut
                                              de la CAD    Vimy Paper
                                   ~ 1987 ~

                                                               201 7
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES
          DU CANADA

Ferry De Kerckhove

     No 34
2017 1987 LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA - CDA Institute
English version
Vimy Paper Vol. 34 - 2017: The Strategic Outlook for Canada
Print: ISBN 978-1-928082-10-1
PDF: ISBN 978-1-928082-11-8

Version française
Cahier Vimy 34 - 2017: Les perspectives stratégique du Canada
Print: ISBN 978-1-928082-12-5
PDF: ISBN 978-1-928082-13-2

© L'Institut de la Conférence des associations de la défense, 2017
2017 1987 LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA - CDA Institute
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES
        DU CANADA 2017
Stratégie et mission apres l'examen de la politique de défense

                                                                         Conseillers
                                                                      Richard Cohen
rédacteurs                                          Vice-amiral Drew Robertson (Ret.)
                                                                  Joel Sokolsky, Ph.D
David McDonough, Ph.D                                             Elliot Tepper, Ph.D
Col Charles Davies (Ret.)       Cette liste des conseillers ne signifie pas qu’ils aient été nécessairement en accord avec le
                                                            texte ci-après mais ils ont constitué un groupe de consultation
                                                                        auquel les auteurs sont éminemment reconnaissant
2017 1987 LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA - CDA Institute
ii   THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017

         Message du Président de la CAD & du                  et leur gouvernement informés du contexte
         Président du Conseil de l’Institut de la             national de sécurité et de défense, nous som-

         CAD                                                  mes heureux de diffuser le 34ème Cahier Vimy,
                                                              intitulé Perspectives stratégiques du Canada

         Alors que le Canada célèbre son 150ème An-           2017, sixième de notre série de tours d’horizon

         niversaire et toutes les grandes réalisations qui    annuels des tendances qui, à l’échelle mondiale,

         ont marqué son histoire depuis l’avènement de        influent sur la sécurité du Canada et affectent

         la Confédération, nous traversons une époque         ses intérêts nationaux.

         à la fois complexe, lourde de défis et, peut-être,
                                                              Nous innovons cette année en adoptant, pour
         périlleuse pour notre sécurité et notre défense.
                                                              les Perspectives stratégiques, le format élec-
         Qu’il s’agisse, entre autres, des évènements qui
                                                              tronique. Ainsi, nous pouvons non seulement
         ont récemment marqué l’ordre mondial sur fond
                                                              réaliser des économies tout en respectant mieux
         d’instabilité chronique dans nombre de régions,
                                                              l’environnement, mais répondre aussi à la
         ou des changements survenus sur le continent
                                                              préférence de la majorité de notre lectorat, qui
         nord-américain, ou encore des tensions crois-
                                                              souhaite pouvoir télécharger le document sur la
         santes dans la région Asie-Pacifique, les signes
                                                              plateforme de son choix. En outre, nous avons
         sont là pour nous signifier qu’une mutation
                                                              constaté au cours des dernières années que la
         tellurique est à l’œuvre dans les affaires mondia-
                                                              demande d’exemplaires imprimés avait nette-
         les. Pour le Canada, fixer un cap lui permettant
                                                              ment diminué.
         de naviguer en sécurité ne sera pas une mince
         affaire.                                             L’édition des Perspectives stratégiques est une
                                                              entreprise de taille, et nous tenons à remercier
         C’est pourquoi, tout en nous félicitant du cycle
                                                              ici les nombreuses personnes dont les efforts y
         de consultations récemment conclu qui a
                                                              ont contribué pour l’année 2017, à commencer
         accompagné l’examen de la politique de défense
                                                              par les sept auteurs des différentes sections : le
         lancé par le gouvernement Trudeau, nous
                                                              Professeur Kim Richard Nossal de l’Université
         pensons qu’il importe d’entreprendre posément,
                                                              Queen’s; le Dr Jim Cox (retraité); la Professeure
         avec l’opinion publique canadienne, un dia-
                                                              Andrea Charron de l’Université Carleton; le Dr
         logue approfondi afin de définir les orientations
                                                              Mike Cessford de la Corporation commerciale
         futures de nos politiques, de nos stratégies, de
                                                              canadienne; Andrew Rasiulis de l’Institut cana-
         notre planification et de nos programmes en
                                                              dien des affaires mondiales; le Dr Eric Lerhe de
         matière de sécurité et de défense du pays. Et
                                                              l’Université Dalhousie; et le Dr Ken Pennie. Nos
         c’est pourquoi aussi, à titre de contribution à ce
                                                              remerciements vont également au Dr David
         dialogue et poursuivant les efforts déployés par
                                                              McDonough, encore tout récemment notre
         l’Institut de la CAD pour tenir les Canadiens
                                                              Directeur de la recherche et Rédacteur en chef,

     CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
2017 1987 LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA - CDA Institute
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017         iii
                                                                                          TITLE

à qui nous devons d’avoir été le principal con-
cepteur et la cheville ouvrière de cette édition
des Perspectives stratégiques, tout comme ils
vont à Chuck Davies, chercheur à l’Institut de la
CAD et à Matthew Overton, qui y ont apporté
la touche finale. Disons aussi notre profonde
gratitude à Richard Évraire et à André Scialom,
qui ont consacré de longues heures à la traduc-
tion et à la relecture du manuscrit. Un grand
merci à nos quatre conseillers indépendants –
Drew Robertson, Richard Cohen, Elliot Tepper
et Joel Sokolsky – pour les commentaires de
lecture dispensés à nos auteurs. Enfin, l’hon-
neur de clore le cortège revient à Robert Lègere,
Gérant du bureau, pour l’indispensable travail
de mise en page et de présentation du docu-
ment. C’est grâce aux efforts conjugués de toutes
ces personnes et de bien d’autres bénévoles que
nous sommes en mesure, aujourd’hui, de vous
présenter ce 34ème Cahier Vimy, Perspectives
stratégiques du Canada 2017.

