2017 1987 LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA - CDA Institute
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L'institut de la CAD CDA Institute Cahier Vimy CDA Institute L'Institut de la CAD Vimy Paper ~ 1987 ~ 201 7 LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA Ferry De Kerckhove No 34
English version Vimy Paper Vol. 34 - 2017: The Strategic Outlook for Canada Print: ISBN 978-1-928082-10-1 PDF: ISBN 978-1-928082-11-8 Version française Cahier Vimy 34 - 2017: Les perspectives stratégique du Canada Print: ISBN 978-1-928082-12-5 PDF: ISBN 978-1-928082-13-2 © L'Institut de la Conférence des associations de la défense, 2017
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 Stratégie et mission apres l'examen de la politique de défense Conseillers Richard Cohen rédacteurs Vice-amiral Drew Robertson (Ret.) Joel Sokolsky, Ph.D David McDonough, Ph.D Elliot Tepper, Ph.D Col Charles Davies (Ret.) Cette liste des conseillers ne signifie pas qu’ils aient été nécessairement en accord avec le texte ci-après mais ils ont constitué un groupe de consultation auquel les auteurs sont éminemment reconnaissant
ii THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 Message du Président de la CAD & du et leur gouvernement informés du contexte Président du Conseil de l’Institut de la national de sécurité et de défense, nous som- CAD mes heureux de diffuser le 34ème Cahier Vimy, intitulé Perspectives stratégiques du Canada Alors que le Canada célèbre son 150ème An- 2017, sixième de notre série de tours d’horizon niversaire et toutes les grandes réalisations qui annuels des tendances qui, à l’échelle mondiale, ont marqué son histoire depuis l’avènement de influent sur la sécurité du Canada et affectent la Confédération, nous traversons une époque ses intérêts nationaux. à la fois complexe, lourde de défis et, peut-être, Nous innovons cette année en adoptant, pour périlleuse pour notre sécurité et notre défense. les Perspectives stratégiques, le format élec- Qu’il s’agisse, entre autres, des évènements qui tronique. Ainsi, nous pouvons non seulement ont récemment marqué l’ordre mondial sur fond réaliser des économies tout en respectant mieux d’instabilité chronique dans nombre de régions, l’environnement, mais répondre aussi à la ou des changements survenus sur le continent préférence de la majorité de notre lectorat, qui nord-américain, ou encore des tensions crois- souhaite pouvoir télécharger le document sur la santes dans la région Asie-Pacifique, les signes plateforme de son choix. En outre, nous avons sont là pour nous signifier qu’une mutation constaté au cours des dernières années que la tellurique est à l’œuvre dans les affaires mondia- demande d’exemplaires imprimés avait nette- les. Pour le Canada, fixer un cap lui permettant ment diminué. de naviguer en sécurité ne sera pas une mince affaire. L’édition des Perspectives stratégiques est une entreprise de taille, et nous tenons à remercier C’est pourquoi, tout en nous félicitant du cycle ici les nombreuses personnes dont les efforts y de consultations récemment conclu qui a ont contribué pour l’année 2017, à commencer accompagné l’examen de la politique de défense par les sept auteurs des différentes sections : le lancé par le gouvernement Trudeau, nous Professeur Kim Richard Nossal de l’Université pensons qu’il importe d’entreprendre posément, Queen’s; le Dr Jim Cox (retraité); la Professeure avec l’opinion publique canadienne, un dia- Andrea Charron de l’Université Carleton; le Dr logue approfondi afin de définir les orientations Mike Cessford de la Corporation commerciale futures de nos politiques, de nos stratégies, de canadienne; Andrew Rasiulis de l’Institut cana- notre planification et de nos programmes en dien des affaires mondiales; le Dr Eric Lerhe de matière de sécurité et de défense du pays. Et l’Université Dalhousie; et le Dr Ken Pennie. Nos c’est pourquoi aussi, à titre de contribution à ce remerciements vont également au Dr David dialogue et poursuivant les efforts déployés par McDonough, encore tout récemment notre l’Institut de la CAD pour tenir les Canadiens Directeur de la recherche et Rédacteur en chef, CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 iii TITLE à qui nous devons d’avoir été le principal con- cepteur et la cheville ouvrière de cette édition des Perspectives stratégiques, tout comme ils vont à Chuck Davies, chercheur à l’Institut de la CAD et à Matthew Overton, qui y ont apporté la touche finale. Disons aussi notre profonde gratitude à Richard Évraire et à André Scialom, qui ont consacré de longues heures à la traduc- tion et à la relecture du manuscrit. Un grand merci à nos quatre conseillers indépendants – Drew Robertson, Richard Cohen, Elliot Tepper et Joel Sokolsky – pour les commentaires de lecture dispensés à nos auteurs. Enfin, l’hon- neur de clore le cortège revient à Robert Lègere, Gérant du bureau, pour l’indispensable travail de mise en page et de présentation du docu- ment. C’est grâce aux efforts conjugués de toutes ces personnes et de bien d’autres bénévoles que nous sommes en mesure, aujourd’hui, de vous présenter ce 34ème Cahier Vimy, Perspectives stratégiques du Canada 2017. Nous espérons sincèrement que la lecture vous en sera agréable, et, plus encore, que vous pren- drez le temps de méditer sur les perspectives, les questions et les problèmes qui y sont évoqués. Denis Rouleau, Président de la CAD Daniel Gosselin, Président du Conseil de l’Institut de la CAD Février 10, 2017 L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
