Nouvelle résidence pour étudiants par Kengo Kuma Democracy at Risk
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La Revue de l’Institut | The Graduate Institute Review #20 Automne | Autumn 2017 GLOBE L’INSTIT U T Nouvelle résidence pour étudiants par Kengo Kuma DOSSIER Democracy at Risk
La Revue de l’Institut | The Graduate Institute Review #20 Automne | Autumn 2017 ÉDITORIAL 3 Bienvenue à nos étudiants – Philippe Burrin L’INSTITUT 4 Une nouvelle résidence pour étudiants sur un projet de l’architecte Kengo Kuma 6 L’Université de Genève et l’Institut créent un double master en santé 7 Les programmes d’été fêtent leurs dix ans – Entretien avec Jasmine Champenois 8 L’Institut étend son réseau international ACTUALITÉ 9 Islam and the Question of Violence – Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou LES PROGRAMMES ASSOCIÉS 10 La recherche au service de la paix – Entretien avec Thania Paffenholz DOSSIER – Democracy at Risk 14 Democracy at the Crossroads – Dominic Eggel 16 Russia: Haunting Western Democratic Imagination – Ivan Krastev 18 The United States and the Trajectory of Democracy – David Sylvan 20 Turquie : le virage autoritaire d’Erdoğan – Jean-François Bayart 22 Orbán’s Lawfare against Liberal Democracy in Hungary – Shalini Randeria 24 Reinventing Authoritarianism in the Middle East – Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou 26 Uganda: Managing Democracy through Institutionalised Uncertainty – Rebecca Tapscott 28 Post-Truth Populism in Venezuela – Rafael Sánchez LES INVITÉS 30 Joseph Nye, Nikki Haley, Tedros Adhanom Ghebreyesus, David Nabarro, Sania Nishtar, Jens Stoltenberg LES PROFESSEURS 32 Allier l’action à la réflexion – Entretien avec Gilles Carbonnier 34 Nouveaux professeurs : Cyrus Schayegh, Anna Leander 35 Adopting a Pedagogy of Active Learning – Elisabeth Prügl 36 Researching “Bombs, Banks and Sanctions”– Grégoire Mallard 37 Professor Vincent Chetail Launches the Migrants’ Rights Law Clinic LES ÉTUDIANTS 38 Building Bridges between Asylum Seekers and Other Residents 39 A Letter of Motivation – McPherlain Chungu LES ALUMNI 40 Souvenirs de mes études à Genève – Yan Lan 41 Sharing the Institute’s Values – Interview with Ting Fang LES TÉMOIGNAGES 42 My Swiss Life as a “Rigotnomist” – Yi Huang 43 Mes trente-deux années à l’Institut – Marielle Schneider LA RECHERCHE 44 Les revues de l’Institut 46 Nouvelles publications
JOURNÉE PORTES OUVERTES À L’INSTITUT à l’occasion de la réunion annuelle des alumni > Maison de la paix, chemin Eugène-Rigot 2, 1202 Genève Vendredi 3 novembre 2017 18:30 – 20:00 Table ronde WHAT FUTURE FOR THE UN? Samedi 4 novembre 2017 13:00 Visite du Campus de la paix Stands des initiatives d’étudiants de l’Institut 14:00 – 15:15 Table ronde L’UNION EUROPÉENNE ET LA CRISE DES RÉFUGIÉS : ENTRE RHÉTORIQUE ET RÉALITÉ 15:30 – 16:45 Table ronde L’AFRIQUE : LES DÉFIS DE 2050 17:00 – 18:15 Table ronde NORTH KOREA: A CHALLENGE TO GLOBAL SECURITY? Inscriptions : > http://graduateinstitute.ch/portes-ouvertes-2017 Le programme complet destiné aux alumni se trouve sur le site : > http://graduateinstitute.ch/alumni2017
ÉDITORIAL Bienvenue à nos étudiants Philippe Burrin Directeur de l’Institut D ans tout établissement d’enseignement, la rentrée d’automne est un moment de grande animation. Les nouveaux étudiants font connaissance avec les lieux, de dispenses d’écolage, une aide pour un montant de 5,2 millions de francs, la différence provenant des revenus de la Maison des étudiants Edgar et Danièle de Picciotto, les enseignants, l’administration ; chacun et bientôt de la nouvelle résidence dessinée par Kengo s’emploie à jeter les bases d’une relation qui Kuma (voir p. 4), ainsi que de dons philanthropiques. De sera souvent durable. Pour une institution son côté, la communauté de l’Institut se mobilise une fois comme la nôtre, c’est aussi un grand moment par an pour recueillir le montant nécessaire à une bourse de satisfaction. Car c’est le monde qui vient à complète, dans un geste de solidarité remarquable. nous. Si une proportion substantielle de nos étudiants sont Européens, un quart d’entre eux Nous faisons beaucoup, nous devons faire plus. Il en proviennent de l’Amérique du Nord et du Sud, va de notre avenir comme institution qui souhaite préparer un quart de l’Asie, et un peu moins de 10 % de des jeunes gens à affronter le monde de demain. Il en va l’Afrique – ce qui est bien insuffisant. du rôle de Genève et de la Suisse dans le champ de la coopération mondiale, dont le besoin se fait toujours Dans un monde européen et nord-atlantique tenté par davantage sentir. Nous comptons sur nos anciens le repli et la fermeture, nous formons une communauté étudiants, sur nos amis, sur tous ceux qui ont à cœur la cosmopolite, et nous en sommes fiers. Cette communauté formation d’acteurs internationaux indispensables dans un est à l’image de la planète, une dans sa diversité, parta- monde plein de défis et de menaces. geant les mêmes défis. Notre défi à nous est d’attirer davantage d’excellents étudiants de partout, en particulier d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, là où se trouvent les réservoirs démographiques de l’humanité. Pour ce faire, l’aide financière est essentielle. Au cours de la dernière décennie, nous avons fait de grands efforts et multiplié par dix notre soutien. L’an passé, alors que les écolages rapportaient 3,4 millions de francs, nous avons apporté à nos étudiants, sous forme de bourses complètes (18 000 francs par an) ou partielles et 3