Nous espérons sincèrement que la lecture vous
en sera agréable, et, plus encore, que vous pren-
drez le temps de méditer sur les perspectives, les
questions et les problèmes qui y sont évoqués.

Denis Rouleau, Président de la CAD

Daniel Gosselin, Président du Conseil de
l’Institut de la CAD

Février 10, 2017

                                                     L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
2017 1987 LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA - CDA Institute
iv   THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017

         PRÉFACE                                               apporté par le gouvernement à l’examen des
                                                               évolutions touchant la sécurité et la défense.
         Année après année, l’Institut de la CAD publie le     Contrairement à l’usage de la plupart des au-
         Cahier Vimy, son étude de référence consacrée         tres « moyennes puissances », il ne propose au-
         aux perspectives stratégiques du Canada. Cette        cune évaluation régulière des tendances et des
         étude brosse un large panorama des tendances          menaces caractérisant la sécurité mondiale en
         mondiales, actuelles ou telles qu’elles se dessi-     ce qu’elles affectent le Canada , et il ne s’est pas
         nent, qui influent sur la sécurité et les intérêts    non plus doté d’une stratégie d’ensemble struc-
         nationaux du pays. Ce faisant, l’Institut vise à      turée en vue de protéger le pays et ses intérêts.
         encourager un débat public solidement docu-           Or, en l’absence d’une perspective d’envergure
         menté sur les questions de sécurité et de défense,    nationale tendant à définir les défis du futur et
         tout en incitant ouvertement le gouvernement          la manière dont nous comptons les affronter, il
         du Canada à examiner de façon plus sérieuse ces       n’est guère surprenant de constater l’inexistence,
         domaines d’importance critique. La publication        pour l’essentiel, d’un dialogue national – et en-
         du Cahier Vimy revêt, cette année, une impor-         core moins d’un consensus – portant sur les ca-
         tance particulière du fait de l’examen en cours       pacités dont le pays aura besoin pour réagir à ces
         de la politique de défense.                           défis de façon efficace, que ce soit par lui-même
                                                               ou en concertation avec d’autres pays.
         Lorsqu’il s’agit d’évaluer les tendances de l’heure
         et les risques qu’elles recèlent dans le domaine      L’objet des Perspectives stratégiques du Can-
         économique, le gouvernement s’acquitte fort           ada publiées par l’Institut de la CAD n’est pas
         honorablement de sa tâche. Ainsi, la mise à jour      de remédier à cette carence. Le document vise
         des Projections économiques et budgétaires à          plutôt, en s’adressant à des lecteurs appartenant
         long terme – 2016 émanant du ministère des Fi-        ou non aux cercles gouvernementaux mais in-
         nances offre une perspective à la fois détaillée,     téressés par un débat public sur la sécurité et la
         concise et réaliste des évolutions probables          défense, à jeter un éclairage sur les problèmes,
         du Canada jusqu’à la décennie 2050 aux plans          les événements et les tendances d’envergure
         démographique, économique et budgétaire, en           mondiale qui sont de nature à affecter, aujo-
         même temps qu’une analyse des conséquences            urd’hui, demain et à plus long terme, les intérêts
         pour les finances publiques tout au long de cette     de sécurité et de défense du Canada. Nous es-
         période. Régulièrement actualisé, ce document         pérons de la sorte encourager la tenue d’échang-
         devrait constituer une lecture obligatoire pour       es plus vigoureux et mieux informés.
         toute personne intéressée par les défis auxquels
         sera confronté le Canada dans l’avenir.               Les Perspectives stratégiques 2017, qui constit-
                                                               uent le Cahier Vimy no 34, se distinguent très
         Toutefois, on ne saurait en dire autant du soin       nettement des éditions précédentes. En effet,

     CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017                           v
                                                                                                            TITLE

depuis 2012, la rédaction du document avait          décor stratégique dans lequel il convient d’éla-
été confiée à une ou deux personnes d’une            borer les réponses gouvernementales aux défis
compétence reconnue, et notamment à l’ancien         et aux risques d’envergure mondiale. Il y décrit
vice-président exécutif de l’Institut, l’ambas-      la corrélation entre les politiques, les stratégies,
sadeur Ferry de Kerckhove, homme de vaste            les plans et les priorités, tout en soulignant qu’il
expérience entouré de différents experts. Cette      importe de s’astreindre à un processus plus dis-
année, en revanche, nous nous sommes efforcés        cipliné et plus rigoureux que celui généralement
d’offrir des perspectives nouvelles en invitant      employé par les gouvernements canadiens pour
sept éminents chercheurs et praticiens qui se        leur élaboration et leur mise en œuvre.L’auteur
penchent depuis de longues années sur les ques-      soutient que le Canada doit considérablement
tions de sécurité et de défense à l’échelle mondi-   approfondir et élargir le cadre de l’examen en
ale, à nous proposer chacun sa vision dans des       cours de la politique de défense.
secteurs spécifiques.
                                                     Le Chapitre 2 a été confié à la Professeure An-
C’est ainsi que nous pourrons lire, sous la plume    drea Charron, directrice du Centre des études
du professeur Kim Richard Nossal du Centre de        de sécurité, de renseignement et de défense de
politique internationale et de défense de l’Uni-     l’Université Carleton, professeure auxiliaire à la
versité Queen’s, une introduction aux Perspec-       Norman Paterson School of International Af-
tives stratégiques du Canada – 2017 en forme         fairs, et chargée de recherche à l’Institut de la
d’examen de la dynamique politique qui condi-        CAD. Mme Charron passe en revue le contexte
tionne l’approche du gouvernement canadien en        nord-américain, en faisant porter son analyse
matière de sécurité et de défense, avec un volet     sur trois intérêts nationaux partagés de longue
consacré à l’examen en cours de la politique de      date par le Canada et les États-Unis : la défense
défense dans une optique nationale, continentale     de l’État contre les agressions armées, la santé
et mondiale. L’auteur brosse un tableau éclairant    de l’économie et de la société prise dans son en-
des incertitudes et des défis qui caractérisent le   semble, et l’ordre mondial ainsi que les menaces
contexte politique mondial avec lequel doivent       risquant de le déstabiliser de façon aiguë. Selon
composer le gouvernement et le pays, en faisant      elle, si le Canada veut défendre ses intérêts na-
ressortir les limites de la démarche que semble      tionaux, il devra accorder un surcroît d’attention
avoir adoptée le gouvernement pour évoluer à         à sa capacité contributive à la défense continen-
travers ce contexte.                                 tale. Cela suppose un investissement de taille et
                                                     jusqu’au plus haut niveau dans les relations de
Dans le Chapitre 1, le général de brigade Dr
                                                     défense canado-américaines, de même qu’un ef-
James Cox (retraité), responsable de recherche
                                                     fort pour renouer avec l’art incontournable de la
auprès de l’Institut Macdonald-Laurier et chargé
                                                     diplomatie bilatérale entre les deux pays.
de recherche à l’Institut de la CAD, campe le