iv THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 PRÉFACE apporté par le gouvernement à l’examen des évolutions touchant la sécurité et la défense. Année après année, l’Institut de la CAD publie le Contrairement à l’usage de la plupart des au- Cahier Vimy, son étude de référence consacrée tres « moyennes puissances », il ne propose au- aux perspectives stratégiques du Canada. Cette cune évaluation régulière des tendances et des étude brosse un large panorama des tendances menaces caractérisant la sécurité mondiale en mondiales, actuelles ou telles qu’elles se dessi- ce qu’elles affectent le Canada , et il ne s’est pas nent, qui influent sur la sécurité et les intérêts non plus doté d’une stratégie d’ensemble struc- nationaux du pays. Ce faisant, l’Institut vise à turée en vue de protéger le pays et ses intérêts. encourager un débat public solidement docu- Or, en l’absence d’une perspective d’envergure menté sur les questions de sécurité et de défense, nationale tendant à définir les défis du futur et tout en incitant ouvertement le gouvernement la manière dont nous comptons les affronter, il du Canada à examiner de façon plus sérieuse ces n’est guère surprenant de constater l’inexistence, domaines d’importance critique. La publication pour l’essentiel, d’un dialogue national – et en- du Cahier Vimy revêt, cette année, une impor- core moins d’un consensus – portant sur les ca- tance particulière du fait de l’examen en cours pacités dont le pays aura besoin pour réagir à ces de la politique de défense. défis de façon efficace, que ce soit par lui-même ou en concertation avec d’autres pays. Lorsqu’il s’agit d’évaluer les tendances de l’heure et les risques qu’elles recèlent dans le domaine L’objet des Perspectives stratégiques du Can- économique, le gouvernement s’acquitte fort ada publiées par l’Institut de la CAD n’est pas honorablement de sa tâche. Ainsi, la mise à jour de remédier à cette carence. Le document vise des Projections économiques et budgétaires à plutôt, en s’adressant à des lecteurs appartenant long terme – 2016 émanant du ministère des Fi- ou non aux cercles gouvernementaux mais in- nances offre une perspective à la fois détaillée, téressés par un débat public sur la sécurité et la concise et réaliste des évolutions probables défense, à jeter un éclairage sur les problèmes, du Canada jusqu’à la décennie 2050 aux plans les événements et les tendances d’envergure démographique, économique et budgétaire, en mondiale qui sont de nature à affecter, aujo- même temps qu’une analyse des conséquences urd’hui, demain et à plus long terme, les intérêts pour les finances publiques tout au long de cette de sécurité et de défense du Canada. Nous es- période. Régulièrement actualisé, ce document pérons de la sorte encourager la tenue d’échang- devrait constituer une lecture obligatoire pour es plus vigoureux et mieux informés. toute personne intéressée par les défis auxquels sera confronté le Canada dans l’avenir. Les Perspectives stratégiques 2017, qui constit- uent le Cahier Vimy no 34, se distinguent très Toutefois, on ne saurait en dire autant du soin nettement des éditions précédentes. En effet, CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 v TITLE depuis 2012, la rédaction du document avait décor stratégique dans lequel il convient d’éla- été confiée à une ou deux personnes d’une borer les réponses gouvernementales aux défis compétence reconnue, et notamment à l’ancien et aux risques d’envergure mondiale. Il y décrit vice-président exécutif de l’Institut, l’ambas- la corrélation entre les politiques, les stratégies, sadeur Ferry de Kerckhove, homme de vaste les plans et les priorités, tout en soulignant qu’il expérience entouré de différents experts. Cette importe de s’astreindre à un processus plus dis- année, en revanche, nous nous sommes efforcés cipliné et plus rigoureux que celui généralement d’offrir des perspectives nouvelles en invitant employé par les gouvernements canadiens pour sept éminents chercheurs et praticiens qui se leur élaboration et leur mise en œuvre.L’auteur penchent depuis de longues années sur les ques- soutient que le Canada doit considérablement tions de sécurité et de défense à l’échelle mondi- approfondir et élargir le cadre de l’examen en ale, à nous proposer chacun sa vision dans des cours de la politique de défense. secteurs spécifiques. Le Chapitre 2 a été confié à la Professeure An- C’est ainsi que nous pourrons lire, sous la plume drea Charron, directrice du Centre des études du professeur Kim Richard Nossal du Centre de de sécurité, de renseignement et de défense de politique internationale et de défense de l’Uni- l’Université Carleton, professeure auxiliaire à la versité Queen’s, une introduction aux Perspec- Norman Paterson School of International Af- tives stratégiques du Canada – 2017 en forme fairs, et chargée de recherche à l’Institut de la d’examen de la dynamique politique qui condi- CAD. Mme Charron passe en revue le contexte tionne l’approche du gouvernement canadien en nord-américain, en faisant porter son analyse matière de sécurité et de défense, avec un volet sur trois intérêts nationaux partagés de longue consacré à l’examen en cours de la politique de date par le Canada et les États-Unis : la défense défense dans une optique nationale, continentale de l’État contre les agressions armées, la santé et mondiale. L’auteur brosse un tableau éclairant de l’économie et de la société prise dans son en- des incertitudes et des défis qui caractérisent le semble, et l’ordre mondial ainsi que les menaces contexte politique mondial avec lequel doivent risquant de le déstabiliser de façon aiguë. Selon composer le gouvernement et le pays, en faisant elle, si le Canada veut défendre ses intérêts na- ressortir les limites de la démarche que semble tionaux, il devra accorder un surcroît d’attention avoir adoptée le gouvernement pour évoluer à à sa capacité contributive à la défense continen- travers ce contexte. tale. Cela suppose un investissement de taille et jusqu’au plus haut niveau dans les relations de Dans le Chapitre 1, le général de brigade Dr défense canado-américaines, de même qu’un ef- James Cox (retraité), responsable de recherche fort pour renouer avec l’art incontournable de la auprès de l’Institut Macdonald-Laurier et chargé diplomatie bilatérale entre les deux pays. de recherche à l’Institut de la CAD, campe le L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