L’INSTITUT Une nouvelle résidence pour étudiants sur un projet de l’architecte Kengo Kuma L ’Institut entreprend la construction d’une résidence pour étudiants qui lui permettra d’ajouter 700 lits aux 250 lits de la Maison des étudiants Edgar et Danièle de formée par deux corps de bâtiment reliés par une passe- relle. Vers l’extérieur, la résidence projette une image tout aussi spectaculaire par de grandes ouvertures regroupant Picciotto. Il participe, ce faisant, à la création d’un nouveau sur plusieurs étages les cuisines communes superposées. quartier au sommet de la route de Ferney qui comprendra Le projet de Kengo Kuma propose, en outre, des toitures le siège de Médecins sans frontières et des logements pour libres avec une création intéressante d’espaces ouverts et fonctionnaires internationaux. Avec son mixte de loge- accessibles ainsi qu’une réflexion élaborée en matière de ments, de bureaux, de commerces et d’espaces arborisés à protection solaire et de consommation d’énergie. côté d’un arrêt du futur tramway allant à Ferney-Voltaire, ce La réalisation de la nouvelle résidence a une impor- quartier sera tout entier ouvert sur l’international. tance toute particulière pour l’Institut. Venant s’ajouter à Le terrain de la résidence a une superficie de 10 000 la Maison de la paix et à la Maison des étudiants Edgar et mètres carrés et possède un magnifique dégagement sur Danièle de Picciotto, elle marquera l’aboutissement du le lac Léman et le Mont-Blanc. La construction est rendue Campus de la paix, qui ira du parc Mon-Repos aux possible grâce au soutien extrêmement généreux d’une hauteurs du Grand-Saconnex et dotera l’Institut d’une fondation privée genevoise. Son apport comprend le infrastructure dont peu d’établissements universitaires terrain, sur lequel l’Institut aura un droit de superficie bénéficient actuellement. Elle produira des revenus qui lui gratuit de 99 ans, ainsi que les fonds propres nécessaires permettront de poursuivre son essor en dépit des limita- à l’obtention d’un financement bancaire. Un concours d’ar- tions des finances publiques et d’accomplir sa vocation chitectes a eu lieu durant l’été auquel une trentaine de d’établissement postgrade formant des acteurs internatio- bureaux du monde entier ont été invités à participer. Sur naux de haut niveau. Et surtout, en facilitant à d’excellents les 25 dossiers reçus, tous de qualité, le jury en a retenu 6 étudiants du monde entier leur séjour à Genève, elle favo- qui provenaient des bureaux suivants : Kengo Kuma (Tokyo risera en retour le recrutement d’excellents professeurs, et Paris), Kéré Architecture (Berlin), Miralles Tagliabue ce qui renforcera la densité et la qualité de l’offre d’édu- (Barcelone), Pictet Architecte (Genève), Schmidt Hammer cation disponible dans une région lémanique en plein Lassen (Copenhague) et Zaha Hadid Architects (Londres). dynamisme. Après audition des concurrents, le jury a retenu le Ce projet s’inscrit dans la stratégie de l’Institut de projet de Kengo Kuma qui a séduit par sa force, sa sobriété constituer une fortune immobilière dont les revenus et son élégance. Il présente un concept très original de viennent compléter la subvention publique et lui donnent résidence qui invite ses habitants à la circulation, à la les moyens de poursuivre son essor. Avant tout, il lui rencontre et à l’échange grâce à une promenade qui permet d’offrir un lit à tous ses étudiants et d’attirer ainsi monte le long de la façade autour de la cour intérieure des jeunes gens doués du monde entier. 4
Présent à Tokyo et Paris, professeur à la Graduate School of Architecture de l’Université de Tokyo, Kengo Kuma a acquis une réputation mondiale par des œuvres marquées par la réinterprétation de la tradition japonaise et qui se reconnaissent notamment par l’effort d’intégrer la nature dans la ville. En Europe, il a réalisé le Conservatoire de musique et de danse d’Aix-en-Provence et l’immeuble « Under One Roof » de l’EPFL. Il a été choisi pour construire le principal stade des Jeux olympiques d’été qui se tiendront à Tokyo en 2020. Kengo Kuma et son associé, Javier Villar Ruiz. 5
L’INSTITUT L’Université de Genève et l’Institut créent un double master en santé Philippe Burrin (à gauche) et Yves Flückiger. L e Global Studies Institute (GSI) de l’Université de Genève et l’Institut proposent désormais un double master dans le domaine de la santé. Ce programme s’inscrit dans une perspective plus large, comme l’indique Yves Flückiger, recteur de l’Univer- sité de Genève : « Avec la présence de l’OMS, de toute une Olivier VOGELSANG/ Ce programme s’adresse à des étudiants inscrits au série d’organisations non gouvernementales et du Campus Tribune de Genève master en affaires internationales ou en études du déve- Biotech, nous avons les moyens de densifier notre apport loppement de l’Institut et aux étudiants inscrits au master à la Genève internationale. Sur le thème de la santé, en santé globale du GSI. Il leur propose de combiner leurs Genève peut s’affirmer stratégiquement dans un domaine études avec un master de l’autre institution et de devenir porteur. » des spécialistes de la santé globale tout en acquérant une Philippe Burrin, directeur de l’Institut, précise que « ce compréhension élargie des affaires internationales ou des programme doit être vu comme une contribution au déve- questions de développement. Les candidats retenus pour- loppement en Suisse romande d’une “Health Valley”, ront ainsi obtenir deux diplômes de master en trois ans au analogue à la Silicon Valley, qui s’appuiera sur les compé- lieu de quatre. Deux étudiants de l’Institut et deux tences des universités, des organisations internationales étudiants du GSI inaugurent le programme dès cette et du secteur privé ». rentrée académique. Depuis de nombreuses années, l’Institut propose déjà « L’idée est de former les professionnels de la santé un LLM en santé globale en partenariat avec l’Université aux besoins de demain », indique le professeur Antoine de Georgetown, à Washington. Flahault, responsable du master en santé globale du GSI. « L’étude et la pratique de la santé globale deviennent de plus en plus complexes et interdisciplinaires. La connais- sance d’un certain nombre de disciplines en lien avec la santé globale telles que l’épidémiologie, l’économie de la santé, la gouvernance, la diplomatie, le droit et l’anthro- pologie est essentielle pour naviguer avec autorité et confiance dans ce domaine », complète Gian Luca Burci, professeur associé de droit international à l’Institut et ancien conseiller juridique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 6