                                                         L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
vi   THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017

         Dans le 3e chapitre, le colonel Dr Michael             en Europe en 2017, il faut parvenir à une com-
         Cessford (retraité), directeur régional pour le        préhension adéquate de la Russie ainsi que de sa
         Moyen-Orient de la Corporation commerciale             volonté et de sa capacité croissantes de recours
         canadienne et chargé de recherche à l’Insti-           à la force militaire pour promouvoir ses intérêts
         tut de la CAD, projette un éclairage sur l’éven-       politiques. Il observe en outre que les engage-
         tail des opérations expéditionnaires, depuis le        ments pris par le Canada envers le renforcement
         Moyen-Orient et l’Europe jusqu’à l’Afrique. Il         de la posture de défense de l’OTAN représentent
         en décrit les dangers inhérents ainsi que la né-       une réponse non négligeable à ce défi, tant du
         cessité d’une surveillance stratégique lucide et       point de vue budgétaire que sous l’angle de la
         pragmatique de la part du gouvernement du              cadence opérationnelle élevée maintenue par les
         Canada. Il fait aussi valoir que de tels engage-       Forces armées canadiennes (FAC).
         ments, sans doute inspirés par les valeurs cana-
                                                                Au chapitre 5, le Commodore Dr Eric Lerhe (re-
         diennes, doivent correspondre à des intérêts et à
                                                                traité), chargé de recherche au Centre d’études
         des objectifs nationaux propres à justifier les ris-
                                                                de la sécurité et du développement de l’Univer-
         ques encourus par le personnel expéditionnaire.
                                                                sité Dalhousie, propose un regard sur la Chine
         Le 4e chapitre est consacré à l’OTAN et à l’Eu-        et le bassin indopacifique, soulignant qu’il faut
         rope. Confié à Andrew Rasiulis, chercheur              remonter aux années 1990 pour trouver la trace
         auprès de l’Institut canadien des affaires mon-        d’un engagement stratégique canadien d’une
         diales. Avec à son actif plus de 35 années d’ex-       certaine ampleur dans la région. Il observe que
         périence en qualité d’analyste de défense au           les gouvernements qui se sont succédé depuis
         niveau stratégique, de négociateur de la maîtrise      lors ont concentré leurs efforts sur les échanges
         des armements, de responsable de l’élaboration         commerciaux, sans prendre acte de l’importance
         des politiques et de directeur de la Formation         sous-jacente des considérations économiques et
         et de la coopération militaires, il est en outre       sécuritaires, et notamment de la liberté de nav-
         titulaire d’une maîtrise délivrée par la Nor-          igation. Il se dit d’avis que l’instabilité a toute
         man Paterson School of International Affairs           les chances de gagner du terrain dans la région,
         de l’Université Carleton. Après avoir brossé un        alors que les États-Unis se montrent réticents à
         tableau général de la situation stratégique en         continuer d’y jouer leur rôle traditionnel. C’est
         mutation de l’Europe, du rôle de l’OTAN, des           pourquoi le Canada devra, selon lui, repens-
         intérêts stratégiques qui continuent d’être ceux       er la façon dont il compte maintenir les liens
         du Canada en Europe, et enfin de la nature de          économiques avec cette région d’importance
         la réponse militaire canadienne pour préserver         critique et fixer la façon dont il entend prendre
         ces intérêts, Andrew soutient que pour pouvoir         part aux initiatives pour y atténuer les risques
         apprécier l’évolution de la situation stratégique      de conflit.

     CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017                         vii
                                                                                                            TITLE