vi THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 Dans le 3e chapitre, le colonel Dr Michael en Europe en 2017, il faut parvenir à une com- Cessford (retraité), directeur régional pour le préhension adéquate de la Russie ainsi que de sa Moyen-Orient de la Corporation commerciale volonté et de sa capacité croissantes de recours canadienne et chargé de recherche à l’Insti- à la force militaire pour promouvoir ses intérêts tut de la CAD, projette un éclairage sur l’éven- politiques. Il observe en outre que les engage- tail des opérations expéditionnaires, depuis le ments pris par le Canada envers le renforcement Moyen-Orient et l’Europe jusqu’à l’Afrique. Il de la posture de défense de l’OTAN représentent en décrit les dangers inhérents ainsi que la né- une réponse non négligeable à ce défi, tant du cessité d’une surveillance stratégique lucide et point de vue budgétaire que sous l’angle de la pragmatique de la part du gouvernement du cadence opérationnelle élevée maintenue par les Canada. Il fait aussi valoir que de tels engage- Forces armées canadiennes (FAC). ments, sans doute inspirés par les valeurs cana- Au chapitre 5, le Commodore Dr Eric Lerhe (re- diennes, doivent correspondre à des intérêts et à traité), chargé de recherche au Centre d’études des objectifs nationaux propres à justifier les ris- de la sécurité et du développement de l’Univer- ques encourus par le personnel expéditionnaire. sité Dalhousie, propose un regard sur la Chine Le 4e chapitre est consacré à l’OTAN et à l’Eu- et le bassin indopacifique, soulignant qu’il faut rope. Confié à Andrew Rasiulis, chercheur remonter aux années 1990 pour trouver la trace auprès de l’Institut canadien des affaires mon- d’un engagement stratégique canadien d’une diales. Avec à son actif plus de 35 années d’ex- certaine ampleur dans la région. Il observe que périence en qualité d’analyste de défense au les gouvernements qui se sont succédé depuis niveau stratégique, de négociateur de la maîtrise lors ont concentré leurs efforts sur les échanges des armements, de responsable de l’élaboration commerciaux, sans prendre acte de l’importance des politiques et de directeur de la Formation sous-jacente des considérations économiques et et de la coopération militaires, il est en outre sécuritaires, et notamment de la liberté de nav- titulaire d’une maîtrise délivrée par la Nor- igation. Il se dit d’avis que l’instabilité a toute man Paterson School of International Affairs les chances de gagner du terrain dans la région, de l’Université Carleton. Après avoir brossé un alors que les États-Unis se montrent réticents à tableau général de la situation stratégique en continuer d’y jouer leur rôle traditionnel. C’est mutation de l’Europe, du rôle de l’OTAN, des pourquoi le Canada devra, selon lui, repens- intérêts stratégiques qui continuent d’être ceux er la façon dont il compte maintenir les liens du Canada en Europe, et enfin de la nature de économiques avec cette région d’importance la réponse militaire canadienne pour préserver critique et fixer la façon dont il entend prendre ces intérêts, Andrew soutient que pour pouvoir part aux initiatives pour y atténuer les risques apprécier l’évolution de la situation stratégique de conflit. CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 vii TITLE Enfin, nous nous en remettons au lieu- considéré comme acceptable par les États-Unis tenant-général Dr Ken Pennie (retraité) pour et nos autres alliés. Compte tenu des nombreus- rassembler les fils de ces différentes réflexions es inconnues qui caractérisent aujourd’hui notre et proposer ses propres observations en guise avenir, l’auteur pose une question fondamentale de conclusion des Perspectives stratégiques du : comment continuer à prospérer en tant que Canada – 2017. Cette conclusion illustre la façon pays indépendant dans un monde dangereux? dont les tendances longues mises au jour dans les Question pertinente s’il en fut. chapitres précédents contribuent à brosser, pour Le document intitulé Perspectives stratégiques l’avenir du Canada, un tableau présentant des du Canada – 2017 présente sur ce problème une risques accrus relativement aux cinq décennies vision élargie, dont l’objectif est de contribuer à précédentes. S’ils n’atteignent pas en intensité la un débat public bien informé sur ces questions menace existentielle encourue durant la période complexes et ardues. Si un tel débat présente une de la guerre froide, ces risques n’en pèsent pas utilité dans toute société démocratique, c’est en moins directement sur notre sécurité et notre fin de compte au gouvernement qu’il incombe prospérité nationales. En outre, ils proviennent de bien cerner, décrire et analyser les risques d’une diversité d’horizons et exigent un cadre présents et à venir pour le pays et pour son bi- stratégique holistique, capable de guider les ef- en-être. C’est tout autant au gouvernement qu’il forts déployés par le Canada pour influencer le appartient de sélectionner les politiques, les monde. Par ailleurs, le Lieutenant-général Pen- stratégies et les plans appropriés afin d’y répon- nie relève un facteur qui pourrait avoir un im- dre, aujourd’hui comme demain. Et c’est au gou- pact plus immédiat sur le gouvernement, à savoir vernement de faire les investissements néces- que nos déclarations traditionnelles concernant saires à leur mise en œuvre. la politique de défense et l’engagement de défen- dre le Canada, de défendre l’Amérique du Nord Comme l’ont souligné plusieurs de nos rédac- de concert avec les