L’INSTITUT Les programmes d’été fêtent leurs dix ans Entretien avec Jasmine Champenois, responsable des projets stratégiques et de l’innovation Pourquoi les programmes d’été ont-ils été Quel est le profil des étudiants et pourquoi créés ? viennent-ils ? L’objectif était de permettre à des étudiants en cours Les étudiants représentent plus de cent nationalités de bachelor ou de master en sciences sociales de se fami- différentes. Près de la moitié d’entre eux poursuivent un liariser avec les études internatio- bachelor en sciences sociales et se montrent aussi intéres- nales et le monde des organisa- sés par nos programmes postgrades : presque 20 % tions internationales et non postulent à l’un des programmes de master de l’Institut gouvernementales à Genève, à par la suite. Les programmes d’été accueillent également travers un programme d’enseigne- des étudiants de master ou de doctorat et des jeunes ment intensif durant l’été. En dix professionnels venus découvrir pour les uns (étudiants en ans, plus de mille étudiants du médecine ou ingénieurs par exemple) les disciplines des monde entier ont participé aux études internationales et du développement et pour les programmes d’été et d’hiver et autres (personnels des milieux juridiques ou financiers, obtenu des crédits reconnus. fonctionnaires internationaux, diplomates fraîchement nommés) le fonctionnement des organisations internatio- Jasmine Champenois. nales à Genève. Que font les programmes pour mettre en Comment l’Institut se situe-t-il dans ce valeur la Genève internationale ? domaine par rapport aux autres universités ? Les programmes traitent de sujets importants de la Nombreuses sont les universités qui proposent des Genève internationale, tels l’humanitaire, les droits de écoles d’été. L’offre de l’Institut se distingue car elle l’homme, le commerce international, les migrations et la mélange à la fois des enseignements académiques d’ex- santé globale. Ils permettent aux participants de rencon- cellence, des ateliers interactifs avec des praticiens, ainsi trer des praticiens d’organisations comme les Nations que des visites des organisations basées à Genève. Les Unies, l’Organisation mondiale du commerce, l’Organisa- participants disent que cette expérience leur ouvre les tion mondiale de la santé, le Haut Commissariat pour les yeux sur les opportunités qu’ils pourront saisir dans leurs réfugiés ou encore le Comité international de la Croix- projets de carrière internationale. Ils sont nombreux à Rouge. Des débats menés en petits groupes offrent aux rester en contact avec l’Institut pour la suite de leur étudiants l’opportunité de dialoguer avec des profession- parcours académique. nels de terrain. Les étudiants bénéficient également d’un Dans les prochaines éditions, nous allons justement programme culturel et de sorties qui leur permet de développer les ateliers de conseil en orientation et les découvrir Genève et la Suisse et de créer des liens compétences entrepreneuriales pour contribuer au déve- durables entre eux. loppement de ces jeunes participants très motivés. 7
L’INSTITUT L’Institut étend son réseau international ALLEMAGNE SUISSE KAZAKHSTAN FRANCE CORÉE DU SUD ITALIE TURQUIE USA JAPON CHINE ÉGYPTE INDE MEXIQUE SÉNÉGAL COLOMBIE GHANA MALAISIE SINGAPOUR INDONÉSIE PÉROU BRÉSIL AFRIQUE DU SUD AUSTRALIE D ésireux de développer ses échanges avec d’autres institutions universitaires, l’Institut a signé trois nouveaux partenariats académiques qui entrent en relations internationales, quatre étudiants au maximum pourront être admis à l’Institut pour effectuer les deux années d’un master interdisciplinaire (master en affaires vigueur, pour la plupart, dès cette rentrée académique. internationales ou en études du développement). Cette Un accord avec l’Université Northwestern à Chicago initiative s’appuie sur un accord qui permet déjà aux porte sur un échange au niveau du doctorat. Chaque étudiants de master de l’Institut de passer un semestre à année, deux étudiants de doctorat de certains départe- PUC-Rio et vice-versa. ments de l’Institut (anthropologie et sociologie, histoire Enfin, l’Institut étend son réseau au Japon en signant internationale, relations internationales/science politique) un accord avec une deuxième université nippone. Deux pourront faire un séjour de trois mois à une année acadé- étudiants de master ou de doctorat de l’Institut pourront mique à l’Université Northwestern. Selon Grégoire passer un semestre à l’Université Sophia à Tokyo et vice- Mallard, professeur adjoint d’anthropologie et sociologie, versa. Fondée en 1913, cette université privée fait partie celle-ci est « l’une des plus prestigieuses universités pour des institutions académiques japonaises les plus illustres. ses activités de recherche. Les étudiants de l’Institut pour- Avec 206 accords d’échange dans 42 pays, l’Université ront interagir avec ses professeurs, réputés pour l’origina- Sophia accueille chaque année plus de 1500 étudiants lité de leur approche et leur aptitude à sortir des limites de internationaux. L’Institut compte déjà un partenaire de leur discipline. » En retour, deux étudiants de l’Université longue date au Japon, la Graduate School of Asia-Pacific Northwestern pourront venir étudier à l’Institut. Studies de l’Université Waseda à Tokyo, une autre univer- Un autre accord a été signé avec l’Université pontifi- sité privée de renom. cale catholique de Rio de Janeiro (PUC-Rio), qui permettra Grâce à cette politique, l’Institut renforce sa présence aux étudiants d’obtenir un diplôme de master des deux dans le monde et enrichit sa communauté d’étudiants qui institutions en trois années au lieu de quatre. Après avoir compte déjà plus de 100 nationalités. fait une première année à PUC-Rio dans le master en 8
ACTUALITÉ Islam and the Question of Violence Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou Professor of International History led to the problematic normalisation and the tacit accept- ance of what is in effect a misleading and ahistorical short- cut that must be registered. Islam is no more a violent reli- gion than Christianity or Judaism, or other faiths for that matter, are. It features violence today because many Muslim countries (in Nigeria, Iraq, Syria, Afghanistan) are going through unresolved postcolonial state-building processes involving political and communal competition between dif- ferent groups. Colonialism, which was often led by Western missionaries, was, in that respect, a political project, not a FRANCE, Paris. People gather at Bastille Square T he surge of radical Islamist attacks has brought to the fore the question of Islam and violence. As terrorist attacks performed by extremists claiming an Islamic herit- Christian one. Seeking religious explanations for political or social violence – even when it instrumentalises religion – is reductionist and, in this case, exceptionalises violence during a rally organised by the age multiplied across the globe, and as armed conflicts otherwise present in variegated forms throughout the his- Coalition against featuring such association played out in a number of coun- tory of most religions. Going beyond facile explanations, Racism and tries in the Middle East and in Africa notably, interrogations we can see that the terrorism wave of the 2010s is funda- Islamophobia. 