Enfin, nous nous en remettons au lieu-                considéré comme acceptable par les États-Unis
tenant-général Dr Ken Pennie (retraité) pour          et nos autres alliés. Compte tenu des nombreus-
rassembler les fils de ces différentes réflexions     es inconnues qui caractérisent aujourd’hui notre
et proposer ses propres observations en guise         avenir, l’auteur pose une question fondamentale
de conclusion des Perspectives stratégiques du        : comment continuer à prospérer en tant que
Canada – 2017. Cette conclusion illustre la façon     pays indépendant dans un monde dangereux?
dont les tendances longues mises au jour dans les     Question pertinente s’il en fut.
chapitres précédents contribuent à brosser, pour
                                                      Le document intitulé Perspectives stratégiques
l’avenir du Canada, un tableau présentant des
                                                      du Canada – 2017 présente sur ce problème une
risques accrus relativement aux cinq décennies
                                                      vision élargie, dont l’objectif est de contribuer à
précédentes. S’ils n’atteignent pas en intensité la
                                                      un débat public bien informé sur ces questions
menace existentielle encourue durant la période
                                                      complexes et ardues. Si un tel débat présente une
de la guerre froide, ces risques n’en pèsent pas
                                                      utilité dans toute société démocratique, c’est en
moins directement sur notre sécurité et notre
                                                      fin de compte au gouvernement qu’il incombe
prospérité nationales. En outre, ils proviennent
                                                      de bien cerner, décrire et analyser les risques
d’une diversité d’horizons et exigent un cadre
                                                      présents et à venir pour le pays et pour son bi-
stratégique holistique, capable de guider les ef-
                                                      en-être. C’est tout autant au gouvernement qu’il
forts déployés par le Canada pour influencer le
                                                      appartient de sélectionner les politiques, les
monde. Par ailleurs, le Lieutenant-général Pen-
                                                      stratégies et les plans appropriés afin d’y répon-
nie relève un facteur qui pourrait avoir un im-
                                                      dre, aujourd’hui comme demain. Et c’est au gou-
pact plus immédiat sur le gouvernement, à savoir
                                                      vernement de faire les investissements néces-
que nos déclarations traditionnelles concernant
                                                      saires à leur mise en œuvre.
la politique de défense et l’engagement de défen-
dre le Canada, de défendre l’Amérique du Nord         Comme l’ont souligné plusieurs de nos rédac-
de concert avec les États-Unis, et enfin celui de     teurs – et bien d’autres encore dans des contex-
contribuer à la stabilité mondiale pourraient fort    tes différents – les gouvernements qui se sont
bien n’être perçues, par la nouvelle administra-      succédé au Canada n’ont pas fait montre d’un
tion Trump, que comme un simple camouflage            grand souci de s’acquitter de ces obligations fon-
masquant le fait que, depuis une cinquantaine         damentales, et l’examen en cours de la politique
d’années, nous nous en sommes pratiquement            de défense ne laisse rien augurer d’un quelcon-
remis aux contribuables américains pour assurer       que changement dans ce domaine. À ce jour, le
notre défense. En effet, la ligne de conduite des     prix à payer par le pays n’a semblé ni très mani-
gouvernements canadiens durant cette période          feste ni très grave. Cependant, alors que l’avenir
a consisté à rechercher le niveau le plus faible      s’annonce toujours plus incertain et périlleux, il
possible de dépenses de sécurité et de défense        y a fort à parier qu’une telle chance ne durera

                                                          L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
viii   THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017

           pas. Plus d’un informateur avisé a fait observer       ment nourri de contributions et jouissant d’un
           que nous entrons vraisemblablement dans une            large lectorat. David a récemment entrepris
           période de remous tectoniques dans les affaires        d’élargir ses horizons de recherche académique
           mondiales. D’où l’absolue nécessité, pour le gou-      et de les porter au-delà de la sphère de sécurité
           vernement du Canada, de piloter la nation pour         et de défense. Nous lui sommes profondément
           qu’elle traverse sans encombre cette passe diffi-      reconnaissants de tout ce qu’il a fait pour la
           cile. Pour ce faire, il lui faudra prendre beaucoup    CAD et pour son Institut, et lui souhaitons plein
           plus au sérieux qu’au cours des décennies précé-       succès dans ses nouvelles entreprises.
           dentes la tâche complexe que représente la sécu-
                                                                  Tony Battista, PDG de la CAD et de l’Insti-
           rité nationale, assortie entre autres de ses volets
                                                                  tut de la CAD
           de défense, de diplomatie et de développement.
           L’Institut de la CAD et ses contributeurs aux
           Perspectives stratégiques du Canada – 2017 for-
           ment le vœu sincère que ce document aide le
           gouvernement en place à emprunter cette voie.

           Pour conclure, nous souhaitons exprimer notre
           gratitude particulière, au nom de la Conférence
           des associations de défense et de l’Institut de
           la CAD, au Dr David McDonough, principale
           cheville ouvrière et Coordonnateur de l’édition
           2017 des Perspectives stratégiques du Canada,
           qui a occupé au cours des deux dernières années
           les fonctions de Directeur de la recherche et de
           Coordonnateur principal des publications à l’In-
           stitut de la CAD. À ce titre, il a amélioré de façon
           notable notre capacité ainsi que notre volume
           effectif de recherche – et ce à travers tout l’éven-
           tail de diversité et de qualité des articles publiés
           dans notre magazine de politique ON TRACK,
           jusqu’au nombre d’études diffusées dans le cadre
           de notre Cahier Vimy et de la série d’analyses de
           l’Institut de la CAD. Sans oublier la Note d’in-
           formation* sur la sécurité et la défense, non plus
           que le lancement de notre blogue, généreuse-

       CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017          ix
                                                                                             TITLE

TABLE DES MATIÈRES

Message du Président de la CAD et du Président du conseil de l'Institut de la CAD     ii

Préface 		             Tony Battista 			                                              iv

INTRODUCTION           CANADA ET L'ANNÉE EN REVUE                 		                  1
			Kim Richard Nossal

   LA POLITIQUE DE DÉFENSE DU CANADA ET SA GRANDE
CHAPITRE 1
			STRATÉGIE                                         7
			James Cox

   L’AMÉRIQUE DU NORD ET LA DÉFENSE DES
CHAPITRE 2
			INTÉRÊTS NATIONAUX                       16
			Andrea Charron

CHAPITRE 3		           LES OPÉRATIONS EXPÉDITIONNAIRES AU MOYEN-ORIENT,
			                    EN EUROPE ET EN AFRIQUE                          25
			Michael Cessford

CHAPITRE 4		           L’OTAN ET L’EUROPE : LES INTÉRÊTS STRATÉGIQUES DU
			                    CANADA ET L’ACTION DANS LE DOMAINE MILITAIRE       33
			Andrew Rasiulis

CHAPITRE 5		           LA CHINE ET LE BASSIN INDOPACIFIQUE : DÉFINIR LA
			                    STRATÉGIE CANADIENNE DANS LA RÉGION                            42
			Eric Lerhe

CONCLUSION             LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA: PLUS ÇA
			                    CHANGE? 		                                        53
			Ken Pennie

Références                                                                            57
Contributeurs                                                                         58

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x   THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017

    CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017                                  1
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INTRODUCTION 		                                                       CANADA ET L'ANNÉE EN REVUE

                                                                                        Kim Richard Nossal

L   e gouvernement libéral de Justin Trudeau est entré en fonction en novembre 2015 en véhiculant le message
    suivant : « Le Canada est de retour ». Seuls les mordus d’histoire se souviendront qu’en accédant au pouvoir
en février 2006, le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait brandi le même slogan. Mais l’ironie du
retour de ce message est vite passée aux oubliettes devant l’enthousiasme créé par la promesse du gouvernement
Trudeau d’une feuille de route bien différente de celle de son prédécesseur en affaires internationales.