États-Unis, et enfin celui de teurs – et bien d’autres encore dans des contex- contribuer à la stabilité mondiale pourraient fort tes différents – les gouvernements qui se sont bien n’être perçues, par la nouvelle administra- succédé au Canada n’ont pas fait montre d’un tion Trump, que comme un simple camouflage grand souci de s’acquitter de ces obligations fon- masquant le fait que, depuis une cinquantaine damentales, et l’examen en cours de la politique d’années, nous nous en sommes pratiquement de défense ne laisse rien augurer d’un quelcon- remis aux contribuables américains pour assurer que changement dans ce domaine. À ce jour, le notre défense. En effet, la ligne de conduite des prix à payer par le pays n’a semblé ni très mani- gouvernements canadiens durant cette période feste ni très grave. Cependant, alors que l’avenir a consisté à rechercher le niveau le plus faible s’annonce toujours plus incertain et périlleux, il possible de dépenses de sécurité et de défense y a fort à parier qu’une telle chance ne durera L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
viii THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 pas. Plus d’un informateur avisé a fait observer ment nourri de contributions et jouissant d’un que nous entrons vraisemblablement dans une large lectorat. David a récemment entrepris période de remous tectoniques dans les affaires d’élargir ses horizons de recherche académique mondiales. D’où l’absolue nécessité, pour le gou- et de les porter au-delà de la sphère de sécurité vernement du Canada, de piloter la nation pour et de défense. Nous lui sommes profondément qu’elle traverse sans encombre cette passe diffi- reconnaissants de tout ce qu’il a fait pour la cile. Pour ce faire, il lui faudra prendre beaucoup CAD et pour son Institut, et lui souhaitons plein plus au sérieux qu’au cours des décennies précé- succès dans ses nouvelles entreprises. dentes la tâche complexe que représente la sécu- Tony Battista, PDG de la CAD et de l’Insti- rité nationale, assortie entre autres de ses volets tut de la CAD de défense, de diplomatie et de développement. L’Institut de la CAD et ses contributeurs aux Perspectives stratégiques du Canada – 2017 for- ment le vœu sincère que ce document aide le gouvernement en place à emprunter cette voie. Pour conclure, nous souhaitons exprimer notre gratitude particulière, au nom de la Conférence des associations de défense et de l’Institut de la CAD, au Dr David McDonough, principale cheville ouvrière et Coordonnateur de l’édition 2017 des Perspectives stratégiques du Canada, qui a occupé au cours des deux dernières années les fonctions de Directeur de la recherche et de Coordonnateur principal des publications à l’In- stitut de la CAD. À ce titre, il a amélioré de façon notable notre capacité ainsi que notre volume effectif de recherche – et ce à travers tout l’éven- tail de diversité et de qualité des articles publiés dans notre magazine de politique ON TRACK, jusqu’au nombre d’études diffusées dans le cadre de notre Cahier Vimy et de la série d’analyses de l’Institut de la CAD. Sans oublier la Note d’in- formation* sur la sécurité et la défense, non plus que le lancement de notre blogue, généreuse- CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 ix TITLE TABLE DES MATIÈRES Message du Président de la CAD et du Président du conseil de l'Institut de la CAD ii Préface Tony Battista iv INTRODUCTION CANADA ET L'ANNÉE EN REVUE 1 Kim Richard Nossal LA POLITIQUE DE DÉFENSE DU CANADA ET SA GRANDE CHAPITRE 1 STRATÉGIE 7 James Cox L’AMÉRIQUE DU NORD ET LA DÉFENSE DES CHAPITRE 2 INTÉRÊTS NATIONAUX 16 Andrea Charron CHAPITRE 3 LES OPÉRATIONS EXPÉDITIONNAIRES AU MOYEN-ORIENT, EN EUROPE ET EN AFRIQUE 25 Michael Cessford CHAPITRE 4 L’OTAN ET L’EUROPE : LES INTÉRÊTS STRATÉGIQUES DU CANADA ET L’ACTION DANS LE DOMAINE MILITAIRE 33 Andrew Rasiulis CHAPITRE 5 LA CHINE ET LE BASSIN INDOPACIFIQUE : DÉFINIR LA STRATÉGIE CANADIENNE DANS LA RÉGION 42 Eric Lerhe CONCLUSION LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA: PLUS ÇA CHANGE? 53 Ken Pennie Références 57 Contributeurs 58 L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
x THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 1 TITLE INTRODUCTION CANADA ET L'ANNÉE EN REVUE Kim Richard Nossal L e gouvernement libéral de Justin Trudeau est entré en fonction en novembre 2015 en véhiculant le message suivant : « Le Canada est de retour ». Seuls les mordus d’histoire se souviendront qu’en accédant au pouvoir en février 2006, le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait brandi le même slogan. Mais l’ironie du retour de ce message est vite passée aux oubliettes devant l’enthousiasme créé par la promesse du gouvernement Trudeau d’une feuille de route bien différente de celle de son prédécesseur en affaires internationales. Cette promesse n’avait rien de nouveau ou d’inattendu. Tout nouveau premier ministre canadien cherche à se démarquer de ses prédécesseurs, très souvent en initiant une révision des différents éléments de la politique internationale du pays. La toute première révision formelle de la politique de défense du Canada est apparue en 1964 sous le libellé du gouvernement libéral de Lester B. Pearson qui, l’année précédente, avait annoncé son intention de gouverner de façon fondamentalement différente des progressistes-conservateurs de John G. Diefenbaker. Bien que chaque nouveau gouvernement ait honoré la tradition au cours des premières années au pouvoir, ils n’ont toutefois choisi de publier qu’une seule révision de la politique de la défense, quel qu’ait été leur nombre d’années au pou- voir. Voilà pourquoi il n’est pas sorcier de deviner les années de publication de ces révisions, qui virent le jour en 1964, 1971, 1987, 1994, 2005 et 2008. Mais une stratégie internationale ne peut se baser uniquement sur une politique de