14 March 2015. increased as to the reasons for the vicinity of violence with mentally linked to those unresolved conflicts in the Middle NurPhoto/Michael the religion of Islam. In spite of the widespread condemna- East, just as the terrorism wave of the 1970s was for instance BUNEL tions of the violence by the vast majority of Muslims (approx- the product of societal tensions in Western Europe. Beyond imately 1.9 billion individuals in 50 Muslim-majority Islam itself, religion is making a comeback in international countries), many of whom launched initiatives explicitly affairs and it is this resurgence that must be contextual- denouncing the assaults (such as #NotinMyName), the ised, but without double standards. question nonetheless lingered whether Islam did not in fact encourage violence. The explicit or implicit presence of this Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou’s new book, perceived association led in time to the spectacular rise of A Theory of ISIS: Political Violence and the Global Order, Islamophobia in the United States and in Europe and the is out in November 2017 from Pluto Press (UK) adoption of unprecedented discriminatory Islam-specific (distributed in the USA by the University of Chicago official regulation as in the case of the so-called Muslim Press). Ban introduced by the Donald Trump administration in January 2017 – as well as ethnic cleansing actions against Muslims in Myanmar and in the Central African Republic. The persistence of such a stance towards Islam amongst widening media, policy and societal sectors, and the absence of genuine political will to counter it beyond rhetorical pro- nouncements (both in the North and in the South), have 9
LES PROGRAMMES ASSOCIÉS La recherche au service de la paix Entretien avec Thania Paffenholz, directrice de l’International Peace and Transition Initiative L’Inclusive Peace and Transition Initiative Comment aidez-vous vos partenaires à (IPTI), un programme associé de l’Institut, accomplir cette transition vers la paix ? a été créée en 2015. Que faites-vous ? Nous travaillons autour de quatre axes, à commencer L’IPTI est spécialisée dans l’étude des processus de paix par le soutien aux processus de paix et de transition poli- et de transition politique. Plus particulièrement, nous analy- tique. Dans ce cadre, nous conseillons des parties au sons l’inclusion de différents acteurs dans la résolution des conflit, des groupes de la société ainsi que des acteurs conflits et des crises politiques. Notre recherche se fonde engagés dans des négociations en tant que garants ou sur la plus vaste base de données médiateurs. La plupart de ce travail est confidentiel. En qualitatives dans le domaine, déve- Colombie, nous avons à la fois conseillé le gouvernement loppée depuis 2011 à l’Institut : plus sur l’organisation de consultations publiques lors du de 40 études de cas de processus de processus de paix avec les FARC (Forces armées révolu- paix, de réforme politique et de tionnaires), travaillé avec l’Ambassade de Suisse à Bogota rédaction de constitution, s’ap- et conseillé l’Église catholique colombienne sur la mise en puyant sur des entretiens avec des œuvre de son programme pour la paix. En Syrie, au Yémen centaines d’experts. et en Libye, nous avons fourni des conseils sur l’organisa- Cette recherche, nous l’utili- tion des négociations en collaboration avec les bureaux sons pour conseiller des gouverne- des envoyés spéciaux des Nations Unies. ments, des groupes armés, des La recherche est notre deuxième axe de travail. Nous Thania Paffenholz. organisations internationales, des développons constamment notre base de données et groupes de la société civile ou menons des projets de recherche pluriannuels visant à enri- encore des équipes de médiation. chir l’état actuel des connaissances sur les processus de Dès le départ, notre démarche a reposé sur la conviction paix. Nous offrons également un service d’assistance de que la recherche doit guider l’action politique et que les recherche, un helpdesk, aux gouvernements et institutions chercheurs ont la responsabilité d’établir des ponts avec ayant besoin d’obtenir rapidement des informations scienti- les sphères décisionnelles. fiques sur un processus de paix ; nous avons ainsi réalisé une 10
AFGHANISTAN. étude pour un partenaire étatique lors du dernier cycle de en ligne et de formations. Nous construisons en outre un Activistes de la négociations avec les FARC. Enfin, nous sommes engagés portail interactif contenant les témoignages de différents société civile. US Institute of dans des collaborations de recherche avec certaines orga- acteurs impliqués dans des négociations de paix. Peace nisations internationales. Nous menons ainsi pour la Banque mondiale une analyse du lien entre l’inclusion et la préven- Comment voyez-vous le développement de tion de conflits violents. De même, nous produisons sur la l’IPTI dans les prochaines années ? demande du Département des affaires politiques des L’IPTI de demain continuera d’étudier la paix sous de Nations Unies un rapport sur les « dialogues nationaux », un nouveaux angles, de penser des solutions aux conflits hors type de négociation particulièrement inclusif. des sentiers battus et d’établir des ponts entre la Le troisième axe de travail consiste à aider la commu- recherche et la politique. J’espère voir l’initiative grandir nauté internationale à atteindre des objectifs tels que ceux encore davantage en taille et en ambition. du développement durable. Dans le cadre des Nations Nos priorités sont les suivantes : élargir notre base de Unies, nous contribuons à des examens officiels de poli- données et trouver des moyens innovants de collecter des tiques internationales ainsi qu’à certains débats de l’As- informations au niveau local ; continuer de soutenir active- semblée générale. Bien que cela ne représente qu’une ment les processus de paix internationaux et se donner les dimension de notre recherche, nous avons été très sollici- moyens d’être plus proactifs à ce niveau ; consolider la tés au sujet du rôle des femmes sur la scène internatio- réputation de l’IPTI en tant qu’institution de référence en nale : nous avons participé à l’examen de la mise en œuvre matière de recherche et de conseil sur les processus de de la résolution 1325 de l’ONU sur les femmes, la paix et paix ; sécuriser de nouveaux financements qui nous offrent la sécurité, nous aidons le gouvernement suédois à mettre une vraie stabilité institutionnelle ; et renforcer encore en place sa politique étrangère féministe, et nous accom- davantage notre collaboration avec l’Institut et la Maison pagnons de nombreux groupes de femmes dans leurs de la paix. missions de construction de la paix. Notre dernier axe est le partage des connaissances > www.inclusivepeace.org avec le public, au travers d’événements, de publications 11