Cette promesse n’avait rien de nouveau ou d’inattendu. Tout nouveau premier ministre canadien cherche à se
démarquer de ses prédécesseurs, très souvent en initiant une révision des différents éléments de la politique
internationale du pays.

La toute première révision formelle de la politique de défense du Canada est apparue en 1964 sous le libellé du
gouvernement libéral de Lester B. Pearson qui, l’année précédente, avait annoncé son intention de gouverner de
façon fondamentalement différente des progressistes-conservateurs de John G. Diefenbaker. Bien que chaque
nouveau gouvernement ait honoré la tradition au cours des premières années au pouvoir, ils n’ont toutefois
choisi de publier qu’une seule révision de la politique de la défense, quel qu’ait été leur nombre d’années au pou-
voir. Voilà pourquoi il n’est pas sorcier de deviner les années de publication de ces révisions, qui virent le jour en
1964, 1971, 1987, 1994, 2005 et 2008.

Mais une stratégie internationale ne peut se baser uniquement sur une politique de défense. En 1969, Pierre
Elliott Trudeau fit publier une révision de la politique
étrangère; initiative qui devint pratique courante :
Brian Mulroney suivit le mouvement en 1984-1985,
                                                                    "un contexte singulier de poli-
et Jean Chrétien et Paul Martin firent de même, en
                                                                tiques stratégiques, sans équiva-
1995 et 2005 respectivement, tandis que Stephen
Harper et son gouvernement conservateur choisirent                    lent dans l’histoire moderne"
de ne pas obtempérer, préférant éviter les remous liés
à une telle entreprise. Or, si le gouvernement Harper
n’a publié aucune révision de la politique étrangère
du pays pendant neuf années au pouvoir, il a néan-
moins choisi, en 2008, d’entreprendre une révision de la politique de défense.

Le gouvernement de Justin Trudeau, pour sa part, a suivi l’exemple de Stephen Harper en lançant, au début de
son mandat, une révision de la politique de défense, sans pour autant suivre l’exemple donné par Trudeau père

                                                               L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
2   THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017

    en 1969. Ce faisant, Trudeau fils perpétuait la pratique de tous les gouvernements depuis 1960, hormis celui de
    Paul Martin, en n’entreprenant pas une révision des politiques de défense et des affaires étrangères dans une per-
    spective globale, malgré leur imbrication profonde. Mais l’Énoncé de politique internationale du Canada de Paul
    Martin, publié en 2005, sert de rappel brutal de la puissance de l’inertie. Ce document, paru en quatre volumes,
    chacun préparé par l’agence responsable, respectivement, de la diplomatie, de la défense, du développement et
    du commerce et auxquels fut ajouté un résumé signé par le premier ministre lui-même, a réussi, tant bien que
    mal, à décloisonner les perspectives isolées de ces quatre agences.

    Par ailleurs, en 2016, une seule perspective fut considérée : l’Examen de la politique de défense, initié par le min-
    istre de la Défense Harjit Sajjan et publié au début de 2017, était le fruit d’une consultation de plusieurs mois avec
    les parties prenantes, exercice plutôt symbolique à laquelle tous les gouvernements depuis celui de Pearson se
    sont livrés : publier un examen de la politique de défense proclamant combien l’approche innovante du nouveau
    chef de gouvernement se démarque de la précédente, et puis laisser le rapport jaunir sur les tablettes.

    N’attendez-pas. Agissez dès maintenant

    Mais le gouvernement n’a pas attendu la publication du rapport de l’examen de la politique de défense avant de
    prendre certaines décisions clés au sujet de la politique internationale du Canada.

    Au cours de la campagne électorale de 2015, Trudeau avait promis de retirer les six CF-18 canadiens de la Coali-
    tion mondiale de lutte contre l'EIIL (État islamique en Irak et le Levant, aussi connu sous le nom État islamique
    en Irak et dans le Cham, ou Daesh) en Irak et en Syrie. Dix jours après avoir accédé au poste de premier ministre,
    il devait remplir sa promesse et retirer les CF-18 sans que soit fournie une raison claire, logique ou cohérente
    pour justifier cette décision.

    Au cours de cette même campagne électorale, Trudeau avait aussi promis qu’un gouvernement libéral n’achèterait
    pas le F-35 de Lockheed Martin en remplacement des CF-18; que le F-35 ne serait pas admis au concours « ou-
    vert » à tous les autres constructeurs d’avions et que, par conséquent, un autre avion serait choisi en remplace-
    ment des CF-18. Les « milliards de dollars » de présumées économies réalisées grâce à l’achat de cet autre avion
    seraient consacrés aux besoins de la Marine royale canadienne.

    Une fois au pouvoir, les Libéraux durent faire face aux conséquences de cette décision irréfléchie. Les avocats
    du gouvernement expliquèrent bien vite au premier ministre que l’exclusion du F-35 du concours « ouvert »
    représenterait un risque quasi certain de poursuites judiciaires de grande ampleur. Dans la foulée, les membres
    du tout nouveau cabinet constatèrent que si le F-35 n’était pas choisi comme remplaçant du CF-18, l’industrie
    aérospatiale canadienne se verrait exclure des chaînes de valeurs d’envergure mondiale de Lockheed Martin.