défense. En 1969, Pierre Elliott Trudeau fit publier une révision de la politique étrangère; initiative qui devint pratique courante : Brian Mulroney suivit le mouvement en 1984-1985, "un contexte singulier de poli- et Jean Chrétien et Paul Martin firent de même, en tiques stratégiques, sans équiva- 1995 et 2005 respectivement, tandis que Stephen Harper et son gouvernement conservateur choisirent lent dans l’histoire moderne" de ne pas obtempérer, préférant éviter les remous liés à une telle entreprise. Or, si le gouvernement Harper n’a publié aucune révision de la politique étrangère du pays pendant neuf années au pouvoir, il a néan- moins choisi, en 2008, d’entreprendre une révision de la politique de défense. Le gouvernement de Justin Trudeau, pour sa part, a suivi l’exemple de Stephen Harper en lançant, au début de son mandat, une révision de la politique de défense, sans pour autant suivre l’exemple donné par Trudeau père L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
2 THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 en 1969. Ce faisant, Trudeau fils perpétuait la pratique de tous les gouvernements depuis 1960, hormis celui de Paul Martin, en n’entreprenant pas une révision des politiques de défense et des affaires étrangères dans une per- spective globale, malgré leur imbrication profonde. Mais l’Énoncé de politique internationale du Canada de Paul Martin, publié en 2005, sert de rappel brutal de la puissance de l’inertie. Ce document, paru en quatre volumes, chacun préparé par l’agence responsable, respectivement, de la diplomatie, de la défense, du développement et du commerce et auxquels fut ajouté un résumé signé par le premier ministre lui-même, a réussi, tant bien que mal, à décloisonner les perspectives isolées de ces quatre agences. Par ailleurs, en 2016, une seule perspective fut considérée : l’Examen de la politique de défense, initié par le min- istre de la Défense Harjit Sajjan et publié au début de 2017, était le fruit d’une consultation de plusieurs mois avec les parties prenantes, exercice plutôt symbolique à laquelle tous les gouvernements depuis celui de Pearson se sont livrés : publier un examen de la politique de défense proclamant combien l’approche innovante du nouveau chef de gouvernement se démarque de la précédente, et puis laisser le rapport jaunir sur les tablettes. N’attendez-pas. Agissez dès maintenant Mais le gouvernement n’a pas attendu la publication du rapport de l’examen de la politique de défense avant de prendre certaines décisions clés au sujet de la politique internationale du Canada. Au cours de la campagne électorale de 2015, Trudeau avait promis de retirer les six CF-18 canadiens de la Coali- tion mondiale de lutte contre l'EIIL (État islamique en Irak et le Levant, aussi connu sous le nom État islamique en Irak et dans le Cham, ou Daesh) en Irak et en Syrie. Dix jours après avoir accédé au poste de premier ministre, il devait remplir sa promesse et retirer les CF-18 sans que soit fournie une raison claire, logique ou cohérente pour justifier cette décision. Au cours de cette même campagne électorale, Trudeau avait aussi promis qu’un gouvernement libéral n’achèterait pas le F-35 de Lockheed Martin en remplacement des CF-18; que le F-35 ne serait pas admis au concours « ou- vert » à tous les autres constructeurs d’avions et que, par conséquent, un autre avion serait choisi en remplace- ment des CF-18. Les « milliards de dollars » de présumées économies réalisées grâce à l’achat de cet autre avion seraient consacrés aux besoins de la Marine royale canadienne. Une fois au pouvoir, les Libéraux durent faire face aux conséquences de cette décision irréfléchie. Les avocats du gouvernement expliquèrent bien vite au premier ministre que l’exclusion du F-35 du concours « ouvert » représenterait un risque quasi certain de poursuites judiciaires de grande ampleur. Dans la foulée, les membres du tout nouveau cabinet constatèrent que si le F-35 n’était pas choisi comme remplaçant du CF-18, l’industrie aérospatiale canadienne se verrait exclure des chaînes de valeurs d’envergure mondiale de Lockheed Martin. En novembre 2016, à la surprise de l’Aviation royale canadienne (ARC), le cabinet contourna le problème créé par le premier ministre en déclarant que le nombre de CF-18 nécessaire à l’accomplissement simultané des tâch- es de l’ARC vis-à-vis de l’OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) et du NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord) dépassait les 77 aéronefs disponibles (76 après l’écrasement d’un CF-18 en décembre), et qu’ il existait par conséquent une brèche capacitaire que seul pourrait colmater un CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 3 TITLE nombre accru de CF-18. Le gouvernement choisit donc de faire l’achat, sans appel d’offres, d’une flotte intéri- maire de 18 F/A-18 Super Hornet qui lui permettrait de considérer, au cours des cinq années à venir, quel avion serait appelé à remplacer le CF-18. C’est ainsi qu’en reportant toute décision concernant le F-35 bien au-delà de l’élection fédérale suivante, fut réglé un problème politique créé par une promesse de campagne électorale. Pendant la campagne électorale de 2015, le Parti libéral avait aussi promis de répondre au souhait d’un grand nombre de Canadiens favorables à un retour au rôle traditionnel de maintien de la paix. Mais, encore une fois, sans attendre les résultats de l’examen de la politique de défense et mettant la charrue devant les bœufs, le gou- vernement se déclara prêt à déployer des militaires dans le cadre d’opérations de soutien de la paix dans l’abstrait, avant même d’avoir choisi où ce déploiement devrait avoir lieu. Ainsi fut créée dans l’esprit de bien des gens l’idée que cette nouvelle mission – très probablement prévue pour l’Afrique occidentale mais non identifiée au