Dossier produced in collaboration with the Albert Hischman Centre on Democracy and based on Global Challenges (no. 2, 2017), The Graduate Institute’s series of research dossiers. > http://globalchallenges.ch 12 Combo showing people from around the world posing for AFP photographers. 28 October 2011. AFP/Getty Images
DOSSIER DEMOCRACY AT RISK 13
DEMOCRACY AT RISK DEMOCRACY AT THE CROSSROADS Dominic Eggel Research Office MEXICO, Mexico City. A woman walks by as police officers I n what has been described as a “decade of decline” (2006–2016) for liberal democracy, freedom has been Deep disenchantment with democracy is sweeping Eastern and Central Europe as Hungary and Poland dismantle con- According to Zakaria, what is funda- mentally at stake is not democracy but liberalism. Since liberal democracy for stand guard during a farmers’ march in continuously eroding all over the world. stitutional rights and civil liberties. many has come to stand for democracy Mexico City. More than 20 years after Francis Populist leaders in Western Europe are tout court, it is now seriously challenged 8 August 2017. Fukuyama’s triumphant celebration of calling for similar measures. by the new phenomenon of illiberal Bernardo MONTOYA/ AFP/Getty Images the “end of history”, it seems that Despite such alarming signs, how- democracies on the ascendency. liberalism, both economic (free trade) ever, democracy remains perhaps the Illiberal democracies are best char- and political (pluralism, civil liberties, most successful political idea in modern acterised as regimes elected by a pop- constitutional safeguards), is in serious history. In 2015, it was the most wide- ular majority but striving to undermine crisis. In 2015, Turkey ranked last among spread form of government in the world, constitutional safeguards, the rule of electoral democracies in Freedom with largely “free and fair” electoral law, and civil liberties. Adopting a win- House’s index. The Arab Spring has processes in place in 125 countries. Even ner-takes-it-all approach (volonté given way to widespread disillusion and liberal democracy’s detractors such as générale), they discriminate against violence. In Latin America, several Recep Tayyip Erdoğan, Narenda Modi, ethnic, religious and/or sexual minor- democracies have regressed on the Viktor Orbán, Vladimir Putin, Rodrigo ities in the name of the majority. They slippery slope towards cronyism (Brazil) Duterte, Beata Szydlo and Donald Trump tend to concentrate power in the exec- and authoritarianism (Venezuela, have all been elected by majorities and utive in a process of constitutional Bolivia). Asian democracies are facing praise their own democratic credentials. re-engineering that co-opts or corrodes trouble too, as illustrated by a regain in Outright autocratic regimes such as the judiciary (Hungary, Poland), the nationalist rhetoric (Japan), endemic China, Cuba and North Korea call them- legislative (Venezuela), or both (Russia). corruption (South Korea) and outright selves democracies too. They weaken civil society by reverting illiberalism (the Philippines). We thus face a paradox: while elec- to a set of “authoritarian best prac- What is equally a cause for con- toral democracy continues to be tices” including media censorship and cern is that democracy is on the defen- acclaimed everywhere, a series of indi- state propaganda. They mobilise sive in its Western heartland. The cators measuring political and civic free- resentment and anxieties by construct- Economist’s Democracy Index in 2016 dom show it to be in deep trouble. The ing enemies, both external (migrants, downgraded the United States, the key to this paradox may well reside in the European Union) and internal beacon of democracy for much of the the notion of “illiberal democracy”, first (NGOs, human rights activists). Political modern era, to a “flawed democracy”. coined by Fareed Zakaria in 1997. opponents are intimidated, publicly 14
vilified (“lock-her-upism”) or subjected legitimisation (referenda, plebiscites), social media revolution, coupled with to repression by the arbitrary applica- while striving to maintain an illusion of postmodern epistemic uncertainty, has tion of purposefully vague laws – often pluralism. ushered a new era of “post-truth poli- antiterrorism legislation. The final step A number of potential causes may tics” with little space for rational dia- in consolidating illiberal democracies be identified behind the recent surge logue. Fourth, as the United States retreats from its traditional role of global harbinger of democracy, rivals like China and Russia have been quick to put forth “While electoral alternative models deemed more com- petitive, or morally righteous. Fifth, and democracy continues finally, since its emergence in the Age of Enlightenment, liberalism (freedom) to be acclaimed has entertained a complex and ten- sion-riddled relationship with democ- everywhere, a series of racy (equality). Liberal democracy, as the 20th century has shown, is an utterly indicators measuring fragile construct. The question remains how illiberal political and civic democracies are likely to evolve in the 21st century. Will they stabilise and freedom show it to be become a permanent fixture of geopol- itics? Or, on the contrary, will liberal in deep trouble.” democracy prove resilient and keep the upper hand? To answer these questions, the consists in emasculating