    En novembre 2016, à la surprise de l’Aviation royale canadienne (ARC), le cabinet contourna le problème créé
    par le premier ministre en déclarant que le nombre de CF-18 nécessaire à l’accomplissement simultané des tâch-
    es de l’ARC vis-à-vis de l’OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) et du NORAD (Commandement
    de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord) dépassait les 77 aéronefs disponibles (76 après l’écrasement
    d’un CF-18 en décembre), et qu’ il existait par conséquent une brèche capacitaire que seul pourrait colmater un

    CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017                                 3
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nombre accru de CF-18. Le gouvernement choisit donc de faire l’achat, sans appel d’offres, d’une flotte intéri-
maire de 18 F/A-18 Super Hornet qui lui permettrait de considérer, au cours des cinq années à venir, quel avion
serait appelé à remplacer le CF-18. C’est ainsi qu’en reportant toute décision concernant le F-35 bien au-delà de
l’élection fédérale suivante, fut réglé un problème politique créé par une promesse de campagne électorale.

Pendant la campagne électorale de 2015, le Parti libéral avait aussi promis de répondre au souhait d’un grand
nombre de Canadiens favorables à un retour au rôle traditionnel de maintien de la paix. Mais, encore une fois,
sans attendre les résultats de l’examen de la politique de défense et mettant la charrue devant les bœufs, le gou-
vernement se déclara prêt à déployer des militaires dans le cadre d’opérations de soutien de la paix dans l’abstrait,
avant même d’avoir choisi où ce déploiement devrait avoir lieu. Ainsi fut créée dans l’esprit de bien des gens
l’idée que cette nouvelle mission – très probablement prévue pour l’Afrique occidentale mais non identifiée au
moment de la rédaction du présent document – avait été conçue sans véritable motif stratégique mais pour des
raisons de politique interne.

En ce qui concerne la région Asie-Pacifique, le gouvernement Trudeau s’employa aussitôt à améliorer les relations
bilatérales avec la Chine, sans pour autant aborder les nombreux défis géostratégiques liés à une dynamique du
pouvoir en constante évolution dans la région. Trudeau souhaitait que soit rétablie une relation qui avait faibli
pendant les dernières années du gouvernement conservateur. Par le biais de visites réciproques – Trudeau en
visite en Chine au mois d’août 2016, et le premier ministre Li Keqiang au Canada en septembre – les deux pays
ont pu déclarer qu’une nouvelle ère de relations avait été inaugurée. Afin de démontrer de façon concrète son
intention de renouveler l’amitié avec la Chine, Trudeau annonça qu’il rejoindrait la Banque asiatique d'inves-
tissement pour les infrastructures, une initiative sous le contrôle de Pékin à laquelle Harper avait choisi de ne pas
adhérer. En réponse à cette initiative, la Chine atténua ses restrictions sur les importations de canola canadien,
allégeant le fardeau précédemment imposé aux agriculteurs canadiens.

Toutefois, du même souffle, le gouvernement Trudeau a exprimé sans états d’âme, sur certains sujets, des po-
sitions qui ont profondément déplu aux Chinois. Par exemple, Ottawa n’a pas hésité à déclarer que la Chine
devrait respecter la décision de la Cour permanente d’arbitrage, rendue au mois de juillet 2016, qui critiquait
sévèrement les revendications chinoises le long de la « ligne en neuf traits » en mer de Chine méridionale. Le
Canada a même clairement lancé une pointe à Beijing en déclarant qu’« il est essentiel que tous les États de la
région fassent preuve de modération, évitent la coercition et s’abstiennent de toute action susceptible d’aggraver
les tensions ». Et le gouvernement Trudeau n’a pas ménagé Beijing dans l’affaire Kevin et Julia Garratt, exerçant
des pressions énergiques en faveur des deux Canadiens victimes d’accusations d’espionnage fictives et arrêtés
et emprisonnés en Chine à la suite d’une dispute entre Pékin et le gouvernement Harper – ce dernier ayant, en
2014, accusé le gouvernement chinois d’avoir piraté les sites Internet du Conseil national de recherches Canada.

Il ne fait aucun doute que le litige en mer de Chine méridionale et l’affaire Garratt sont des questions très sensi-
bles pour la Chine. Il n’est que de se rappeler la réaction du ministre des Affaires étrangère de la Chine, Wang Yi,
en visite au Canada, qui a perdu son sang-froid lors d’une conférence de presse à Ottawa lorsqu’un journaliste
lui a posé une question sur ces deux sujets. Mais la Chine devait se raviser quelques mois plus tard, dans le but
de rétablir de bonnes relations avec le Canada. Tout en qualifiant la « soi-disant » décision de la Cour d’Arbitrage

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    d’« illégale et nulle et non avenue », la Chine a préféré ne pas se confronter au Canada sur le sujet. Et en ce qui
    concerne le couple Garratt, Beijing a choisi de les libérer peu de temps avant l’arrivée à Ottawa du premier min-
    istre Li. Vers la fin de l’année, la relation bilatérale avait été renouvelée, sans toutefois que des réponses à d’im-
    portantes questions géostratégiques aient été trouvées. Le Canada n’avait toujours pas défini quel rôle il croyait
    devoir être celui de la Chine dans la région Asie-Pacifique.

    Deux des nombreux dossiers dont avait traité le gouvernement Harper ont été retenus par le gouvernement
    Trudeau. L’approche adoptée par les conservateurs au sujet du premier dossier a non seulement été reprise, elle
    a même été renforcée. En juillet dernier, le gouvernement Trudeau a choisi de bonifier la contribution promise
    par le Canada à l’Opération Réassurance (dont la mission a pour but de prévenir une agression de la part de la
    Fédération de Russie en Europe orientale) en y ajoutant un groupement tactique en Lettonie et en continuant de
    fournir des patrouilles aériennes et maritimes. Au sujet du deuxième dossier, Trudeau a poursuivi la politique
    de base des conservateurs en aidant l’Ukraine à contrer la possibilité d’agression russe dans l’Est du pays, et il
    a maintenu les sanctions contre la Russie suite à l’annexion de la Crimée et à son incorporation à la Fédération
    de Russie. En revanche, là où Harper avait sévèrement critiqué les agissements de Vladimir Poutine, Trudeau a
    choisi d’adopter une rhétorique officielle plus modérée.