moment de la rédaction du présent document – avait été conçue sans véritable motif stratégique mais pour des raisons de politique interne. En ce qui concerne la région Asie-Pacifique, le gouvernement Trudeau s’employa aussitôt à améliorer les relations bilatérales avec la Chine, sans pour autant aborder les nombreux défis géostratégiques liés à une dynamique du pouvoir en constante évolution dans la région. Trudeau souhaitait que soit rétablie une relation qui avait faibli pendant les dernières années du gouvernement conservateur. Par le biais de visites réciproques – Trudeau en visite en Chine au mois d’août 2016, et le premier ministre Li Keqiang au Canada en septembre – les deux pays ont pu déclarer qu’une nouvelle ère de relations avait été inaugurée. Afin de démontrer de façon concrète son intention de renouveler l’amitié avec la Chine, Trudeau annonça qu’il rejoindrait la Banque asiatique d'inves- tissement pour les infrastructures, une initiative sous le contrôle de Pékin à laquelle Harper avait choisi de ne pas adhérer. En réponse à cette initiative, la Chine atténua ses restrictions sur les importations de canola canadien, allégeant le fardeau précédemment imposé aux agriculteurs canadiens. Toutefois, du même souffle, le gouvernement Trudeau a exprimé sans états d’âme, sur certains sujets, des po- sitions qui ont profondément déplu aux Chinois. Par exemple, Ottawa n’a pas hésité à déclarer que la Chine devrait respecter la décision de la Cour permanente d’arbitrage, rendue au mois de juillet 2016, qui critiquait sévèrement les revendications chinoises le long de la « ligne en neuf traits » en mer de Chine méridionale. Le Canada a même clairement lancé une pointe à Beijing en déclarant qu’« il est essentiel que tous les États de la région fassent preuve de modération, évitent la coercition et s’abstiennent de toute action susceptible d’aggraver les tensions ». Et le gouvernement Trudeau n’a pas ménagé Beijing dans l’affaire Kevin et Julia Garratt, exerçant des pressions énergiques en faveur des deux Canadiens victimes d’accusations d’espionnage fictives et arrêtés et emprisonnés en Chine à la suite d’une dispute entre Pékin et le gouvernement Harper – ce dernier ayant, en 2014, accusé le gouvernement chinois d’avoir piraté les sites Internet du Conseil national de recherches Canada. Il ne fait aucun doute que le litige en mer de Chine méridionale et l’affaire Garratt sont des questions très sensi- bles pour la Chine. Il n’est que de se rappeler la réaction du ministre des Affaires étrangère de la Chine, Wang Yi, en visite au Canada, qui a perdu son sang-froid lors d’une conférence de presse à Ottawa lorsqu’un journaliste lui a posé une question sur ces deux sujets. Mais la Chine devait se raviser quelques mois plus tard, dans le but de rétablir de bonnes relations avec le Canada. Tout en qualifiant la « soi-disant » décision de la Cour d’Arbitrage L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
4 THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 d’« illégale et nulle et non avenue », la Chine a préféré ne pas se confronter au Canada sur le sujet. Et en ce qui concerne le couple Garratt, Beijing a choisi de les libérer peu de temps avant l’arrivée à Ottawa du premier min- istre Li. Vers la fin de l’année, la relation bilatérale avait été renouvelée, sans toutefois que des réponses à d’im- portantes questions géostratégiques aient été trouvées. Le Canada n’avait toujours pas défini quel rôle il croyait devoir être celui de la Chine dans la région Asie-Pacifique. Deux des nombreux dossiers dont avait traité le gouvernement Harper ont été retenus par le gouvernement Trudeau. L’approche adoptée par les conservateurs au sujet du premier dossier a non seulement été reprise, elle a même été renforcée. En juillet dernier, le gouvernement Trudeau a choisi de bonifier la contribution promise par le Canada à l’Opération Réassurance (dont la mission a pour but de prévenir une agression de la part de la Fédération de Russie en Europe orientale) en y ajoutant un groupement tactique en Lettonie et en continuant de fournir des patrouilles aériennes et maritimes. Au sujet du deuxième dossier, Trudeau a poursuivi la politique de base des conservateurs en aidant l’Ukraine à contrer la possibilité d’agression russe dans l’Est du pays, et il a maintenu les sanctions contre la Russie suite à l’annexion de la Crimée et à son incorporation à la Fédération de Russie. En revanche, là où Harper avait sévèrement critiqué les agissements de Vladimir Poutine, Trudeau a choisi d’adopter une rhétorique officielle plus modérée. En résumé, le gouvernement Trudeau avait déjà fait bon nombre de choix stratégiques concernant le rôle du Canada dans le monde en 2017 et au-delà, avant même que le rapport de l’examen de la politique de défense n’ait été publié au début de 2017, et cela sans le bénéfice d’une revue de la politique étrangère. L’administration Trump Il est vrai que dans les circonstances actuelles, cette façon de faire a peut-être un certain mérite. Ces Perspectives stratégiques 2017 n’ont-elles pas été fortement influencées par l’élection de Donald J. Trump à la présidence des États-Unis, laquelle laisse présager le possible avènement d’un contexte singulier de politiques stratégiques, sans équivalent dans l’histoire moderne et avec lequel le Canada et les nombreux amis et alliés des États-Unis auront à composer? Nous ne pouvons sous-estimer le caractère unique de cette situation, alors que : • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a été aussi indifférent aux rudiments de l’art de gouvern- er, aussi dépourvu de connaissances concernant le monde et, plus important encore, aussi peu intéressé à apprendre; • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a été aussi désinvolte envers les relations entre les grandes puissances, choisissant, d’une