the electoral of illiberal democracies. First, younger present dossier investigates seven case process: not by rigging elections – generations show signs of historical studies from around the world, starting which usually remain free and fair – amnesia as they are no longer cognisant from the premise that illiberal democ- but by loading the dice long in advance. of the totalitarian horrors of the 20th racy is best represented on a continuum In marked contrast to more full- century. Second, a generalised senti- ranging from first worrying signs as in blown authoritarian regimes, however, ment of insecurity and occupational Trump’s America to more advanced illiberal democracies do not yearn for angst in a fast-changing world has authoritarian regimes as in Putin’s the total control of society. Selectively estranged people from the political Russia – with many shades and nuances repressive, they seek regular popular elites in their own societies. Third, the in between. 15
DEMOCRACY AT RISK RUSSIA: HAUNTING WESTERN DEMOCRATIC IMAGINATION Ivan Krastev Visiting Lecturer Permanent Fellow at the Institute for Human Sciences, Vienna Chairman of the Centre for Liberal Strategies, Sofia I f a Martian were sent to earth with the secret mission to figure out the trends of world politics, he would cer- The answer can be found in Dostoevsky’s novel The Double, the story of a low-level clerk who ends up from the past, now it looks like an ambassador coming from the future. Russia is a classic example of a tainly be puzzled by the outsized role in the madhouse after meeting his dou- non-democracy functioning inside the that Putin’s Russia plays in the 21st ble, a man who looks like him, talks like institutional framework of democracy. century imagination of the West. him, but who displays all the charm It is a regime in which periodic pseu- Almost half of the Americans tend to and self-confidence that the tortured do-competitive elections are instru- believe that Moscow rigged the 2016 protagonist profoundly lacks. When it ments for dis-empowering, not empow- US presidential election; many comes to Russia, the West feels like ering, citizens and the electorate’s Europeans suspect that the Kremlin Dostoevsky’s protagonist in the pres- voice is not heard. Could it be that shapes public opinion in their countries; ence of his double. However, while in competitive elections in the West – and some of the leading Western media Dostoevsky’s novel the double looks shaped by the manipulative power of outlets insist that Russia’s President like a person that the protagonist money, disfigured by growing political Vladimir Putin is the world’s most influ- ential political leader. While in the beginning of this century Russia was viewed as a mixture of failure and banality, today in the minds of many it has mutated into the model of the world “Russia is a classic to come. Frankly speaking, neither Russia’s example of a brutal annexation of Crimea, nor its mil- itary involvement in Syria or aggressive non-democracy meddling in American elections could sufficiently explain the obsession of the functioning inside West with Russia. Russia suffers from low European-level birth rates and the institutional almost African-level life expectancy. Its population has one of the highest per- framework centages of university-educated people, but with the lowest labour productivity of democracy.” per hour worked in the industrialised world. The country is profoundly corrupt and though President Putin is a strong leader, the prospects of Russia’s devel- always wanted to be, for the West polarisation and emptied of meaning opment after him are highly uncertain. Russia has become the double the West by a lack of genuine political alterna- So why then is the Western political fears it could become. While some tives – resemble Kremlin-engineered imagination so obsessed and preoccu- years ago Russia was perceived by the elections more than we like to think? pied by Russia? Western public as a shadow coming Could it be that the global spread of 16
RUSSIA, Tuva. democracy signals not the liberation or capacity for rationally guided coop- pattern of repression and exploitation Russian President of the masses but the liberation of erative action, of increasingly frag- characteristic of most illiberal and Vladimir Putin (left), accompanied by elites from the electorate? mented state institutions worldwide. undemocratic societies in the past. defence minister Moreover, Russia provides the most Significantly, the Russian experi- Russia is a classic case of how a Sergei Shoigu, radical example of the feudalisation ence also sheds light on the global handful of very rich and politically unac- guides a boat during and the incoherence of the state in the phenomenon of “superfluous people” countable self-enriching rulers have, his vacation in the remote Tuva region age of globalisation. Inside Russia’s produced by a worldwide movement despite internal rivalries, managed to in southern Siberia. deep state, different departments or for the liberation of the rich. Russia is stay atop the country’s fragmented soci- Between 1 and 3 agencies – the ministries, the police, an impressive example of the global ety without resorting to historically high August 2017. Alexey NIKOLSKY/ the prosecutors, and so forth – may trend toward growing economic ine- levels of violence. This political model, AFP/Getty Images seem irresistibly dominant to ordinary quality in the 21st century. But at the neither democratic nor authoritarian, citizens but they spend much of their same time Putin’s Russia is, in a sense, neither exploitative in the Marxist sense time fighting each other, often over the a socialist utopia: only nature is nor repressive in the liberal sense, is an control of liquid assets, and face no exploited! Russia’s ruling class did not image of the future that should keep us real incentive to cooperate. Such a enrich itself by exploiting labour but awake at night. loose-knit and conflict-ridden state can by privatising the public patrimony, In short, what causes anxiety in the neither impose itself consistently on especially the country’s hydrocarbon liberal West is not that Russia will run society nor respond intelligently to industry. Ordinary Russians do not even the world, but that much of the world social pressures and demands. What seem to them to be worth exploiting. will be run the way Russia is run today. disturbs Western observers is that Rather than trying to dominate or con- What is disturbing is that the West has while reasons for the growing incoher- trol their fellow citizens, the privileged started to resemble Putin’s Russia more ence of Western states do not neces- few have simply turned their backs on than we are ready to acknowledge. sarily resemble the factors shaping the them. This strikingly new Russian pat- Russian case, the trend is similar. The tern of spoliation and neglect tells us loss of a shared national purpose rad- much more about what is going wrong ically undermines the interoperability, in the West today than does the older 17