    En résumé, le gouvernement Trudeau avait déjà fait bon nombre de choix stratégiques concernant le rôle du
    Canada dans le monde en 2017 et au-delà, avant même que le rapport de l’examen de la politique de défense n’ait
    été publié au début de 2017, et cela sans le bénéfice d’une revue de la politique étrangère.

    L’administration Trump

    Il est vrai que dans les circonstances actuelles, cette façon de faire a peut-être un certain mérite. Ces Perspectives
    stratégiques 2017 n’ont-elles pas été fortement influencées par l’élection de Donald J. Trump à la présidence des
    États-Unis, laquelle laisse présager le possible avènement d’un contexte singulier de politiques stratégiques, sans
    équivalent dans l’histoire moderne et avec lequel le Canada et les nombreux amis et alliés des États-Unis auront
    à composer?

    Nous ne pouvons sous-estimer le caractère unique de cette situation, alors que :

        • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a été aussi indifférent aux rudiments de l’art de gouvern-
        er, aussi dépourvu de connaissances concernant le monde et, plus important encore, aussi peu intéressé à
        apprendre;

        • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a été aussi désinvolte envers les relations entre les grandes
        puissances, choisissant, d’une part, d’invectiver et d’offenser la Chine et, d’autre part, d’engager une « bro-
        mance » avec la Russie;

        • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a été porté au pouvoir lors d’une élection dans laquelle un
        adversaire déclaré du pays - la Fédération de Russie - serait, selon les agences de renseignement américaines,
        intervenu dans le processus électoral américain;

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    • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a encouragé le démantèlement du projet européen en
    applaudissant le départ de la Grande-Bretagne de l’Union européenne;

    • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a fait fi du libre-échange, rejeté le Partenariat transpa-
    cifique et promis de résilier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA);

    • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a semblé assimiler le réseau des alliances américaines à
    un système d’extorsion en échange de protection semblable à ce que l’on peut trouver à New York dans le
    secteur immobilier.

Faut-il ajouter l’approche tout à fait singulière de M. Trump, qui semble aimer se servir des médias sociaux pour
développer des politiques et lancer au hasard des « tweets » irréfléchis au sujet de compagnies américaines com-
me Boeing et Lockheed Martin, faisant plonger le cours de leurs actions en bourse et semant l’incertitude aux
États-Unis et à l’étranger? Que dire de cette tendance qui est la sienne de considérer toute critique comme une
attaque personnelle et de dépenser temps et énergie à poursuivre tel ou tel individu, au point d’inciter certains
de ses disciples à les harceler et même à les menacer de mort?

Tout au long de la préparation de ces Perspectives stratégiques 2017, nous aurons donc à prendre acte de l’incer-
titude aiguë qui régnera, puisqu’il nous est impossible de deviner comment, dès le 20 janvier, agiront le président
Trump et son administration. Par contre, nous pouvons dire sans risque de nous tromper qu’elle va remodeler en
profondeur le contexte stratégique avec lequel aura à composer le gouvernement Trudeau.

Nombre des vérités stratégiques internationales en place depuis plus de soixante-dix ans sont aujourd’hui grave-
ment remises en doute, affectant les tenants de la politique de défense du Canada, la relation continentale Can-
ada-États-Unis, les opérations du Canada en Europe et ailleurs, ainsi que nos engagements dans une région
Asie-Pacifique en mutation.

Voilà donc les sujets sur lesquels ce cahier consacré aux Perspectives stratégiques 2017 se penchera dans les
pages suivantes.

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CHAPITRE 1 		                         LA POLITIQUE DE DÉFENSE DU CANADA ET SA GRANDE
                                                                            STRATÉGIE

                                                                                                              James Cox

RÉSUMÉ

En dépit des attentes créées par le gouvernement à l’occasion des consultations récentes au sujet de la ‘Revue de la poli-
tique de défense’, le gouvernement du Canada semblerait n’avoir que peu d’intérêt à entreprendre une revue en profon-
deur de cette politique. Il ne semble pas non plus reconnaître l’importance d’une réflexion intellectuelle sur les politiques
comme élément essentiel aux discussions sur les stratégies subordonnées, sur les tâches attribuées aux Forces armées
canadiennes et sur l’achat de matériel militaire. L’auteur de ce texte suggère que le Canada doit entreprendre une revue
de la politique de défense beaucoup plus approfondie et élargie que celle qui est actuellement en cours et qui aurait pour
but la préparation d’une nouvelle politique de défense et d’une stratégie nationale de défense. Ces dernières définiraient
respectivement les objectifs politiques (ce qui doit être accompli) et expliqueraient les moyens nécessaires à la mise en
place de la politique de défense (opérationnaliser les objectifs politiques en les transformant en projets stratégiques dans
un cadre pangouvernemental exploitant tous les éléments de compétence nationale).

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    E    n dépit des attentes suscitées lors des consultations publiques tenues à l’occasion de la Revue de la politique
         de défense, le gouvernement Trudeau ne semble pas véritablement intéressé par un examen détaillé de la
    politique nationale de défense. Les documents officiels ne vont guère au-delà d’un passage en revue limité de ce
    qu’ils appellent la stratégie, et ils mettent l’accent sur la dotation en équipement de Forces armées canadiennes
    (FAC) allégées. Il est dit, dans le Discours du Trône de 2015 : « le gouvernement lancera un processus d’examen
    ouvert et transparent des capacités de défense actuelles ».1 En outre, la lettre de mandat adressée par le Premier
    ministre Trudeau au ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, demande que soit lancé « un processus
    d’examen ouvert et transparent visant à créer une nouvelle stratégie de défense pour le Canada ». Par ailleurs,
    en fouillant attentivement le Chapitre 6 du budget fédéral pour l’année 2016, on découvre qu’il y est fait men-
    tion d’une nouvelle stratégie : « Le gouvernement entreprendra un processus ouvert et transparent dans le but
    d’élaborer une nouvelle stratégie de défense qui permettra de bâtir une force militaire moderne, plus souple et
    mieux équipée ».2

    L’élément à la fois récurrent et troublant, ici, est qu’il ne semble pas y avoir de prise de conscience de la nécessité
    de mener une réflexion intellectuelle de grande envergure sur les politiques, comme préalable à toute analyse des
    questions au niveau sous-stratégique ou programmatique, ou encore de campagne.