part, d’invectiver et d’offenser la Chine et, d’autre part, d’engager une « bro- mance » avec la Russie; • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a été porté au pouvoir lors d’une élection dans laquelle un adversaire déclaré du pays - la Fédération de Russie - serait, selon les agences de renseignement américaines, intervenu dans le processus électoral américain; CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 5 TITLE • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a encouragé le démantèlement du projet européen en applaudissant le départ de la Grande-Bretagne de l’Union européenne; • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a fait fi du libre-échange, rejeté le Partenariat transpa- cifique et promis de résilier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA); • Jamais auparavant un président des États-Unis n’a semblé assimiler le réseau des alliances américaines à un système d’extorsion en échange de protection semblable à ce que l’on peut trouver à New York dans le secteur immobilier. Faut-il ajouter l’approche tout à fait singulière de M. Trump, qui semble aimer se servir des médias sociaux pour développer des politiques et lancer au hasard des « tweets » irréfléchis au sujet de compagnies américaines com- me Boeing et Lockheed Martin, faisant plonger le cours de leurs actions en bourse et semant l’incertitude aux États-Unis et à l’étranger? Que dire de cette tendance qui est la sienne de considérer toute critique comme une attaque personnelle et de dépenser temps et énergie à poursuivre tel ou tel individu, au point d’inciter certains de ses disciples à les harceler et même à les menacer de mort? Tout au long de la préparation de ces Perspectives stratégiques 2017, nous aurons donc à prendre acte de l’incer- titude aiguë qui régnera, puisqu’il nous est impossible de deviner comment, dès le 20 janvier, agiront le président Trump et son administration. Par contre, nous pouvons dire sans risque de nous tromper qu’elle va remodeler en profondeur le contexte stratégique avec lequel aura à composer le gouvernement Trudeau. Nombre des vérités stratégiques internationales en place depuis plus de soixante-dix ans sont aujourd’hui grave- ment remises en doute, affectant les tenants de la politique de défense du Canada, la relation continentale Can- ada-États-Unis, les opérations du Canada en Europe et ailleurs, ainsi que nos engagements dans une région Asie-Pacifique en mutation. Voilà donc les sujets sur lesquels ce cahier consacré aux Perspectives stratégiques 2017 se penchera dans les pages suivantes. L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
6 THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 7 TITLE CHAPITRE 1 LA POLITIQUE DE DÉFENSE DU CANADA ET SA GRANDE STRATÉGIE James Cox RÉSUMÉ En dépit des attentes créées par le gouvernement à l’occasion des consultations récentes au sujet de la ‘Revue de la poli- tique de défense’, le gouvernement du Canada semblerait n’avoir que peu d’intérêt à entreprendre une revue en profon- deur de cette politique. Il ne semble pas non plus reconnaître l’importance d’une réflexion intellectuelle sur les politiques comme élément essentiel aux discussions sur les stratégies subordonnées, sur les tâches attribuées aux Forces armées canadiennes et sur l’achat de matériel militaire. L’auteur de ce texte suggère que le Canada doit entreprendre une revue de la politique de défense beaucoup plus approfondie et élargie que celle qui est actuellement en cours et qui aurait pour but la préparation d’une nouvelle politique de défense et d’une stratégie nationale de défense. Ces dernières définiraient respectivement les objectifs politiques (ce qui doit être accompli) et expliqueraient les moyens nécessaires à la mise en place de la politique de défense (opérationnaliser les objectifs politiques en les transformant en projets stratégiques dans un cadre pangouvernemental exploitant tous les éléments de compétence nationale). L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
8 THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 E n dépit des attentes suscitées lors des consultations publiques tenues à l’occasion de la Revue de la politique de défense, le gouvernement Trudeau ne semble pas véritablement intéressé par un examen détaillé de la politique nationale de défense. Les documents officiels ne vont guère au-delà d’un passage en revue limité de ce qu’ils appellent la stratégie, et ils mettent l’accent sur la dotation en équipement de Forces armées canadiennes (FAC) allégées. Il est dit, dans le Discours du Trône de 2015 : « le gouvernement lancera un processus d’examen ouvert et transparent des capacités de défense actuelles ».1 En outre, la lettre de mandat adressée par le Premier ministre Trudeau au ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, demande que soit lancé « un processus d’examen ouvert et transparent visant à créer une nouvelle stratégie de défense pour le Canada ». Par ailleurs, en fouillant attentivement le Chapitre 6 du budget fédéral pour l’année 2016, on découvre qu’il y est fait men- tion d’une nouvelle stratégie : « Le gouvernement entreprendra un processus ouvert et transparent dans le but d’élaborer une nouvelle stratégie de défense qui permettra de bâtir une force militaire moderne, plus souple et mieux équipée ».2 L’élément à la fois récurrent et troublant, ici, est qu’il ne semble pas y avoir de prise de conscience de la nécessité de mener une réflexion intellectuelle de grande envergure sur les politiques, comme préalable à toute analyse des questions au niveau sous-stratégique ou programmatique, ou encore de campagne. Nous suggérons dans ce chapitre que, face à ces éléments contraires, le Canada doit se doter de façon concomi- CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