DEMOCRACY AT RISK THE UNITED STATES AND THE TRAJECTORY OF DEMOCRACY David Sylvan Professor of International Relations/Political Science A lmost 200 years ago, Alexis de Tocqueville published De la démocratie en Amérique, putting the what Louis Hartz called a “new society”, one without an hereditary aristocracy, with vast fertile lands only thinly settled 20th century, other factors were added: economic and military power, language, universities, popular culture, and the intellectual seal of approval on the idea by peoples who could easily be swept sheer omnipresence of the mass media. of US-style democracy as a model for aside, and with oceans and distracted These in turn led to a sort of path other parts of the world. Tocqueville’s great powers protecting it from inva- dependence, in which elites in other analysis went far beyond formal insti- sion, was mostly elided by those who countries acquired the habit of looking tutions and laws to the normative drew inspiration from the democratic to the United States for ideas about underpinnings of participation, equal- norms they saw flourishing in the United participation and transparency, not to ity, and voluntary association. Arguably, States. Indeed, even the most scathing mention the details of certain types of it is these norms which, in spite of the political critics of the United States legislation, administrative arrangements numerous evils in American history – found themselves having at least to within organisations, the setting up of from slavery and the destruction of the quote, perhaps to finesse, or, horrors, advisory bodies, and, of course, many other facets of US society unrelated to democratic norms. The fact that many “The United States of those elites in other countries had themselves been educated in the United was a democratic States, understood English, and had grown up consuming US popular cul- inspiration also ture, further reinforced this habit. Thus, even if many US political ideas, such as because of its protest its 18th-century constitution or its insist- ence on first-past-the-post voting rules, movements.” were no longer imitated, the habit of looking to the United States, perhaps copying certain of its practices, but in any case using those practices as an argument for certain policies, remained indigenous population to plutocracy, to adopt outright, features of what they alive and well. Not even the presidency support for foreign dictators, and the imagined to be American democracy. of George W. Bush, with its hanging tyranny of the majority mentioned by From attempts at extending the fran- chads, invasion of Iraq, and heartbreak- Tocqueville himself – served as a cyno- chise through to legislation modeled on ing incompetence on Hurricane Katrina, sure for people and countries around the Freedom of Information Act, US could stamp out that habit: numerous the world. democratic norms continued to serve US expatriates can attest to being con- The normative power of US democ- as a model. gratulated by complete strangers after racy was that it was an ideal which, At first, this influence stemmed from the election of Barack Obama in 2009. somehow, had been concretised. That the obvious contrast between the US One would like to imagine that this this had occurred in the situation of experience and that of Europe. In the changed after Trump assumed the 18
ARIZONA, presidency in 2017. To some degree it because of its constitution, its relatively in other countries. As one South African Phoenix, USA. did, as elites lowered their expectations broad electorate, its legislative arrange- campaigner put it, “When the sit-ins President Donald Trump speaks at for US policy and focused instead on ments, or its free press, but also because started in the USA, I felt I was there. a “Make America short-term coordination with their of its protest movements. The story of We read the news eagerly and identi- Great Again” rally. American counterparts. But this is to Gandhi being inspired by Thoreau’s fied unconditionally with those who 22 August 2017. ignore the enormous boost that Trump’s essay on civil disobedience is well- were demanding their basic rights.” Nicholas KAMM/ AFP/Getty Images talking points, and the aides he known, but this is only the tip of the Thus, the jury is still out on whether appointed, gave to xenophobic and American iceberg. For example, trade or not the United States, under Trump, authoritarian forces around the world. union struggles (which resulted, among will become an antidemocratic model. It is no accident that European advo- other things, in the choice of 1 May as In the end, what matters is not so much cates of immigration restrictions and International Workers’ Day), antiwar what Trump does as what his fellow crackdowns on the press, the judiciary, protests, and the multiple strands of citizens do in response. and dissenting voices lauded Trump, protests for civil rights (most famously even before election night; by the same the Civil Rights Movement against racial token, there is clear mutual admiration injustices) each had a marked influence between Trump and various autocratic on analogous activities in numerous leaders. In effect, the United States is countries. The point is not that protest still a model, albeit an antidemocratic movements in the United States served one. as models elsewhere: some did, but in This, however, is not the end of the other cases, influence ran in the other story, or even of the current episode. direction. Rather, the fact that protests We would do well to recall that the did occur in the United States, in the United States was a democratic inspi- face of well-known antidemocratic bar- ration not only, or even primarily, riers, was itself significant to activists 19