    Nous suggérons dans ce chapitre que, face à ces éléments contraires, le Canada doit se doter de façon concomi-

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tante d’une nouvelle politique de défense et d’une stratégie nationale de défense. Nous y proposons en outre les
idées principales que l’on pourrait espérer - voire escompter - trouver dans l’une et dans l’autre. Notre approche
rompt avec la tradition, puisque nous n’abordons pas le détail de l’organisation militaire, des budgets de défense
ni des acquisitions. En revanche, notre analyse est axée sur des objectifs définis – non pas de façon large et
consistant simplement à s’activer, mais de manière spécifique, pour définir ce qu’il convient d’accomplir con-
crètement. Le lecteur averti reconnaîtra, dans ce qui suit, un caractère de superficialité lié aux limites de l’espace
et du temps disponibles.

La politique et sa grande stratégie

Commençons par nous entendre sur la terminologie et par souligner que les vocables « politique » et « stratégie
» ne sont pas synonymes l’un de l’autre. Ainsi, la détermination de la ou des politiques est une tâche devant être
réalisée et assumée par le gouvernement. Leur élaboration, de nature intrinsèquement politique, représente un
concept quelque peu abstrait mais empreint d’une vision, qui répond à des aspirations politiques élevées – il
s’agit du quoi et du pourquoi des fins politiques poursuivies. Par nature et par définition, une politique de gou-
vernement se doit d’être pangouvernementale.

La grande stratégie, elle, vise à appliquer la politique en traduisant les objectifs politiques en objectifs stratégiques
de grande portée quoique concrets et mesurables afin que, ces objectifs atteints, les fins politiques poursuivies
le soient également. C’est, là encore, une entreprise pangouvernementale du fait qu’elle intègre tous les éléments
de la puissance nationale. La grande stratégie peut se décliner dans des stratégies subordonnées dont le nombre
est variable et susceptibles de se traduire en allocations budgétaires, en initiatives d’organisation, en dotation
d’équipement et en création d’infrastructures. Le continuum théorique de cet ensemble est illustré à la Figure 1.

FIGURE 1: La politique - la grande stratégie - le cadre stratégique

La politique (Le Quoi et le            La grand stratégie (les grandes lignes         La/les stratégie(s) (modalités
        pourquoi)                                   du comment)                         spcécifiques du comment)

                                                                                                       (Source: James Cox)

Une fois le cadre analytique mis en place, nous pouvons nous tourner vers les conditions retenues comme étant
favorables à une nouvelle politique de défense.

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     Définir les conditions

     La fixation des conditions favorables à une nouvelle politique de défense requiert la prise en compte de quatre
     questions. En premier lieu, une sorte de « remise à plat » conceptuelle à l’échelle nationale, afin de redonner à la
     notion de défense nationale du Canada une signification véritablement axée sur la « défense » et sur le concept
     de « Canada d’abord ». En d’autres termes, bien reconnaître que l’objectif ultime consiste, non pas à se consacrer
     à la défense du Canada mais bien à l’emporter, à prévaloir dans la défense du Canada. En d’autres termes, la
     défense bien conçue est nécessairement égocentrique, elle n’est pas altruiste.

     En deuxième lieu, il importe de bien comprendre que la défense du Canada implique tous les Canadiens, ainsi
     que tous les niveaux de gouvernement et tous les éléments de la puissance nationale canadienne, et pas seulement
     les Forces armées canadiennes. Il s’agit bel et bien d’une entreprise engageant le Canada tout entier.

     En troisième lieu, la politique de défense ne doit pas être confondue avec la politique étrangère, et elle ne doit
     pas essayer d’empiéter sur l’action de cette dernière ni de s’y substituer. Le dialogue portant sur la défense doit
     nécessairement traiter de la défense concrète de notre pays, sans se laisser obnubiler par l’aspiration à édifier
     un monde meilleur pour l’ensemble de l’humanité. Enfin, le gouvernement doit vaincre sa frilosité à l’égard des
     dépenses impressionnantes qu’exige la défense. En effet, une défense efficace coûte cher, elle a toujours coûté
     cher et elle continuera de coûter cher. Le moment est venu d’accepter, avec maturité, la nécessité d’une mise à
     l’échelle ambitieuse des Forces armées canadiennes.

     Gardons ces conditions à l’esprit et passons à l’étape suivante, à savoir définir la problématique de défense du
     Canada.

     L’équation de défense

     Combien de fois avons-nous entendu psalmodier sous des formes diverses, le mantra : « Pour un gouvernement,
     aucune fonction ou obligation ne peut être plus importante que celle d'assurer la protection et la sécurité de ses
     citoyens ».3 Et de fait, les déclarations récentes en matière de politique de défense ont accordé la primauté à la
     défense du Canada. Toutefois, l’attention ainsi que les dépenses restent focalisées sur les actions entreprises à
     l’étranger.4

     Cela dit, soutenir mordicus la notion de défense totale de l’intégrité du territoire national risque de ne pas être
     aussi simple. Compte tenu de l’interdépendance poussée entre notre pays et les États-Unis, on peut soutenir que
     la défense du Canada est inséparable de la défense de l’Amérique du Nord, en coopération avec les États-Unis.
     On a du mal à imaginer un scénario réaliste dans lequel une menace dirigée contre le Canada ne mettrait pas
     en cause le continent tout entier. De plus, on s’est à présent accoutumé à évoquer, outre la défense du Canada et
     du continent, un troisième « pilier » de la politique de défense, à savoir la contribution à la paix et à la sécurité
     internationales. Afin de mieux exprimer la corrélation de ce concept avec celui de l’activité de défense, on pour-
     rait rebaptiser ce troisième pilier « défense du Canada et de ses intérêts à l’étranger, en fonction des exigences ».

     CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
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