LES PERSPECTIVES STRATÉGIQUES DU CANADA 2017 9 TITLE tante d’une nouvelle politique de défense et d’une stratégie nationale de défense. Nous y proposons en outre les idées principales que l’on pourrait espérer - voire escompter - trouver dans l’une et dans l’autre. Notre approche rompt avec la tradition, puisque nous n’abordons pas le détail de l’organisation militaire, des budgets de défense ni des acquisitions. En revanche, notre analyse est axée sur des objectifs définis – non pas de façon large et consistant simplement à s’activer, mais de manière spécifique, pour définir ce qu’il convient d’accomplir con- crètement. Le lecteur averti reconnaîtra, dans ce qui suit, un caractère de superficialité lié aux limites de l’espace et du temps disponibles. La politique et sa grande stratégie Commençons par nous entendre sur la terminologie et par souligner que les vocables « politique » et « stratégie » ne sont pas synonymes l’un de l’autre. Ainsi, la détermination de la ou des politiques est une tâche devant être réalisée et assumée par le gouvernement. Leur élaboration, de nature intrinsèquement politique, représente un concept quelque peu abstrait mais empreint d’une vision, qui répond à des aspirations politiques élevées – il s’agit du quoi et du pourquoi des fins politiques poursuivies. Par nature et par définition, une politique de gou- vernement se doit d’être pangouvernementale. La grande stratégie, elle, vise à appliquer la politique en traduisant les objectifs politiques en objectifs stratégiques de grande portée quoique concrets et mesurables afin que, ces objectifs atteints, les fins politiques poursuivies le soient également. C’est, là encore, une entreprise pangouvernementale du fait qu’elle intègre tous les éléments de la puissance nationale. La grande stratégie peut se décliner dans des stratégies subordonnées dont le nombre est variable et susceptibles de se traduire en allocations budgétaires, en initiatives d’organisation, en dotation d’équipement et en création d’infrastructures. Le continuum théorique de cet ensemble est illustré à la Figure 1. FIGURE 1: La politique - la grande stratégie - le cadre stratégique La politique (Le Quoi et le La grand stratégie (les grandes lignes La/les stratégie(s) (modalités pourquoi) du comment) spcécifiques du comment) (Source: James Cox) Une fois le cadre analytique mis en place, nous pouvons nous tourner vers les conditions retenues comme étant favorables à une nouvelle politique de défense. L’INSTITUT DE LA CAD | CAHIER VIMY
10 THE STRATEGIC OUTLOOK FOR CANADA 2017 Définir les conditions La fixation des conditions favorables à une nouvelle politique de défense requiert la prise en compte de quatre questions. En premier lieu, une sorte de « remise à plat » conceptuelle à l’échelle nationale, afin de redonner à la notion de défense nationale du Canada une signification véritablement axée sur la « défense » et sur le concept de « Canada d’abord ». En d’autres termes, bien reconnaître que l’objectif ultime consiste, non pas à se consacrer à la défense du Canada mais bien à l’emporter, à prévaloir dans la défense du Canada. En d’autres termes, la défense bien conçue est nécessairement égocentrique, elle n’est pas altruiste. En deuxième lieu, il importe de bien comprendre que la défense du Canada implique tous les Canadiens, ainsi que tous les niveaux de gouvernement et tous les éléments de la puissance nationale canadienne, et pas seulement les Forces armées canadiennes. Il s’agit bel et bien d’une entreprise engageant le Canada tout entier. En troisième lieu, la politique de défense ne doit pas être confondue avec la politique étrangère, et elle ne doit pas essayer d’empiéter sur l’action de cette dernière ni de s’y substituer. Le dialogue portant sur la défense doit nécessairement traiter de la défense concrète de notre pays, sans se laisser obnubiler par l’aspiration à édifier un monde meilleur pour l’ensemble de l’humanité. Enfin, le gouvernement doit vaincre sa frilosité à l’égard des dépenses impressionnantes qu’exige la défense. En effet, une défense efficace coûte cher, elle a toujours coûté cher et elle continuera de coûter cher. Le moment est venu d’accepter, avec maturité, la nécessité d’une mise à l’échelle ambitieuse des Forces armées canadiennes. Gardons ces conditions à l’esprit et passons à l’étape suivante, à savoir définir la problématique de défense du Canada. L’équation de défense Combien de fois avons-nous entendu psalmodier sous des formes diverses, le mantra : « Pour un gouvernement, aucune fonction ou obligation ne peut être plus importante que celle d'assurer la protection et la sécurité de ses citoyens ».3 Et de fait, les déclarations récentes en matière de politique de défense ont accordé la primauté à la défense du Canada. Toutefois, l’attention ainsi que les dépenses restent focalisées sur les actions entreprises à l’étranger.4 Cela dit, soutenir mordicus la notion de défense totale de l’intégrité du territoire national risque de ne pas être aussi simple. Compte tenu de l’interdépendance poussée entre notre pays et les États-Unis, on peut soutenir que la défense du Canada est inséparable de la défense de l’Amérique du Nord, en coopération avec les États-Unis. On a du mal à imaginer un scénario réaliste dans lequel une menace dirigée contre le Canada ne mettrait pas en cause le continent tout entier. De plus, on s’est à présent accoutumé à évoquer, outre la défense du Canada et du continent, un troisième « pilier » de la politique de défense, à savoir la contribution à la paix et à la sécurité internationales. Afin de mieux exprimer la corrélation de ce concept avec celui de l’activité de défense, on pour- rait rebaptiser ce troisième pilier « défense du Canada et de ses intérêts à l’étranger, en fonction des exigences ». CDA INSTITUTE | VIMY PAPER
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