DEMOCRACY AT RISK TURQUIE : LE VIRAGE AUTORITAIRE D’ERDOĞAN Jean-François Bayart Professeur et titulaire de la chaire Yves Oltramare Religion et politique dans le monde contemporain TURQUIE, Ankara. Des manifestants brandissent des S ouvent avec une joie mauvaise, constat est fait du retour de la Turquie à ses vieux démons autori- pouvoir, de plus en plus personnel, du président turc. Celui-ci, en quelques années, a brisé l’échine politique de majorité absolue des sièges, et se lança dans une périlleuse fuite en avant. Il manœuvra, au prix d’une drapeaux turcs sur la place Kizilay lors d’un taires. Et l’Europe d’éprouver un lâche l’armée, des médias, de son alliée la reprise de la guerre civile dans le rassemblement contre soulagement de se voir enfin débar- néoconfrérie de Fethullah Gülen, de la Sud-Est, pour obtenir la convocation le coup d’État manqué rassée de la venimeuse question de représentation parlementaire des de nouvelles élections, en novembre, du 15 juillet. 10 août 2016. Adem ALTAN/ son élargissement à l’Anatolie. régionalistes (ou nationalistes) kurdes, et les gagner. Après la tentative de AFP/Getty Images Car la Turquie de Recep Tayyip de l’opposition civile, libérale et écolo- coup d’État de juillet 2016, il perdit Erdoğan a rejoint le camp des « démo- gique qui s’était manifestée dans l’en- toute limite. Il se fit tailler une craties illibérales » dès lors que l’élec- semble du pays en 2013. Ahmet Insel Constitution présidentialiste à sa tion de Nicolas Sarkozy à la présidence a été le premier à parler alors de la démesure. Le Parti de la justice et du de la République française, en 2007, a « poutinisation », ou de l’« orbanisa- développement (AKP) est à sa botte. rendu illusoire toute perspective tion », de Recep Tayyip Erdoğan. La liberté de la presse a été de facto d’adhésion à l’Union européenne. Face Jusqu’aux élections législatives abolie. Les législatives de novembre à Ankara, Bruxelles n’avait plus de de juin 2015, le président Erdoğan 2015 et le référendum constitutionnel moyen : ni carotte, ni bâton. Il s’est pouvait se targuer du soutien du d’avril 2017 se sont déroulés dans un ensuivi un glissement autoritaire du corps électoral. Mais il perdit alors la climat d’intimidation policière et 20
judiciaire. Fait peut-être unique aléas de la démocratie pour confier à annihiler toute forme d’opposition depuis 1950, ils ont été entachés de la Turquie le sale travail : jadis, la lutte évoque les grandes purges qui avaient soupçons de fraude. Des purges de contre le communisme, aujourd’hui, suivi la révolte de Cheikh Saïd, en masse balayent la police, l’armée, la l’endiguement des migrants. Le PKK 1925. Son répertoire est celui du magistrature, l’université, l’ensemble n’a pas plus joué la carte libérale, nationalisme, ou plutôt du national- de la fonction publique et les partis balançant entre le recours aux armes libéralisme qui entend assurer le d’opposition. et la négociation des petits arrange- contrôle politique du néolibéralisme, Le retour de flamme autoritaire ments autoritaires avec Erdoğan. La comme en Chine ou en Russie, en est d’autant plus impressionnant que réaction des autres partis d’opposi- Hongrie ou en Pologne. Ce à quoi le bilan démocratique d’Erdoğan, les tion a été inepte et en porte-à-faux nous assistons, c’est à la résurgence cinq premières années de son exer- cice du pouvoir, n’est pas négli- geable. Aucun dirigeant turc n’était allé aussi loin dans la reconnais- sance, culturelle et politique, du fait kurde, et n’avait osé ouvrir des négo- “L’erreur serait ciations avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Aucun autre d’imputer à l’islam n’avait aussi nettement remis en cause la conception ethnoconfes- la responsabilité sionnelle de la citoyenneté. Enfin, son accession au pouvoir symbolisait une de la restauration alternance au profit des « Turcs noirs », que les « Turcs blancs » autoritaire.” laïcistes avaient marginalisés depuis les années 1920, en même temps qu’elle abrogeait l’ordre constitution- nel contraignant hérité du coup d’État militaire de 1980. avec la nouvelle Turquie, née de dix d’une situation autoritaire dont les Comment expliquer ce retourne- ans de pouvoir AKP, mais aussi de origines remontent à l’absolutisme ment ? Seuls les adeptes de la « tran- profondes transformations écono- d’Adbul Hamid II, au Comité Union et sitologie » peuvent s’en étonner. La miques et sociales. Enfin, le piège de Progrès, au parti unique de l’entre- formation de la démocratie n’a jamais la guerre d’Irak et de Syrie s’est deux-guerres, aux régimes militaires été linéaire. La thèse de l’agenda anti- refermé sur Ankara, et a dramatisé la des années 1960-1980. démocratique caché, qu’aurait de tout question kurde. Ces précédents historiques temps caressé le président, ne résiste L’erreur serait d’imputer à l’islam dénotent aussi, paradoxalement, l’en- pas à l’examen. Quelles qu’aient été la responsabilité de la restauration racinement de l’idée démocratique en ses intentions secrètes, le vrai autoritaire en Turquie. Même si Turquie. L’exercice du suffrage univer- problème est celui du rapport de force Erdoğan puise dans les ressources du sel l’a régulièrement réhabilitée. De qui s’est noué entre les tenants de conservatisme musulman pour étayer ce point de vue, les résultats du l’autoritarisme et ceux de la démocra- sa légitimité, il recourt surtout aux dernier référendum ont été sans tie. Or, l’Europe s’est gardée d’ap- vieilles recettes du régime kémaliste. appel : malgré le matraquage de la puyer les seconds, tout en versant des Son conflit avec les fethullahci montre propagande de l’AKP, le non l’a larmes de crocodile sur la lenteur des qu’il impose lui aussi la primauté de emporté dans les grandes villes qui lui « réformes ». Comme à l’époque de la l’État sur le pluralisme religieux. Son étaient jadis acquises, y compris à Guerre froide, elle préfère au fond les instrumentalisation de la tentative de Istanbul, le fief de Recep Tayyip certitudes de l’autoritarisme aux putsch et de la dissidence kurde pour Erdoğan depuis les années 1990. 21
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